Dictionnaire de théologie catholique/MESSE VI. La messe en Orient du IVè au IXè siècle 1. La doctrine des Pères orthodoxes
VI. LA MESSE EN ORIENT DU IV » AU IX* SIÈCLE. —
I. La doctrine des Pères
orthodoxes.
II. La messe chez les nestoriens et les
monophysites (col. 1327).
III. La doctrine sur le sacrifice
de la messe et le développement des rites liturgiques
(col. 1329).
I. La doctrine des pères orthodoxes. —
On retrouve chez les Pères du ive siècle et des siècles suivants les affirmations des Pères anténicéens sur le caractère sacrificiel de l’eucharistie, la relation de ce sacrifice non sanglant avec le sacrifice sanglant de la croix, son efficacité salutaire pour les vivants et pour les morts, son quadruple caractère latreutique, eucharistique, propitiatoire et impétratoire, qui en fait la substitution parfaite des sacrifices multiples de l’Ancienne Loi. La foi de l’Église sur ces divers points ne subit ni éclipse ni variation. Leur ensemble est maintenu dans la piété chrétienne par l’oblation quotidienne du sacrifice, suivant un rituel qui, sous la variété des formules et les divergences de détail, reste le même en ses lignes essentielles dans toutes les Églises. Il y a dès lors peu d’intérêt à passer en revue la série chronologique des Pères et des écrivains ecclésiastiques pour recueillir sur leurs lèvres les simples affirmations déjà rencontrées chez les premiers témoins. Mieux vaut s’arrêter à quelques passages bien choisis de certains d’entre eux qui accusent un certain progrès dans l’explication du dogme, et éclairent de quelque lumière l’une ou l’autre des thèses classiques de la théologie actuelle.
Il ne faut pas, du reste, nous attendre à trouver chez les Pères des conceptions systématiques soit sur la nature du sacrifice en général ou l’essence du sacrifice de la messe en particulier, soit sur les relations de celui-ci avec le sacrifice de la croix ou avec ce que certains nomment le sacrifice céleste. Ces synthèses sont d’un autre âge, et quiconque veut monopoliser au profit de son système les données patristiques risque fort de faire fausse route et de prêter aux anciens des idées étrangères à leur perspective.
Ces considérations nous déterminent à suivre, dans
l’exposé de la doctrine des Pères orientaux, l’ordre
synthétique plutôt que l’ordre chronologique. Nous
allons donc mettre sous les yeux du lecteur quelques
textes de valeur sur chacune des thèses classiques du
traité de la messe :
1° Jésus-Christ, à la dernière cène,
en instituant l’eucharistie, a offert un vrai sacrifice ;
2° La messe est un vrai sacrifice et la reproduction du
sacrifice de la cène ;
3° La consécration du pain et du
vin et leur changement au corps et au sang de Jésus-Christ
constitue l’acte central et principal du sacrifice
eucharistique ;
4° La messe représente et reproduit
mystiquement le sacrifice de la croix ;
5° La messe
remplit les quatre fins du sacrifice.
1° Jésus-Christ, à la dernière cène, a offert un vrai sacrifice. —
Que Jésus-Christ, à la dernière cène, en instituant l’eucharistie, ait offert à Dieu un vrai sacrifice et se soit manifesté par là prêtre à la manière de Melchisédech, conformément à la prophétie du psaume cix ; que dans ce sacrifice il y ait eu une certaine immolation de la victime qui était lui-même, immolation non sanglante, mais simplement symbolique et mystique : c’est ce qu’enseignent communément les Pères grecs à partir du iv siècle. Les témoignages abondent. Rapportons-en quelques-uns des plus explicites.
Voici d’abord l’affirmation d’Eusèbe de Césarée, Dcmonst. evangel., l. V, c. iii, P. G., t. xxii, col. 365 D : « De même que Melchisédech, qui était prêtre des Gentils, n’est présenté nulle part comme ayant offert des victimes d’animaux, mais seulement du pain et du vin, lorsqu’il bénit Abraham ; de même Notre-Seigneur et Sauveur lui-même d’abord te premier, puis tous les autres prêtres établis par lui et dispersés parmi toutes les nations, lorsqu’ils célèbrent le sacrifice spirituel selon les règles ecclésiastiques, r » ]V ~vsu[.i.aTt, XY]V èmTSAoGvTSÇ xarà toùç ÊxxA7)aioccrn.xoù< ; Geapioùç îepoupyîav, représentent mystérieusement, oùvîttovtoci, par du pain et du vin le sacrement de son corps et de son sang salutaire. » Même affirmation chez saint Athanase ou l’auteur, quel qu’il soit, du Sermo major de fide, 29, P. G., t. xxvi, col. 1284 C : « C’est par son corps que le Christ est devenu et a été appelé pontife par le sacrement qu’il nous a transmis en disant : Ceci est mon corps pour vous, et : Ceci est mon sang, sang de la Nouvelle Alliance, non de l’Ancienne, qui est répandu pour vous. Cf. Théodoret, Dial. contra heeres., ii, P. G., t. î.xxxiii, col. 180, qui cite le même passage sous le nom de saint Athanase.
