Dictionnaire de théologie catholique/SACREMENTS II. La notion 2. Chez les Pères avant saint Augustin
II. CHEZ LES PÈRES AVANT SAINT AUGUSTIN. —
1° Les Pères grecs.
1. Les Pères apostoliques. —
Ce concept de symbole ou signe efficace de sanctification se retrouve dans les affirmations des premiers écrivains chrétiens.
Sans doute, la Didachè ne rapporte explicitement que la façon d’administrer le baptême. Néanmoins le symbolisme efficace du rite transparaît puisque, même en admettant que le repas désigné au c. ix, 5, soit un simple repas liturgique, seul le baptême y donne accès. Mien plus, au c. x, 3, fi, l’aliment et le breuvage spirituels donnés aux seuls baptisés au nom de Jésus, à ceux-là seuls qui sont saints, ont pour effet « la vie éternelle ». Il y a là, succinctement indiqué, le symbolisme efficace du baptême, qui purifie, de l’eucharistie qui nourrit, pour la vie surnaturelle de l’âme. La matière du baptême est l’eau vive, courante, froide, bien que ce ne soit pas absolument nécessaire. N’est-ce pas que cette eau marque mieux le symbolisme de la vie acquise par la régénération du baptême ? C. vii, 1-2. L’invocation trinitaire, vii, .’5, ajoute encore à l’idée de symbole efficace.
Au symbolisme de la nourriture et du breuvage spirituels s’ajoute, pour l’eucharistie, celui déjà marqué par saint Jean et saint Paul, de l’union des membres du corps mystique, ix, 4 ; et encore le symbolisme remémoratif de l’immolation du Calvaire, dans le « pain rompu », ix, 4 ; xiv, 1. Le symbolisme est d’autant plus marqué et plus efficace, qu’il s’agit d’offrir un véritable sacrifice, le sacrifice préfiguré par Malachie, ibid., 3, lequel requiert, en raison de son caractère sacré, l’intervention de ministres sacrés. évêques et diacres, xv, 1. Sur l’interprétation eucharistique des c. ix-x, voir Eucharistie, t. v, col. 1 12fi. En sens opposé, H. Leclercq, Dictionn. d’archéol. el de lit., t. iv, col. 782-791.
Le symbolisme du baptême, décrit par saint Paul, voir col. 495, se retrouve dans l’épître de Barnabe. Tout le c. xi est consacré à expliquer ce symbolisme, dont l’eau, jaillic du rocher dans le désert, est une préfigure, dont la croix garantit, à ceux qui croient et espèrent, l’efficacité : « Bienheureux ceux qui, espérant en la croix, sont descendus dans l’eau… Nous descendons dans l’eau remplis de péchés et de souillures, et nous en sortons portant des fruits, possédant dans le cœur la crainte et, dans l’esprit, l’espérance en Jésus. » xi, 8, 11. Cette vie nouvelle est décrite au c. xvi, 8-10.
Sous une forme allégorique, Hermas expose lui aussi le symbolisme efficace du baptême. L’Église symbolisée par une tour, est bâtie sur l’eau, Vis., III, ii, 1 ; m, 3, parce que l’eau du baptême donne aux hommes la vie et le salut ; et, à ce propos, l’auteur ajoute que « la tour est fondée sur la parole d’un nom tout-puissant et glorieux (le Fils) et qu’elle est soutenue par l’invincible force du Seigneur ». Vis., III, iii, 5. Les pierres de la tour, ce sont les fidèles, Vis., III, v, I, même ceux de l’Ancien Testament qui, pour faire partie de l’Église, ont été baptisés dans le séjour des morts par les apôtres et les docteurs qui y descendirent pour prêcher le nom du Fils de Dieu..S/m/L. IX, xvi, 5. Aussi toutes les pierres sortaient de l’eau. Simil.. IX, xvi, l, c’est-à-dire passaient par le baptême, « car il est nécessaire de monter par l’eau, si l’on veui obtenir la vie ; on ne peut en effet entrer dans le royaume de Dieu qu’en déposant la mort (du péché) de la vie antérieure. Simil.. IX, xvi, 2. « Tant que l’homme ne porte |>as le nom du fils de Dieu, il est mort ; mais dès qu’il en a reçu le sceau (a’fpayîç), il a déposé la mortalité et repris la vie, Ce sceau, c’est l’eau (du baptême) ; dans l’eau descendent des morts, et de l’eau remontent des vivants. Ibid., jcvi, 2-3. Mais Hermas voit que certaines pienes on1 été rejetées de la tour : ce sont les fidèles qui on1 péché après leur baptême. Simil.. IX. XIII, 3-9. Pour ces pierres, il a cependant possibilité de reprendre leur place dans la tour ; c’est par la pénitence que les pécheurs pourront rétablir en eux le sceau brisé par le péché. Simil.. IX, xiv, 1-3 ; VIII, vi, 3. Cette pénitence rend la vie, l’impénitence entraîne la mort. Ibid., vi, fi. Mais cette pénitence n’est accordée qu’une fois. Mand., IV, iii, 1. C’est qu’au début du iie siècle, on ne concevait guère qu’un chrétien pût retomber dans le péché après son baptême. L’efficacité du baptême devait être telle qu’on en devait garder le sceau tï]v acppayîSa immaculé, pour recevoir la vie éternelle. Il" Clem., vin, fi ; ef. vi, 9. Témoignage irrécusable en faveur de l’efficacité du sacrement.
L’étude de l’eucharistie nous amène aux mêmes conclusions. Le pain et le vin sont les symboles de cette nourriture, de ce breuvage spirituels qu’ils contiennent véritablement et dont l’effet est d’entretenir dans le chrétien la vie surnaturelle qui doit assurer plus tarrl sa résurrection glorieuse.
Nous avons déjà, sur ce point, recueilli l’enseignement de la Didachè. Sur la croyance d’Ignace à la présence réelle, voir t. vii, col. 707. Tous les textes relevés en ce sens affirment l’efficacité de l’unique eucharistie, celle qui est consacrée pai Pévêque ou le prêtre auquel l’évêque l’a permis, par rapport à la vraie chair de notre Sauveur Jésus-Christ. Philad., IV ; Smyrn., viii, 1 ; cf. vii, 1. De sorte que ce « pain de Dieu, c’est « la chair de Jésus-Christ ». Rom., vii, 3. Aussi l’efficacité de l’eucharistie pour parfaire l’œuvre du baptême est-elle incomparable : c’est un remède de l’immortalité, un antidote contre la mort. Ephes., xx.’J. On notera qu’Ignace insiste sur l’union à l’évêque et au presbyterium en relation avec cette nourriture unique qui fait vivre avec le Christ en toutes choses. Id., ibid. On notera au. si que le çàpijtaxov àOocvaoîaç concerne non seulement l’immortalité de l’âme dans la vie da la grâce, mais l’immortalité de l’homme tout entier ; cf. Smyrn., vii, 1. C’est donc le symbole efficace de notre résurrection future dans la gloire.
On rapprochera de ces affirmations d’Ignace, cette prière des Arta Thomw : « Seigneur, fais de ce pain le pain de vie, pour que ceux qui en mangeront restenl incorruptibles- : Toi qui as daigné permettre qu’ils reçoivent ce don, daigne permettre qu’ils participent à ton royaume, qu’ils demeuient toujours immaculés en cette vie. afin que, demeurant tels, ils reçoivent ces immortels et grands bienfaits. » C. L, édit. Bonnet, Acta apostolorum apocrypha, t. n b, Leipzig, 1903, p. 73. Mais il est douteux que cet écrit remonte plus haut que le début du m"e siècle. Cf. É. Amann, Apocryphes du Nouveau Testament, dans Supplément du Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 503.
2. Les Pères apologistes. —
Le symbolisme efficace du baptême avait été si nettement marqué par saint Paul qu’il est impossible de ne pas le retrouver pour ainsi dire à chaque page de l’histoire des dogmes. « L’unique moyen d’obtenir la rémission de nos péchés, déclare saint Justin à Tryphon, c’est de reconnaître le Christ et d’être lavés par ce baptême de la i émission des péchés, prêché par Isaïe. » Dial., xi.iv. P. / ;., t. vi, col. 572 A. Mais c’est dans l’Apol. P. suri oui c, i.xr. que Just in expose sa doctrine. Après la préparation des catéchumènes au baptême. « ils sont conduits au lieu où est l’eau, et là, de la même manière que nous avons été régénérés nous-mêmes, ils-oui régénérés à leur tour. Au nom de Dieu, le l’ère el Maître de toutes choses, et de Jésus-Christ, notre Sauveur, et du Saint-Esprit, ils sont alors lavés dans l’eau ». Loc. cit., col. 120 C. Le symbolisme surnature] du baptême est parfaitement expliqué par Justin, Le baptême est une illuminât ion, « parce que ceux qni reçoivent celle doctrine ont l’esprit illuminé ». L’expression çwuÇépievoi qui désigne ici les néophytes paraît être une expression déjà traditionnelle. Ibid., Col. 121 BC. C’est aussi une nouvelle naissance, -Lvayéwïjoiç. Ibid., lxi, col. 420 C ; cf. xlvi, col. 397 BC. Justin rappelle même ici la parole du Christ, Joa., m, 5, en la citant librement. Apol., i, lxi, col. 120 CD. Par là, le baptême efface tous les péchés passés et, de plus, nous consacre à Dieu, col. 421 A. Voir le texte complet, ici t. viii, col. 2271.
En ce qui concerne l’eucharistie, tout en nous relatant en détail la liturgie de l’eucharistie, voir ici, t. viii, col. 2271-2272, Justin nous donne la signification profonde de ce sacrement, en marquant à la fois le symbolisme qu’il manifeste, la réalité qu’il opère et les elîets merveilleux qui en résultent pour l’âme. « Nous ne prenons pas ces choses comme du pain vulgaire ou comme un breuvage vulgaire ; mais de la manière dont, fait chair par le Verbe de Dieu, Jésus-Christ notre Sauveur eut une chair et du sang pour notre salut, ainsi l’aliment eucharistie par un discours de prières qui vient de lui-aliment dont nos chairs et notre sang sont nourris en vue de la transformation — est la chair et le sang de ce Jésus fait chair… » Apol., i, lxvi, col. 428 C. Ainsi donc quand Justin parle de la transformation que l’eucharistie doit opérer en nous, il s’agit, semble-t-il, de l’immortalisation de tout notre être. Cf. art. Justin (Saint), I. viii, col. 2273. Ajoutons que Justin n’ignore pas le symbolisme commémorât if de l’eucharistie, puisque le Christ nous a prescrit de célébrer l’eucharistie « en souvenir de la souffrance qu’il a subie pour tous les hommes ». Dial., xli. col. 564 B. Voir ici, t. rai, col. 2274.
Plus succinctement que chez Justin, on trouve les mêmes idées sur le baptême chez Théophile d’Antioche ; avec la rémission des péchés, le baptême opère une régénération, izoikiyyeiieata : ainsi est-il le « bain de la régénération, auquel doivent accéder tous ceux qui parviennent à la vérité, sont régénérés et reçoivent la bénédiction de Dieu ». Ad Autolijcum, t. II, xvi, P. G., t. vi, col. 1077 C.
