Dictionnaire de théologie catholique/MESSE VIII. La messe dans la liturgie 9. Les liturgies celtiques
IX. La messe dans les liturgies celtiques. —
Y a-t-il en réalité une liturgie celtique au sens où il y a une liturgie mozarabe, une liturgie gallicane, une liturgie romaine ?
Il faut répondre par la négative. Des usages partituliers, des prières quelque nombreuses qu’elles soient, des rites empruntés de droite et de gauche ne suffisent pas à former une liturgie originale. Les anciennes théories qui cherchaient à ces usages une origine orientale et opposaient l'Église celtique aux Kglises latines et notamment à l'Église romaine, théories dont on trouve lés dernières traces dans Warren, sont aujourd’hui bien démodées. L'étude de tous ces fragments liturgiques qui a été très poussée dans ces cinquante dernières années, tend de plus en plus à démontrer que la liturgie celtique ou plutôt les liturgies celtiques, terme adoptée pour rendre compte des divergences qui existent dans les usages liturgiques des églises établies en Irlande, dans les Iles Britanniques et sur le continent européen, ne sont qu’un mélange de rites et de formules empruntés par ces Églises soit aux Églises gallicanes, soit à l'Église romaine, soit même à l'Église mozarabe ou aux Églises orientales. La statistique de tous ces textes assez nombreux a été dressée avec une patience et un soin remarquables dans l’article Celtiques (Liturgies) du Diction, d’arche’ol., par dom Gougaud. Nous citerons plus loin quelques autres travaux sur ce sujet qui méritent d'être consultés. Nous ne signalerons ici que les documents les plus importants pour la messe : le premier est le missel de Stowe, le second celui de Bobbio. On trouve aussi dans les fragments publiés par Bannister et d’autres, quelques prières de la messe dont nous tiendrons compte dans l’exposé qui suit.
1° Les textes.
1. Le Missel de Stowe.
Sous ce nom de Missel de Stowe, on désigne un manuscrit aujourd’hui conservé à la bibliothèque de l’Académie royale d’Irlande à Dublin sous la cote D, II, 3 (fonds Ashburnham), et qui avait séjourné pendant un certain temps dans la bibliothèque du duc de Buckingham, au château de Stowe ; il passa ensuite dans celle de Lord Ashburnham et enfin à l’Académie royale de Dublin. On a cru jadis que ce manuscrit avait été trouvé en Allemagne au xvine siècle, mais il semble démontré aujourd’hui qu’il n’a jamais quitté l’Irlande. On discute encore pour fixer l'âge et l’origine du manuscrit. Les textes irlandais qui y sont transcrits et quelques autres particularités ne laissent pas de doute sur son origine celtique. Il n’en est pas de même pour l'âge : viie, viiie, ixe siècle ; les paléographes hésitent, mais il est certain qu’il a été encore interpolé jusqu’au xe siècle.
Il a été édité par F. E. Warren en même temps que quelques autres fragments dans son livre The liturgy and ritual of the Celtic Church, Oxford, 1881. Malheureusement, et par suite de circonstances indépendantes de la volonté de l'éditeur, cette édition présente d’assez nombreuses erreurs, notamment une interversion de feuillets qui déroute, dans l’ordinaire même de la messe. L'édition du Rev. Mac Carthy, malheureusement moins abordable, mais de beaucoup supérieure, se trouve dans les Transactions of the Royal Irish Academꝟ. 1886, t. xxvii, p. 135-268. La société Henry Bradshaw a confié une réédition à M. [George F. Warner, The Stowe missal, edited by G. F. Warner, t. i, fac-similé, Londres, 1906 ; t. ii, texte, introduction et index, London, 1915. Voir quelques nouveaux renseignements sur le manuscrit de Stowe et son histoire, par E. Gwynn et T. F. O’Rahilly dans Revue celtique, 1927, t. xxxvii, p. 403 sq., et t. xliv, p. 254 sq. Le Missel contient l’ordinaire et le canon de la messe, et des oraisons d’une messe des apôtres et des martyrs, d’une messe des saints et des vierges, de messes pour les pénitents, pour les morts, et d’un ordo bavtismi. C’est le fragment le plus complet et le plus étendu que nous possédions jusqu’ici sur la liturgie celtique. Dans lec. m du livre cité de Warren, sous ce titre Reliquia 1 celticæ lilurgicie, on trouvera quelques autres fragments sur la messe. De son côté H. Marriott Bannister a publié des fragments intéressants dans Journal of theological Studies, t. v, 1903, p. 49-75 ; 1908, t. ix, p. 414-421. Voir aussi un fragment publié par J. Loth, Revue celtique, t. xi, 1890, p. 135-151, et contenant entre autres la litanie du samedi saint. Pour le reste nous renvoyons à l’article de dom Gougaud déjà cité, col. 2971 sq.
