Dictionnaire des proverbes (Quitard)/ventre

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ventre.Ventre affamé n’a point d’oreilles.

On a prétendu que ce proverbe fut inventé par un favori de Titus à propos d’une Juive, nommée Marie, qui, pendant le siége de Jérusalem par cet empereur, avait été poussée par la famine à se nourrir de la chair de son propre fils ; mais ce proverbe était connu longtemps avant cette horrible action. Caton, haranguant le peuple dans un temps de disette, avait dit : Arduum est, Quirites, ad ventrem auribus carentem verba facere ; il est difficile, citoyens, de se faire entendre du ventre qui n’a point d’oreilles.

Ventre saint-gris.

C’est à tort que le prétendu Vigneul-Marville[1] affirme que ventre saint-gris, mis à la mode par Henri IV, ne signifia jamais rien et qu’il n’eut d’autre fondement que le caprice des gouverneurs de ce prince, qui le lui enseignèrent afin qu’il ne contractât point l’habitude de certains blasphèmes que les seigneurs catholiques proféraient à tout propos à la cour du roi très chrétien. Il est évident que ventre saint-gris, variante de sang saint-gris, juron poitevin recueilli par Rabelais (liv. iv, ch. 9), désigne saint François d’Assise, fondateur de l’ordre des moines gris, et il est très probable que Henri IV, élevé dans une religion sans cesse anathématisée par ces moines, doit avoir juré sciemment par le ventre de leur patron, comme l’avocat Patelin par le ventre saint-Pierre, Clément Marot par le ventre saint-George[2], les Bas-Bretons par le ventre saint-Quenet, et les Belges par le ventre-Dieu, sur quoi Érasme a remarqué que ces derniers étaient moins scrupuleux que Socrate, qui ne jurait que par l’oie, per anserem.

  1. Nom supposé sous lequel le chartreux Noël d’Argonne a publié des mélanges assez curieux.
  2. Laissons cela, ventre saint-George !
    Vous me feriez rendre ma gorge.