Mêmes doctrines chez saint Irénée, mais sur un plan plus vaste. On sait que, pour Iiénée, un sacrement désigne toujours une opération mystérieuse. Cf. Cont. hier., t. II, c. xxx. n. 7 ; t. IV, c. xxxv, n. 3, P. G., t. vii, col. 820 B, 1088 B. Mais ici l’opération mystérieuse a une efficacité spéciale, elle communique la grâce. La théologie d’Irénée est d’autant plus précieuse qu’elle oppose le symbole efficace des rites chrétiens aux symboles vains des gnostiques. Voir Irénée (Saint), t. vii, col. 2495. Mais la thèse traditionnelle se retrouve chez Irénée. Le baptême, dont la matière est l’eau, « régénère, remet les péchés, purifie le corps et l’âme, fait l’homme enfant de Dieu, lui donne le Saint-Espiit ». Ibid., col. 2495-2490, avec les références indiquées.
A propos de la confirmation, on trouve chez Irénée le double symbolisme efficace de l’imposition des mains et de l’onction. Et c’est vraiment le Saint-Esprit qui est donné par cette imposition, qui n’a rien à faire avec la magie. Voir ici t. ii, col. 1028-1029.
L’eucharistie cache, sous les apparences symboliques du pain et du viii, le vrai corps et le vrai sanj> du Sauveur, et Irénée en tire un argument contre les gnostiques pour affirmer la réalité de l’incarnation. Voir ici t. v, col. 1129. Mais Irénée note avec soin le double aspect de l’efficacité de l’eucharistie : le changement du pain au corps, du vin au sang, tout en conservant les apparences extérieures, puis notre propre transformation par l’eucharistie. Et ce double effet est produit par la vertu d’une parole divine : « Quand donc le calice (de vin) mêlé (d’eau) et le pain reçoivent la parole de Dieu et qu’ils deviennent l’eucharistie (c’est-à-dire le corps du Christ)… » Cont. hier., t. V, c. ii, n. 3, P. G., t. vii, col. 1125 B. < De même que le pain qui est de la terre, recevant l’invocation de
Vieil, n’est plus un pain commun, mais l’eucharistie, composée de deux éléments, l’un céleste, l’autre terrestre, de même nos corps recevant l’eucharistie ne sont plus corruptibles, puisqu’ils ont l’espérance de la résurrection pour l’éternité. » L. IV, e. xviii, n. 5, col. 1028-1029. L’indication des deux éléments marque encore un autre aspect du symbolisme eucharistique : « Deux éléments, l’un terrestre, l’autre céleste, non pas dans le sens d’une consubstantiation, puisque les éléments sont devenus le corps et le sang de Jésus-Christ, mais ou bien dans le sens des apparences extérieures et de la réalité interne, ou mieux en ce sens que l’eucharistie contient l’humanité et la divinité du Sauveur. > J. Tixeront, Histoire des dogmes, t. i, Paris, 1915, p. 273. Voir ici Eucharistiques ( Accidents), t. v, col. 1370-1371.
Qu’Iiénée admette une pénitence sacramentelle, la chose paraît indubitable. Et cette pénitence remet efficacement les péchés. Voir t. vii, col. 2497. Voir aussi P. Galtier, L’Église et la remission des péchés aux premiers siècles, Paris, 1932, p. 257-258, et ici Pénitence, t. xii, col. 704-765.
Si l’évêque de Lyon enseigne manifestement la distinction du clergé et des simples fidèles et, dans le clergé même, l’existence d’une hiérarchie sacrée, voir t. vii, col. 2428, c’est qu’il attribue à l’ordre une efficacité réelle quant aux pouvoirs qu’il confère. Il a déjà l’expression : succrdotalem ordinationem, t. III, c. xi, n. 8. P. G., t. vii, col. 88(1 B.
L’efficacité du baptême et surtout de l’eucharistie est également mentionné.’dans les deux inscriptions de Pectorius d’Aiituu et d’Abcrchis de Hiérapolis, le baptême étant décrit comme « les Ilots éternels de la sagesse », dans lesquels l’âme doit « se refaire », l’eucharistie étant figurée par le poisson. Voir J. Jalabert, art. Épigraphie, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. i, col. 1 115-1446.
3. Clément d’Alexandrie. —
L’idée de rite efficace de sanctification est à la base de toute la théologie sacramentaire de Clément d’Alexandrie. Le baptême opère en nous une œuvre divine, charisme, bain, illumination, dont l’effet est de nous purifier et de nous communiquer, par l’Esprit-Saint, les grâces de Dieu. Ainsi le baptême nous régénère et l’eau baptismale, à cause de cette régénération spirituelle, peut être comparée à une matrice. Voir les textes ici, t. iii, col. 184. De la confirmation, Clément marque le sigillum préservateur, administré par l’évêque. Qtlis dives, c. xi. ii, dans P. G., t. ix, col. 648. Ici, t. m. col. 184 B C.
Les distinctions apportées par Clément, au sujet des fautes commises après le baptême, entre pénitence et rémission des péchés, et entre rémission des péchés et pardon, uéiàvoux, àçeoiç, cuYyvcôjji.7), montrent bien qu’il met une différence entre l’efficacité du baptême et celle de la pénitence, comme sacrements. Dans la pénitence elle-même, les effets sont différents s’il s’agit de la rémission accordée par Dieu et du pardon accordé par l’Église. Voir t. iii, col. 185 et t.xii, col. 700.
Si les formules allégoriques dont Clément enveloppe sa doctrine eucharistique donnent à celle-ci quelque obscurité dont les protestants ont voulu tirer parti contre la foi en la présence réelle, il n’en reste pas moins vrai que Clément affirme, avec le caractère symbolique de l’eucharistie, la réalité du corps et du sang et leur efficacité comme nouniture spirituelle de l’âme. Les effets de cette nourriture divine sont l’union au Christ, la sanctification du corps et de l’âme. J : i maîtrise des passions, l’immortalité du corps lui-même. Voir les textes et leur explication, t. iii, col. 195-197. Cf. P.Batiffol, Études d’histoire et de théologie positive, IIe série, Paris, 1 905, p. 1 82-1 92 et mieux.
L’eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation, Paris. 1913, p. 248-261.
I. Origène. —
Plus encore que pour Clément d’Alexandrie, c’est la philosophie néoplatonicienne qui suggère à Origène le symbolisme qui alimente sa théologie en général et ses conceptions sacrament aires en particulier. Mais ici déjà commencent à se mêler aux énoncés dogmatiques quelques essais de spéculation théologique sur l’efficacité des sacrements.
La philosophie néoplatonicienne, qui faisait une si grande part au symbolisme, avait habitué ses adeptes à chercher, sous le sens littéral d’un écrit ou sous les apparences sensibles d’un objet, des réalités plus profondes et plus mystérieuses. Le monde phénoménal n’est qu’un signe du monde intelligible caché eu lui. Cf. Zeller, Philosophie <ler Crieehen, t. ni b, p. 251. Aussi attachait-on beaucoup d’importance à l’étude des signes où l’allégorisme script uraire, en particulier, puisait ses principes. « Le signe, dit Origène, est une chose visible qui éveille l’idée d’une autre chose invisible : signum dicitur cum per hoc quotl videtur aliud aliquid indicatur. » Jouas, sortant du ventre du poissou, est un signe de la résurrection du Christ. La circoncision imposée par Dieu à Abraham est un signe de la circoncision spirituelle du cœur dont parle saint Paul, I’hil., III, 3. In epist. ad Rom., I. IV, n. 2, P. G., t. xiv, col. 968 A. Le signe (or, ii, eïo v) se distingue du prodige (te’p a ;) ; le prodige est un fait extraordinaire qui a pour but d’exciter l’admiration des hommes ; le signe est un fait vulgaire qui fait penser à autre chose qu’à lui. In Joa., t. xviii, n. 60, P. (’., t. xiv, col. 521 13. > I’. Pourrat, La théologie sacramentaire, p. 5-6.
Sur cette théorie générale du signe, Origène établit le symbolisme des sacrements de baptême et d’eucharistie.
Pour le baptême, saint Paul avait tracé la voie. L’eau baptismale rappelle la mort au péché ; elle est le sépulcre dans lequel nous mourons et sommes ensevelis dans le Christ. In epist. ad Rom., t. V, n. X, P. G., t. xiv, col. 1038. Mais nous sortons du bain salutaire vivants avec le Christ ; aussi le baptême est-il le symbole d’une purification totale de l’âme, lavée de toutes ses souillures. Symbole, oui. mais aussi symbole efficace, car il est aussi principe et source des dons divins pour le néophyte qui se donne à Dieu : TÔ Sià toû’jo’otTOç Xo’jTpôv, a’! >|x60Xov ruy/âvov xaOapaîou puxîjÇ) Tcâvra p’Wjv àirô xaxîocç à7ro7rXuvo{i£v7]Ç In Joa. À. vi, n. 17, P. G., t. XIV, col. 257 A. Contre le marcionisme, Origène rappelle que le sacrement chrétien n’opère pas en vertu de la sympathie universelle des êtres, pal une sorte d’elle ! magique, « mais en vertu du dessein providentiel, selon lequel tous les croyants sont < en sympathie avec le Christ » et reçoivent le signe efficace de cette communion ». H. Cadiou, La jeunesse d’Origène, Paris, 1936, p. L3 ! », note 2. Cf. In Gen., iii, P. G., t. mi. col. 52, 53. À ces affirmât ions dogmatiques, Origène mêlera donc une considération théologique : c’est grâce à la puissante invocation de l’adorable Trinité que le baptême acquiert sa vertu purificatrice.
Le symbolisme efficace des « eaux visibles n du baptême est étendu par Origène au « chrême visible ». In epist. ad Hom., t. V, n. X, P. G.. I. XIV, col. 1038 CD.
L’application du symbolisme à l’eucharistie est plus délicate. L’eucharistie est un sacrement à part, puisque le symbolisme affirmé par saint Paul n’empêche pas la réalité même du corps et du sang signifiée par les symboles extérieurs. Il y a pour ainsi dire une double efficacité dans le symbolisme eucharistique, l’une relative à la présence du corps et du smi^ sous le symbole du pain et du viii, l’autre relative à la nourriture spirituelle (le l’âme par la grâce produite dans le communiant bien disposé. Là OÙ Origène se laisse entraîner par le symbolisme extérieur (les espèces sacramentelles, il semble oublier la présence réelle. En réalité, il professe sur ce point la foi de l’Église et la croyance commune. Voir ici une mise au point exacte, t. xi, col. 1558-1560. On devra corriger l’appréciation un peu trop absolue de Pourrat, op. cit.. p. 7. Si les allégories qu’Origène superpose au dogme de la présence réelle n’ont plus trait à l’eucharistie, il n’en reste pas moins vrai que le double symbolisme et l’efficacité du symbole eucharistique n’est pas ignoré de cet auteur, témoin ce texte du Contra Celsum, t. VIII, n. 33 : « Rendant grâces au démiurge de l’univers, nous mangeons les pains que nous (lui)’offrons avec action de grâces et prières pour (tous ses) dons ; (nous mangeons ces pains) devenus corps par la prière, quelque chose de saint et qui sanctifie ceux qui en usent avec un sain propos. » P. G., t. XI, col. 1565 C. Cf. P. Batiffol, L’eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation, Paris, 1913, p. 264-265.
