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Dictionnaire de théologie catholique/JUDAÏSME IV. Partis religieux et politiques

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 102-104).

IV. Partis religieux et politiques. —

1° Pharisiens et sadducéens. — Rien n’aurait été plus naturel et plus indispensable pour le bien de la nation que l’harmonie entre les représentants du sacerdoce et les docteurs de la Loi ; d’autant que les premiers scribes étaient des prêtres, que longtemps les deux charges furent réunies dans les mêmes mains et que même après leur séparation le sacerdoce trouvait toujours son plus ferme soutien dans les doctrines des scribes.

Cependant la guerre éclata entre les deux ordres dès le groupement définitif des scribes. Il y avait entre les aristocrates de la hiérarchie et les plus zélés des docteurs une discorde presque continuelle. Elle devint finalement si aiguë que deux partis se formèrent qui divisaient tout le peuple : les pharisiens et les sadducéens. Toute l’histoire juive depuis l’insurrection macchabéenne jusqu’à la chute de Jérusalem est dominée par leur antagonisme et en reflète les suites néfastes.

Nous n’avons pas de renseignements positifs sur l’origine des pharisiens et des sadducéens. Les deux groupes semblent s’être formés simultanément à l’époque macchabéenne. Les livres des Macchabées ne les mentionnent pas encore. Mais ils existent déjà plus ou moins nettement constitués pendant les coin bats des fils de Mathalhias. Les hasidim queux), I Macch., ii, 42 ; vii, 13 ; II Macch., xiv, 6, qui prêtaient l’appui le plus solide aux Macchabées sont sans aucun doute les mêmes qui portent plus tard le nom de pharisiens. Ils se distinguaient par un grand zèle pour la Loi et par la résistance absolue à toute in fil tration païenne. Ceux des prêtres membres de l’aristocratie, par contre, qui nourrissaient l’esprit opposé, qui favorisaient sous Antiochus Épiphane l’introduction des mœurs et des idées helléniques et y prêtaient même un concours actif sont, sinon dans le sens strict du mot, au moins en principe, les premiers sadducéens. Sous le règne de Jean Hyrcan les deux partis apparaissent nettement groupés et expressément désignés par les noms qu’ils ont gardés dans l’histoire. Ant., XIII, x, 5 sq.

1. Les pharisiens ne formaient ni un parti politique ni une secte religieuse. Ils étaient simplement ceux qui voulaient réaliser de la façon la plus parfaite la sainteté prescrite par la Loi, les représentants outranciers "et intransigeants du légalisme tel qu’il se mam testait dès la réforme de Néhémie et d’Esdras.

La haine profonde contre le paganisme et l’affection vive pour la Loi qui caractérise tout le judaïsme sont par les pharisiens poussées jusqu’à l’exclusivisme le plus extrême. C’est pourquoi le parti pharisaïque se composait surtout des scribes et de leurs partisans. Tous les grands scribes étaient des chefs pharisiens.

Tout ce qui est dit au sujet du zèle des scribes pour la Loi est encore plus vrai des pharisiens. Ils sont ceux qui « expliquent exactement la Loi des pères. « Ant.. XVII, ii, 4, et qui pour l’observer, « renoncent à toute jouissance et à toute commodité ». Ant., XVIII. i. 3. Ce sont eux surtout qui ont introduit la Loi orale : « les pharisiens ont imposé au peuple beaucoup de prescriptions qui ne sont pas écrites dans la Loi de Moïse. » Ant., XIII. x. 6. Comme ils étaient les plus pieux par l’observation stricte de la Loi, ils étaient C16

aussi les plus croyants : Us professaient toutes les doctrines nouvelles du judaïsme tardif.

I--ii matière de politique, ils étaient en principe tout à fait indifférents. En leur qualité de piétistes, ils

jugeaient la situation extérieure uniquement au point de vue religieux et regardaient comme la meilleure celle qui garantissait la plus grande liberté pour observer Ja Loi. Lorsque Antiochus Épiphane détendit la pratique de la religion juive, ils furent les premiers à prendre les armes ; mais ils ne participèrent aux combats qu’aussi longtemps qu’il s’agit de recouvrer la liberté religieuse ; dès que les Asmonéens, en désharmonie avec la Loi. montrèrent des tendances mondaines, ils devinrent leurs pires ennemis. En lace de la domination romaine, les uns conseillaient la soumission, en disant que la Providence avait permis cette oppression comme un châtiment ; les autres, les zélotes surtout, poussaient à la révolte, parce que le joug étranger leur semblait incompatible avec l’idée de théocratie.

2. Les sadducéens avaient sous tous ces rapports des tendances absolument contraires. Tandis que les pharisiens étaient des idéalistes pieux, eux étaient des aristocrates réalistes.

