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Dictionnaire de théologie catholique/ORDRE. ORDINATION III. Le rite sacré de l'ordination

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.2 : ORDÉRIC VITAL - PAUL (Saint)p. 51-71).

III. Le rite sacré de l’ordination. —

Jusqu’ici nous n’avons encore fait que constater, dans l'Église, le fait d’une hiérarchie sacrée, distincte du corps des simples fidèles, et dont les membres, à des degrés divers, ont pour fonction de gouverner le peuple chrétien et d’administrer les rites sacrés. Nous avons aussi constaté le souci constant des interprètes de l’enseignement de l'Église, de rattacher les divers degrés de cette hiérarchie, et notamment les trois degrés supérieurs, épiscopat, presbytérat, diaconat, à une institution divine par l’origine apostol.que.

Il nous faut maintenant préciser par quel rite sacramentel, au cours d£s siècles, furent ainsi transmis les pouvoirs attachés à l’ordre, autrement dit, quel fut le rite sacré de l’ordination. Question complexe, si l’on considère, d’une part, la multiplicité des degrés dans la hiérarchie sacrée, d’autre part, les modifications importantes subies par le rite au cours de l’histoire. Cette complexité même soulèvera de sérieuses difficultés à la systématisation théologique du sacrement de l’ordre. Dans ce paragraphe, nous nous bornerons aux faits.

I. LE RITE PRIMITIF : L’IMPOSITION LES MAINS.

— Sur l’imposition des mains, l’origine et les usages du rite, voir t. vii, col. 1302-1341.

1° Les antécédents juifs du rite d’ordination et leur influence sur le rite chrétien. — Si l’on s’en tient aux données purement scripturaires, il n’apparaît pas que Jésus ait institué lui-même immédiatement le rite chrétien de l’ordination. L’imposition des mains, qui constitue, avec les prières qui l’accompagnent, le rite chrétien primitif, est d’origine apostolique. Il semble certain néanmoins que les apôtres, vraisemblablement instruits par le Christ ou inspirés par l’Esprit-Saint, ont cherché dans le rite juif de l’ordination les éléments du rite chrétien. Voir sur l’influence juive dans le rite d’ordination, J. Morin, Commentarius de sacris Ecclesise ordinationibus, part. III, p. 141 sq. Cette assertion paraît d’autant plus acceptable, que les autorités juives abandonnèrent la semikah, comme elles avaient supprimé le baptême des prosélytes, s’apercevant, sur ces deux points, du « larcin » des chrétiens.

Dans le Deutéronome, xxxiv, 9, et les Nombres, xxvii, 12-23, Josué apparaît rempli de l’Esprit de Sagesse parce que Moïse lui a imposé les mains. Nous n’avons pas à étudier ici le rapport des deux récits. D’après les plus anciennes traditions, l’imposition des mains est un rite d’installation ; en même temps que l’investiture de la fonction, elle confère un don de l’Esprit ; cf. Behm, Die Handauflegung, p. 122-142 ; J.-Z. Lauterbach, Ordination dans Jewish Encyclopedia. t. ix, 1905, p. 428-430 ; M. Gaster. Ordination, dans Encyclopedia oj religions and ethics,

Edimbourg, t. ix, 1917, p. 552-554. Le rite deutéronomique ne devint un rite d’ordination régulièrement établi qu’après la restauration juive. Cf. Schurer, Geschichle des jùdischen Volkes, t. ii, p. 250 sq. Son importance fut définitivement acquise lorsqu’elle fut exigée dans l’installation des juges et des docteurs. Sur ces points d’histoire, les livres de l’Ancien Testament ne nous ont laissé que peu ou point de renseignements ; voir cependant sur l’ordination des lévites, Num., vrft, 5-26. Les détails fournis par le Talmud sont accompagnés d’un tissu de légendes ; cf. J. Coppens, L’imposition des mains, p. 164, avec références aux études spéciales sur ce point, et ici, l’art. Imposition des mains, t. vii, col. 1304.

Quelle que soit la date exacte à laquelle la semikah fut adoptée, il est certain qu’au début du IIe siècle de l'ère chrétienne, les conseils de justice et à leur tête le sanhédrin recrutaient leurs membres moyennant cette cérémonie. C’est peu après qu’elle disparut. Dans l’art. Ordination de Lauterbach, p. 429, on trouvera des détails intéressants sur la suppression de la semikah sous Hadrien, après l’insurrection de Bar-Kokéba. La suppression de toute ordination n’aurait eu lieu qu’en l’an 361, en raison de la fin de toute autorité directrice en Israël.

Dans l’ordination juive, l’imposition des mains ne tenait d’ailleurs qu’une place fort restreinte ; elle n’est attestée formellement que pour les années qui précédèrent la révolte de Bar-Kokéba ; mais incontestablement ce rite remonte plus haut et doit avoir été contemporain du ministère de Jésus, des apôtres et des premiers missionnaires chrétiens. Dans sa conception primitive, cette imposition des mains juive comportait non seulement la transmission du ministère, mais encore la transmission de l’Esprit ; cf. Volz, Der Geist Gotles, Tubingue, 1910, p. 115, 139, et surtout H. L. Stracket P. Billerbeck, Kummentar zum Neuen Testament aus Talmud und Midrasch, t. u : Das Evangelium nach Markus, Lukas und Johannes und die Apostelgeschichte, Munich, 1924, p. 648. « Cette interprétation s’appuie sur le passage deutéronomique, xxxix, 9…, puis sur les croyances juives populaires exprimées dans l’Ascension d’Isaïe, vi, 4, sur les récits talmudiques des ordinations manquées de Hanina et de Hosaja par Rabbi Johanan, Talm. Babyl., Sanhédrin, 14a, édit. Goldschmidt, t. vii, p. 45 ; enfin sur les commentaires rabbiniques de l’ordination de Josué, Midras, Bemidbar Rabba, édit. Wuensche, 1885, p. 516, et Raschi, dans son commentaire sur les Nombres, xxvii, 18, 20. Voir Behm, op. cit., p. 140, n. 3. » J. Coppens, op. cit., p. 169.

U n’y a donc rien d'étonnant que les apôtres aient introduit ce rite dont la signification primitive répondait si bien à l’emploi qu’ils en devaient faire dans l’ordination chrétienne. Toutefois, il faut se garder d’expliquer le choix des apôtres uniquement par l’influence des traditions rabbiniques Les premières communautés chrétiennes prirent de bonne heure conscience de ne rien enseigner en dehors de la doctrine du Christ. Saint Paul lui-même représente son ministère comme le ministère du Seigneur Jésus, I Cor., surtout c. u ; et saint Matthieu rappelle que les apôtres ont dû apprendre aux nations à observer tout ce que le Christ avait ordonné, xxviii, 19-20. Si le rite de l’imposition des mains n’avait eu d’autre recommandation que la tradition rabbinique, il ne se serait jamais introduit dans les Églises du christianisme. Il est donc vraisemblable, sinon certain, que Jésus l’avait indiqué lui-même aux apôtres. Tout au moins faut-il dire que cette indication résulte d’une inspiration de l’Esprit-Saint.

2* Dans le Nouveau Testament. — 1. A l'égard des apôtres. — Nous avons dit que Notre-Seigneur a pu communiquer les pouvoirs apostoliques, et vraisemblablement les a communiqués, sans user d’aucun rite sensible. Inutile donc de nous arrêter à certains récits plus ou moins légendaires, qui représentent les apôtres comme ayant été ordonnés par JésusCkrist ; cf. Actus Pétri cum Simone, c. x, édit Lipsius, 1891, p. 58 ; Doctrine d’Addaï et Actes de Barsamyà, voir W. Cureton, Ancient syriac documents, Londres, 1864, p. 50, 71-72. Ces récits n’ont de valeur que pour attester la croyance de l'Église quant à l’antiquité et à l’efficacité du rite. On retrouve néanmoins un écho de ces suppositions chez les Pères ; cf. S. Jean Chrysostome, In I Cor., homil. xxxviii, 4, P. G., t. lxi, col. 326, et chez les théologiens, cf. Suarez, De fide theologica, disp. X, sect. i, n. 5-8, Opéra omnia, Paris, 1868, t.xii, p. 282-284.

La nécessité d’un rite sacré ne se pose que pour la transmission des pouvoirs depuis les apôtres. Toutefois, l’apostolat primitif présente deux cas spéciaux qui demandent quelque discussion.

a) Le cas de saint Jacques, évêque de Jérusalem. — On sait que certains auteurs refusent d’identifier saint Jacques, premier évêque de Jérusalem, frère du Seigneur, Matth., xiii, 56. Marc, vi, 3, avec l’apôtre Jacques le Mineur, fils d’Alphée, Matth., x, 3 ; Marc, ni, 18 ; Luc, vi, 15 ; Act., i, 13. Sur les raisons qu’on apporte contre l’identification, voir Dictionnaire de la Bible, art. Jacques, t. iii, col. 1084, et J. Chaine, L'épître de saint Jacques, Paris, 1927, introduction, p. xxx sq.

Si Jacques, évêque de Jérusalem, était en même temps l’un des Douze et l’un des < frères » de Jésus, son choix, par le collège apostolique, comme premier évêque de l'Église-Mère de Jérusalem, s’expliquerait sans difficulté, et son pouvoir épiscopal aurait la même source que celui des autres apôtres, le choix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Par là s’expliquerait aussi facilement la place éminente que le Nouveau Testament lui reconnaît, non seulement comme chef de la communauté hiérosolymitaine, Gal., i, 18, 19 ; Act., xii, 17 ; xv, mais encore comme colonne de l'Église entière avec Pierre et Jean, Gal., ii, 9.

La difficulté n’existerait que si Jacques, évêque, était un personnage distinct de Jacques le Mineur apôtre, et s’il devait son épiscopat uniquement à sa parenté avec le Sauveur sans aucune délégation divine ou ecclésiastique. Telle est la thèse soutenue par nombre de critiques modernes non catholiques, désireux de saper par la base l’origine divine de l'épiscopat. Cette thèse prétend trouver quelque fondement dans plusieurs traditions du iiie et du iv c siècles, recueillies par Eusèbe. Voir Évêques, t. v, col. 1678. Quoi qu’il en soit, les anciens auteurs qui ont manifesté sur ce point quelque hésitation, corrigeaient l’insuffisance de leur thèse par l’affirmation que Jacques aurait été ordonné évêque de Jérusalem soit par le Sauveur lui-même, soit par les apôtres. De cette ordination, il n’y a pas trace historique, mais il n’y a aucune raison qui milite contre elle. D’ailleurs l’identification des deux Jacques, qui paraît s’imposer à nombre de critiques, supprimerait cette difficulté même.

b) Le cas de Paul et de Barnabe. — L’adjonction de Matthias au collège des Onze, Act., i, 26, ne présente aucune difficulté touchant la communication du pouvoir apostolique, Dieu étant intervenu directement dans ce choix au sort : « Il n’est pas fait mention d’une imposition des mains sur la tête du nouvel apôtre ; il était établi dans la charge par le fait même du sort qui était tombé sur lui. » E. Jacquier, Les Actes des apôtres, Paris, 1926, p. <12.

Le cas de Paul et de Barnabe n’est pas tout à fait le même, puisque ces deux personnages ne furent admis au nombre des apôtres que plus tard, Act., xiii, 1-5.

Tout d’abord, il ne saurait être question de faire de l’imposition des mains donnée par Ananie à Saul, Act., ix, 17, un rite analogue à celui qui est rapporté, Act., xiii, 3. Certains protestants font cette assimilation afin d’exclure de Act., xiii, 3, toute idée d’ordination à l'épiscopat ; cf. IUilïet, art. Consécration, dans l’Encyclopédie… de Lichtenberger, t. iii, p. 369. L’imposition des mains est un rite dont la signification doit être déterminée par les circonstances qui l’entourent.

En ce qui concerne Act. xiii, 1-5, on pense résoudre toute difficulté en affirmant que le rite de l’imposition des mains dont il est question au ꝟ. 3 était la consécration épiscopale. C’est cette cérémonie de l’imposition des mains, faite par Simon, Lucius, et Manahen, ou du moins par l’un d’entre eux, qui aurait conféré à Paul et à Barnabe le plein pouvoir de fonder des Églises et d’ordonner des rcpeaèûTepoi. Cette interprétation a l’avantage d’indiquer nettement le rite sacramentel de la consécration des deux nouveaux apôtres. Aussi a-t-elle été adoptée par nombre d’auteurs catholiques. Hsec manuum impositio, dit Knabenbauer, cui præmiserunt jejunium et orationem, non est nuda cœremonia censenda neque vacuus quasi ritus ; quare merilo ibi agnoscunt sacram ordinationem ad munus épiscopale. Nusquam enim, si mittamus paruulos quibus Salvator imposilis manibus benedixit, in novo testamento deprecaloriæ cujusdam impositionis manuum exstat exemplum : sed ubique imponuntur manus aut ad sanandum vel ad revocandum ad vitam (Matth., ix, 18 ; Marc, v, 23, xvi, 16 ; Luc, iv, 40 ; Act., ix, 12, 17 ; xxviii, 8) ; aut ad sacrandum (Act., vi, 6 ; viii, 17 ; xix, 6 ; I Tim., iv, 14 ; v, 22 ; II Tim., i, 6). Commentarius in Actus apostolorum, Paris, 1899, p. 222. Knabenbauer cite en faveur de cette interprétation saint Jean Chrysostome, Ammonius, Salmeron, Cornélius a Lapide, Patrizzi, Felten. On peut citer encore Beelen, Reischl, Bisping, Hake, Dôllinger, Kaulen, F. Prat, Saint Paul, p. 37 et Théologie de saint Paul, t. i, 17e élit., p. 49, note 4 ; Michiels, Origine de l'épiscopat, p. 94 ; Fouard, Saint Paul, ses missions, p. 5 ; J. Coppens, L’imposition des mains et les rites connexes, p. 133.

Cette opinion « n’est pas l’opinion générale, même des catholiques. Suarez et Estius déclarent que cette imposition des mains indique simplement une intercession en faveur de Barnabe et de Saul. Le texte de saint Chrysostome ne dit pas nettement qu’il s’agit là de la consécration épiscopale : XsipOTOveÏTai

XoiTTÔV ZIC, à7TO<3TOXY]V, WCTTS (XST' èÇoUataÇ X7)pîlTTSlV.

In Actus apost., homil. xxvii, 1. Barnabe et Saul ont reçu l’imposition des mains pour l’apostolat. Théophylacte confirme cette interprétation : 'Açopîaotxé (xot eîç tô epyov, tout' ècmv sic dtTcooToXTQv. P. G., t. cxxv, col. 689. Cet apostolat, auquel font allusion Chrysostome et Théophylacte, est celui des apôtres dont il est parlé dans les Actes, xiv, 14, dans Rom., xvi, 7 et dans la Didaché, xi, 3 sq., dont la mission était d’enseigner la foi de communauté en communauté. » Jacquier, op. cit., p. 387 ; cf. C. Gore et C. H. Turner, The Church and the minislrꝟ. 2e édit., Londres, 1919, p. 232, 234, n. 2. Les arguments invoqués en faveur de cette interprétation sont : d’abord le sens obvie du texte, complété et confirmé par xiv, 26 ; l’imposition des mains n’avait pas d’autre but que de confier Barnabe et Saul à la grâce de Dieu pour l’accomplissement de leur mission ; en second lieu les affirmations de

Paul, déclarant tenir directement de Jésus ressuscité lui ayant apparu la charge de l’apostolat. Gai. i, 12-17 ; cf. Acl., ix, 15 sq. ; Rom., i, 5, et les adresses de I Cor., II Cor., Gal., Eph., Col., I Tim., II Tim. ; et de plus le fait que Barnabe était déjà au même rang que Siméon, Lucius et Manahen.

L’autre explication ne manque pas cependant de probabilité : elle est admise par un très grand nombre de théologiens et Suarez lui-même y souscrit, De flde, disp. X, sect, i, n. 8, p. 283, en ce qui concerne la collation du pouvoir d’ordre. Ce théologien considère que la collation du pouvoir d’ordre sans un rite sacré eût, en l’espèce, constitué un miracle spécial, qu’il n’est point nécessaire de supposer. On fait également observer que, nommant Simon, Lucius et Manahen, saint Luc parle de « prophètes ». Or, tout porte à croire que les prophètes venus de Jérusalem à Antioche avaient reçu eux-mêmes des apôtres le pouvoir d’imposer les mains. C’est au même titre qu’ils célébraient le service divin, l’eucharistie : XeixoupyoûvTcov Se aÙTwv xiii xupîw. Cf. Michiels, op. cit., p. 95-96.

Quoi qu’il en soit, il faut conclure que Barnabe et Saul ont reçu, soit des apôtres, soit immédiatement du Christ, les pouvoirs de l’apostolat. Si l’opinion qui voit dans Act., xiii, 3, une consécration épiscopale, était exacte, nous aurions là un premier exemple du rite sacré de la communication du pouvoir suprême du sacerdoce chrétien.

2. A l'égard des autres membres de la hiérarchie naissante. — L’imposition des mains, rite d’ordination, prend son point de départ dans l'Église judéochrétienne de Jérusalem par l’installation des sept (diacres) ; il se retrouve aussitôt à Antioche d’où il passe dans les Églises fondées par Paul et Barnabe, et dans les instructions envoyées par Paul à Timothée et à Tite.

L’exposé de cette introduction progressive du rite de l’ordination n’offre en lui-même aucune difficulté. Il n’a été compliqué que par les hypothèses critiques émises pour éliminer l’institution de l'Église hiérarchique par le Christ. Ces hypothèses diverses et souvent contradictoires ont été évincées par le fait solidement établi de cette institution par JésusChrist. Aussi en feions-nous presque toujours abstraction.

a) L’ordination des Sept (Act., vi, 1-6). « Or, en ces jours-là, les disciples se multipliant, il y eut un murmure des Hellénistes contre les Hébreux, sur ce que leurs veuves étaient négligées dans le service de chaque jour. Mais les Douze, ayant convoqué la multitude des disciples dirent : « Il ne nous est « pas agréable d’abandonner la parole de Dieu pour « servir aux tables. Cherchez donc, frères, sept hom « mes d’entre vous qui aient un bon témoignage, « remplis d’Esprit et de sagesse et que nous consti « tuerons pour cet emploi. » Et la proposition plut à toute la multitude et ils choisirent Etienne, homme plein de foi et d’esprit… Ils les présentèrent aux apôtres qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains. *

Ce récit de l’ordination des sept diacres comporte trois observations. On y voit que l’ordination de ces ministres subordonnés est essentiellement distincte de leur présentation et élection ; qu’elle est réservée au collège apostolique et qu’elle est constituée par l’imposition des mains accompagnée de prières. On a vu à l’art. Imposition des mains que ce rite chrétien, d’origine juive est apte aux significations les plus diverses, col. 1302. Ici, il a de toute évidence la signification d’un rite sacramentel destine à conférer un pouvoir sacré et la grâce nécessaire pour en remplir la fonction. Le rite sacramentel

serait par lui-même trop indéterminé ; mais les prièies qui l’accompagnaient devaient en préciser la signification et jouer le rôle de ce que plus tard la théologie appela la « forme » sacramentelle. Quant aux pouvoirs sacrés, nous avons signalé plus haut, voir col. 1211, à propos d’Etienne et de Philippe qu’il s’agissait de la prédication de la parole de Dieu et de l’administration du baptême. On peut également trouver une indication de la grâce conférée en vue du bon exercice du pouvoir sacré, dans cette grâce et cette force dont Etienne était rempli, disputant avec les Juifs de telle sorte que « nul ne pouvait résister à la sagesse et à l’Esprit-Saint qui parlait ». vi, 10 ; cf. vii, 55. De Philippe, le texte sacré rappelle seulement d’une manière générale le zèle dont il était animé dans la propagation du christianisme. Act., viii, 5-17 ; 26-40.

