Dictionnaire de théologie catholique/CANON DES LIVRES SAINTS IV. Canon du Nouveau Testament.

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.2 : CAJETAN - CISTERCIENSp. 136-142).

IV. Canon du Nouveau Testament.

L’histoire du canon du Nouveau Testament peut se dviser en trois périodes ; la première, de formation, ou de concentra i

tion des écrits apostoliques, depuis leur rédaction jusqu’à l’an 220 environ ; la deuxième, de discussion des deutérocanoniques dans certaines Églises, de 220 jusqu’à la fin du ive siècle en Occident et du v c en Orient ; la troisième, de pleine possession, depuis cette dernière époque jusqu’au concile de Trente et jusqu’à nos jours dans l’Église catholique. Comme cette dernière période ne crée pas de difficulté, nous la passerons sous silence, el nous ne traiterons même dans les deux autres que les points principaux.

/ rJ PÉRIODE, DE FORMATION ET CONCENTRATION. —

C’est la période la plus importante, car il est capital de savoir ce que l’Église à son berceau pensait du Nouveau Testament, quels livres apostoliques elle reconnaissait comme divins et comment elle les a réunis en collection canonique. C’est aussi la plus obscure, car nous manquons de renseignements directs et nous sommes réiluils à déterminer l’étendue du recueil néotestamentaire par l’emploi que les anciens écrivains, catholiques ou hérétiques, faisaient des documents apostoliques.

1° De 05 à 130. — Ni les apôtres ni leurs premiers successeurs ne fixèrent expressément le canon du Nouveau Testament. Les livres qui en font partie se supposent réciproquement et se rendent un témoignage mutuel ; mais saint Pierre seul, II Pet., iii, 16, fait allusion à une collection d’Épîtres de saint Paul, qu’il assimile aux autres Écritures. Les Pères apostoliques font des emprunts à la plupart des livres du Nouveau Testament, en citent plus ou moins exactement le texte, et une fois au moins, comme Écriture. Barnabe, Episl., iv. 14, Funk, Paires apostolici, Tuhingue, 1901, t. i, p. 48. Pour la Didachè, voir t. I, col. 1686-1687 ; pour Barnabe, col. 420-421 ; pour les Pères apostoliques en général, t. i, col. 1636-1637, et les tables de Funk, op. lit., t. i, p. 640-652. Si à ces témoignages on joint celui de Basilide, voir col. 466, et de quelques apocryphes du début du IIe siècle, on aboutit aux conclusions suivantes : En l’an 130, le canon évangélique, composé des quatre Évangiles canoniques, est constitué en fait dans toutes les Églises ; il l’a été par une tradition pratique, qui les a séparés des évangiles apocryphes et qui était fondée sans doute sur les circonstances alors connues de leur origine. Les Épitres de saint Paul sont aussi répandues partout et forment une collection qui renfermait au moins treize lettres de cet apôtre. Il n’y avait que ces deux recueils. Les autres (’ci ils apostoliques n’étaient pas groupés. Ils étaient cependant plus ou moins répandus, même l’Epître aux Hébreux qui, à Borne, élait connue comme l’œuvre de saint Paul. Quelques apocryphes avaient cours déjà, ou au moins des traditions orales qui furent plus tard consignées dans les apocryphes. Voir t. i, col. 1637-1638. Enfin des écrits, tels que FÉpître de saint Clément aux Corinthiens, le Pasteur d’Hermas, qui seront plus tard tenus en quelques lieux pour canoniques, jouissaient déjà d’un grand crédit et servaient à l’édification des

fidèles.

2 » Dr 130 à 170. — 1. La concentration des livres du Nouveau Testament se continue. Les Pères apolo3 utilisent les livres du Nouveau Testament et leur lurii île nombreux emprunts. Voir t. r, col. 1596. Les Evangiles sont groupés et saint Justin leur donne explicitement ce nom au pluriel, synonyme de celui de

> moires des apôtres » . Apol., I, (i, /’. a., t. vi,

col. 429 ; cf. E. Preuschen, Die Evangeliencitate Justins, dans Anlilegomena, Gicssen, 1901, p. 21-38, 119-133. Tatien, son disciple, les harmonise dans son Ata -enaap &v. Saint Justin cile expressément l’Apocalypse, Ihni mm Trypfi., 81, /’. (’., t. vi, cul. (17(). Il s’inspire de Épitres de saint Paul et des autres apôtres aussi bien que des Actes. Méliton de S.inles avait composé tur l’Apocalypse un livre perdu. Eusèbc, II. /.’., iv, 26, /’. G., i. xx, col. 392. Les I pitres catholiques ont peu

d’attestation. Cf. J. Delitzsch, De inspiratione Scripturse sacrm quid statuerint Paires apostolici et apologetse secundi ssecidi, Leipzig, 1872. Les hérétiques se servaient des Évangiles canoniques, et Héracléon avait écrit sur celui de saint Jean un commentaire, dont Origène, In Joa., P. G., t. xiv, a reproduit quelques fragments. Les valentiniens connaissaient les Épitres de saint Paul, même celle aux Hébreux, la première de saint Pierre et l’Apocalypse ; ils avaient beaucoup d’apocryphes. Marcion avait un Nouveau Testament, composé de deux parties : tô eùayysXiov, formé du seul Évangile de saint Luc et encore mutilé, et ô âTrôorcO.oç, comprenant dix Épitres de saint Paul parmi les treize qu’il connaissait. Il excluait formellement les Épitres à Tite et à Timothée sous prétexte qu’elles étaient adressées à des particuliers. Tertullien, Adv. Marcion., v, 21, P.L., t. il, col. 524. Sur le Nouveau Testament de Marcion, voir Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Erlangen et Leipzig, 1889, t. i, p. 585-718 ; 1891, t. il, p. 409-529. Les hérétiques du IIe siècle ont donc trouvé l’Église en possession des quatre Évangiles et de la collection des Épitres de saint Paul, et ils les ont pris à leur usage. Mais ils y ont joint des apocryphes, qu’ils mettaient sous le patronage des apôtres ou de leurs disciples immédiats. L’Église leur a opposé, non pas un canon ofliciellement fixé de ses Écritures, mais seulement sa tradition.

