Dictionnaire de théologie catholique/YVES DE CHARTRES (Saint)

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1048-1055).

YVES DE CHARTRES (Saint). — I. Vie. — Yves, originaire du Beauvaisis, où Il naquit probablement vers 1040, avait été, à l’abbaye du Bec, l’élève de Lanfranc et le condisciple de saint Anselme, tous deux futurs archevêques de Cantorbéry, hommes de doctrine et de gouvernement, dont l’enseignement et l’amitié marquèrent de leur empreinte intellectuelle et morale le futur évêque de Chartres. Prévôt des chanoines réguliers de Saint-Quentin à Beauvais (cf. une lettre de Grégoire VII, en 1083 : Jaffé-Watt., 5261), il fut désigné par Urbain II, en 1090, aux suffrages du clergé de Chartres comme évêque de cette ville, où il mourut en 1116.

Son épiscopat est bien connu, grâce au recueil de ses lettres, P. L., t. clxii, col. 11-290, qui, telles qu’elles nous sont parvenues, se rapportent presque toutes à cette période de sa vie. Elles sont à compléter par d’autres sources épistolaires contemporaines : les lettres d’Urbain II, P. L., t. cli, de Pascal II, P. L., t. r.Lxiii, de Lambert d’Arras, P. L., t. clxti, d’Hugues de Die, P. L., t. clvii et de Geoffroy de Vendôme, P. L., t. clvii, dont nous connaissons dix-neuf lettres à l’adresse d’Yves. La personne et l’activité d’Yves apparaissent, à travers cette correspondance, avec un relief dont il n’appartient pas au présent article de dessiner tous les traits. Nous voudrions n’en retenir que les grandes lignes, en adoptant la chronologie donnée par A. Fliche, Le règne de Philippe / « , roi de France (1060-1108). Paris, 1912, et par A. Luchairc, Louis VI le Gros. Annales de sa vie et de son règne (1081-1137), Paris, 1890. La numérotation des lettres Correspond à celle de l’édition de Mignc, P. L., t. clxii.

Yves était à peine élu qu’il fut pris à partie par l’archevêque de Sens, Richer, qui, demeuré partisan de Geoflroy, le prédécesseur d’Yves, déposé par j t’rbaln II, refusait de reconnaître et de sacrer son

IiIC.T. DF. THF.OL. C.ATHOL.

nouveau sufïragant, sous prétexte que celui-ci avait reçu l’investiture de Philippe I er. Epist., vin. Ce refus détermina Yves à recourir à l’arbitrage du pape : il se rendit à Rome avec une députation du clergé de Chartres et reçut la consécration épiscopale d’Urbain II lui-même, qui écrivit, à cette occasion, une lettre datée de Capoue, le 25 novembre 1090, au clergé et au peuple de Chartres pour les féliciter de leur choix, P. L., t. cli, col. 325. Cet insigne témoignage, qui fortifiait singulièrement la position d’Yves, ne désarma pas l’archevêque de Sens : le nouvel évêque, une fois revenu d’Italie, fut sommé par Richer de comparaître devant un concile à Étampes. Epist., xii. Mais Yves en appela au pape et l’affaire n’eut pas d’autre suite.

Il ne devait pas toutefois jouir d’une longue liberté dans son diocèse : en 1092, Philippe I er ayant répudié sa femme, Berthe de Frise, pour vivre avec Bertrade de Montfort, femme de Foulque, comte d’Anjou, Yves blâma ce double adultère et s’abstint de paraître à Paris à la cérémonie nuptiale qu’osa célébrer un évêque complice, Ursion de Senlis, au mépris des lois de l’Église. Il écrivit au roi pour motiver son abstention, Epist., xv, et communiqua sa lettre à ses collègues de l’épiscopat. Sa courageuse protestation lui valut d’être emprisonné au château du Puiset, par Hugues, vicomte de Chartres, vassal du roi. Cette captivité, qui ne paraît avoir pris fin, après plusieurs mois, que sur l’intervention d’Urbain II, par l’entremise de Renaud, archevêque de Reims, n’ébranla d’ailleurs pas la fermeté de l’évêque de Chartres. En 1094, après la mort de Berthe, un concile d’évêques courtisans du domaine royal ayant été convoqué à Reims, à la demande du monarque, pour ratifier son union avec Bertrade, Yves, qui avait accompli, en novembre 1093, un deuxième voyage à Rome, refusa d’y participer. Epist., xxxv. En vain s’efîorça-t-il de vaincre les tergiversations obstinées du roi, qui espérait avoir gain de cause ou du moins faire ajourner la sentence ; d’abord excommunié en octobre 1094, lors d’un concile réuni à Autun par le légat Hugues de Die, archevêque de Lyon, Philippe, longtemps ménagé par Urbain II, fut excommunié par le pontife lui-même, en novembre 1095, au concile de Clermont, et l’anathème fut renouvelé par les évêques du concile, quelque peu mouvementé, de Poitiers, en 1100.

Yves prit part à ces divers conciles qui firent écho à sa fermeté, mais ne perdait pas de vue l’amendement des coupables. Dès l’année 1096, il rejoignit Urbain II à Montpellier, avant le retour de celui-ci à Rome, et négocia sans doute, la première absolution donnée au roi — dont le repentir ne fut qu’un simulacre sans lendemain — lors du concile de Nîmes, en juillet de la même année. Ses efforts furent plus heureux lors du concile de Reaugency, le 30 juillet 1104, où Philippe et Bertrade vinrent enfin à résipiscence, Epist., cxliv ; concile bientôt suivi de celui de Paris, le 1° décembre 1 104, où l’Église leur accorda solennellement son pardon. Cette réconciliation, dont Yves ne fut pas le moindre artisan, scella le rapprochement de la monarchie capétienne et du Saint-Siège, auquel l’évêque de Chartres ne cessa de s’employer patiemment dans la suite.

Mais, en matière de politique religieuse, celui-ci professait une doctrine de compromis — dont nous ferons plus loin l’exposé — qui fut nettement désavouée, non sans amertume pour Yves. lïpist.. lxvii, par Urbain II, comme contraire aux décrets de (ire goirc VIL En 1097, il fut même en désaccord à ce sujet avec le légat Hugues de Lyon. Epist., i.x. qui s’opposait en effet au sacre par l’évêque de Chartres, premier suffr.igant de Sens, du successeur de Richer, Dalmbert ; celui cl, accusé d’nvoir reçu du roi l’tnVM

T. — XV.

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YVES DE CHAKTKKS

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titure de son archevêché était peu enclin, comme Yves, à reconnaître la primatie lyonnaise, instituée par Grégoire VII, en 1079, en terre d’empire, sur la métropole sénonaise, située en terre française. Cette doctrine que Pascal II réprouva, lui aussi, en renouvelant les décisions conciliaires de ses prédécesseurs, finit cependant par triompher sous son pontificat (1099-1118) qui vit éclater et se dénouer, du moins en Angleterre et en France où elle fut relativement atténuée, la querelle des Investitures.

C’est auprès d’Henri I er roi d’Angleterre, auquel Hugues de Fleury, acquis aux idées d’Yves, avait dédié son traité De regia potestate et sacerdotali dignitate, que l’action médiatrice d’Yves s’exerça d’abord, Epist., evi ; après une entrevue ménagée à Laigle, par Adèle, comtesse de Blois, le 21 juillet 1105, entre Henri I effet l’archevêque Anselme de Cantorbéry, que le roi avait exilé, un accord intervint, conforme aux principes d’Yves, avec la papauté, et fut ratifié par une diète réunie à Londres, en août 1107.