L’efficacité du sacrement de pénitence est d’autant plus marquée chez Origène qu’on trouve indiqués par lui d’autres modes de rémission des péchés, le martyre, l’aumône, le pardon des injures, le zèle pour la conversion des pécheurs, l’amour de Dieu, In Levit., hom. ii, n. 4, P. ( ;., t. xii, col. 117-419. Mais la pénitence tient une place à part : c’est qu’elle est un pouvoir de lier et de délier, de remettre et de retenir les péchés, donné par Dieu aux chefs de l’Église. In Jud., hom. n. n. 5, P. G., t.xii, col. 961 A ; In Matth., t. xii, n. Il ; t. XIII, col. 1012-1013. Toutefois l’efficacité du sacrement n’est pas telle que les prêtres puissent, par le seul effet de leurs prières, remettre les péchés les plus graves. Voir sur ce texte du De oratione, l’art. Origène, t. xi, col. 1557.
5. La théologie grecque, au IIIe siècle, après Origène. —
La théologie postérieure à Origène maintient, au sujet des sacrements, la notion du symbole et de l’efficacité sacramentels.
Le rite du baptême, tel que le décrit la Didascalie, est conforme au symbolisme exprimé par saint Paul. Édition de Funk, III, xii (parallèle aux Constitution.", apostoliques, xvi), n. 2, p. 210. L’efficacité du baptême est rappelée en quelques mots expressifs : c’est un sceau, un sceau infrangible, imprimé par Dieu sur le chrétien, II, xxxix, 6, p. 126 ; cf. III, xii (xvi), 2, p. 210 ; l’achèvement de l’homme, ibid., p. 126 ; cf. Théognoste, l’ragm., P. G., t. x, col. 240, 241. Un autre effet du baptême est de remettre les péchés, d’engendrer le néophyte à une vie nouvelle, de lui donner le Saint-Esprit, d’en faire un autre Christ. Didasc, II, xxxix, I. p. 126 ; V. ix, 1, 5, p. 262 ; VI, xii, 2, p. 326 ; xvii (xxii), 1. p. 351 ; xviii (xxm), 4-5, p. 358 ; xxr (xxvii), 5, p. 371-372. Cf. Méthode d’Olympe, Convivium. VIII, vin. ix, P. G., t. xviii, col." 149, 152.
Le symbolisme euchaiistique est également marqué, mais d’une façon conforme aux exigences du dogme de la présence réelle. L’eucharistie est le pain sanctifié par les invocations. Didasc. VI, xxii (xxviii), 2, p. 376 ; elle est une nourriture sainte, ayicc rpocpY) ou simplement les choses saintes, xà ayta. Denys d’Alexandrie, l’ragm.. édit. E. Feltoe, Cambridge, 1904, p. 58. 59. 103 ; ou encore les choses saintes parmi les saintes, -à ay.y. twv àyicov. Id., ibid.. p. 103. Le Dialogue d’Adamantius qui emploie parfois des termes d’un réalisme accentué (par exemple : toucher le corps et le sang du Chris !) revient ensuite au symbolisme : le Chris ! a fait du pain et du breuvage les images, etxoveç, de son corps et de son sang. IV, vr. P. (, ’.. I. xi. col. 18 10 BC. De même la Didascalie. du moins d’après le texte grec concordant des Constitutions apostoliques, t. VI, c. xxx, n. 2, édit. Punk, p. 381, invite les fidèles à offrir « l’eucharistie agréable, image du corps royal du Christ », àv-rmiTrov toG (îaai.-Xeîo’j n(o[i.a-roç XpiaToû. Voir aussi xxii, 2, p. 376. Ces manières de parler… ne supposent nullement que ceux qui les cniploient sont des symbolistes. Elles marquent seulement le caractère de signe et de symbole qui convient dans l’eucharistie aux éléments sensibles. Le pain et le vin sont les figures, les antitypes du corps et du sang en quoi ils sont intérieurement transformés, et qui sont devenus nourriture et breuvage pour nous. » Tixeront, Histoire des dogmes, t. i, Paris, 1915, p. 498499. Et c’est le Saint-Esprit qui est le principe de cette sanctification.
Le pouvoir de lier et de délier implique pour l’évêque le pouvoir de pardonner les fautes et de purifier ! e pécheur. Didascalie, II, xi, 2 ; xii, 1-3, p. 46-48 ; xvi, 8, p. 60 ; xviii, 1-3, p. 64 ; xx, 2, 5, 8, p. 72, 74. Cf. Méthode d’Olympe, De la lèpre, vii, 4-7, éd. Bonwetsch, p. 459-460. L’imposition de la main est le geste symbolique qui marque la réconciliation : « La Didascalie remarque expressément que, par cette imposition de la main, qui est comme un second baptême, le pénitent recevait le Saint-Esprit, témoignage non équivoque de la purification intérieuie qu’opérait l’absolution, et de son caractère sacramentel. » Tixeront, op. cit., p. 504. Cf. Didascalie, II, xli, 2, p. 130 ; et xviii, 7, p. 66.
C’est encore le geste de l’imposition des mains, XStpoOsata, qui confère le presbytérat et le diaconat. Concile de Néocésarée, can. 9 ; cf. Hefele-Leclercq, Hist. des conciles, t. i, p. 331 (l’imposition de la main qui confère l’ordination remet les péchés autres que l’impureté). Sur ce rite et son symbolisme efficace, voir Ordre, t. xi, col. 1245 sq.
Quelques indications relatives au caractère sanctifiant du mariage peuvent être trouvées dans la Didascalie, IV, xi, 6, p. 234 ; VI, xxii (xxix), 6-8, 10, p. 378, 380.
6. La théologie grecque au IVe siècle. —
Au ive siècle, le symbolisme baptismal, tel que l’avait formulé Origène d’après saint Paul, est entré nettement dans l’explication du sacrement. Toutefois, tandis qu’Origène faisait dériver l’efficacité du baptême de l’invocation de la Trinité, les Pères grecs, à la suite des controverses sur la divinité du Saint-Esprit, expliqueront l’efficacité du rite baptismal par la présence et l’action de l’Esprit-Saint dans l’eau. Ils s’appuient sur Joa., III, 5. D’ailleurs ils marquent nettement, et notamment saint Jean Chrysostome, que, dans l’administration des saints mystères, l’acteur principal est Dieu, le prêtre n’est que l’instrument de Dieu : « Le prêtre ne fait qu’ouvrir la bouche ; Dieu fait tout. Le prêtre accomplit seulement un signe symbolique. .. L’oblation est la même, que ce soit celle de Paul ou de Pierre… » In epist. II*™ ad Tint :, hom. ii, n. 4, P. G., t. lxii, col. 612. Et encore : « Quand le prêtre baptise, ce n’est pas lui qui baptise, mais Dieu dont l’invisible présence tient la tête du baptisé. » In Matth., hom. l, n. 3 ; cf. In Act. apost., hom. xiv, n. 3, P. G., t. lvii, col. 507 ; t. lx, col. 116. Bien plus, Jean enseigne l’efficacité des sacrements, même administrés par des indignes : « Dieu n’impose pas les mains à tous, mais il agit par tous (les prêtres), même indignes, pour sauver le peuple », In epist. 7/ am ad Tim., hom. ii, n. 3, P. G., t. lxii, col. 609. Nous sommes bien près du concept de symbole efficace ex opère opcralo, que précisera la théologie médiévale et que consacrera le concile de Trente.
Saint Grégoire de Nazianze, distinguant d’ailleurs six espèces de baptême, déclare que celui de Jésus est non seulement dans l’eau in pœnilentiam, mais de l’Esprit, et c’est ce qui fait son efficacité. Oral., xxxix, n. 17, 19, P. G., t. xxxvi, col. 356 sq. C’est aussi la doctrine de saint Basile : « Si l’eau baptismale a en elle quelque grâce, elle ne la tient pas de sa propre nature, mais de la présence de l’Esprit-Saint, èx -rîjç toù IIv£Ùfi.aTOç 7rapouataç. De spiritu sancto, c. xv, n. 35, P. G., t. xxxii, col. 132 A. Déjà la formule de bénédiction de l’eau baptismale de l’euchologe de Sérapion demande à Dieu de « remplir de l’Esprit-Saint les eaux », de faire venir sur elles le Verbe, « pour leur donner leur vertu ». xix, dans Eunk, Didascalia…, t. ii, p. 181. Cf. G. Worbermin, Altchristliche liturgische Stùcke, Leipzig, 1899, p. 8. Cyrille de Jérusalem déclare que la bénédiction de l’eau baptismale par l’invocation — il emploie le mot èizixkrpic, — de la Trinité donne à cette eau le pouvoir de sanctifier, Suvapuv àyoérriToç. Aussi cette eau n’est plus simplement de l’eau, XitÔv û8a>p, mais de l’eau unie à l’Esprit-Saint qui agit en elle et par elle. Cat., iii, 3, 4, P. G., t. xxxiii, col. 429, 432 ; cf. Cat., xvii, 8 ; xx, 6, col. 977 B, 1081B.
Cette efficacité du baptême a un double objet : nous faire mourir au péché et nous faire vivre pour Dieu. Les Pères ont magnifiquement développé cette doctrine. Cf. S. Basile, hom. xiii, In sanctum baptisma, P. G., t. xxxi. col. 424 sq. ; S. Grégoire de Nazianze, De baptismo, P. G., t. xlvi, col. 416 sq. ; S. Cyrille de Jérusalem, Cal., iii, 10, 11, 14, 15, 16, P. G., t." xxxiii, col. 442-449.
Pour expliquer ces effets, les Pères reprennent, avons-nous dit, le symbolisme déjà exprimé par saint Paul et par Origène : l’ensevelissement dans les eaux signifie, pour le baptisé, sa mort au péché, tandis que l’Esprit lui communique la vie, lui rend la vie première perdue par le péché. Cf. S. Basile, Homil. in sanctum baptisma, n. 2, P. G., t. xxxi, col. 428 ; De Spiritu Sancto, c. xv, n. 35, P. G., t. xxxii, col. 129 A ; S. Cyrille de Jérusalem, Cat., iii, 12, 14 ; xvii, 8 ; xx (mvst. n), 4, 6, 7, P. G., t. xxxiii, col. 441 C. 1Il B, " 977 B, 1080 C, 1081 B. Dans cette dernière catéchèse, saint Cyrille trouve dans la triple immersion le symbole « des trois jours et des trois nuits que le Sauveur a passés dans le sein ténébreux de la terre », et l’émersion rappelle la résurrection à la vraie lumière, 5, 7, col. 1081 À et 1084 B.