Le caractère sacramentel de cette imposition des mains trouve une confirmation dans le fait que l’imposition des mains qui ordonnait les diacres des Églises subapostoliques dérivait en droite ligne du rite dont les apôtres se sont servis pour installer le collège des sept. Si saint Jean Chrysostome et le Pseudo-Œcumenius ont eu des doutes à ce sujet, saint Irénée, plus rapproché des origines de l'Église, n’a pas hésité à affirmer cette continuité ; cf. Cont. hær., III, xii, 10 ; IV, xlv, 1, P. G., t. vii, col. 904, 1013 ; voir les citations de Chrysostome et d'Œcumenius, dans Gore, op. cit.. p. 236. n. 4.

h) L’ordination des épiscopes-prcsbylres. — Nous avons vu plus haut, col. 1212 et 1216, l’institution dans l'Église primitive des épiscopes, surveillants, et des presbylres, anciens, ÈTuaxoTCOi, 7rpea6ÔTepoi. Nous avons conclu, avec bon nombre d’auteurs, à leur identité, col. 1220.

a. Act., xir, 23 ; xx, 28. — On trouve d’abord les « anciens » dans l'Église de Jérusalem, dont ils forment pour ainsi dire, autour de Jacques, le sénat. Act., xi, 30 ; xv, 2, 4, 6, 22, 23 ; xv, 4 ; xxi, 18. Les Actes n’ont aucun renseignement précis sur la manière dont ces Tcpsoêûrepot. ont été investis de leurs pouvoirs : c’est par analogie avec Act., vi, 6 et surtout xiv, 23 et xx, 28. que l’on doit, avec une grande vraisemblance, inférer que la cérémonie de l’imposition des mains a présidé à l’ordination des nouveaux ministres.

Au c. xix, 23, il s’agit des « anciens » établis par Paul et Barnabe dans les Églises de Lystres, Iconium et Antioche de Pisidie : « Après leur avoir ordonné (xeipoTovTjcavTeç) des anciens en chaque Église et avoir prié et jeûné, ils les recommandèrent au Seigneur en qui ils avaient cru. » Au c. xx, 28, il est question des « anciens » d'Éphèse, ꝟ. 17, et saint Paul leur montre l’origine divine de leur vocation : « Soyez attentifs, leur dit-il, et à vous et à tout le troupeau sur lequel l’Esprit-Saint vous a établis évêques, pour gouverner l'Église de Dieu, qu’il a acquise par son sang. » Sans doute, aucun de ces deux textes ne mentionne exactement la nature du rite de l’ordination. Le terme 5(£tpoTovï)aavTEÇ est peut-être cependant, surtout si on l’interprète à la lumière des autres documents apostoliques, une allusion discrète à l’imposition des mains ; cf. Zorell. Novi Testamenti lexicon græcum, p. 621 et Const. apost., UJ, xxviii, 2 et 3. Cette interprétation est ici fortifiée en ce que l’imposition des mains est accompagnée de jeûnes et de prières. Quant à l’allocution de saint Paul aux anciens d'Éphèse, elle semble bien marquer aussi qu’ils ont été ordonnés par un rite sanctificateur, puisque c’est l’EspritSaint lui-même qui les a établis évêques, pour gouverner l'Église de Dieu.

b. I Tim., v. 22. — Faut-il trouver, en confirmation de ce qui précède, le rite de l’ordination affirmé par saint Paul dans I Tim., v, 22 : Xsïpaç Tayécoç

jat-SsvI £7^t(0îi ? On a voulu voir dans cette < « imposition des mains » toutes les destinations du rite qu’a connues l'Église primitive : guérison, confirmation, pénitence, ordination ; cf. Behm, Die Handauflegung im Urchristentum, Leipzig, 1918, p. 54, n. 5. Mais deux interprétations seulement sont susceptibles de retenir l’attention des exégètes catholiques. — Tout d’abord celle qu’a développée ici-même, t. vii, col. 1306-1314, le P. Galtier. Il s’agirait d’une imposition des mains relative à la réconciliation des pécheurs. Nous ne ferons que résumer les raisons invoquées en faveur de cette interprétation : on fait remarquer que l’exégèse favorable au rite d’ordination ne date que de l’Ambrosiaster et de Théodore de Mopsueste ; qu’elle n’a jamais été universellement reçue dans l’exégèse protestante et anglicane ; qu’elle a même été abandonnée par quelques auteurs catholiques ; qu’elle n’a d’autre base que l’expression technique, )(£ipo0scria. dont l’apôtre s’est servi ; qu’elle est sans fondement dans la plus ancienne tradition et qu’en particulier elle a contre elle la tradition de l'Église africaine ; qu’elle donne au ꝟ. 22 un sens contraire à la grammaire, à la vraisemblance, et à la logique (pour expliquer : ne participe en rien aux péchés des autres, en fonction des mots précédents : n’impose légèrement les mains à personne) ; qu’elle attribue enfin à saint Paul, dans les versets précédents, une procédure de réconciliation pour les presbytres, qui est radicalement en opposition avec la pratique de l'Église ancienne. On observe, par contre, que l’interprétation relative à la réconciliation des pécheurs conserve le sens habituel des expressions courantes et déterminées, àjxapTdcvovTOtç… sXsyxe et xoivcivs', àji.xp-ûa tç, qu’elle s’accommode des habi tudes lexicographiques de saint Paul et qu’elle semble imposée par le contexte immédiat de l'épître.

Mais cette argumentation est loin d'être convaincante et la plupart des exégètes et théologiens catholiques estiment au contraire que I Tim., v, 22 mentionne bien l’imposition des mains qui est le rite de l’ordination. Au c. iii, Paul avait décrit les qualités requises chez les candidats aux ordinations ; au c. iv, il recommande à Timothée sa sanctification personnelle et le conjure de ne pas négliger la grâce qui est en lui en vertu d’une révélation prophétique avec l’imposition des mains du presbytérium. Puis, au c. v, il exhorte son disciple au zèle pour le maintien de la discipline. C’est là qu’après avoir rappelé quelle attitude il convient d’observer à l'égard des veuves, il aborde la question des prêtres, ꝟ. 17. Tout le problème consiste à grouper les versets 17-25 d’après leur sens :

17. Que les prêtres qui gouvernent bien soient regardés comme dignes d’un double honneur, surtout ceux qui s’appliquent à la parole et à l’enseignement. 18. Car l'Écriture dit : « Vous ne lierez point la bouche du bœuf qui foule le grain », et : « l’ouvrier est digne de son salaire ». 19. Ne reçois point d’accusation contre un prêtre, si ce n’est devant deux ou trois témoins. 20. Reprends ceux qui pèchent, devant tout le monde, afin que les autres en conçoivent de la crainte. 21. Je te conjure devant Dieu, devant le Christ-Jésus, et les anges élus, d’observer ce ; chues sais p-é ; u ; é, ne faisait rien en incinant d’un autre côté. 22. N’impose légèrement tes mains à personne, et ne participe en rien aux péchés des autres. Sois toujours chaste toi-même. 23. Ne continue pas à ne boire que de l’eau ; mais use d’un peu de viii, à cause de ton estomac et de tes fréquentes infirmités. 24. Les péchés de quelques hommes sont manifestes, et les devancent au jugement ; mais ceux de certains autres les suivent. 25. Et pareillement les œuvres bonnes r.ont manifestes, et celles qui ne le sont pas ne peuvent rester cachées.

On est généralement d’accord pour considérer les conseils adressés à Timothée, ꝟ. 23, comme un verset

déplacé de son contexte. Le problème consiste donc à grouper les* t. 17-22, 24-25 d’après leur sens. Origène et saint Jean Chrysostome ont proposé de rapporter les ꝟ. 19-21 au traitement des pécheurs ; les ꝟ. 17-18, 22, 24-25 à la constitution des presbytres. Origène, In Jesu Nave, homil., vii, 6, P. G., t.xii, col. 801 ; S. Jean Chrysostome, In I Tim., homil. xv, 2, P. G., t. lxii, col. 582. Mais plusieurs auteurs modernes terminent au ꝟ. 19 la section des presbytres, pour" aborder dès le ꝟ. 20 une section nouvelle et homogène sur le traitement des pécheurs, en rapportant l’imposition des mains et le discernement à la réconciliation des pénitents. C’est la lecture adoptée par ceux à l’opinion desquels se rallie le P. Galtier.

En faveur de l’opinion d’Origène et de Jean Chrysostome, on peut dire que « l’ancienne exégèse africaine n’a pas encore recueilli beaucoup d’adhésions ; cf. M. Meinertz, Die Pastoralbriefe des heiligen Paulus (Die h’ilige Schrift des Neuen Testaments, 2e éd.), Bonn, 1921, p. 54. Nous estimons que ses partisans ont surévalué l’autorité des anciens écrivains ecclésiastiques qui ont rapporté à la réconciliation des pénitents ce ꝟ. 22 de l'épître à Timothée. Sans doute, à première vue, leur nombre est imposant, mais en groupant les divers témoignages, on constate qu’ils n’appartiennent qu'à deux milieux très circonscrits et étroitement apparentés, d’une part à l’ancienne Église d’Afrique et d’autre part aux milieux ecclésiastiques représentés par saint Firmilien de Césarée. En réalité, cette ancienne tradition exégétique semble remonter à Tertullien. Le fougueux apologiste africain s’est servi du texte paulinien pour reprendre les évêques trop enclins, à ses yeux, à réintégrer dans la communion ecclésiastique les pécheurs et les apostats pénitents. De pudicitia, xviii, 9, P. L., t. ii, col. 1016. L’interprétation de Tertullien se répandit dans l'Église d’Afrique ; elle fut acceptée par saint Cyprien, par les évêques du concile de 256 et par saint Firmilien de Césarée, l’ardent allié de l'évêque de Carthage dans ses démêlés avec le Siège romain. Dans ces conditions, l’autorité de cette tradition est diminuée de beaucoup ; elle n’exprime pas une opinion reçue dans l'Église universelle, mais tout au plus une tradition locale, remontant à un auteur privé… « Dès lors, il ne reste plus à considérer que les arguments empruntés à l’analyse littéraire du passage en question. Sans doute, les versets 17-22 ne sont pas d’une cohésion parfaite. Déjà Origène et saint Jean Chrysostome l’avaient entrevu et, pour cette raison, tout en entendant l’imposition des mains des rites de l’ordination, ils avaient rapporté le ꝟ. 20 à la réconciliation des pénitents, admettant par conséquent une digression importante dans la succession logique des ꝟ. 10, 20 et 22. Mais il nous semble que même cette digression partielle n’est pas prouvée. L’Apôtre, après avoir déterminé la conduite à observer envers les presbytres fidèles, puis envers les presbytres accusés par un membre de l'Église, traite finalement et logiquement des ministres que la vigilance de Timothée a reconnus coupables d’un délit. Envers ces derniers, la charge de Timothée était particulièrement délicate, et saint Paul, sachant bien qu’il vaut mieux prévenir le mal que le combattre, donne pour l’avenir à ce disciple ce conseil éminemment prudent et salutaire : « N’impose précipitamment les mains « à personne et ne communique pas aux péchés d’au « trui. Tout s’enchaîne et s’explique. » J. Coppens, op. cit., p. 129-130. L’auteur dont nous rapportons l’exégèse fait observer que l’expression « communiquer aux péchés d’autrui » n’a pas toujours, dans les très anciens documents, le sens restreint que lui reconnaît le P. Galtier avec les traditions s’originant a

Tertullien. Les documents apostoliques et sub-apostoliques présentent des sens beaucoup plus larges ; cf. I Cor., v, 6, 9-12, 13 ; Il Cor., vi, 14 ; II Joa., 11 ; Eph., v, 7, 11 ; Apoc, xviii, 4 (simple entretien de relations sociales avec le pécheur) ; S. Justin, Apol., ii, 2 ; Hermas, Mandatum, iv, 1-5 (cohabitation conjugale) ; Didachè, xiv, 2, (participation commune aux mêmes actes religieux). Au ꝟ. 22, le manque de liaison grammaticale n’exclut pas la connexion des pensées et il n’est pas inouï que les épîtres pauliniennes, y compris les Pastorales, présentent ainsi des transitions un peu brusquées. Enfin, il faut noter que la pratique de réconcilier les pénitents par l’imposition des mains n’est pas attestée pour l'âge apostolique. Aussi l’interprétation africaine fut-elle bientôt contredite par l’Ambrosiaster en Occident et, en Orient, par Théodore de Mopsueste et saint Jean Chrysostome. Ces auteurs interprètent le ꝟ. 22 du rite d’ordination ; ils estiment donc trouver dans le texte apostolique un renseignement précis sur ce rite. Voir aussi Tixeront, L’ordre et les ordinations, p. 108.

c. / Tim., iv, 11 ; Il Tim., i, 6'. — Une confirmation de ce sens se trouve, sans contestation possible, dans l’indication, par saint Paul lui-même, du rite d’ordination de son disciple Timothée. Deux textes : « Ne néglige point la grâce qui est en toi, qui t’a été donnée en vertu d’une prophétie avec l’imposition des mains du presbytérium : Mrj è.xzkzi tou èv ool 5(ap£<T[i.aTOÇ, ô £§607] aoi Sià rcpocp^Teïaç [i.sxà ÈTuOéascoç twv ysipcov tou 7tpea6uTep'.ou. » « Je t’engage à ranimer la grâce de Dieu, qui est en toi par l’imposition de mes mains : 'Avafx', ji.vy)ox(o es tyvaÇoTC’jpeTv tô)(âpt.o|J.ot tou GeoG, ô ècttiv èv aoi Bià ttjç ènidéasutç tùv yeipcov p.ou. » I Tim., iv, 14 ; II Tim., i, 6.

Ces textes se complètent et, dans leur brièveté, énumèrent les ministres, les circonstances, les grâces de l’ordination de Timothée. Le ministre principal fut Pau], comme l’indique la seconde épître, ce qui n’exclut pas la participation du presbytérium, c’est-àdire de l’assemblée des prêtres (de Lystres, probablement, dont Timothée était originaire, Act., xvi, 1-3). Le texte ne parle pas de prière accompagnant le geste de l’imposition des mains ; mais il est peu probable que cette imposition des mains ait été muette et n’ait pas été accompagnée de quelque prière : c’eût été tout le contraire de ce que nous savons par ailleurs, Act., vi, 6. En tout cas, il ne faudrait pas entendre l’ordination 81à 7tpoç7)Te[aç comme s’il s’agissait ici de l'équivalent de la « forme » du sacrement. L’expression Sià 7rpoç7)TeÊaç est obscure pour nous, et montre sans doute que Timothée, avant son ordination, avait été l’objet d’une désignation surnaturelle touchant son ministère. Saint Paul ne suppose-t-il pas lui-même que son disciple a été l’objet de prophéties qui doivent l’inciter à combattre le bon combat : xtxià ràç npoa.yQÙcxi ; èm oe repoç^Tetaç, ïva CTpaTS-ûaf) Èv aùraïç ttjv y.aXvjv aTpaTEÎav. Quant à la grâce reçue par l’imposition des mains, c’est à coup sûr un « charisme » d’ordre surnaturel se rapportant aux fonctions sacrées que Timothée doit remplir. Saint Paul s’applique à décrire ce charisme, II Tim., i, 7-12. C’est un don de l’Esprit, un don de force, de charité, de sens pratique et de sobriété. « Ici, ce qui est conféré par l’imposition des mains n’est pas une simple mission, une simple fonction — ce que les Anglais appellent appointment — c’est une grâce, un pouvoir surnaturel, yâptajza. » Tixeront, op. cit. p. 107.

Tout semble indiquer d’ailleurs que ce pouvoir chez Timothée est le pouvoir épiscopal proprement dit. Ont admis cette conclusion, chez les anciens : S. Épiphane, Hier., lxxv, 4, P. G., t. xiii, col. 508 ; Théodore de Mopsueste, In 1 Tim., iii, 1, P. G.,

t. ixvi, col. 956 sq. ; Théodoret de Cyr, In I Tim, m, 1, P. G., t. lxxxii, col. 803. Chez les modernes, c’est le sentiment du grand nombre, du moins chez les catholiques. Voir H. Bruders, Die Verjassung der Kirche… bis zum Jahre 175 nach Christus dans Forsch. z. christl. Litteralur-und Dogmengeschichte, t. iv, fasc. 1-2, Mayence, 1904 ; Michiels, op. cit. Parmi les protestants et critiques indépendants, citons Gore-Turner, op. cit. ; Harnack, Mission und Ausbreitung des Christentums, 2e édit., Leipzig, 1915, et Knopf, Das nachapostolische Zeitalter, Tubingue, 1905.

3. Conclusion.

Les Actes et les Pastorales nous montrent le rite de l’ordination déjà universellement admis dans l'Église naissante. Tout d’abord employé dans l'Église-mère de Jérusalem, ce rite se retrouve à Antioche, puis est repris par saint Paul dans la fondation de toutes les Églises. Ainsi apparaît nettement son caractère apostolique. Cette conclusion est singulièrement renforcée du fait que l’imposition des mains était un rite déjà employé dans la synagogue (voir Imposition des mains, col. 1302-1304) et que, s’il est passé dans l'Église catholique, c’est que les apôtres, prédicateurs de la nouvelle religion, ont fait, sous l’inspiration du Saint-Esprit, à l’occasion de ce rite, un emprunt chrétien aux traditions synagogales. Rien ne pouvait mieux marquer l’institution divine, le rite n'étant choisi que pour répondre à une indication de NotreSeigneur et sous l’influence du Saint-Esprit.

3° Dans l'Église primitive. — Les documents de l'époque apostolique et immédiatement subapostolique n’apportent aucune précision aux données du Nouveau Testament.

Ces documents, en effet, sont des éciits de circonstance ; leurs auteurs n’avaient ni occasion, ni intérêt à parler des rites de l’ordination. Nous retrouvons l’expression yeipoxoveïv, mais avec le sens d'élire, de choisir (qu’elle possède II Cor., viii, 19, et Act., xiv, 22) dans la Didachè, xv, 1 : XeipOTOvrjactTS… ÈTuavcÔTrouç xal Siaxôvooç. Il s’agit ici, à coup sûr, de ministres sacrés, puisque leur office est d’offrir le sacrifice eucharistique, xiv, 3. Mais il est également certain que yetpoTOvsîv signifie simplement élire, choisir, puisqu’il s’agit d’une invitation faite à tout le peuple chrétien de se choisir des ministres idoines. De même, chez Ignace, Philad., x, 1 ; Smyrn., xi, 2 ; .Polyc, vii, 2, car il s’agit du simple choix d’un diacre déjà en fonction, pour une mission déterminée. Cette indétermination permet au cardinal van Rossum d'écrire : explicatae primo sseculo testimonia post Apostolorum tempora non inveni. De essentia sacramenti ordinis, Fribourg-en-B., 1914, p. 61 ; cf. F Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, 10e édit., p. 366, note 1.

Néanmoins il serait contraire aux règles d’une saine critique de conclure que l’imposition des mains, rite sacramentel, n’existait pas au iie siècle en vue de la transmission des pouvoirs de l’ordre. Nous avons, en effet, trouvé plusieurs textes du Nouveau Testament (notamment Act., vi, 1-6 ; probablement Act., xiv, 23 ; xx, 28 ; plus vraisemblablement I Tim., v, 23 et certainement I Tim., iv, 44 et II Tim., i, 6) où l’imposition des mains, dès la fin du I er siècle, apparaît comme le rite universellement reçu de l’ordination. Nous savons par ailleurs qu’en fait les trois degrés de la hiérarchie ont été transmis par les apôtres, leurs remplaçants ou leurs successeurs immédiats, voir notamment Clément, / Cor., c. xlii, xliv. Et, par l’exemple de Timothée, nous savons que ces successeurs n’avaient le pouvoir de transmettre le sacerdoce qu’en suite de l’imposi.ion des mains reçues par eux-mêmes.

Ces simples constatations nous permettent d'éli

miner les interprétations rationalistes du rite de l’imposition des mains : celle de Hatch, réduisant la hiérarchie à des fonctions civiles ordinaires et n’accordant à l’imposition des mains qu’un caractère très secondaire, Gesellscha/tsverfassung der christl. Kirchen im Altertum, Giessen, 1883, p. 133 sq. ; celle de Sohm réduisant l’efficacité de l’imposition des mains à une simple confirmation d’un charisme préexistant. Kirchenrecht, t. I, Leipzig, 1892, p. 60-66. Il est certain, en effet, que les institutions fondamentales faites par les apôtres ont continué dans l'Église. Si le rite de la transmission des pouvoirs sacrés n’est pas mentionné, ce n’est pas que l'écrivain l’ignore : il le suppose.

4° A partir du iiie siècle. — Les textes postérieurs sont une preuve manifeste de la vérité qui vient d'être énoncée.