Dans son premier discours In Christi resurrectionem, P. G., t. xlvi, col. 612 CD, saint Grégoire de Nysse
met en vive lumière le sacrifice mystique de la cène « Le Sauveur, dit-il, voulant montrer que c'était bien volontairement et de son plein gré qu’il sacrifiait sa vie pour notre salut, et que la malice des Juifs aurait été impuissante contre lui sans sa permission, devança leur agression par une invention de sa sagesse : Il recourut à une manière de sacrifice ineffable et invisible aux hommes, et s’oflrit lui-même en oblalion et en victime, étant à la fois le prêtre et l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, xaTa tov apprjTOv ttjç Lepoupytaç -vpô-ov xal toïç àvGpcÔ7roiç àôpaTOv, xal éauTÔv -poarjveyxs TTpoaçopàv xal Ouaîav Ù7ïèp yjjjuov. » Quand fit-il cela ? Lorsqu’il donna à manger son corps réduit à l'état de nourriture, montrant clairement que l’immolation de l’agneau avait déjà été consommée ; car le corps de la victime n’aurait pas été propre à être mangé, s’il avait été vivant. Ainsi, lorsqu’il donna à ses disciples à manger de son corps et à boire de son sang, déjà par le dessein bien arrêté de celui qui réglait ce mystère par sa puissance, le corps avait été immolé d’une manière ineffable et invisible, ^Sv) xaxà to 8eXr)TÔv T7J È ; ooala toû to ji.uaTYjpi.ov oîxovojxoûvtoç àpprjTcoç ts xal àopâTcoç to <jô[ia stéQuto. L'âme cependant restait là où la puissance de l’auteur du mystère l’avait placée avec la vertu divine qui lui était unie, ne désertant pas la région du cœur. Aussi peut-on, sans se tromper, compter les jours [où Jésus est resté enseveli ], à partir du moment où fut offerte à Dieu la victime par le grand-prêtre qui avait sacrifié pour le péché de tous son propre agneau, c’està-dire lui-même, d’une manière invisible et ineffable, àcp’ou TtpoarjyÔrj tg> 0ew tj Guala Ttapà toû [leyâXoo àpytepéciiç, toû tov éauToû àfi.vôv ÙTrèp ttjç xoivrjç â[i.apTÏaç àpprjTcoç ts xal àopaTOÇ lepoupy/iaavTOç. D’après l'évêque de Nysse, le sacrifice de la cène, la première messe, fut donc un sacrifice parfait et complet, mais l’immolation en était mystique et invisible. La mort sur la croix devait la manifester.
Dans son homélie In mysticam cœnam, P. G., t. lxxvii, col. 1017 A, saint Cyrille d’Alexandrie exprime plus brièvement la même idée que saint Grégoire de Nysse : « A la dernière cène, l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde, est égorgé, atpayiâÇeTai ; le Père se réjouit, le Fils est sacrifié volontairement non par les adversaires de Dieu, mais par luimême, afin de montrer que sa passion salutaire est volontaire, ô Ylôç éxouctîcûç lepoupyEÏTa !. où/ Ù7ro twv Geo[j.âywv ayjnepov, àXX'ûcp' èaOToû. »
Vn des auteurs qui insistent le plus sur l’immolation mystique de Jésus à la dernière cène est le prêtre Hésychius, dans son Commentaire du Lévitique : Prœveniens semetipsum in ccena apostolorum immolavit, quod sciunt qui mysteriorum percipiunt virtutem. Hune sacerdolem Septuaginta non solum unelum sed et consummalum manibus appellarunt. Consummatus est enim manibus prius in mystica ccena, accipiens panem et frangeas ; deinde per crucem, quando affixus est. In LcviL, t. I, c. iv, P. G., t. xem, col. 821-822. De même, In Levit., t. V, c. xvi, col. 993 B : Ipse propriam carnem immolavit ; ipse sui sacrificii pontifex in Sion factus est, quando sanguinis Novi Testamenti dabal calicem. Cf. In Levit., t. II, c. viii, col. 882 B, 883 A ; Fragmentum in ps. cix, 2, col. 1324, où se lit l’expression : 'Ev Stwv (au cénacle) éauTÔv ô Movoyevrjç ëOuæv.
Des expressions d’I Iésychius il faut rapprocher celle qu’emploie Eutychius, patriarche de Constantinople, dans son sermon De paschale, 2, P. G., t. lxxxvi b, col. 2393 B : Avant de mourir, il mangea la Pâque, la Pâque mystique j’entends ; car, sans la passion, cette cène n’aurait pas reçu le nom de Pâque. Il s’immola donc mystiquement, lorsque, après le repas, prenant le pain dans ses mains, il rendit grâces, l’offrit et le rompit, s'étant introduit lui-même dans l’antitype,
fjwaTixôiç oùv saoTov èQuasv… èy.[j.l^aç éauTÔv tcù
àvTITÛTCW. »
D’après Théodoret, In ps. CIZ, 4, P. G., t. lxxx, col. 1772 C, Jésus inaugura son sacerdoce dans la nuit qui précéda sa passion, lorsque, prenant du pain, il rendit grâces et le rompit, en disant : Prenez et mangez-en : ceci est mon corps, etc.
Le Syrien saint Éphrem est d’accord avec les Pères grecs : il parle plus d’une fois, dans ses discours métriques, du sacrifice de la cène. Voir, par exemple, le IIe discours pour la semaine sainte, 6-10,.1. Lamy, S. Ephrœm Syri hymni et sermones, t. i, Malines, 1882, p. 380-390 pass., où le saint docteur dit qu'à la cène fut offerte la véritable Pâque du véritable agneau : Jésus fut l’oblation et l’offrant, les disciples mangèrent la victime.
2° La messe est un vrai sacrifice, reproduction du sacrifice de la cène. — La messe n’est pas autre chose que la répétition du sacrifice offert par Jésus à la dernière cène.
