Dictionnaire de théologie catholique/VERTU. I. Notions positives
VERTU. —
I. Notions positives.
II. Habitus et vertu, col. 2753.
III. Vertus naturelles, col. 2757.
IV. Vertus surnaturelles, col. 2759.
V. Vertus intellectuelles, col. 2774.
VI. Vertus morales, col. 2776.
VII. Vertus théologales, col. 2782.
VIII. Connexion des vertus, col. 2784.
IX. Juste milieu des vertus, col. 2791.
X. Durée des vertus, col. 2794 —
Conclusion. Les vertus et la vie chrétienne col. 2796.
I. Notions positives.
I. ENSEIGNEMENT DE L’ÉCRITURE.
1° Le mot.
D’après l’étymologie, la vertu désigne la supériorité propre à l’homme (vir), qui lui fait mépriser la douleur et la mort. Cf. Cicéron, Tusculanes, II, xviii. Elle implique donc force, vigueur, puissance. En un sens plus général, vertu signifie perfection, valeur, prospérité, bonheur, gloire. Saint Thomas rapproche parfois virtus de vis. Cf. In IIIum Sent., dist. XXIII, q. i, a. 1.
Dans la Bible, la Vulgate a rendu par virtus trois expressions des Septante, δύναμις, ἰσχύς et ἀρετή. Il faut mettre à part l’expression Dominus ou Deus virtutum (Κύριος τῶν δυνάμεων ; hebr. ; Yahveh ou Elohê Sabaoth, Dieu des armées).
1. Dans l’Ancien Testament, l’idée de force, de puissance, qui prédomine, est rendue chez les Septante soit par δύναμις soit par ἰσχύς. Δύναμις (virtus) se lit spécialement dans les ps. xvii (Vulg. et ainsi de suite), 33 ; xx, 2, 14 ; xxxii, 6, 16 (avec, dans le même verset, ἰσχύς), 17 ; xlvii, 14 ; liii, 12 ; lxii, 2 (avec le sens de « majesté ») ; lxv, 3, 7 ; lxvii, 12, 29, 34, 35, 36 ; lxxvi, 15 ; lxxxviii, 18 ; cix, 2, 3 ; cxxxvii, 3 ; cxliv, 6 ; cl, 1 ; cf. Sap., i, 3 ; vii, 23, 25 (gloire divine) ; xii, 17 ; xiii, 4 ; xvi, 19, 23 ; xix, 19 ; Judith, iv, 13 ; v, 19, 27. On lit aussi parfois δυναστεία, ps. xx, 14 ; lxiv, 7 ; lxxvii, 26 ; cl, 2 et κράτος dans Sap., xv, 3. Ἡ ἰσχύς se lit dans les ps. xxi, 16 (traduction peut-être défectueuse) ; xxviii, 4, 11 ; xxxii, 16 ; lxx, 9 ; dans Sap., x, 2 ; xii, 18. Les deux termes sont unis, δυνατοί ἰσχύι, ps. cii, 20.
Le terme ἀρετή, marque ce qui plaît et peut signifier n’importe quelle supériorité ou excellence : santé du corps, force, gloire, honneur. Mais plus spécialement déjà, il marque une excellence d’ordre moral. C’est sous ce dernier aspect que l’emploie la Sagesse, v, 13 (ἀρετή est ici opposé à κακία) ; viii, 7 (on remarquera en ce dernier texte l’énumération des quatre vertus cardinales, la force, ἁνδρία, étant comprise avec la sobriété, la prudence et la justice parmi les « grandes vertus », ἀρετή. Le ps. xvii, 33, 40, emploie δύναμις dans le sens d’ἀρετή.
2. Le Nouveau Testament met en relief le caractère moral ou surnaturel de la vertu. Les prodiges, effets de la puissance divine émanant du Christ, sont fréquemment appelés δυνάμεις, virtutes. Cf. Matth., vii, 22 ; xi, 21, 23 ; xiii, 58 ; Marc, vi, 5 ; Luc, v, 17 ; vi, 19. Voir ici Miracle, t. x, col. 1800 ; Jésus-Christ, t. vii, col. 1189. L’aspect moral est plus manifeste dans la parabole des talents : dedit… unicuique secundum propriam virtutem. Matth., xxv, 15. Le Christ lui-même est désigné par l’Apôtre comme « puissance et sagesse de Dieu ». I Cor., i, 24.
Le terme ἀρετή se lit quatre fois dans le N. T. : Phil., iv, 8, si qua virtus, si qua laus disciplinæ, hæc cogitate (vertu est ici synonyme de digne de louanges) ; I Pet., ii, 9, annuntiate virtutes (les perfections) Dei ; II Pet., i, 3, vocavit nos propria gloria et virtute(gloire et honneur pour Dieu dans notre vocation) ; ibid., i, 5, ministrate in fide vestra virtutem, in virtute autem scientiam (vertu équivaut ici à probité, volonté de faire le bien).
2° La chose. — La notion abstraite de « vertu » n’existe pas en hébreu. Les hommes vertueux sont dits « justes ». Voir Dict. de la Bible, art. Justice, t. ii, col. 1875. Les expressions varient pour rendre cette idée générale. Les hommes justes, δυνατοί, sont industrii (Gen., xlvii, 6), potentes et timentes Deum (Ex., xviii, 21), strenui (ibid., 25). La femme vertueuse, γυνὴ δυνάμεως ou ἀνδρεία, est dite mulier virtutis, Ruth, iii, 11 ; diligens, Prov., xii, 4, ou fortis, ibid., xxxi, 10.
Les différentes vertus sont explicitement ou équivalemment
indiquées dans les Livres saints. On trouvera les références
dans les articles du Dictionnaire de la Bible (en
italique) ou du présent Dict. de théologie (petites capitales) :
Charité, t. ii, col. 591 ;
Charité, t. ii, col. 2252 ;
Chasteté
(inexistante dans l’A. T.), ibid., col. 624 ;
Chasteté,
t. ii, col. 2321 ;
Crainte de Dieu, ibid., col. 1099 ;
Dons du Saint-Esprit, t. iv, col. 1749-1752 ;
Espérance (confiance, refuge, etc., dans l’A. T.), ibid., col. 1965 ;
Espérance, t. v, col. 605-606 ; 630 ;
Foi, ibid. col. 2296 (spécialement dans
l’A. T.) ;
Foi, t. vi, col. 57-78 (différentes acceptions
de πίστις ; cf. Judith (Livre de), t. viii, col. 1717-1718 ;
Humilité (Bassesse de condition ou vertu chrétienne),
t. iii, col. 777 ;
Humilité, t. vii, col. 326 ; cf. Orgueil, t. xi, col. 1412 et Luxe, t. ix, col. 1337-1338 ;
Justice
(pratique générale des vertus), t. iii, col. 1875-1876 ;
Justice, t. viii, col. 2016 et surtout Justification,
col. 2043-2077 ;
Miséricorde (de l’homme), t. iv, col. 1131 ;
Obéissance, t. IV, col. 1720 ;
Enfants, t. v, col. 26 ; cf. Loi,
t. ix, col. 888-889 (voir aussi t. i, col. 295 et 903) et Décalogue, t. iv, col. 170 ;
Patience, t. iv, col. 2180 ; Patience,
t. xi, col. 2219 ;
Pénitence, t. v, col. 37-39 ; Pénitence,
t. xii, col. 724-729 ; cf. Contrition, t. iii, col. 1672 et
Ascétisme, t. i, col. 2057 ;
Prudence, t. v, col. 803 ;
Reconnaissance,
ibid., col. 1006 ;
Renoncement, ibid., col. 1045 ;
Sagesse, ibid., col. 1349 ;
Simplicité, ibid., col. 1746. Voir
aussi Morale, t. x, col. 2424-2430 ;
Persévérance,
t. xii, col. 1256-1261 ;
Religion (Vertu de), t. xiii,
col. 2183-2184 et Sainteté, t. xiv, col. 842-843, 860.
