Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Ménage

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MÉNAGE (Gilles), en latin Ægidius Menagius, a été l’un des plus savans hommes de son temps, et le Varron du XVIIe. siècle. Il serait inutile de donner ici son éloge, et l’abrégé de sa vie : cela se trouve dans des livres répandus partout [a], et qui seront plus facilement transportés qu’un gros dictionnaire, dans les pays les plus éloignés [* 1]. Ses illustres amis lui ont érigé un monument très-glorieux dans le recueil intitulé Ménagiana (A), qui a déjà passé par les mains de tout le monde. Sans cela, je me serais fait un plaisir et un devoir tout particulier de mettre ici un long article de M. Ménage. J’aurais insisté sur les disputes qu’il a eues avec des personnes de beaucoup de mérite ; mais j’aurais passé légèrement sur son démêlé avec le comte de Bussi-Rabutin (B).

Quelques personnes que j’estime infiniment n’ont point approuvé que l’article de M. Ménage soit si court dans ce Dictionnaire, et ont combattu les raisons que j’ai données de ma brièveté. Il leur semble que les trois livres à quoi je renvoie ne seront pas sous la main de tous ceux qui chercheront ici l’histoire de ce savant homme. Je n’acquiesce point à leur sentiment ; et si j’allonge cet article dans cette seconde édition, ce n’est qu’afin de marquer une circonstance que les trois auteurs que j’ai indiqués [b] ne rapportent pas [* 2]. Elle concerne la bonne fortune de M. Ménage, quant à la mémoire ; ce fut un don qu’il posséda éminemment, et qu’il conserva jusqu’à la vieillesse ; et ce qui est bien plus rare, qu’il recouvra après quelque interruption (C). Il y a bien des gens qui souhaiteraient qu’il eût publié quelques-uns de ses Plaidovers (D).

(A) Le recueil intitulé Ménagiana. ] Ceux qui savent bien juger des choses, m’avoueront que ce recueil est très-propre à faire connaître l’étendue d’esprit et d’érudition qui a été le caractère de M. Ménage. J’ose même dire que les excellens ouvrages qu’il a publié ne le distingueront pas des autres savans avec le même avantage que celui-ci. Publier des livres où il y ait une grande science, faire des vers grecs et latins très-bien tournés, n’est pas un talent commun, je l’avoue, mais il n’est pas non plus extrêmement rare. Il est sans comparaison plus difficile de trouver des gens qui fournissent à la conversation une infinité de belles choses, et qui les sachent diversifier en cent manières. Combien y a-t-il d’auteurs que l’on admire dans leurs ouvrages, à cause de la vaste érudition que l’on y voit étalée, qui ne se soutiennent pas dans les discours de vive voix ? Les uns ont la mémoire toute percée comme un crible : c’est le tonneau des Danaïdes, tout y entre, et rien n’y demeure ; tout en sortirait à pure perte, s’ils n’avaient hors d’eux-mêmes des réservoirs tout préparés. Ce sont leurs recueils ; trésors qui ne manquent pas au besoin quand on compose ; mais qui sont très-inutiles dans les entretiens d’érudition. Ceux qui ne connaissent M. Ménage que par ses livres, se pourraient imaginer qu’il ressemblait à ces savans-là. C’est donc le distinguer d’eux, c’est le faire connaître par un talent qui n’est donné qu’à très-peu de gens de lettres, que de montrer le Ménagiana. C’est là qu’on voit que c’était un homme qui débitait sur-le-champ mille bonnes choses. Sa mémoire se répandait sur l’ancien et sur le moderne ; sur la cour et sur la ville ; sur les langues mortes et sur les langues vivantes ; sur le sérieux et sur l’enjoué ; en un mot, sur mille sortes de sujets. Ce qui a paru bagatelle à quelques lecteurs du Ménagiana, qui ne faisaient pas attention aux circonstances, a donné de l’admiration à d’autres lecteurs attentifs à la différence qu’il faut faire entre ce qu’un homme débite sans se préparer, et ce qu’il prépare pour l’impression. Ce Ménagiana contient des choses en ce genre-là, dont on pourrait dire ce qu’un ancien a dit des insectes[1]. Ainsi, l’on ne peut assez louer le soin que ses illustres amis ont eu de lui ériger un monument si capable d’immortaliser sa gloire. Ils n’ont pas été obligés de rectifier ce qu’ils lui avaient ouï dire ; car s’ils l’eussent fait, ils n’eussent pas été les historiens fidèles de ses conversations. Les mémoires les plus heureuses sont sujettes à se tromper ; et d’ailleurs M. Ménage disait quelquefois touchant certaines personnes, ce que d’autres gens mal instruits lui en avaient dit. Il ne se faut donc pas étonner qu’il ait quelques méprises dans le Ménagiana, et quelques faux faits en matière de personnalités. Il s’est trompé sur mon chapitre [* 3].