Les Pères grecs affirment clairement cette identité : identité par rapport au rite extérieur et au mode d’immolation : c’est un sacrifice non sanglant, dcvaîfxaxToç Goala, expression qui revient constamment dans les écrits patristiques comme dans les documents liturgiques : Voir, par exemple, saint Nil, Epist., ii, P. G., t. lxxix, col. 345 ; saint Isidore de Péluse, Epist., m, 75, P. G., t. lxxviii, col. 784 ; identité par rapport à la victime, qui est le corps et le sang de Jésus et Jésus lui-même tout entier sous les espèces du pain et du viii, avec cette différence qu'à la dernière cène, Jésus était passible et mortel dans son humanité, tandis qu'à la messe il se trouve dans son état glorieux et immortel ; identité aussi par rapport au prêtre principal, qui reste Jésus lui-même opérant invisiblement le changement du pain et du vin en son corps et en son sang, continuant à s’offrir à son Père dans son état de victime tandis que les prêtres de l'Église tiennent visiblement sa place et répètent les paroles et les gestes qu’il fit alors.
De tous les Pères de l'Église orientale saint Jean Chrysostome est celui qui expose avec le plus d’abondance et de précision les divers aspects de cette doctrine. Ainsi il écrit, In II Tim., nom. ii, 45, P. G. y t. lxii, col. 612 : « L’oblation que font maintenant les prêtres, quel que soit l’offrant, que ce soit Paul ou Pierre, est la même que celle que le Christ donna à ses disciples ; celle-là n’est pas inférieure à celle-ci, parce que ce ne sont pas les hommes qui la consacrent mais celui-là même qui consacra celle de la cène. De même, en effet, que les paroles que Dieu prononça alors sont les mêmes que les prêtres disent maintenant, de même l’oblation est la même, rj îrpoatpopà tj aÙTr) èaTiv, r]v ô XpiaTÔç toïç (i.aGrjTaîç ÊScoxs, xal rjv vûv ol îepetç ttoioûchv. » Le saint docteur insiste souvent sur l'état d’immolation mystique dans lequel Jésus est placé dans le sacrifice eucharistique : « Lorsque vous voyez, dit-il, le Seigneur immolé et gisant, et le prêtre incliné sur la victime et abîmé dans la prière, et tous les assistants les lèvres rougies de ce sang précieux, pensez-vous être encore parmi les hommes et habiter la terre ? Ne vous semblc-t-il pas être transporté subitement dans les cieux ? "ÛTav ÏSrjç tov Kûpiov teOu[j.sv(jv xal xelfi-evov, xal tov lepéa ècpeaTWTa tg> Oô|j.aTi xal È7ceÙ3(0(i.evov. » De sacerd., ni, 4, t. xlvii, col. 642. Cf. In Rom., nom. viii, 8, t. i.x, col. 465 : tôv Si' rj(xâç açaysvTa XpiaTÔv, to Oû(i.a to èTr’aÙTTJç xel|i.evov ; Il omit, de cœmelerio et cruce, 3, t. xlix. col. 397 : « Puisque ce soir nous allons voir, nous aussi, celui qui a été cloué à la croix, égorgé et immolé comme un agneau, wç à(i.vôv èacpay[i.évov xal TeGujiivov, approchons-nous, je vous en supplie, avec tremblement et grande révérence. »
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- MESSE EN ORIENT##
MESSE EN ORIENT, DU IV* AU IXe SIÈCLE
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Mais le point sur lequel saint Jean Chrysostome insiste le plus est le rôle du prêtre principal et invisible qui est Jésus-Christ lui-même. Ses paroles sont absolument rebelles à une interprétation qui ramènerait la part de Jésus dans l’oblation du sacrifice de la messe à une intervention médiate et simplement virtuelle, provenant de la délégation donnée une fois pour toutes aux apôtres et à leurs successeurs dans le sacerdoce. D’après le docteur grec, Jésus, à la messe, est l’acteur principal, quoique invisible ; le prêtre visible n’est que son instrument, son prêtevoix, son locum tenens. Classique est le passage de la I" homélie sur la trahison de Judas, 6, t. xlix, col. 380, où cette doctrine s’exprime avec le plus de relief : « C’est le moment d’approcher de la table redoutable… Le Christ est là : c’est lui qui prépara la table [du cénacle] ; c’est lui aussi qui maintenant orne la nôtre. Ce n’est pas un homme, en effet, qui fait que les dons deviennent le corps et le sang du Christ, mais le Christ lui-même crucifié pour nous. Le prêtre est là remplissant un rôle et prononçant les paroles, a^TJfia irÂTjpcùv, xà prjfxaTa <p0eyy6fi.evoç Èxsïva, mais c’est la vertu et la grâce de Dieu qui opère. Ceci est mon corps, dit le prêtre : c’est cette parole qui change les dons, toûto tô pïjfza |i.eTappo6[iiÇsi Ta 7rpox£Îfvsva. » Chrysostome sans doute ne nie pas que le prêtre visible et l’Église dont il est le représentant offrent vraiment le sacrifice ; mais cette offrande même, Jésus l’offre sans cesse à son Père : « S’adressant à Jésus-Christ, Fils de Dieu, à celui qui devait naître de la vierge Marie, Dieu s’écrie : Tu es prêtre selon l’ordre de Melchisédech, offrant perpétuellement par le pain et le vin l’offrande des offrants, apxw xal ol’vco ttjv tcôv 7rpoaxofi.(, Ç6vTa>v Trpoacpopàv sic to Sivjvexèç Ttpoaâywv. » De Melchis., 3, t. lvi, col. 262.
