Dictionnaire des proverbes (Quitard)/main

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main. — Une main lave l’autre.

Ce proverbe qui était usité chez les Grecs et chez les Latins, signifie, dans un sens général, qu’on doit se rendre des services réciproques ; mais il s’emploie dans un sens particulier, en parlant de deux compères également suspects qui se blanchissent l’un l’autre des torts qu’on peut leur imputer, ou qui cherchent à faire ressortir les qualités l’un de l’autre. On dit de même, dans les deux sens énoncés : Un barbier rase l’autre. Ce qui s’entend aussi des secours mutuels que se prêtent les gens d’une même profession.

La bonne main.

M. Ch. Nodier, dans sa Linguistique, dit que la main a été l’étalon primitif de tous les calculs de l’homme, et que, déployée à l’intérieur sous ses yeux, elle lui a enseigné le calcul duodécimal dans les douze phalanges des quatre doigts articulés verticalement à la paume. Après cela, le savant philologue ajoute en note cette explication curieuse : « Le pouce représentait l’appoint » du quarteron. En transigeant de moitié, le commerce avait fini par faire remise du treizième, et le treizième c’est le pouce. Voilà pourquoi on appelle encore la bonne main cette surérogation de bénéfice qui complète et parfait les marchés, parce que la main y était tout entière. Il nous reste une singulière tradition de cet usage dans la langue populaire, où le pouce signifie toujours un surcroît, une augmentation indéterminée. Elle doit avoir la cinquantaine et le pouce. Il a tiré dix mille francs de ce marché et le pouce. Je conviens que cette autorité est bien triviale, et cette induction bien tardive ; mais il n’est jamais trop tard pour dire ce qui n’a jamais été dit. »

Jouer à la main chaude.

Ce jeu, que tout le monde connaît, est une allusion à la terrible épreuve judiciaire dans laquelle la main d’un homme assassiné était apportée au tribunal, afin que chacun vînt attester qu’il était innocent du meurtre, en jurant sur cette main chaude encore, à laquelle une croyance superstitieuse attribuait le pouvoir de dénoncer le meurtrier par une espèce de frémissement ou de crispation qu’elle devait éprouver sous son contact.

Jeux de main, jeux de vilain.

Les jeux de main ne conviennent qu’à des gens mal élevés, et, suivant une observation proverbiale, ils engendrent souvent des querelles.

Se laver les mains d’une chose.

Cette expression, dont on se sert pour signifier qu’on ne prend aucune part à une chose, et qu’on ne veut pas être responsable des suites qu’elle peut avoir, est une allusion à l’usage symbolique qui consistait à se laver les mains en présence du peuple, pour témoigner qu’on était innocent d’un crime. Lavavi manus meas inter innocentes, dit le Psalmiste (Ps. lxxii, 13). J’ai lavé mes mains parmi les innocents. Pilate pratiqua cette ancienne coutume devant les Juifs, et protesta qu’il n’était pas complice de l’injustice qu’ils allaient consommer en crucifiant Jésus-Christ.