2. Beuss, Histoire du canon des saintes Écritures, p. 72-76, a prétendu qu’à l’époque de Marcion les Évangiles et les Épitres n’étaient pas encore regardés comme divins et inspirés, ni nettement distingués des apocryphes. Plus tard seulement, l’Église aurait placé les écrits des apôtres à l’égal de ceux des prophètes, afin de les opposer aux nouveaux prophètes des montanistes, et elle aurait opéré le triage des livres apostoliques en vue d’éliminer les apocryphes gnostiques. Ibid., p. 8897. Mais saint Théophile d’Antioche, Ad Aitlol., 1. III, c. XII, P. G., t. vi, col. 1137, n’a pas été le premier à affirmer l’inspiration des évangélistes et des apôtres comme celle des prophètes de l’ancienne alliance. Cf. I. II, c. xxii ; 1. III, c. xiv, col. 1088, 1141. Avant lui, saint Pierre, I Pet., ni, 15, 16, avait comparé les Kpîtres de saint Paul aux autres Écritures. L’auteur de l’Epitre de Barnabe, iv, 14, Funk, t. i, p. 48, avait cité un passage de saint Matthieu avec la formule : <, ’, ; Y£ypa7riai. Saint Clément de Borne, 1 Cor., xi.vn, 3, Funk, t. i, p. 160, dit aux Corinthiens que saint Paul leur a écrit une lettre Tn/sutiatixtôç, sous l’inspiration du Saint-Esprit. Si saint Ignace, Phil., viii, 2 ; ix-Smyrn. , v, 1 ; vii, 2, Funk, t. I, p. 270, 272, 278, 282, parle plutôt de l’Évangile oral et de la prédication apostolique, son témoignage cependant embrasse dans une certaine mesure l’Évangile écrit, qu’il joint à la loi de Moïse et aux prophètes. Le c. xi, 6, de l’Épître à Diognète, Funk, t. i, p. 410, s’il était authentique, prouverait que les Pères apostoliques assimilaient les évangélistes et les apôtres aux prophètes. La // Cor., ii, 4, Funk, t. I, p. 186, cite une parole des Évangiles à la suite de versets d’Isaïe et l’introduit en ces termes : xxl Itepa Se ypacp-ri XÉyet. Saint Justin se sert de la même formule : « il est écrit, » pour amener les citations dis Évangiles et celles de l’Ancien Testament, par exemple, Dial. cum Tryph., 19, P. G., t. vi, col. 584. Il regarde formellement l’Apocalypse comme une révélation divine. Ibid., 81, col. 669. La croyance à l’inspiration des livres du Nouveau Testament a donc précédé l’apparition du montanisme et il reste vrai que II glise n’a

jamais traité les écrits aposloliques connue des livres

profanes et ordinaires.

3. Sans doute, quelques-uns des premiers écrivains ecclésiastiques semblent s’être servis docrits apocryphes, encore qu’un ait beaucoup exagéré cel emploi. Ainsi, la Il Cor., v, 2-4 ; VIII, 5, xii, 2-5, luuk, t. i,

p. Iss, 190, 194, 196, cite dei ir, 1 1

l’une d’elles comme provenanl de l Évangile, parole* qui oe Be trouvent pas d ngilea canoniques. Sont elles extraites d’Évangiles apocryphes ? Pas nécessairement, puisque les deux premières paraissent empruntées à l.i tradition orale, appelée autrefois Évangile. La troisième, il est vrai, se trouvait dans l’Évangile des Égyptiens, mais avec d’autres détails. Cf. Clément d’Alexandrie, m., iii, 6, P.’-'., t. viii, col. 1149. L’emprunt pas direct et les deux documents dépendent d’une tradition plutôt que d’un écrit plus ancien. Saint Ignace, Ad Smyrn., iii, 2, Funk, t. i, p. 276, cite une parole de Ji -h-, i|ui ne se 1 i i pas dans les Évangiles canonique-, Eusèbe, II. A’., iii, 3(>, P. C, t. xx, col. 292, avoue en ignorer la provenance. Saint Jérôme, De viris, 16, P. /.., I. xxiii, col. 033, y reconnaît une citation de l’Évangile îles Hébreux ; mais Origène la reproduit partiellement comme venant de la Prédication de Pierre. De princ, protr-m., 8, P. G., t. XI, col. 119. Saint Ignace ne l’a peut-être pas empruntée à une source écrite. En tout cas, on a remarqué que c’est la seule parole de Jésus qui soit mentionnée comme telle par cet écrivain avec indication de circonstances historiques, et on s’est demandé s’il n’agit pas ainsi parce qu’elle était peu connue et étrangère aux Evangiles canoniques. Certaines ressemblances de ces écrits, Ajml.. I, 16, 61 ; Dial. cwm. Tryph., il, P. G., t. vi, col. 353, 420, 421, 561, avec la Didachè.I, 2 ; vu ; XIV, Eunk, t. I, p. 2, 16-18, 32, ont fait penser qu’il connaissait cet ouvrage et qu’il regardait son contenu comme apostolique. Tandis que les hérétiques attribuaient à dessein aux apocrv plies une origine apostolique, alin délayer sur eux leurs erreurs, on ne peut affirmer avec une pleine certitude que les écrivains ortbodoxes qui les employaient les mettaient sur le même rang que les livres du Nouveau Testament. Du reste, ces écrits apocrypbes n’étaient pas reçus dans l’usage public et officiel des Églises. I » e leur emploi par quelques Pères on ne peut donc conclure que l’Église ne possédait pas alors une collection canonique du Nouveau Testament. Cette collection existait certainement quoiqu’elle n’eût pas partout la même étendue. D’ailleurs, les divergences ne concernaient que quelques écrits apostoliques et elles provenaient non pas de la confusion de ces écrits avec les apocrypbes, mais bien de leur dilfusion moins rapide dans certains milieux chrétiens. Partout donc on recevait alors les Evangiles et les Épitres de sain ! Paul ; les autres livres du Nouveau Testament étaient isolément connus déjà, sinon partout, du moins dans diverses Eglises, et certains apocryphes n’excitaient pas encore une défiance suffisante chez quelques écrivains ortbodoxes, ou même peut-être dans quelques communautés. Cf. llarnack, Das K. T. um das Jahr 200, Fribourgen-Brisgau, 1889 ; Dogmengeschiclite, t. i, p. 337-363 ; V. Pose, Etudes sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1902, p. 1-38.