1. L’Ancien Testament.
En se reportant à ces différents articles, on constatera que les vertus, précisément parce qu’elles n’ont eu leur plein épanouissement que dans le christianisme, ont été décrites et enseignées principalement dans le N. T.
Il ne faudrait pas cependant croire que l’A. T. les ait ignorées. Dans l’analyse faite ici de certains livres, on a pu voir que l’idée des vertus à pratiquer, de la sainteté intérieure à réaliser, n’en était pas toujours absente. En suivant l’ordre de la Vulgate, on se reportera principalement à Genèse, t. vi, col. 1204-1206 ; Exode, t. v, col. 1760 ; Lévitique, t. ix (Loi de sainteté, col. 466 sq. ; Doctrine de la sainteté, col. 490493) ; Deutéronome, t. iv, col. 662-663 (Obéissance). En insistant sur le culte extérieur et les sacrifices, les livres des Rois, t. xiii, col. 2801, 2841, indiquent ce que pouvait être, chez les Juifs, la vertu de religion. Esdras et Néhémie, t. v, col. 550-551, enseignent la fidélité, le culte de la Loi, le règne de la justice. Le livre de Tobie est un éloge vivant de la charité envers le prochain, de la piété envers Dieu, de la soumission aux desseins de la Providence (voir la belle prière de Tobie, iii, 1-6, 12-23) et même de la continence (viii, 4-5). Cf. Tobie, t. xv, col. 1173 sq. Le livre de Judith, t. viii, col. 1716-1717, comporte un aperçu de toute l’éthique juive ; cf. Machabées (Livres des), t. ix, col. 1490. Dans les parties deutérocanoniques d’Esther, on relèvera les sentiments d’admirable soumission et de confiance en Dieu dont témoignent Mardochée et Esther dans leur prière, viii, 9-17 ; xiv, 3-19. Job, t. viii, col. 1475-1478, a des vues profondes sur Dieu et l’ordre moral. On trouve dans les psaumes, t. xiii. col. 1128-1143, tout un programme de vie religieuse et morale ; cf. Dict. de la Bible, art. Psaumes, t. v, col. 820 (psaumes moraux) et surtout Dict. apol., art. Psaumes, t. iv. col. 193 (vertus individuelles et sociales). Des enseignements moraux assez développés se lisent dans les Proverbes, t. xiii, col. 929-931 ; et l’Ecclésiaste, malgré son pessimisme apparent, n’en est pas dépourvu, t. iv, col. 2023. Sur les exhortations de l’Ecclésiastique à la vertu et au devoir, voir t. iv, col. 2052. En prophétisant le royaume messianique, Isaie émet d’opportunes considérations sur les vertus qu’il comporte, t. viii, col. 64-66. Jérémie insiste sur le devoir du culte et de l’obéissance, t. iii. col. 871-877, et Ézéchiel, sur la nécessité de la justice, t. v, col. 2040. Les petits prophètes flétrissent les désordres dans la vie morale ; cf. Osée, t. xi, col. 1646 ; Amos, t. i, col. 1117-1118 ; Malachie, t. ix, col. 1749-1750 ; Nahum, t. xi. col. 13 ; Michée, t. x, col. 1651 sq. Jonas enseigne la pénitence, t. viii, col. 1197-1198 et Sophonie recommande l’humilité pour restaurer Israël, t. xiv. col. 2378. Voir aussi Judaïsme, t. iii. col. 1627-1628.
2. Le Nouveau Testament.
C’est surtout ici que la notion chrétienne de la vertu apparaît avec tout ce qu’elle comporte de dispositions morales, complétant ainsi et corrigeant la notion souvent extérieure et juridique qu’en avait laissée l’Ancien Testament.
Il suffirait de rappeler le sermon sur la montagne, Matth., v-vii, avec les béatitudes, v, 12 sq. ; cf. Luc, vi, 20-23 ; les compléments qu’apporte à la Loi ancienne la Loi nouvelle. Matth., v, 17-48 ; cf. Luc, vi, 24-45 ; l’indication des vices à fuir dans la vie chrétienne, Matth., vi, 1-vii, 6 ; des vertus à pratiquer, ibid., vii, 7-20. Mais tout l’évangile est rempli d’exhortations à la vertu proprement dite : la pénitence avec les fruits du repentir, Matth., iii, 1-6 ; Marc, vi, 12 ; Luc, iii, 8 ; la fidélité à la parole donnée et la véracité, Matth., v, 33-37 ; le renoncement et l’amour de la mortification, Matth., xvi, 24-25 ; cf. xix, 16-29 ; Marc, ix, 34 ; Luc, ix, 47-48 ; l’humilité, Matth., xviii, 1-6 ; cf. xxiii, 1-12 ; Marc, ix, 34 ; Luc, ix, 47-48 ; la vigilance et la prière, Matth., xxvi, 41 ;. Marc, xiv, 38 ; la miséricorde, plus encore que le sacrifice, Matth., ix, 13 ; la foi, Matth., viii, 5-13 ; cf. xxi, 21-22 ; Marc, xvi, 16 ; l’amour de Dieu et du prochain, Matth., xxii, 34-40 ; Marc, xii, 29-31, etc. Voir ici les art. Matthieu (Saint), t. x, col. 367 ; Marc (Saint), t. ix, col. 1955-1956 ; Luc (Saint), t. ix, col. 997-999.
L’enseignement des apôtres est conforme à celui de l’Évangile. Le grand précepte de l’amour que saint Jean a fortement souligné dans son évangile, xv, 12-27, et qui doit aboutir à la sanctification des hommes, xvii, 9-26, se retrouve dans les épîtres johanniques, I Joa., iv, 7-21 ; cf. II Joa., 6, avec la vertu de foi comme racine de la charité, I Joa., v, 1-5. Voir Jean (Saint), t. viii, col. 574-578, 591.
Les Actes montrent la première communauté chrétienne pratiquant la vertu de la charité et l’entraide fraternelle, iv, 32-35. Voir ici t. i, col. 351-352, cf. Jacquier, Les Actes des Apôtres, Paris, 1926, p. ccvi sq.
Saint Pierre exhorte à la pénitence, Act, ii, 38 ; iii, 19-20 ; à l’obéissance à Dieu de préférence aux hommes, Act, iv, 19-20 ; v, 20 ; à l’obéissance aux autorités légitimes. I Pet., ii, 13-25 ; v, 5. Sa première épître préconise la foi, l’espérance, l’amour fraternel, i, 21-23, cf. iv, 8, la véracité et la loyauté, ii ; la prudence et la sobriété, iv, 7. Elle recommande aux épouses la soumission à leurs maris, la chasteté, la modestie, iii, 1, à tous, les soucis de la plus grande charité fraternelle, iii, 12. Voir Pierre (saint), t. xii, col. 1773-1774 (les vertus chrétiennes). La seconde épître débute par un pressant appel à la pratique des vertus, i, 5-11.