1. Prsenotandum.

Ainsi que l’a fait remarquer Behm, Die Handauflegung, p. 70, l’usage de l’imposition des mains au début du m° siècle comme rite d’ordination est si universellement répandu qu’on le présente comme ayant ses origines aux premières institutions de la hiérarchie. Voir, par exemple, dans les apocryphes, une ordination conférée par l’apôtre Matthieu, Martyrium Matthœi, 28, édit. Bonnet, dans Acta apost. apocr., t. n a, 1898, p. 259 : l’ordination de saint Pierre par Notre-Seigneur, Actus Pétri cum Simone, 10, édit. Lipsius, ibid., t. i, p. 58 (cf. L. Vouaux, les Actes de Pierre, p. 296) ; la constitution de douze presbytres et de quatre diacres par saint Pierre. Recognit. clementinie, ni, 66-67, P. G., t. t, col. 13Il et Monumenta Ecclesiie liturgica, Paris, t. i b, n. 4647 ; l’installation de Clément et de Zachée par le même apôtre, l’un, comme évêque de Rome, l’autre, comme évêque d’Antioche de Syrie. Epistula Clementis ad Jacobum, ii, P. G., t. n. col. 35, et Mon. lit., n. 4779. ; Recognitiones clemenlinæ, ni, 66-67. Pareillement, l’auteur des Constitutions apostoliques rapporte que les apôtres ont institué évêque, par l’imposition des mains, dans les diverses Églises, leurs successeurs immédiats : « Des évêques qui ont été ordonnés par nous, ysipoTov/ ; 011Tcov, nous vous indiquons que ce furent, ., à Alexandrie, Anianus, ordonné premier évêque xeyeipOTÔvT, Tm, par Marc l'évangéliste, et Avilius, le second par Luc aussi évangéliste. Quant à l'Église de Rome, le premier évêque fut Lin, … et le second, par moi Pierre, ordonné après la mort de Lin, fut Clément, ûtt' è(i/û Iléxpou, Seû-repoç x£/u ;  : ot6vt, t ! U. VII, xlvi, P. G., t. i, col. 1047.

Quelle que soit la suspicion qui légitimement s’attache à pareilles assertions, elles n’en constituent pas moins un témoignage irrécusalle de la tradition existant au ni c siècle. Cette tradition trouve un nouvel appui chez Clément d’Alexandrie, qui rappelle que le prêtre ou le diacre est non quasi ordinatus ab hominibus, oùy Û7r'àv6pcÔ7Ttov -/£'.poTovoù[i.evoc. Strom., VI, xiii, P. G., t. ix, col. 327.

2. Les divers témoignages du IIIe au Ve siècle. — Dès le début du iiie siècle, les témoignages abondent. Lorsqu’il s’agit des évêques, des prêtres et des diacres, l’idée de choisir, d'élire, de constituer implique celle d’imposer les mains : ces deux idées deviennent si intim.ment associées qu’il n’y a pas trace d’ordination où n’intervienne l’imposition des mains. Ainsi, l’imposition des mains, yeipo-rovja ou ysipoŒcna apparaît dans toutes les traditions historiques concernant les ordinations sacerdotales ou les consécrations épiscopales. Sur cette signification et sur la synon mie de XCipoTOvfa et de ysipoGscîa, voir les § 5 et 6 dans le Proœmium du traité De sacramento ordinis de la théologie de Wurlzbourg, t. v, p. 296-298 ; et dans Hallier, De sacris elect. et ordinat., proleg., Cursus theol. de Migne, t. xxiv, p. 161-166. Ce n’est que plus tard

(vers la fin du viiie siècle) que les écrivains ecclésiastiques feront une distinction entre ysipoGeala, bénédiction ecclésiastique, et yeiporovia, ordination proprement dite. Voir déjà Taraise, dans les Actes du IIe concile de Nicée, sess. i, Hardouin, t. iv, col. 52 C. Siméon de Thessalonique applique au sous-cuacre la ysipoŒaîa, au diacre et au prêtre la ysipo-rovia, en distinguant nettement le sens de l’une et de l’autre. De sacris ordinalionibus, 156, 159, P. G., t. clv, col. 361, 365.

Les témoignages qui nous restent peuvent être répartis en trois classes : faits historiques d’ordinations ; discipline liturgique ; enseignement patristique.

a) Faits historiques. — Ordination sacerdotale d’Origène par les évêques de Césarée et de Jérusalem qui lui imposèrent les mains pour le presbytérat, yeTpctç elç TcpecëuTÉptov aùzG> -rcGeîxaai, Eusèbe, H. E., VI, viii, 4, P. G., t. xx, ' col. 537. — Saint Corneille, dans sa lettre à Fabius d’Antioche, raconte comment Novatien fut ordonné prêtre, xotTàyâfiv t' G Itu0x67tou toû ÈTuOé' tcç aÙTeo yeïpaç sic 7rpeaêuTspicu x>9)pov, et comment ensuite il contraignit trois évêques à lui conférer l'épiscopat « par une impo sition des mains sacrilège et vaine, eixovuqj tivi xal yny-aia. yziç>ZT.i%eaiy. imcy. r r.rp oùtw 8'.Gai. » Eusèbe, H. E., VI, xl’iit, 7, ibid., col. 620. Voir, sur le même sujet une lettre de saint Cyprien, à propos des « confesseurs qui ont consenti à une telle consécration : ut paterentur ei manum quasi in episcopatum imponi. » Epist., xi.ix, 1, édit. Hartel, p. 610. Dans une lettre au clergé et au peuple d’Espagne, saint Cyprien décrit ainsi le rite de l’ordination employé pour Sabinus : Quod et apud vos jactum videmus in Sabini collegx noslri ordinalione, ut… episcopatus ei de/erretur et manus ei in locum Basilidis imponeretur. Epist., lxvii, 5, édit. Hartel, p. 739. Cf. consécration de saint Fabien, où les évêques étaient réunis yetpoxovîaç ëvexe-, Eusèbe, H. E., VI, xxix, P. G., t. xx, col. 588 ; consécration d’Anatole d’Alexandrie, à qui Théotecne imposa les mains pour l'épiscopat, yzlpac, zic, èTrioxo7rr ; v ÈTrtTéGeixE, Eusèbe, H. E., VII, xxxii, 21, col. 729. L’auteur du / c ateatoribus, c. iii, parle en des termes identiques de sa propre consécration : episcopium… per imposilionem manus… excepimus, Opéra Cypriani, édit. Hartel, t. iii, p. 94. Il n’est pas encore question, dans ces documents, de l’ordination au diaconat. Mais les textes liturgiques nous renseignent très suffisamment.

Au iv° siècle, saint Basile rappelle qu’Anthime a ordonné Faustus de sa propre autorité et de sa main propre, èyetpoTÔvrjoe tov (PaGo-rov îSia aùOsv-rta y.oi îSia ysipî, Epist., cxxxii (al. cccxiii), P, G., t. xxxii, col. 541 ; cf. Epist., cxxi (al. cxcv), 'col. 540 ; il parle de ceux qui imposèrent les mains à Grégoire de Nysse, o[ yeipoTOVTQaccvTsc, Epist., ccxxv (al. ccclxxxv), col. 841 ; cf. lui, col. 394-397. Saint Grégoire de Nazianze rapporte, faisant mention de la seule imposition des mains, sa propie ordination, Or., x, n. 4, et celle de son père, Or., xviii, n. 33, 34, P. G., t. xxxv, col. 830, 1027. Dans le récit de l’ordination de saint Grégoire le Thaumaturge, saint Grégoire de Nysse montre que la consécration se fait par la seule imposition des mains, Vita S. Gregorii Thaumat., P. G., t. xlvi, col. 909. Saint Optât rapporte que Cécilien fut sacré, manus imponenle Felice Autumnitano. De schimate donat., t. I, n. 18, 19, P. L., t. xr, col. 918. Le sacre de saint Jean Chrysostome, raconté par un auteur du xe siècle, Siméon Métaphraste, fut marqué d’un miracle au moment même où Chrysostome inclinait la tête sous la main de l'évêque, P. G., t. exiv, col. 1075. Voir, dans saint Augustin, l’ordination de Maximien, le gestis cum Emerilo, n. 11, P. L., t. xliii, col. 705 ; de la même

ordination, saint Célestin parle, laissant entendre que les paroles sacramentelles sont jointes à l’imposition des mains : Interfuimus nec nos dixerimus absentes cum ejus capili verba mystica dicerentur. Epist. ad synod. Ephes., P. L., t. l, col. 539. Voir enfin, dans Théodoret de Cyr, le récit de l’ordination du solitaire Macédonius et du reclus Salaman, Religiosa hisl., c. xiii, xix ; et de la consécration d’Antiochus, évêque de Samosate, H. E., IV, xiii, P. G., t. lxxxii, col. 1402, 1427 : 1151.

b) Discipline liturgique. — Le plus ancien « rituel » (si l’on peut se servir de ce terme) est un petit livre disciplinaire auquel on avait donné le nom de Constitutiones Ecclesiæ œgyptiacæ (.Egyptische Kirchenordnung, Ordonnance ecclésiastique égyptienne), parce que c’est en Egypte surtout et en Ethiopie qu’il a été répandu. Son origine cependant est romaine, son auteur serait saint Hippolyte et son vrai nom. Tradition apostolique. Les Canons d' Hippolyte, les Constitutiones per Hippolytum ou Abrégé (Epitome) du VIIIe livre des Constitutions apostoliques, le VIIIe livre des Constitutions apostoliques, le Testament de Noire-Seigneur s’inspirent tous de manière plus ou moins directe de la Tradition apostolique et s'échelonnent depuis la fin du iiie jusqu’au ve siècle. Ils permettent de suivre les modifications introduites dans le cérémonial. Il est d’ailleurs naturel de penser, avec Mgr Duchesne, Origines du culte chrétien, 5e édition, p. 544, que le texte d’Hippolyte devait refléter l’usage romain, et que ses versions copte ou éthiopienne ont été corrigées suivant l’usage alexandrin.

Sur les données générales de ces livres, relativement à l’imposition des mains dans l’ordination, voir Imposition des mains, col. 1333-1334. Pour compléter les indications qu’on trouve à cette référence, nous résumerons ici l’exposé qu’a fait de cette liturgie J. Tixerout, L’ordre et les ordinations, p. 112 sq. « . Ordination de l'évêque. — Elle a lieu le dimanche, devant le peuple réuni et avec le concours du presbyterium et des évêques présents. Une première imposition des mains est faite par les évêques seuls : tous prient en silence. W. H. Frère a soupçonné dans cette première imposition des mains le seul rite primitivement essentiel ; cf. Early jorms of ordination dans les Essays de H. B. Swete, p. 275, 308. Mais cette assertion semble difficilement acceptable puisque les Constitutions apostoliques et les Canons d’Hippolyte l’ont abrogée (voir plus loin), et que les fragments de la Tradition édités par Hauler (version latine, i, 1-3) la présentent comme une simple prière préparatoire. Vient ensuite le rite de l’ordination proprement dite. Un des évêques présents, sur l’invitation des autres, impose la main sur l’ordinand et récite la prière suivante, invocation au Saint-Esprit. La traduction a été faite sur le texte grec qui est conservé par YEpitome : « O Dieu et Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, qui demeures dans les hauteurs et considères ce qui est en bas, qui connais toutes choses avant qu’elles n’arrivent ; toi qui es l’auteur de l’ordonnance de l'Église par la parole de ta grâce ; qui as prédestiné dès le principe la famille juste d’Abraham, établissant des chefs et des prêtres, et ne laissant pas sans ministère ton sanctuaire ; qui, depuis la création du monde, t’es plu à être glorifié dans ceux que tu as choisis ; répands maintenant la puissance — qui vient de toi — de l’Esprit directeur (variante : que tu as donné à ton Fils bien-aimé, qu’il a communiqué aux) dont, par ton enfant bien-aimé Jésus-Christ, tu as gratifié tes saints apôtres qui ont fondé l'Église, à la place de ton sanctuaire, pour la gloire et l’incessante louange de ton nom. Toi qui connais tous les cœurs, donne à ce tien serviteur que tu as choisi pour l'épiscopat (=iç èiztrjxrjTz^i) de paître ton troupeau saint, et de remplir pour toi ses fonctions de grand-prêtre (àp^iEpa-Eusiv)

sans reproche, te servant OiEnrovpYOVVTa) jour et nuit ; de paraitre sans cesse devant ta face en propitiateur, et de t’olTrir les dons de la sainte Église ; et par l’esprit du souverain sacerdoce, d’avoir le pouvoir de remettre les péchés, suivant ton commandement, de conférer les fonctions ecclésiastiques ? (oicôvai jcXvjpouç) suivant ton ordre, et de délier tout lien, suivant le pouvoir que tu as donné aux apôtres ; et de te plaire dans la douceur et la pureté du cœur, en Coffrant une odeur de suavité ; par ton enfant Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec qui soit à toi gloire, puissance, honneur avec le Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Ainsi soit il. »

Tel est l’essentiel de la consécration épiscopale : elle s’achève par la célébration des saints mystères. On a remarqué la variante : le texte entre parenthèses appartient au latin et s’est conservé dans l'éthiopien, les Constitutions apostoliques et le Testament. Il a toute chance d'être la leçon primitive.

Aux origines, le contenu de cette prière n'était pas bien déterminé. Comme une glose de la Didachè l’insinue, x, les textes liturgiques n’avaient pas encore acquis à cette époque une très grande rigidité. Cf. Const. Eccl. œgypt., i, 22 ; iv, 4, dans Funk, Didascalia et Constitutiones apostolorum, t. ii, p. 100, 105 ; S. Justin, Apol. i, c. 67, P. G., t. vi, col. 4204.

Les divergences présentées par les documents postérieurs sont, dit Tixeront, les suivantes : d’abord, sauf dans le Testament de Notre-Seigneur, la première imposition des mains disparaît au profit des développements que l’on donne à la forme que doit prendre l’assentiment du peuple à la consécration de l'élu. L'Épitomé et les Constitutions apostoliques VIII, i), ont même omis de noter la seconde imposition des mains. Mais c’est pure distraction, car plus loin, VIII, xlvi, 9, il est formellement déclaré dans les Constitutions, que « les évêques, les prêtres, les diacres reçoivent leur dignité par la prière et l’imposition des mains. » Cf. c. xvi, 2. Cette omission n’est donc pas consciente, comme le prétend Hatch, The organisation…, p. 133. L’unique imposition de la main est faite, d’après les Canons d’Hippolyte, can. 10, par « un des évêques et des prêtres », archaïsme qui, peutêtre, rappelle l’identité des deux mots èniox.onoç, et TTp£a61)Tôpoç, dans le Nouveau Testament. L’Epitomé et les Constitutions apostoliques supposent que la consécration épiscopale est faite par trois évêques, qui se tiennent a côté de l’autel, cependant que les diacres tiennent ouvert sur la tête de l'élu le livre des évangiles, VIII, iv, 6 ; cf. xxvii, 1, 2. Cf. Canons des apôtres, 1, Funk, Didascalia et constitutiones apostolorum, t. i, p. 564. Dans les Constitutions, la prière consécratoire, tout en restant dans le même cercle d’idée a pris un notable développement.

b. Ordination du prêtre. — La Tradition apostolique est muette sur l'élection préalable des simples prêtres (la formule de prière qui se trouve dans YEpitome et les Constitutions la suppose formellement : « Jette les yeux sur ce tien serviteur que le suffrage et le choix de tout le clergé agrège au presbytérium », Constitutions, VIII, xvi, 4). La cérémonie de l’ordinal ion est fort simple. L'évêque impose la main sur la tête de l’ordinand. Les prêtres présents en font autant, sans que, pour cela, ils confèrent avec l'évêque l’ordination : quapropter, dit, un peu plus loin la Tradition, clerum non ordinal (presbyler), super presbyteri vero ordinalione consignât, episcopo ordinante. L'évêque récite la prière suivante : « Dieu et Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, jette les yeux sur ce tien serviteur, et communique-lui l’Esprit de grâce et de conseil, afin qu’il aide aux prêtres et gouverne ton peuple avec un cœur pur : de même que tu as regardé le peuple de ton élection, et que lu as ordonné à Moyse de choisir des vieillards (prcsbyleros) que tu as

remplis de ton esprit, (de cet esprit) que tu avais donné à ton serviteur. Et maintenant, Seigneur, fais que se conserve en nous (on remarquera ce changement, où l'évêque prie pour tous) sans déchet l’esprit de ta grâce, et rends-nous dignes, par la foi, de te servir dans la simplicité du cœur, te louant par ton enfant, le Christ-Jésus, par qui soit à toi gloire et vertu, au Père et au Fils avec le Saint-Esprit de la Sainte Église, et maintenant et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

Dans les Canons d’Hippolyte, la prière pour l’ordination des prêtres ne présente aucune différence avec celle de l’ordination des évêques : Si autant ordinatur presbyter, omnia cum eo simililer aqantur ac cum episcopo, nisi quod cathedra' non insideal. Etiam eadem oratio super eo oretur tota ut super episcopo, cum sola exceptione nominis episcopatus. Episcopus in omnibus rébus œquiparetur presbytero, excepto nomine cathedræ et ordinatione, quia poicstas ordinandi ipsi non tribuitur (30-32). Les Canons d’Hippolyte laisseraient donc supposer qu’aucune formule spéciale n’existait pour le presbytérat. Et cependant ils distinguent très nettement le simple presbytérat de l'épiscopat.