Plusieurs considérations accentuent l’idée du signe efficace. D’une part, en effet, nos auteurs admettent que le baptême peut être donné aux enfants d’une façon valide. S. Grégoire de Nazianze, Oral., xl, 28, P. G., t. xxxvi, col. 400 A. Le rite a donc une efficacité objective pour la production de la grâce. D’une part, la doctrine de la afppoq’îç est déjà nettement établie au ive siècle. Cf. S. Crille de Jérusalem, Procat. , 16 ; Cat, i, 2 ; iii, 12° ; iv, 16 : vi, 24, P. G., t. xxxiii, col. 360, 372 B, 441 C, 476 A, 952 B ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., XL, 4, 15, P. G., t. xxxvi, col. 361 D, 377 A : S. Basile, Homil., xiii. In sanctum baptisma, n. 4, P. G., t. xxxi, col. 432 C ; S. Jean Chrysostome, In epist. ad Ephesios, hom. ii, n. 2, P. (’, ., t. LXII, col. 16. Noir P. Pourrat, La théologie sacramentaire, p. 199 sq. ; Tixeront, Histoire des dogmes, t. H, p. 166, et ici Caractère sacramentel, t. ii, col. 1701 sq. Tous reconnaissent le caractère comme indélébile et, par conséquent, s’ils ne conçoivent pas encore nettement qu’il puisse être imprimé dans l’âme sans que soit conférée la grâce, du moins ils commencent déjà à distinguer nettement les deux effets. Cf. S. Cyrille de Jérusalem, Cat., i, 3, P. G., t. xxxiii, col. 375 A. Bien plus, la valeur morale du ministre n’est pas requise pour l’administration valide du sacrement. Voir ci-dessus, col. 505. Enfin, quelles que soient les obscurités de détail et les divergences d’appréciation, il semble bien que nos auteurs aient admis la validité, donc l’efficacité, du rite baptismal conféré par les hérétiques (au moins par certaines catégoiies) au nom de la Trinité. Voir ici, t. ii, col. 189 ; Tixeront, op. cit., t. ii, p. 168-170. Toutes ces considérations montrent que la doctrine de l’efficacité ex opère operato est déjà sous-jacente à toutes ces formules.
On pourrait présenter des considérations analogues en ce qui concerne la confirmation. Le rite de la confirmation étail comme un complément du baptême et, pour ce motif, n’en était pas toujours nettement distingué. Voir ici Confirmation, t. iii, col. 10321033. Néanmoins Didyme l’Aveugle le distingue expressément. De. Trinitate, I. 1 1. c.xii, 1’. G., t. xxxix, col. 009 A. Cf. Bardy, Didyme l’Aveugle, Paris, 1910, 1>. 150. Saint Cyrille de.Jérusalem lui consacre la catéchèse xxi, P. (’, ., t. xxxiii, col. 1089 sq. Ce Père a bien mis en relief le symbolisme efficace de la confirmation : L’huile parfumée (fzûpov, ypï<7|i.a) qui devait servir à l’onction était préalablement bénite par l’évêque. Dès lors, ce n’était plus, d’après la théorie de saint Cyrille, du chrême simple (jjwpov’yiÀôv) ; mais, de même que le pain eucharistique devient, par l’épiclèse, le corps du Christ, ainsi le chrême, par l’invocation, est devenu « le charisme du Christ productif du Saint-Esprit, par la présence de sa divinité », Xpia^où yàpia[ia. xocl nvEÙ|i.ocTO< ; àyîou, Trapoijejîa xvjç aÙTOÛ Osôttjtoç èvspyeTtxôv yiv6{xevov. Cal., xxi, 3, ibid., col. 1092 A. Le Saint-Espiit est dans le chrême, comme il est dans l’eau baptismale, et il agit en lui et par lui. Ainsi l’huile parfumée est l’antitype, àv-rt-ru7tov, du Saint-Esprit, ibid., I.col. 1089 A. Expression qui ne signifie pas - — comme on peut le voir — qu’elle en est un simple symbole ou une simple image, mais qu’elle le contient et constitue l’élément sous lequel il exerce et cache son action. » Tixeront, Hist. des dogmes, t. ii, p. 170-171. L’effet de la confirmation est souvent indiqué par le mot açpaytç. La formule du rite (forme) était, d’après saint Cyrille : Dçpocylç Swpsâç toO ITveu|jwcToç àyîou. Cat., xviii, 33, col. 1056 B. Cf. Cet., iii, 15, xviii, 33, xxi, 1 ; xxii. 7. col. 448 A, 1050 B, 1092 B, 1101 B ; S. Athanase, Epist. ad Serapionem, iii, n. 3, P. G., t. xxvi, col. 028 B ; Didyme, De Trinitate, t. II, c. xiv, P. G., t. xxxix, col. 712 ; le Sairamentaire de Sérapion, xxv, n. 2, dans Funk, Didascalia et Constitution.es apost., t. ii, p. 180 ; Constitutiones apost., III, xvii, 1 ; VII, xxii, 2 ibid., t. i, p. 211, 400. Écho de la doctrine déjà implicitement acquise de l’ex opère operato.
En ce qui concerne l’eucharistie, le symbolisme d’Origènc est tenu en méfiance par les Cappadociens et trouve des adversaires irréductibles chez les Antiochiens, notamment Théodore de Mopsueste et Jean Chrysostome. La réaction de Chrysostome est même excessive. S. Jean Chrysostome, In Joannem, hom. xlvi, n. 3 ; cf. In Matth., hom. i.xxxii, n. 4, P. G., t. lix, col. 260-201, t. i.vm, col. 743. Voir Tixeront, op. cit., p. 178-180. Athanase et Didyme sont dans une note réaliste qui se contente d’affirmer la présence réelle. Id., p. 173-174. Mais, pour autant, le symbolisme ne perd pas ses droits. Dans la formule d’anamnèse qu’il présente, l’euchologe de Sérapion appelle le pain et le vin la ressemblance, ôp.otco|i.a, du corps et du sang du Monogène, xiii, 12, 14, dans Funk, op. cit., t. ii, p. 175. Dans son homélie xxvii, n. 17, Macaire écrit que les prophètes et les rois ont ignoré « que dans l’Église est offert le pain et le viii, figure (<xitÎtutiov) de la chair et du sang du Christ : ceux qui participent à ce pain visible mangent spirituellement (TrveuixaTixwç) la chair du Seigneur ». P. G., t. xxxiv, col. 705 B. Ce mot àvTÎTU7rov se lit également chez Cyrille de Jérusalem, Cat., xxiii, 20 ; cf. xxii, 3, P. G., t. xxxiii, col. 1124 C, 1100 A ; chez Grégoire de Nazianze, Oral., viii, n. 18, P. G., t. xxxv, col. X09 D ; chez Épiphane Adv. tuer., i.v, n. o, p. G., t. xl, col. 981 AH. La doctrine de la conversion du pain aux corps, du vin au sang, qui est à la base de toute la pensée des Pères grecs du [Ve siècle, explique l’emploi des mots bu, olaua et xv-’-'j-’tv et réduit le symbolisme eucharistique à ses justes proposions. Pour le comprendre, on devra observer quc. « pour ces auteurs, le pain et le viii, dans leui être naturel, ou par une institution de Dieu ou de Jésus-Christ, sont déjà une figure, un symbole du corps et du sang du Sauveur ; que ces éléments deviennent, en effet, par la consé dation - - et dans leurs espèces — les signes sensibles du Christ corporellement présent, l’enveloppe réelle qui le contient et sou> laquelle les fidèles le reçoivent. Rappelions-nous la théorie de saint Cyrille sur le chrême de la confirmation, antitype du Saint-Esprit ». Tixeront, op. cit., p. 177, 178.
Mais, par rapport au chrétien, ce corps et ce sang du Christ sont nourriture et breuvage spirituels. Ce second symbolisme efficace, c’est-à-dire producteur de vie surnaturelle, est souligné par nos auteurs. Le corps est un pain spirituel, le sang un vin spirituel. Cyrille, Cat., iv, 8, P. G., t. xxxiii, col. 105 A. Ils sont nourriture supersuhstantielle (ÈTTioûatoç) destinée à sustenter à la fois l’âme et le corps. Caf., xxiii, 15, col. 1120 B. Grégoire de Nysse esquisse même une sorte d’explication scientifique de la transsubstantiation : la ji.exaKrvrfiiç. Sur cette explication voir Tixeront, op. cit., p. 182-183. Mais, par rapport à nous, le résultat de cette « assimilation spontanée « est notre divinisation par l’union au corps de Dieu, notre incorruptibilité par notre communion à l’incorruptible.
Dans les autres sacrements, la notion de symbole efficace apparaît beaucoup moins. L’efficacité de la pénitence est affirmée contre les novatiens. Grégoire de Nazianze, Orat., xxxix, 19, P. G., t. xxxvi, col. 357 B. Quant à l’ordre, le geste symbolique et efficace de l’imposition des mains est indiqué par tous comme le moyen de conférer le sacrement. Const. apost., t. VIII, xvi, 2 ; xix, 2, édit. Funk, p. 523, 525. Seul, l’évêque peut, par l’imposition des mains, conférer l’ordre. Id., ibid., cf. xlvi, 11, p. 501. Mais cette imposition des mains était accompagnée de prières dont l’euchologe de Sérapion, xxvi-xxviii, édit. Funk, p. 189, 191 et les Constitutions apostoliques donnent les formules : VIII, v, p. 475 sq. ; cf. xvi, 2, p. 523 (prêtre) ; xviii, p. 523 (diacre) ; xx, p. 525 (diaconesse) ; xxi, 3, p. 527 (sous-diacre) ; xxii, 3, p. 527 (lecteurs). L’effet du sacrement est également affirmé. Saint Grégoire de Nysse observe que cet effet est de séparer le prêtie du reste des chrétiens : bien qu’extérieurement il paraisse rester le même, une transformation intérieure s’opère en lui par une grâce et une vertu invisibles. Saint Grégoire compare cette transformation à la consécration des autels ou à la conversion eucharistique : ce qui implique un caractère permanent et stable. In baplismum Christi, P. G., t. xlvi, col. 583. Saint Jean Chrysostome, en faisant l’éloge du mariage, î éprend le symbolisme indiqué par saint Paul, Eph., v, 22-23. In Eph., hom. xx, n. 4, P. G., t. lxii, col. 139-140.
2° Les Pères latins.
Si la notion du symbolisme efficace trouve déjà, chez les Grecs, une réelle consistance dès le ive siècle, elle nous apparaît, bien plus nette encore, principalement en ce qui concerne le baptême et l’eucharistie, dans l’Église latine. C’est d’ailleurs, comme le l’ait observer P. Pourrat, dans l’Église latine que s’est véritablement développée la théologie sacramentaire. Op. cit., p. 12.