3° De 110 ii 220. — - Durant cette période, le recueil du Nouveau Testament est, de l’aveu de tous, mis sur le même rang que celui de l’Ancien, les apôtres sont assimilés aux prophètes, s. Irénée, Cont. hesr., Il, 37, 2 ; 35, 4, P. G., t. vii, col. 803, Ml ; s. Hippolyte, De Christo et Antichristo, 58, /’. G., t. x, col. 777 ; Clément d’Alexandrie, CoA. ait Grsceos, i, P. G., t. vin. col. 57. On dresse pour la première fois des listes ou catalogues des livres îles apôtres ; mais ces catalogues lie sont pas identiques et ils montrent par leur contenu que des

écrits apostoliques, reçus officiellement dan- il, s Églises, ne le sont pas encore dans d’autres. Enfin, il s’élève des doutes au sujet de livres apostoliques, sur lesquels auparavant aucune hésitation ne s’était produite. Ainsi en es) il de l’Apocalypse. Voir t. i. col. 1464 1465 Caius, opposé à l’Apocalypse, oe comptait pas l’Épltre aux Hébreux au nombre îles Épitres de saint Paul, Eusèbe,

II. K., vi. 20, P. G., t. xx, col. 573. Saint Hippolyte, son adversaire, était -nr ce point du même avis que lui. Photius, Biblioth., 121. 232, /’. G., t. ciii, col. I 1103, 1106. Le canon de Mur.it. ri. qu’on a attril’Mus, ruais qui est plutôt d’Hippohte. voir col.) mentionne les quatre Évangiles, les : lires

de s. uni Paul, l’Épltre de.Inde, les Épitres de Jean et l’Apocalypse. Il ne parle i aux

Hébreux, ni de l’Épltre de saint Jacques, ni de c de saint Pierre (au moins de la seconde. il reçoit I I calypse, bien qu’il connaisse les doutes prodl sujet. Il exclut le Pasteur d Herrnas et il condamne les apocryphes hérétiques. Preuscben, Analecla, p. 1°J’.' (Le P..1. Cbapman, L’auteur du i

dans la Revue bénédictine, juillet 1904, p. émis l’hypothèse que ce fragment était une partie du I er livre des llypotyposes de Clément d’Alexandrie, traduite en latin par un disciple de (

ment nous ferait donc connaître, non pa> le senti de l’Église romaine sur le canon du Nouveau T mais celui de l’Église d’Alexandrie. La lettre d de Vienne et de Lyon aux Eglises d’Asie (177), Eu-II. E., v, 1 4 P. G., t. xx, col. 416 sq.. contient des emprunts ou des allusions au plus grand nombre livres du Nouveau Testament. Saint Irénée, Cont. Itxr., m, 11. P. G., t. vil, col. 885 sq., n’a reçu de la tradition que quatre Évangiles et il expose le symbolisme du nombre de cet Évangile tétramorphe, seul inspiré, non sans doute en vue de prouver la canonicité (i quatre récits, canonicité qui n’avait plus besoin de preuve, mais afin de mieux affirmer la foi de l’Eglise. Il recueille cependant les traditions orales qui concernent .lésus-Cbrist. et il rapporte quelques paroles du Seigneur qui ne sont pas dans les Évangiles canoniques, i, 20 ; il, 34 ; v. 33. col. 656, 836. 1213..Mais il méprise les livres apocrypbes et les traditions suspectes. Il emploie les Actes, œuvre de saint Luc. iii, 1 1. col. 913 ; les Epitres de saint Paul, sauf celle à Philénion qu’il n’a pas eu l’occasion de citer, la I" de saint Pierre, les deux premières de saint Jean et l’Apocalypse. Il connaissait l’Épltre aux Hébreux, mais pas comme de saint Paul. Photius. Biblioth., 232, P. G., t. ciii, col. 1 104. Il n’a pas fait usage des autres Épitres apostoliques. A. Camerlynck, Sai’. Irénée et le canon du N. T., Louvain, 1896. Pour Tertullien. « l’instrum. nt évangélique » n’est formé que des quatre Evangiles canoniques, possédés par l’Eglise depu : lique. Adv. Marcion., îv. 2 ; v, ." P. L., t. ii, col. ; ’j'^. 366 ; De prsescript., 38, col. 51-02. Cet écrivain admet les Actes, treize Épitres de saint Paul, la I" de saint Jean, celle de Jude et l’Apocalypse. H cite l’Épltre aux Hébreux comme étant de saint Barnabe mais il ne semble pas admettre sa canonicité. De pud ibid., col. 1021. Clément d’Alexandrie, S Iront., m P. G., t. viii, col. 1 193, affirme que l’Évangile des ! tiens n’est pas un des quatre qui ont été transmis la tradition. Il vénère les Actes écrits par saint I comme Ecriture divine. P.nl.. II, I. ibid., col. Stroni., v. 12. /’. G., t. ix. col. 124. Il cite même l’tpiire aux Hébreux avec les autres lettres de saint Paul. 1 usèbe, II. E., vi. 14, P. G. t. xx. col. 549. nous apprend que Chinent, dans ses Ui)>< typi ses qui sont perdues. avait brièvement expliqué les deux Testament*, même hs antilégomènes tels que l’Épltre de Jude et les autres Épitres catholiques, celle de Barnabe et l’Apocalypaa attribuée a saint Pierre. Clément cite aussi beaucoup d’écrits apocryphes. Voir col. 1587. Dausch, Der n tamentliclie Sclinftcunon uud Clemens von Adrien, Fribourg-en-Brisgau, 1894 ; Kutter, Clemens Alexandrinus und das.Y. 7’., Giessen, 1898 Saint Théophile d’Antioche se servait des quatre Évai des Epitres de saint Paul, même de celle aux Hébl des deux de saint Parie et de lvpocalvpse.