En France, Yves intervint efficacement à propos de l’élection épiscopale de Beauvais qui mit aux prises, pendant quatre ans, les droits de l’Église et les prérogatives royales, et à laquelle se rapportent plusieurs de ses lettres. Epist., lxxxvii, lxxxix, xcii,

XCV, XCVII, XCVIII, Cil, CIV, CV, CX, CXLIV, CXLV, CXLVI.

Il s’agissait de la compétition entre un favori du roi, Etienne de Garlande, jugé incapable par Yves, qui pria le pape de ne pas en agréer l’élection, en dépit de l’archevêque de Reims Manassès et d’un concile réuni par celui-ci à Soissons en 1100, et un autre élu du clergé de Beauvais, Galon, abbé de Saint-Quentin, reconnu et sacré par ie pape, mais refusé par le roi. L’affaire, longuement débattue, fut résolue grâce à une transaction suggérée par Yves, auquel les intérêts du diocèse de Beauvais tenaient particulièrement à cœur : en 1104, le siège de Paris, devenu vacant, put être dévolu à Galon, et celui de Beauvais régulièrement pourvu d’un digne titulaire, Geoffroy de Pisseleu, par une nouvelle élection qui excluait Etienne de Garlande (cf. B. Monod, Essai sur les rapports de Pascal II avec Philippe / « , Paris, 1907, p. 27-34 et 74-80).

Un peu plus tard, lors de son voyage en France de 1107, Pascal II tint à rencontrer Yves à Chartres, lors de la fête de Pâques, avant de se rendre à Saint-Denis où il eut une entrevue avec Philippe I effet son fils, le futur Louis VI, alors associé au pouvoir. Bien qu’aucun texte n’en témoigne, il semble qu’un accord de fait ait été conclu dès lors entre la papauté et la royauté. C’est ainsi que prit fin, en 1109, une rivalité entre deux prétendants au siège archiépiscopal de Reims : Gervais de Rethel, candidat de Philippe I er, et Raoul le Vert, sacré par Pascal II au concile de Troyes de 1107 et finalement agréé par Louis VI, sous réserve que Raoul prêterait au roi, à rencontre du can. 17 du concile de Clermont et de Pascal lui-même, le serment de fidélité exigé des archevêques de Reims ; or, cette satisfaction du serment fut accordée au roi sur le conseil d’Yves qui, pour la justifier, fit valoir au pape l’avantage de o la paix de l’Église et de la dilection fraternelle » et la nécessité, « quand le salut des peuples est en jeu, de tempérer la sévérité des canons et de subvenir, par une charité sincère, à la guérison des plus graves maladies ». Epist., cxc.

Yves, mort en 1116, ne vit pas le prolongement de la lutte en Allemagne, sous le règne d’Henri V, jusqu’au concordat de Worms (1122), inspiré de la doctrine chartraine ; mais une phase de cette lutte mérite d’être rappelée, en raison de l’attitude d’Yves vis-à-vis de Pascal IL Les concessions arrachées au pape par Henri V, en 1111, lors de son expé dition à Rome, voir plus loin, col. 3639, avaient soulevé dans la chrétienté d’ardentes protestations. En France, elles furent exprimées avec véhémence par Geoffroy de Vendôme et auraient peut-être déclenché une grave scission, sans la sage intervention d’Yves. Josseran, archevêque de Lyon, s’étant permis, en sa qualité de primat, de convoquer un concile à Anse, en 1112, afin de juger le pape, Yves, au nom de l’épiscopat de la province de Sens, déclina l’invitation qu’il considérait comme un abus de pouvoir vis-à-vis des évêques étrangers à la province de Lyon. Dans une lettre célèbre à Josseran signée de Daimbert, d’Yves et des autres évêques de la province (Epist., ccxxxvi), Yves, informé par une lettre de Pascal II du motif de ces concessions, prit la défense du pape avec une charité toute filiale : il le montre ayant cédé à la contrainte pour éviter de plus grands maux, mais rétractant sa capitulation passagère ; puis, prenant occasion de cet incident pour aller jusqu’au fond du débat, Yves explique en quoi l’investiture laïque, réduite à ses effets temporels, diffère à ses yeux de l’hérésie et dans quelles conditions elle peut être tolérée.

Ce fidèle attachement d’Yves au Saint-Siège s’alliait à un grand dévouement à la monarchie capétienne, dont il cherchait à concilier les intérêts avec ceux de l’Église. C’est lui qui, après la mort de Philippe I er, pour hâter et affermir la succession au trône, fit sacrer Louis VI à Orléans, malgré les récriminations du clergé de Reims, Epist., clxxxix, le 2 août 1108, par l’archevêque de Sens. Voir Suger, Vie de Louis VI le Gros, éd. Waquet, p. 85, dans la collection Les classiques de l’Histoire de France au Moyen Age, Paris, 1929. C’est encore lui qui, consulté par le roi, auquel il ne ménageait pas ses avis, approuva et pressa la célébration de son mariage, en 1115, avec Adélaïde de Maurienne. Epist., ccxxxix. Vers la fin de son épiscopat, en 1113, déjouant les intrigues qui tendaient à obtenir du pape la création d’un évêché à Tournai, au détriment du diocèse de Noyon et de l’influence française en cette région frontière, il ne craignit pas d’écrire en ces termes à Pascal II : Regnum Francorum præ cœteris regnis Sedi apostoliese semper fuit obnoxium et ideirco quantum ad ipsas regias personas pertinuil, nulla fuit divisio inter regnum et sacerdotium… Quia ergo rex Francorum (Ludovicus Crassus) utpote homo simplicis naturæ, erga Ecclesiam Dei est dévolus et Sedi apostoliese benevolus, petimus et consulimus ut a benevolentia ejus nulla vos subreptio subtrahal, nulla persuasio disjungat. Epist., ccxxxviii.

Il ne faudrait pas toutefois se représenter Yves, fort de son prestige à la cour royale et à la cour pontificale, uniquement soucieux d’harmonie entre le trône et l’autel. Ses lettres, dans le détail desquelles nous n’avons pas à entrer ici, nous le montrent fréquemment préoccupé du gouvernement spirituel et temporel de son diocèse, et en premier lieu de la sanctification du clergé. On lui doit, par exemple, la fondation, en 1099, d’une collégiale de chanoines réguliers, à Saint-Jean-en-Vallée, P. L., t. clxii, col. 293295, et plusieurs monastères du pays chartrain, et même au delà, furent l’objet de sa sollicitude pastorale et parfois de ses remontrances. Signalons aussi ses interventions pour l’observance des institutions de paix, prescrites par les conciles et notamment par le c. 1 du concile de Clermont, en 1095. Une lettre adressée à ses diocésains, sans doute au retour de ce concile, est une véritable charte de la Trêve de Dieu, Epist., xliv, où se révèlent, comme à travers toutes ses œuvres, l’homme de science et l’homme de vertu. L’Église, en la personne de S. Pie V, a sanctionné le renom de sainteté laissé par Yves de

Chartres, en concédant, par bulle du 18 décembre 1570, la célébration de sa fête, à la date du 20 mai, aux chanoines réguliers du Latran.

La biographie d’Yves de Chartres, objet d’une notice dans le Gallia christiana, t. viii, col. 1126-1134 (P. L., t. clxi, col. ix-xviii) a été esquissée par F.-J. Fronteau, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, en tête de son édition des lettres d’Yves, eu 1647 (P. L., t. clxi, col. 11-22) et reproduite avec notes de G. Henschen, par les Acta sanctorum maii, t. V, éd. 1866, p. 79-83. Elle a été reprise avec plus de détails par Rivet, Histoire littéraire de la France, t. x, p. 102-147 (P. L., t. clxi, col. xvii-xxviii).