2. Le Missel de Bobbio.
Si le Missel de Bobbio publié d’abord par Mabillon était vraiment celtique, il serait un témoin de cette liturgie plus important encore que le missel de Stowe. Mais, s’il a inconstestablement subi des influences irlandaises, en raison de ce fait que l’auteur qui l’a rédigé écrivait soit à Luxeuil, soit dans quelque autre lieu soumis aux mêmes influences, il semble bien plutôt un missel gallican, et encore faut-il dire que le rédacteur a souvent fait des
emprunts, à la tradition romaine, de sorte que les deux usages gallican et romain sont mélangés, comme ce devait être souvent le cas en Gaule au vin » siècle, qui est l'époque où il a été composé. Le nom de Bobbio qui lui est donné vient du monastère où Mabillon le trouva. Il est aujourd’hui à la Bibliothèque nationale, n. 13 246.
Les éditions et les nombreux travaux auxquels il a donné lieu sont cités dans l’article Bobbio (Missel de) par dom Wilmart, du Diction, d’archéol., t. n a, col. 939962. Depuis ce temps, la Henry Bradshaiv Society a édité avec le soin et le luxe qu’elle met dans toutes ses publications le fac-similé du manuscrit, The Bobbio missal, a gallican mass-book, Londres, 1917 ; le texte (même titre) édité par E. A. Lowe, in-8°, Londres, 1920 ; et enfin un vol. (même titre) Notes and siudies, par dom A. Wilmart, E. A. Lowe et H. A. Wilson, in-8°, Londres, 1924.
C’est cette édition qu’il faut consulter, non seulement parce que le texte, après toutes les études paléographiques auxquelles il a donné lieu, y est plus correct, mais encore parce que les dernières vues de la critique sur ce texte si extraordinaire y sont exposées avec impartialité. On en revient pour la question d’origine à concéder qu’il a dû être écrit à Bobbio ou du moins dans une province voisine, que sa date est le viie siècle, même le commencement de ce siècle et que le compilateur doit être un Irlandais. Ceci expliquerait bien les particularités dont il nous faut donner ici le caractère, car il éclaire en même temps et explique non seulement la nature du missel de Bobbio, mais encore celle de tous les autres documents de la liturgie celtique. Comme le dit Ed. Bishop qui connaissait la question mieux qu’homme au monde : « On peut être sûr quand on a affaire à un document liturgique irlandais du vn* ou du viiie siècle, qu’on est en présence de problèmes très compliqués. Éclectiques par nature en fait de liturgie (les Irlandais de ce temps) n’ont de respect pour rien et dénaturent tout ce qu’ils touchent. Extrait d’une lettre particulière citée par dom Wilmart, The Bobbio missal, notes and siudies, p. 57. Le jugement paraîtra peut-être sévère, et Bishop en eût sans doute mitigé l’expression s’il eût écrit en sa propre langue ; il était bon cependant de le citer pour expliquer certaines excentricités que nous allons rencontrer dans la composition de la messe. Ajoutons qu’ailleurs Bishop a parlé avec admiration de la piété des Irlandais et de leur zèle pour la liturgie. Book of Cerne.
Le traitement appliqué dans les lectures du texte de la sainte Écriture qui est arrangé et centonisé, est aussi un indice de cette tendance signalée chez les Celtes.
On ne saurait donc le mettre de côté pour l'étude de la messe celtique avec Mgr Duchesne qui n’y voit qu’un essai maladroit de combinaison des deux usages gallican et romain. Même si l’on refuse d’admettre son origine celtique contre l’avis des plus savants liturgistes, il faut bien y reconnaître de nombreux éléments celtiques. Les relations entre le missel de Bobbio et celui de Stowe sont aussi un point désormais acquis. Enfin les analogies entre ce manuscrit et la liturgie mozarabe soulèvent un autre problème, mais ce n’est pas le lieu d'étudier ici ces questions qui sont plutôt du domaine de l’histoire.