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CANON DES LIVRES SAINTS

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Les écrits apostoliques formaient donc alors dans toutes les Églises une collection qui était mise sur le même rang que l’Ancien Testament ; mais l’étendue de cette collection n’était pas encore partout identique, f.es quatre Évangiles, les Actes des apôtres, treize Épitres de saint Paul, la I re de saint Pierre et peut-être les trois de saint Jean étaient reçus partout. L’Épitre aux Hébreux faisait partie du recueil des Épîtres de saint Paul à Alexandrie ; Tertullien l’attribuait à saint Barnabe. La IIe Épitre de saint Pierre était reçue à Alexandrie et probablement aussi à Antioche. La lettre de saint Jude était plus répandue et on la tenait pour un écrit apostolique à Alexandrie, à Rome et en Afrique. Celle de saint Jacques ne se trouve qu’à Alexandrie. A Rome, Caius discute l’Apocalypse, reçue partout ailleurs comme propbétie et comme œuvre de l’apôtre saint Jean. Mais à côté des livres canoniques, on trouve alors cités et employés un grand nombre d’apocrypbes, considérés comme tels, et d’autres écrits, traités en certains lieux comme Ecriture, mais plus tard délinilivement exclus du canon. Clément d’Alexandrie, en particulier, faisait un fréquent usage des apocryphes. Il connaissait les Évangiles des Égyptiens et des Hébreux, les Actes de Jean, les Traditions de Matthias, la Prédication et l’Apocalypse de Pierre. Mais il ne recevait pas ces ileux Évangiles apocryphes à l’égal des canoniques ; il ne désigne jamais comme Ecriture la Prédication de Pierre qu’il cite souvent, liien qu’il reconnaisse comme inspirée l’Apocalypse de Pierre, il accorde cependant un plus grand crédit à l’Apocalypse de Jean qui est pour lui la révélation par excellence. Il cite fréquemment le Pasteur et n’a aucun doute sur son inspiration ; il emploie aussi l’Épitre de saint Clément et appelle son auteur un apôtre ; et il analysait la 11° lettre dans ses Hypoly poses. Il s’est inspiré aussi de la Didachè. Mais i |i ment n’est pas un fidèle témoin de la tradition de l’Eglise d’Alexandrie. Sa prédilection personnelle pour les apocrv plies l’a amené à citer des écrits que son Église ne recevait pas. Celle-ci n’employait officiellement que le Pasteur, la I re Epitre de Clément, l’Épitie de Barnabe et la Didachè. Dausch, op. cit., p. 3338. L’évéque de Rome, peut-être saint Victor (189-198), qui a écrit le traité De alcatoribus, 4, P. L., t. IV, col. 830, allègue le Pasteur comme Ecriture divine et cite la Didachè au milieu de témoignages empruntés à saint Paul. S.iint Irénée, Cont. hær., iv, 20, P. G., t. vii, col. 1032, cite aussi le Pasteur comme Ecriture. Il estimait l’épître de saint Clément aux Corinthiens, mais il ne la plaçait pas avec les Écritures, iii, 3, col. 850. Tertullien, encore catholique, était favorable au Pasteur d’Hermas et ne blâmait pas ceux qui admettaient son inspiration, De orat., 16, P. L., t. I, col. 1171 ; mais devenu montaniste. il le traite d’apocryphe et affirme que l’Eglise catholique le tenait alors pour apocryphe, en vertu, semble-t-il, d’une déclaration officielle et récente. De pudicilia, 10, P. L., t. ii, col. 1000. Tertullien n’admettait pas non plus l’autorité des Actes de Paul et de Thècle. L’auteur du canon de Muratori parait, lui aussi, oppose’- au Pasteur. Il fait ressortir son origine récente et s’il permet de le lire, il déclare qu’on ne doit pas l’employer, dans les réunions publiques de la communauté, avec 1rs prophètes dont le nombre est clos, ni avec les apôtres. Il réprouve deux lettres fausnt attribuées à saint Paul. Au rapport d’Eusèbe, II. /.’., vi, 12, /’.’.., I. xx, col. 545, l’évéque d Antioche, Sérapion (vers 190-210), trouva dans la ville de Hossos l’Évangile de Pierre entre les mains des chrétiens ; croyant ceux-ci orthodoxes, il leur permit de lire cet apocryphe ; mais averti qu’ils étaient suspects d’hérésie, il le lui et le condamna a cause des erreurs qu’il reconnut. Saint Denys de Corinthe, dans une lettre au pape Soter, dit que son Kglise lit régulièrement la lettre de saint Clément et qu’elle lira désormais publiquement

la lettre qu’elle a reçue de l’Église romaine. Eusèbe, II. E., iv, 23, P. G., t. xx, col. 388. En résumé donc, les apocryphes proprement dits, qui constituent la littérature pseudo-apostolique, sont rejetés à peu près universellement. Seuls, des livres écrits par des chrétiens connus ou inconnus dans un but d’édification sont encore regardés en certains milieux comme Écriture divine et même sont lus publiquement dans quelques Églises. Toutefois, le crédit de quelques-uns, notamment du Pasteur, est déjà en décadence, et tous finiront par être définitivement exclus du canon au cours du IVe siècle. A. Hilgenfeld, Novum Testamentum extra canonem receptum, Leipzig, 1866, a édité et annoté ces livres qui ont passé longtemps pour inspirés.