L’Epitome, les Constitutions, le Testament ont modifié la formule de la Tradition à partir du moment où l'évêque prie pour tous : la prière continue pour le seul ordinand, décrivant le ministère sacerdotal ; cf. Constitutions, VIII, xvi, 1-5 ; Test.Bom., i, 30. Un mot cependant s’est conservé dans les Constitutions, VIII, xvi, 5, qui vise la pluralité des assistants : « Conserve en nous sans déchet l’esprit de ta grâce ». Epilome et Constitutions n’indiquent pas d’ailleurs que les prêtres assistants imposent la main avec l'évêque : leur présence et celle des diacres est simplement mentionnée, toû 7vpsG6'jT£pto’j — poea-wTÔc ; coi xocl TÛV Siaxôvwv. Mais au c. xxviii, 2, 3, les Constitutions indiquent formellement la différence entre l'épiscopat et le presbytérat : Episcopus manus imponit, ordinal (yEtpoOs-rs'ï, ^EtpOTOvsî)… Presbyter yeipoOsTet, où yapoTOveï. Le prêtre, comme le diacre, et les autres clercs, est ordonné par l’imposition des mains de l'évêque ; cf. Canons des apôtres, 1, Funk, op. cit., p. 564.

e. Ordination du diacre. — Après l'élection par le peuple, expressément signalée par la Tradition, l'évêque procède à l’ordination du diacre en lui imposant seul les mains. Tous les documents sont d’accord à ce sujet et attestent par là l’ancienneté et la persistance de la tradition qui prescrit cette cérémonie. Tradition, version latine, sahidiqtie, éthiopienne, arabe, iii, 1-8 ; Canons d’Hippolyte, 33-42 ; Constitutiones per Hippolytum, vii, 1-2 ; viii, 1-3 ; Constitutions apostoliques, VIII, xvii, l-2 ; xviii, 1-4 ; Test. Dom., i, 34-38. Cette circonstance est justifiée par le fait que l’ordinand, ne recevant pas le sacerdoce, n’entre pas dans le collège presbytéral, conseil de l'évêque, mais devient simplement par le diaconat, le ministre de l'évêque : « C’est pourquoi l'évêque seul crée le diacre. » Cette glose doctrinale, vraisemblablement originale, s’attaque aux prétentions illégitimes de certains diacres qui, à partir du iiie siècle, ont manifesté parfois une arrogance spéciale à l’endroit des fonctions sacerdotales. Voir les conclusions de Frère, op. cit.. p. 286, n. 3, et de Brightman, Terms of communion and the ministration of the sacraments in early Times, dans les mêmes Essays, p. 396, et les conciles d’Arles I, can. 15 ; de Nicée, can. 18 ; d’Elvire, can. 77 ; édit. Lauchert, p. 28-42, 25. L’imposition des mains est accompagnée de la prière suivante : « Dieu, qui as tout créé et préordonné par ta parole, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que tu as envoyé pour exécuter ta volonté (ministrare), et nous manifester

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

ton désir, répands l’Esprit-Saint de grâce et de sollicitude et d’industrie sur ce tien serviteur, que tu as choisi pour servir (ministrare) ton Église, et offrir dans le saint des saints ce qui l’est offert par (celui qui a été) ordonné prince des prêtres, et (procurer) la gloire de ton nom ; afin que, servant (minislrans) sans reproche dans une vie pure, il puisse obtenir les degrés de l’ordre supérieur, (c’est le sens de VEpitome et des Constitutions aposloli ues. Le texte éthiopien, cf. Funk, Didasculia et Constitutiones aposlol., t. ii, p. 104, porte : « qu’il remplisse les fonctions de l’ordre auquel il a été promu »…) et te glorifier par ton Fils Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui à toi, avec lui, soit gloire, puissance et louange avec le Saint-Esprit, etc. »

Les Canons d’Hippolyte, 38-42, se distinguent des autres documents en ce qu’ils rappellent le ministère d’Etienne et demandent pour le candidat les vertus morales requises à la perfection de son état. Ce souvenir d’Etienne se retrouve dans les Constitutions apostoliques, VIII, xviii, 1-4. Le 'Testament conserve les grandes lignes de la Tradition, mais glose le texte.

d. Ordination du sous-diacre. — Aucune mention d’ordination proprement dite pour les sous-diacres dans la Tradition ; il est question d’eux après les lecteurs et les vierges, dans les traductions éthiopienne et arabe : « De même pour les sous-diacres : on n’impose pas la main sur le sous-diacre ; on le désigne (seulement) pour servir les diacres. » Les Canons d’Hippolyte, can. 49, semblent supposer que l'évêque présente à l’ordinand le livre des évangiles ; ils disent, en effet, que le lecteur est institué par ce geste et ajoutent : ÛTToSîaxovoç secundum hune ordinem. C'était là vraisemblablement l’usage romain. L’Epitome, xi, et les Constitutions apostoliques, VIII, xxi, 1-4, prescrivent l’imposition de la main : « Ordonnant un sousdiacre, dit YEpitome, tu lui imposeras la main et tu diras en priant

< Seigneur Dieu, créateur du ciel et de la terre et de tout ce' qui s’y trouve, qui, dans la tente du témoignage, as désigné les gardiens qui veilleraient sur les vases sacrés, jette maintenant les yeux sur ce tien serviteur, qui a été choisi comme sous-diacre, et donne-lui le Saint-Esprit, afin qu’il touche dignement les vases liturgiques et qu’il accomplisse en tout ta volonté, par ton Christ, avec qui soit à toi gloire, honneur et vénération avec le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

L’imposition des mains est exclue par les Canons d’Hippolyte, 48-49 ; par les Statuta Ecclesiæ antiqua, Cavallera, Thésaurus, n. 1311 ; par S. Basile, Epist., ccxvii, c. 51, P. G., t. xxxii, col. 796.

e. Ordination du lecteur. — La Tradition apostolique déclare que : « le lecteur est établi par la présentation que l'évêque lui fait du livre ; car on ne lui impose pas la main. » Cette indication est reproduite dans les Canons d’Hippolyte, 48, et YEpitome, xiii ; mais les Constitutions apostoliques, VIII, xxii, indiquent au contraire que l'évêque impose la main au lecteur, "en prononçant la prière suivante. « Dieu éternel, abondant en pitié et en miséricorde, qui as manifesté par ce qui a été fait l’organisation du monde et qui gardes le nombre de tes élus, jette maintenant les yeux sur ce tien serviteur, choisi pour lire à ton peuple les Saintes Écritures, et donne-lui le Saint-Esprit, l’Esprit prophétique. Toi, qui as instruit ton serviteur Esdras pour lire tes lois à ton peuple, nous t’en supplions maintenant, instruis ton serviteur et donne-lui de remplir sans reproche la fonction qui lui est confiée, et d'être (par là) déclaré digne du degré supérieur, par le Christ avec qui soit à?toi la gloire et la vénération, et au Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ! »

I. La question des « confesseurs ». — On appelait confesseurs les chrétiens qui avaient, dans la persécution, généreusement confessé leur foi, et avaient souffert pour elle, sans cependant mourir dans leur

T. — XI — 40

supplice. Ils étaient l’objet d'égards particuliers. Les lapsi recouraient à eux en vue de leur réconciliation. Voir S. Cyprien, Epist., xv, n. 1, 4 ; xvii, 1 ; xviii, 1 ; édit. Hartel, p. 513, 521, 523 ; Tcrtullien, De pudicitia, c. xxii, P. L., t. ii, col. 1026. Mais de plus., et c’est le point qui nous intéresse présentement, la « confession « était un titre pour être promu aux ordres ecclésiastiques. Cf. S. Cyprien, Episl., xxxix, 1, édit. Hartel, p. 581 ; Tertullien, Adv. valentinianos, c. iv, P. L., t. iii, col. 516. Pour avoir confessé généreusement leur foi, Aurelius et Celerinus furent élevés par saint Cyprien au rang de lecteur. Epist., xxxvin, xxxix, édit. Hartel, p. 579-81, 581-85, l'évêque les jugeant trop jeunes pour le sacerdoce. Les textes de saint Cyprien invitent à penser que les confesseurs ainsi désignés seront régulièrement promus.

La Tradition apostolique, au contraire, et plusieurs des documents qui en dérivent donnent une impression toute différente et semblent indiquer que, dans le cas de confesseurs ayant subi de graves peines, une ordination au sens propre du mot n’est pas nécessaire pour qu’ils participent aux honneurs (peut-être même aux pouvoirs) du diaconat et du presbytérat, l'épiscopat étant d’ailleurs formellement exclu.

Il est difficile, à la vérité, de se représenter l'état primitif du texte, et les divers témoins sont loin d'être d’accord. La leçon qui est fournie par le texte copte (et le texte arabe) paraît la plus ancienne, elle coïncide d’ailleurs sensiblement avec celle du Testament (qui est notablement plus récente).

Confessori autem, si in Qri lestimonium emittit

vinculis fuit propter noTien et confessionem in vinculis

Domini, manus non impDnæt in tor.nentis propter no tur ad ininisterium (le diamen Dai, manus ei propter

conit) vel presbyteratu ii, hoc non imponatur ad dia namque dignitatem presbyconatum neq le item ad pres teratus confessione sua habyteratum. Habat enim ho bet. Sin aute n constituentnorem cleri, cum per confes dus est episcopus, manus ei sionem a manu Dei protectus

imponatur. Tradition, texte fuerit. Si in episcopam ordi copte. natur, digaus est qitoque impositione manus. Tesl.

Les Canons d’Hippoh/le donnent une leçon analogue, s’il s’agit d’un confesseur :

talis meretur gradum presbyteralem coram Deo, non secundum ordinationem qure fit ab episcopo. Immo confessio est obdinatio E.ius. Quodsi vero episcopus fit, ordinetur. Can. 13-44.

Le texte éthiopien de la Tradition laisse l’impression qu’il a été fortement retouché. Le voici tel que Duchesne le traduit d’après l’anglais de Horner :

Si confessor fuit in loco pœnse in vinculis pro nomine Christi, non extendatur manus super cura ad ininisterium [quia] id est opas diaconi, [sed utj (lire plutôt nec) ad presbyteratuin quia habuit honorem presbyteratus eo quod confessus est [) episcopus eum ordinabit cxlendens mauum super eum.

Visiblement ce texte est tronqué et en le rapprochant des trois précédents il conviendrait sans doute de supprimer les mots entre [ ] et d’ajouter après confessus est : Si episcopus ordinandus est. Que le texte primitif se soit rapproché davantage de la rédaction copte, ou de celle des Canons, c’est ce que montrent deux faits : 1. La règle que nos quatre témoins indiquent ensuite pour les confesseurs qui n’ont subi que de légers inconvénients. Tous marquent que, par opposition aux précédents, ils doivent, si on les élève aux ordres, recevoir l’imposition des mains. 2. Une remarque extrêmement curieuse des Canons d' Hippohjte, indiquant que la règle vaut pour les esclaves :

Si talis, cum servus alicujus esset, propter Christum cruciatus pertulit, talis similiter est presbyter gregi. Quanquam enim formam presbyteratus non acceperit, tamen

spiritum presbyteratus adeptus est : episcopus igitur omittat orationis pahtem quæ ad Spiritum Sanctum pertinet.

Il va sans dire qu’il serait prématuré d'établir une théorie quelconque sur des textes dont la conservation est aussi mal garantie et dont l’origine reste suspecte. Si réellement il s’agit d’un abus qui ait existé, i ! faut supposer qu’il s'était localement introduit sous l’influence montaniste.

Quoi qu’il en soit, le texte reçut bien vite des corrections. On a vu celle de la version éthiopienne. Celle de l’Epitome, xiv, et celle des Constitutions apostolimes, XVIII, xxiii, est plus radicale. D’ailleurs, à leur époque, l'ère des confesseurs n'était plus. L’Epitome déclare (et les Constitutions s’expriment de manière sensiblement pareille) : « Le confesseur n’est pas ordonné, car sa confession est affaire de volonté et de support ; mais il est digne d’un grand honneur, parce qu’il a confessé devant les gentils et les rois le nom de Dieu. Que si l’on a besoin de lui comme évoque ou comme diacre ou comme prêtre, qu’il soit ordonna. Mais si un confesseur non ordonné s’adjuge une de ces dignités sous prétexte qu’il a confessé (le Christ), qu’il soit déposé, car il n’est pas (ce qu’il prétend), puisqu’il a renié l’ordre établi par le Christ, et est pire qu’un infidèle. »

g. Autres « ordinations ». — La Tradition apostolique parle de « l’ordination » des veuves, de ordinatione viduarum : elle déclare que la veuve ne peut être « ordonnée » que si elle est déjà éprouvée depuis longtemps. Tertullien ajoute qu’elle doit être veuve d’un seul mari, Ad uxorem, I, vii, P. L., t. i, col. 1285. Cette « ordination » est une simple agrégation au service de l'Église, sans consignation, c’est-à-dire sans imposition des mains. Vraisemblablement, ces veuves officiellement reconnues sont une sorte de diaconesses, voir t. iv, col. 691 sq. D’autres veuves, après la mort de leur mai, faisaient vœu de continence et occupaient dans l'Église un rang d’honneur à côté des vierges ; elles ne remplissaient aucune fonction liturgique. L’Epitome, ix, x, xvi, et les Constitutions apostoliques, VIII, xix, 25, règlent la discipline des unes et des autres. Mais ces documents indiquent que la diaconesse reçoit l’imposition des mains del'évêque, en présence du presbyt rium, des diacres et des autres diaconesses. Le rite est accompagné d’une priée dans laquelle l'évêque demande pour elle l’effusion du Saint-Esprit sïç Staxovtav. Mais l’imposition des mains est rejetée par les documents plus anciens, Tradition apostolique, avec toutes ses versions, et le concile de Nice.-, can. 18 ; cf. Funk, t. i, p. 525, n. xix.

En ce qui concerne les vierges, la Tradition déclare qu’elles ne recevront pas l’imposition des mains ; c’est le cœur qui fait les vierges.

De même, ceux qui ont reçu de Dieu le charisme de la « uérison ou de la prophétie ne devront pas recevoir l’imposition des mains, jusqu'à ce que, ayant prouvé par les faits la vérité du don divin, ils soient ordonnés, s’ils le demandent, Canons d’Hippolt ; te, 53, 54. ou si l’on a besoin d’eux comme évêques, diacres ou prêtres, Epitome, xvii ; Constitutions apostoliques, VIII, xxvi.

De ces documents dépendant de la Tradition, il faut rapprocher l’Eucologe de Sérapion, qui doit être daté du milieu du ive siècle. Ce document ne décrit pas les rites de l’ordination, mais il indique tiès clairement le rite de l’imposition des mains pour la triple ordination au diaconat, au presbytérat et à l'épiscopat, ^etpoQscna xaTacxdcæcoç Stocxôvcov… 71p£aêuTspwv… smaxÔTccov, avec les prières qui les accompagnent respectivement. Ces prières diffèrent sensiblement, pour la forme, du moins, de celles que

nous avons rapportées. La prière de l’ordination épiscopale se caractérise surtout par un exorde développé dans lequel on rappelle la mission du Christ et des apôtres, et le ministère des évêques prédécesseurs de l'évêque ordonné. Dans l'épiclèse finale, on implore le Saint-Esprit et l’on demande que l'évoque soit pour son peuple un grand saint et un pasteur accompli. Voir l'édition de G. Wobbermin, Allchristliche liturgisclie Sliicke, dans Texte und Untersuchungen, t. xvii, fasc. 3 b, Leipzig, 1898, ou Funk, Didasc. et Const. ap., t. ii, p. 188-190.

Ainsi se trouve mise en relief l’importance de l’imposition des mains dans la collation des ordres sacrés. Elle est d’ailleurs consaciée par les conciles datant de cette époque, et dont les décrets, par leurs allusions bièves, semblent supposer l’universelle diffusion du rite. Concile d’Ancyre (314), can. 10, 13 ; HefeleLeclercq, Histoire des conciles, t. i, p. 312, 315 ; cf. ici, 1. 1, col. 1174 ; concile de Nicée (325), can. 4, 9, 10 ; Hefele-Leclercq, t. i, p. 539, 587, 588, et ici, t. xi, col. 410, 412 ; concile d’Antioche (341), can. 10, 17, 18, 19 ; Hefele-Leclercq, t. i, p. 717, 719, 720 ; texte grec dans Lauchert, Die Kanonen des altkirchlichen Concilier !, p. 32, 34 ; concile de Chalcédoine (451), can. 2, 6, 25 ; Hefele-Leclercq, t. ii, p. 772, 787, 810. En Occident, il suffira de citer les Statuta Ecclesiæ antiqua, qu’on donne comme les canons d’un quatrième concile de Carthage (398) et qui, en réalité, sont une collection arlésienne du début du vie siècle. Nous y reviendrons plus loin.

En finissant de jeter ce coup d’ceil sur l’ancienne discipline de l'Église, il sera bon de remarquer, avec J. Tixeront, « l’ordre dans lequel nos plus anciens documents, Tradition apostolique (versions éthiopienne et arabe) traitent des membres de la hiérarchie inférieure aux diacres… Cet ordre est le suivant : confesseurs, veuves, lecteurs, vierges, sous-diacres, guérisseurs et prophètes. Ce détail seul suffit à montrer la haute antiquité de notre Tradition. Dès le rve siècle, les confesseurs disparaîtront ; plus tôt encore les sous-diacies prendront le pas sur les lecteurs. Les exorcistes, que VEpitome et les Constitutions apostoliques appellent de ce nom (èrropxicrr/jç) ne sont encore que des chrétiens qui ont reçu le don de guérir, donum sanalionis. On ne parle pas des acolytes. La hiérarchie, telle que la manifeste la lettre du pape Corneille à Fabius d’Antioche (251) (voir ci-dessus, col. 1232) n’est pas encore en Occident entièrement ni partout reconnue. » L’ordre et les ordinations, p. 125-126.

c) Enseignement palristique. — Ces prescriptions de la liturgie nous font comprendre l’enseignement que, sous une forme parfois très brève, nous livrent les Pères des ive et Ve siècles touchant le rite de l’ordination.

Ainsi Aphraate mentionne l’imposition des mains de l’ordre, Démonstrations, xiv, 25 ; les trois ordres hiérarchiques sont l'épiscopat, le presbytérat et le diaconat, xiv, 1 ; Patrol. syr., 1. 1, col. 573, 633. — Saint Éjihrem admire la puissance sacerdotale, qui daigne habiter en nous par l’imposition des mains des saints pontifes. Serin, de sacerdotio. Il enseigne que dans l'Église existe une hiérarchie composée d'évêques, de piètres et de diacres, Carmina Nisibena, xxi, 5 ; ils ont reçu le Saint-Esprit, Œuvres, éd. Lamy, t. ii, p. 366. — Saint Basile parle fréquemment dans ses épîtres de l’ordination et affirme toujours qu’elle est conférée par l’imposition des mains. Il reprend avec force ses chorévêques qui pensent n'être point simoniaques pour accepter de l’argent [xezà tyjv "/ s '-P°~ tovîocv : accepter, c’est toujours accepter, Episl., lui (al. lxxyi), P. G., t. xxxii, col. 397. Dans la première lettre canonique à Amphiloque, quelles que soient

les réserves à faire sur certaines assertions, il apparaît clairement que Basile tient l’imposition des mains comme le rite transmetteur du pouvoir sacerdotal et épiscopal : roxpà tcôv TraTÉpwv ecryov xàç XS ! poTOv[aç, xat Stà ttjç È7u8éerscùç tov -/eipôiv aùrcôv elyjjv tô }(âpia[i.a tô 7tvsu ;.LaTi.xôv. Epist., clxxxviii, ibid., col. 668. — Chez Timothée d' Alexandrie, l’expression ys !.poTov7)6svTeç ou }(sipoTovoûjjievoi est purement synonyme d’ordonnés ou de conférant les ordres, Responsa canonica, q. xxi, cf. xxiii, dans Pitra, Juris eccles. Grxcorum hist. et monum., t. i, Rome, 1864, p. 643. — Saint Épiphane, rappelant la distinction essentielle entre l'évêque et le simple prêtre, déclare que celui-là ne peut établir un prêtre, qui n’a pas le droit de le créer par l’imposition des mains, (ii} s^ovxa p(etpo6sa£av xoù /sipoT&vsTv. Hser., lxxv, 4, P. G., t. xlii, col. 508. — Théophile d’Alexandrie signale aussi que l’ordination se fait, dans l'église, en présence et du consentement de tous les prêtres, par la ^eipoxovîa de l'évêque. Commonitorium, can. 6, Pitra, op. cit., p. 647 ; P. G., t. lxv, col. 39. — Pareillement saint Jean Chri/sostome parle de l’imposition des mains comme du rite de l’ordination ; mais il fait mention expresse de la prière qui l’accompagne, se référant à- Act., vi, 6 ; In Act. apost., hom. xiv, 3, P. G., t. lx, col. 116 ; cf. In epist. ad Phil., hom. i, 1, t. xlii, col. 183.

Dans l'Église latine, même doctrine. — Saint Innocent I" écrit aux évêques de Macédoine pour réprouver les ordinations faites par des hérétiques. Sans en nier la validité, il déclare qu’ils n’ont pu communiquer que la damnation par une coupable imposition des mains, Epist. xvii (al. xxii), c. 3, P. L., t. xx, col. 530. — Dans son commentaire sur Isaïe, saint Jérôme identifie pleinement l’ordination et l’imposition des mains, mais il fait mention expresse de la prière qui accompagne le rite : ordinatio clericorum quæ non solum ad imprecationem vocts, sed ad impositionem impletur manus. C. lviii, P. L., t. xxiv, col. 569. — De même saint Augustin unit l’imposition des mains et la prière sacramentelle. Cf. Epist., isKxviii, (al. cxxxvii), P. L., t. xxxiii, col. 268 ; De baptismo, t. V, c. xx, t. xliii, col. 190 ; De Trinitate, t. XV, c. xxvi, t. xlii, col. 1906. Mais déjà des spéculations dogmatiques et théologiques se mêlent à l’assertion traditionnelle du rite.

Une double conclusion s’impose.

La première conclusion concerne l’universalité du rite de l’imposition des mains comme rite d’ordination. Nous avons vu que les abus qui parfois s'étaient introduits (par exemple, les confesseurs admis comme prêtres sans ordination ; l’imposition des mains conférée aux diaconesses) ont été promptement réprimées. Le silence de certains documents ne prouve rien non plus ; il s’explique simplement par le fait de l’existence incontestée du rite. Nous l’avons déjà constaté à propos des Constitutions apostoliques, col. 1248 ; il faut en dire autant de saint Cyprien, rappelant les cérémonies de l’ordination du pape saint Corneille, sans faire mémoire de l’imposition des mains, Epist., lv, 8, édit. Hartel, t. ii, p. 629.

Une deuxième conclusion est celle-là même qu’a formulée le cardinal van Rossum, à savoir qu’au ive siècle soit des enseignements des Pères, soit des documents liturgiques, soit des faits historiques, il résulte que le rite de l’ordination est uniquement l’imposition des mains et la prière qui y est jointe. On ne rencontre aucune mention des rites plus récents qui se sont introduits postérieurement dans es sacramentaires. S’il se rencontre déjà quelque rite accessoire (v. g. dans les Const. apost., l’imposition du livre des évangiles à l'évêque), c’est uniquement

pour donner plus d'éclat à l’administration du sacrement. Cf. op. cit., p. 71.

