Dictionnaire de théologie catholique/JOSUÉ III. Doctrines religieuses

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 77-80).

III. Les doctrines religieuses.

Les années de la conquête de Canaan par les Hébreux, importantes au point de vue national, ne le sont guère moins au point de vue religieux. En présence d’une situation toute nouvelle, comment va se comporter le mosaïsme ? Ne va-t-il pas subir, aussi bien dans ses croyances et ses prescriptions morales que dans son organisation extérieure, des modifications, des altérations mêmes ? Des premiers contacts, en effet, avec un monde aux mœurs et à la religion si différentes de celles de l’Israël du désert, résulteront des réactions ou des influences dont dépendra en partie l’avenir de la religion d’Israël ; bien souvent son histoire, dans les siècles suivants, s’éclairera à la lumière des événements qui auront marqué l’entrée et le premier établissement des Hébreux en Canaan.

Au désert et durant le long séjour à l’oasis de Cadès, les tribus dans leur ensemble avaient pris une conscience très nette et très vive de l’unité qui les groupait en un seul peuple autour de Jahvé ; épreuves et dangers, combats et victoires, partagés par tous, n’avaient fait que resserrer des liens que des conditions de vie nouvelle allaient bientôt exposer à la rupture, et il ne faudra rien moins que la vigueur et la profondeur de ce sentiment de l’unité nationale et religieuse, mais surtout la bienveillance de Jahvé, pour assurer à Israël l’accomplissement de ses destinées malgré ses nombreux ennemis, malgré Israël lui-même.

Bien des causes, en effet, risquaient de compromet tre cette double unité nationale et religieuse. Après l’effort commun sous la conduite de Josué, il restait encore beaucoup à faire pour assurer à chaque tribu libre et entière disposition du territoire assigné ; déjà, lors de la conquête à l’est du Jourdain, n’avait-on pas agi séparément, et dans la suite longtemps encore. Jusqu’aux termes de la monarchie, ne verrait-on pas se répéter ces tentatives individuelles en vue de parfaire l’œuvre commencée seulement aux jours de Josué ? Séparées et dispersées en Canaan, laissées à elles-mêmes aussi bien dans la défense de leurs Intérêts que dans la lutte contre des ennemis difficilement résignés à la défaite, les différentes tribus perdent peu à peu de leur cohésion. Plus encore que par la dispersion, l’unité" va se trouver compromise par le contact de plus en plus fréquent et immédiat avec les Cananéens. Ceux-ci, malgré les revers subis au début de la campagne, sont demeurés nombreux et puissants, particulièrement dans la plaine, à l’abri des murs de leurs villes fortifiées ; ne reste-t-il pas encore un grand pays à conquérir, selon la parole de Jahvé à Josué devenu vieux ? Jos., xiii, 1. Des relations s’établissent nécessairement entre envahisseurs et habitants du pays, et à l’hostilité première succèdent d’autres sentiments qui vont favoriser et multiplier les contacts entre Israélites et Cananéens. L’attrait d’une civilisation supérieure, la nécessité d’apprendre d’un peuple d’agriculteurs le secret de la fécondité du sol, l’attirance aussi de cultes moins austères que celui de Jahvé agissaient puissamment sur les nouveaux venus pour les assimiler insensiblement au peuple vaincu aussi bien dans leur vie sociale que dans leur vie religieuse même, du moins extérieurement. Ce ne sera que plus tard sans doute qu’apparaîtront nettement les funestes conséquences de l’influence cananéenne, dont l’histoire de la période des Juges révèle toute l’étendue. Voir plus loin l’art. Juges. Mais c’est dès les premiers temps de l’établissement d’Israël en Canaan qu’elles sont rendues possibles et se préparent.

De cette transformation religieuse le souvenir s’est gardé dans la tradition prophétique : si le rédacteur du livre de Josué peut dire qu’Israël servit Jahvé pendant toute la vie de Josué et pendant toute la période des anciens qui lui survécurent et qui connaissaient tout ce que Jahvé avait fait en faveur d’Israël, Jos., xxiv, 31 ; cf. Jud., ii, Osée et Jérémie évoquent le souvenir du séjour au désert comme celui d’une époque où la fidélité d’Israël à son Dieu fut exceptionnelle, et telle qu’elle ne se retrouva plus dans la suite. Os., ii, 14-17 ; Jer., ii, 2. C’est aux conditions du premier établissement des Hébreux en Canaan que remonte la distinction en Israël d’un Jahvéisme populaire, alliant au culte du vrai Dieu les pratiques idolâtriques des cultes cananéens, et d’un Jahvéisme légal, conforme aux prescriptions sinaïtiques ; c’est à ramener le premier à la pureté du second que tendra toute l’activité du prophélisme en Israël.