L’hérésie montaniste a favorisé ce triage entre les Écritures canoniques et les apocryphes. Ses partisans ne rejetaient aucun livre de l’Ancien ou du Nouveau Testament ; mais ils y ajoutaient de nouvelles prophéties, qui devaient former le Testament du Saint-Esprit ou du Paraclet. Les catholiques furent donc amenés à leur opposer la véritable notion de la révélation chrétienne qui avait été parachevée par Jésus-Christ et les apôtres. Il en résulta pour le Nouveau Testament que tout écrit qui n’était pas garanti par l’autorité apostolique, devait être exclu du nombre des documents officiels de la révélation chrétienne. C’est ainsi que le Pasteur, si estimé au IIe siècle, fut rejeté à la fois par les montanistes et les catholiques occidentaux. La réaction antimontaniste suscita même de l’opposition aux écrits authentiques de saint Jean. Saint Irénée, Cont. hær., iii, II, P. G., t. vii, col. 890, signale des adversaires du quatrième Évangile. Saint Philastrius, Hier., 60, P. L., t. xii, col. 1171, dit que ces hérétiques l’attribuaient ainsi que l’Apocalypse à Cérinthe. Saint Epiphane, Hær., li, P. G., t. xi.i, col. 888 sq., les appelle des aloges. Voir t. i. col. 898901. Caius de Rome leur emprunte des arguments cou Ire l’Apocalypse, et il est réfuté par saint Hippoljte. Voir t. I, col. 1464-1465. Le canon du Nouveau Testament n’était donc pas encore fixé définitivement ; la discussion va même s’élever dans la suite à propos des deiltérocanoniques.

11’PÉRIODE, DISCUSSION DES DEUTÉROCANONIQUES D 1 VS

quelques églises. — 1° En Orient. — C’est en Orient que cette discussion commence au Me siècle ; elle passe en Occident et se prolonge durant tout le IVe et jusqu’au milieu du V e. Elle a pris son origine dans la comparaison des traditions diverses des Eglises. Origène, le premier, constate ces divergences et soulève des doutes au sujet des livres controversés. Il partage le Nouveau Testament en deux parties, l’Evangile ou les Évangiles et l’apôtre ou les apôtres. De pnne, iv, 16, P. G., t. xi, col. 376 ; In.1er., homil. xxi, P. G., t. xiii, col. 536. Il connaît les Evangiles apocryphes, mais il n’approuve que les quatre qui doivent être reçus. In Luc., homil. I, ibid., col. 1803. Il accepte quatorze Kpitres de saint Paul ; il sait toutefois que l’Épitre aux Hébreux est rejetée par quelques-uns comme n’étant pas de Paul. Epis t. ad Afric, 9, P. G., t. xi, col. 65 ; In Matth., comment, séries, n. 28, P. G., t. XIH, col. 1637. Plus tard, il concède que les idées seules sont de l’apôtre, mais que la rédaction est d’un de ses disciples. Il reconnaît les deux Épitres de saint Pierre ; mais la première seule est reçue universellement, et il y a doute sur la seconde. Saint Jean a écrit l’Apocahpse et trois Épitres, quoique tous n’admettent pas que les deux dernières sont de lui. Eusehe. II. / :., vi, 25, P. G., t. xx, col. 581-585. Origène cite les Épilres de saint Jude et de saint Jacques, fout en n’ignoranl pas qu’elles ne sont pas reçues par tous. In Matth., t. XVII, 30, /’.’.'., t. xiii, col. 1569 ; I" -loa., t. xix. 6 ; xx, 10, /’. G., I. iv col. 569, 572. Il croit a l’inspiration du Pasteur, lu Rom., 1. X, /’. G., t. xiv, col. 1282. L’Épltre de Barnabe est une épître « catholique » , Conl. Cclsuiu, i, 03, P. (.’., t. xi, col. 777, et ir, so

CANON DES LIVRES SAINTS

elle est citée comme Écriture avec le Pasti ur. ! > pi 11, I ; iii, I, ibid., col. 186, 380. Origène lienl écrits ponr Écritures divines ; mail il uil qu’ils sont contestés et i ! en parle comme n étanl pas reçus partout, lu Num., tit.mil. in. /’.’.'., t, Mi, col. 022 ; Tri Matth., t. iii,-il, /’. (-, t. xiii, < ; ol. 1240. Il cit.- quelques apocryphes, par exemple l’Évar ili di - Hébreux, /// Jer., homil. xv, i, ii’i’i-, col. 183, et les Actes de Paul, h> Joa., i., l-i. /’. <’-. i. mv, col. 600, mais avec restriction. A propos de la Doctrine de Pierre, il observe que cet écril ne rentre pas dans la catégorie des livres ecclésiastiques, émanant d’apôtres ou d’hommes inspirés. De princ., præf., 8, P. G., t. xi, cul. 119-120. Il distinguait trois sortes d’Écritures : les authentiques, les apocryphes et les mixtes, In Jim., t. un, 17, P. <-, t. xiv, col. 124-425. Les mixtes sont des livres inspirés dont le texte a été corrompu. Pour lui, les deutérocanoniques sont au nombre des Écritures authentiques. Cf. In Jesuni Nava, homil. vii, 1, P. G., t. xii, col. 857. A. Zollig, Die Inspiratianslehre des Origenes, Fribourgen-lirisgau, 1902, p. 88-90. Denys d’Alexandrie, disciple d’Origène, est d’accord avec son maître, sauf en deux points. Il accentue les doutes relatifs à l’authenticité des deux dernières Epitres de saint Jean, Eusébe, // E., vu, 25, P. G., t. xx, col. 697, 700, et il prétendait que l’Apocalypse était d’un autre auteur que le quatrième Évangile. Voir t. i, col. 1465. Saint Pamphile, Apol. pro Origene, 7, P. G., t. xvii, col. 596, cite l’Apocalypse sous le nom de saint Jean, ainsi que saint Méthode de Tyr, Conviv., i, 5 ; viii, 4, P. G., t. xviii, col. 45, 144. Les Constitutions apostoliques, H, 57, P. G., t. I, col. 728729, ne mentionnent ni les Epitres catholiques, ni l’Apocalypse, pas plus que la Doctrine d’Addaï. The Doctrine of AddaÂ, édit. Phillips, 1876. p. 46.