3. Efficacité du rite de l’imposition des mains. — L’universalité du rite de l’imposition des mains s’explique sans doute par son antiquité et surtout son origine apostolique. Mais elle suppose en outre une raison plus profonde ; c’est qu’elle assure à ceux qui la reçoivent la continuité des pouvoirs apostoliques.

L'Église a toujours cru à cette continuité, et elle a toujours considéré l’imposition des mains comme le moyen efficace de la manifester et de la réaliser. Le fondement scripturaire de cette doctrine est toujours I Tim., iv, 14 et II Tim., t, 6. Le mot xâpt.cï[za employé ici par saint Paul signifie probablement à la fois et le pouvoir communiqué par l’imposition des mains, et la grâce annexée à ce pouvoir. La « grâce » de l’ordination est personnifiée dans les textes liturgiques et patristiques par l’Esprit-Saint, communiqué à l’ordinand par le rite sacré. Cette croyance de l'Église se manifeste dans les épiclèses ou prières qui accompagnent toujours l’imposition des mains, et saint Hippolyte, dans la préface des Philosophumena, en exprime admirablement la substance ; les évêques sont les successeurs des apôtres ; ils ont hérité de leur ministère de grands-prêtres et de docteurs, des grâces de l’apostolat et du don de l’Esprit-Saint : TaÙTa 8s srspoç oùx svsy2si y) TÔ svsxxXïjaîa Ttapa&oOsv ayiov IIvsùfjLa, OÙ TU^ÔVTS'Ç uporspoi oi CCTtOCJTOXoi [j.sTs80aav TOÏÇ ôpGtoç TCS7uaT£i>xôa', v ôv r)[xsïç SiâSojcît, Toy/âvovTsç, TTJç te aÙTÎjç /âpiToç [Lsts^on/tsç àp^ispaTslaç xal SiSaaxaXlaç, xal cppoupoi tyjç IxxX^aîaç XeXoy(.a[i.svoi, où… Xôyov ôpOôv oi.co7TcJpt.sv, P. G., t. xvi c, col. 3020.

Le cas des confesseurs dans la Tradition et le Testament, voir ci-dessus, ne saurait prévaloir contre l’efficacité reconnue par l'Église au rite d’ordination quant à la succession du pouvoir apostolique ; cette doctrine de la Tradition et du Testament n’a pas dépassé la portée d’une opinion privée et, « posant explicitement un cas d’exception, elle n’a proclamé qu’avec plus de force l’universelle acceptation de l’imposition des mains et sa valeur incontestée comme sacrement de l’Esprit. » J. Coppens, op. cit., p. 159. En ce qui concerne la communication des grâces divines par l’ordination, la Tradition est formelle : pour l'évêque, elle demande « l’Esprit directeur » ; pour les prêtres « l’Esprit de grâce et de conseil » ; pour les diacres, « l’Esprit-Saint de grâce et de sollicitude et d’industrie ». Cf. "Fixeront, L’ordre et les ordinations, p. 180.

Les docteurs de l'Église romaine affirment avec force cette communication du Saint-Esprit et des pouvoirs apostoliques. S. Hippolyte, toc. cit., l’auteur du De alealoribus, m. édit. Hartel, t. iii, p. 94 ; l’Ambrosiaster, Quæst. V. et N. Testamenti, q. xciii, 2 ; In I Tim., iv, 14, P. L., t. xxxv, col. 2287 ; t. xvii, col. 475 ; plus tard, Lucifer de Cagliari, De sancto Alhanasio, i, 9, P. L., t. xiii, col. 829. De même, les Pères orientaux. La réception du pouvoir sacramentel est inculquée dans H omit. Clementinæ, iii, 72, P. G., t. ii, col. 157 ; Epist. Clementis ad Jacobum, ii, col. 25 ; le don de l’Esprit est enseigné par saint Grégoire de Nazianze, Orat., xliii, 78, P. G., t. xxxvi, col. 600 ; par saint Basile, Epist., clxxxviii, 1, P. G., t. xxxii, col. 669-670 ; Théodoret, Religiosa historia, XIII, xix, P. G., t. lxxxii, col. 1401, 1404, 1428 ; In I Tim., v, 22 ; col. 821 ; Quæst. in Numéros, interr. 47, t. lxxx, col. 397 ; les Constitutions apostoliques, VIII, v, 7, édit. Funk, t. i, p. 476. Les divers charismes ont été énumérés par saint Athanase, Epist. ad Draconium, ii, ni, iv, P. G., t. xxv, col. 524, 525-528 ; Grégoire de Nysse, In bapt. Christi, P. G., t. xlvi, col. 581 sq. Pour ce dernier Père, l’effet des rites de l’ordination est de séparer le prêtre du com mun et d’opérer en lui, bien qu’extérieurement il paraisse rester le même, une transformation intérieure par une grâce et par une vertu invisibles. Saint Grégoire compare cette transformation à la consécration des autels ou même à la consécration eucharistique, ce qui indique bien qu’elle comporte à ses yeux, un caractère permanent et stable. Cette doctrine du caractère indélébile recevra son dernier perfectionnement de saint Augustin, voir col. 1279. (1 faut également citer saint Jean Chrysostome qui parle en termes éloquents de la grâce conférée par le Saint-Esprit dans l’ordination, De sacerdotio, t. III, n. 4 et 5, P. G., t. xlviii, col. 642, 643 ; Homilia de resurrectione mortuorum, n. 8, t. l, col. 432 ; In II ad Tim., homil. i, n. 2, t. lxii, col. 602-603. Saint Cyrille d’Alexandrie montre comment les rites de l’Ancienne Loi ont préfiguré la collation de la grâce dans les ordinations sacrées des ministres de l'Église, Comment, in Joannis evang., t. XII, c. xx, 22, 23, P. G., t. i.xxiv, col. 711. « Quant à la nature de l’Esprit reçu, écrit J. Coppens, il est difficile, sinon impossible, en nous en tenant aux seules données littéraires, d’en préciser théologiquement la notion, vu que les écrits néo-testamentaires et postapostoliques, s’ils ont nettement distingué entre les charismes et le ministère ecclésiastique, ont néanmoins omis de nous renseigner sur les raisons formelles de cette distinction. On peut constater qu’en règle générale les documents n’ont pas souligné les effets sanctifiants des rites d’ordination, mais qu’ils ont surtout relevé les pouvoirs liturgiques et pastoraux conférés aux nouveaux ordonnés. La venue personnelle de l’Esprit est comme passée sous silence et toute l’attention se porte sur la grâce sacramentelle qui accompagne le ministère communiqué. Rien de plus probant à cet égard que les lettres à Timothée et en particulier les passages qui concernent les effets attribués à l’ordination du missionnaire paulinien. » Op. cit., p. 159-160. Remarquons cependant, avec le même auteur, que les premiers chrétiens n’ont pas conçu la transmission des grâces du ministère en dépendance des traditions rabbiniques, d’une façon quasi matérielle et pour ainsi dire magique, ainsi que le semble supposer Bhem, op. cit., p. 196. L’apparentement de l’imposition des mains chrétienne avec l’imposition, rite d’ordination juif, n’est pas tel qu’il entraîne cette conclusion à laquelle deux faits s’opposent : la présence de l'épiclèse du Saint-Esprit dans toutes les anciennes prières d’ordination et le grand nombre des ordinations considérées par l'Église ancienne comme invalides, ce qui exclut l’hypothèse d’une transmission purement matérielle de l’Esprit.

Plus tard, les Pères grecs développèrent la doctrine sur l’infusion du Saint-Esprit par le rite d’ordination. Les expressions '/àpiç toù IIvsùji.aTOç — Sùvapuç toù Yjysii.ovi.xou cou tlve< !)y.oczoç„ reviennent sous la plume de Théodoret, op. cit., dans les Constitutions apostoliques, loc. cit. ; chez saint Basile et saint Grégoire de Nazianze, loc. cit. Parmi les dons de l’Esprit, nous trouvons le « charisme de la vérité », S. Irénée, Cont. hær., IV, xxvi, 2, P. G., t. vii, col. 1053 ; tô yâpiG{xc(. tô 71vEU ! xaTix6v, S. Basile, loc. cit. ; ou simplement tô yâpt.G|za, S. Athanase, loc. cit. ; plus expressément le pouvoir de lier et de délier, sÇouata toù 8sc(j.sùslv xal Xùsiv, Epist. Clementis ad Jacobum, n. Hippolyte et l’auteur du De alcatoribus signalent le don personnel de l’esprit, Philosoplioumena, préface, loc cit. ; De aleatoribus, iii, édit. Hartel, t. iii, p. 94. Ces indications sommaires seront plus tard reprises par l’Ambrosiaster, qui mentionne la communication de la grâce et des pouvoirs sacramentels. Ecclesiastica potestas — Jus ecclesiasticum — Spirilus Sanctus… per traditionem infunditur ordinatis — …ut ex co traditioni ecclesiasticæ Spiritus Sanclus infusus credatur. Quiestiones…, 125 ;

ORDRE. DEVELOPPEMENT DU RITE

1258

q. xciii, 2j P. /… t. xxxv, col. 2287. Gratiam dari… per prophetiam et manuum impositionem… manus vero impositiones verba sunt mystica quibus ad hoc opus confirmatur electus accipiens aactoritatem, teste conscientia sua, ut audeat vice Domini sacrifîcium Léo ofjerre. In 1 77m., iv, 14. P. L., t. xvii, col. 475 ; cf. Lucifer de Cagliari, loc. cit. Au moment de la controverse antiprotestante, les auteurs catholiques, notamment Bellarmin, s’empareront de ces autorités et de quelques autres pour établir la thèse du sacerdoce, sacrement de la Nouvelle Loi. Cf. Bellarmin, De ordine, t. I, c. ni.

II. DÉVELOPPEMENT DU RI TE PRIMITIF. NOUS le

suivrons d’abord dans les Églises orientales, puis dans l'Église latine.

Dans les Églises orientales.

Dans les Églises

orientales, le développement de la liturgie du sacrement de l’ordre ne modifie pas essentiellement les rites essentiels que nous avons trouvés dans les anciens documents.

Les Constitutions apostoliques nous représentent ce qu'était au iv° siècle, dans l'Église orientale, surtout syrienne, la cérémonie de l’ordination. Vers le début du vie siècle, le Pseudo-Denys l’Aréopagite donne une nouvelle description, fort sommaire, du rite d’ordination pour les trois ordres supérieurs, De ecclesiastica hierarchia, c. v, n. 2, 3, P. G., t. iii, col. 509. Cette description, qui n’indique que les rites, sans donner le texte des prières, concorde sensiblement avec celle des Constitutions apostoliques. Dans chaque ordination, les ordinands se prosternent devant l’autel et reçoivent l’imposition de la main de l'évêque, pendant que celui-ci prononce les épiclèses qui les consacrent. A tous, le consécrateur imprime le signe de la croix, ir, aTaupo£.iS/ ; ç trcppaylc, puis il les proclame promus à tel ou tel ordre, 7) àvâpp7]<71.ç, et enfin il leur donne le saint baiser, TsXsiwTixàç àaKOLGxôç qu’ils reçoivent aussi des ecclésiastiques présents. A l'évêque ordinand, on place sur la tête, pendant que l'évêque consécrateur impose la main, le livre des évangiles ; le futur diacre, en se prosternant, ne fléchit qu’un seul genou, alors que l’ordinand-prêtre ou évêque fléchit les deux genoux ; cf. Rouet de Journel, Enchir. palrist., n. 2287. Il semble impossible, d’ailleurs, de tirer du Pseudo-Denys une doctrine ferme et précise. Voir J. M. Hanssens, La forme dans les ordinations de rite grec, dans Gregorianum, 1925, p. 65 sq. Il vaut mieux se reporter aux Scholies de saint Maxime de Constantinople, et au De sacris ordinationibus de Syméon de Thessalonique, P. G., t. clv. Hanssens, id., p. 69, 73.

Sans vouloir descendre dans tous les détails des liturgies orientales, il sera suffisant d’indiquer ici les rites principaux des Églises orientales : grecque, arménienne, syriaque, copte. On en trouve une description assez confuse et imparfaite par Renaudot, dans Perpétuité de la foi, édit. Migne, t. iii, col. 943-966.

1. Église grecque.

En suivant le texte du plus ancien manuscrit de l’eucologe grec (ixe siècle, biblioth. Barberini), J. Morin a publié les rites de l’ordination de l'Église grecque, dans son Commentarius de sacris Ecclesiæ ordinationibus, Paris, 1655, part. II, p. 17 sq.

a) Ordination (XetpoTOvîa) de l'évêque. — Le consécrateur lit une formule : Que la divine grâce, etc., en tenant la main sur le haut de la tête. On dit trois fois Kyrie eleison. Il impose sur la tête et le cou du consacré le saint évangile. Il marque trois fois du signe de la croix la tête de l’ordinand ; lui impose de nouveau la main en récitant l’oraison, Seigneur Dieu et Maître. Suivent différentes invocations. Nouvelle imposition des mains avec l’oraison, Seigneur Dieu, etc. Au nouveau consacré on impose le pallium et on lui donne le baiser.

b) Ordination (}(£i, poTOvîa) du prêtre. — Les dons sacrés étant replacés sur l’autel, l'évêque qui confère les ordres lit, après l’hymne angélique, la formule : Que la divine et céleste grâce ('H 6eia ^âpiç). L’ordinand se présente ensuite ; l'évêque trace sur lui trois fois le signe de la croix et lui impose les mains avec la prière, Dieu, qui n’avez ni commencement ni fin… ('0 6soç àvocpxoç)- Suivent les invocations, puis nouvelle imposition des mains, avec l’oraison, Dieu, qui êtes puissant… ('0 9sôç ô (jtiyotç). L’ordinand est revêtu de Vorarium (étole), du phelonium (chasuble) ; l'évêque lui donne le baiser et enfin, avant la sainte communion, le pontife remet un pain consacré entre les mains du nouveau prêtre qui incline sur lui sa tête et se penche ainsi sur l’autel jusqu'à ce qu’on chante le Sancta sanctis.

c) Ordination (^(.poTovta) du diacre. — Après l’oblation, l’ordinand se présente et l'évêque récite la formule Divina gratia. L’ordinand fléchit le genou ; l'évêque lui marque la tête d’un triple signe de croix, lui impose la main en récitant l’oraison : Seigneur, notre Dieu, etc. Suivent quelques invocations. Nouvelle imposition de la main avec l’oraison, Dieu, notre Sauveur. L’ordinand est revêtu de Vorarium, et, après le baiser, on lui donne le flabellum (chassemouches). Après avoir participé à la communion au corps et au sang du Christ, il reçoit du pontife un calice et il distribue le précieux sang à ceux qui se présentent.

On retrouve les mêmes cérémonies d’ordination dans le codex de l’eucologe grec de l’abbaye de GrottaFerrata (xe siècle), cité par Morin, p. 60 ; dans deux codex de la bibliothèque vaticane, vraisemblablement du xiie siècle, Morin, p. 78 ; dans un codex de la bibliothèque royale (xive siècle), Morin, p. 67 ; dans un antique codex de la bibliothèque des clercs réguliers de Saint-André délia Valle, à Rome, Morin, p. 74 ; dans un codex que Morin attribue à Allatius et a publié, p. 85. On trouvera également les mêmes rites dans Martène, De antiquis Ecclesiæ rilibus, Rouen, 1700, t. I, c. viii, art. 11, ord. 19.

Les mêmes cérémonies, avec des différences insignifiantes, se retrouvent dans l’eucologe publié par Goar, Euchologion sive rituale Grœcorum, Paris, 1647, lequel concorde totalement avec les textes publiés par Isaac Habert dans son Archieratikon, Liber pontificalis Ecclesiæ græcæ, Paris, 1643. Quelques modifications de peu d’importance sont à relever dans la remise du pain consacré au nouveau prêtre après la communion : l'évêque prononce une formule et le prêtre, après avoir baisé la main de l'évêque, tient la main, avec le pain consacré, sur l’autel jusqu'à ce qu’il remette ce pain à l'évêque au chant du Sancta Sanctis.

L’eucologe grec approuvé par la S. C. de la Propagande et imposé aux Grecs unis par Benoît XIV (Constitution Ex quo primum, 1 er mars 1756), encore en usage aujourd’hui, n’apporte aucune modification à ce qui précède.

2. Église arménienne.

Sources : Clément Galano,

(cf. ici, t. vi, col. 1023), dans son ouvrage Conciliationis Ecclesiæ armenæ cum romana ex ipsis armenorum patrum et doctorum testimoniis…, pars prima, Rome, 1650 ; pars altéra, 2 vol., Rome, 1658 et 1661 ; Giovanni de Serpos, Compendio storico di memorie cronologiche, 3 vol., Venise, 1786 ; Denzinger, Ritus orientalium, coptorum, syrorum et armenorum in administrandis sacramentis, 2 vol., Wurzbourg, 1863, 1864, t. ii, p. 274 sq. Nous compléterons simplement ce qui a été dit au t. i, col. 1957.

Le rite arménien, tel qu’il est actuellement pratiqué, est un véritable florilège des cérémonies orientales et occidentales ; il a beaucoup emprunté au rite ro

main, en particulier, en ce qui concerne les cérémonies de l’ordination, la tradition des instruments. Toute la hiérarchie des ordres latins, depuis la simple tonsure jusqu'à l'épiscopat, y est représentée. Les ordres mineurs sont conférés par la tradition des instruments, comme dans l'Église latine.

a) L’ordination du sous-diacre commence, comme dans le rite grec, par l’imposition des mains avec l’oraison ; puis, le candidat reçoit le vêtement clérical et le manipule et l'évêque lui fait tenir un calice vide surmonté de la patène, en disant : Reçois ce calice sacré avec le pouvoir de le porter au saint autel, etc. Puis, il lui remet l’ornement de la messe, le purificatoire, le missel et tous ses autres ornements, disant : Vois à quel mystère tu es appelé, etc.

b) L’ordination du diacre commence par un interrogatoire, comme dans le rite romain. Pour l’ordination proprement dite, l’ordinand fléchit le genou gauche devant l'évêque, qui pose la main droite sur sa tête, en disant l’oraison Seigneur, Dieu tout-puissant, etc. Psaume Reati immaculati. Nouvelle imposition de la main avec la croix et l’oraison Seigneur Dieu tout-puissant, auteur de toutes choses, etc. L’ordinand se tourne alors vers l’occident, élève la main et les assistants l’entourent. L'évêque lui impose la main, disant : Que la divine et céleste grâce, etc., et ensuite l’oraison Seigneur Dieu fort, etc. Suivent de nombreuses leçons de l’Ancien et du Nouveau Testament. Après de multiples cérémonies, répétition de l’imposition de la main droite avec la croix et l’oraison Seigneur, Dieu tout-puissant, etc. Après un hymne et d’autres cérémonies, l’ordinand est revêtu delà dalmatique et de l'étole avec la formule : Reçois cette é tôle pure et blanche, etc. Après la bénédiction, l'évêque lui remet l'évangéliaire, disant : Reçois le pouvoir de lire le saint évangile dans les églises de Dieu pour l’instruction des vivants et le souvenir des dé/unls. Puis, il lui donne l’encensoir, disant : Reçois le pouvoir d’encenser, etc.

c) L’ordination du prêtre débute, comme celle du diacre, par l’interrogatoire latin. Après divers psaumes, le diacre invite à prier pour le futur prêtre, et, après trois invocations des assistants, l'évêque impose la main droite sur la tête de l’ordinand, récitant l’oraison Seigneur Dieu tout-puissant, etc. Après diverses cérémonies, l'évêque impose de nouveau la main avec la croix sur la tête de l’ordinand, et dit : Que la divine et céleste grâce, etc. Nouvelle imposition de la main droite avec la croix et récitation de la formule Seigneur, Dieu tout-puissant, etc. L'évêque passe ensuite l'étole à l’ordinand, en disant : Reçois le joug de N.-S. J.-C ; son joug est suave et son fardeau léger. Suivent plusieurs psaumes et leçons de l’Ancien et du Nouveau Testament, et plusieurs autres cérémonies. L'évêque fait une nouvelle imposition de la main droite et récite l’oraison Seigneur, Dieu des vertus, etc. On apporte alors les vêtements sacerdotaux, et l’on récite de longues prières. L'évêque impose à l’ordinand le savagard, disant : Reçois le casque du salut, etc. ; il l’entoure de Vurar (étole), disant : Reçois le pouvoir de l’Esprit Saint, etc. ; il le ceint du kodi (cordon), en disant : Reçois le pouvoir, par le Saint-Jsprit, de lier et de délier, etc. ; puis il lui remet le pilon (pallium) disant : Reçois le vêtement de la justice, etc. Il le revêt ensuite du schurlschar (chape), disant : Notre-Seigneur JésusChrist le revêt du vêlement, etc. Après le chant de l’hymne Missa columba, l'évêque oint du saint chrême le front, les deux mains de l’ordinand, en disant : Soit béni, oint et consacré (soit le front — la main droite — la main gauche), etc. Suit l’oraison Seigneur, Notre Dieu, qui avet oint, etc. — Ensuite, l'évêque prend le calice et la patène, renfermant le

corps et le sang (c’est-à-dire, comme dans le rite latin, le pain et le vin qui deviendront corps et sang du Christ. La version que nous donnons est celle de Richter que suit Denzinger ; Galano et Serpos lisent simplement : le calice et la patène, avec le vin et l’hostie) ; il les met dans la main de l’ordinand et dit : Prends et reçois le pouvoir et la faculté par le Saint Esprit, d’offrir et de célébrer des saintes messes, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour les vivunls et les défunts. (Variantes : Galano : Prends et reçois : lu as en effet reçu le pouvoir de consacrer… Serpos : Prends, car tu as reçu, par la grâce divine, le pouvoir de consacrer…) La messe, s’achève, après la bénédiction de l'évêque.

d) L’ordination de l'évêque est précédée, comme dans le rite latin, de l’examen. Le patriarche pose sur les épaules de l'élu l'évangéliaire ouvert, lui impose sur la tête la main droite, et, après la formule Que la divine et céleste grâce, il récite une épiclèse, invoquant l’Esprit-Saint. L’imposition des mains est plusieurs fois renouvelée, avec de multiples invo cations au Saint-Esprit. Après le psaume Mémento Domine David, des leçons de l'Écr’ture, d’autres invocations, le patriarche oint du saint chrême la tête et les deux pouces de l'élu, lui donne le bâton pastoral, lui passe l’anneau au doigt, lui remet le livre de l'Évangile et enfin lui impose la mitre. Denzinger, t. ii, p. 274 sq.