1. Autour de Tertullien. —
En même temps qu’il fait l’application du mot sacramentum aux rites sanctificateurs, Tertullien commence à analyser le symbolisme efficace que recouvre la notion de sacrement. Il faut avouer toutefois que sa doctrine de la corporéité relative de l’âme l’a ici desservi. Cf. É. de Hacker. Sacramentum. Le mot et l’idée représentée par lui lions les œuvres de Tertullien, Paris, 1905, p. 113 sq. foui efois. il serait inexact de prétendre que Tertullien a ignoré le symbolisme sacramentel. Le symbolisme qu’il discerne est celui qui résulte de l’appropriation du rite a son effet. In texte est vraiment remarquable à ce sujet : il marque à la foi » l’action extéiieure parfaitement physique et réelle et. à côté fie eette opération corporelle, l’effet spirituel qu’elle figure et qu’elle produit : Curu abluitur ut anima emaculetur ; caro ungitur. ut anima consecretur ; caro signatur, ut cl anima muniatur ; caro manus impositioneadumbratur, ut et anima spiritu illuminetur ; curu corpore et sanguine Christi vescitur, ut et anima de Deo saginetur. De resurrectione carnis, c. viii, P. L., t. ii, col. 806 B. On trouve d’ailleurs l’expression du même symbolisme appliqué au baptême en d’autres écrits. Voir surtout De preescript., c. xl, t. ii, col. 54 ; De baptismo, c. i, iv, ix, t. i, col. 1197, 1203, 1209. L’explication de l’efficacité du symbole sacramentel se ressent quelque peu de la philosophie matérialiste de l’auteur. Si le prêtre invoque le Saint-Esprit pour bénir les fonts, c’est que le Saint-Esprit descend dans l’eau pour lui donner une vertu sanctificatrice. De baptismo, c. iv, 1. 1, col. 1204 A ; cf. c. viii, col. 1207. L’imposition des mains qui suit l’ablution — vraisemblablement la confirmation — fait circuler le Saint-Esprit en nous, comme le jeu des doigts fait circuler l’air dans l’oigue. ld., ibid. Sur cette image, voit De anima, c. iii, iv, t. ii, col. 651, 052. Une telle explication de l’efficacité sacramentelle — si exacte soit-elle sous un certain aspect (les textes du missel, au samedi saint, en font foi) — paraît néanmoins diminuer l’importance des paroles qui constituent ce que nous appelons la forme du sacrement. Et peut-être bien les formules de Tertullien, qu’on retrouve équivalemment chez d’autres Pères, représentent-elles une tradition dont on n’a pas assez tenu compte dans l’idée qu’on doit se faire de la réalité du sacrement. Voir plus loin, col. 533-534 ; 575.
On sait que le symbolisme sacramentel, appliqué par Tertullien à l’eucharistie, l’a fait accuser d’enseigner un symbolisme excluant la présence réelle. Voir l’interprétation de la pensée de Tertullien, t. v, col. 1130 sq. Il semble bien que l’allégorisme scripturaire se complète du symbolisme saciamentel, tout en respectant la réalité de la présence eucharistique qu’exprime nettement Tertullien en maints endroits. Voir les références, t. v, col. 1130 ; A. d’Alès, La théologie de Tertullien, p. 355 sq. ; P. Batiffol, L’eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation, Paris, 1913, p. 204-226. Cf. Tixeront, op. cit., p. 135.
Si Tertullien donne le nom de sacrement au baptême, à la confirmation, à l’eucharistie et au mariage, voir ci-dessus, col. 489, il sait que la pénitence est elle aussi un signe sacré qui sanctifie celui qui la reçoit. Le symbolisme du signe est peu marqué, mais son efficacité apparaît surtout dans le parallélisme établi entre le baptême et la pénitence. Analogie des effets : le baptême suppose une pénitence qui a pour but de purifier et d’affermir le catéchumène de façon à rendre durable l’effet du sacrement. De pivnilentia, c. vi, t. i, col. 1237 sq. Mais les défaillances se produisent, auxquelles Dieu remédie en offrant aux pécheurs une « planche de salut » : « Une fois fermée la porte du pardon, une fois tiré le verrou du baptême, Dieu a permis qu’il demeurât encore une ouverture : il a placé dans le vestibule (de l’Église) une seconde pénitence, qu’il ouvre à ceux qui frappent. » C. vii, col. 1241 B. Cette pénitence implique des rites extérieurs : confession, expiation plus ou moins longue, réconciliation par le ministère de l’évêque. C. viii, ix, t. i, col. 1243-1244 ; cf. De pudicitia, c. x, xviii, t. H, col. 1000 B ; 1016-1017.
Sur la forme de cette réconciliation, Tertullien ne nous donne pas de détails, mais l’effet de la venia accordée par l’évêque est de faire disparaître le péché. Cette vérité, à peine esquissée dans le De pœnilentia, est mise en meilleure évidence, quoique avec des restrictions par où s’affirme l’hérésie montaniste, dans le De pudicitia, c. ii, omne deliclam aut venia dispungit aut peena… P. L., t. ii, col. 985 A. Cf. Galtier, L’Église et la rémission des péchés dans les premiers siècles, p. 32 ; A. d’Alès, La théologie de Tertullien. p. 347.
Le rite par lequel étaient conférés les différents ordres est déjà appelé par Tertullien ordinalio. De piœscript.. c. xli, t. ii, col. 56. On sait que cette ordinatio se faisait par l’imposition des mains, voir Ordre, t. xi. col. 1245-1246. Tertullien ne nous dit rien de la prière qui accompagnait cette imposition des mains. .Mais on peut supposer, d’après les documents quasicontemporains, que cette prière appelait le Saint-Esprit dans l’àme des ordinands. Voir la Tradition apostolique d’Hippolyte, dans Duchesne, Les origines du culte chrétien, 5e éd., appendice, et le De alealaribus, 3, dans Texte und Untersuchungen, t. v, fasc. 1, Leipzig, 1888, p. 16.
Quant au mariage, Tertullien lui attribue le nom de sacramentum et lui reconnaît, après saint Paul, le symbolisme de l’union de Jésus-Christ et de l’Église. Ce symbolisme sacramentaire existait déjà dès le début de l’humanité, proclame par Adam lui-même. De anima, c. xi, P. L., t. ii, col. 665 B. Que le mariage entre chrétiens soit chose sainte, Tertullien l’affirme hautement dans le Ad uxorem, t. ii, c. ix ; la grâce du baptême sanctifie le mariage contracté dans la gentilité et Dieu le ratifie. Ibid., c. vii, t. i, col. 1302 B, 1299 A. Bien plus, le rite et l’efficacité du sacrement semblent déjà suffisamment exprimés dans cette phrase du c. ix : Sujjiciamus ad enarrandam felicitatem ejus matrimonii, quod Ecclesia conciliât, et confirmai oblatio, et obsignat benedictio, angeli renuntiant, Pater rato habel. Ibid.. col. 1302 AB.’2. Autour de saint Cyprien. —
Cyprieu appelle du nom de « sacrement » le baptême, la confirmation. l’eucharistie. Sa théorie sur l’efficacité des sacrements est obscurcie du fait de la controverse baptismale. Dans la véritable Église, le baptême garde son efficacité. Il a pour effet la régénération de l’âme et la rémission des péchés. Cf. De habilu virginum, c. xxiii ; De dominica oratione, c. i ; De morlalitale, c. xiv ; .1</ Demetrianum, c. xx, xxvi ; De bono patientite, c. v ; De zelo et livore, c. xiv ; Epist., i.xiii, 8, édit. Hartel. p. 203, 267, 305, 365, 370, 400, 428, 706.
Cyprien précise que cette efficacité se réalise même sur les petits enfants et qu’il ne faut pas se préoccuper à leur sujet des presci iptions relatives à la circoncision. Nul ne doil être exclu du baptême et, si l’on y admet des adultes chargés de nombreux péchés, les enfants doivent, à plus forte raison, être admis, eux dont toute la faute est de naître d’une race coupable. Epist., lxiv, 2-5, ibid., p. 718-720. Trait remarquable pour indiquer la rémission du péché originel comme un effet direct du baptême. La question du baptême des « cliniques », telle que la résout Cyprien, montre aussi la différence déjà assez clairement établie entre les éléments essentiels et les éléments accessoires dans l’administration des sacrements. Epist., lxxiv, 7 ; lxix, 12-16, p. 804, 760-765.
En dehors de l’Église du Christ, une telle efficacité ne saurait être reconnue aux sacrements. Tertullien avait déjà esquissé cette thèse. De baptismo, c. xv, P. L., t. i, col. 1216. Cyprien et Firmilien de Césarée, s’appuyant l’un et l’autre sur des conciles antérieurs et sur l’usage de leurs Églises respectives, affirmaient l’un et l’autre que, l’Église possédant seule la grâce et les moyens de la recevoir et de la communiquer, les hérétiques et les schismatiques qui sont hors de l’Église ne peuvent donner la grâce du baptême et purifier les âmes. Voir les textes et le résumé de la controverse à Baptême des hérétiques, t. ii, col. 223 sq. Nous n’avons par, à rappeler ici ce que fut la controverse, mais simplement à en dégager les conséquences dogmatiques au point de vue de la théologie générale des sacrements. D’une part, Cyprien et les rebaptisants, tout comme leurs adversaires, confessent que l’efficacité des sacrements leur vient du Saint-Esprit. D’autre part, ils attachent l’action du Saint-Esprit au fait d’appartenir à l’Église. Comment le ministre qui, n’étant pas dans l’Église, n’a ni la vraie foi, ni la grâce, ni le Saint-Esprit, pourrait-il en faire part à un autre ? Epist., lxx, n. 1 ; lxix, n. 8 ; lxxi, n. 1, p. 767, 757, 771. Les hérétiques sont donc incapables de conférer validement baptême, confirmation et ordre : heercticum hominem sicut ordinare non liect, nec manum imponerc, ita nec baptizare, nec quicquam tancte et spiritualiter gerere, quando alienus sit a spirilali et deifica sanctitate. Epist., lxxv, n. 7, p. 815. L’attitude du pape Etienne et le triomphe partiel de sa pratique montrèrent qu’une tradition dogmatique (nihil innovetur nisiquod thaditvm est) existait dans l’Église, disjoignant la question de la validité de celle de la licéité ou même de la fructuosité du sacrement, ou encore la question du pouvoir et celle de la valeur morale ou de la foi du ministre. Le parti romain n’avait pas manqué d’ailleurs de mettre en relief, d’une manière explicite, cette dernière distinction : il insistait sur la puissance des noms divins invoqués dans la formule baptismale, puissance qui s’exerce indépendamment de la foi ou de la dignité du ministre. Cf. S. Cyprien, Epist., lxxiii, n. 4 ; lxxv, n. 9, p. 781, 815. C’est surtout dans le Liber de rebaptismate qu’est exposée cette considération dogmatique. Pour recevoir toute l’efficacité du baptême, remarque l’auteur de cet écrit, il faut renaître de l’eau et de l’Esprit. C. ii, éd. Hartel, p. 71. Sans doute, renaître de l’Esprit est la chose principale, puisque la cérémonie de l’immersion est susceptible d’être suppléée, comme on le voit dans le martyre. C. xi, xiv, xv, p. 83, 86-87, 88-89. Toutefois, on peut renaître de l’eau sans renaître de l’Esprit : l’un peut aller sans l’autre. C. iii, iv, p. 73-74. Ainsi en est-il dans le baptême des hérétiques. L’immersion faite par un hérétique « au nom de Jésus » (sur cette formule employée par les Romains, voir A. d’Alès, La théologie de saint Cyprien, p. 228-229) garde la vertu de cette invocation, et cette vertu est telle qu’elle commence l’œuvre de la régénération. Le rite n’a pas besoin d’être renouvelé. C. vi, vii, x, xii, xvi, p. 76-78, 81, 83, 87. Si le baptisé meurt avant de revenir à la vraie foi, son baptême non seulement ne lui sert de rien, C. vi, vii, x, mais il aggrave sa condamnation. Par contre, s’il se convertit, c’est assez de compléter, par la collation du Saint-Esprit (l’imposition des mains), la première cérémonie, pour qu’elle obtienne son plein et entier effet. C. x, cf. c. xii ; xv. On le voit, la querelle des rebaptisants servit, à sa manière, à faire progresser le dogme de l’efficacité du rite baptismal. Par contre, le symbolisme sacramentel n’est envisagé par Cyprien que d’une manière rapide et superficielle. L’eau signifie l’ablution intérieure de l’âme ; elle garde sa signification, quel que soit le mode du baptême, immersion ou simple aspersion (infusion). Epist., i.xix, n. 12, p. 761. De même, l’huile est l’image de l’onction spirituelle de l’âme. Epist., lxx, n. 2, p. 768. Le nom de sacrement est également appliqué par Cyprien à la confirmation (sacramento utroque nascuntur). Epist., i.xxii, n. 1 ; cf. LXXIII, n. 21, p. 775. 795. L’évcquc de Cartilage en indique le fruit propre : signaculum divinum, Epist.’, lxxiii, n. 9, p, 785 ; cf. n. 6, p. 783 ; ou signurn Cliristi..d Drmrlriannm c. xxii, p. 367. Pour la validité de la confirmation, comme pour celle du baptême, Cyprien (comme Firmilien d’ailleurs) part d’un faux supposé, à savoir que pour donner le Saint-Esprit au nom du Christ, le ministre doit déjà le posséder comme mandataire de l’Église. Epist., lxxv, n. 12, p. 813 et n. 18, p. 822. Mais, en affirmant que l’imposition des mains (manuum imponere ad accipiendum Spiritum Sanetum) confère le Saint-Esprit, Cyprien n’ignore pas que le baptême est inséparable du Saint-Esprit. La confirmation ne fait donc qu’apporter une plénitude d’un don déjà possédé. Epist., lxxiv, p. 802 ; cf. (Firmilien) Epist., LXXV, n. 9, p. 816.