Saint Jacques écrit une instruction pratique sur quelques devoirs de la vie chrétienne : aux judéo-chrétiens, il rappelle comment la foi ne saurait exclure la pratique des autres vertus, dont les œuvres ont leur place marquée dans l’économie du salut, ii, 14-26. Humilité, charité, patience, détachement des biens du monde, telles sont les vertus auxquelles l’auteur de l’épître convie ses destinataires, v, 1-11. Voir ici t. viii, col. 279-281.
L’enseignement de saint Paul est plus complet. Un certain nombre de ses épîtres ont une partie morale consacrée a l’éloge des vertus chrétiennes. Rom., xii, 1-xv, 13 ; Gal., v. ivi, 18 ; Eph., iv, 1-vi, 9 ; Col., iii, 1-iv, 6 ; I Thess., iv, 1-v. 22. Les épîtres pastorales ne sont, au fond, qu’une exhortation adressée à Timothée et à Tite, relativement aux vertus qu’ils doivent pratiquer dans leur charge. On notera surtout rémunération de I Tim., vi, 11-12 et la recommandation faite à Timothée, il Tim., i, 7. de se laisser diriger par « un esprit de force, d’amour et de modération ». Après avoir rappelé a Tite les qualités de l’évêque, Tit., i, 6-9, saint Paul lui énumère les vertus dont il doit prêcher la pratique aux différentes classes de la communauté. ii, 2 10.
Sur l’enseignement général de saint Paul, on consultera l’art. Paul (Saint), t. xi, col. 2432 (le don de la justice de Dieu), 2439 (la justification), 2442 (la foi), 2444 (les fruits de la justification et la vie chrétienne), 2460 sq. (les conditions de l’appartenance au corps mystique du Christ), 2I7.V2 177 (la prière, la discipline et ses exigences). Voir également Romains (Êplire aux), t. xiii, col. 2887 (condition morale et destinée de l’homme), 2890 (Mystique) ; Corinthiens (Première éptlre aux), t. iii, col. 1855 (vertus théologales, prière) ; CoRiNTHiENS(.S’m>n</ei ; pf7re « ij.r), ibid., col. 1859 (onction et sigillation), 1860 (transformation) ; Galates (Éptlre aux), t. vi, col. 1046 qustification par la foi), 1050-1051 (conséquences morales) ; IÏphésiens (Épttre aux), t. v, col. 185-187 (morale) ; Philippiens (Épllre aux), t.xii, col. 1429 sq. qustification) ; cf. col. 1426 (commentaire de ii, 5) ; Colossiens (Êplire aux), t. iii, col. 384-385 (morale) ; Thessaloniciens (Êplire aux), t. xv, col. 591 sq. ; Timothée et Tite (Épttres à), ibid, col. 1050 sq.
On trouvera, à ces références, de nombreuses indications relatives aux vertus préconisées par saint Paul dans la vie chrétienne. On se référera également à F. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, Paris, 1923, p. 401 sq., 560-561.
3° Conclusion.
De ces indications scripturaires,
deux points ressortent spécialement. — 1. La vertu, d’après la conception chrétienne est un principe intérieur de vie morale, qui doit diriger les relations de l’homme avec Dieu et avec ses semblables. Quand elle n’est pas la charité elle-même, amour de Dieu et amour du prochain, elle procède de cette charité ou s’en inspire pour orienter nos œuvres conformément aux exigences de notre destinée éternelle. — 2. La vertu ne saurait être considérée comme un secours passager ; elle est un principe intérieur, stable, permanent, nous communiquant une réelle fermeté dans le devoir et assurant notre persévérance dans le bien ; elle est donc une disposition de l’âme, marquant l’étonnante conversion de notre être tout entier, antérieurement tourné vers le mal et désormais, grâce à la rédemption du Christ et à la justification qui en procède, orienté vers le bien.
II. ENSEIGNEMENT DES PÈRES. —
Les différentes acceptions du mot « vertu » signalées dans l’Écriture, se retrouvent chez les Pères dans leurs commentaires des textes sacrés.
1° Le mot « vertu ». —
1. Vertus, anges ou puissances célestes. —
S. Hilaire, In ps. cxviii, n. 9 ; in ps. CXXXVI, n. Il ; In Matth., c. iii, n. 5, P. L., t. ix, col. 604 B, 782 A, 931 A ; S. Cyrille de Jérusalem, Cat., xxiii, n. 6, P. G., t. xxxiii, col. 1114 B ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xxviii, n. 31, t. xxxvi, col. 72 B ; S. Jean Chrysostome, Serm. paneg. de resurreclione morluorum, n. 7 (àTretpooc Suvàfisiç, vertus innombrables), t. l, col. 429 ; cf. In Gen., homil. iv, n. 5, t. lui, col. 44 ; S. Jérôme, Apol. adv. libros Rufini, t. I, n. 23, P. L., t. xxiii, col. 435 C ; S. Grégoire le Grand, Moral., t. XVII, c. xxix, n. 44 ; In evang. homil., t. II, homil. xxxiv, n. 7, 10, P. L., t. lxxvi, col. 31 C, 1249 D, 1251 CD. Dans ce dernier texte, saint Grégoire expose que les « Vertus » sont ainsi appelées, parce que ce sont les anges députés par Dieu pour accomplir des miracles. Enfin, S. Jean Damascène, De fide orth., t. II, n. 3, P. G., t. xciv, col. 872.
2. Vertu, puissance en général, émanation de la puissance divine. —
S. Hilaire appelle « vertus » les dons et pouvoirs surnaturels conférés en vue de l’évangélisation, In ps. LXVII, n. 12, 21, P. L., t. ix, col. 451 B, 457 C. Même des puissances ennemies sont des vertus. Ibid., n. 23, col. 459 C. Le Christ est « la Vertu de Dieu », ibid., n. 29, col. 464 AB, cf. n. 35, col. 467 BD. Dans le commentaire In ps. LIX, n. 13, il identifie « vertus » et armées, col. 390 B. Voir des interprétations analogues dans le commentaire //i Matth., c. vi, n. 5 ; c. xi, n. 9, 10 ; c. xiv, n. 2, col. 952 D, 982 C, 983 B, 997 A. Le sens de « puissance » se trouve également chez saint Ambroise, Expos, in Lucum, t. IV, n. 8 ; t. V, n. 4, P. L., t. xv (1849), col. 1614, 1636. Saint Jérôme accueille le sens de « force », « secours », « miracle » en plusieurs de ses commentaires : In Is., 1. XVII (c. lxiii, 7), P. L., t. xxiv, col. 637 BD ; cf. In Matth., 1. I (c. vii, 22), 1. II (c.xii, 20-21, 23-24 ; ’c. xiv, 58), P. L., t. xxvi, col. 50 C, 76 BC, 77 AB, 99 C. Dans un sens qui se rapproche du concept théologique de la vertu, sans s’éloigner cependant de l’idée de force ou de secours, saint Augustin parle de la vertu du Christ se substituant à la nôtre défaillante. In ps. LXX, enarr. i, n. 10, P. L., t. xxxvi, col. 881.
2° Le concept théologique de la vertu. —
1. Les Pères apologistes. —
Sans formuler d’une façon précise ce concept, les premiers apologistes, en opposant les vertus des chrétiens à la vie des païens, font ressortir l’idée fondamentale que la vertu est ordonnée vers le bien.