Ainsi, dans le rite arménien, l’ordination du diacre comporte la tradition de l'évangéliaire, avec la formule Reçois le pouvoir de lire ; l’ordination du prêtre comporte la tradition du calice et de la patène avec le vin et le pain, et la formule Reçois le pouvoir, etc., la formule Reçois le pouvoir de lier et de délier, n’est jointe à aucune imposition des mains et se dit à la tradition du cordon ; enfin, nulle imposition de mains, avec la formule du rite romain Accipe Spiritum sanctum, soit pour le diacre, soit pour l'évêque.

Il y a donc eu, dans le iite arménien, introduction de certaines cérémonies latines. U résulte des actes du concile de Cis (1342), voir t. ii, col. 697 sq., que cette introduction aurait eu lieu vers le milieu du xiie siècle. Voir Martène, Veterum scriptorum et monumenlorum… colleclio amplissima, t. vii, col. 310413. Il est certain, d’autre part, qu’au ix<e siècle, les manuscrits ignorent totalement ces cérémonies ; cf. van Rossum, op. cit., p. 106-107.

3. Église syrienne jacobile.

La liturgie des jacobites a été traduite incomplètement par J. Morin, op. cit., part. II, p. 479 ; puis, par Renaudot, Liturgiarum orientalium collectio, Paris, 1715, t. il. On la trouve sommairement décrite dans J. -Simon Assémani, Ribliolheca orientalis, t. n ; Disscrtalio de monophysitis, c. ix et x ; cf. Denzinger, op. cit., t. ii, p. 66 sq.

a) L’ordination du diacre comporte d’abord la tonsure, en forme de croix, faite par l'évêque sur la tête de l’ordinand, puis, l’ordinand ayant fléchi le genou droit devant l’autel, l'évêque prend le corps et le sang de Jésus-Christ et les place sur la tête de l’ordinand en récitant la formule Deus qui Ecclesiam, etc. Puis, nouvelle imposition des mains, signe de croix entre les yeux, imposition de Vorarium et tradition du flabellum.

b) L’ordination du prêtre commence comme celle du diacre. Mais pendant l’imposition des mains avec le corps et le sang du Sauveur, l'évêque récite une autre formule : Deus magne et admirahilis, etc. Nouvelle imposition des mains, suivie du signe de croix entre les yeux. Adaptation de Vorarium autour du cou ; tradition de la chasuble, du cordon, de l’encensoir. L’ordinand baise l’autel et la main de l'évêque et reçoit finalement la communion.

c) L’ordination de l'évêque se réduit, après quelques cérémonies préliminaires, à l’imposition de l'évangéliaire sur la tête de l'élu, l’imposition des mains faite par le patriarche, avec l’oraison Deus qui universam, etc., et Deus deorum et dominus dominorum, etc. On revêt ensuite le nouveau consacré de la tunique, du phainon blanc : on lui impose la tiare, on l’installe sur le trône, et on lui rend les honneurs ; cf. Denzinger, t. ii, p. 66 sq.

4. Église maronite ; cf. t. x, col. 1. — Voir J. Morin, op. cit., p. 379 sq. : J.-A. Assémani, Codex lilurgicus Eeclesiee universæ, Rome, 1749-1766, t. VIII, part. II et III, t. ix et x ; Denzinger, op. cit., t. ii, p. 108 sq.

Les Syriens maronites ont des rites d’ordination sensiblement identiques à ceux des jacobites. Mais les cérémonies sont bien plus longues. L’ordination du diacre comporte cinq impositions des mains, avec diverses oraisons fort prolixes. L’ordination du prêtre comporte trois impositions ; les mains reçoivent des onctions : les vêtements sont remis avec des formules assez semblables aux formules latines. L’ordination de l'évêque comporte trois impositions, avec onction de la tête et des mains. Mais aucune tradition d’instruments et aucune imposition avec la formule Accipe Spiritum ïanclum. Denzinger, t. ii, p. 108 sq.

5. Église nestcrienne, voir t. xi, col. 311-312. — Les rites nestoriens ont été publiés d’une façon incorrecte par Morin, op. cit., part. II, p. 442 ; d’une façon plus correcte, mais incomplète, pai J. -Simon Assémani, dans Biblioth. orientalis, t. m b, p. 791-856 ; intégralement, par Joseph-A. Assémani, dans son Codex liturgicus Ecclesia' universa-, t. VIII, paît. VI, t. xiii ; cf. Petcy Badger, The i estorians and their rituals, Londres, 1852 ; Denzinger suit Assémani le Jeune (Joseph -A loys), t. ii, p. 226 sq.

a) Dans l’ordination du diacre, l'évêque fait une première imposition de la main droite sur la tête de î'ordinand en récitant la piière Deus noster bone et, après avoir signé le front, il impose de nouveau la main en récitant une oraison, Domine Leus (ortis. Après de nouveaux signes de croix, il impose l’orariuin. Ensuite, prenant des mains de l’archidiacre le livre des épîtres, il le remet à chacun des ordinands, les signant au front, et disant : // est séparé, il est tanctifié. On remarquera la porrection du livre qui cependant n’est accompagnée d’aucune forme sacramentelle.

b) L’f rdination du prêtre, après un certain nombre de cérémonies et de prières préparatoires, comporte une première imposition de la main droite, accompagnée de la récitation de la prière Deus noster bone. Après un signe de cioix sur la tête, nouvelle imposition de la main avec l’oraison Domine Deus forlis. Nouveau signe de croix, suivi de la remise du pallium et de Vorarium autour du cou. Puis, tradition du livre des évangiles à celui qui a reçu l’imposition des mains. L'évêque le marque de nouveau du signe de la croix, disant : Il est séparé, il est sanctifié, comme ci-dessus

c) Dans Y ordination de l'évêque, tous les évêques présents imposent à l'élu les mains, pendant que celui-ci est incliné sous le livre des évangiles placé sur sa tête. Le pontife officiant récite la prière Graiia Domini noslri Jesu-Christi, etc. Puis, il impose la main droite sut la tête de I’ordinand et étend la gauche en signe de prière pendant la récitation de l’oraison Leus noster bone et benefactor. Il l’entoure ensuite de la rraaphra (chape), le coiffe de la biruna (mitre) et lui remet dans la main droite le bâton pastoral. Denzinger, t. ii, p. 266 sq.

On remarquera, dans l’ordination du prêtre, la tradition du livre, mais, comme dans celle du diacre, sans aucune formule sacramentaire.

6. Église copte, voir t. x, col. 2288-2289. — Les

rites coptes ont été publiés incomplètement par Athanase Kircher, S. J., Rituale Ecclesiæ a’guptiacæ.

a) L’ordination du diacre, après plusieurs cérémonies préliminaires, comporte l’imposition de la main droite de l'évêque sur la tête de I’ordinand, avec récitation de l'épiclèse Dominator Lvmine Deus. Après trois signes de croix tracés sur le visage de I’ordinand, l'évêque lui impose l'étole sur l'épaule gauche, le nouveau diacre baise l’autel, l'évêque et les assistants, et, après la bénédiction épiscopale, participe au mystère sacré.

b) L’ordination du prêtre comporte, au milieu de cérémonies diverses, une seule imposition de la main droite, avec récitation de la formule Dominator Domine Deus. L'évêque signe le front de I’ordinand avec son pouce, le déclare prêtre, fait derechef trois signes de croix à son front, lui impose l'étole, etc.

c) Dans l’ordination de l'évêque, après de nombreuses cérémonies et prières, le patriarche pose sa main droite sur la tête de l'élu, les évêques assistants touchant ses épaules, et récite l’oraison de l’ordination (xEipoTovia) Dominator Domine Deus. Après d’autres oraisons, l'élu est revêtu de l'étole, de la tunique, de la cuculle et du pallium. L'évangéliaire ne lui est donné qu’après, non sur la tête, mais sur la poitrine.

On remarquera que le rite copte ne comporte aucune tradition d’instrument, aucune formule impérative dans le genre des formules romaines.

La comparaison des divers rites orientaux nous fait voir que la formule d’ordination ne saurait consister dans la seule prière Divina gratia, laquelle, dans le rite syriaque, est récitée non par le prélat ordinant, mais par l’archidiacre, et dai s d’autres rites, se trouve totalement absente. Il faudrait donc, sur ce point rectifier l’opinion d’Arcudius, op. cit, c. viii, p. 527-528 ; de Goar, op. cit., p. 215, n. 13 ; 216, n. 15 ; d’IsaacHabert, 'Apyiepfyux&v, Paiis, 1643, p. 115 sq. ; François Hallier, Z)e sacris elect. et ordinat., Paris, 1636, p. 133 ; et de la traduction giecque du catéchisme de Bellarmin, par Léonard Philara, édit.3, Rome, 1637, t. i, p. 347-348. (Voir, dans ce dictionnaire, t. x, col. 2289.) De nos jours, plusieurs auteurs ont exprimé un sentiment différent, reportant la forme du sacrement à l’oraison suivante Dieu, sans commencement ni fin (Gaspa’ri, De sacra ordinalione, t. ii, p. 241-242 ; S. Many, Prælecliones de sacra ordinatione, Paris, 1905, p. 500-503) ou à la deuxième oraison : O Dieu puissant (van Rossum, De essentia sacramenti ordinis, Fribourg-en-B., 1914, p. 98, n. 1). Récemment le P. J. M. Hanssens a repris de fond en comble cette question si débattue, La (orme sacramentelle dans les ordinations sacerdotales de rit grec (lisez : de rit oriental), dans Gregorianum, 1924. p. 208-277 ; 1925, p. 41-80. Cet auteur admet volontiers que la prière Que la divine grâce, n’exigeant pas l’accompagnement de l’imposition des mains, ne peut pas être forme, unique, mais elle est une forme secondaire. Il admet aussi que cette forme secondaire peut n'être point récitée par l'évêque, mais îécitée en son nom. Pour lui, la forme, dans les rites orientaux, n’est pas attachée strictement à une formule unique ; elle réside dans tout l’ensemble des prières et n’est pas nécessairement indicative, comme chez les Latins. Enfin, la forme du sacrement n’est pas nécessairement attachée à tels mots déterminés : une formule textuellement différente, mais équivalente quant au sens, peut avoir la même efficacité sacramentelle. Ce qui explique les divergences de formules entre différents rites orientaux. Voir surtout la conclusion de l'étude. Cette solution adoucit singulièrement la réponse de J. Morin, qui ne voit dans la prière Divina gratia qu’une proclamation préparatoire sans aucune effîca

cité dans le rite sacramentel. Op. cit., exercit. II, c. iii, îv, p. 19-25.

2° Dans l'Église latine. — Nous écartons de notre exposé l’enseignement des Pères, lequel, portant sur un sujet plus complexe que le rite de l’ordination, reflète plutôt les spéculations de la théologie sur le sacrement de l’ordre. Nous nous en tiendrons donc aux rites eux-mêmes, considérés dans leur évolution du Ve siècle jusqu'à nos jours. Nous suivrons ici l’exposé de J. Tixeront, L’ordre et les ordinations, p. 125-176.

1. Du Ve au viiie siècle. — Jusqu’au ve siècle, les rites d’ordination sont substantiellement les mêmes dans les Églises d’Occident. Mais à partir du ve siècle, il faut tenir compte de deux formes liturgiques qui se sont partagé ces Églises : la liturgie romaine, régnant à Rome, dans l’Italie méridionale et en Afrique ; la liturgie gallicane, dominant dans le nord de l’Italie, laGaule, l’Espagne, la Bretagne et, plus tard, l’Irlande. Dans ces deux liturgies, non seulement diffèrent la suite des cérémonies et les formules des prières de la messe, mais encore, pour tout ce qui n’est pas essentiel, les rites et les prières des ordinations. C’est la fusion de ces deux formes qui a donné les cérémonies composites du Pontifical romain actuel.

a) Rite romain. — Sources principales : 1° Sacramentaires, — léonien (déclin du vie siècle) — grégorien de la bibliothèque capitulaire de Vérone (ou mieux sacramentaire du pape Hadrien, fin du vuie siècle). Voir Duchesne, Origines du culte chrétien, 5e édit., p. 125-132 ; 143-152 ; M. Feltoe, Sacramentarium leoniannm, Cambridge, 1896 ; la P. L., t. lv, donne l'édition des Ballerini, mais la meilleure édition est celle de Fr. Bianchini, Anastasius Dibliothecarius, t. iv, Rome, 1734. La collection liturgique de Maria-Laach, Litur giegeschichtlkhe Quellen en annonce une nouvelle publication qui promet d'être définitive. Cf. dom Pierre de Puniet, Pontifical romain, Paris, 1930, p. 20, et Dict. d’archéologie, art. Léonien (Sacramentaire), t. viii, col. 2550. Le sacramentaire grégorien a été récemment édité par A. Wilson, The Gregorian sacramentarij under Charles the Great, Londres, 1915, et par Hans Lietzmann, Das Sacramentarium Gregorianum, Munster, 1921. La plus ancienne édition est de Jacques Pamélius, Littirgica Ecclesix latinse, t. ii, 1571. La P. L., t. lxxviii, donne l'édition de dom Hugues Ménard (1642) et représente un texte mitigé ; cf. Dict. d’archéologie, art. Grégorien (Sacramentaire), t. vi, col. 1776, et dom de Puniet, op. cit., p. 27. — 2° Ordines romani (cf. Ordo de Saint-Amand, dont le manuscrit est du viiie ou ixe siècle, et que Duchesne a édité en appendice, op. cit., p. 495-497), donnés par Mabillon et édités dans la P. L., t. i, xxviii, col. 9991008. Les sacramentaires contiennent surtout les prières ; les ordines indiquent les rites et la suite de la cérémonie. Sur les ordines, voir dom de Puniet, op. cit., p. 35 sq. ; cf. Kosters, Studien zu Mabillons rômischen Ordines, Munster, 1905 ; toutefois la compilation publiée par Melchior Hettorp, De divinis catholicæ Ecclesiie officiis, Paris, 1610, col. 21-178 (reproduite, dans Bibliotheca veterum Palrum, Paris, 1644, t. x, et dans Bibliotheca maxima Patrum, Lyon, 1677, t. xiii) olïre cette caractéristique, qu’au lieu de se borner aux rubriques, clic contient les formules in extenso. Voir M. Andrieu, I.'Ordo romanus anliquus et le liber de divinis officiis du Pseudo-Alcuin, dans Revue des sciences religieuses, 1925, d. 642-650. M. Andrieu prépare l'édition de cet Ordo antiquus ; cf. dom De Puniet, op. cit., p. 39 sq. II y a accord à peu près complet entre ces divers documents.

a. Ordres mineurs et sous-diaconat. — Au ve siècle, les quatre ordres mineurs ont droit de cité. Mais nous n’avons pas d’indication sur la manière dont,

au rite romain, on conférait lis trois ordres inférieurs de portier, de lecteur, d’exorciste. La cérémonie devait être absolument privée dans la Schola cantorum ; peut-être même n’y avait-il rien en dehors de la simple désignation faite par l’archidiacre. Le texte du Gregorianum de H. Ménard présente ici toute la série des prières et des rites gallicans ; mais c’est une interpolation.

Les ordinations d’acolyte et de sous-diacre n’ont guère de solennité. SOrdo ix, 1, dit qu’elles se faisaient « quand et où on voulait ». Revêtu de l’aube et de l’orarium, l’ordinand se présentait à l'évêque avec le sac de lin destiné à recevoir les pains consacrés et il se prosternait devant le pontife qui le bénissait avec cette formule : « Par l’intercession de la bienheureuse et glorieuse Marie, toujours vierge et du bienheureux apôtre Pierre, que le Seigneur te sauve, le garde et te protège. » Cf. Acolyte, t. i, col. 315. L’ordination du sous-diacre était presque semblable. La bénédiction était précédée d’un serment fait par le candidat sur l'évangile qu’il n’avait jamais commis l’un des quatre péchés énormes contre la chasteté qui excluaient l’ordination : sodomie, violation des vierges, bestialité, adultère, et l'évêque mettait entre les mains de l’ordinand un calice vide. Ordo viii, 2.

b. Diaconat. — Après le serment par les candidats relativement aux péchés énormes ci-dessus énumérés et l’invitation faite préalablement aux fidèles de dire ce qui pourrait être contre leur admission au diaconat, l’ordination se faisait le samedi des quatre temps. Après l'épître, le pontife les appelait nommément et les faisait avancer devant l’autel, puis se prosternait avec eux pendant le chant des litanies. Ensuite, l'évêque imposait la main sur la tête de chacun des ordinands et prononçait deux prières ; une prière ordinaire Deus conlator sacrarum magnifiée dignitatum et une prière consécratoire Adesto quæsumus, omnipotens Deus, honorum dator, ordinum distributor, etc., conservée en forme de préface dans le pontifical actuel. On y supplie Dieu de répandre sur les nouveaux élus le Saint-Esprit et de faire qu’ils deviennent dignes d’accéder au degré supérieur, Ordo vin. L’Ordo ix, 8, ajoute un détail, la distribution aux ordinands des orarii prises par l’archidiacre sur l’autel de Saint-Pierre où elles ont passé la nuit, et mises par l'évêque lui-même au cou des candidats.

c. Presbqtérat. — L’ensemble du rituel est absolument le même que pour le diaconat. Après les diverses cérémonies préparatoires, les candidats se présentaient, une fois les diacres ordonnés, devant le pontife, revêtus de l'étole (orarius) et de la planète. Suivait l’invitation faite à l’assemblée de prier pour les ordinands : Oremus, dilectissimi, Deum Patrem omnipotentem, puis, la prostration et la litanie. Ensuite, l'évêque leur imposait la main sur la tête récitant deux prières, une prière ordinaire Exaudi nos, Deus salutaris noster.., et le canon consécratoire Vere dignum… Deus honorum omnium… præmia consequantur (toutes deux conservées dans le pontifical actuel). Le sacramentaire grégorien, édition Ménard, est seul à dire que les prêtres présents imposent aussi la main ; on sait que la Tradition apostolique mentionnait également cette coopération des prêtres. Après ces prières, les nouveaux prêtres recevaient, comme les diacres, l’accolade du pontife, des évêques et des prêtres, présentaient leur offrande et recevaient la communion à la messe qui se continuait. Pas de porrection d’instrument.

d. Épiscopat. Les cérémonies de l’ordination à l'épiscopat sont surtout décrites par les ordines viii et ix et, en principe, sont supposées faites par le pape. Ce rituel ne différait guère, pour l’ordre des cérémonies, de celui de l’ordination presbytérale.