(B) Son démêlé avec le comte de Bussi-Rabutin. ] C’est un démêlé qui peut passer pour une querelle d’auteur, quoique ce comte fût homme de guerre, et qu’il possédât une haute charge dans les armées de France. Cette affaire se vida à coups de plume. Il attaqua par écrit M. Ménage, et l’offensa cruellement : mais les vers que M. Ménage fit imprimer contre lui sont les plus outrageans et les plus sanglans que l’on eût pu faire. Voici l’attaque, nous verrons ensuite la riposte. Ménage étant devenu amoureux de Madame de Sévigny, et sa naissance, son âge et sa figure, l’obligeant de cacher son amour autant qu’il pouvait, se trouva un jour chez elle dans le temps qu’elle voulait sortir pour aller faire quelques emplettes : sa demoiselle n’étant point en état de la suivre, elle dit à Ménage de monter dans son carrosse avec elle. Celui-ci, badinant en apparence, mais en effet étant fâché, lui dit qu’il lui était bien rude de voir qu’elle n’était pas contente des rigueurs qu’elle avait depuis si long-temps pour lui, mais qu’elle le méprisait encore au point de croire qu’on ne pouvait médire de lui et d’elle. Mettez-vous, lui dit-elle, mettez-vous dans mon carrosse : si vous me fâchez, je vous irai voir chez vous [2]. Vous voyez que l’offense est tout-à-fait forte, mais l’épigranme latine de l’offensé emporte la pièce.

Francorum proceres, mediâ (quis credit ?) in aulâ
Bussiades scripto læserat horribili
Pœna levis : Lodoix nebulonem carcere claudens,
Detrahit indigno munus equestre Duci.
Sic nebulo, gladiis quos formidabat Iberis ;
Quos meruit, Francis fustibus eripitur [3].

Si l’auteur de ces vers latins avait eu un bénéfice à charge d’âmes, si non-seulement il avait été curé, mais aussi un véritable curé, il aurait pris pour une injure très-choquante la simple accusation de faire l’amour à madame de Sévigny [* 4], mais comme tout son engagement à l’état de cléricature n’allait qu’à pouvoir jouir de quelques pensions sur des bénéfices, sans contrevenir à la discipline moderne, ce qui le fâchait dans le discours du comte de Rabutin, était ailleurs que dans les quatre ou cinq premiers mots. Il n’a point fait difficulté d’avouer qu’il avait été amoureux : je ne prouve point cela par ses poésies, ce serait une preuve équivoque, ce langage-là est trompeur ; mais il l’a dit dans une épître dédicatoire très-sérieuse. Je vous prie de vous souvenir, dit-il en parlant au chevalier de Méré [4], que lorsque nous faisions notre cour ensemble à une dame de grande qualité et de grand mérite, quelque passion que j’eusse pour cette illustre personne, je souffrais volontiers qu’elle vous aimât plus que moi, parce que je vous aimais aussi plus que moi-même. Il avait promis un ouvrage que le public n’a point vu. C’est là qu’il se serait expliqué sur le chapitre de ses amours. Voici ce qui me le fait croire. « Que ne citait-il Madame de la Fayette et Madame de Sévigny qui sont de sa connaissance ? » C’est le père Bouhours qui a fait cette question. M. Ménage lui répondit :

« Pater Bohurse, flos scholæ Parisius,
» Desideramus hic tuam prudentiam.


» Le révérend père Bouhours m’accuse en cet endroit d’avoir aimé madame de Sévigny et madame de la Fayette. Je répondrai à cette accusation dans la défense de mes mœurs : et j’y répondrai de sorte, que les rieurs dont le père Bouhours affecte le suffrage ne seront pas de son côté [5]. » Après tout, les liaisons de M. Ménage avec des dames de beaucoup d’esprit lui ont fait honneur dans le monde, et lui en feront à l’avenir ; car il est si rare que tant de grec et tant de grammaire n’étouffe pas les talens qu’il faut avoir pour être d’une conversation polie et galante auprès des femmes de qualité, que c’est une espèce de prodige. Au reste, la vivacité de ressentiment qu’il témoigna par ses vers latins n’empêcha pas qu’il ne reconnût je mérite de l’auteur qui avait choqué. C’est un bel et bon esprit que M. de M. sy-Rabutin, disait-il [6]. Je ne puis n’empêcher de lui rendre cette justice, quoiqu’il ait tâché de le donner un vilain tour dans son Histoire des Gaules. On ne peut pas écrire avec plus de feu et plus d’esprit qu’il fait dans cette histoire. Cela sent un homme tout prêt à se réconcilier. Il n’aurait point fallu trouver étrange une pareille réconciliation, puisque madame de Sévigny, qui avait été si maltraitée dans le même ouvrage, oublia l’affront, et vécut avec l’auteur comme une très-bonne parente. Cela paraît par les lettres qu’elle lui écrivit, et qui ont été imprimées avec celles de M. de Labutin.