Malgré l’importance de la période de la conquête au point de vue religieux, le livre qui nous la raconte n’est pas pour autant très riche en enseignements religieux. Josué est un conquérant et non un prophète, aussi est-ce à l’aide d’allusions surtout, nombreuses il est vrai à cause du caractère religieux du récit, que nous pourrons essayer d’en dégager le contenu doctrinal sur Dieu en particulier et sur son culte.

Dieu.

Les traits qui caractérisent la divinité dans le livre de Josué se retrouvent dans l’ensemble les mêmes que ceux du Deutéronome (cf. la place importante faite par les critiques dans la rédaction du livre à l’élément deutéronomiste). C’est le Dieu tout-puissant, seigneur de toute la terre, Jos., i, 5 ; m, 13, dont les païens eux-mêmes reconnaissent et proclament la divinité : « c’est Jahvé, dit aux espions la courtisane de Jéricho, qui est Dieu en haut dans le ciel et en bas sur la terre. » ii, 11. Les Gabaonites viennent faire leur soumission à un peuple qu’ils savent sous la sauvegarde bienveillante et puissante de Jahvé. ix, 9-10. C’est aussi le Dieu d’Israël ; les mots « Jahvé, votre Dieu » se retrouvent avec une fréquence qui rappelle celle du Deutéronome, i, 9, 11, 13, 15 ; iii, 3, 9… Sans cesse aux côtés de son peuple, i, 9, Il lui a livré le pays tout entier, i, 11 ; ii, 24 ; Jéricho, Lebna, Lachis tombent aux mains des envahisseurs parce que Jahvé, leur Dieu, les leur a livrées, vi, 2 ; x, 29, 32. Par contre, les habitants du pays, quelle que soit leur attitude, ne sauraient prétendre aux privilèges du peuple choisi ; même soumis, de gré ou de force, ils remplissent des fonctions d’esclaves, ix, 27 ; xvi, 10. Jahvé, au reste, ne tolère aucun contact des siens avec ce qui lui est étranger, c’est pourquoi il endurcit le cœur de ces peuples de Canaan pour qu’ils fassent la guerre à Israël, en sorte que celui-ci devra les dévouer par anathème, sans qu’il y ait pour eux de miséricorde, xi, 20 ; cf. Num., xxxiii, 51-55. Ainsi s’explique l’ordre d’extermination des Cananéens dont l’influence ne pouvait qu’être néfaste à Israël, l’histoire des Juges et des Rois en est la preuve. Cf. Deut., vii, 4 ; xii, 2, 3…

Comment ce Dieu jaloux manifeste-t-il ses volontés à son peuple ? par sa parole simplement : « Jahvé dit à Josué. o Sa transcendance s’accommoderait mal de toute représentation qui pourrait suggérer à ses fidèles une conception erronée de sa nature et risquerait de le faire descendre au rang de quelque divinité cananéenne. Un symbole de sa présence existe pourtant, c’est l’arche dont la puissance se manifeste tout particulièrement au passage du Jourdain et au siège de Jéricho ; c’est autour d’elle que devait se concentrer le culte pour se garder des pratiques idolâtriques des hauts-lieux. Mais ce résultat n’est pas toujours obtenu, malgré les souvenirs glorieux qui auraient dû maintenir le prestige de l’arche, et déjà, dans la période qui suit, elle passe-au second plan. (Sur l’unité de l’arche cf. Lagrange, dans Revue biblique, 1917, p. 578-584, à propos de la pluralité soutenue par W. R. Arnold, Ephod and Ark, Cambridge, 1917.)