II. Écrits.

L’évêque de Chartres n’a pas seulement exercé de son vivant une profonde influence. Sa production littéraire, qui est considérable, a prolongé son action bienfaisante. Bien qu’elle ressortisse plus spécialement au droit canonique, il y a lieu de lui consacrer ici une brève mention. Comme l’a dit, J. de Ghellinck à l’art. Gratien, t. vi, col. 1731 sq., les contacts sont intimes, au début du xiie siècle, entre la théologie et le droit canonique, et les œuvres qui rentrent dans cette dernière discipline ont fourni, à l’âge suivant, de thèmes et û’auctoritates les premiers théologiens scolastiques.

1° Œuvres canoniques. — Sous le nom d’Yves de Chartres ont circulé plusieurs collections canoniques, assez volumineuses, dont les rapports mutuels sont évidents, encore que l’unanimité de la critique ait été longue à les préciser. Les travaux récents de Paul Fournier, bien qu’ils n’aient pas encore rallié toutes les adhésions, semblent néanmoins orienter les chercheurs dans une même voie. Or, cet érudit n’hésite pas à attribuer à Yves ou du moins aux disciples qui travaillaient sous son inspiration la Collection tripartile, encore inédite, et les deux recueils publiés déjà depuis longtemps, le Decretum et la Panormia, tous deux dans P. L., t. clxi, qui reproduit des éditions anciennes, lesquelles n’offrent pas toute garantie. Autant qu’il est permis d’être afïirmatif en des questions aussi complexes, la Tripartite, en ses deux premières parties, aurait précédé le Décret, dont la Panormie serait un abrégé et une mise au point. Tout cet ensemble avait été compilé assez rapidement entre les années 1092 et 1095. Sollicité par Urbain II de mettre au service de la réforme ecclésiastique ses connaissances canoniques dont le pape appréciait et la solidité et l’étendue, Yves aurait entrepris ses recherches peu après son retour d’Italie, tout au début de son épiscopat, et les aurait menées avec beaucoup de célérité. Cf. Epist., ii. P. L., t. clxii, col. 13.

1. La Tripartite, contenue dans une vingtaine de inss., tire son nom de son aspect extérieur. C’est un rassemblement des auctoritales sur lesquelles doit s’édifier le droit et qui sont réparties en trois catégories : les premières empruntées aux décrétales pontificales (vraies ou fausses), les secondes aux conciles, les dernières aux écrits des Pères et des auteurs ecclésiastiques. C’est en somme, pour ce qui est des deux premières parties, le procédé des collections anciennes, depuis celle de Denys le Petit jusqu’à VHadriana et à celle de Pseudo-Isidore ; l’ordre chronologique des documents prime tout. Cet ordre a même imposé une modification importante au plan du recueil pseudo-Isidoricn. Celui-ci débutait par les lettres des anciens papes, les interrompait avant Silvestre et donnait les canons conciliaires pour revenir ensuite aux décrétales pontificales postérieures à Nicée. Ici pas d’interruption ; aux décrétales de Miltiade se joignent immédiatement les Exceptiones Silvestri. Naturellement la liste des papes est prolongée jusqu’à Urbain II. Chose curieuse, un pape est mentionné, Chrysogone, entre Caius et.Mnrcellin, inconnu par ailleurs. Visiblement la collection pseudo-lsldo rienne est la source de cette première partie. Il en est de même pour la deuxième, qui retient les titres ou les sommaires que Pseudo-Isidore avait donnés aux textes des canons et l’ordre où il les avait rapportés. Aux canons de Chalcédoine s’ajoutent plusieurs textes en provenance du concile Quini-Sexte. Le IIe concile de Nicée est mentionné, comme aussi le concile de Constantinople de 869-870 (VIIIe concile), après quoi viennent les conciles particuliers. La troisième partie est considérée par P. Fournier, à la différence des deux précédentes, comme postérieure au Décret, dont elle paraît avoir été extraite ; elle a donc pu exister séparément, bien que dans les manuscrits les trois parties soient juxtaposées comme ne formant qu’une collection ; cette troisième partie se distingue nettement des deux premières ; elle compile des extraits patristiques, mais aussi des textes législatifs en provenance soit du Code de Justinien, soit des Capitulaires. Cette fois, les textes ne sont plus ordonnés chronologiquement, mais groupés sous 29 titres, par exemple : De fide et sacramento fidei ; de sacramentis ecclesiasticis ; de primalu Romanes Ecclesiæ ; de seplem gradibus consanguinitatis, etc. Voir l’analyse détaillée dans une dissertation de A. Theiner, reproduite dans P. L., t. clxi, col. li sq.

2. Le Décret (P. L., t. clxi, col. 59-1022), connu par quelques mss. seulement, se présente comme une mise en œuvre méthodique des matériaux rassemblés dans les deux premières parties de la Tripartite, auxquels s’ajoutent d’autres textes, sans doute découverts ultérieurement. L’auteur a fait très largement usage du Décret de Burchard de Worms, dont des séries entières de canons se retrouvent identiques dans le Décret d’Yves.

Mais, comme l’évêque rhénan, celui-ci semble avoir eu quelque peine à sérier logiquement les pièces dont il disposait. Il y a bien des redites, des récurrences ; une question qui semblait épuisée reparaît soudain dans un autre contexte. L’auteur ne veut rien perdre des richesses qu’il a accumulées, mais il ne les met pas en ordre avec tout le soin désirable. Somme toute, on a l’impression d’un travail exécuté un peu rapidement, parfois d’une rédaction abandonnée puis reprise après quelque temps. Sous le bénéfice de ces observations générales, voici les titres des 17 parties du Décret ; on verra que certaines questions théologiques y sont traitées avec quelque ampleur. — I. De fide et sacramento fidei, il s’agit essentiellement du baptême et de la confirmation. C’est l’occasion pour l’auteur d’exposer les vérités relatives à la Trinité, à l’incarnation, à la rédemption (remarquer cette formule bien frappée : Dei Verbum caro factum se pro nobis obtulil sacrificium, c. xix), au péché originel, à la prédestination (qui est très fortement exprimée, c. xxxv). — II. De sacramento corporis et sanguinis Domini, écho de la controverse bérengarienne qui vient de se terminer. À côté de textes augustiniens d’une interprétation parfois laborieuse, l’auteur insère un long passage, soigneusement revu par lui, du De corpore et sanguine Domini de Laufranc et finalement la profession de foi que Bérengcr a été obligé de souscrire, c. ix et x. Cf. M. Lepin, L’idée du sacrifice de la messe…, p. 26 et 786 sq. La doctrine du sacrifice est traitée avec moins d’ampleur et lea développements sont surtout relatifs à la pratique. Contrairement I certaines défenses des réformateurs grégoriens, il est prescrit de ne pas éviter les messes célébrées par des prêtres mariés, c. lxxxii, lxxxiii. — III. Dr l’.cclesia et de rébus ecclesiasticis, titre un peu décevant ; il s’agit beaucoup moins de la société spirituelle que des édifices matériels où se célèbre le culte et de ce que l’on pourrait appeler le bénéfice PTotuNll ; le contenu est très mêlé et l’ordre peu apparent. IV. De festivi