Théodoret, In ps. CIX, 4, P. G., t. lxxx, col. 1773 A, paraît s’éloigner quelque peu de cette conception et faire une part moins directe à Jésus dans l’oblation du sacrifice de la messe : « Le Christ, né de Juda selon la chair, exerce maintenant son sacerdoce [selon l’ordre de Melchisédech ] non qu’il offre quelque chose lui-même, mais en tant qu’il est la tête de ceux qui offrent, oùx aÙTÔç te 7rpoaçÉpa>v, àXXà tcov upooepspôvTcov xscpaXv) ^pv)[i.aTÎCwv. Il appelle, en effet, l’Église son corps, et par son intermédiaire il exerce son sacerdoce comme homme, recevant comme Dieu ce qui est offert. Or l’Église offre les symboles de son corps et de son sang, sanctifiant toute la pâte par les prémices, Sià TauTYjç EspaTsûei cî>ç avGpcojroç, Ss^sTai Se Ta 7rpotiq5£p6fjLEva œç 0s6ç. » II y a lieu de se demander si Théodoret ne parle pas ici de la simple oblation du pain et du vin avant la consécration, ou même après la consécration, puisqu’il paraît bien avoir nié la transsubstantiation. Voir art. Eucharistie de ce Dictionnaire, t., col. 1167. Il admet par ailleurs que Jésus est vraiment sacrifié à la messe. Cf. In Malach., i, 11, t. lxxxi, col. 1968 B : « L’immolation des victimes sans raison a pris fin, et seul désormais est sacrifié l’agneau immaculé qui ôte le péché du monde, fiovoç Se ô apico^oç àfxvôç îepeûeTai. »
Gélase de Cyzique, dans son Histoire du cencile de Nicée, t. II, c. xxx, P. G., t. lxxxv, col. 1317 B, attribue aux Pères du concile la déclaration suivante : « Considérons par la foi que l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, git sur cette table sacrée, immolé par les prêtres sans l’être, [c’est-à-dire d’une manière non sanglante], àôÛTCoç ôttô tûv lepécov
0u6|i.£VOV. »
Que la victime mystiquement immolée sur l’autel soit dans l’état d’impassibilité et d’immortalité où l’a mise la résurrection glorieuse, c’est ce qu’enseigne très clairement Sévérien de Gabala dans un passage cité par Nicétas Akominatos dans le livre XXVIIe de
son Trésor de l’orthodoxie, publié par S. Eustratiadès, Mt}(aY]X toG TXuxâ eIç Taç adoptât ; T7jç Gdaç ypaçîjç XEcpâXaia, t. r, Athènes, 1906, p. XS’-Xe’: « Le pain et le calice qui sont sacrifiés sur les saints autels en mémoire de la mort et de la résurrection de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ sont consacrés, et sont réellement le corps même et le sang de celui qui a souffert volontairement dans la chair et qui est ressuscité pour nous incorruptible, impassible et immortel et communiquant à ceux qui le reçoivent l’incorruptibilité, l’impassibilité et l’immortalité. Le Seigneur lui-même, en effet, à la cène mystique où il mangea avec ses disciples et célébra le premier ce sacrifice, ordonna d’accomplir ce sacrifice de cette manière qui est observée jusqu’à ce jour dans les saintes Églises, ô apTOç xal tô xoTr, piov, Ta ènl tûv
àylwv 0UCTiaaTY)pîwv ÎEpoupyoïjfXEva TEÀsioÛTai xal
ecttiv aÙTÔ to awfxa xai to al|Aa aÙToij toù TcaG&vTOç exo’joîcoç arapxt, .. açGapTov xal daraGèç xal àQâvaTOv xai toiç [J.ETÉ/OUOW àcpOapaîaç xal ânaQsitxç xal àGavaaîaç uapsxTixôv.. » Même doctrine chez Eutychius de Constantinople dans le Discours sur la pâque et l’eucharistie déjà cité, P. G., t. lxxxvi b, col. 23932396 : « Quiconque reçoit une partie des espèces consacrées reçoit le corps de Jésus-Christ tout entier et son sang vivifiant, auxquels est unie la plénitude de la divinité du Verbe, car ce corps, après le sacrifice mystique et la sainte résurrection, est immortel et saint et vivifiant, tô (SccpGapxov y.szà t’^v fj.uaTi.xrjV ÎEpoupyiav xal ttjv àylav àvâaTacnv xal àOâvaTov xai àytov xai ^coottoiov awjxa xal aïfza toù Kuplou,
TOÎÇ àvTlTÛ7TOlÇ EVTt.GEjJ.EVOV Slà TCOV IspOUpy IWV. »
Le dernier des Pères grecs, saint Jean Damascène, enseigne, mais sans relief, que l’eucharistie est un vrai sacrifice, figuré par l’oblation de Melchisédech et les pains de proposition, identique à l’hostie pure et sans tache et non sanglante prédite par Malachie. De fide orthodoxa, t. IV, c. xiii, P. G., t. xciv, col. 1149-1152.
3° La consécration est l’acte central et essentiel du sacrifice de la messe. — Dans les diverses liturgies orientales, qui se sont multipliées et développées surtout à partir du iv siècle, nombreux sont les rites, nombreuses les prières dont l’ensemble compose le drame sacré du sacrifice eucharistique. Mais, parmi tous ces rites et toutes ces prières, il en est un de central et de principal : c’est celui par lequel le célébrant reproduit les gestes et répète sur le pain et le vin les paroles dites par Jésus à la dernière cène : Ceci est mon corps ; Ceci est mon sang ; en d’autres termes, la consécration ou transsubstantiation du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ est l’acte essentiel du sacrifice de la messe. C’est à ce moment en effet, que Jésus-Christ, prêtre principal et victime de ce sacrifice, paraît sur l’autel et s’offre lui-même invisiblement à Dieu, tandis que le prêtre qui tient sa place, l’offre visiblement. C’est à ce moment aussi que, par la signification des paroles prononcées, Jésus est immolé mystiquement, son corps étant placé sensiblement séparé de son sang : ce qui annonce et rappelle sa mort sur la croix ; et ce rappel et cette représentation symbolique est inséparable, en vertu même de l’institution divine, du sacrifice de la messe comme il sera dit tout à l’heure.