Dans Y É pitre à Diognète, le caractère moral et spirituel de la vertu apparaît dans la conclusion finale des oppositions relevées au c. v : « Ce qu’est l’âme dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde ». vi, 1. Aristide montre que la vertu permet aux chrétiens de vivre saintement et dans la justice. Apol, 15, P. G., t. xevi, col. 1121 CD. Théophile d’Antioche énumère les vertus pratiquées par les chrétiens : tempérance, continence, unité du mariage, chasteté, justice, obéissance aux lois, culte divin, foi. Ad Autol, iii, 18, P. G., t. vi, col. 1141 B. Voir également Minucius Félix, Octavius, 31, 35, P. L., t. iii, col. 337 A, 349 A ; Tertullien, Apologeticus, 1, 35, 38, 44, 50, t. i (1844), col. 307, 456-459, 471, 534. Ces vertus, déclare Origène, sont comme les lumières du monde. Cont. Celsum, III, 29, P. G., t. xi, col. 957 B. Lactance explique pourquoi les païens ne sauraient être bons, ayant abandonné religion et vertu, Div. Inst, t. V, c. v-vi, P. L., t. vi, col. 563569, tandis que, bons parce que vertueux, les chrétiens ne se contentent pas de connaître le bien, ils le pratiquent. L. V, c. xvi-xvii, xix ; t. VI, c. v, col. 599-604, 609, 651-657.
2. Avant saint Augustin. —
a) Lactance. —
Lactance, le premier, s’est efforcé de préciser le concept chrétien de la vertu. Il adopte l’étymologie proposée par Cicéron, virtus venant de vir. De opif. Dei, c.xii, P. L., t. vii, col. 57 B. Mais, dans les Institutiones, t. VI, c. v, il veut préciser l’idée de vertu, si souvent déformée par les philosophes. La vertu, dit-il, n’est pas la science du bien et du mal, du honteux et de l’honnête, de l’utile et du moins utile. La science nous vient de l’extérieur ; la vertu doit nous être intérieure et réside dans la volonté de faire le bien. La science du bien peut exister sans la vertu ; il faut donc dire que « la vertu consiste, non à connaître le bien et le mal, mais à faire le bien et à éviter le mal ». P. L., t. vi, col. 650-651.
b) Saint Ambroise. —
Aux quatre vertus énumérées par Platon : aoçtoc (Stoïciens : cppôvrfîiç), àvSpeta, ato9poCTÙv7), StxatoaûvT), République. t. IV, c. vi, et par Cicéron, forlitudo, lemperantia, prudentia, justitia, De finibus bonorum et malorum, t. V, c. xxiii, n. 67, saint Ambroise semble avoir été le premier à donner le nom de vertus cardinales. Voir ici, t. ii, col. 1714. Interprétant Gen., ii, 10, il voit dans le fleuve qui arrosait le paradis terrestre le symbole du Christ et, dans les quatre fleuves qui en découlent, les quatre vertus cardinales : le Phison est la prudence, le Géhon la tempérance, le Tigre la force, l’Euphrate la justice. De paradiso, c. iii, n. 14-18, P. L., t. xiv (1845), col. 280-282.
Un autre point, mis en relief par saint Ambroise (après Cicéron, loc. cit.) est le lien qui unit entre elles 746
les vertus ; elles sont ainsi connexæ concretœque. Ibid., n. 22, col. 282 B. Et cependant leur connexion n’empêche pas que, chez les saints, il arrive qu’une vertu soit dominante et entraîne les autres. In Lucam, t. V, n. 63, t. xv, col. 1653. Ces idées se retrouveront fréquemment sous la plume des Pères.
c) Saint Jérôme. — Il proclame les quatre vertus l’ornement spirituel de l’âme, voulu par Dieu. Epist., in, n. 13, P. L., t. xxii, col. 538 ; cf. Epist., lxvi, n. 3, col. 640. Dans ce dernier texte est affirmée la connexion et la compénétration des vertus ; il faut les avoir toutes et être éminent en chacune d’elles. Bien plus, pour être véritable, la vertu doit être parfaite : une vertu imparfaite n’est appelée vertu qu’abusivement. In Galat., t. I, c. i, v. 2, t. xxvi, col. 337 G. Aussi appartient-il à la vraie vertu de surmonter les défauts apportés en naissant : dans la chair, ne pas vivre charnellement ; combattre chaque jour contre soi-même et surveiller de cent yeux l’ennemi enfermé en nous-mêmes. Epist., uv, n. 9, t. xxii, col. 554.
3. Saint Augustin.
Il retient rémunération classique des quatre vertus. De civ. Dei, t. IV, c. xx, P. L., t. xli, col. 127 ; De div. quæsl. LXXXIII, q. xxxi, n. 1 ; q. lxi, n. 1, t. XL, col. 20-21, 51 ; Enarr. in ps. LXXXIII, n. 11, t. xxxvii, col. 10651066. Il rappelle à ce sujet le symbolisme des quatre fleuves. De Gen. cont. Munich., t. II, n. 13, t. xxxiv, col. 203-204.
Mais qu’est-ce que la vertu ? Augustin retient deux définitions principales. La première est formulée par Cicéron, Virtus est animi habitus, naturæ modo ulque rationi consentaneus, dans le De inuentionc, t. II, c. lui. S. Augustin, De diversis quarst., loc. cit., col. 20. La vertu est donc une disposition possédée par l’âme d’une manière stable et permanente — tel est le sens d’habitus — qui la fait se conformer à la raison comme tout naturellement. Telle est la notion dont part saint Augustin pour affirmer que, le juste devant vivre de sa foi, cf. Rom., i, 17, c’est parce qu’il sera fidèle, qu’il sera également prudent, fort, tempérant, juste. Une vertu purement humaine, ne s’inspirant pas de la foi, ne serait donc pas une vraie vertu, (’.ont. Julianum pelag., t. IX, n. 19, P. L., t. xxiv, col. 747. — Une seconde définition présente la vertu comme « l’art de bien vivre et d’une façon correcte ». De civ. Dei. 1. IY, c. xxi ; t. IX, c. iv, n. 1 ; 1. XXII. c. xxiv. n. 3, t. xli, col. 128, 258, 789 ; cf. De libero arbitrio, 1. IL c. xviii, n. 50. t. xxxii, col. 1207. Or, la vie présente ne pourrait clic qualifiée de bonne et de correcte, si elle n’était ordonnée à la félicité éternelle. C’est pourquoi, dans le dernier texte cité. Augustin conclut que la vertu est « l’art de parvenir à la félicité éternelle ». Aussi la vertu rend-elle l’âme excellente, optimam ; clic est l’habitus et comme la qualité de l’âme sage. De moribus Eccles, calh.. I. I. n. 9, t. xxxii, col. 131 I. Elle nous conduit à la vie bienheureuse, laquelle est l’amour souverain de Dieu. Ibid., n. 25, col. 1322.
Seule donc est vraie la vertu qui combat, non pour l’orgueil, mais pour Dieu. Serin., CCXXXXV, il. 1. t. XXXVIII, col. 1293. Lue vertu qui ne se rapporterait pas à Dieu serait vice plutôt que vertu. De <ir. I)i i. I.. c. xxv, t. XLI, col. 056. Inutiles donc les vertus humaines ordonnées à la vainc gloire ou a la volupté du corps. Ibid.. I. Y, c. xix, col. 165-166 ; cf. c. xx, col. 167. Pour cire de vraies vertus, elles doivent concerner la vie éternelle. Epist., o-v, ii, 9.
t. XXXIII, Col. 670. On retrouve la une des pensées
Fondamentales de la conception augustinienne. On a pu même se demander sj Augustin n’admettait
pas qu’une seule vertu véritable, la charité. Voir ici ii..ol. 2435-2436.