Malgré leur caractère sacerdotal, ils étaient presque uniquement préoccupés du pouvoir et des autres avantages matériels de leur position. Ils tonnaient un vrai parti politique. Ils s’occupaient des affairés publiques dans le but de maintenir la tranquillité de l’État et de sauvegarder ainsi leurs postes lucratifs. C’est pourquoi ils évitaient tout conllit avec les puissances étrangères et s’assimilaient autant que possible les idées et les mœurs païennes. Ils ne pensaient pas, certes, à renier la religion de leurs pères. Cependant ils rejetaient les lois de la tradition et reconnaissaient uniquement laThora : Les sadducéens disent que cela seul qui est écrit est légal. Ce qui provient de la tradition n’est pas à observer. > Ant.. XIII. x. 6. De même ils n’acceptaient pas les nouvelles doctrines dogmatiques. Par Josèphe et le Nouveau Testament, nous savons qu’ils ont surtout nié la résurrection des morts et l’immortalité de l’âme, l’existence d’esprits purs et la providence de Dieu. Act., xiii, X : Ant.. XVIII, i, 4 ; Bell, jud., Il, viii. 1 I.

En réprouvant ces doctrines et en n’observant pas la Loi orale, les sadducéens s’écartaient de la foi et de la pratique religieuse de leurs contemporains et représentaient au milieu du judaïsme tardif une véritable secte : d’autant que leur conservatisme n’était pas inspiré par le désir religieux de respecter le patrimoine sacré de leurs ancêtres, mais par un esprit libéral et séculier qui ne voulait rien savoir ni d’une sévérité excessive ni d’une doctrine trop transcendante.

Le pharisaïsme est la réaction du judaïsme contre ces tendances sadducéennes. Aussi les pharisiens étaient-ils, comme les scribes, très populaires, tandis que les aristocrates libéraux du sacerdoce étaient souvent détestés. Lien que les sadducéens lussent les plus nombreux dans le sanhédrin et eussent en leur main le pouvoir. « quand ils exerçaient quelque magistra turc, ils se dirigeaient quand même d’après les exigences des pharisiens, parce que dans le cas opposé la foule ne les aurait pas supportés. AnL. XVIII,

I. I.

Cependant il serait faux d’en conclure que les plia risiens représentaient un parti démocratique, ils se

séparaient systématiquement de la masse du peuple et le dédaignaient a cause de son impureté rituelle et de sa négligence dans l’observation de la Loi. Ils évitaient toul contæl avec lui, défendaient les mariages avec ses membres. C’esl pourquoi ils lurent stigmatisés du nom de » séparai isles » (perisim).

Si le peuple les vénérait malgré toul, c’esl parce

qu’il admirait leur zèle pour la Thora et leur sainteté extérieure.

2° Les esséniens. Du judaïsme palestinien est issue encore la secte fort curieuse des esséniens. Son nom comme son origine sont obscurs. Essénien signifie probablement pieux et le groupement de ces pieux sectaires semble dater du iie siècle avant J.-C. Les renseignements sur eux sont dus surtout à Josèphe, Bell, jud., IL vin. 2-13 ; Ant., XIII, v, 9 ; XV, x, 4-5 ; XVIII, i..">, à Philon, Quod omnis probus liber, § 1213, Opéra, édit. Mangey, t. n. p. 457-459 et à l’line, Ilixt. mit., v, 17.

D’après ces auteurs, les esséniens formaient un véritable ordre religieux. Les membres s’adonnaient à une vie ascétique d’après des principes qui dépassaient encore notablement le rigorisme des pharisiens. Ils vivaient surtout dans le désert, mais aussi dans les villes ; ils habitaient communément dans des sortes de couvents, sous la direction de supérieurs. Pour être reçu dans l’ordre, il fallait passer par un noviciat de deux ans. Les membres étaient étroitement liés entre eux par la communauté absolue des biens. Leur occupation principale était l’agriculture ; ils apprenaient aussi des métiers ; le commerce par contre leur était défendu. Ils avaient une extrême estime de la Loi qu’ils montraient surtout par l’observation la plus sévère du repos sabbatique et par les soins scrupuleux pour la pureté rituelle. Ils commençaient la journée par la prière, se réunissaient pour les repas qui étaient préparés par des prêtres et avaient ainsi un caractère de sacrifice. Avant chaque repas, ils prenaient un bain.

Toutes ces pratiques des esséniens ne dépassaient pas le cadre de la piété pharisaïque. Elles ne représentaient qu’un renchérissement sur l’idéal de perfection, prêché et réalisé par les pharisiens..Mais nous trouvons chez eux d’autres principes et coutumes qui n’ont rien de commun avec le judaïsme. Ils repoussaient complètement le mariage à l’exception d’une branche qui l’approuvait sous certaines conditions. Ils s’abstenaient de tous les sacrifices d’animaux et pour cette raison ne prenaient point part au culte du temple. Ils réprouvaient aussi le serment.