tatibus et jejuniis. Le titre ne couvre que la toute première partie. À partir du c. lxi, il est question des lectures permises ou interdites aux fidèles : canon des livres saints ; réédition plus ou moins modifiée du Gelasianum, de libris recipiendis et non recipiendis ; liste et autorité des divers conciles généraux (la question du Quini-Sexte et celle du VIIIe concile de 869 seraient à étudier). Cette question de lecture amène l’auteur à s’exprimer sur d’autres sources de la jurisprudence : Code Théodosien, Code de Justinien, Capitulaires des rois francs et autres lois séculières ; sur l’autorité de la loi civile et les conflits possibles entre celle-ci et la loi divine ; sur la coutume et sa valeur. Le tout se termine par l’ordre à suivre dans la célébration du synode diocésain. — V. De primalu Romanæ Ecclesiæ. Ici encore le titre ne s’applique qu’aux premiers chapitres, qui expriment avec beaucoup de force la primauté de droit divin de l’Église romaine. Quelques titres font songer aux Dictatus papæ et aux textes des collections canoniques italiennes contemporaines de Grégoire VII : il n’y a pas à obéir à l’empereur s’il prescrit quelque chose de contraire à la loi divine ; le Siège romain est juge de toutes les Églises, mais n’est lui-même jugé par personne, c. viii, ix, x ; ! e Siège apostolique ne s’est jamais écarté de la vérité, c xlii. Mais, à rencontre des Dictatus papæ, Yves se montre assez réservé sur les pouvoirs des représentants du Saint-Siège : vicaires apostoliques, légats, primats (assimilés aux patriarches). Les droits reconnus aux primats sont plus honorifiques que réels. Suivent les développements relatifs à l’institution des évêques ; la simonie y est pourchassée de toutes manières, mais il n’est guère question des interventions possibles du pouvoir séculier dans la nomination des évêques ; cf. c. cxxii, cxxiii. La fin de cette longue partie est consacrée aux droits et devoirs des évêques, à leurs procès au sujet desquels est remis en vigueur tout l’appareil pseudo-Isidorien ; le tout se termine par un rappel de la primauté pontificale emprunté à la 2e lettre de Grégoire VII à Hermann de Metz : Nullam dignitatem ssecularem sed nec imperialem honori vel dignitati episcopali posse adœquari. C. ccclxxviii. : — VI. De clericorum conversatione et ordinatione. La définition des différents ordres est d’abord indiquée avec les rites des diverses ordinations ; puis viennent les obligations générales des clercs, avec insistance spéciale sur la continence ; les devoirs spéciaux des divers ordres. Les causes ecclésiastiques remplissent toute la fin, c. cccxii-cccl. — VIL De monachis. Il s’agit des religieux des deux sexes, de leurs obligations, des fautes qu’ils peuvent commettre et de la répression de celles-ci. On remarquera le c. cl, De rapacitate monachorum, qui fait écho à tel capitulaire de Charlemagne.

Jusqu’ici il a été exclusivement question des gens d’Église. Dorénavant ce sont surtout les laïques qui seront visés. — VIII. De legitimis conjugiis. Il s’agit surtout — mais le manque d’ordre est ici plus apparent qu’ailleurs — des constituants propres du mariage. La doctrine s’exprime dans les termes mêmes d’Augustin, mais le dossier canonique constitué lors de l’affaire du divorce de Lothaire II a été consciencieusement exploité. — IX. De incesta copulatione. L’ensemble est consacré à l’empêchement de parenté et d’affinité ; mais y figure aussi la parenté spirituelle, c. xxxiv sq. ; pour finir, relevé de divers péchés de luxure. — X. De homicidiis spontaneis et non spontaneis. Un appel assez large est fait ici au droit séculier. Signalons seulement les chapitres relatifs à la peine de mort, à la répression par l’autorité civile des fautes morales ou religieuses : schisme, hérésie, c. lxx sq., à la guerre, qu’il s’agisse de la guerre sainte, c. lxxxvii, de la guerre défensive, c. xcvii,

et du service militaire, c. cxxi sq. — XI. De incantatoribus. .. de sorliariis et de variis illusionibus diaboli. Précieux pour fixer à ce moment l’état des diverses superstititions. La partie se clôt sur un petit traitt’de démonologie. — XII. De mendacio et perjurio. Théorie et pratique du serment, du parjure, de la purgation par serment. Le mensonge, définition et division ; est-il jamais permis de mentir ? Cette partie qui est la plus courte de tout le Décret apporte à la théologie morale un appoint très important. — XIII. De raptoribus, de furibus, de usurariis, etc. ; semblerait n’être relatif qu’aux atteintes à la propriété. En fait, il y est question de beaucoup d’autres choses, jusques et y compris de l’attitude à prendre vis-à-vis des Juifs, c. exiv. — XIV. De excommunicatione justa et injusta. Distinction entre les sentences justes et injustes ; excommunication de ceux qui communiquent avec les excommuniés ; anathèmes posthumes (question soulevée par les décisions du Ve concile). — XV. De psenitentia sanorum et infirmorum, à rapprocher du livre XIX, ou Corrcctor et medicus, de Burchard de Worms. Très intéressant pour l’histoire de la discipline pénitentielle. On y voit coexister les prescriptions de l’ancienne discipline canonique et d’autre part celles qu’avaient amenées les pénitentiels, y compris la pratique des rédemptions. Il subsiste toujours une certaine incertitude sur la nécessité de droit divin de confesser les péchés au prêtre (c. clv), incertitude qui n’est pas encore levée par Gratien. — XVI. De officiis laicorurn et causis eorumdem. Cette partie est une des plus longues (362 canons) et une des plus neuves du Décret. Il est question au début des devoirs des souverains, de l’attitude qu’ils doivent prendre à l’endroit de l’Église, des avantages qu’ils retireront d’une sage conduite. Ultérieurement sont étudiés les différents rapports sociaux et la condition des serfs, à l’aide de textes de droit romain. Puis viennent, dans un ordre qu’il est impossible de justifier, des données relatives aux héritages, aux témoins, aux testaments. — XVII. Pars continens spéculations sanctorum Patrum sententias de fide, spe et charitate. C’est dans cette dernière partie, tributaire du livre XX, ou Speculator, de Burchard de Worms, qu’il faut achever de retrouver la théologie de l’auteur : dignité de la condition humaine ; péché originel ; origine de l’âme ; rédemption ; condition première de l’homme ; nécessité de la grâce ; prédestination (c. xxx sq., longs développements, d’un augustinisme intransigeant) ; les anges et les démons ; données sommaires d’eschatologie dont les Dialogues de saint Grégoire font surtout les frais. Le tout se termine par une novelle de Justinien sur l’aliénation des biens ecclésiastiques, c. cxxxvii. Il s’agit visiblement d’un texte ajouté dans la suite aux considérations précédentes.

3. La Panormie (ibid.., col 1045-1344), conservée en de nombreux mss. se donne comme le recueil de toutes les lois : pan (en grec) et norma (en latin) ! Elle se présente comme un abrégé, mis en ordre, des auctorilates contenues dans le Décret. Il s’en faut d’ailleurs que l’œuvre soit parfaite. Le Prologue, voir ci-dessous, col. 3637, en exprime la division en huit livres. — L. I. De fide, fusionne le contenu des deux premières parties du Décret. On remarquera dans les canons relatifs à l’eucharistie un souci plus grand de la présence réelle : le c. cxxxv a comme titre : Post consecrationem non substanlia sed species remanet. — L. II. De constitutione Ecclesiæ, titre trompeur, couvrant une section où s’inscrivent les auctoritales des parties III et IV du Décret. — L. III. De electione et consecratione papse, episcoporum, etc. ; il incorpore, mais dans un ordre assez différent, le contenu des Ve et VIe parties du Décret. La question

des réordinations y est touchée. Tout en déclarant que celui qui abandonne l’Église ne perd ni le baptême, ni le droit de le conférer, Yves se montre sévère pour les ordinations données par les dissidents : Redeuntes ab hæreticis sunt reordinandi, déclare le c. lxxxi, qui reproduit un texte en ce sens d’Urbain II, cf. art. Réordinations, t. xiii, col. 2418 sq. ; cf. c. cxxx. Les ordinations simoniaques font l’objet de tout un titre, c. cxvi-cxxvii, mais il est assez difficile d’en tirer une doctrine précise. — L. IV. De primalu Romanæ Ecclesise et de jure metropolitanorum alque episcoporum ; il fusionne les données des parties V et VI du Décret, mais présentées dans un ordre plus logique. La primauté romaine y est établie avec plus de soin. Encore que l’auteur débute par la Donation de Constantin, il n’en affirme pas moins l’origine divine du pouvoir pontifical : Non ab apostolis sed ab ipso Domino Romana Ecclesia primatum accepit. Cette primauté n’a pas été instituée par un concile, mais par le Christ lui-même. Aussi le premier siège n’est-il soumis au jugement de personne, les causes majeures lui sont réservées et ses décisions sont irrévocables. Aucun concile n’est légitime s’il n’est rassemblé et célébré par l’autorité du Siège apostolique. Toute cette doctrine s’exprime dans les termes mêmes du Pseudo-Isidore. C’est encore à cette collection que sont empruntés tous les développements qui suivent sur les primats et les archevêques, et sur les causes où sont impliqués les clercs. — L. V. De clerlcis accusatis. Il reprend avec force détails empruntés à la même source la question des procès ecclésiastiques.