Lue autre pensée, non moins fondamentale, et qui
est un de pivots de la controverse pélagieiine et semipélagienne, c’est que les vertus viennent de Dieu lui-même et que l’âme ne peut s’en glorifier ; c’est à la bonté, à la grâce de Dieu que nous les devons. De civ. Dei, t. XX, c. xxv ; cf. X, c. xxii ; IV, c. xxi ; IX, c. iii, XXII, c. xxiv, t. xli, col. 656, 300, 128, 258, 790 ; Cont. Julian. pelag., I. IV, n. 47, 48, t. xliv, col. 762 ; De libero arbitrio, t. II, c. xix, t. xxxii, col. 1267 sq. ; Relruct., t. I, n. 6, ibid., col. 598.
Toute cette économie de la grâce venant après la Loi est magnifiquement exposée dans V Enarr. in ps. lxxxiii, n. 11. Les bienfaits de la grâce se manifestent d’abord dans les vertus des charismes, cf. I Cor., xii, 8 sq., pour nous conduire de ces vertus à la vertu. Cette Vertu unique est finalement le Christ, « Vertu de Dieu et Sagesse de Dieu » (I Cor., i, 24). « C’est Lui, le Christ, qui nous donne en ce monde les vertus, lui qui, au lieu et place de toutes les vertus nécessaires en cette vallée de larmes, nous donnera une seule vertu, lui-même. » Augustin énumère ensuite les quatre vertus principales : « Ces vertus, ajoute-t-il, nous sont données par la grâce de Dieu dans cette vallée de larmes ; mais par elles, nous allons à la Vertu. » Et, dans l’autre vie, toutes les vertus d’ici-bas se fusionneront en une seule, la contemplation de Dieu. P. L., t. xxxvii, col. 1065 sq. Cf. Epist., clv, n. 11, t. xxxiii, col. 671-672. Ainsi, « ici-bas, les vertus agissent. Au ciel, elles auront obtenu leur effet ; ici-bas, l’œuvre, au ciel, la récompense ; ici-bas, le devoir, au ciel, le terme final ». Ibid., n. 16, col. 673.
Deux indications subsidiaires doivent être retenues : les vertus d’abord ne doivent pas être séparées l’une de l’autre. De Trinitate, t. VI, n. 6, t. xlii, col. 927 ; cf. Epist., clxvii, n. 4-13, t. xxxiii, col. 735738. Mais, en tout juste, une vertu est prédominante. Ibid., n. 14, col. 739. — Il faut, d’autre part, distinguer la vertu simplement possédée (in habitu) et la vertu agissante (in opère). De bono conjugali, n. 2526, t. xl, col. 390-391. C’est la distinction de la vertu et de l’acte vertueux.
4. Après saint Augustin.
Quelques auteurs méritent une mention. — a) Prosper d’Aquitaine. — Il s’inspire d’Augustin pour réfuter le semipélagianisme de Cassien. Dieu est la vertu par essence ; il ne peut exister en nous de vertus que par Dieu et Dieu seul peut rendre la vertu à qui la perd. Las de vraie vertu chez l’impie. Contra Collatorem, c. xiii, /-*. L., t. li, col. 247-252. L’erreur de Cassien a été de dire que l’homme par lui-même peut avoir le désir de la vertu. Ibid., c. iv, col. 223-225.
b) Julien l’omère. Cet auteur affirme également que toute vertu doit être orientée vers le salut, spécialement la vertu de continence. De vita contemplativa, I. II, c. xvi, P. L., t. lix, col. 498-500. Il reprend le symbole des quatre fleuves figurant les quatre vertus. Ibid., c. xviii, col. 501 ; cf. c. xwn. col. 509. lue curieuse expression à relever à propos de la justice : c’est la vertu sociale, socialis virtus. Ibid.. c. XXVIII, n. 1. col. 510 B. Les vertus demeurent dans l’autre vie, mais adaptées à la nouvelle situation des élus. C. xxxiii. col. 518.
c) Saint Fulgence. Il fait dériver vir et vtrgo de virtus. Epist., m. n. 8. P. L.. t. lxv, col. 327 A. Il affirme que la vertu est donnée par Dieu aux hommes pour réparer les Infirmités de la nature ; elle procède du Christ, qui est la vertu et la sagesse du
Père. Ad Trastmundum, l. ii, c. m. col. 216-247. (/) Saint Grégoire le Grand, Jusqu’ici, la foi, l’espérance et la charité avaient été considérées plutôt comme principe et source « les vertus. Saint Gré goire émet à leur sujet quelques précisions, dont la 274'
VERTU. ENSEIGNEMENT DKS SCOL ASTIQUES
2748
théologie postérieure tirera profit. La foi, l’espérance, la charité sont les vertus théologales, symbolisées dans la Bible par les trois filles de Job, « les plus belles femmes de toute la terre » (Job, xlii, 15), Moral., t. I, n. 38 ; cf. I. II, n. 79, P. L., t. lxxv, col. 544 I), 594 AB. Sans ces trois vertus, le salut est impossible. In Ezech., t. II, hom. iv, n. 4-5, t. lxxvi, col. 975-976. Sur elles repose tout l'édifice de la vie spirituelle, hom. x, col. 1068-1069. Elles ne sont pas des remparts, mais des retranchements (non mœnia sed munitiones) pour l'âme, Moral., t. XI, n. 25, t. lxxv, col. 965 CD ; elles sont susceptibles d’accroissement jusqu'à la vie éternelle. In Ezech., t. II, hom. iii, n. 14-15, t. lxxvi, col. 956-958.
Les quatre vertus cardinales se soutiennent et se fortifient mutuellement. Moral., t. II, n. 76, t. lxxv, col. 592 BD. Elles ne doivent donc ni être séparées, ni être dissociées. In Ezech., t. I, hom. iv, n. 8-9 ; t. II, hom. x, n. 18, t. lxxvi, col. 808-809 ; 10681069. Una virtus sine alia vel nulla est omnino vel minima, vicissim sua conjunclione futciuntur. Moral., t. XXI, n. 6 ; cꝟ. t. XXII, n. 2, ibid., col. 192 A ; 211212.
Avec son expérience éprouvée des âmes, saint Grégoire jette en passant quelques indications utiles à la théologie ascétique. L’humilité est la sauvegarde de la vertu ; notre infidélité même peut y aider. Moral., t. XIX, n. 9, 12, ibid., col. 100-103. L’humilité est donc la base de toute vertu véritable. Ibid., t. XXVII, n. 76-78, col. 443-444. On conçoit ainsi qu’il y ait, dans la vertu des degrés très différents vers la perfection, avant d’arriver à la contemplation : il faut aller de la crainte à l’amour, t. XXII, n. 46-51 (surtout 49), col. 240-244 ; cf. n. 16, col. 222 CD. Il note que « celui qui ne progresse pas recule ». Liber regulæ pastoralis, c. xxxiv, t. lxxvii, col. 118-119, et que la vertu perdue peut encore garder une apparence vertueuse. Moral., t. XXIX, n. 61, t. lxxvi, col. 511-512.
e) Auteurs divers. -- Signalons d’un trait saint Colomban, Instr.. n (acquisition et accroissement des vertus), P. L., t. lxxx, col. 874-875 ; S. Taïon de Saragosse, Sentent., t. III, c. xx (les quatre vertus cardinales), ibid., col. 874-875 ; S. Boniface, Serm., v, vu et ix, t. lxxxix, col. 852, 856, 860 ; le pseudovlcuin, De virtutibus et viliis, t. ci, col. 613-638 ; Alcuin, Dial. de rhelorica et virtutibus, col. 919 sq. (l'étude sur les vertus, col. 943). L’auteur décrit la vertu : animi habitas, naturæ decus, morum nobilitas ; il la divise en quatre parties (les quatre cardinales), col. 944. Voir le tableau des vertus subordonnées, col. 949-950.