Eusèbe a recueilli avec soin tous les témoignages traditionnels concernant le Nouveau Testament et il a résumé le résultat de ses recherches dans un catalogue comprenant trois catégories de livres : les à>.oloyo^u.i-/’j.. qui étaient revus universellement, les àvTiXeyo(jivo ou controversés, mais qui étaient regardés comme authentiques par la plupart, enfin les vo’ja ou apocryphes. Quelques livres flottent entre l’une ou l’autre de ces trois catégories. Sont universellement reçus les quatre Évangiles, les Actes des apôtres, les Epitres de saint Paul, la I" de saint Pierre et. si l’on veut, l’Apocalypse. Les livres contestés, mais connus du plus grand nombre, sont les Epitres de saint Jacques et de saint Jude, la IIe de saint Pierre, la IIe et la III" de saint Jean. Les apocryphes sont de deux sortes : les uns, tels que les Actes de Paul, le Pasteur, l’Apocalypse de Pierre, l’Épitre de Barnabe, les ^côa/a ; des apôtres et, si l’on veut, l’Apocalypse de saint Jean, que quelques-uns rejettent, et encore l’Évangile des Hébreux, sont contestés ; les autres, tels que les Évangiles de Pierre, de Thomas, de.Matthias, etc., et les Actes d’André, de Jean et des autres apôtres, sont hérétiques et doivent être rejetés comme absurdes et impies. II. E., ni, 25, P. G., t. XX, col. 228. Il connaît aussi les doutes relatifs à l’Épitre aux Hébreux, rejetée par quelques-uns comme n’étant pas de saint Paul. II. /.’., III, 3, col. 217. Ailleurs, il place l’Épitre de saint Clément au nombre des écrits communément reçus. H. E., iii, 16, 38, col. 249, 293.

Les divergences qu’Eusèbe avait constatées dans les traditions et les usages des Églises, surtout de l’Orient, persévérèrent au cours du iv siècle. Saint Athanase, Epiât, fes/.. xxix, P. G., t. xxvi, col. 117b, comprend au canon du Nouveau Testament tons les livres protocanoniques et deutérocanoniques. Il ajoute que la Di dachè et le Pasteur ne sont pas canonisés, mais avec les

deutérocanoniques de l’Ancien Testament ont été destinés par les Pères à l’enseignement des catéchumènes. 11 ne mentionne aucun doute relativement aux deutéroca noniques du Nouveau Testament, et il est à noter que

aliment de saint Denys d’Alexandrie sur l’Api lypse n’a pas prévalu contre la tradition et la pratique de son Église, favorabb - à ce livre. Didyme d’Alexandrie, Com. cathol., P.’ « ., t. xxi,

col. 1771. sait que la II" Kpllre de saint I cryphe >t n’est pas au canon, bien qu’elle soit lui public. Il cite l’Apocalypse, De Trinit., m col. 8’10, ainsi que saint Cyrille d’Alexandrie, De adorat, in tpiritu et veritale, vi, /’. G., t. i.xviii, col. I L’Apocalypse, qui prévalait à Alexandrie, était n discutée en Orient. Le concile de Laodicée, M Concil., t. ii, col. 571, le 85e canon apostoliqui, P G, t. cxxxvii, col. 211, le canon grec des soixante h. Preuschen, Analecta, p. 159, celui de saint Grégoire de Nazianze, Carm., I, i, 12. P. G., t. xxxvii. col. contiennent tous les deutérocanoniques. sauf l’Ap lypse seule. Saint Amphiloque, Jamb., ibid., col. I ! place ce dernier livre parmi les antib _ Saint

