Dictionnaire de théologie catholique/GNOSE

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 6.2 : GÉORGIE - HIZLERp. 98-99).

GNOSE, gnosis, est en elle-même la connaissance explicite des vérités révélées, la science de la foi. Le mot, avec l’idée qui s’y rattache, se trouve dans l’Évangile, Luc, xi, 52, et dans les Épîtres des apôtres, I Cor., viii, 7 ; xiii, 8, etc., pour désigner, à côté de la foi qui adhère à la révélation sur l’autorité du témoignage divin, l’étude approfondie des dogmes à l’aide des lumières de l’Écriture et de la tradition. La gnose est donc le naturel et légitime exercice de la raison chrétienne : c’est un besoin pressant, pour quiconque pense, de chercher à éclaircir les vérités révélées, à pénétrer les motifs et l’objet de la foi. Nombre des recrues les plus anciennes du christianisme, les Aristide, les Justin, les Tatien, les Pantène, les Clément d’Alexandrie, etc., ne pouvaient qu’exciter et développer cet impérieux besoin. Convertis à la foi, ils ne laissaient pas de rester des philosophes jusqu’à en porter d’ordinaire le manteau ; ils continuaient d’allier avec la foi l’aspiration à la science, et ils avaient à cœur de montrer par leur exemple qu’entre la foi chrétienne et la raison, il y a en définitive parfait accord. Mais bientôt, en face de la vraie gnose, qui prend la foi pour règle et pour guide, l’Église vit s’élever, notamment dans les 11e et me siècles, sous des noms divers et en diverses contrits, la fausse gnose, qui se sépare entièrement de la foi, et n’offre après tout qu’un amalgame de la plupart des doctrines du vieux monde, juives ou païennes, avec les dogmes de la révélation.

Devant cette gnose hérétique, yikoaoyia où /.z-.z. Xpiaxdv, les Pères, jaloux de la saper par la base et de maintenir les droits de la gnose orthodoxe, çiÂoioiia /.7.-X XpioTo’v, ne se lassent pas de mettre en lumière le principe fondamental de la connaissance chrétienne ; à la prétention de construire un système scientifique en dehors de la foi, par les seules forces de la raison, unanimement ils opposent l’absolue souveraineté de la foi prèchée par les apôtres et gardée par la tradition vivante ; anathème à qui puise à des sources étrangères et fait œuvre de syncrétisme religieux 1 II fallait, à rencontre de l’orgueil des sectaires, exposer la vérité et l’autorité de la doctrine chrétienne, à l’exclusion de toute autre, puis justifier les dogmes aux yeux de l’intelligence et les coordonner entre eux dans une vaste synthèse scientifique. De cette double tâche la première fut celle en particulier de saint Irénée dans son traité Contre les hérésies, P. G., t. vii, et de Tertullien, soit en général dans son bel ouvrage Des prescriptions des hérétiques, soit dans ses livres Contre les valentiniens, Contre Hermogène, Contre Marcion, et le Scorpiaque, P. /.., t. i-ii. La seconde tâche échut principalement, en raison de leur tournure d’esprit personnelle et aussi de leur ambiance, aux deux Alexandrins, Clément, P. G., t. viii-ix (voir 1. 1, col. 188 sq.), et Origène, ibid., t. xixvii, qui ne la remplirent pas toutefois sans accrocs. Ces Pères n’hésitèrent point à recourir dans ce but à la philosophie, surtout à la platonicienne, dont ils goûtaient spécialement la langue, voire dans une certaine mesure la métaphysique ; mais jamais, en aucune façon, ils n’ont témoigné d’un éclectisme sans principe, qui eut admis pêle-mêle christianisme et paganisme. Entendue en ce sens, l’accusation de platonisme, que l’on a parfois intentée aux Pères de l’Église, est absurde à la fois et démentie par l’histoire. Selon eux, la gnose repose essentiellement sur l’étude de l’Écriture, faite avec l’esprit des apôtres et suivant la croyance de l’Église. « Le nom de gnoslique, écrit Clément d’Alexandrie, n’est mérité que par celui-là seul qui, ayant blanchi dans l’étude de l’Écriture, garde la règle des dogmes apostoliques et ecclésiastiques. » Slrom., VI I. Entre la foi commune et la foi plus haute ou scientifique, les Pères ne reconnaissent qu’une différence de degré, non de nature.

Kuhn, Einleitung in die katholische Dogmatik, Tubingue, 1850, p. 309 sq. ; Freppel, Saint Ircnée, Xe leçon, Paris, 188’j ; Kraus, Histoire de l’É/jlise, nouv. édit. franc., Paris, 1905, 1. 1, p. 143 sq.

