Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Akakia 2

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AKAKIA (Martin), Parisien, fils du précédent, fut reçu docteur en médecine de la faculté de Paris, l’an 1572. Tristan de Rostaing, chevalier de l’ordre, et Amiot, évêque d’Auxerre, se rendirent ses patrons (A), et lui firent donner par Charles IX, en 1574, la charge de premier lecteur et professeur royal en chirurgie. Quatre ans après, il devint second médecin de Henri III[a]. Comme il se plaisait à porter des leçons fort étudiées dans les écoles royales, et que cela lui prenait beaucoup de temps, il craignit que la visite des malades et les fonctions qu’il lui fallait faire à la cour ne fussent un fardeau trop pesant pour lui ; de sorte que, pour ne pas succomber à tant de peines, il se démit de sa chaire de professeur, sous le bon plaisir du roi, entre les mains de Jean Martin, homme très-capable de cette charge, comme ses écrits le témoignent (B). Mais ce Jean Martin, ayant bien considéré qu’elle serait incompatible avec ses autres affaires s’il la voulait remplir en conscience, la rendit à Martin Akakia. Celui-ci disposa tout aussitôt de cet emploi en faveur de Pierre Seguin, son beau-fils, et mourut fort peu après, l’an 1588, à l’âge d’environ quarante-neuf ans. Il laissa deux fils dont je vais parler, et une fille qui fut mariée à Pierre Seguin, l’un des plus doctes médecins de la faculté de Paris, et qui exerça la profession de son beau-père dans le collége Royal, depuis l’an 1588, jusques en 1599. Le traité de Morbis muliebribus, et les Consilia Medica de notre Martin, ne sont presque connus de personne que sous la fausse supposition qu’ils viennent de la même main que les traités de Martin Akakia de Châlons. Je n’ai point vu de bibliographe qui distingue les écrits du père d’avec les écrits du fils : on attribue les uns et les autres à Martin Akakia Catalaunensi. J’y aurais été trompé, aussi-bien que M. Moréri, si je n’eusse recouru aux lumières de quelques amis (C). Les deux livres de Morbis muliebribus ont été insérés dans le recueil qu’un médecin nommé Israël Spachius fit imprimer à Strasbourg, en 1597, de divers traités touchant les maladies du sexe ; et pour les Consilia medica, on les trouve dans le recueil de pareils ouvrages, que Scholzius fit imprimer à Francfort, en 1598. Il y a beaucoup d’apparence qu’Israël Spachius a cru que les deux livres de Morbis muliebribus étaient un ouvrage du disciple de Brissot. C’est lui sans doute qui mit au titre, Martini Akakiæ, Medici Regii, et in un universitate Parisiensi professoris medicinæ doctissimi, etc. L’ouvrage n’avait jamais été imprimé ; il courait en manuscrit. Spachius savait en général que Martin Akakia l’avait fait, et il crut bonnement que cet Akakia était le même dont le public avait déjà vu des livres ; ainsi, il lui donna les qualités de l’Akakia de Châlons, et non pas celle de professeur royal, que l’auteur se serait donnée, s’il avait publié lui-même son livre.

  1. Voyez la remarque (A).

(A) Tristan de Rostaing et Amiot furent ses patrons. ] On n’en saurait donner une preuve plus convenable que les paroles que je vais citer d’un panégyrique de Henri III ; Vix dùm (c’est Martin Akakia qui parle) igitur in publicâ professione, quâ nos Carolus rex christianissimus, Tristando Rostagnio equite torquato fortissimo, et Jacobo Amyoto Altissiodorensium episcopo de nobis referentibus, cohonestaverat, quadriennium compleveramus, cùm tu nos inter tuos medicos allegisti et conscripsisti. Ce panégyrique fut imprimé à Paris, l’an 1578 ; en voici le titre : Martini Akakiæ, regii et medici et professoris, ob suam in ordinem regiorum medicorum cooptationem, panegyricus, Henrico Valesio regi christianissimo dictus.