Cyrille de Jérusalem, Cal., IV, 22. /’. G., t. XXXIII, col. 500, passe sous silence l’Apocalypse. Saint ; phane, qui l’admet, Hier., i.xxvi. P. G., t. xlii. col connaît les objections des aloges. Voir col. 1585. G pi ndant, saint Cyrille de Jérusalem, C’a/., x. 3, P. G., t. xxxiii, col. 664, et saint Grégoire de Nazianze, Orat., xxix, 17 ; Serrn., xi.n, 9, /’.’.'., t. xxxvi, col. 97, citent l’Apocalypse. Dans leurs commentaires de ce livre, P. G., t.’cvi, col. 220, 493, André et Ardas, ques de Césarée en Cappadoce, affirment qu’ils ont utilisé des explications de saint Grégoire de Nazianze. Saint Basile, Adv. Eunom., iv, 2, P. G., t. x.xix. col. 677, et saint Grégoire de Nysse, Adv. Eunom., Il ; Adv. Apoll., 37, P. G., t. XLV, col. 501, 1208, emploient aussi l’Apocalypse. Seule, l’Église d’Antioche semble rejeter complètement ce livre ainsi que les quatre petites Epitres catholiques. Saint Jérôme, Tract, de Pt. l, dans Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1897, t. m b, p. 5-6, connaît l’exclusion de l’Apocalypse dans les Eglises orientales, et il lui oppose la pratique et la tradition antérieures. Léonce de Dyzance, (’.ont. Sest. il Eutyeh., vi, P. G., t. i.xxxvi, col. 1366. reproche à Théodore de Mopsueste d’avoir rejeté toutes les Epitres catholiques. Junilius, qui est l’écho de Théodore, relate les doutes des Orientaux touchant l’Apocalypse et il en fait lui-même un livre d’autorité moyenne, parce qu’il est accepté d’un grand nombre surtout en Occident. Instit. regul. div. Irgis, i. 4, P. L., t. lxviii, col. 19 Kihn, op. (il., p. 475. Les œuvres de saint Chrysostome et de Théodore ! ne contiennent aucune citation de l’Apocalypse et des quatre petites Epitres catholiques. La Synopse, attribuée à saint Chrysostome. P. G., t. lvi, col. 308, 124, omet ces mêmes livres, l’ne homélie qui se trouve parmi les ouvres de saint Chrysostome et <jui est vraisemblablement d’un contemporain, dit de la I re Epitre de saint Jean qu’elle n’est pas apocryphe, mais que la 1P et la IIP sont mises hors du Canoi les Pères. P. G., t. LVI, col. 124. Théodoret. In / pioani.. /’. G., t. 1 XXXII, col. 671. suppose que Ce sont les ariens qui ont discuté l’Épitre aux Hébreux ; pour lui. il croit qu’elle est de saint Paul et il assure qu anciens l’ont reçue comme telle. La Pesehito n’avait ni l’Apocalypse ni les 1 pitrecatholiques, et Aphraate ne les cite pas ; mais saint l’phrem les a connues et citées. Elles ne sont pas non plus mentionnées dans le canon syriaque, des environs de itHb publié- par M mf I. Studio Sinailica, Londres, 1894, t. i. p, IIII. Le total des stiques montre que leur absence n’est pas fortuite. 2 En Oocident. — L’Église occidentale conservait fidèlement les livres qu’elle avait toujours reçus comme apostoliques ; elle mit du temps à recevoir ceux qu n’avait pas d’abord reconnus. In Afrique, saint Cypricil ne connaissait ni l’Epitre aux Hébreux ni les quatre I pitres catholiques. Cependant au concile de Carthage

présidé par lui en 256, un évêque cita un passage de la IIe lettre de saint Jeun dans la question du baptême des hérétiques. P. L., t. iii, col. 1072. L’Épitre de saint Jude est citée dans un traité contre Novatien, composé vraisemblablement par un évêque d’Afrique, contemporain de saint Cyprien. Opéra, édit. Hartel, Vienne, 1881, t. iii, p. 67. Commodien, Instr., ii, 6, 4 ; Carm. apol., 316, 331, édit. Dombart, Vienne, 1887, p. 67, 135, 137, cite l’Épitre aux Hébreux, l’Épître de saint Jacques, que ne connaissait pas saint Cyprien. Novatien, De Trinil., xvi, P. L., t. iii, col. 917, fait allusion à l’Épitre aux Hébreux. Le canon de Cheltenham, publié par Mommsen, mentionne les trois Épitres de saint Jean et les deux de saint Pierre. Les mots : una sola, ajoutés à la suite de ces deux mentions, ne sont pas nécessairement des restrictions, et M. Duchesne, Bulletin critique, 15 mars 1886, p. 117, a proposé de les compléter ainsi : [Jacubi una sola ; [Judée] una sola. Voir Preuschen, Analecta, p. 139. Saint Optât de Milève ne cite pas non plus l’Épitre aux Hébreux. Elle restait donc étrangère à l’Église d’Afrique. L’Ambrosiaster, In II Tim., I, P. L., t. xvii, col. 485, et Pelage, In Rom., P. L., t. xxx, col. 667, la citent comme Écriture, ainsi que saint Hilaire de Poitiers, De Trinit., iv, 11, P. L., t. x, col. 104 ; Lucifer de Cagliari, De non conv. cum hseret., 10, édit. Hartel, Vienne, 1886, p. 20, 22 ; le prêtre Faustin, De Trinit., 2, P. L., t. xiii, col. 61 ; saint Ambroise, De fuga ssec, 16, P. L., t. xiv, col. 577, etc. Lucifer, op. cit., 15, ibid., p. 33, et saint Ambroise, In Luc, vi, 43, P. L., t. xv, col. 1679, citent aussi l’Epitre de saint Jude. Saint IliJaire, De Trinit., I, 17 ; iv, 8, P. L., t. x, col. 38, 101, cite la II » Épitre de saint Pierre et la lettre de saint Jacques. Philastrius, Ilœr., 88, P. L., t. xii, col. 1199, mentionne parmi les Livres saints treize Épitres de saint Paul seulement et les sept Épitres catholiques ; il omet l’Épitre aux Hébreux et l’Apocalypse, mais il signale les hérésies qui rejettent l’Évangile de saint Jean et l’Apocalypse, ou l’Épître de saint Paul aux Hébreux. User., 60, 89, col. 1174, 1206. Rufin, Exposit. symb., 37, P. L., t. xxi, col. 374, copie saint Atbanase et a un canon complet. Saint Jérôme, Epist. ad Paulin., 8, P. L., t. xxii, col. 5’t8, énumère tous les livres du Nouveau Testament. Il connaît et rapporte la diversité des opinions relativement à l’Épître aux Hébreux. De viris, 5, 59, P. L.. t. xxiii, col. 617, 069 ; Epist., cxxix, ad Dardan., 3, /’. L., t. xxii, col. 1103. Il la reçoit sur l’autorité des anciens, bien que les Latins ne la reçoivent pas, comme il reçoit l’Apocalypse malgré les doutes des Grecs. Tract, de Ps. 1 ; de Ps. rxi.ix, dans Morin, Anecdota Muredsolana, t. m ii, p. 5-6, 314. Parfois cependant, à cause de l’usage latin, saint Jérôme fait des restrictions à son sujet. InEzech., xxviii, 11, P. L., t. xxv, col. 272 ; In Zacli., viii, 1, ibid., col. H(15 ; In Epist. ad Eph., il, 15, P. L., t. xxvi, col. 475. Mais si saint Jérôme n’a pas d’hésitation relativement à l’Épître aux Hébreux et à l’Apocalypse, il est moins ferme à propos des autres deutérocanoniques. Il sait que la IIe lettre de saint Pierre est contestée par le plus grand nombre, De viris, 1, P. L., t. xxiii, col. 608 ; mais il explique la diversité de stjle par le recours à divers secrétaires. Epist., cxx, ad Hedibiam, P. L., t. xxii, col. 1002. Pour l’Épître de saint Jacques, elle aurait été écrite par un autre et aurait ensuite acquis peu à peu de l’autorité. De viris, 2, P. L., t. xxiii, col. 609. L’Épilre de Jude est rejetée par le plus grand nombre, quoiqu’elle ait, elle aussi, acquis peu à peu de l’autorité el qu’elle soit comptic pari li les saintes Écritures. Ibid., 4, col. 613-615. Les deux dernières Épitres de Jean sont attribuées à Jean l’Ancien ; beaucoup peu « ni qu’elles