D’un tout autre caractère apparaît une manifestation divine, rapportée dans Jos., v, 13-15 (13-16 + dans la Vulgate). Ce n’est plus par sa seule parole, ni par le symbole de sa présence dans l’arche que Jahvé se révèle aux hommes, c’est par l’apparition du chef de son armée à Josué avant la prise de Jéricho. Quel est le sens de cette apparition ? Le texte lui-même (les versets 13 et 14 du Jéhoviste ou de l’Élohiste d’après les critiques, 15 additionnel) ne semble pas fournir tous les éléments d’une réponse satisfaisante. Et d’abord, que signifie la question posée par Josué au personnage qui lui apparaît, une épée nue à la main : « Es-tu des nôtres ou de nos ennemis ? » n’y aurait-il pas eu lutte auparavant ? Jos., xxiv, 11 ; vi, 1 ; ensuite le texte de la réponse est incomplet, car les seules paroles du ꝟ. 15 a (hébreu et lxx) (retouche faite d’après Ex., iii, 5, Holzinger) ne sauraient constituer le message du chef de l’armée de Jahvé à Josué, à moins que l’on n’admette que l’apparition n’avait d’autre objet que de signifier et d’inaugurer la sainteté du haut-lieu de Galgala (Wellhausen, Stade). Selon toute vraisemblance, le discours tenu alors serait analogue avec celui que tient l’ange de Jahvé dans Jud., ii, 1. Mais encore quel est ce personnage mystérieux, ainsi désigné sous le titre de chef de l’armée de Jahvé ? Son identification avec l’ange de Jahvé dont il est souvent question dans la Bible, pourrait bien nous donner la véritable réponse. Malgré la différence des noms, ange de Jahvé et chef de l’armée de Jahvé apparaissent identiques. C’est au nom du Dieu d’Israël qu’ils parlent, des circonstances analogues entourent leur apparition, Ex., iii, 1 sq. (hébreu) : Jud., ii, 1 ; l’objet de leur mission, ordre ou avertissement solennels à transmettre, est d’égale importance. Ne peut-on voir enfin dans ce chef de l’armée de Jahvé se présentant à Josué avant la conquête, l’ange promis à différentes reprises par Dieu pour conduire son peuple au pays des Amorrhéens et des Cananéens ? Ex., xxiii, 23 ; xxxiii, 2. L’identification d’ailleurs est admise aussi bien par le P. de Hummelauer, op. cit., p. 168-171, que par Steuernagel dans son Commentaire, Josua, p. 160 (Handkomm-ntar zum A. T.).

Reste à déterminer ce qu’est l’ange de Jahvé, « une des figures les plus mystérieuses de l’Ancien Testament, t tantôt ange véritable, messager au sens propre du mot hébreu mal’ak, tantôt Dieu lui-même. Cf. surtout l’apparition du buisson ardent, Ex., iii, 1 sq. Dans cet ange de Jahvé, la spéculation antique voyait, avec Philon, le Verbe, Fils de Dieu, présidant au gouvernement du monde, avec des Pères de l’Église, la seconde personne de la sainte Trinité, préludant à l’incarnation par des manifestations où elle se révélait à demi. Cf. Vacant, art. Ange, dans Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 586-587 ; Montagne, L’apparition de Dieu à Moïse, dans Revue biblique, 1894, p. 232 sq. D’autre part, < cet être insaisissable est devenu la création favorite des critiques les plus avancés. On voit là un trait particulier des religions sémitiques ; on s’en sert pour pénétrer leurs mystères, on en étend l’application aux peuples païens… On met la conception de l’ange de Jahvé à l’origine de la religion d’Israël comme un principe d’évolution d’où est sortie l’idée des autres anges. » Lagrange, dans Revue biblique, 1903, p. 213. Ainsi Kasters et Buchanan Gray, dans l’article Angel de YEncijclopœdia biblica de Cheyne ; Smend, Lehrbuch der A. T. Religiongeschichie, p. 126 ; Marti, Geschichle der isrælitischen Religion, p. 67. La critique littéraire et la critique textuelle établissent que dans la forme primitive de nombreux passages où apparaît l’ange de Jahvé, c’était Jahvé lui-même et lui seul qui se manifestait ; plus tard, à une époque difficile à préciser, ces théophanies parurent incompatibles avec la nature spiri% tuelle de la divinité, et ce fut l’ange de Jahvé qui se manifesta aux hommes. « Les anciens, dit le P. Lagrange, ne faisaient pas mystère d’admettre des apparitions sensibles de Jahvé, sans que ces apparitions très variées permissent de conclure qu’il avait une forme sensible propre à laquelle il était nécessairement attaché. Cependant, plus tard, on aima mieux considérer ces apparitions comme conduites à l’aide de l’envoyé ordinaire de Jahvé. Les anciens textes furent donc retouchés en ce sens, mais avec tant de respect et de mesure qu’on’laissa subsister dans la bouche de l’être mystérieux l’affirmation qu’il était Dieu. » Loc. cit., p. 220. Cf. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 730.