(B) Les écrits de Jean Martin témoignent sa capacité. ] René Moreau a eu soin de faire imprimer deux ouvrages de cet auteur : Prælectiones in librum Hippocratis Coi de Morbis internis, à Paris, en 1637 ; Prælectiones in librum hippocratis Coi de Aëre, Aquis, et Locis, à Paris, en 1646. Il a mis l’éloge de l’auteur à la tête du premier. On voit à la tête du second quelques vers latins d’Antoine Mornac, à la louange du même Martin, qui fut l’un des commissaires à la fameuse conférence de du Perron et de du Plessis.

(C) J’ai recouru aux lumières de quelques amis. ] M. le professeur Drelincourt a eu la bonté de m’apprendre que Martin Akakia, auteur du Traité de Morbis miliebribus, cite non-seulement Fernel et Amatus Lusitanus, mais aussi l’ouvrage de Scaliger contre Cardan, et la Cosmocritice de Corneille Gemma. Fernel dédia ses livres à Henri II, qui ne commença à régner qu’en 1547. Amatus Lusitanus composa sa IIe. centurie[1] à Rome, l’an 1551[2] ; à Rome, dis-je, où le pape Jules III l’avait appelé. Le livre de Scaliger contre Cardan ne fut imprimé qu’en 1557. Celui de Corneille Gemma fut écrit à l’occasion de l’étoile de l’an 1572, et ne fut imprimé qu’en 1575. Il faut donc que ce Martin Akakia ait été en vie l’an 1575. Les remarques de M. Drelincourt, que l’on vient de lire, le prouvent manifestement. Or, comme j’avais lu que Martin Akakia était professeur royal en médecine dès l’an 1577, et que Pierre Seguin fut mis à sa place le 20 de septembre 1594[3], je souhaitai de savoir ce que Guillaume du Val a dit là-dessus dans son Catalogue des professeurs du collége Royal. Je l’ai su par le moyen de M. Pinsson des Riolles [4], qui a pris la peine, le plus obligeamment du monde, de m’envoyer plusieurs particularités concernant les Akakia. Il m’a fait savoir, entre autres choses, 1°. que Martin Akakia, de Châlons, médecin de François Ier., mourut l’an 1551. De ce fait, et des remarques de M. Drelincourt, il résulte nécessairement que l’auteur du livre de Morbis muliebribus n’est pas Martin Akakia Catalaunensis ; 2°. qu’il est bien vrai que Pierre Seguin fut pourvu dès l’année 1588 de la charge de lecteur royal en chirurgie, par la démission de Martin Akakia son beau-père ; mais qu’il eut besoin de prendre de nouvelles lettres l’an 1594. En voici la raison : pendant les guerres civiles le nombre des lecteurs royaux se multiplia beaucoup plus que la fondation ne portait ; plusieurs personnes avaient obtenu subrepticement les provisions de cette charge. Henri IV cassa une partie de ces lecteurs en 1594, et redonna de nouvelles lettres à ceux qui furent retenus. Pierre Seguin fut de ceux-ci. Voilà pourquoi sa promotion a été marquée sous l’an 1594 par l’auteur des Antiquités de Paris ; mais, si cet auteur était exact, il ne se contenterait pas de dire que Pierre Seguin fut mis à la place de Martin Akakia le 20 de septembre 1594. Il craindrait de faire juger à ses lecteurs que Martin Akakia mourut cette même année, et que Pierre Seguin commença alors d’être professeur royal. Or, quiconque dirait cela débiterait deux grands mensonges.

  1. C’est celle qu’Akakia cite, sans la désigner ; mais ce qu’il cite se trouve Centur. II, Curatione XXXIX, pag. 187.
  2. Il le dit lui-même, pag. 236.
  3. Antiquités de Paris de du Breul, pag. 568.
  4. Avocat au Parlement de Paris.

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