Le futur évêque, au préalable élu par son clergé et son peuple, devait se rendre à Rome, y jurer qu’il était innocent des quatre péchés susnommés. La consécration devait avoir lieu le dimanche. Voir les cérémonies préliminaires dans Tixeront, p. 135. Après une invitation faite par le pontife consécrateur luimême, le pape, l’ordinand et le clergé se prosternaient pendant le chant de la litanie. Après quoi, le pape, imposant seul la main sur la tête de l'élu, prononçait comme pour les prêtres deux oraisons : l’une ordinaire Propitiare, Domine, supplicationibus nostris…, l’autre, canon consécratoire Vere dignum… Deus honorum omnium. Les deux formules ont été conservées dans le pontifical actuel, la seconde coupée en deux par la cérémonie de l’onction sur la tête et le chant du Veni Creator. Quelques phrases de la seconde manquent dans les sacramentaires léonien et grégorien : cf. Duchesne, op. cit., p. 380, note. La cérémonie s’achevait par l’accolade que le nouvel évêque recevait du pape, et qu’il rendait à son tour au pape et aux évêques présents.

On a remarqué que le pape imposait seul les mains. Quand un simple évêque était consécrateur, il devait être assisté de deux autres évêques. Ut anus episcopus episcopum non ordinet, excepta Ecclesia romana. Ainsi s’exprime le diacre Ferrand, Breviatio canonum, c. vi, P. L., t. lxxxviii, col. 818. On se souvient que Novatien avait été ordonné par trois évêques (voir plus haut. col. 1246).

e. Ordination du pape. — (On se rappellera que, durant toute la période à laquelle se réfèrent les Ordines, le pape n’est jamais pris parmi les évêques. Il doit donc toujours recevoir la consécration épiscopale.) L’ordination se faisait toujours à Saint-Pierre. Après la litanie, deux évêques, ceux d’Albano et de Porto, récitaient successivement sur l’ordinand une prière ; puis, sur la tête de l'élu, un troisième évêque, celui d’Ostie, prononçait l’oraison consécratoire Vere dignum …Deus honorum omnium… On faisait une simple modification pour marquer la dignité de l'élu. Le nouveau pape continuait lui-même la messe par le chant du Gloria in excelsis.

b) Rite gallican. — Sources principales : 1° Les Statuta Ecclesise antiqua. collection arlésienne du début du vie siècle, peut-être œuvre de saint Césaire d’Arles. Le rite gallican y est sommairement décrit, mais il y est à l'état pur. On les trouve dans toutes les collections de conciles ; dans P. L., t. lvi, col. 879 et surtout 887 sq. ; Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. n a, p. 108 sq. ; cf. Denz.-Bannw., n. 150158 ; Cavallera, Thésaurus, n. 1311. Voir la note bibliographique dans dom de Puniet, op. cit., p. 64-66.

— 2° Le sacramentaire dit gélasien et le Missale Francorum, où l’on trouve, pour les trois ordres supérieurs, à côté des rites gallicans, des prières romaines et d’autre provenance. Sur le sacramentaire gélasien, voir dom de Puniet, op. cit. p. 22, qui rappelle l’origine romaine du rite gélasien, ainsi que son antériorité relative au rite grégorien, p. 25, et Dict. d’archéologie, art. Gélasien (Sacramentaire), t. vi, col. 747. Le sacramentaire gélasien a été publié à nouveau par H. A. Wilson, The gelasian sacramentaru, Oxford, 1894. La P. L., t. lxxiv, reproduit, avec des fautes, l'édition de Muratori. Le Missale Francorum (mss. de la fin du viie ou du début du viiie siècle) se trouve dans le t. lxxii, col. 317 sq., qui reproduit l'édition de Mabillon ; cf. Duchesne, op. cit., p. 132-143.

— 3° Le livre II du De ojjiciis ecclesiasticis de saint Isidore, et le Liber ordinum mozarabique, qui représentent plus particulièrement l’Espagne. Le De officiis de saint Isidore dans P. L., t. lxxxiii ; le Liber ordinum, édité par D. Férotin, Paris, 1904.

Le rite gallican présente, par rapport au rite romain,

une différence capitale en ce qui concerne la collation des ordres mineurs. Ici, la cérémonie, nettement fixée par un texte, a plus d’importance et se rapproche de celle usitée pour les ordres supérieurs. Elle est conservée dans le pontifical actuel. Elle comprend pour chaque ordre essentiellement trois choses : 1° la tradition à l’ordinand des instruments de son ordre, accompagnée d’une formule, parfois précédée d’une instruction ; 2° une invitation à la prière adressée à l’assemblée ; 3 U une oraison.

a. Ordination des portiers. — Le portier, instruit par l’archidiacre des devoirs de sa charge, est présenté à l'évêque qui, prenant sur l’autel les clés de l'église, les lui remet en prononçant la formule : Sic âge quasi redditurus Deo ralionem pro his rébus quæ his clavibus recluduntur. Puis invitation à la prière Deum Patrem omnipotentem… et l’oraison Domine sancte, Pater omnipotens… toutes formules conservées, avec des variantes insignifiantes, dans le pontifical actuel.

b. Ordination des lecteurs. — Le futur lecteur devait avoir été élu. Après quelques formalités préliminaires, l'évêque remettait à l’ordinand le livre des leçons, en disant : Accipe et esto verbi Dei relator habiturus, si fideliter et utiliter impleveris officium, partem cum his qui verbum Dei ministraverunt. Puis, oraison Domine sancte pater omnipotens, toutes formules insérées dans le pontifical actuel.

c. Ordination des exorcistes. — Elle consistait dans la remise à l’ordinand du livre des exorcismes, avec la formule : Accipe et commenda, et habeto potestatem imponendi manum super energumenum sive baptizatum sive catechumenum. Puis, invitatoire Deum Patrem omnipotentem supplices deprecemur… et l’oraison Domine sancte, Pater omnipotens.. du pontifical actuel.

d. Ordination des acolytes. — Il n’y avait d’acolyte que dans les églises plus importantes. D’où le silence du sacramentaire gélasien sur leur ordination. Le Missale Francorum ne contient que l’oraison finale. D’après les Statuta, le futur acolyte, instruit de son office par l'évêque, recevait de l’archidiacre un chandelier avec son cierge et, de plus, une burette vide. L’oraison finale était la deuxième de celles que porte le pontifical actuel.

e. Ordination des sous-diacres. — Le sous-diaconat n’est devenu ordre majeur qu’au xiie siècle. Aussi, dans le rite gallican, la cérémonie par laquelle on le conférait ressemble à celle des ordres mineurs. L’ordination commençait par une allocution dont le début et la fin ont été conservés dans le pontifical actuel comme forme de la porrection du calice : Vide cujus minislerium tibi traditur.. Ideo te admoneo, ita tu te exhibe ut Deo placere possis. Entre ces deux parties, un long monitoire, dans lequel l'évêque recommande à l’ordinand piété, vigilance, sobriété, chasteté et l’instruit de quelques-unes de ses fonctions. Ce monitoire se retrouve, coupé en deux, dans le monitoire Adepturi de l’actuel pontifical. Puis venait la porrection, par l'évêque, du calice vide avec sa patène, et l’archidiacre présentait au candidat une burette d’eau avec sa cuvetle et une serviette. Aucune formule n’accompagnait ces gestes. Suivaient l’invitation à la prière et l’oraison Oremus Deum et Dominum nostrum… et Domine sancte, Pater omnipotens…, qu’on trouve encore dans le pontifical, après la tradition des instruments.

I. Ordination des diacres.

L'évêque avait choisi les futurs diacres, et, avant de procéder à leur ordination, il consulte le peuple sur leur dignité. L’assemblée ayant acquiescé, l'évêque l’invite à la prière, puis, la main étendue sur la tête de l’ordinand, prononce la formule consécratoire. Invitation à la prière et formule consécratoire ont été conservées dans le

pontifical actuel. L’invilaloire Commune votum commuais prosequatur oratio… y suit le monitoire Provehenii ; la formule Domine sancte, spei, fidei graille.., y forme la dernière prière de l’ordination. Les Slaluta font observer (et cette rubrique se retrouve déjà dans les plus vieux textes en rapport avec la Tradition apostolique) que l'évêque seul impose la main à Ferdinand, parce que celui-ci est ordonné, non ad sacerdotium, mais ad minislerium.

Aux x c et xie siècles, les livres liturgiques anglosaxons, marquent, pour l’ordination des diacres, une onction des mains. Cet usage, qui commençait à s’introduire en France au ixe siècle, ne s’y maintint pas ; cf. Nicolas I er Epist., lxvi, 3, P. L., t. xcix, col. 884.

g. Ordination des prêtres. — L’ordination des prêtres ressemblait à celle des diacres, à laquelle elle ajoutait l’onction des mains. Après avoir dans l’allocution Quoniam dilectissimi /ratres, conservée au pontifical avec des variantes insignifiantes, fait ratifier le choix de ses candidats par l’assemblée, l'évêque invite la foule à la prière, demandant, pour Fordinand, le don divin, la bénédiction du presbytérat et la grâce d'être di^ne de l’honneur qui lui est conféré. Puis venait la foi mule consécratoire, pendant 'aquelle l'évêque et tous les prêtres présents tenaient la main étendue sur la tête de Foidinand. C"est la prière TJeus sanctificationum omnium t uclor, conservée au pontifical actuel, avant le Veni Credor. La prière consécratoire était suivie de Fonction des mains, avec la formule : « Que ces mains soient consacrées par cette onction et par notre bénédiction afin que tout ce qu’elles auront béni soit béni, et que tout ce qu’elles auront sanctifié soit sanctifié. » C’est à peu près la formule actuelle.

h. Ordination des évêques. — Après les préliminaires relatifs au choix et à la présentation du nouvel évêque, l’acclamation de la foule s'étant fait entendre, Févcque consécrateur invitait les assistants à la prière : Eeum totius sanefipeationis ac pietatis auctorem… (non conservée dans le pontifical actuel). Puis venait la formule de consécration, pendant laquelle deux autres évêques posaient et tenaient ouvert sur la tête et le cou de l’ordirand le livre des évangiles et tous les évêques présents lui touchaient la tête de leurs mains. Comme formule consécratoire, le sacramentaire gélasien et le Missale Francorum ne donnent que la formule romaine Levs honontm omnium, avec le développement qui manque aux sacramentaires k’onien et grégorien (voir ci-dessus, col. 1265 ;. Cette formule suppose que plusieurs évêques étaient ordonnés ensemble : ce qui indique à coup sûr, pour la formule, une origine romaine. Mgr Duchesne pense qu’il ne s’est pas conservé de formule gallicane pour cette partie de la cérémonie ». Après la formule consécratoire, onction des mains, accompagnée de la formule Ungantur manus istœ…, qui a passé, avec le rite, dans le pontifical actuel.

2. Fusion des deux usages, romain et gallican. Rites latins du début du xiii c siècle. — La fusion des deux usages s’opéra d’aboi d en France, puis à Rome, ou cette liturgie composite finit par s’implanter. Commencée avant le ix c siècle, l'évolution se poursuivit jusqu’au xme et meme au xie siècle. Mais, dès le xie, l’essentiel est déjà accompli : o La liturgie romaine, depuis le xie siècle au moins, n’est autre chose que la liturgie franque, telle que l’avaient compilée les Alcuin, les Helisachar, les Amalaire. j Duchesne, Origines, p. 11)9. On le constate en effet, en parcourant les premiers essais de pontificaux. Citons en Angleterre : le pontifical d'Êgbirl, le 1 énédictorial de Robert, et d’autres analogues. Voir les documents publiés par la Surtees Society et la Henry

Bradshaw Society. En France : le pontifical de Poitiers, Bibliothèque de l’Arsenal, à Paris, ms. 227, auquel Martène a fait de larges emprunts ; cf. dom A. Wilmart, Notice sur le Pontifical de Poitiers dans Jahrbucii fur Liturgiewissenschall, Munster, 1925, p. 4882. En Italie, le pontifical conservé à la bibliothèque du chapitre de Milan ; cf. D r Magistretti, Pontificale in usum Ecclesiee Mediolanensis, Milan, 1897. En Allemagne, le pontifical rcmano-germanique, issu de YOrdo romanus antiquus ; cf. D r Metzger, Zwei karolingische Ponlifikalien vom Oberrhein, Fribourg-en-B, 1914. Il faut citer également, dès avant le xme siècle, le pontifical des papes (dont VOrdo x de Mablllon est une partie), compilation de différents Ordines séparés ; cf. dom de Puniet, op. cit., p. 43 sq.

Les raisens de cette évolution, les voici : les rapports fréquents des pays de rite gallican avec Borne incitèrent ces pays à introduire, dans leurs usages, l’usage romain ; l'élévation du sous-diaconat au rang majeur (1198) fit qu’on introduisit dans le rite d’ordination ce qui se rapprochait du rite propre au diaconat ; la formule d’instruction qui, d’après les Statula, était employée pour les portiers et les acolytes, fut étendue à tous les autres ordres ; puisqu’on présentait aux minorés les instruments de leurs fonctions, on les présenta également aux ordinands des ordres supérieurs ; enfin, la porrection des instruments avec la formule adjoinle permit aux théologiens de considérer cet élément (où ils pouvaient plus facilement tiouver une application de la théorie hylém orphique) comme essentiel au rite d’ordination ; on en vint même à étendre ce concept à l’imposition des insignes et des ornements. Enfin, on crut devoir détailler, par des cérémonies spéciales, la collation des pouvoirs conférés en bloc par la prière consécratoire. De là, dans l’ordination au presbytérat, par exemple, collation du pouvoir de dire la messe et d’absoudre des péchés. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces points au paragraphe suivant.

Il est plus conforme à notre plan d’envisager dès maintenant le résultat de cette évolution, tel qu’il se présente au début du xme siècle. On trouve de ce résultat un excellent spécimen dans le Mitrale, seu de officiis ecclesiasticis summa de Sicard de Crémone († 1215), t. II, c. n-iv, P. L., t. ccxiil col. 61-72.

Sicard observe que la collation d’un ordre comprend quatre actes successifs : les ordinands sont appelés, instruits de leurs devoirs, ordonnés et finalement bénits : « tout est affaire de solennité, sauf l’ordination ; et, parce qu’elle consiste en parole et en choses, nous devons les considérer (paroles et choses) comme la substance du sacrement », Col. 81. Ces quatre moments se remarquent surtout dans les ordres mineurs : l’appel de l’archidiacre, le monitoire, la porrection des instruments et l’imposition des insignes, la prière ou bénédiction finale.

a) Ordres mineurs. — Mêmes rites que dans le rite gallican. Nous trouvons les formules de la porrection des instruments aux acolytes, formules qui manquent dans le sacramentaire gélasien et le Missale Francorum : Accipe ceroferarium cum cereo, ut scias te ad accendenda luminaria mancipari. — Accipe urceolum ad suggerendum vinum id est eucharistiam sanguinis Cliristi. Ce sont encore les formules du pontifical actuel. Sicard ajoute qu’elles sont « la substance du sacrement ».

b) Sous-diaconat. — Sicard le compte au nombre des ordres sacrés. Néanmoins, malgré les préliminaires qui ressemblent à ceux du diaconat et de la prêtrise (interrogatoire de l'évêque, attestation de l’archidiacre, consultation du peuple, prières faites par le peuple pour les ordinands), la collation du sousdiaconat n’accuse pas une différence bien notable

avec celle des ordres mineurs. L'évêque fait toucher à l’ordinand un calice vide avec sa patène ; l’archidiacre, une aiguière pleine d’eau avec un bassin et un manuterge, pendant que l'évêque prononce la formule Vide cujus ministerium tibi traditur. Puis, remise du manipule, avec la formule Accipe manipulant tuam et impie ministerium tuum : potens est enim Deus ut augeat tibi gratiam. Et Sicard conclut que ces instruments et paroles sont la substance du sacrement. Enfin, revêtant l’ordinand de la tunique, le prélat prononce la formule Tunica jucunditalis et indumento lœtitise induat le Dominus. Mais cette cérémonie n’appartient pas à la substance de l’ordination. Pas d’amict, pas de présentation du livre des épîtres.

c) Diaconat. — Après les préliminaires déjà connus, l’ordination commence. L'évêque impose les mains aux ordinands. Mais, alors que la Tradition et les Sfatula demandent que l'évêque seul impose les mains au diacre, Sicard, suivant en cela l’avis d’Amalaire, De officiis ecclesiasticis, II, 12, P. L., t. cv, col. 1087, demande que tous ceux qui sont présents et le peuvent imposent aussi les mains aux ordinands. Après l’imposition des mains, l'évêque passe l'étole sur l'épaule gauche du candidat, en disant : Accipe stolam candidalam de manu Domini, etc. (formule du pontifical actuel) ; lui remet le livre des évangiles avec la formule qui se lit encore aujourd’hui. Sicard considère t cette chose » et « ces paroles » comme la substance de ce sacrement. Il n’est pas question expressément de dalmatique : « si elle est donnée, elle n’appartient qu'à la solennité. »

d) Prêtrise. — Préliminaires habituels. Puis, imposition des mains par l'évêque ordinant et les prêtres présents. Ensuite, imposition de l'étole en la croisant sur la poitrine, comme on fait encore aujourd’hui, avec la formule Accipe jugum Domini, etc. (formule actuelle, que quelques-uns complétaient par Stola innocentite induat te Dominus, paroles que prononce aujourd’hui encore l'évêque en déployant la chasuble). L’ordinand était revêtu de la chasuble, avec la formule Accipe vestem sacerdotalem… (formule actuelle). Après l’imposition de l'étole et de la chasuble venait la cérémonie gallicane de l’onction des mains, accompagnée de l’ancienne formule (aujourd’hui encore en usage). Puis, présentation par l'évêque à l’ordinand des instruments servant à l’offrande du saint sacrifice, la patène avec l’hostie, le calice avec le vin. Accipe, disait l'évêque, potestaiem offerre sacrificium Deo, etc. (formule actuelle). Sicard considère que l'étole, la chasuble, l’huile, le calice et la patène avec les paroles des diverses formules appartiennent à la substance du sacrement ; mais non les prsecedentia. Or, dans ces prsecedentia se trouve l’imposition des mains !

e) Épiscopat. — L'évêque est consacré un dimanche. Le samedi soir il a été convoqué et examiné, sur sa conduite et sa vie passée ; le dimanche matin, il l’est sur la vie qu’il se propose de mener à l’avenir et sur sa foi. Le sacre est fait par trois évêques : c’est une règle apostolique, parce que Jacques, le frère du Seigneur, a été consacre par Pierre, Jacques et Jean. Deux des évêques tiennent sur les épaules de l'élu le livre des évangiles ; le troisième récite la formule de bénédiction. On ne signale pas explicitement l’imposition des mains ; mais elle va de soi. Cette cérémonie est suivie de l’onction de la tête en forme de croix, avec la formule Ungatur et consccretur caput tuum (formule actuelle). Puis onction des mains toujours en forme de croix, avec la formule Inungantur manus istse.. (partie de la formule actuelle). Le pouce droit recevait une onction spéciale ; cf H. Ménard, P. L., t. lxxviii, col. 504. Le reste des. cérémonies n’est

qu’indiqué : tradition de la crosse, de l’anneau, du livre des évangiles, chacune avec sa formule appropriée. Pour Sicard, les onctions, la tradition de la crosse et de l’anneau et les formules qui les accompagnent sont vraisemblablement la substance du sacrement.