Touchant encore à la notion de la divinité dans l’ancien Israël est la question de l’anathème, du herem si souvent mentionné dans le livre de Josué. Pour l’école évolutionniste, le herem serait un véritable sacrifice offert à la divinité en exécution de la promesse faite par le vainqueur d’immoler tous ceux que Jahvé livrerait entre ses mains, tel l’anathème contre les Cananéens en général, contre Jéricho en particulier. Cf. Stade, Geschichle des Volkes Israël, t. î, p. 189 sq. Le Dieu d’Israël, tout comme ceux des Assyro-babyloniens, serait d’une cruauté révoltante pour tout ce qui n’est pas son peuple, et ainsi la religion des anciens Israélites ne saurait prétendre à la supériorité sur celles de l’antiquité païenne. Cf. Fr. Delitzsch, Babel und Bibel.

Il y a lieu de remarquer tout d’abord que l’anathème n’est ni un vœu ni un sacrifice, c’est la simple exécution d’un ordre formel de Dieu, qu’il s’agisse de Jéricho, Jos., vi, 17, de Haï, viii, 3, ou de l’ensemble des Cananéens, x, 40, non pour offrir des victimes mais pour exterminer des ennemis dangereux surtout au point de vue religieux ou pour châtier des coupables, Jos., VIII.

Les mêmes textes qui nous prouvent que l’anathème n’est pas le sacrifice humain, commandé par un vœu, nous apprennent qu’il est la consécration intégrale à la divinité d’une enceinte déterminée et de tout ce qu’elle renferme ; la philologie scientifique, l’histoire cl la législation d’Israël corroborent cette conclusion.

Cette consécration est faite, non pas en vertu de l’empire souverain de Jahvé sur toute la terre, mais par une intervention divine spéciale, manifestée pour Jéricho, par exemple, par l’apparition du chef de l’armée de Jahvé, v. 13-16 et le transfert de l’arche autour de la ville, vi, 2-5, pour Haï, par le geste de Josué étendant, sur l’ordre de Dieu, son javelot vers la ville et le maintenant ainsi jusqu’à l’extermination de ses habitants, viii, 18. 26. (Cf. Ex., xvii, Moïse sur la colline, tendant le bâton d’Elohim vers l’ennemi, tandis que Josué combat dans la plaine.) Tout ce qui se trouve à l’intérieur de l’enceinte dont Jahvé a ainsi pris possession lui est réservé ; quiconque y pénètre illégalement ou en détourne quelque objet est de même à la merci de Jahvé et devra être détruit, tel le sens de la mort d’Achan. châtiment de sa révolte contre Jahvé. Jos., vin.

Cette idée de l’anathème dans l’ancien Israël, modifiée dans la suite, suppose une conception plus ou moins claire de la divinité qui dépasse la monolâtrie d’un dieu local ou national et exige un véritable monothéisme, lequel fait de Jahvé le maître de la terre et le roi de tous les peuples. De pratiques et d’usages religieux communs à d’autres peuples, on ne peut conclure à l’identité de religion : « on pourra s’y tromper et nier les divergences, si l’on se contente d’étudier les institutions par le dehors ; il est impossible de s’y méprendre dès qu’on en demande l’interprétation aux Israélites eux-mêmes. Ce monothéisme, pour ignorer nos cadres métaphysiques, n’est cependant ni l’hénothéisme ni même une simple monolâtrie. On a dit qu’il était l’œuvre des prophètes du viiie siècle. Mais, on le voit, cela est radicalement impossible ; il est si bien et de tant d’années antérieur aux prophètes qu’il a une profonde répercussion dans les plus anciennes institutions israélites. Il est impossible qu’il soit le produit de la pensée humaine. Nous le devons à la révélation divine. Le reproche de cruauté, que Delitzsch articule contre Jahvé, combe à faux. Tout au plus et à se mettre à un point de vue absolu, pourrait-on parler, pour certains cas, de sévérité outrée ; mais c’est un jeu puéril ; les usages anciens ne se jugent qu’en fonction de leurs milieux et suivant les idées qu’ils traduisent. Et certes, au sein du monde oriental de l’antiquité, Israël n’avait pas à rougir. » L. Delporte, L’anathème de Jahvé, dans Recherches de science religieuse, 1914, p. 338. Cf. tout l’article, p. 297-338 ; Lagrange, Religions sémitiques, Paris, 1903, p. 179 sq.