— L. VI. De nuptiis. Il correspond sensiblement aux parties VIII et IX du Décret, en insistant davantage sur ce qui constitue proprement le mariage ; les questions d’empêchements sont renvoyées au livre suivant. — L. VII. De separatione conjugii. Il groupe sous ce titre quelque peu trompeur un certain nombre d’empêchements de mariage, tout spécialement ceux de crime, de parenté naturelle et spirituelle et d’affinité. — L. VIII. De homicidio spontaneo et non spontaneo. Il ajoute à cette matière déjà abondante les questions relatives à la divination, aux sortilèges, aux vaines observances. Le point spécial du serment et du mensonge est étudié avec beaucoup de soins. Quelques appendices recueillent des documents qui sans doute avaient échappé à une première recherche. Les plus intéressants sont relatifs aux droits reconnus par les papes aux empereurs sur l’élection pontificale. C. cxxxv et cxxxvi. Il est fort douteux que leur insertion soit le fait de l’auteur. Quelques canons en provenance d’Innocent II (1130-1143) sont des additions ultérieures. En dépit de ses très réels défauts, la Panormia n’en présentait pas moins sous un petit volume « une encyclopédie sommaire du droit canonique » (P. Fournier et G. Le Bras, Histoire des collections canoniques…, t. ii, p. 99). Elle se distingue du Décret par plus de méthode, mais aussi par une rédaction plus précis" des sommaires qui précèdent et résument chaque canon et semblent davantage l’œuvre originale et personnelle d’Yves.

Sermons et opuscules théologiques.

Sur la foi

des mss., on a attribué à Yves de Chartres et publié sous son nom un certain nombre de dissertations dont plusieurs pourraient être considérées comme des sermons. Texte dans P. L., t. ci.xii, col. 505-610. les quatre premières, qui sont présentées comme des instructions adressées par l’évêque à son clergé en synode diocésain, donnent l’explication du baptême, de l’ordination, du sens des ornements sacerdotaux, île la dédicace des églises. Elles sont précieuses pour l’histoire de la liturgie et de la prédication. Cf. J. de (Ihellinck, L’essor de la littérature latine au xrr’siècle, 1940. t. i, p. 155, 206 sq.

La seconde en particulier, intitulée, dans l’édition d’Hittorp, De excellentia sacrorum ordinum et de vitti ordinandorum (P. L., clxii, col. 513-519), souvent reproduite dans les mss., a joui d’une grande fortune littéraire auprès des théologiens du xiie siècle ; cf..1. de Ghellinck, Le traité de Pierre Lombard sur les sept ordres ecclésiastiques, ses sources, ses copistes, dans Revue d’hist. eccl., t. x, 1909, p. 290 et 720 sq. ; t. xi. 1910, p. 29 sq. Les suivantes touchent à des points dogmatiques : n. v, De convenienlia veleris et novi sacrificii, qui étudie les rapports entre les figures de l’Ancien Testament et les réalisations du Nouveau et qui montre également dans la messe le résumé des principaux mystères ; n. vi, QuarcDeus natus et passus (à rapprocher du Cur Dcus homo de saint Anselme) ; tout en faisant encore état de la théorie des droits du démon, les développements tendent à montrer que l’incarnation manifeste au mieux les deux grands attributs de Dieu, la puissance et la bonté : ce que la sagesse divine pouvait faire avec force, en arrachant au séducteur du genre humain ceux qu’il avait séduits, elle voulut l’accomplir avec suavité, en s’unissant à l’infirmité de notre chair, qu’elle commença par guérir, par le simple fait qu’elle l’assuma (P. L., clxii, col. 562 C D). Les autres textes ont davantage l’allure de sermons, ils sont répartis entre les diverses fêtes de l’année liturgique, de l’Avent à la Pentecôte. Le n. xxi est pour la fête de la Chaire de saint Pierre à Antioche (Hodie beatus Pelrus Antiochenæ Ecclesiæ episcopus ordinatur ; hodie plebi quam ipsemet Deo acquisivil pastor præficilur). Les deux avant-derniers expliquent très sommairement l’oraison dominicale et le symbole des apôtres. Un dernier sermon : De adullerino habitu virorum vcl mulierum est d’un moraliste vigoureux qui signale les dangers d’une parure excessive chez les hommes et les femmes ; une partie des développements est empruntée à saint Cyprien. L’ensemble de cette œuvre oratoire témoigne au moins du zèle d’Yves à instruire son peuple, sinon de ses qualités de prédicateur.

Quelques florilèges mss. du xiie siècle, notamment le ms. 425 de la Bibliothèque de Troyes et le ms. lit de la Bibliothèque d’Avranches, attribuent aussi à Yves diverses sentences, éditées par F. Bliemetzrieder, qui a comparé ces fragments avec des passages analogues en d’autres œuvres d’Yves. Le ms. du Vatican Rcginensis lut. 241 contient de semblables fragments, publiés par A. Wilmart, Une rédaction française des sentences dites d’Anselme de Laon, dans Rech. de ttiéol. anc. et médiév., xi, 1939, p. 119-144. Certaines de ces sentences concernent le mariage.

Signalons aussi un commentaire inédit d’Yves de Chartres sur les Psaumes, conservé dans plusieurs mss., d’après B. Smalley, dans English tiistorical Review, 1935, p. 680 sq. et dans Rech. de théol. anc. et médiév., ix, 1937, p. 365-400.

3° La Correspondance de l’évoque de Chartres est précieuse pour la connaissance de l’homme, de ses idées, de ses relations, des événements auxquels il a été mêlé, des cas de conscience qu’il a été amené à résoudre. C’est une source des plus utiles pour l’histoire soit ecclésiastique, soit profane de la fin du xie siècle et des commencements du xii* (P. L., clxii, col. 11-290).

Tel qu’il a été constitué par François Juret à la lin du xvie siècle, le recueil comporta 288 pièces, parmi lesquelles quelques-unes seulement sont d’autres personnages : Urbain II, Daimbcrt, archevêque de Sens, inspiré par Yves, Epi* !., ccxxxvi..Jossrran, archevêque de Lyon.