Pendant leurs prières, ils se tournaient vers le soleil parce qu’ils voyaient en lui le symbole de la lumière divine. Dans leurs pratiques religieuses, ils recherchaient des états mystiques, des extases et des ravissements ; ils aimaient à prédire l’avenir : outre ces pratiques, certaines croyances les éloignaient aussi de la religion mosaïque. Ils avaient des idées spéciales sur les anges, supposaient la préexistence des âmes qui auraient été attirées dans les corps par un amour sensuel. Après la mort, les corps se dissoudraient définitivement, les âmes seraient d’après leurs mérites éternellement heureuses ou malheureuses.

A cause de ces particularités, les esséniens ne peuvent pas être regardés comme une secte purement juive. Il y a chez eux sans doute des influences étrangères. Parmi les cinq hypothèses, formulées à ce sujet, la plus probable est celle qui suppose que c’est le pythagoréisme qui a contribué à la formation de cet esprit. Les esséniens auraient donc voulu réaliser simultanément l’idéal pharisien et pythagoricien.

.’! " Les thérapeutes. - Les thérapeutes sont également une secte juive qui était florissante au premier siècle chrétien, surtout en Egypte. Philon les décrit dans son livre : De vita contemplaliva, édit. Mangey, t. ii, p. 171-81). Ils se distinguaient comme les esséniens par un grand ascétisme. Leur association comprenait des hommes et des femmes. Chaque membre logeai ! à part dans une maisonnette et s’occupait toute la journée à l’étude de l’Écriture Sainte d’après son sens allégorique. Après le coucher du soleil seulement, les thérapeutes quittaient leur sanctuaire »

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pour manger et pour boire : tout le septième jour, ils ne prenaient que du pain, du sel et de l’eau. Beaucoup jeûnaient pendant trois jours. Ils se réunissaient le septième jour dans un sanctuaire commun pour entendre une conférence du plus ancien.

Leur plus grande tête était le cinquantième jour, qui est probablement la Pentecôte. Pour la célébrer ils se réunissaient en habits blancs, chantaient des hymnes, étaient instruits par l’explication du texte biblique, mangeaient les mets les plus sacrés : du pain, du sel qu’ils mélangeaient à de l’hysope. Après le repas commençait une fête nocturne qui consistait en des chants exécutés par deux chœurs et en des danses.

Les thérapeutes n’étaient pas des ascètes chrétiens comme Eusèbe, H.E., II, xvii, et beaucoup d’auteurs jusqu’au xvie siècle l’ont cru, mais de purs Juifs. Cependant ils ne sont pas non plus des scribes idéalisés par Philon. Ils représentent une association réelle de philosophes juifs qui avaient les mêmes idées que Philon.

Pharisiens et sadducéens.

Montet, Essai sur les origines

des partis sadducéen et pharisien et leur histoire jusqu’à la naissance de Jésus-Christ, Paris, 1883 ; Davaine, Le Saducéisme, thèse, Montauban, 1888 ; Narbel, Élude sur le parti pharisien, thèse, Paris, 1891 ; Lafay, Les sadducéens, thèse, Lyon, 1904 ; Schiirer, Geschichte…, t. ii, p. 380419 ; Felten, op. cit., t. i, p. 372-385 ; Derenbourg, op. cit., p. 70-82 ; F, Prat, Pharisiens, dans Dict. de la Bible, t. v, col. 205-218 ; H. Lesètre, Sadducéens, ibid., t. v, col. 13371346 ; D. Eaten, Pharisces, dans Hastings, Dict. of the Bible, t. iii, p. 821-829, du même, Sadducees, ibid., t. iv, p. 349-352.

Esséniens.

V. Ermoni, L’essénisme, dans Revue des

questions historiques, 1903, t. xxix, p. 5-27 ; Friedlânder, Die religiosen Bemegungen innerhalb des Judentums Un Zeilalter Jesu, Berlin, 1905, p. 114-108 ; Schiirer, Geschichte, t. ii, p. 556-584 ; Felten, op. cit., 1. 1, p. 388-401 ; W. Bousset, Die Religion des Judentums…, p. 524-536 ; Derenbourg, op. cit., p. 166-175 ; F. C. Conybeare, Essines, dans Hastings, Dict. of the Bible, t. i, p. 367-372.

3. Thérapeutes.

Lucius, Die Therapeuten und ihre Stellung in der Geschichte der Ascèse, Strasbourg, 1879 ; N’irschl, Die Therapeuten, Mayence, 1890 ; Conybeare, Philo about the contemplative life, critically edited ivith a defence of ils genuinas, Oxford, 1895 ; Massebieau, Le traité de la vie contemplative et la question des thérapeutes, dans Revue de l’histoire des religions, 1887, t. xvi, p. 170 sq., 284 sq. ; P. Wendland, Die Therapeuten und die Schrift vom beschaulichen Leben, dans Jahrbùcher fiir klassische Philologie, 1896, t. xxii, p. 693 sq.