On voit combien ces rites se rapprochent du pontifical actuel. Les seules cérémonies non mentionnées par Sicard sont les suivantes : 1° Sous-diacres : la prostration et la récitation des litanies probablement ; sûrement l’imposition de l’amict et la porrection du livre des épîtres ; 2° Diacres : imposition de la main au milieu de la préface avec la formule : Accipe Spiritum sanctum ad robur ; 3° Prêtres : seconde imposition des mains et formule qui l’accompagne, pour donner le pouvoir de remettre les péchés et déploiement de la chasuble ; 4° Évêques : bénédiction et imposition de la mitre et des gants et intronisation.

Il est temps de voir comment ces derniers éléments se sont introduits.

3. Dernière évolution : le pontifical actuel. — Le souci des rédacteurs successifs semble avoir été de ne rien laisser perdre de ce qu’ils avaient trouvé dans les livres des rites romains et gallicans et de ce que leurs prédécesseurs leur avaient légué. On a passé ainsi des formes rudimentaires du premier début au rituel et au pontifical compliqués d’aujourd hui. Le rôle décisif dans cette dernière adaptation du pontifical romain fut réservé à Guillaume Durand, évêque de Mende. Cf. Batiffol, Le Pontifical romain, Le Pontifical de Guillaume Durand, évêque de Mende, dans Bul. d’anc. litt. et d’archéol. chrétiennes, 1912, p. 290-296. La première édition du pontifical romain date de 1485, c’est le Pontificalis liber d’vEnéas Sylvius Piccolomini, plusieurs fois réimprimé et corrigé, puis réédité sous un nouveau titre en 1511 : c’est le Pontifical de Jules II. En 1520, nouvelle édition du dominicain Castellani. dédiée au pape Léon X. On en signale plusieurs rééditions, faites avec des corrections ; en 1561, Pu papæ IV auctorilate emendata ; en 1579, aucta et emendata ad concilii Tridentini sanctiones. Mais l’approbation officielle ne fut donnée qu'à la fin du xvie siècle, à la suite des décisions du concile de Trente. Clément VIII approuva le pontifical en 1597, prenant pour base le travail de Castellani. Une nouvelle révision aboutit en 1645 à la publication du Pontifical d’Urbain VIII, auquel, sans apporter de modifications sérieuses, Benoît XIV fit quelques additions. C’est l'édition définitive, 1752.

Ces brèves indications suffisent à jalonner une route qu’il n’appartient pas à cet article de décrire dans tous ses détails. II nous suffira ici de faire connaître à quelles sources se rattachent les cérémonies et formules actuelles, de signaler les modifications introduites dans le jontiflcal depuis le xme siècle, et d’en indiquer la date approximative.

a) En ce qui concerne les ordres mineurs, les monitoires sont très anciens et remontent vraisemblablement à une époque antérieure à la fusion des deux rites. Les formules qui accompagnent la porrection des instruments sont absentes des sacramentaires gallicans. La formule pour la porrection du chandelier se trouve dans l’ancien Ordo romain, P. L., t. lxxviii, col. 481, note 719. On s’est contenté d’ailleurs d’y transporter à l’impératif ou à l’indicatif les indications des Statuta. Les deux formules, on l’a vii, sont dans Sicard. Les invitatoires à la prière et les oraisons qui les suivent sont aussi de rédaction gallicane. L’invitatoire Oremus, fratres carissimi, des lecteurs, qui manque dans les sacramentaires gallicans, se trouve dans l’ancien Ordo romain, loc. cit., col. 479, note 701. La première et la troisième oraison pour les acolytes, Domine sancte… et Omnipotens

sempiterne Deus, qui sont absentes du Missale Francorum et du sacramentaire gélasien, se retrouvent, la première, dans un manuscrit de Corbie antérieur à 986, id., col. 482, note 723 (manuscrit, édité par J. Morin, Cornmentarius…, part. II, p. 298 sq.), la troisième dans le manuscrit du sacramentaire grégorien, édité par dom H. Ménard (ixe siècle). L’invitatoire qui précède les trois oraisons est modelé sur l’invitatoire usité pour les exorcistes.

b) L’ordination des sous-diacres ne comportait primitivement aucune solennité. Aux ve -vme siècles, on leur mettait simplement en mains un calice vide et on les bénissait. La cérémonie du pontifical actuel est donc essentiellement de rite gallican. M. Tixeront estime que « la partie centrale de l’ordination et la plus ancienne commence avec le monitoire Adepturi, filii carissimi, et s’achève avec l’oraison Domine sancte Pater omnipotens… benedicere dignare. Puis, viennent peut-être, par ordre d’ancienneté, l’allocution du commencement Filii dilectissimi. et le pas fait par les ordinands, conséquence l’un et l’autre de l’obligation de la continence imposée aux sousdiacres, dès le temps de saint Léon (440-461) ; puis, sans doute, l’imposition des vêtements sacrés, manipule, tunique, amict ; puis enfin la prostration et la récitation des litanies, conséquence de l'élévation du sous-diaconnt au rang d’ordre sacré, assimilé au diaconat, peu avant l’an 1197. La partie centrale est toute gallicane. On en peut voir plus haut, le détail. Du monitoire Adepturi nous ne trouvons cependant, dans le Missale Francorum. que les passages Oblationes quic veniunt… débet vergi et Et ideo si usque mine fuistis lardi… amodo casti, qu’on lisait dans l’allocution précédant la porrection des instruments : le reste représente un développement postérieur. La formule qui accompagne la porrection du calice est faite de la première et de la dernière phrase de cette allocution. » Op. cit., p. 158. L’avertissement Filii dilectissimi et le « pas » des ordinands n’existent pas dans les documents anciens, Sicard y compris. Faut-il faire observer que le pas ne se fait pas, même de nos jours, à Rome ? C’est une cérémonie essentiellement française.

Des vêtements sacrés, le plus anciennement imposé à l’ordinand est le manipule. L’ancien Ordo romain et un Ordo manuscrit de Saint-Germain (xiie siècle) mentionnent la cérémonie, mais avec des formules différentes de celle du pontifical ; cf. P. L., t. lxxviii, col. 483, note 736. Sicard la mentionne avec la même formule que le m s. de Saint-Germain. Après le manipule, vient la tunique, dont Sicard signale l’imposition avec la même formule que celle du pontifical. Quoiqu’il parle de l’amict, il ne signale pas encore son imposition. La cérémonie remonte donc au plus haut au xme siècle. Hugues Ménard assure n’avoir rencontré la cérémonie de la porrection des instruments dans aucun ancien auteur, ordo ou sacramentaire manuscrits ou imprimés. Sicard n’en parle pas. La formule qui accompagne cette porrection est modelée sur celle qui accompagne la porrection du livre des évangiles au diacre. La récitation de la litanie des saints est un usage romain étendu au sous-diaconat après que celui-ci fut considéré comme un ordre majeur ; cette addition a donc dû itre faite dans le courant du xiiie siècle ; Sicard paraît l’ignorer.

c) L’ordination au diaconat avait, dans le rite romain, un rituel déterminé. Ce rituel s’est combiné, dans le pontifical, avec le rituel gallican.

Le prélude (présentation au peuple, interrogation de l'évêque, etc.) se rattache plutôt au rite gallican. L’allocution du prélat au clergé est toute romaine. De la cérémonie de l’ordination : 1° le monitoire

Provehendi a dû être rédigé de bonne heure, sans qu’on puisse lui fixer une date déterminée ; 2° la litanie est de rite romain ; 3° des deux invitations à la prière qui suivent, la première, Commune votum, est l’ancien invitatoire gallican ; la seconde, Oremus, /ratres carissimi, se compose de deux formules romaines, d’abord l’ancien invitatoire romain Oremus… dona conserve !, puis une autre prière du même genre Prcces nostras clemenler exaudiat… et confirmet ; cf. Duchesne, op. cit., p. 389, note 3. Cette autre prière se trouve dans le sacramentaire léonien, P. L., t. lv, col. 114, et dans le sacramentaire gélasien, P. L., t. i.xxiv, col. 1071 ; la combinaison des deux prières se lit dans le Missale Francorum ; 3° la prière consécratoire en forme de préface est l’ancienne formule romaine. Elle est aujourd’hui coupée en deux par l’imposition de la main de l'évêque sur la tête de l’ordinand avec la formule Accipe Spiritum sancfum ad robur. Geste et formule relativement récents, puisqu’on ne les trouve pas dans les anciens rituels et chez les anciens auteurs. Martène pense que ce rite est devenu universel au xiv siècle. De antiguis Ecclesiaritibus, t. I, c. viii, a. 9, n. 2 ; cf. van Rossum op. cit., p. 152-153 ; Pourrai, La théologie sacramentaire, p. 72 ; dom Chardon, Histoire des sacrements, dans le 'fheologite cursus completus, de Migne, t. xx, p. 873, 874 ; 5° l’imposition de l'étole est ancienne. L’Ordo romain ix, 2 et 8, la mentionne ; le manuscrit grégorien, édité par Ménard, également. La formule qui l’accompagne se trouve dans l’ancien Ordo romain et dans Sicard. Elle répond à la formule employée pour l’imposition du manipule au sousdiacre. L’imposition de la dalmatique paraît plus récente : au début du xine siècle, elle n'était pas encore générale. L’GYtfo romain viii, 3, et ix, 8, indique cependant que les diacres s’en revêtaient ou en étaient revêtus par l’archidiacre. La formule est calquée sur celle de l’imposition de la tunique au sous-diacre. La cérémonie de la porrection du livre des évangiles semble venir d’Angleterre et a dû commencer à s’introduire au vin 8 siècle, car on la trouve mentionnée, avec une formule différente, dans un ordo manuscrit de cette époque ; cf. H. Ménard, P. L., t. lxxviii, col. 488, note 748. Cependant, Durand de Saint-Pourçain († 1334) assure que c’est lui qui l’a introduite dans l’ordinaire de l'Église du Puy ; 6 J des deux oraisons finales, la première, Exaudi Domine, est sans doute une formule romaine, donnée d’ailleurs par plusieurs mss. du sacramentaire grégorien, notamment par celui édité par H. Ménard, loc. cit., col. 486, qui la place avant la formule consécratoire. La seconde, Domine sancte, Pater fidei, est la prière consécratoire gallicane.

d) L’ordination des prêtres, dans le pontifical actuel, reproduit celle des diacres jusqu'à la cérémonie de l’onction des mains, à partir de laquelle commence tout un autre ordre de cérémonies, la plupart évidemment plus récentes. L’allocution à l’assemblée, Quoniam /ratres carissimi, est l’ancienne allocution gallicane, avec une terminaison romaine.

Dans l’ordination proprement dite, il faut distinguer deux parties ; la première où l'élément romain domine, la seconde, explicitant les deux pouvoirs (consacrer l’eucharistie et remettre les péchés) qui sont principalement conférés dans l’ordination sacerdotale.

Première partie : 1° le monitoire Consecrandi est ancien, antérieur au xiie siècle ; on le trouve dans un ancien manuscrit de Reims. H. Ménard, loc. cit., col. 489, note 750 ; 2° la prostration et la récitation des litanies sont des cérémonies romaines (voir ci-dessus) ; 3° l’imposition en silence de l'évêque et des prêtres présents : « Il ne faut pas voir, dans ce geste, une 127 :  !

ORDRE. RITE DE L’EGLISE LATINE

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cérémonie distincte de celle qui la suit, et dans laquelle l'évêque et les prêtres tiennent la main étendue sur les ordinands. C’en est plutôt une précision et un développement (introduit peut-être à la suite de la décrétale de Grégoire IX, voir Denz.-Bannw., n. 445 ï. Il était impossible, en elïet, à l'évêque de toucher matériellement à la fois la tête de plusieurs ordinands en récitant la prière commune à tous. La coopération des prêtres est, en tout cas, un rite gallican, bien qu’on la retrouve dans l’ancienne Tradition ecclésiastique. » Tixeront, op. cit., p. 165. L’invitatoire Oremus, fratres carissimi, et la prière qui suit, Exaudi nos, quR’Sumus, sont les anciennes formules du rite romain ; 4° l’oraison consécratoire en forme de préface, Vere dignum… honorum auctor et dislributor, est l’ancienne formule romaine ; 5° l’imposition de l'étole et celle de la chasuble se rencontrent dans plusieurs mss. du ixe et xe siècles ; cf. P. L., t. Lxxvrrr, col. 223 ; van Rossum, op. cit., n. 296-297 ; 6° La prière de bénédiction qui suit, Deus sanctiflcationis omnium auctor, est simplement l’ancienne formule consécratoire gallicane. I

Deuxième partie : 1° l’onction des mains a amené le chant du X’eni Creator, invocation à celui qui est Spiritalis unctio. L’onction est plus ancienne que le chant de l’hymne ; on la trouve indiquée dans le manuscrit de Ratold (xe siècle) ; le chant doit être reporté peut-être au xiir 3 siècle. La formule du pontifical est à peu près la formule ancienne. L’onction des mains est suivie de la porrection des instruments, calice contenant le vin et l’eau, patène supportant une hostie. Cette cérémonie a dû être introduite vers le xe siècle ; cf. J. Morin, Commentarium, part. III, p. 132 sq. ; van Rossum, op. cit., p. 135 sq., n. 323 sq. ; D. Chardon, op. cit., dans Theol. cursus compl., t. xx, p. 867-868. La formule était la même qu’aujourd’hui. La concélébration des nouveaux prêtres avec l'évêque officiant est un usage romain qui ne remonte pas au de la du xive siècle et qui s’est répandu peu à peu dans les autres Églises, Chardon, loc. cit., p. 869 ; 2° après la communion et la profession de foi des nouveaux prêtres, le pontifical indique une nouvelle imposition individuelle des mains, avec la foimule : Accipe Spiritum sancti’m ; quorum remiseris peccata, etc. Cérémonie relativement récente, inconnue des anciens manuscrits, qui a commencé au xme ou xive siècle et ne s’est généralisée qu’au xvie ; cf. D. Chardon, loc. cit., p. 869872 ; Martène, De antiq. Eccl. rilibus, t. I, c. viii, a. 9, n. 12 ; van Rossum, p. 145 sq. On rencontre toutefois des traces isolées de la cérémonie au xie siècle ; 3° le déploiement de la chasuble est un complément de l’imposition de cet ornement. Sicard en signale déjà la formule, comme ajoutée par quelques-uns à la formule Accipe jugum Domini, de la remise de l'étole, mais il ne marque pas la cérémonie elle-même. L’ordination s’achève sur un dernier monitoire et une bénédiction : monitoire récent, mais texte de la bénédiction ancien. Il suit, dans le sacramentaire grégorien édité par Ménard, l’imposition de la chasuble, P. L., t. lxxviii, col. 223 ; van Rossum, p. 125.

e) La consécration d’un évêque est calquée sur l’ordination sacerdotale. Comme elle, elle comprend un prélude (demande de l'évêque premier assistant, lecture du mandat, formule du serment prêté par l'élu, examen de celui-ci, toutes cérémonies représentant d’anciens usages notablement amplifiés et modifiés) ; une première partie qui va du premier monitoire Episcopum oportet judicare jusqu'à la reprise de la messe ; une deuxième partie, qui, indépendamment de la concélébration, comprend l’imposition de la mitre et des gants et l’intronisation du nouveau prélat.

Première partie : 1° monitoire Episcopum oportet, d’allure ancienne ; 2° invitation à la prière et litanie

qui suit, toutes deux anciennes cérémonies romaines ; 3° l’imposition du livre des évangiles, sur la tête et les épaules de l'élu est un rite d’origine gallicane, qui se pratiquait aussi dans l'Église grecque. Galiicane aussi l’imposition des mains des deux évêques assistants. La formule Accipe Spirilum sanctum est récente et ne remonte pas au delà du xive siècle ; cf. Martène. op. cit., loc. cit., n. 14. Sans doute ne trouvaiton pas la forme déprécatoire de l’oraison qui suit assez impérative ; 4° la prière Propitiare et la préface consécratoire Vere dignum… honor omnium dignitatum sont toutes deux romaines. Cette dernière est séparée en deux par le Veni Creator, et l’onction. Elle se continue ensuite, Hoc, Domine, copiose, etc. ; 5° l’onction de la tête n’existait ni dans le rite romain, ni dans le plus ancien rite gallican. Amalaire la signale, De ecclesiasticis ofjiciis, ii, 14, P. L., t. cv, col. 1092, et elle est marquée dans le manuscrit du sacramentaire grégorien, édité par H. Ménard. L’onction des mains est l’ancienne cérémonie gallicane ; la formule qui l’accompagne est aussi l’ancienne formule gallicane. L’onction spéciale du pouce droit, usitée au plus tard au xiie siècle, a disparu, mais l’oraison qui l’accompagnait s’est conservée dans la prière Deus et Pater Domini Xosiri Jesu Christi, qui te ad pontificatus, etc. ; 6° la tradition de la crosse et de l’anneau est cérémonie ancienne, qui remonte au moins au vne siècle en Espagne ; cf. S. Isidore, De ecclesiasticis ofjiciis, II, v, 12, P. L., t. lxxxiii, col. 783 ; IVe concile de Tolède, can. 28, Mansi, t. x, p. 627 ; la querelle des Investitures montre que l’usage en était devenu général au xie siècle. Toutefois, les formules variaient ; cf. Hallier, op. cit., dans Migne, Theologisc cursus completus, t. xxiv, col. 1513. La formule actuelle remonte au moins auxe siècle ; le manuscrit de Ratold la contient en partie, P. L., t. lxxviii, col. 498. Le même manuscrit donne la formule de bénédiction de l’anneau ; les formules de porrection variaient beaucoup. La présentation du livre des évangiles est une cérémonie bien plus récente, quoiqu’elle remonte au xiie siècle.

Deuxième partie : 1° Concélébration de l'évêque avec son consécrateur : voir ce qui a été dit de la concélébration des nouveaux prêtres ; 2° l’usage de la mitre n’est pas antérieur au xie siècle, et Sicard qui en développe la signification mystique n’en mentionne pas l’imposition au nouvel évêque, pas plus qu’il ne mentionne l’imposition des gants ; 3° l’intronisation consiste à faire asseoir le nouvel évêque dans le fauteuil du consécrateur, à moins qu’il ne soit consacré dans sa propre église. La cérémonie est alors plus solennelle.

Conclusion. — Cet excursus dans la liturgie du sacrement de l’ordre était nécessaire à un double titre. Tout d’abord, elle nous fixe sur le fait de l’apparition successive dans l'Église des ordres inférieurs au diaconat, ceux-ci se réduisant dans l'Église orientale au sous-diaconat et au lectorat. Ensuite nous sommes obligés de constater que si, d’une part, l’imposition des mains s’est constamment et uniformément conservée dans l’ordination des évêques, des prêtres et des diacres, elle s’est accompagnée, au cours des siècles, de cérémonies nouvelles qui s’affirment comme des rites sacramentels. De cette double constatation surgiront, entre théologiens, des controverses aujourd’hui encore non résolues. On trouvera plus loin le résumé de ces discussions théologiques.

Sur l’imposition des mains, rite d’ordination, voir J. Belim, Die Handaujlegung im Urchristentum, Leipzig, 1911 ; P. Galtier, art. Imposition des mains, t. vii, col. 1302, spécialement col. 1331-1334 ; 1408-1425 ; F. Cabrol, Imposition des mains, dans le Diclionnaire d’archéologie et de liturgie, t. vii, col. 391, spécialement col. 395-398 ; 406

408 ; W.-H. Frère, Early form <>f ordination, dans Essays on the early history o/ the Church and Ihe ministry <ie H.-B. Swele, Londres, 1918 ; Arthur John Maclean, Ordination, dans Encyclopédie of Religions and Ethics, Edimbourg, 1917, t. ix, p. 540-552 ; Thalhofer, Handauflegung, dans le Kirchenlcxicon, t. v, p. 1484 ; L. Duchesne, Origines du culte chrétien, 5e édit., p. 361-398 ; G.-M. van Rossum, De essentia særamenti ordinis disquisitio hislorieo-theologica, Fribourg-en-B., 1914 ; J. Tixeront, L’ordre et les ordinations, p. 103-17(5 ; J. Coppens, L’imposition des mains et les rites connexes dans le N.-T. et dans l'Église ancienne, Paris, 1925, p. 110-173.

On consultera également, parmi les auteurs plus anciens, J. Morin, Commentarius de sacris Ecclesias ordinalionibus, Paris, 1655 ; dom Chardon, Histoire des sacrements, dans Migne, Cursus theologiiu, t. xx.

Sur les développements du rite primitif, on se reportera aux indications des sources qui précèdent chaque paragraphe.