Au sujet de la religion des ancêtres d’Israël enfin, un passage du livre de Josué, xxiv, 2 est Suuvent invoqué pour faire débuter la religion d’Israël à la vocation d’Abraham et considérer par conséquent tous ses devanciers comme des polythéistes : « Vos pères, dit Jahvé Dieu d’Israël, Tharé père d’Abraham et de Nachor, habitaient à l’origine de l’autre côté du fleuve et ils servaient d’autres dieux. » S’agit-il de tous les ancêtres du peuple hébreu qui de tous temps auraient servi d’autres dieux sans connaître le seul vrai Dieu, ou bien de certains d’entre eux seulement qui auraient abandonné ou altéré la véritable religion ? Cette dernière alternative paraît plus vraisemblable au P. Calés, dans Recherches de science religieuse, 1913, ]>. 89 ; rien n’empêche pourtant de s’en tenir au sens littéral du texte scripluraire.

Le culte.

Si les sacrifices dont il est fait mention au livre de Josué sont offerts parfois selon les prescriptions du Deutéronome et du Lévitique, c’est-à-dire au sanctuaire unique, auprès de l’arche d’alliance : si les fils de Kuhen, de Cad et de la demi-tribu de Ma nasse sont blâmés pour avoir dressé un autel en violation de la loi de l’unité du sanctuaire, Jos., xxii, 9, 34, il n’en va pas toujours de même comme c’est le cas, semble-t-il, dans l’érection d’un autel au mont Hébal par exemple. Jos., viii, 30-31. D’autre part, le voisinage de sanctuaires cananéens à Galgala ou au mont Hébal pour l’érection du monument qui doit perpétuer le souvenir du passage du Jourdain ou le renouvellement de l’alliance n’allait pas sans de graves inconvénients pour l’avenir ; en même temps que la mémoire des grands événements qui s’y étaient accomplis, les Israélites risquaient d’y trouver le contact avec les cultes cananéens qui continuaient de s’y célébrer et d’en subir la néfaste influence.

Au sanctuaire de Galgala se rattache encore l’épisode de la circoncision faite par Josué sur les enfants d’Israël, après le passage du Jourdain. Jos., v, 2-9. (De ce passage, 2-3 et 8-9 seraient du Jéhoviste ou de l’Elohiste, 4-7 du rédacteur deutéroomiste ou même d’après quelques critiques, une addition tardive.) Dans l’hébreu et la Vulgatc, Jahvé donne à Josué l’ordre de circoncire de nouveau les enfants d’Israël ; dans les Septante (excepté A) il n’est pas question d’une nouvelle circoncision, aussi considère-t-on en général la leçon de l’hébreu comme non authentique. Ainsi Bennett, Dillmann, Steuernagel. Le but de cette circoncision, du moins d’après 8-9, est d’enlever l’opprobre de l’Egypte ; qu’est-ce à dire ? selon l’interprétation la plus probable et la plus généralement acceptée, cet opprobre serait le mépris que les Égyptiens, qui pratiquaient eux-mêmes la circoncision, manifestaient à l’égard de ceux qui ne s’y étaient pas soumis ; d’autres y voient la situation déshonorante des Hébreux, réduits à l’esclavage sur les bords du Nil et désormais, réconciliés avec leur Dieu, assurés de l’héritage de la Terre promise, la circoncision étant ainsi le signe de l’alliance d’Israël avec son Dieu. Cf. de Hummelauer, op. cit., p. 153-166. En raison même des circonstances où s’opère cette circoncision on y a vu aussi la marque de l’aptitude au mariage et à la guerre, ce ne sont pas, en effet, des enfants mais des jeunes gens qui sont circoncis. Steuernagel. Deuteronomium und Josua, Gœttingue, 1900, p. 186. Cf. art. Circoncision dans Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 774-775, et dans le Dictionnaire de Théologie, t. ii, col. 2519-2527.