Cette doctrine se dégage d’une manière suffisamment claire des textes des Pères grecs. Le point qui dans la tradition orientale est enveloppé, au moins au premier abord, de quelque obscurité, est celui du moment précis où s’opère le changement du pain et du vin au corps et au sang du Seigneur. Est-ce lorsque le prêtre répète sur les oblats les paroles dominicales : Ceci est mon corps ; Ceci est mon sang ; ou bien lorsqu’il demande, après ces paroles, soit à Jésus-Christ lui
même, comme c’est le cas dans quelques formules égyptiennes, soit au Père, par l’intervention du Saint-Esprit, comme c’est le cas le plus fréquent et celui en particulier, du rite byzantin, d’opérer le changement ? La question a été étudiée longuement dans ce Dictionnaire à l’article Épiclèse eucharistique, t. v, col. 232 sq., et nous n’avons pas à répéter ici ce qui a été dit. Qu’il nous suffise de faire remarquer que les Pères grecs, au moins jusqu'à la controverse iconoclaste, ne paraissent pas s'écarter de la doctrine si explicite de saint Jean Ghrysostome dans le texte cité plus haut de la I" homélie sur la trahison de Judas, P. G., t. xux. col. 380, et dans plusieurs autres passages de ses écrits. Si beaucoup d’entre eux attribuent le changement au Saint-Esprit en faisant même allusion à la prière de la liturgie ; si quelques autres, comme Hésychius, rappellent à ce propos, la prière adressée au Christ, au lieu de mentionner les paroles dominicales (cf. In Levit., a, c. viii, P. G., t. xciii, col. 886 D : Nisi Christas, rogatus ore sacerdotum, ipse venerit et cœnam sanctificavcrit, ea quæ aguntur nullatenus sacrificium dominicum ftunt), il ne s’en suit pas nécessairement qu’ils s’opposent à l’enseignement de la Bouche d’or ; car celui-ci aussi attribue souvent la transsubstantiation à la descente et à l’opération du Saint-Esprit.
Ces affirmations, à première vue divergentes, posent un problème délicat à résoudre ; mais la conciliation n’est pas impossible. A vrai dire, les Pères grecs jusqu'à saint Jean Damascène, ne semblent pas s'être doutés de la difficulté qui a occupé les théologiens postérieurs, surtout à partir de l'époque où a commencé la controverse entre Grecs et Latins sur la forme de l’eucharistie. Pour eux, le moment central du sacrifice est l’anaphore ou canon ; et l’acte du sacrifice est considéré comme achevé et consommé, lorsque la participation des trois personnes divines au changement des oblats a été exprimée par les prières de l'Église, c’est-à-dire, en fait, après la prière qu’on est convenu d’appeler Vépiclèse. Mais dans leur pensée le rôle principal dans cet acte (si l’on peut s’exprimer ainsi), revient à Jésus, Pontife et victime du sacrifice, et la transsubstantiation s’accomplit réellement, lorsque le prêtre répète ce que fit et dit Jésus, à la dernière cène. C’est ce qui est supposé par l’affirmation courante que Jésus est le prêtre principal, qui continue à se sacrifier lui-même par le ministère des prêtres visibles comme il se sacrifia au cénacle. C’est ce que proclame, dès le v 8 siècle au moins, la liturgie byzantine de saint Basile : Zù si ô 7tpoa9spo>v xal ; xpoa<p£p6|i.svoç, Tu es celui qui offre et qui est offert. Donnons quelques références.
Dans le fragment d’un discours de saint Athanase aux nouveaux baptisés, qui nous a été conservé par Eutychius, patriarche de Constantinople, dans son sermon De paschate, P. G., t. i.xxxvi b, col. 2101 AB (cf. t. xxvi, col. 1325 A), il est dit : « Tu verras les lévites portant les pains et la coupe de vin et les plaçant sur l’autel, ttjv xpoOTeÇav ; et tant que les prières et les demandes ne sont pas faites, le pain et le calice restent ce qu’ils sont. Mais lorsque les grandes et admirables prières ont été achevées, sic'âv 8s È7UTsXîa0côcri.v al [xeyàXai xai Oxu|i.aaTxi zbynxl, alors le pain devient le corps, et le calice le sang de Notre-Seigneur JésusChrist. » Un peu plus loin, le saint docteur répète à peu près les mêmes paroles, en les introduisant par les mots : « "EâOwjasv ènl tï)v TeXsîwaiv tcôv (i.uaTY)pîcov, Venons-en à la consommation, c’est-à-dire à la consécration, ; i l’accomplissement des saints mystères. »
Saint Cyrille de Jérusalem, de son côté, écrit, Catech. mijst., iv, 7, P. G., t. xxxiii, col. 1072 AB : « Le pain et le vin de l’eucharistie, avant la sainte invocation de l’adorable Trinité, 7Cpo tîjç àyÊocç èmxAY)ascoç ty)ç