En ce qui concerne le sacrement de l’eucharistie, le symbolisme sacramentel est fortement développé et utilisé. Rappelons tout d’abord que la foi de saint Cyprien en la présence réelle est aussi ferme que possible. Voir ici Euciiaiustie, t. v, col. 1132 sq. ; cf. J. fixeront, op. cit., t. i, p. 436 sq. ; P. Batiffol, op. cit., p. 227 sq. Sous ce rapport, l’efficacité du sacrement est donc indiscutable. Son symbolisme est multiple et Cyprien en présente les différents aspects selon les exigences de la controverse. Défenseur de l’unité de l’Église contre les novatiens, il trouve dans l’eucharistie le symbole de cette unité. Le pain est composé d’une multitude de grains de froment moulus ensemble ; il représente les fidèles unis au Christ et ne formant qu’un corps mystique avec lui. Epist., lxix, n. 5, p. 720. Ce symbolisme avait déjà été souligné, par la Didachè, voir col. 499. Quelques évêques d’Afrique avaient une pratique singulière, celle de ne mettre dans le calice que de l’eau, sans vin. À ces « aquariens », Cyprien rappelle dans la lettre lxiii la discipline de l’Église sur ce point et le symbolisme qu’il comporte : il faut les deux, vin et eau ; l’eau mélangée au vin est la figure du peuple chrétien uni au Christ, n. 13, p. 711. Le symbolisme du sacrement se retrouve également dans le sacrifice : l’eucharistie est le symbole du sacrifice du Christ ; mais elle n’est pas un pur symbole, elle est aussi un vrai et complet sacrifice, n. 17, p. 715. Le sacrifice de l’eucharistie est une représentation du sacrifice du Christ, mais une représentation qui en contient vraiment la réalité. Voir le développement de ces idées dans A. d’Alès, op. cit., p. 249-262.
L’efficacité du sacrement existe également par rapport aux effets produits par l’eucharistie dans l’âme du chrétien. Avant tout, l’eucharistie produit notre incorporation au Christ : « Nous demandons chaque jour que notre pain, c’est-à-dire le Christ, nous soit donné ; afin que, demeurant et vivant dans le Christ, nous-ne nous séparions pas de ce corps qui nous apporte la sanctification. » De oiat. dom., c. xviii, édit. Martel, p. 280. L’eucharistie est encore le sacrement de la force et de la vaillance spirituelles, le sacrement qui fait les martyrs. Aussi, à l’approche de la persécution, saint Cyprien décide-t-il de relâcher quelque chose de la rigueur ordinaire et d’admettre à la communion même les apostats, s’ils donnent des gages de repentir. Ne faut-il pas les munir pour la vie et les armei pour de nouveaux combats ? Epist., lvii, n. 2, p. 651-652.
Ce qui est à remarquer chez Cyprien, c’est la manière dont il veut, à l’exemple de Tertullicn dont il s’inspire volontiers, rendre sensible la réalité de l’action divine dans le sacrement, fout le passage du De oratione dominica, dont nous venons de donner la conclusion, marque cette action dans l’eucharistie. Voir A. d’Alès. fa théologie de saint Cyprien, p. 268-269.
La pénitence est présentée par Cyprien comme la rémission des péchés par le ministère des prêtres. De lapsis, n. 29. p. 258. Cette seule indication suffirait à montrer quc la pénitence est un sacrement. Confession (exomologèse), satisfaction, réconciliation, tels sont les trois actes de la pénitence, tels que Cyprien, nprè. Tertullicn, les éiiumère et décrit. Les mots dont Cyprien se sert pour parler de la réconciliation : remissio, pax, communicatio (participation à la communion), indiquent bien l’effet même du sacrement.
Comme Tertullien, Cyprien nous montre le rite de la réconciliation dans l’imposition des mains accomplie par l’évèquc et par le clergé. Epist., xv, n. 1, p. 514 ; xvi, n. 2, p. 51 S ; xvii, n. 2, p. 522 ; xvin, n. 1, p. 524 ; xix, n. 2, p. 525 ; lxxi, n. 2, p. 772 ; lxxiv, n. 1, p. 799 (citation du pape Etienne), n. 12, p. 809. On trouve la même imposition des mains pour la réconciliation des pénitents dans deux suffrages émis au concile de septembre 256, Sententiæ episcoporum, n. 8 et 22, p. 441, 445. Nous avons ainsi, chez Cyprien, tout l’essentiel du rite sacramentel de la pénitence.
Cyprien s’étend longuement sur les qualités que doivent posséder les évêques et les ministres inférieurs à l’épiscopat. Il détaille minutieusement toutes les conditions d’une ordinatio justa et légitima. Mais il est, au contraire, très discret sur le rite sacramentel de l’ordination. Chez Cyprien, les mots ordinare, ordinatio, Epist., lxxii, n. 2, p. 770 ; lxvii, n. 4, p. 738 ; xxxviii, p. 579-581, et d’autres mots dans le cas du prêtre et des sous-diacres et lecteurs, Epist., xl, p. 585-586, désignent immédiatement l’élection même à l’ordre ; mais, dans leur sens plénier, ils expriment aussi le rite sacramentel, qu’à coup sûr Cyprien ne méconnaît pas. Il y fait même une allusion directe, à propos de la consécration épiscopale de Sabinus Epist., lxvii, n. 5, p. 739. Une autre allusion se rencontre sous la plume du pape Corneille, écrivant à Cyprien, Epist., xlix, n. 1, p. 610, à propos de Novatien, qui, on le sait, se procura l’imposition des mains de trois évêques d’Italie. Voir Ordre, t. xi, col. 1246. L’ordination a pour effet de conférer le Saint-Esprit : or, le Saint-Esprit ne se trouve que dans l’Église catholique. Les ordinations faites par des hérétiques ou des schismatiques sont donc nulles : validité et licéité ne font qu’un pour Cyprien. Epist., lxix, n. 11, p. 759 ; cf. n. 8, p. 757. Confusion qui sera une source de conflits pendant mille ans dans l’Église catholique, voir Réordinations, t. xiii, col. 2396 sq., mais qui aura du moiiu-i pour résultat, comme la querelle des rebaptisants, de mettre en évidence la distinction entre validité et licéité.
En somme, du moins pour les cinq sacrements dont on vient de parler, saint Cyprien possède déjà une notion suffisamment nette du signe sacré, producteur de la grâce dans l’âme de qui le reçoit. Peu de choses manquent encore pour arriver à la notion complète et définitive.
3. Les prédécesseurs immédiats de saint Augustin au IVe siècle. —
L’Église latine, au IVe siècle, connaît, sans discussion possible, les rites producteurs de la grâce que nous désignons aujourd’hui sous le nom de sacrements. Toutefois, ce nom est encore plus spécialement réservé aux trois sacrements de l’initiation chrétienne, baptême, confirmation, eucharistie. C’est uniquement de ces sacrements qu’ont parlé saint Ambroise dans son De mysteriis et l’auteur du De satramentis. Toutefois, ces auteurs ont émis des idées générales qui peuvent s’appliquer à tous les sacrements.
Ces deux auteurs distinguent nettement le rite lui-même et la grâce produite en celui à qui l’on applique le rite. Ambroise, De mysteriis. n. 8, 11, 20, P. L., t. xvi (édit. de 1866), col. 408 B, 409 C, 4Il B ; De sacramentis, t. I, n. 10, col. 438 C. Mais le rite lui-même comporte un symbolisme, répondant à la double nature de l’homme, et qui est à la base de son efficacité. L’eau ou l’ablution est la figure de la purification intérieure qui résulte du baptême. Cum ex duabus naturis homo, id est, ex anima subsistât et corpore, visibile per visibilia, invisibile per invisibilia consecratur. Aqua enim corpus abluitur, Spiritu animai delicla mundantur. S. Ambroise, In Luc, t. II, n. 79, t. xv, col. 1663 C. Dans l’eucharistie, ce qu’on voit après la consécration n’est qu’un signe de ce qui est en réalité. De mijst., n. 50, 52, 54, t. xvi, col. 422 C, 424 A, 124 C ; De sacr., t. IV, n. 14-16, col. 446-447.