2° La messe celtique.
Gildas reproche aux prêtres
bretons de ne pas dire la messe chaque jour. Il semble qu’au temps de saint Colomba, à Iona, la messe ne se célébrait que le dimanche et les jours de fête et quand on apprenait le décès d’un ami. En Bretagne armoricaine, au contraire, on a des exemples que la messe se célébrait quotidiennement. La messe se dit dès l’aurore ; on ne cite qu’un cas où elle se célébrait l’après-midi.
L’ordinaire de la messe est exposé par Henry Jenner dans l’article que nous citons plus loin.
Il y a une préparation à la messe qui comprend dans le missel de Stowe une confession des péchés, une longue litanie des saints (coupée en deux dans l'édition de Warren par suite d’une erreur de brochage dans le manuscrit) et une apologia sacerdolis. Ce dernier trait n’est pas spécial aux liturgies celtiques. On pourrait faire une collection de ces prières dans les manuscrits du Moyen Age. Voir notre article Apologies liturgiques du Diction, d’archéol. Notre missel romain en a conservé quelques-unes dans les orationes ante missam pour chaque jour de la semaine.
La préparation des oblats avait lieu, semble-t-il, comme dans le rit gallican, avant l’entrée du célébrant. Elle comportait certaines prières. En versant l’eau dans le calice : Pelo te Pater ; deprecor te, Fili ; obsecro le, Spiritus Sancte ; en versant le vin : Remilteat Pater, indulgeat Filius, misereatur Spiritus Sanctus. Le Leabhar Breac note que l’on devait verser une goutte, pour l’eau, comme pour le viii, en prononçant le nom de chacune des personnes de la Trinité. Nous avons voulu donner cet exemple dès le début pour montrer tout ce que cette piété a de méticuleux, de compliqué, parfois même, devrait-on dire, de superstitieux, comme dans certaines énumérations des péchés, ou dans certains rites de fraction.
Le cadre de l’avant-messe est à peu près le cadre romain, une oraison, le Gloria in excelsis, une ou plusieurs collectes, multipliées, parfois au point de soulever des protestations parmi les fidèles, l'épître tirée de saint Paul, un chant graduel, un chant d’alleluia. Une litanie célèbre, la Deprecatio sancti Martini : Dicamus omnes trouve place ici. C’est un emprunt aux liturgies d’Orient, qui ont des prières de même type ; celle-ci n’est même qu’une traduction d’un texte grec. Elle a été adoptée du reste par d’autres liturgies latines ; on trouvera dans Duchesne, Origines, édit. de 1908, p. 202, le texte fort intéressant, mais qui n’a du reste rien de particulièrement celtique. Suivent deux oraisons, puis l’on commençait par découvrir en partie le calice et les oblats, en enlevant probablement un premier voile, le dévoilement complet ne devant avoir lieu qu'à l’offertoire. On chantait trois fois la formule : Dirigatur Domine, puis on élevait l’un des voiles du calice et l’on répétait trois fois aussi la prière : Veni, Domine, sancti ftcator omnipotens, et benedic hoc sacriftcium preeparatum tibi. Amen. (Pour tout ceci dom Gougaud, op. cit., col. 3008, 3009.) L'évangile suivait. Un des fragments découverts par Bannister donne pour l'évangile de la circoncision un évangile apocryphe de Jacques fils d’Alphée. Journal of theological Studies, 1907-8, t. ix, p. 414-421. Le Credo porte le Filioque ajouté au texte primitif ; après l'évangile un chant qui répond peut-être aux laudes des liturgies mozarabe et gallicane. Nous avons dit quel traitement le missel de Bobbio fait subir à l'Écriture sainte. Nous sommes loin de la rigueur romaine.
L’offertoire comprend le dévoilement complet du calice, une élévation du calice ou du calice et de la patène, avec différentes formules données dans le missel de Stowe, qui n’ont rien de caractéristique.