7rpocwjv7)T7j< ; TpiàSoç, sont du pain et du vin ordinaires ; mais cette invocation faite, le pain devient le corps du Christ, et le vin son sang. « Qu’est-ce que cette invocation de la Trinité dont il parle, sinon les grandes et admirables prières nommées par saint Athanase, c’est-à-dire l’anaphore de la messe, à partir de la préface jusqu’après la demande du changement par le prêtre ? Ce passage de saint Cyrille peut servir à en interpréter un autre, qui se lit Catech. myst., v, 5-8, P. G., ibid., col. 1113-1116, où le saint docteur rappelle justement l’anaphore de la messe hiérosolymitaine au ive siècle, et paraît n’attribuer le changement qu'à la seule prière par laquelle le prêtre demande à Dieu d’envoyer son Saint-Esprit pour opérer la transsubstantiation. Mais, dans cette prière, l’intervention du Fils, de celui qui est le prêtre, n’est pas mentionnée. Cyrille a même passé sous silence le récit de la dernière cène avec les paroles de Jésus. Elles se trouvaient cependant dans la messe de Jérusalem. Faut-il en conclure que l'évêque de Jérusalem ne leur attribuait aucune efficacité ? Nullement, mais la mention de l'épiclèse du Saint Esprit est donnée comme un terminus ad quem, après lequel, l’invocation de la sainte Trinité étant achevée, le changement est opéré et le sacrifice consommé. C’est ce qu’il dit en propres termes : « Ensuite, après que ce sacrifice spirituel, ce culte non sanglant a été parfaitement accompli, (isxà tô à7TapnaOYJvxi. vrçv rcvs’J[i.aT'.x7)v Oueuav t^v àvaî(xaxTov XxTpsîav, nous invoquons Dieu sur cette hostie de propitiation, èrà ttjç Ouaîccç sxsÎvyjç toû îXaofioij, pour la commune paix de l'Église. »
Très suggestives aussi et allant au même but sont les paroles de saint Basile dans le De Spiritu Sancto, c. xxvii, 66, P. G., t. xxxii, col. 188 : « Les paroles de l’invocation, tx T7)ç STUxXïjastoç prjuxTX, dans la consécration, ètù t5j àvxSeî^st., du pain eucharistique et de la coupe de bénédiction, qui donc d’entre les saints nous les a laissées par écrit ? Car nous ne nous contentons pas de ce que rapporte l’Apôtre ou l'Évangile, mais nous disons, avant et après, d’autres choses, auxquelles nous attribuons une grande efficacité pour le mystère, ù>ç |i.syàXY]v s/ovtoc npbq tô [i.oaT/jpt.ov t/)v ïcr^'iv. » Mais si ces autres paroles qui précèdent et suivent le récit de l’institution ont une grande efficacité, à plus forte raison sont importantes les paroles mêmes du Seigneur répétées par le prêtre. Saint Basile insinue ici discrètement la même doctrine que saint Jean Chrysostome sur les paroles dominicales, en même temps qu’il s’accorde avec les autres Pères pour voir le point central et essentiel du sacrifice dans l’anaphore de la messe, depuis la préface jusqu’après l'épiclèse du Saint-Esprit.
Même enseignement, mais avec plus de précision pour l’efficacité immédiate et fondamentale des paroles du Seigneur, dans saint Grégoire de Nysse, Oratio catech., 37, P. G., t. xlv, col. 97. C’est sans nul doute aussi plus aux paroles du Seigneur qu'à celles de l'épiclèse que songe saint Grégoire de Naziauze, quand il écrit à son ami Amphiloque, Epist., lxxv, P. G., t. xxxvii, col. 280-281 : « Ne néglige pas de prier et d’intercéder pour nous, lorsque par la parole tu fais descendre le Verbe, lorsque par une section non sanglante, tu divises le corps et le sang du Seigneur, ayant
ta voix pour glaive, otocv àvai(i.àxTvr)v e)((i)v to Çôcpoç, expression particulièrement remarquable pour indiquer l’immolation mystique et symbolique du sacrifice de la messe en relation avec l’immolation sanglante du Calvaire. Il faut en dire autant de saint Cyrille d’Alexandrie, là où il affirme « que les oblations offertes dans les églises sont sanctifiées et bénies et consacrées par le Christ, Taç sv Tatç sxxXv ; cHat.ç Scopocpoptaç àyiàse aOai 7uaTeûou.ev xal sûXoysîaOai xal TeXeioîiaGoa 71apà Xpiaxo-3, Adversus anthropomorphitas, c. xii, P. G., t. lxxvi, col. 1097 C. Quant à Hésychius, qui, nous l’avons vu plus haut, semblait attribuer, dans un passage, la transsubstantiation à l’invocation adressée au Christ dans la liturgie dont il se servait, il est aussi explicite que saint Jean Chrysostome sur l’efficacité des paroles dominicales dans le passage que voici : Sanctificationem mystici sacrifîcii et a sensibilibus ad intelligibilia Iranslationem sive commuiationem, ei qui verus est sacerdos, videlicet Christo, oportet dari… quia per ejus virtutem et prolatum ab eo verbum, quæ videntur sanctificata surit. In Levit., t. VI, c. xxii, 14-16, P. G., t. cxiii, col. 1071-1072. La doctrine sur l’efficacité des paroles du Seigneur s’obscurcira dans l'Église byzantine, à partir de saint Jean Damascène, sous l’influence de la polémique contre les iconoclastes. Ceux-ci se fondent sur un passage de la messe de saint Basile pour affirmer qu’il n’y a qu’une image du Sauveur qui soit adorable, à savoir, les antitypes (c’est-à-dire le sacrement) du corps et du sang du Seigneur. Pour mieux leur répondre, les théologiens orthodoxes sont amenés à dire que le changement n’est opéré qu’après que les paroles de l'épiclèse ont été prononcées. Malgré cet écart, ils restent dans la ligne traditionnelle en marquant comme terminus ad quem de l’accomplissement du sacrifice le moment même de l'épiclèse. 