Dictionnaire des proverbes (Quitard)/livre
livre. — Un grand livre est un grand mal.
Mot du poète grec Callimaque, bibliothécaire d’Alexandrie, qui disait aussi : Un petit livre vaut mieux qu’un gros, parce qu’il contient moins de sottises. Les deux propositions sont vraies en général, et elles s’expliquent très bien par ces pensées extraites de J.-J. Rousseau : « L’abus des livres tue la science. Croyant savoir ce qu’on a lu, on se croit dispensé de l’apprendre. Trop de lecture ne sert qu’à faire de présomptueux ignorants… Tant de livres nous font négliger le livre du monde, ou, si nous y lisons encore, chacun s’en tient à son feuillet. — Celui qui aime la paix ne doit point recourir aux livres ; c’est le moyen de ne rien finir. Les livres sont des sources de disputes intarissables… ; les subtilités s’y multiplient ; on y veut tout expliquer, tout décider, tout entendre. Incessamment la doctrine se raffine et la morale dépérit toujours plus. — J’ai cherché la vérité dans les livres, je n’y ai trouvé que le mensonge et l’erreur. J’ai consulté les auteurs, je n’ai trouvé que des charlatans qui se font un jeu de tromper les hommes, sans autre loi que leur intérêt, sans autre dieu que leur réputation. — Professeurs de mensonge, c’est pour abuser le peuple que vous feignez de l’instruire, et, comme ces brigands qui mettent des fanaux sur des écueils, vous l’éclairez pour le perdre. »
Je crains l’homme d’un seul livre.
Timeo virum unius libri. Parce que l’homme qui s’est bien nourri de la lecture d’un seul livre, qui en possède bien toutes les parties, qui en a bien fécondé, bien développé toutes les idées par ses méditations, est un adversaire redoutable pour ceux qui voudraient argumenter avec lui sur les matières explicitement ou implicitement contenues dans ce livre qu’on suppose bon.
Il n’y a presque pas d’effets que ne puisse produire, presque pas d’obstacles que ne puisse surmonter le génie d’un homme, soit dans la vie active, soit dans la vie spéculative, quand il l’applique invariablement à un seul objet. Diderot a dit : « L’homme qui est tout à son métier, s’il a du génie, devient un prodige ; et, s’il n’en a point, il s’élève par une application constante au-dessus de la médiocrité. Heureuse la société où chacun serait à sa chose, et ne serait qu’à sa chose ! Celui qui disperse ses regards sur tout, ne voit rien ou voit mal. » (Sat. 1re, sur les caractères.)
J’y brûlerai mes livres.
Je mettrai tout en œuvre pour le succès de cette affaire.
Cette façon de parler, dit l’abbé Morellet, est une allusion à la folie d’un certain alchimiste qui, cherchant la pierre philosophale, après s’être ruiné en charbon, et n’ayant plus que le dernier coup de feu à donner pour obtenir le grand-œuvre, emploie à chauffer son fourneau jusqu’à ses livres, dont il ne doit plus avoir besoin.