Ici a lieu le Mémento des morts, avec la lecture des diptyques. C’est l’usage mozarabe et gallican :
Has oblationes et sincera libamina immolamus tibi, domine ihesu christe, qui passus es pro nobis et resurrexisti tertia die a mortuis pro animamus (sic) carorum nostrorum N. et cararum nostrarum quorum nomina recitamus et quorumcumque non recitamus sed a te recitantur in libro vitse.
La préface débute par le Sursum corda. Le texte donné par le Missel de Stowe fait un emprunt au trisagion, et un autre à la préface de la Trinité. Le thème du reste est une confession de la Trinité :
Pater omnipotens… qui cum unigenito tuo et Spiritu Sancto Deus es unus et immortalis, Deus incorruptibilis et inmortabilis, Deus invisibilis et fidelis… te credimus, te benedicimus, te adoramus, et laudamus nomen tuum in œternum et in sæculum seculi, per quem salus mundi, per quem vita hominum, per quemresurrectiomortuorum, per quem mæstatem tuam laudant angeli, etc.
X — 44
Le Sanclus est paraphrasé comme la préface :
Benedictus qui venit de celis ut conversaretur in terris, homo factus est ut delicta carnis deleret, hostia factus est ut per passionem suarn vitani œternam credentibus daret per dominum.
On a ici un spécimen de la composition celtique d’une piété sincère pleine d’effusion, mais qui verse facilement dans la prolixité et emprunte de toutes mains.
Les livres celtiques ont d’ordinaire, comme les gallicans et les mozarabes, un post sanctus.
Le Missel de Stowe après les paroles que nous avons citées contient un morceau fameux parmi les liturgistes, sous ce titre Canon dominicus papee Gilasi, éd. Warren, p. 234 sq. Ce texte précieux, dans lequel quelques-uns ont voulu voir le plus ancien texte du canon romain, contient le Te igitur, le mémento des vivants et les autres prières du canon romain, mais avec des variantes notables dont nous indiquerons ici les principales :
Te igitur clementissime pater… ima cum beatissimo faraulo tuo, n. papa nostro, episcopo Sedis apostoliese, et omnibus ortodoxis atque apostolice fidei cultoribus, et abbate nostro, n. episcopo.
Hic recitantur nomina vivorum
Mémento etiam, Domine, famulorum tuorum, N… qui tibi olïerunt hoc sacrificium laudis pro se suisque omnibus, pro redemptione animarum suarum, pro stratu (sic) seniorum suorum, et ministrorum omnium puritate, pro integritate virginum, et continentia viduarum, pro aeris temperie, et fructum fecunditate terrarum, pro pacis redetu et fine discriminum, pro incolimitate regum, et pace populorum, ac reditu captivorum, pro votis adstantium, pro memoria martirum, pro remisione pecatorum nostrorum, et actuum emendatione eorum, ac requie defunctorum, et prosperitate itineris nostri, pro domino papa episcopo, et omnibus episcopis, et prespeteris, et omni eclesiastico ordine, pro imperio romano et omnibus regibus christianis, pro fratribus et sororibus nostris, pro fratribus in via directis, pro fratribus quos de caliginosis mundi hujus tenebris dominus arcisire dignatus est, uti eos in œterna summæ lucis quietæ pietas divina suscipiat, pro fratribus qui varis dolorum generibus adfliguntur, uti eos divina pietas curare dignetur, pro spe salutis et incolimitatis suæ, tibi reddunt vota sua eterno Deo vivo et vero communicantes,
In natale Domini et diem sacratisimam célébrantes in quo…
kl. et diem sacratisimam célébrantes circumeisionis Domini nostri…
Stella ; (Epiphanie) et diem sacratisimam célébrantes natalis calicis domini nostri (jeudi saint).
pasca. et noctem vel diem sacratisimam…
in clausula pasca. et diem…
ascensio. et diem…
pentacosten et diem…
Et memoriam vénérantes imprimis gloriosæ semper virginis…
Hanc igitur oblationem.. quam tibi offerimus in honorem domini nostri ihesu christi et in commemorationem beatorum martirum tuorum, in hac aîdesiæ quam famulus tuus ad honorem gloria ; tua ; œdificavit, quesumus, domine, ut placatus suscipias, eumque, adque omneni populum ab idulorum cullura eripias, et ad te deum verum patrem ornnipotentem convertas, diesque nostros in tua pace disponas, atque ab seterna damnatione nos eripias, et in electorum tuorum iubeas grege numerari per dom. n.