4° La messe et le sacrifice de la croix. - — De par l’institution divine, le sacrifice eucharistique est en relation étroite et essentielle avec le sacrifice de la croix. A la cène, Jésus, en donnant à ses disciples son corps à manger sous l’espèce du pain et son sang à boire sous l’espèce du viii, marque par anticipation sa mort sur la croix. Il se présente comme la victime qui va être immolée pour le salut du monde, pour la rémission des péchés : Voici mon corps livré pour vous. Voici mon sang répandu pour vous pour la rémission des péchés. Il ajoute : Faites ceci en mémoire de moi, c’est-à-dire, avant tout, en mémoire de ma mort, comme l’explique saint Paul, I Cor., xi, 26 : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur. » Une doctrine si claire formulée dans les livres inspirés ne saurait être absente de la tradition patristique. Les Pères grecs enseignent donc que la messe est un mémorial de la passion et de la mort du Sauveur, et non un mémorial quelconque, mais un mémorial qui reproduit d’une manière symbolique et non sanglante le drame du Calvaire. Saint Paul ayant enseigné, par ailleurs, dans l'Épître aux Hébreux, l’unité du sacrifice de la Nouvelle Alliance, certains Pères ont la préoccupation de montrer comment cette unité est sauvegardée, malgré la répétition quotidienne du sacrifice eucharistique dans l'Église. Cette unité se fonde, d’après eux, sur l’identité de la victime et sur l’identité du prêtre principal. Il ne faut pas s’attendre à trouver la synthèse de cet enseignement chez tous les Pères et dans chacun des textes que nous allons citer. Les Pères ne parlaient pas comme des professeurs de théologie, et c’est tantôt un point de vue, tantôt un autre qui vient sous leur plume. Ce serait fausser leur pensée, et on la fausse souvent, en donnant une portée exclusive à telle ou telle de leurs expressions.. Eusèbe de Césarée dans sa Démonstration évangélique, t. I, c. x, P. G., t. xxii, col. 83-'J4, esquisse déjà une théorie générale du sacrifice, spécialement du sacrifice propitiatoire. Il y parle à plusieurs endroits du sacrifice de la messe, et le présente comme le mémorial du sacrifice offert par Jésus sur la croix. « Le Sauveur, dit-il, nous a laissé une mémoire de ce sacrifice pour que nous l’offrions continuellement en guise d’hos tie, [irrjy.riv xoà Y]ji.tv 7rapaSoùç ixvtI Oucrccç toi 0eco StTQvsxciç TTpoacpépstv. » Col. 89 B. Il ajoute : « Nous avons reçu par tradition la prescription d’accomplir sur l’autel, suivant les ordonnances de la Nouvelle Alliance, par les symboles du corps et du sang du Sauveur, la mémoire de ce grand sacrifice [du Calvaire ], TOUTOU S-TJTOC TOÙ 6Ô(X0CTOÇ TT]V U.VYjU, 7 ; V Siri. Tpa7TÉ^7]Ç sxteXsîv Stà aU[z66>, cov toù te acôfxaToç aÙTOÙ xal toG acoTTjpiou aïfxaTOç y.aià Œd[j.oùç tîjç xcavTJç 81a6r)X7) : ; TCapsiAYjooTEi ; », col. 89 D ; cf. col. 92 B. Saint Grégoire de Nazianze, Orat. n apolog., 95, P. G., t. xxxv, col. 497 B, au lieu du mot mémoire, xvi, y.r l v, emploie celui d’antitype : « Comment oser s’approcher du Dieu prêtre et victime pour lui offrir le sacrifice extérieur, antitype (c’est-à-dire figure, reproduction) des grands mystères (c’est-à-dire du sacrifice de la croix), avant de lui avoir immolé une hostie de louange, un cœur contrit et humilié, t : C>ç è'fxsAAov Gappîjaoa 7rpoacpépeiv aÙTW rr t v ëEcoŒv [ 6'jaîav], tyjv tûv jjteyâXcûV |i.uaTr ; pîa)v àvTtTU7rov ? » Le terme àvTÎtuttoç est beaucoup plus expressif et compréhensif que celui de y-vr^t] : il suggère l’idée d’une représentation, d’une reproduction, et cadre bien avec ce glaive de la parole divisant le corps et le sang du Christ dont nous a parlé plus haut l'évêque de Nazianze. Le docteur le plus complet est encore ici saint Jean Chrysostome. Commentant l'Épître aux Hébreux, il aborde résolument la question de l’unité du sacrifice de la Nouvelle Alliance proclamée par saint Paul, unité que semble contredire la multiplicité de nos messes : « Le Christ, dit l’Apôtre, s’est offert une seule fois, et cela a suffi pour toujours… Mais quoi, est-ce que nous ne l’oflrons pas chaque jour ? Nous l’offrons, il est vrai, mais c’est en faisant mémoire de sa mort, et l’oblation est unique et non multiple. Comment est-elle unique et non multiple ? Parce qu’elle a été offerte une seule fois comme l’ancienne l'était dans le Saint des saints. L’une est la figure de l’autre, et vice versa ; car nous offrons toujours le même Jésus-Christ et non pas tantôt une brebis, tantôt une autre. Notre victime est toujours la même ; c’est pour cela que le sacrifice est unique. Parce que le Christ est offert en beaucoup d’endroits, allons-nous dire qu’il y a plusieurs Christs ? En aucune manière, mais le Christ est un partout. Ici, il est complet : là il est complet ; il n’est partout qu’un corps unique. De même donc qu’offert en plusieurs endroits, il est un seul corps et non plusieurs, de même il n’y a qu’un seul sacrifice. Notre pontife est celui-là même qui a offert la victime qui nous purifie. Cette victime oflerte alors, victime inconsumable, est celle-là même que nous oflrons maintenant. Cela se fait en mémoire de ce qui eut lieu alors : n’a-t-il pas dit : Faites ceci en mémoire de moi ? Ce n’est pas un autre sacrifice que nous faisons, à la manière du pontife de l’Ancienne Loi, mais c’est toujours le même ; ou plutôt, nous accomplissons la commémoraison du sacrifice [de la croix], 6 àp^ispeùç tjjxcov èy.eïvàç ècmv ô Tr, v xaÔocîpouaav rj^àç npoazvzyy.ôw exeîvtjV Tîpocrcpépofiev xai vûv… tï)v aÙTr)v àel 7TOioû[i.ev uâXXov Se àvà( J iv7 ; atv èpYaÇ6[xs0a Quaôaç. » Jn Hcbr.. hom. xvii, 4, P. G., t.LXIII, col. 131. Théodoret, interprétant lui aussi l'Épître aux Hébreux, se pose la même difficulté, et la résout à peu près de même, mais il tait le rôle de prêtre principal attribué à Jésus, que son prédécesseur fait si souvent ressortir : « Si le sacerdoce de l’Ancienne Loi a pris fin et si le pontife selon l’ordre de Melchisédech a offert son sacrifice, rendant inutile d’autres victimes, pourquoi donc les prêtres de la Nouvelle Alliance célèbrent-ils la mystique liturgie ? Mais ceux qui sont instruits des choses divines savent que nous n’offrons pas un autre sacrifice, mais que nous faisons le mémo rial de cet unique et salutaire sacrifice, comme nous l’a ordonné le Seigneur lui-même : Faites ceci en mémoire de moi ; afin que par la méditation nous fassions revivre en notre souvenir la représentation des souffrances endurées pour nous, et que nous excitions en notre cœur la flamme de l’amour envers notre bienfaiteur, attendant la jouissance des biens futurs, oûx âL/7]v -uvà 6uaîav 7tpoacpspo}i.£v, àXXà xîqc, ! i.tà ; èxelwjç v.y.X aa>r/)ptou tt ; v (xv^[i, 7 ; v hni-zkQx>Lzv.., . ïva Tir, 9s<ùpîa tov tûttov tcôv ûreèp rj[i.ôiv yeysv^pLSvcov &va[JLi[iV7](TX<î>[xe9a 7C » 07j(xàTû>v. » In Hebr., ix, P. G., t. lxxxii, col. 736 B. Terminons par ce passage du traité d’Euloge d’Alexandrie que nous a conservé Photius, Bibliotheca, cod. cclxxx, P. G., t. civ, col. 340-341 : après avoir affirmé l’unité du sacrifice de la Nouvelle Alliance cet auteur ajoute : « Le redoutable mystère du corps du Christ que nous célébrons n’est pas l’offrande de sacrifices différents, mais le rappel du sacrifice offert une seule fois ; le Seigneur a dit, en effet : Faites ceci en mémoire de moi, où Ouaiôiv Ictti 81x<p6pcov TZ’tG7.yu>yi], àXXà ttjç kkixJE, 7rpoævY)vsy[xévy]ç GuaExç àvâ[i.vT)<nç. » 5° Les fins du sacrifice. Il n’y a pas lieu de s’arrêter longuement à l’enseignement des Pères sur les fins et l’efficacité du sacrifice de la messe. Ils répètent ce qui est clairement marqué dans les liturgies orientales. C’est, la plupart du temps, en faisant allusion aux prières rituelles qu’ils parlent du sujet. La messe est avant tout pour eux un sacrifice de louange et d’action de grâces pour les immenses bienfaits de Dieu et spécialement celui de la rédemption. Ils insistent sur l’action de grâces, et c’est tout naturel, puisque ce sacrifice s’appelle l’eucharistie. Voir, par exemple, Eusèbe, Demonst. evang., t. I, c. x, P. G., t. xxii, col. 92 B ; saint Cyrille de Jérusalem, Catech. mysl., v, 5, t. xxxiii, col. 1113 sq. ; saint Jean Chrysostome, In Matth., hom. xxv, 13, t. lvii, col. 331, où il explique le mot eùxapia-uoc ; In I Cor., hom. xxiv, 1, 4, t. lxi, col. 199. Ils signalent aussi le caractère propitiatoire de ce sacrifice. Saint Cyrille de Jérusalem, toc. cit., 8, col. 1116 A, lui donne le nom de 6ucna tou lXaa[Lo5 et dit que nous offrons le Christ immolé pour nos péchés, XpiOTÔv ea7ayi.aa[iivov ÛTrèp Y)[i.eTepcov à(xocpTTj ; j.âTwv 7tpoaçépo[j.sv. Col. 1117. Cette propitiation vise non seulement les péchés des vivants mais aussi les péchés des morts, et les morts en reçoivent soulagement, ibid., col. 1117 ; cf. saint Jean Chrysostome, De sacerd., vi, 4, t. xlvii, col. 680 ; In Philip., hom. iii, 4, t. lxii, col. 203 ; In I Corinlh., hom. xli, 5, t. lxi, col. 361. Ce n’est pas, du reste, ici le lieu d’examiner cette question de la prière pour les morts, qui sera traitée à l’article Purgatoire. Pour ce qui est de la prière de demande pour les vivants, les Pères se plaisent à rappeler aux fidèles dans leurs homélies les magnifiques prières des liturgies orientales où les différents membres de l'Église sont nommés, et les diverses catégories d’affligés et de malheureux, expressément mentionnées ; où toute grâce est demandée, où aucun membre de la famille humaine n’est oublié.