Désormais les auteurs abordent l'étude des vertus au point de vue de l’ascèse chrétienne : lutte contre les vices et progrès dans la perfection. Ainsi : Halitgaire de Cambrai, De vitiis et virtutibus et de ordine (extraits de saint Augustin, de saint Grégoire et d’autres auteurs), t. cv, col. 651 sq. Le 1. II est consacré aux vertus : vertus théologales (c. iii, v), vertu en général (c. vi), vertus cardinales (c. viii-x). Le t. III, De vilis et virtutibus et peccatorum satisjactione est attribué, sans raison plausible, par Migne, à Baban Maur, t. exil, col. 1338 sq. Citons encore : Hincmar, De cavendis vitiis et virtutibus exercendis, t. cxxv, col. 857 sq. ; Hugues de Saint-Victor, De fructibus carnis et spiritus, t. clxxvi (voir spécialement, col. 997-1006, les vertus théologales et, col. 1007-1010, le double tableau : arbor vitiorum, arbor virtuium) ; S. Bernard, Tractatus de ordine vitæ et morum institutione, t. clxxxiv, col. 501 sq. (les vertus cardinales et théologales étudiées au c. vii, col. 574-576) ; Bichard de Saint-Laurent, De exter minatione mali et promotione boni, tract. I, t. exevi, col. 1073 (sur l’attribution de cet ouvrage, voir ici t. xiii, col. 2675) ; Bichard de Saint-Victor, De eruditione hominis, ibid., col. 1115. Voir ici Bichard de Saint-Victor, t. xiii, col. 2677-2679 ; Lierre le Chantre, Yerbum abbreviatum, t. cev (en voir l’analyse, t. xii, col. 1902-1903 ; étude sur les vertus, surtout à partir du c. xcn) ; Alain de Lille, Summa de arte }ira’dicatorum, t. ccx, col. 1Il sq.
Conclusion. — L’enseignement des Pères a mis en relief le caractère surnaturel de la vertu proprement chrétienne. Chez les apologistes, ce caractère surhumain est, par opposition aux vices trop humains des païens, un argument en faveur du christianisme. Les vertus apparaissent ainsi, pour reprendre le mot d’Origène, « les lumières du monde ». Bien avant le christianisme, la philosophie grecque et les moralistes stoïciens de Borne, avaient attaché la vie vertueuse au quadrige de la prudence, de la force, de la tempérance, de la justice. Les moralistes chrétiens retiennent que ces quatre vertus ne sauraient être dissociées ou séparées ; elles se soutiennent et se fortifient mutuellement ; mais ils laissent entendre ou professent explicitement qu’elles ne sauraient demeurer sur le plan naturel. Elles doivent nous conduire à Dieu, bien suprême du chrétien. Elles doivent donc venir de Dieu et non de nous, pour nous conduire à lui et non pour nous complaire en notre suffisance. Elles présupposent donc la foi, l’espérance, l’humilité et ne sont rien sans la charité qui les inspire et les dirige. Grégoire le Grand met en relief le caractère particulier des vertus théologales et fait remarquer les progrès nécessaires à l'âme chrétienne dans le développement des vertus avant d’arriver à leur couronnement suprême, la contemplation divine.
Nous avons ainsi déjà toute l'ébauche de la théologie postérieure : vertus d’ordre naturel et d’ordre surnaturel, morales et théologales, acquisition, croissance et perte des vertus, leur permanence dans l’autre vie. Le caractère stable de la vertu est déjà fortement accusé. La scolastique n’aura plus qu'à préciser, systématiser, coordonner ces données.
/II. les scol.ASTiQVKS. — L'œuvre de la scolastique sera une sorte de synthèse entre deux courants qui, pour n'être pas opposés l’un à l’autre, se distinguent cependant l’un de l’autre par des nuances assez sensibles : le courant aristotélicien prend son origine chez Boèce ; le courant augustinien chez Pierre Lombard.
1° Le courant aristotélicien.
1. Boèce. — L’influence
d’Aristote se fait sentir grâce aux commentaires de Boèce. Aristote définit la vertu : è'a-riv q ips-r’r, ë*iq Trpooape-n.x7j, èv JjLectôttjtl oùaa tv) Tcpôç ^[xâç, wpiafiivT] Xôyco xocl à>ç ?v cppôvtjjLoç ôpîasiev (Éthique à Nicomaque, t. II, c. vi, 1106 b). « Disposition permanente de choisir en se tenant dans le juste milieu déterminé par la raison, tel que le fixera le sage ». L’habitus (s^iç) apparaît ici différent de la simple disposition (HiâQtGLç) en ce sens qu’il est une disposition plus stable et plus durable. Exemples d’habilus : les sciences et les vertus. Les simples dispositions, comme la chaleur et le froid sont facilement mobiles et changeantes. Commentant ces idées, Boèce déclare : « La vertu n’existe qu’en raison d’une disposition difficilement mobile. Un seul jugement juste ne donne pas la vertu de justice ; le vice de l’infidélité conjugale n’est pas acquis par un adultère unique. In caleg. Aristot., t. III, P. L., t. lxiv, col. 242 D243 A.
2. Abâlard et son école.
S’inspirant de l’idée d’une disposition stable et permanente (habilus), Abélard définit la vertu : habitus animi optimus et, par oppo
sition, le vice : habitus animi pessimus. Rappelant le commentaire de Boèce, il ajoute : « L’habitus est donc une qualité naturellement gravée dans l'âme ; c’est une qualité conquise par l’effort et la délibération, et elle est difficilement mobile. Uhabitus excellent de l'âme (la vertu, par conséquent) est donc celui qui nous élève au mérite de la vraie béatitude et telles sont les différentes espèces de vertus, plus ou moins nombreuses suivant les auteurs. » Dial. inter philos., judœum et christianum, P. L., t. clxxviii, col. 1651 sq.
Virtus, habitus animi optimus, cette définition est désormais acceptée par beaucoup d’auteurs. Citons Maître Hermann, disciple immédiat d’Abélard, auteur de VEpitome theologiæ christianse, qui complète la définition abélardienne de la façon suivante : virtus est habitus mentis optimus vel bene conslitulæ mentis. P. L., t. clxxviii, col. 1749. Le complément ajouté par Hermann sera retenu par Simon de Tournai : Virtus est habitus mentis bene conslitulæ, tandis que l’auteur du De spirilu et anima (Alger de Clairvaux) préfère écrire : bene composilse. P. L., t. XL, col. 782. Gandulphe de Bologne adopte une définition équivalente pour la charité qui s’affirme ainsi comme Y habitus mentis bene disposilæ ad diligendum Deum vel proximum. Sent., t. III, § 120, édit. de Walter, p. 363. Sur toutes ces définitions, voir l’article de dom I.ottin, Les premières définitions et classifications des verlus au Moyen Age, dans la Revue des sciences phil. et Ihéol., t. xviii, 1928, p. 369389.