Ce symbolisme efficace est particulièrement développé par Ambroise, qui en a puisé la doctrine chez les Alexandrins. « Les eaux baptismales sont efficaces parce que l’Esprit-Saint, comme autrefois l’ange de la piscine (cf. Joa., v, 4), descend sur elles, et leur communique par sa présence le pouvoir de guérir les maladies de nos âmes : Si qua ergo in aqua gratia, non ex natura aquæ, sed ex præsentia est Spiritus Sancti. » De Spiritu Sancto, t. I, c. vi, n. 77, t. xvi, col. 752. Cf. Prologue, n. 18, col. 737 ; De myst, n. 1 9, col. 4Il B. C’est la « consécration » des eaux, faite par les prières du prêtre et le « mystère de la croix » qui attire l’Esprit-Saint sur elles et les rend salutaires. De Spir. Sancto, t. I, n. 88, col. 755 A ; De myst., n. 14, col. 410 B. Pourrat, La théologie sacramentaire, p. 17-18. Cette efficacité sacramentelle due à la présence, à la vertu de l’Esprit-Saint est une doctrine qu’Ambroise emprunte à saint Basile, voir ici col. 506, et sur laquelle il insiste avec force. Cf. De Spiritu Sancto, prologue, n. 18 ; t. I, c. vi, n. 77 ; De myst., c. iii, n. 8, t. xvi, col. 737 A, 782 B, 108 B. Dans ce dernier texte, Ambroise affirme la présence de la divinité dans le sacrement : Crede divinilatis illic adesse præsenliam. Operalionem credis, non credis prœsenliam ? Unde sequeretur operatio, nisi præcederel ante præsentia ? Ce n’est pas seulement l’Esprit-Saint qui agit dans le baptême, mais encore la croix de Jésus-Christ : Legisti quod très testes in baptismale unum sunt, aqua, sanguis et Spirilus (cf. I Joa., v, 8) ; quia, si in unum horum detrahas, non stat baptismatis sacramentum. Quid est enim aqua sine cruce Christi ? De mysteriis, c. iv, n. 20, col. 4Il B. Les eaux du baptême ne sont donc pas vides. Elles contiennent une vertu invisible aux yeux du corps, mais que la foi du fidèle doit discerner. Aon ergo solis corporis lui credas oculis : magis videtur quod non videtur ; quia istud temporale, illud œternum adspicitur, quod oculis non comprclicnditur, anima autem ac mente cemitur. De mysteriis, c. iii, n. 15, col. 410 B. La croix de Jésus-Christ sanctifie l’eau baptismale au moment même où cette eau est bénite : la bénédiction de l’eau se faisait, depuis longtemps déjà, par une prière accompagnée de signes de croix. Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Palis, 1898, p. 299-301.
Ambroise affirme de plus la nécessité d’un troisième élément : la formule trinitaire. Nisi (catechumenus) baptizatus fuerit in nomme Palris et Eilii et Spiritus Sancli, remissionem non potest accipere peccatorum, nec spiritualis gratiie munus iiaurire. De myst., c. iv, n. 20, col. 4Il B. Voir aussi De Spiritu Sancto, t. II, c. ii, n. 42, 43, col. 783 A, avec l’explication donnée de ce texte ici même, t. ii, col. 184. « Le symbolisme de chacune des cérémonies qui accompagnaient le baptême est expliqué par l’évêque de Milan… L’immersion est l’image de la mort du péché, qui est enseveli dans les eaux… Le lavement des pieds, cérémonie propre à l’Église de Milan, est l’indice de la purification de la faute héréditaire. Les vêtements blancs, que revêtaient les néophytes après leur baptême, sont un symbole de l’innocence recouvrée. » De myst., n. 30, 32, 34 ; cf. De Spiritu Sancto, t. I, n. 76, t. xvi, col. 415 B, 416 B, 417 B, 752 A.
Un auteur de second ordre doit être signalé ici, qui a fait progresser la théologie sacramentaire dans la question de la validité du sacrement administré en dehors de la véritable Église. C’est saint Optât de Milève, dans son traité De schismate donatislarum, P. L., t. xi. Voir ici, t. xi, col. 1079. Sans aller jusqu’à une nette et explieite distinction de la validité et de l’efficacité ou fructuosité du sacrement, Optât s’engage cependant résolument sur la voie qui y conduit. Pour lui, trois facteurs (species) sont à distinguer dans le baptême : la formule trinitaire avec laquelle on le confère, le croyant qui le reçoit, celui qui l’administre. Ces troia facteurs n’ont pas la même importance : deux sont nécessaires, le troisième est d’une nécessité moindre. Tout d’abord, l’invocation trinitaire : rien ne peut se faire sans elle. F.nsuite la foi du sujet baptisé. Enfin, vicina, quw simili auctoritatc esse non potest, la personne du ministre. L. V, n. 4, col. 1051 B. Le baptême est comme un corps qui a des membres, des éléments déterminés, invariables, qui ne sauraient changer. Or, la personne du ministre ne fait pas partie de ces éléments immuables. Les sacrements sont donc indépendants de lui. Ils sont saints par eux-mêmes, non par les hommes qui les donnent : sacramentel per se esse sancta, non per Iwmines. Col. 1053 A. Les hommes ne sont que les ouvriers, les ministres de Dieu, les instruments de Jésus-Christ, ministre principal du baptême. Ils ne sont pas les maîtres du sacrement qui est chose divine, ils ne font qu’en appliquer le rite. C’est Dieu qui purifie l’âme et la sanctifie et non pas l’hi/mme. Col. 1053 A. Optât parle d’une manière générale et étend lui-même ses conclusions à la confirmation. L. VII, n. 4, col. 1089 AB.
L’importance accordée par Optât à la formule trinitaire montre que cet auteur rejetait comme invalide le sacrement administré par des hérétiques, faute de vraie foi dans le sujet ou le ministre. On cite surtout t. I, n. 12 ; t. V, n. 1, col. 907-908, 1045 A. Voir aussi saint Pacien, £pisr., iii, n.3, 22, P. L., t. xiii, col. 1065, 1078. Quoi qu’il en soit, Optât n’hésite pas en ce qui concerne le baptême des simples schismatiques et des pécheurs manifestes : leur baptême est valide et ne doit pas être renouvelé. Cꝟ. t. V, n. 3, col. 1018 B.
Les Pères du ive siècle admettent que le baptême est efficace même à l’égard des enfants sans raison. Zenon, Tractatus, t. II, xiii, n. Il ; cꝟ. t. II, xliii, n. 1, P. L., t. xi, col. 353 B, 493 ; Sirice, Epist., i, n. 3, P. L., t. xiii, col. 1135 A. Il leur est nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux. Ambroise, De Abraham, t. II, c. xi, n. 81, P. L., t. xiv (édit. de 1866), col. 521 C. Ce baptême est unique et ne saurait être renouvelé, s’il est administré validement. Zenon, Tract., t. II, xxxvi, P. L., t. xi, col. 482 ; Ambroise, In Luc, t. VIII, n. 78, P. L., t. xv, col. 1880 D.
Du côté du sujet, certaines dispositions sont la condition de l’intervention divine. C’était déjà la thèse de saint Optât ; mais on note encore quelques hésitations touchant la portée de cette condition. S’agit-il d’une condition à la validité ou simplement à la fructuosité du sacrement ? La chose n’est pas claire. Voir la lettre de Sirice à Ilimérius de Tarragone, n. 2, P. L., t. xiii, col. 1133 A, et S. Ambroise, lie Spirilu Sancto, t. I, c. iii, n. 42, P. L., t. xvi, col. 713 A.
Nous trouvons également chez nos auteurs les indications relatives aux ministres du baptême. Cf. S. Jérôme, Dialog. contra luciferianos, n. 9, P. L., t. xxill (édit. de 1865), col. 1 72 BC. Mais ils s’étendent surtout sur les effets produits par ce sacrement. Le baptême efface les péchés, nous dépouille du vieil homme, nous icvèt de Jésus Christ et nous régénère ; il nous rend les temples de Dieu, les enfants adoptifs de Dieu, nous communique le Saint-Esprit, donne à nos corps l’immortalité et nous met en possession de l’héritage céleste. Cf. S. Ililnirc. //( ps. i.xiii. n. Il ; I..WII, n. 30 ; LXV, n. M. P. L., t. ix, col. 344 A, 165 A, 128 C ; In Matth., c. n. n. 6 ; c., n. 2 I. ibid., col. 927 B, 976 C ; Victorin de Pettau, In epist. ad Galatas, iii, ꝟ. 27 ; iv, f 10, P. L., t. viii, col. 1173 B, 1184 B ; Zenon, Tract., t. I, xii, n. 4 ; xiii, n. Il ; t. II, xiv, n. 4 ; xxvii, n. 3 ; xl : l ; lxiii, P. L., t. xi, col. 341 B, 353 A. 136 sq., 469 B, 488 sq., 506, 510 A ; S. Pacien, Senti, de baptismo, n. 3, 6, P. L., t. xiii, col. 1091, 1C92 ; S. Ambroise, In ps. cxviii, serm. i, n. 17, P. L., t. xv, col. 1271 D ; De Caïn et Abel, t. II, n. 10, t. XIV, col. 361 AB ; De interpellation Job et David, 1. II. n. 36, ibid., col. 866 CD ; cf. De sacramentis, t. III, c. i, n. 2, P. L., t. xvi, col. 450 C ; S. Jérôme, Dialog. contra luciferianos. n. 6, P. L., t. xxiii. col. 168-169 ; Nicétas, De symbolo, n. Kl, P. L., t. lii, col. 871 C.
Le rite de la confirmation présente, lui aussi, le symbolisme et l’efficacité propre aux rites sacramentels. C’était l’imposition de la main et l’onction d’huile parfumée qui la suivait. L’existence de ce rite est affirmée par tous nos auteurs. En sortant de la piscine baptismale, le baptisé recevait une onction verticale sur la tête, et l’évêque lui imposait ensuite la main en invoquant l’Esprit septiforme. Sur cette onction, faite avec le saint chrême par le prêtre ou par l’évêque, voir ici t. ii, col. 216. Bien n’indique qu’elle appartint à la confirmation. C’est au iv » siècle que l’usage s’introduisit à Borne, et plus tard dans les Églises de rite gallican, d’ajouter à l’imposition de la main un signe de croix fait au front avec le pouce trempé dans le saint chrême. Voir ici, t. iii, col. 1939. Cf. P. Galtier, La consignation à Carthage et à Rome, dans Recherches de science religieuse, juillet 1911 ; La consignation dans les Églises d’Occident, dans Revue d’histoire ecclésiastique, janvier 1912. Le résultat de cette cérémonie est de parfaire le chrétien, quia post jontem superest ut perjectio fiât, de faire descendre en lui l’Esprit-Saint, de lui imprimer une marque, un caractère, spiritale signaculum, signaculum quo fides pleno fulgeat sacramento. De sacramentis, t. III, n. 8, P. L., t. xv, col. 434 ; S. Ambroise, De mysteriis, n. 41-42, t. xvi, col. 401-402. Saint Ambroise expose les multiples symbolismes de la confirmation. L’onction rappelle l’onction faite autrefois sur la tête et sur la barbe d’Aaron ; elle est la figure de l’onction spirituelle, par laquelle nous sommes oints membres du royaume de Dieu et prêtres. Ibid., n. 30, col. 415. Sur la distinction de la confirmation et du baptême, voir plus loin, Institution des sacrements, et ici, t. iii, col. 1011-1042.