Ce recueil est a compléter pea d’autan lettrée, >i couvertes depuis lors. Il ne constitue d’ailleurs pas un icgistre exhaustif de la correspondant d’Yves, niais

un choix de ses lettres, peut-être assemblées par lui-même ; leur ordre est très variable, au gré des nombreux mss. qui contiennent ce dossier épistolaire, fréquemment consulté comme un modèle du genre, et pose un problème littéraire, étudié par J. Leclercq, La collection des lettres d’Yves de Chartres, dans Reu. bénéd., t. lvi, 1945-1946, p. 56. Les correspondants d’Yves sont des plus variés : les deux papes Urbain II et Pascal II, les deux rois de France Philippe I effet Louis VI le Gros, les rois Guillaume II et Henri I er d’Angleterre, la reine Mathilde, femme de ce dernier, etc. Cette correspondance date exclusivement du temps de l’épiscopat d’Yves, sauf l’avantdernière lettre, Epist., cclxxxvii, qui remonte à l’abbatiat de Saint-Quentin, ainsi qu’une des trois lettres récemment éditées par F’.-S. Schmitt. Les pièces les plus importantes sont certainement les lettres aux deux papes Urbain et Pascal, et la correspondance échangée avec Hugues de Lyon. Ancien légat de Grégoire VII pour la France, Hugues représentait, dans toute leur intransigeance, les principes de la réforme grégorienne. Ses maximes d’action étaient aux antipodes de celles d’Yves de Chartres, esprit avant tout réaliste et conciliateur. Cet antagonisme des deux hommes se reflète dans la correspondance qu’ils échangèrent.

Au point de vue de la théologie, quelques-unes des lettres présentent un certain intérêt : le n. ccli sur la réception de l’eucharistie en viatique, et le n. cclxxxvii sur la manducation du corps du Christ par les apôtres à la dernière cène. Cette dernière a été jointe par Jean Ulimier, en 1561, à d’autres pièces de la controverse bérengarienne. Elle figure dans l’office du Saint-Sacrement de Port-Royal. Le n. cclv traite de la non réitération de l’extrême-onction.

En matière de mariage, la correspondance d’Yves de Chartres offre une abondante doctrine, encore hésitante parfois, qui appelle à elle seule une étude. On en trouvera des analyses dans l’article Mariage par G. Le Bras, t. ix, col. 2123 sq., et dans Le mariage en droit canonique, par A. Esmein et R. Généstal.1. Dauvillier, 1929-1935. Les interventions d’Yves en plusieurs causes matrimoniales ont été mises en relief par P. Daudet, L’établissement de la compétence de l’Église en matière, de divorce et de consanguinité, Paris, 1941.

Statut canonial.

Cet aspect, jusqu’ici moins

connu, de l’œuvre d’Yves de Chartres, un des promoteurs de la vie canoniale à la fin du xie s., a été mis en lumière par Ch. Dereine, Vie commune, règle de S. Augustin et chanoines réguliers au Xi* s., dans Rev. d’hist. eccl., xli, 1946, p. 365-406, et Les coulumiers de S. -Quentin de Beauvais et de Springiersbach, ibid., xliii, 1948, p. 411-442. L’auteur y montre l’influence modératrice de la spiritualité d’Yves dans les Consuetudines, qu’il publie en appendice, de S. -Quentin de Beauvais, d’après le ms. Ste-Geneviève 349, copie tardive d’un coutumier codifié, selon lui, au second quart du xii° s. et déjà signalé par G. Morin et L. Fischer, Ivo von Chartres, der Erneuerer dervita canonica in Frankreich, dans Festgabe A.Knôpfler, Frib.-en-Brisg., 1917, p. 71. L’influence d’Yves sur la vie monastique serait aussi à étudier.

III. Quelques points de théologie et de discipline ecclésiastique. — Nous avons indiqué, au fur et à mesure qu’elles se sont présentées, les contributions que peut fournir à la théologie l’étude de l’œuvre d’Yves de Chartres. Il n’y a pas à revenir sur l’appoint considérable qu’a procuré cette œuvre à la systématisation scolatique. Yves n’a pas seulement, selon toute vraisemblance, inspiré Gratien, il est encore au point de départ des traités De. sacra mentis, comme celui d’Hugues de Saint-Victor, et des Sommes de sentences élaborées au xir » siècle. Le copieux rassemblement d’auctoritales que représentent ses traités canoniques et dont beaucoup ressortissent à la discipline théologique met à la disposition des premiers scolastiques les matériaux indispensables ; en même temps les rubriques diverses sous lesquelles elles sont groupées fourniront des cadres tout prêts pour d’autres spéculations. Que l’on songe aux divers titres relatifs à l’autorité du pape et l’on verra que l’évêque de Chartres a presque mis sur pied un traité de l’Église ; l’on en dirait autant de la théologie sacramentaire, surtout pour l’Eucharistie, cf. J. de Ghellinck, art. Eucharistie au XIIe siècle en occident, t. v, col. 1233 sq. Si la théologie proprement spéculative est moins abondamment représentée dans son œuvre, elle ne laisse pas d’y paraître en maint endroit et nous avons relevé quelques-unes des formules que l’auteur de la Panormie laisse à développer à ses successeurs.

Mais il est un point sur lequel Yves a exercé une influence plus nette encore dans le domaine des rapports entre le spirituel et le temporel : il s’agit de l’intervention des laïques dans l’Église et plus spécialement dans la nomination des grands dignitaires ecclésiastiques. En ce domaine, Yves a fourni la solution de bon sens, entrevue avant lui par Guy de Ferrare, qui a permis au Saint-Siège de terminer la question des investitures et de sortir d’une lutte qui, à divers moments, semblait se montrer sans issue.

Désireux d’effectuer la réforme de l’Église, Grégoire VII et ses fidèles partisans ont vii, non sans raison, dans la mainmise du pouvoir laïque sur les nominations ecclésiastiques une des causes principales de l’abaissement de l’Église. L’investiture « par la crosse et l’anneau » leur est apparue comme le symbole de l’accaparement par le pouvoir laïque des droits spirituels. Ils l’ont interdite, sans faire aucune distinction entre les différents droits qu’elle était censée remettre : pouvoir spirituel d’une part, et que seule l’autorité ecclésiastique était capable de conférer, pouvoirs temporels d’autre part, sur l’attribution desquels le souverain laïque avait pourtant son mot à dire. À la Curie romaine, on raisonna d’abord comme si la dignité épiscopale était un tout indivisible et, sans tenir aucun compte des habitudes et des droits acquis, on considéra que l’investiture laïque était de soi une faute grave et que rien ne pouvait excuser. C’est ce raidissement de la Curie qui allait donner à la lutte du sacerdoce et de l’empire un caractère parfois si âpre. Car c’était pour les souverains laïques aussi une quasi-nécessité que le maintien d’un signe qui attestât la provenance des droits régaliens et autres que les seigneurs ecclésiastiques avaient au cours des âges tenus de la munificence royale. C’était cette munificence royale qui avait fait les évêques et les abbés propriétaires d’abord, puis seigneurs temporels. Il était difficile d’exiger de la souveraineté laïque un total renoncement à tout signe qui attestât qu’une partie des fonctions exercées par ces hauts dignitaires faisait d’eux les « hommes » du souverain.

L’application des mesures relatives à l’investiture laïque et à la simonie fut très modérée en France au début du pontificat d’LTrbain II. Souvenons-nous qu’Yves de Chartres lui-même, élu par le clergé et le peuple de Chartres, avait ensuite reçu l’investiture royale. Son métropolitain, ayant refusé pour ce fait de le sacrer, Urbain II avait lui-même conféré l’épiscopat au nouvel élu ; cf. art. Urbain II, t. xv, col. 2279.

Les recherches canoniques ultérieurement entreprises par Yves lui donnèrent d’autre part la preuve 363 7

YVES DE CHARTRES

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tangible que, sur nombre de points, la législation canonique était loin d’être uniforme et que bien des prescriptions contenues dans les auteurs se contredisaient. Sans avoir encore essayé ce que Gratien ferait un demi-siècle plus tard, une concordia discordanlium canonum, Yves posa du moins les principes qui permettraient un jour de tenter une synthèse des auctoritales. En tête de la Panormie figure un Prologue, qui se retrouve d’ailleurs également en tête du Décret, cf. P. L., t. clxi, col. 47-60 et col. 1041-1046, et qui existe aussi à l’état isolé dans certains mss., tant sa vogue a été grande au début du xiie siècle ; ce célèbre Prologue annonce en effet celui du Liber de misericordia et juslitia d’Alger de Liège ou du Sic et non d’Abélard, en matière d’interprétation des textes.