P. Godet.

GNOSIMAQUES, hérétiques du vu 6 siècle, ainsi appelés, comme le nom l’indique, yvûa’.ç, f**"/*), yveuatux /o :, celui qui combat la science, parce qu’ils repoussaient toute connaissance ou science de la religion chrétienne comme inutile. A leurs yeux, vain est le travail de ceux qui étudient les Écritures et se livrent à des spéculations quelconques ; car ce n’est point la science que Dieu exige, mais seulement les bonnes œuvres ; ce n’est point le savoir qui sauve, c’est le bienvivre. Tertullien, pour blâmer la manie intempérante des gnostiques, qui consistait, sous prétexte de science, à multiplier les recherches et les spéculations, avait bien pu dire avec quelque apparence de paradoxe :

Nobis curiositate opus non est, posl Christum Jesum ; nec inquisitione, posl Evangelium. Cum credimus, nihil desideramus ultra credere, Præscript., 67, P. L., t. il, col. 20-21 ; mais il ne se refusait pas pour autant à faire œuvre scientifique. Plus radicaux, les gnosimaques condamnaient toute curiosité intellectuelle, tout travail d’exégèse ou d’interprétation scripturaire, tout essai de systématisation théologique. Non sans raison, saint Jean Damascène les range parmi les hérétiques ; mais il ne nous fait connaître ni le lieu et l’époque où ils vécurent, ni le rôle et l’importance deleur secte.

S. Jean Damascène, Hær., lxxxviii, P. G., t. xciv, col. 757.

G. Bareille.

GNOSTICISME. —

I. Sources. IL Histoire. III. Doctrine.

I. Sources.

Le meilleur moyen de se faire une idée exacte du gnosticisme serait évidemment de consulter les ouvrages où les gnostiques ont exposé leurs doctrines ; car ils ont beaucoup écrit. Mais, dans l’état actuel de la science, ce moyen n’est pas à notre disposition ; car de toute leur production littéraire il ne reste que très peu de chose. Nous sommes d’abord loin de connaître tout ce qui est sorti de leur plume sous forme de lettres, de chants, de psaumes, d’homélies, de traités, de commentaires. La plupart de leurs travaux ne nous sont connus que par leurs titres. Et c’est à peine si nous possédons quelques fragments, grâce aux écrivains ecclésiastiques qui les ont cités pour les réfuter, et quelques rares ouvrages qui ont échappé aux injures du temps. Signalons du moins ces titres, ces fragments et ces ouvrages. Car, outre qu’ils sont un témoignage d’une grande activité littéraire, ils offrent un spécimen du genre adopté et de quelques sujets traités.

Ouvrages gnostiques dont le litre est connu.


Sans être complète, voici la liste de ces ouvrages, dont le titre et l’existence sont attestés par les Pères.

De Simon de Gitton, une’A-rJsxai ; [AsystÀT], Philosophoumena, Vꝟ. 1, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 249 ; des’AvTtppï]Tixâ, pseudo-Denys, De div. nom., i, 2, P. G., t. iii, col. 857.

De Basilide, un évangile, to xaxà Ba<jt/.£ : 8r, v eùayyl-Xiov, Origène, In Luc, homil. i, P. G., t. xiii, col. 1083 ; S. Ambroise, In Luc, i, 2, P. L., t. xv, col. 1533 ; S. Jérôme, In Matth., prolog., P. L., t. xxvi, col. 17 ; des’Eç7]yr]T’.xà il ; to EÙayysXiov, en 24 livres, d’après Agrippa Castor, Eusèbe, II. E., iv, 7, P. G., t. xx. col. 317 ; l’auteur de la Disputatio Archclai cum Mancle en cite deux passages du XIIIe livre, Disput., 55, P. G., t. ix, col. 1524 ; et Clément d’Alexandrie en cite un autre tiré du XXIIIe, Slrom., IV, 12, P. G., t. viii, col. 1289 ; des Hymnes, d’après un fragment d’Origène.

D’Isidore, un Qepi repo<r » uouç<j/’j^T]ç, Clément d’Alexandrie, Slrom., II, 20, P. G., ’t. viii, coi. 1057 ; des’KÇrjr, -Ti /.à tou ;  : po<prJTOu llap/iôp, dont Clément d’Alexandrie cite un passage tiré du I er livre, Slrom., VI, 6, P. G., t. ix, col. 276 ; des’Hôtxa ou 7 : apaiv&Tissâ, sortes d’homélies. Clément d’Alexandrie, Slrom., III, 1, P. G., t. viii, col. 1101.

D’Épiphane, un LTepi 3uaio<ruv7]ç. Clément d’Alexandrie, Slrom., III, 2, P. G., t. viii, col. 1105.

De Valentin, des Hymnes ou Psaumes, Tertullien, De came Christi, 17, P. L., t. ii, col. 781 ; des Épîlres, entre autres celle à Agathopode, Clément d’Alexandrie, Slrom., III, 7, P. G., t. viii, col. 1161 ; des Homélies, entre autres une Ilepî tpîXtov, Clément d’Alexandrie, Slrom., VI, 6, P. G., q. ix, col. 276 ; un De mali origine, dont les Dialogues contre les marcioniles contiennent un fragment, P. G., t. vii, col. 1273.

De Ptolémée, une’E^taToXr) 7 : po ; « JXaSpav, conservée par saint Épiphane, Hier., t. xxxiii, 3-7, P. G., t. vii,