Quam oblationem te, deus, in omnibus, quesumus, benedlctam, ascriptam, ratam, rationabilem, acceptabilemque facere dignareque nobis corpus et fanguis fiât dilectissimi fili tui domini nostri ihesu Christi.
Qui pridic…
Haie quotiescumque fecerilis, in moi memoriam facietis,
passionem meam predicabitis, resurrectionem meam adnuntiabitis, adventum meum sperabitis, donec iterum veniam ad vos de cœlis.
On trouve des passages analogues à cette formule dans les Constitutions apostoliques, dans les liturgies de saint Jacques, de saint Basile, dans les liturgies ambrosienne et mozarabe, etc.
Les traités irlandais sur la messe soulignent l’importance de la formule de consécration. Le prêtre s’incline trois fois à Yaccepit Jésus panem, le peuple se prosterne quand celui-ci offre à Dieu le pain et le vin. On appelle cette prière la periculosa oratio, et personne ne doit troubler le silence. Le pénitentiel de Cumméan inflige une pénitence de cinquante coups au prêtre qui aurait bronché une fois en disant ces paroles. Le mot periculum était inscrit à la marge dans quelques missels. Malheureusement à toutes ces marques d’attention et de respect si justifiées s’ajoutent parfois des traits d’un caractère puéril, pour ne pas les qualifier plus sévèrement. D’après certains traités le célébrant doit faire trois pas en avant et trois en arrière « triade qui rappelle les trois manières dont l’homme pèche, savoir en pensée, en paroles et en action, et les trois manières dont il se renouvelle en Dieu ( !) ». Pour tout cela cf. dom Gougaud, loc. cit., col. 3011.
Après la consécration nous avons les prières suivantes :
Unde et memores sumus…
Supra quæ propitio…
Supplices te rogamus et petimus, omnipotens deus, iube perferri in per manus…
Mémento etiain, domine, et eorum nomina qui nos præcesserunt cum signo fidei, et dormiunt in somno pacis, cum omnibus in toto mundo oflerentibus sacrificium spiritale deo patri, et filio, et spiritui sancto sanctis ac venerabibus (sic) sacerdotibus offert senior noster, n. præspiter, pro se, et pro suis, et pro totius œcclesie cetu catholicæ ; et pro commemorando anathletico gradu vencrabilium patriarcharum, profetarum, apostolorum, et martirum, et omnium quoque sanctorum, ut pro nobis dominum deum nostrum exorare dignentur.
(Il y a des passages analogues dans la liturgie mozarabe et dans les livres gallicans.)
Passant par-dessus la liste des noms qui est par erreur donnée ici dans le missel de Stowe (p. 238-240), il faut relier à la formule donnée ci-dessus, celle qui suit (p. 240).
Et omnium pausantium, qui nos in dominica pace precesserunt, ab adam usque in hodiernum diem, quorum deus non nominavit et novit, ipsis et omnibus in christo quiescentibus locum refrigerii… (le quoium deus nomina scit ou formules analogues se retrouvent dans les inscriptions des Gaules ; Le Blant les a relevées, Inscr. chrét. de la Gaule, n. 563 et notes).
Nobis quoque (patricio après petro et paulo)…
Per quem hsec omnia.
Nous ne pensons pas qu’il faille voir avec certains critiques dans ce canon la forme la plus ancienne du canon romain. L’addition diesque nostros qui est de saint Grégoire, celle du pro /ratribus in via directis, emprunté a la règle de saint Benoît et autres indices s’y opposent. L’auteur, comme pour les autres prières celtiques, a fait un mélange de fragments empruntés à différentes sources, mais nul doute qu’il n’y en ait parmi eux de très anciens, par exemple, dans les mémento.
Les rites de fraction, d’immixtion et de communion présentent chez les Celtes des traits qui ne sont pas moins intéressants. Lhie grande liberté régnait sur ce point.