Un demi-siècle avant saint Bernard — qui semble, en plus d’un point, tributaire d’Yves de Chartres — il donne une théorie assez poussée de la loi et de la dispense. Yves ne se dissimule pas le fait que les auctoritates rassemblées par lui semblent parfois se contredire : l’essentiel est d’abord de bien se rendre compte quid secundum rigorem, quid secundum moderationem, quid secundum judicium, quid secundum misericordiam dicatur. Col. 47 C. « La législation ecclésiastique a pour but essentiel de donner à l’Église son armature ou de la restaurer si elle a été entamée de quelque côté. Or, la grande loi de ce travail, c’est la charité toujours attentive au salut du prochain. Aussi le docteur qui interprète et au besoin modère les règles ecclésiastiques en se fondant sur l’esprit de charité ne pèche pas, ne se trompe pas, quand il prend comme principe régulateur le salut des fidèles. » Aussi bien faut-il distinguer entre les préceptes. Les uns sont invariables, ceux qu’a sanctionnés la loi éternelle, ainsi les commandements du décaloguc ; les autres sont variables, ceux que la loi éternelle n’a pas sanctionnés, mais que le zèle des chefs a imaginés pour aider les fidèles à faire leur salut, quas lex œterna non sanxit, sed posteriorum diligentia ratione utilitatis invenit, non ad salutem principaliter obtinendam sed ad eam tutius muniendam. Col. 50 A. Telle la loi qui destitue de la cléricature celui qui est astreint à la pénitence ; telle l’interdiction faite par Notre-Seigneur de toute espèce de serment. Eh bien ! pour les premiers préceptes, il n’est pas de dispense possible, qu’ils soient positifs ou négatifs. Les seconds au contraire admettent la dispense : In his quæ propter rigorem disciplinæ, vei muniendam salutem posteriorum sanxit diligentia, si honesta vel utilis sequatur rompensalio, potest præccdcre auctoritale præsidenlium diligenter deliberata dispensatio. Col. 51 A.

L’Évangile, aussi bien que l’histoire ecclésiastique, fournit de nombreux exemples à l’appui de ce principe : Paul par exemple fait circoncire Timothéc en dépit de la loi apostolique qui interdisait ce rite, et tant d’autres faits que les annales ecclésiastiques rapportent. Et cela explique les décisions différentes données par exemple dans la question des ordinations faites en dehors de l’Église. C’est avec la même discrétion que les papes ont procédé dans la question des translations épiscopales : celles-ci avaient été strictement interdites par les apôtres et par les canons, pourtant certains papes les ont permises pour un plus grand bien de l’Église. Col. 54 D. D’autres avaient interdit que les fils « le prêtres fussent élevés au sacerdoce, mais le bien même de l’Église a fait donner sur ce point nombre de dispenses. Tout et II se justifie par un mot de saint Léon qui est de QO.pl tale importance : « Quand il n’y a point de néct que l’on ne touche pas aux règles des Pères ; mais, quand il y a nécessité, quo, pour l’utilité de l’Église, celui-là en dispense qui possède l’autorité : la nécessité amène le changement de lu loi. > Ubl vero neeessilat

fueril, ad ulilitalem Ecclesiæ qui potestatem habet eu dispenset. Ex necessitate enim filmulatio legis. Col. 57 A.

Que l’on applique ces principes d’interprétation a l’affaire des investitures laïques et l’on en arrive a cette conclusion que l’évêque de Chartres finira par exprimer clairement : Les prohibitions grégoriennes ont été prises pour le bien de l’Église ; l’essentiel est de sauvegarder les principes qui mettent en sûreté la constitution de l’Église ; mais n’est-il pas possible d’arriver à ce résultat sans bouleverser des habitudes qui se justifient partiellement et qui, raisonnablement interprétées, mettent seulement en évidence les liens vassaliques entre l’évêque, seigneur temporel, et le roi son suzerain ? Yves n’est pas arrivé dès l’abord à mettre bien au clair ce complexe d’idées, mais il est assez remarquable que, dans toute son œuvre canonique, il ne dise rien sur l’interdiction de l’investiture laïque, plus remarquable encore qu’il n’ait pas craint d’insérer dans ses recueils les textes qui faisaient une place à l’empereur dans l’élection du pape.

On était alors dans les premières années d’Urbain II et ce pape, qui avait formulé lui-même le principe de la dispense, évitait par politique tout ce qui pouvait le mettre en conflit avec les souverains autres que Henri IV. Mais, au fur et à mesure qu’il sentait sa situation s’affermir, le pape redevenait plus exigeant. Au concile de Clermont (novembre 1095), le canon 17 interdisait aux évêques et clercs de prêter au roi ou au seigneur le serment féodal, ce qui dépassait même les prohibitions grégoriennes. Le légat permanent du Saint-Siège en France, Hugues de Lyon, prenait au pied de la lettre les défenses du pape. En 1097, il s’opposa à la consécration de Daimbert, élu archevêque de Sens, parce que celui-ci. comme nous l’avons vii, refusait de reconnaître la priinatic lyonnaise et qu’il avait reçu l’investiture de son évèché de la main du roi. Saisi par les chanoines de Sens, Yves écrivit à Hugues une lettre célèbre : non seulement il y contestait la réalité des droits primatiaux que s’arrogeait l’archevêque de Lyon, mais il exprimait clairement ses idées sur l’investiture royale :

Quant à ce que vous nous dites de l’investiture que l’élu aurait reçue de la main du roi, ce fait nous est inconnu. Se serait-il produit, comme l’investiture n’a dans l’ordination de l’évêque aucune action sacramentelle, nous ignorons en quoi son adjonction ou son omission importe à la foi ou à la religion, car nous voyons que les rois n’ont guère été empêchés par l’autorité apostolique de concéder des évêchés à la suite d’une élection régulière. Nous lisons même que des souverains pontifes de sainte mémoire ont parfois intercédé auprès des rois en faveur des élus des Églises pour que l’évcché fut concédé par ers rois, qu’ils ont différé certaines consécrations, panse que Passent iment des rois n’était pas parvenu. Si nous ne craignions d’allonger notre lettre, nous pourrions cilcr des exemples. Le pape Urbain lui aussi, si nous avons bien compris, a seulement interdit aux rois l’investiture corporelle, mais non l’élection, dans la mesure où ils sont les chefs du peuple, quoique le huitième concile leur défende d’assister à l’éleçtion, mais non à la concession, nue cette concession ail lieu par la main, par le geste, par la parole, par la crosse. peu importe, si les rois ont l’intention de ne rien conférer de spirituel, mais seulement celle d’accéder au vrru exprimé ou île concéder aux élus les villas ccclésinstiq" d’autres biens extérieurs, que les Églises tiennent de le munlllccncc des rois. Eplll., ix. t. ii.xii. col. 7.’ï. Tri tlon A. niche. Histoire <ir PÊgtUe, i. iii, p. 382.

Hugues de l.yon saisi ! aussitôt le pape et lui signala la thèse aventurée que soutenait l’évêque de Chartres. Urbain H, comme nous l’apprend une autre lettre d’Yves, l’pist.. lxvii citée plus haut, col. : 1620, ’i voue relui ri.