Les Pères du IVe siècle n’ont aucune hésitation sur la puissance de^ paroles consécratoires du pain et du vin dans l’eucharistie. La présence réelle est un dogme affirmé par eux avec une netteté absolue. Voir ici Eucharistie, t. v, col. 1151-1158. Si quelques expressions leur échappent encore, empruntées au symbolisme des espèces sacramentelles, elles ne détruisent pas la force de leur témoignage en faveur du réalisme et s’expliquent facilement en raison du symbolisme lui-même dont elles procèdent. Ce symbolisme sacramentel de l’eucharistie est exprimé avec une rare précision par saint Ambroise, grâce à sa doctrine déjà très explicite de la conversion eucharistique. La « consécral ion divine » de l’eucharistie, « opérée par les paroles mêmes du Christ », « change la nature » du pain et du vin et en fait « le sacrement du corps et du sang du Sauveur ». Quand on considère ce mystère, bien mieux encore que lorsqu’il s’agit du baptême, il ne faut pas s’arrêter à ce qui se voit. Ce qui se voit, C’est le sacrement du corps et du sang du Christ, c’est-à-dire le signe, le symbole sous lequel le corps et le sang du Christ sont réellement piésents : Forte dieas : aliud video, quomodo tu mihi asscris quod Christi corpus accipiam ?… Probemus non hoc esse quod nniuro formavit, sed quod benedictio consecravit…
Quod si tantum valuit humana benedictio, ut naturam converteret (cf. III Reg., xviii, 38), quid dicimus de ipsa consccraticne divina, ubi verba ipsa Dtmini salvatoris operantur ? Kam sacramentum islud quod accipis, Christi sermone conflcitur… Ante benedictionem verborum cœlestium alia species ncminatur, post consecratiunem corpus significatur. De mysteriis, n. 50, 52, 54, P. L., t. xvi, col. 422 C, 423 C, 424 C. Cf. De sacramentis, I. IV. n. 14, 23, col. 459 A, 463 B. Ce texte ambrosien est capital ; il marque non seulement le symbolisme des espèces après la consécration, mais encore l’efficacité des paroles empruntées au Christ lui-même. La même valeur d’expression se retrouve dans le texte du De sacramentis, dont l’auteur semble avoir copié saint Ambroise : Tu forte dicis : Meus panis est usitaius. Scd panis iste panis est ante verba sacramentorum : ubi accesseril consecratio, de pane fil euro Christi. E+, pour expliquer l’efficacité des paroles sacramentelles, il prend l’exemple de la création : Si lanta vis est in sermone Domini Jesu ut inciperent esse qua> non erant, quanta magis operatorius est ut sint quie erant et in aliud c< mmutentur. Et la même efficacité se révèle par rapport au vin : Ante verba Christi calix est vini et aquie plenus : ubi verba Christi operata fuerint, ibi sanguis Christi efficitur, qui plebem redemit. L. IV, n. 14-16, 19, 23 ; cꝟ. 25 ; t. VI, n. 2-4, P. L., t. xvi, col. 459 sq., 462 A, 463 B, 464 A, 473 fq.
Outre l’efficacité dans la conversion au corps et au sang du Christ, il y a encore l’efficacité sanctifiante de l’eucharistie. C’est ce que l’évêque de Milan veut exprimer en affirmant que le corps de Jésus-Christ dans l’eucharistie est un corps spirituel, c’est-à-dire une nourriture spirituelle, la nourriture que peat donner le Verbe qui est esprit. De mysteriis, n. 58, P. L., t. xvi, col. 426 B. Aussi l’auteur du De sacramentis, îecommande-t-il la communion fréquente, voire quotidienne : Accipe quotidie quod quotidie tibi prosit. Sic vive, ut quotidie merearis accipere. L. V, n. 25, t. xvi, col. 471 C. Il blâme les Grecs qui ne communient qu’une fois l’an. ld., ibid. Cette communion exige des dispositions de la part du chrétien, tout au moins une conscience pure. La communion sacrilège encourt une condamnation divine. Cf. Zenon, Tract., t. I, xv, n. 6, P. L., t. xi, col. 566 ; S. Ambroise, De pirnitentia, t. II, n. 87, t. xvi, col. 539 AB ; l’Ambrosiaster, In epist. / am ad Cor., xi, 27-29, t. xvii, col. 256 CD. Bien reçue, l’cueharisti ? produit dans l’âme des fruits précieux. Le piemier et le plus grand est de nous faire entrer par la chair du Christ en participation de sa divinité : quia idem Dominus noster Jésus Christus consors est et divinitatis et corporis ; et tu, qui accipis eurnem, divins ?, ejus substantise in illo partici paris alimento. De sacramentis, t. VI, n. 4, P. L., t. xvi, col. 475 A ; cf. S. Hilaire, De Trinitate, t. VIII, n. 13-14, P. L., t. x, col. 246-247. Cette participation à la divinité du Sauveur nous communique la vie, la vie surnaturelle, la vie éternelle, la rémission des péchés, le pouvoir de produire des œuvres de salut et de nous combler de joie céleste. Cf. S. Hilaire, In ps. CXXVII, n. 6, P. L., t. ix, cjl. 706 B ; S. Ambroise, De benedictionibus patriarcharum, n. 39, P. L., t. xiv, col. 720 A ; In Luc, t. X, n. 49, t. xv, col. 1908 C ; et l’auteur du De sacramentis, t. V, n. 14-17, t. xvi, col. 468-469.
Les autres sacrements, pas plus au IVe siècle qu’aux époques précédentes, ne se prêtent, sous la plume des écrivains ecclésiastiques, à des considérations sur leur symbolisme. Du moins leur efficacité est-elle attestée, avec la même force.
Saint Pæien affirme, dans l’Église, le pouvoir de pardonner les péchés. Ce pouvoir appartient aux évêques, qui ont reçu le droit de lier et de délier.
Epist., iii, n. 12 ; cf. Epist., i, 5, 6, non pas qu’ils le fassent par leur propre vertu, mais parce qu’ils agissent au nom de Dieu : Solus hoc, inquies, Deus poteril. Verum est, sed et quod per sacerdotes suos facit, ipsius potestes est. Ibid., i, n. 6 ; iii, n. 7. Ce pouvoir n’est pas attaché à kur sainteté personnelle, mais il découle tout entier ex apostolieo jure, i, n. 7, et il est distinct du pouvoii de remettre les péchés dans le baptême, iii, n. 11, P. L., t. xiii, col. 1071, 1055 sq., 1057 A, 10C8 AB, 1058 A, 1070 sq. Bien plus, Pacicn établit un parallélisme entre l’action des sacrements de baptême et de confirmation et l’action de la discipline pénitenticlle. Si ergo et lavacri et chrismatispotestas, majorum (et) longe charismatum ad episcoposinde descendit (c’est-à-dire des apôtres), et ligandi quoque jus adjuit atque solvendi. Epist., i, n. 6, P. L., t. xiii, col. 1057. Voir ici, t.xii, col. 810.
Saint Ambroise enseigne pareillement l’efficacité de la pénitence, le pouvoir des prêtres de remettre les péchés, pouvoir emprunté à Dieu lui-même et dans l’exercice duejuel les prêtres ne sont cpie l’instrument de la Trinité : Ecce quia per Spiritum Sanctum peccata donantur. Homines autim in remissionem peccatorum minirterium suum exhibent, non jus alicujus potestatis exercent. Keque enim in suo, sed in Palris et Filii et Spiritus Sancti nomine peccata dimittunt. De Spiritu Sancto, I. III, n. 137, P. L., t. xvi, col. 842 D. Cf. De psenittntia, t. I, n. 7, 36, 37. col. 488, 497 CD, 498 A ; lnps. xxxrm, n. 37, 38, t.xiv, col. 11( 7-1108 ; lnps. vxviii, serm. x, n. 17, P. L., t. xv, col. 1405 ; De Cain et Abel, 1. II. n. 15, P. L., t. xiv, col. 368 D. Noir également S. Hilaire, In Matth., c. xviii, n. 8, P. L., t. ix, col. 1021 B ; S. Jérôme, Epist., xiv, n. 8, P. L., t. xxii, col. 352 ; In Ecclesiasten, c.xii, ꝟ. 4, P. L., t. xxiii, col. 1165 ; Tractatus in ps. xcv, dans Anecdota Marcdsolana, ni (2), p. 134.
Nous n’avons pas ici à considérer les actes de la pénitence, ni les progrès qu’y apporte la discipline du ive siècle, en Occident. Voir ici t.xii, col. 794 sq. Le seul point qui importe au concept du sacrement est de savoir si la sentence de réconciliation portée par l’Église est simplement déclaratoire au for de Dieu, ou si elle possède une réelle efficacité par rapport à la rémission même des péchés. Voir ici, t.xii, col. 810812. On ne peut nier que certains textes, notamment ele saint Jérôme, In Matth., xvi, ꝟ. 19, P. L., t. xxvi, col. 118 ; cf. Dialog. adv. lucijerianos, n. 5, t. xxiii, col. 167, laisseraient penser à une formule déclaratoire. Voir aussi S. Ambroise, De Spiritu Sancto, t. III, n. 137, P. L., t. xvi, col. 842 D-843 A. Mais ces textes pe uvent être - — et, à notre avis doivent être — interprétés dans le sens d’un pouvoir ministériel, instrumental, excluant, en ce qui concerne le premier texte de Jérôme, le pouvoir de juger arbitrairement, de lier l’innocent et de délier le coupable. Les textes ele saint Pacien, de saint Ambroise et du De sacramentis sont assez nets pour nous donner l’idée d’un véritable pouvoir de remettre les péchés, mais d’un pouvoir communiqué par Dieu à l’homme, son instrument.
Pour la première fois, apparaît une mention de l’extrême-onction, dans la lettre xxv d’Innocent I er (416) à Décentius, n. 11, P. L., t. xx, col. 559 sq. Pour l’exégèse de cette lettre, en ce qui concerne l’extrêmc-onction, voir ce mot, t. v, col. 1952 sq. Deux points impoitent ici. Innocent reconnaît l’extrème-onction comme l’un des sacrements : elle doit être refusée aux pénitents, quibus reliqua sacramenta negantur. De plus, il lui reconnaît, sans l’expliquer positivement, un certain effet par rapport au malade, sans exclure, s’il y a lieu, la rémission même des péchés. Sans doute, le mot sacramenta n’a pas encore ici le sens qu’il aura plus tard, mais il désigne à coup sûr une opération sanctifiante pour l’âme. « Le pape se sert de ce terme pour nommer les rites refusés par l’Église aux indignes, c’est-à-dire le viatique et la réconciliation qui n’est accordée aux pécheurs que dans des circonstances déterminées et à certaines conditions. L’onction est assimilée à ces deux actes ; elle est, d’une manière analogue, un moyen de grâce. » Extuf.mic-onction, t. v, col. 1953.
La théologie du sacrement de l’ordre n’apporte aucun élément nouveau dans le concept de signe efficace. Le rite de l’ordination est toujours l’imposition des mains avec les prières appropriées à chaque ordre. Voir ici Ortmu ;, t. xi, col. 1247 sq. L’universalité du rite est un fait incontestable et incontesté ; et ce rite constitue essentiellement le rite du sacrement. Voir col. 1254, art. cit.
La théologie du mariage est fort peu développée. Les Pères se contentent d’affirmer, contre les manichéens, la bonté morale du mariage. Quelques Pères affirment cependant plus nettement que la grâce est annexée au mariage. Cf. S. Ambroise, De Abraham, t. I, C. vii, P. L., t. xiv, col. 442 ; S. Innocent I er, Episl., xxxvi, P. L., t. xx, col. 602. On trouve aussi une allusion à la bénédiction du prêtre, consacrant le mariage, dans les Statuta ecclesiastica antiqua, c ci, P. L., t. LVï, col. 889. Le symbolisme, indiqué par saint Paul, Eph., v, 22-23, est rapporté par î’Ambrosiaster dans son commentaire sur ce passage, P. L., t. xvii, col. 420 C.