A la suite du Per quem hsec omnia, la rubrique du Missel de Stowe ajoute ter canitllT et en irlandais : ici les oblats sont élevés au-dessus du calice et la moitié
du pain est plongée dans le calice. C’est le rite de l’intinction pratiqué dans la liturgie syrienne. Suit le verset Fiat domine misericordia tua super nos quemadmodum sperabimus in le.
Et la fraction a lieu. Le pain est rompu, dit la rubrique irlandaise. C’est la place de la fraction au gallican et même au romain avant saint Grégoire.
Les versets suivants commentent l’action du prêtre et mettent en relief l’importance toute spéciale du rite. Cognoverunt dominum, alléluia, in fractione panis, alléluia. C’est le confractorium ou Yantiphona ad confractionem de l’ambrosien et du mozarabe, et dont il reste quelques vestiges même dans certains livres romains. Voir ci-dessous col. 1400. On a pu démontrer que pour la fraction dans l'Église celtique, et peutêtre dans d’autres Églises, un prêtre se joignait au célébrant, s’il était simple prêtre, pour rompre avec lui le corps du Seigneur ; c'était la co/raction. Si le célébrant était évêque, il rompait seul l’hostie (cf. dom Gougaud, loc. cit., col. 3011). Suivent ces autres versets de fraction :
Panis quem frangimus corpus est domini nostri ihesu christi. Alléluia.
Calix quem benedicimus (alléluia) sanguis est d. n. J. C. (alléluia) in remissionem peccatorum nostrorum (alléluia).
Fiat domine misericordia tua super nos. alléluia, quemadmodum speravimus in te. Alléluia.
Cognoverunt dominum. Alléluia.
Credimus, domine, credimus in hac confractione corporis et effusione sanguinis nos esse redemptos et confldimus, sacramenti hujus adsumptione munit os, ut quod spe intérim hic tenemus mansuri in celestibus veris fructibus perfruamur, per d., etc.
L’hostie était divisée de sept façons différentes, suivant les fêtes ; en cinq parties aux messes communes, en sept aux fêtes des saints, confesseurs et vierges, en huit aux fêtes des martyrs, en neuf le dimanche, en onze aux fêtes des apôtres, en douze aux calendes de janvier et au jeudi saint, en treize le dimanche après Pâques et le jour de l’Ascension, en soixante-cinq aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte ; on les disposait en forme de croix, et chaque groupe recevait des parties de la croix selon son grade. Tout cela semble inventé pour disperser l’attention à un moment où elle devrait être concentrée sur le seul objet essentiel. Heureusement les chants de fraction que nous avons cités nous ramènent à des pensées plus sérieuses.
Le Pater dit après la fraction est encadré comme dans la plupart des liturgies entre un prélude et un embolisme, qui diffèrent peu des formules romaines ; dans celui-ci le nom de saint Patrice se lit après saint Pierre et saint Paul. La bénédiction se donne avec ces mots :
Pax et caritas D. N. I. C. et communicatio sanctorum omnium, sit semper nobiscum, et cum spiritu tuo.
Le baiser de paix a lieu alors comme dans la messe romaine. Le missel de Stowe contient à cette place plusieurs antiennes sur la paix mêlées aux antiennes et chants de communion.
La commixtion du corps et du sang se fait comme dans la messe romaine. La communion est entourée de rites et de chants qui lui donnent une grande solennité. Nous citerons celui-ci : novum carmen cantate, omnes sancti venile, Panem cœli dédit eis, le ps. xxxiii qui est de tradition presque universelle, sinite parvulos venire ad me, venite benedicti patris mei. L’hymne fameuse Sancti venite, Christi corpus sumile, conservée dans l’antiphonaire de Bangor, est d’une inspiration élevée et ferait pardonner quelques autres prières d’une prolixité fatigante.
Le texte des postcommunions est emprunté aux livres romains. Le renvoi est fait par ces mots : Missa acta est. In pace.
On le voit, en dehors de quelques formules et de quelques rites qui paraissent particuliers aux Celtes, on ne trouve pas dans cette messe de traits vraiment originaux. Ce qui la distingue, c’est le mélange des usages romain et gallican à peu près à égale dose, avec quelques traits empruntés aux Mozarabes, au rit ambrosien ou aux liturgies gallicanes. C’est une liturgie composite. Les rites du baptême que nous n’avons pas à étudier ici, présenteraient les mêmes caractères.