Mais le temps allait venir où le papa lui-même aurait besoin d’être défendu, contre les grégoriens

trop zélés, du grief d’hérésie. On a dit à l’art. Pascal II, t. xi, col. 2061 sq., les tragiques événements de 1111, la concession faite par le pape à l’empereur Henri V de l’investiture laïque, l’émoi que suscita parmi les intransigeants l’abandon du pape, la révolte des grégoriens dont plusieurs envisagèrent comme nécessaire la déposition du pape « hérétique ». Dans ces conjonctures, c’est Yves qui sut faire prévaloir en France les avis de la prudence et de l’orthodoxie sous la plume de son métropolitain Daimbert, archevêque de Sens, écrivant à Josseran, archevêque de Lyon : « L’hérésie ne peut êlre qu’une erreur dans la foi. Mais cette investiture, dont on fait tant de bruit, n’est point une fausse persuasion qui s’est glissée dans le cœur, c’est un geste qui n’a que la signification qu’on veut lui donner : in solis est manibus dantis et accipientis, qu.se. bona et mala agere possunt, credere vel errare in fide non possunt… Évidemment, si un laïque en venait à ce point d’insanité qu’il pensât pouvoir donner, par la crosse, le sacrement ou la res sacramenti, à coup sûr nous le jugerions hérétique, non point à cause du geste qu’il fait, mais à cause de sa présomption diabolique. Mais si nous voulons désigner les choses par leur vrai nom, nous dirons que l’investiture pratiquée par les laïques est une intrusion et une présomption sacrilège ; pour la liberté et l’honneur de l’Église il faudrait que, demeurant sauf le lien de la paix, elle soit entièrement abolie. Là où elle peut se supprimer sans schisme, qu’on la supprime ; là où elle ne peut disparaître sans schisme, que l’on attende en faisant de discrètes réclamations. Cette intrusion n’enlève rien aux sacrements ecclésiastiques. » Epist., ccxxxvi, col. 242.

A quelque temps de là paraissait en France un opuscule intitulé Defensio Paschalis papæ (dans Libelli de lite, t. ii, p. 658 sq.) qui donnait aux idées de l’évêque de Chartres leur dernière précision. L’auteur inconnu condamnait avec véhémence le principe même de l’investiture laïque ; l’idée que le pouvoir civil pourrait intervenir dans la transmission des droits spirituels lui paraît abominable et même hérétique. Mais, tout comme Yves, il ne laisse pas de reconnaître au souverain laïque un droit de regard sur la transmission des biens et des droits temporels. Il emploie même la distinction célèbre qui devait prendre place dans les conventions de Worms de 1122 : l’investiture par la crosse et l’investiture par le sceptre. Cette solution raisonnable dérive en droite ligne des principes d’Yves de Chartres. Si le grand évêque est mort trop tôt pour voir le triomphe définitif de ses idées, on ne peut lui refuser l’honneur d’avoir, par son action courageuse, préparé l’acte qui donnerait provisoirement la paix à l’Église et formulé dans ses écrits des maximes de concorde entre l’Église et l’État. S’il a été plus tard exploité par des théoriciens du gallicanisme, comme en témoigne la Defensio declarationis de Bossuet, il convient de rappeler l’hommage que lui a rendu Léon XIII, en citant un passage d’une lettre d’Yves à Pascal II (Epist., ccxxxviii) dans l’encyclique Immortale Dei.

I. Sources.

Elles sont essentiellement constituées par les œuvres d’Yves de Chartres. L’œuvre canonique a été publiée la première : d’abord la Panormie par Sébastien Brant, Baie, 1499, et par Melchior de Vosmedian, Louvain, 1557, puis le Décret par Jean du Moulin, Louvain, 1561, et par F. J. Fronteau, Paris, 1647 ; la Correspondance, par F..Turet, Paris, 1585, reprise par le même en 1610, par Fronteau, en 1647, enrichie de notes par J.-B. Souchet, chanoine de Chartres. Les Serinons ont été publiés d’abord par le célèbre liturgiste, Melchior Hittorp, qui fit entrer les 21 premiers dans son recueil d’anciens écrits sur la liturgie, Cologne, 1568 (Rome, 1591 ; Paris, 1624). Ils sont passés dans l’édition générale des œuvres d’Yves, donnée par Fronteau, Paris, 1647. Cette édition générale fut aussi

revendiquée par J.-B. Souchet. C’est elle qui est reproduite dans P. L., t. clxi, col. 47-1344, et clxii, col. 11-610. Il n’y a pas eu d’éditions récentes, mais des lettres ont été réimprimées, traduites ou découvertes. Signalons au moins l’édition des lettres ix et ccxxxvi par Sackur, dans Libelli de lite, t. H, p. 640-654 ; L. Merlet, Lettres d’Yves de Chartres et d’autres personnages de son temps, dans Bibliothèqw de l’École des Charles, t. xvi, 1855, p. 443-471, avec traduction française ; Lettres de saint Ives, eu. de Chartres, traduites et annotées par L. Merlet, Chartres, 1885 et plus récemment, F.-S. Schmitt, Trois lettres inconnues d’Yves de Chartres, dans Rev. bénéd., t. l, 1938, p. 84-88 ; G. Œsterle, Ivonis Carnutensis epist. incognilæ, dans Archivto di dirito eccl., il, 1940, p. 56 et 205. Ajoutons qu’une édition des lettres d’Yves, avec traduction française, est préparée par J. Leclercq, dont nous avons signalé plus haut l’étude relative au recueil épistolaire de l’évêque de Chartres ; elle paraîtra dans la collection Les classiques de l’histoire de Fronce au Moyen Age.

IL Travaux. — L’œuvre canonique d’Yves a été étudiée dans les travaux suivants : P. Fournier, Les collections canoniques attribuées à Yves de Chartres, dans Bibl. de l’École des Chartes, t. lvh et LVlri, 1896 et 1897 ; du même, Yves de Chartres et le droit canonique, dans Revue des questions historiques, t. lxiii, 1898, p. 51-98 et 384-405 ; P. Fournier et G. Le Bras, Histoire des collections canoniques en Occident, Paris, 1932, t. ii, p. 55-114 ; F. Bliemetzrieder, Zu der Schriften Ivos von Chartres, dans les Silzungsberichte de l’Académie de Vienne, Phil.-hist. Klasse, t. clxxxii, 1917 ; A. Esmein, La question des investitures dans les lettres d’Yves de Chartres, dans Bibl. de l’École des Hautes-Études. Sciences religieuses, t. i, 1889, p. 139-178.

Son intérêt théologique a fait l’objet de plusieurs aperçus, notamment : J. de Gheliinck, Le mouvement théologique du XII’siècle, Paris, 1914 ; 2° éd., 1948 ; L. Ott, Untersuchungen zur theologischen Briefliteratur der Frùhscholastik, Munster in W., 1937, p. 26-33.

Les rapports entre l’œuvre d’Yves et l’école théologique d’Anselme de Laon ont été mis en lumière dans plusieurs articles des Rech. de théol. anc. et mèdiéo., par F. Bliemetzrieder, t. i, 1929, p. 435-483, par H. Weisweiler, t. iv, 1932, p. 237-269 et 371-391, et plus récemment par O. Lottin, Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon ; voir les Conclusions et Tables des articles de cet auteur, t. xiv, 1947, p. 157-185.

L’action historique de l’évêque de Chartres est évoquée dans tous les ouvrages qui traitent de la seconde phase de la Querelle des investitures ; le plus récent est celui d’A. Fliche (dont nous avons déjà signalé l’ouvrage sur Philippe I er), La réforme grégorienne et la reconquête chrétienne (1057-1123) (= Fliche et Martin, Histoire de l’Église, t. viii), Paris, 1940, où nombre de pages sont consacrées à Yves, avec indication d’ouvrages plus anciens. É. Amann et L. Guizard.