Nous rencontrerons plus loin d’autres définitions empruntées à Aristote et qu’utiliseront saint Bonaventure et saint Thomas.
2° Le courant augustinien : Pierre Lombard. — Pierre Lombard définit ainsi la vertu : bona qualitas mentis, qua recte vivitur et qua nullus mate utitur, qvam Deus solus in homine operatur. Cette définition est, dit-il, empruntée à saint Augustin. Il serait plus exact d’affirmer qu’elle est constituée de plusieurs textes augustiniens rapprochés. Cf. De libero arbitrio, t. II, c. xviii, n. 50 ; c. xix ; Retract., t. I, n. 6, P. L., t. xxxii, col. 1267, 1268, 598. Mais la pensée fondamentale — et bien augustinienne — développée par Pierre Lombard c’est que, sans aucune participation de nous-mêmes, Dieu nous donne la vertu, cette cause intérieure qui guérit et soutient la volonté pour aider le libre arbitre à produire des actes salutaires. Sent., t. II, dist. XVII, e. v-vi ; ef. c. x. La vertu n’est donc pas l’acte, mais la cause qui aide le libre arbitre, guéri et fortifié, à le produire. Cf. e. xi. Par là, Pierre Lombard se sépare d’autres auteurs dont il rapporte l’opinion au c. xii. Ceux-ci identifient la vertu au bon usage des puissances naturelles. Leur usage intérieur, qu’il faut confondre avec les bons mouvements et les affections honnêtes produits en nous, sans nous, par la grâce divine, telle serait, à proprement parler, la vertu. Les actes extérieurs sont les œuvres des vertus. Cette opinion prétend s’appuyer sur quelques assertions augustiniennes : » La foi, c’est croire, In Joannem, tr. XL, n. ! t, P. /… t. xxxv, col. 1690 ; "i. croire est un simple mouvement de l'âme. Ou encore J’appelle la charité un mouvement de
l'âme ». lie doctrina christiana, I. III. c. x. n. 16, t. xxxiv, col. 72. Quelle que soit l’interprétation <
donner a ces textes d’Augustin, le Maître dis Sentences riposte par cet argument : « La vertu est l'œuvre de Dieu seul, réalisée par lui seul en nous ; elle n’est donc pas l’usage OU l’acte du libre arbitre.
Or, croire est un acte du libre arbitre ; croire n’est
donc pas la vertu. El il renvoie à saint Augustin, Quasi, tvangel., I. II. q. xxxix, n. 1, P. L., t. xxxv,
col. 1352 ; De Trinitate, t. XIII, c. ii, n. 5, t. xlii, col. 1017. Pierre Lombard étudie les vertus théologales et les vertus cardinales au t. III, dist. XXIII sq.
3° Fusion des deux courants.
Les deux courants ne sont pas contradictoires ; ils doivent se compléter. La doctrine qui s’inspire d’Aristote envisage surtout la disposition stable de l'âme et s’applique principalement aux vertus naturelles, sans cependant exclure les vertus surnaturelles : elle n'élimine pas, en effet, la vertu (habitus) qui aurait en nous, d’une manière spéciale, Dieu pour auteur. Mais la définition proposée par Pierre Lombard rapporte expressément la vertu à la grâce divine. Dieu opérant en nous la vertu sans notre participation. Cette manière de concevoir la vertu est plus spécifiquement chrétienne et vise avant tout les vertus surnaturelles ; mais elle n’exclut pas les vertus naturelles ; elle les reconnaît en les spécifiant par leurs obligations et par les fins qu’elles poursuivent.
1. Simon de Tournai.
C’est ainsi que Simon de Tournai déclare qu' « il faut distinguer deux sortes de vertus selon les devoirs qu’elles imposent et les fins qu’elles poursuivent. Si, en effet, la qualité (habitus) dispose l'âme à accomplir un devoir politique pour une fin politique, elle est dite vertu politique. Ainsi, des citoyens, infidèles, juifs ou païens, sont dits vertueux, si leur esprit est fermement établi dans la détermination de remplir tous les devoirs exigés d’eux par les institutions de la patrie… Mais la vertu catholique établit l'âme dans une disposition constante d’accomplir son devoir catholique pour une fin catholique. C’est de cette façon que les fidèles sont dits vertueux, quand leur esprit est appliqué à remplir ses devoirs selon les institutions de la religion catholique, avec Dieu pour fin, en vue de jouir de Lui ». Cité par Lottin, art. cit., p. 390 sq.
2. Guillaume d' Auxerre. — Cet auteur explique la définition augustinienne de Pierre Lombard : « La vertu est une bonne qualité de l’esprit, elle assure la droiture de la vie ; nul n’en fait un mauvais usage et Dieu l’opère en nous sans nous. » Qualité désigne ici le genre ; bonne sert à la différencier des qualités mauvaises, c’est-à-dire des mauvaises habitudes. « Elle assure la droiture de la vie » ; par là, la vertu se différencie de la science. « Nul n’en fait un mauvais usage » marque la différence entre la vertu et les puissances naturelles. Ces éléments conviennent aux vertus politiques. Mais la quatrième assertion n Dieu l’opère en nous sans nous » différencie les vertus théologiques (vertus surnaturelles) des vertus politiques (vertus d’ordre naturel). Les vertus politiques naissent et croissent par la répétition des actes ; les vertus théologiques sont produites par Dieu seul. Summa aurea, Paris, 1500, fol. 128 v°.
Toutefois, à l’infusion des vertus théologiques (surnaturelles) est requis un mouvement du libre arbitre. La dernière partie de la définition ne doit donc pas être comprise comme si Dieu opérai ! e.n nous la vertu contre notre gré : i Dieu justifie l’homme sans s ; i coopération, mais non pas sans l’opération de l’homme. Ainsi le soleil éclaire la maison, sans que l’homme coopère à la diffusion « le sa lumière, bien que l’homme doive ouvrir la fenêtre. De même Dieu. le soleil véritable, ne nous infuse pas les vertus sans notre opération, puisque nous devons nous préparer a les recevoir : mais il agit sans notre coopération. au moment même de l’infusion des vertus. C’est ensuite seulement que nous devenons ses coopéraient et dans notre conduite et dans nos icuvres… » Ihnl., fol. 129 r".
