Dictionnaire de théologie catholique/DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE). II. En quel sens il est théologique
II. En quel sens est théologique le problème de la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu ?
Un peut très bien concevoir comme possible dans
l’abstrait, bien plus, étant donnée la condamnation de
la proposition 55e de Baius, la masse des théologiens
catholiques considère comme possible au concret, un
état de l’humanité ou un ordre de providence dans
lequel aucune révélation proprement dite ne serait faite à
l’homme. Dans cet état, que nous pouvons désigner par
le nom classique d’état de nature pure, l’homme, sans
aucun secours strictement surnaturel, tant d’ordre subjectif
que d’ordre objectif, connaîtrait Dieu à l’aide de ses
facultés naturelles par le seul témoignage des créatures.
Supposons cet état réalisé :
1° L’homme pourrait avoir
la connaissance certaine de Dieu ;
2° il pourrait réfléchir
sur cette connaissance, parce que la faculté de
réfléchir sur les opérations de notre esprit est une propriété
essentielle de notre nature ;
3° comme, d’ailleurs,
créé dans un tel état, l’homme serait exposé, ainsi qu’il
est aujourd’hui, au doute et à l’erreur, il devra il avoir
et par conséquent — c’est l’hypothèse — aurait le
moyen naturel (debitum, exigé) de résoudre les difficultés
philosophiques que soulève le problème de la
possibilité de connaître Dieu parles lumières naturelles.
Ces difficultés peuvent se ramener à trois chefs, suivant
qu’elles sont prises :
1. de l’objet de noire connaissance ;
2. de nos facultés de connaître ;
3. de la méthode à tenir pour parvenir à la vérité.
L’ensemble des difficultés constitue ce qu’on appelle depuis
Kant le problème critique, où tout se réduit en dernière
analyse à l’examen des facultés de la connaissance.
Cf. J. F. Buddeus, Traité de l’athéisme et de la superstition,
c. vi, Amsterdam. 1740. p. 218. D’où l’on conclut,
par définition, que dans l’état de nature pure,
l’homme aurait le moyen de résoudre le problème critique
et que ce moyen sérait rigoureusement naturel,
cet état, la possibilité de la connaissance naturelle
de Dieu sérait donc une question d’ordre exclusivement philosophique.
Mais nous ne vivons pas dans l’état de nature pur ;
la révélation proprement dite nous a été donnée. On
peut se demander si le fait de la révélation a changé
notre situation par rapport au problème critique qui
nous occupe. Spéculativement, deux hypothèses sont
possibles
1° la relation positive est muette sur le pouvoir de connaître Dieu par les forces naturelles de notre esprit ;
2° la révélation renferme des affirmations sue ce sujet. Les deux hypothèses sont possibles, Dieu étant le maître de la mesure de ses dons surnaturels.
Si la première était vérifiées, en d’autres termes, si le dépôt de la révélation qui nous a été transmis ne contenait En cours rien sur la possibilité naturelle de connaître
Dieu, nous serions actuellement en face du problème
critique exactement dans la situation de l’homme créé
dans l’état de nature pure ; ce problème serait philosophique
et la théologie n’aurait pas à s’en occuper
directement. Si, au contraire, la seconde hypothèse
était vérifiée, nous aurions pour la solution du problème
critique des éléments nouveaux, des arguments proprement
théologiques. Le fait de la révélation de ces
éléments, la mise en œuvre de ces arguments ne nous
feraient évidemment rien perdre des moyens de solution
de ce problème qui sont dus à notre nature :
ajouter de nouvelles données ne serait pas supprimer
celles que nous fournissent les lumières naturelles de
notre raison ; ce serait, au contraire, faciliter l’exercice
de notre activité naturelle. Si donc Dieu avait bien voulu
nous manifester sa pensée, et par conséquent la vérité,
sur notre pouvoir naturel de le connaître, la critique
philosopbique ne serait pas éliminée ; mais, à l’examen
philosopbique se juxtaposerait un examen théologique ;
à la certitude que peut produire la philosophie se superposerait
la certitude qui dérive de l’affirmation
divine.
Quiconque a saisi la portée de la seconde hypothèse que nous venons de faire, voit avec évidence que, dans cette hypothèse, il n’y aurait aucune pétition de principe, aucun cercle vicieux, à traiter dogmatiquement ou théologiquement du problème de la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu. Or, cette hypothèse est précisément celle que la foi catholique nous enseigne avoir été réalisée. Donc, sans nous attarder à dire ici comment les conceptions protestantes, jansénistes, etc., sont embarrassées sur cette question de méthode, nous pouvons commencer notre exposé théologique. La suite de ce travail justifiera d’ailleurs notre position. Cf. Franzelin, Le Deo uno, Rome, 1883 ; Traclatus de divina tradilione et Scriptura, Appen-dix de habit udine rationis humanse ad divinam /idem, surtout c. iii, Rome, 1875, p. 620.