nt pas de l’apôtre, mais du prêtre Jean. Ibid., 9,

18, col. 623, 637. Saint Jérô accepte cependant pour

son propre compte tous les deutérocanoniqui

Nouveau Testament, il rejette les apocryphes et permet la lecture publique du Pasteur, de l’r.pitre de Barnabe, de l’Epître de saint Clément en vue de l’édification. Cf. L. Sanders, Études sur saint Jérôme, Bruxelles et Paris, 1903, p. 217-267, 271-282 ; P. Gaucher, Saint Jérôme et l’inspiration des deutérocanoniques, dans la Science catholique, février 1904, p. 193-210.

Désormais, le canon du Nouveau Testament était définitivement fixé en Occident. A Rome, le pape Damase publiait, en 382, un décret reproduit plus tard par le pape Gélase et comprenant tous les livres du Nouveau Testament. Selon la leçon de quelques manuscrits, il y resterait, à propos des Épitres de saint Jean, un indice des doutes anciens ; les deux dernières étaient attribuées au prêtre Jean. Labbe, Concil., t. iv, col. 1261. Mais d’autres manuscrits, reproduisant le remaniement fait par saint Gélase, ne contiennent plus cette distinction et disent : Johannis apostoli epistolæ III, Preuschen, Analecta, p. 149, comme plus tard Innocent I er dans sa lettre à Exupère de Toulouse. P. L., t. xx, col. 501. En Afrique, saint Augustin, De doct. christ., Il, 12, P. L., t. xxxiv, col. 40, dresse un canon complet. L’évêque d’Hippone n’ignorait pas cependant les doutes antérieurs sur l’Epître aux Hébreux, De peccat. mer. et remiss., i, 27, P. L., t. xliv, col. 137 ; Enchiridion, 8, P. L., t. xl, col. 225, et lui-même, à partir de 409, jusqu’à sa mort, il ne la cite plus comme l’œuvre de saint Paul._ O. Rottmanner, Saint Augustin sur l’atiteur de l’Epître aux Hébreux, dans la Revue bénédictine, juillet 1901, p. 257-261. Il semble craindreaussi que les pélagiens ne lui contestent l’Apocalypse. Serni., ccxcix, P. L., t. xxxviii, col. 1376. Il repousse les apocryphes. D’ailleurs, le concile d’Hippone en 393 avait promulgué un canon complet qui a été renouvelé à Carthage en 397 et en 419. Mansi, t. iii, col. 924, 891 ; t. iv, col. 430. Voir t. i, col. 2341-2344. En Espagne et dans la Gaule, le canon était identique.

L’usage liturgique et ecclésiastique l’emporta donc définitivement sur les doutes qui avaient surgi au ni » siècle à la suite de la comparaison des traditions divergentes des Eglises. QuoiqueCosmasIndicopleusIes, Topog. christ., xii, P. G., t. lxxxviii, col. 373, omette encore, vers 510, l’Apocalypse et les sept Epitres catholiques, quoique le patriarche Nicéphore, /’. G., t. c, col. 1056, range encore au i c siècle, l’Apocalypse parmi les antilégomènes, l’Eglise grecque, à partir du vr siècle, accepte ces écrits autrefois contestés. Cf. Léonce de Byzance, De sertis, ii, P. G., t. lxxxvi, col. 1200 ; S. Jean Damascène, De orthodoxa fide, IV, 17, P. G., t. xciv, col. 1180 ; Synopse dite de saint Atbanase, P. G., t. xxviii, col. 289-293 ; Nicéphore Calliste, II. E., n, 45, P. G., t. cxi.v, col. 880-885. Dès la fin du iv siècle, le canon du Nouveau Testament ne subit plus la moindre variation dans l’Église latine, et on rencontre seulement de loin en loin, au cours du moyen âge, quelque mention des anciens doutes sur les deutérocanoniques. Cf. Loisy, Histoire du canon du N. T., p. 208233. Aussi le pape Eugène IV, en 1441, promulgua, dans son décret aux jacobites, un canon identique à celui du canon de Damase, et le concile de Trente définit officiellement, en 1546, la canonicité de tous les livres du Nouveau Testament sans distinction.

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