Guillaume termine en comparant les définitions 2 751
VERTU. ENSEIGNEMENT DES SCOLASTIQUES
2 752
d’Aristote et d’Augustin. Il en proclame l’accord : « Augustin, dans sa définition de la vertu, a considéré le genre transcendant ; mais Aristote s’en tient au genre prochain, en définissant la vertu « un habitus volontaire existant immédiatement en nous ». Ibid. 3..S' « (71^ Honaventure. — L'étude de saint Bonaventure est plus fouillée et apporte de très heureuses précisions concernant les diverses définitions de la vertu. Il faut, dit-il, distinguer plusieurs acceptions du mot vertu ; acception commune, propre et spéciale ( magis propria).
a) Acception commune. — La vertu peut être ou naturelle (au sens de perfection spontanée de la nature) ou morale, et elle peut être définie par comparaison soit à son acte, soit à son acte et à la fin dernière. Dans le premier sens, Aristote la définit : « l’ultime degré de la puissance », De ccelo et mundo, t. I, c. xi, 287 a (S. Honaventure traduit : ultimum potentiæ de re). Dans le second sens, il la définit : « Dans l'être parfait, la disposition au meilleur », Physicorum, t. VII, c. iii, 240 b (S. Bonaventure : dispositio perfecti ad optimum).
b) Acception propre. — Ici, la vertu est seulement morale, mais elle peut être ou politique (d’ordre naturel) ou gratuite (surnaturelle). Une double considération justifie une double définition. Par rapport à son acte, la vertu se définit : < L T n habitus faisant que celui qui le possède est vraiment bon et que son œuvre est rendue bonne. » Ethic, t. II, c. vi, 1106 b. (S. Bonaventure ; Habitus, qui perfecil habentem et opus ejus bonum reddit). Par comparaison au principe directeur de ses actes, voici - l’autre définition d’Aristote : « Habitude de choisir, se tenant dans le juste milieu déterminé par la raison, tel que le fixera le sage ». Ethic, loc. cit. (S. Bonaventure : habitus voluntarius in medio consistais, recta ratione delerminatus, proul sapiens delerminabit). Ce que Cicéron exprime d’une autre manière : « L’habitude de se conformer à la raison d’une manière pour ainsi dire naturelle » (Bonaventure modifie quelque peu le texte de Cicéron : Habitus mentis, in modum naturtv rationi consentiens). Cette double considération justifie la double définition augustinienne de la vertu : habitus mentis bene compositæ (pseudo-Augustin, c’est-à-dire Alger de Clairvaux, De spiritu et anima, c. iv, P. L., t. xl, col. 782) et œqualitas vitse, rationi undique consentiens (De quanlitule animée, c. xvi, n. 27, t. xxxii, col. 1050). Toutes ces définitions qui concordent quant au sens s’appliquent à la vertu morale, politique (naturelle) ou gratuite (surnaturelle), celle qui s’acquiert par des actes.
c) Acception spéciale. — Il n’est ici question que de la vertu surnaturelle infuse. On peut la considérer sous quatre aspects. Par rapport à la fin qu’elle doit atteindre, saint Augustin l’a définie : « La droite et parfaite raison parvenant à sa fin. » Soliloq., t. I, c. vi, n. 13, t. xxxii, col. 876. Par rapport au sujet qu’elle informe et qui est la volonté, il l’a nommée : « Une volonté bonne ». De civ. Dei, t. XIV, c. vi, t. xli, col. 409. Par comparaison à son acte propre qui en est le complément, nous avons la définition donnée dans le De moribus Ecclesiæ : « La vertu est l’ordre de l’amour ou l’amour bien ordonné. » L. I, c. xv, n. 25, t. xxxii, col. 1322. Enfin, relativement à son principe effectif, il faut s’arrêter à la célèbre définition proposée par le Maître des Sentences : « La vertu est une bonne qualité de l’esprit, etc. », « qualité de l’esprit » indiquant le genre ; et le reste de la définition marquant trois différences spécifiques. Parce qu' « elle assure la droiture de la vie », la vertu est séparée des biens du corps. En disant que « nul n’en fait un mauvais usage », on la distingue des propriétés naturelles
spirituelles et corporelles. Enfin, en ajoutant que » Dieu l’opère en nous sans nous », on marque la différence de la vertu infuse par rapport aux habitudes et aux propriétés spirituelles, résultat du bon usage des puissances de l'âme, mais qui sont en nous par acquisition, non par infusion. In // um Sent., dist. XXVII, dub. m.
1. Saint Thomas d’Aquin.
Comme l’exposé didactique qui suivra sera, en grande partie, le résumé de la doctrine de saint Thomas, on se contente ici d’esquisser à grands traits la conception que le Docteur angélique se fait de la vertu et qui lui permet de s’arrêter à la définition de Pierre Lombard.
a) Dans le Commentaire sur les Sentences, saint Thomas montre que la vertu ne peut être qu’un habitus se surajoutant aux puissances de l'âme. Laissée à elle-même, la puissance peut agir ou ne pas agir ; mais la vertu lui permet d’agir facilement et avec un attrait réel pour le bien. Il faut donc qu’elle ajoute une disposition réelle qui l’oriente en ce sens. In 7/ um Sent., dist. XXVII, q. i, a. 4 ; cf. ad 3 L, n. Même doctrine dans le De virtutibus in communi, a. 1.
A l’exemple des auteurs qui l’ont précédé, saint Thomas explique, a. 2, la définition augustinienne du Maître des Sentences. La définition, dit-il, ne convient pas à n’importe quelle vertu, mais à la seule vertu infuse et saint Augustin la définit très complètement en insérant dans sa définition les objets formels, genre et espèce, bona qualitas, le sujet, mentis, l’acte qui est aussi la fin de la vertu, qua recle vivitur et qua nemo maie utitur et enfin la cause efficiente, quum Deus in nobis sine nobis operatur. Cette définition, strictement entendue, ne saurait être appliquée à la grâce qui n’est pas le principe immédiat d’une vie vertueuse. Cf. ad 6um. Les autres défininitions de la vertu n’en expriment que certains éléments. Ad 9um ; cf. De virt., a. 2.
b) Mais c’est dans la Somme théologique (P-II*) que saint Thomas a présenté d’une façon didactique le traité des vertus. Ce traité vient logiquement après le traité de la béatitude, fin de l’homme (q. iv) et après le traité des actes humains (q. vi-xlviii) :
Après l'étude des actes et des passions, il faut passer à celle des principes de l’action humaine ; principes intérieurs et principes extérieurs. Le principe intérieur, c’est la puissance et l’hubitus. Mais puisqu’il a été question des puissances dans la première partie de la Somme, il reste maintenant à traiter des habitus en général, en second lieu des vertus et des vices et des autres habitus du même genre qui sont principes d’actes humains. Q. xlix, prologue.
Ainsi saint Thomas traite des vertus en général à propos des habitus (q. xlix-lvi).
La vertu, pour saint Thomas, n’est pas un habitus quelconque. Étudiant l’essence de la vertu, q. lv, il déclare tout d’abord, a. 1, que la vertu humaine est un habitus ; ensuite, a. 2, qu’elle est un habitus d’action, la vertu perfectionnant l'âme beaucoup plus dans l’ordre de l’agir que dans celui de l'être ; enfin, a. 3, que c’est un habitus bon, puisqu’elle est productrice de bien. Ces remarques suffisent à justifier la formule augustinienne déjà rappelée dans les Sentences, a. 4 ; mais ici saint Thomas remarque que « la définition serait plus exacte si, au lieu de qualité, on écrivait habitus ».
Conclusion. — Notre enquête positive doit se terminer ici. Les théologiens postérieurs n’ont fait que commenter saint Thomas et si, au texte du Maître commun, ils ont apporté parfois des explications divergentes, c’est toujours sur des points très secondaires. On notera donc simplement en passant la distinction subtile apportée par Duns 2 753
VERTU ET HA 131 TUS
2 754
Scot entre l'élément matériel et l'élément formel de la vertu : l'élément matériel serait bien un habitas, mais l'élément formel serait une simple relation, selon cette formule aristotélicienne : virtus omnis et vitium ad aliquid sunt. Voir la discussion dans les Salmanticenses, Cursus theologicus, De virtutibus, disp. I, dub. i, n. 16-20.