(C) La mémoire fut un don qu’il posséda éminemment, et qu’il conserva... et qu’il recouvra après quelque interruption. ] Que dans sa jeunesse il se soit heureusement souvenu des choses, ce n’est pas une rareté ; mais c’est une faveur singulière de son étoile, qu’il ne se soit pas aperçu en commençant de vieillir, que sa mémoire déchéait beaucoup ; car c’est l’infortune trop ordinaire des gens de lettres. Citons ici une chose qu’on publia en 1685. Plusieurs historiens tombent dans un défaut très-absurde, « c’est qu’ils rapportent une même chose tantôt d’une façon tantôt d’une autre. Il vaudrait mieux pour l’honneur de leur mémoire qu’ils se trompassent toujours ; mais d’autre côté l’on peut dire que comme la mémoire est le premier mourant dans un homme docte, et la qualité qu’il est le plus impossible de retenir, il ne faut point examiner trop à la rigueur les faux pas que l’oubli fait faire. Il semble que l’on doit avoir pour ces fautes-là le même support que pour celles que les théologiens nomment quotidianæ incursionis, puisqu’il est certain que l’oubli est un défaut où l’on retombe à chaque moment. D’où paraît que les sciences ne sont pas propres à faire le bonheur de l’homme dans cette vie ; car comme ce qu’il y a de plus agréable dans l’érudition est de se souvenir de beaucoup de choses, et que d’ailleurs c’est le talent qui s’affaiblit et qui se ruine avec le plus de vitesse, un savant se voit tous les jours exposé à la mortification de sentir que ce qu’il avait de plus doux l’abandonne. Heureux celui qui comme l’illustre M. Ménage ne fait de beaux vers pour se plaindre de la fuite de sa mémoire, que quand il l’a possédée long-temps [7]. » Ce qu’on dit là, que la mémoire est le premier mourant dans un homme docte, a été observé par M. de Thou, memoria in longævis ex omnibus animi facultatibus prima debilitatur et vacillat [8]. Sénèque le père avait fait la même remarque, et cela après avoir expérimenté en sa personne ce mauvais effet de la vieillesse. Cùm multa jam mihi, dit-il [9], ex me desiranda senectus fecerit, oculorum aciem retuderit, aurium sensum hebetaverit, nervorum firmitatem fatigaverit, inter ea quæ retuli memoria est, res ex omnibus partibus animi, maximè delicata et fragilis : in quam priman senectus incurvit. Le passage que j’ai cité des Nouvelles de la République des Lettres nous apprend que M. Ménage avait fait des vers pour se plaindre de la fuite de sa mémoire. On les trouve au premier livre de ses poésies, à la page 13 de l’édition d’Amsterdam 1687. Mon lecteur, si je ne me trompe, en verra ici quelques-uns avec plaisir : ils n’y seront pas superflus, puisqu’ils contiennent une description du beau talent que j’ai dit que M. Ménage avait possédé. Voici donc le commencement de l’hymne qu’il adressa à la déesse de la mémoire.

Musarum veneranda parens, quam Juppiter ipse,
Ille pater Divûm, magno dilexit amore,
Mnémosyne, fidum tu me patrona clientem
Deseris ? Ah memini, juvenis cùm mille Sophorum,
Mille recenserem sectarum nomina : mille
Stemmata narrarem, totasque ex ordine gentes.
Nunc oblita mihi tot nomina. Vix mihi nomen
Hæret mente meum. Memini, cùm plurima Homeri,
Plurima Peligni recitarem carmina vatis ;
Omnia Virgilii memori cum mente tenerem.
Nunc oblita mihi tot carmina. Non ego possum,
Condita quæ nuper mihi sunt, meminissem meorum.
Gallia quem stupuit, stupuit me maximus ille
Bignonides, legum capita omnia commemorantem.
Fabellas lepides et acutè dicta Sophorum
Narrabam juvenis, juvenum mirante catervâ.
Ingenii pars illa mei, placuisse puellis
Quâ potui, periit : nunc illis fabula fio.
Pendebant olim, memini, narrantis ab ore.
Fabellas easdem, versus eosdem repetentem
(Has narrâsse semel, semel os recitâsse putabam ?
Id me hodiè monuit fidusque vetusque sodalis)
Nunc me fastosæ medio in sermone relinquunt [10].


Vous voyez qu’entre autres choses il reconnaît qu’on l’a averti qu’il répétait les mêmes contes, croyant les dire pour la première fois. Il supplie ensuite la déesse, ou de ne le pas abandonner, ou de le quitter si absolument qu’il ne se souvienne pas même d’avoir jamais su quelque chose.

Si tales tu, Diva, preces audire recusas,
Diva, precor, memorem omnem nobis eripe mentem.
Orbilius fiam, cunctarum oblivio rerum :
Nec meminisse queam, tot rerum non meminisse [11]


Sa prière fut exaucée au sens le plus favorable : la mémoire lui revint, et il en remercia solennellement et publiquement la divinité qui lui était si propice. Voici le commencement de l’action de grâces qu’il publia, le 27 de novembre 1690, âgé de soixante et dix-sept ans trois mois et sept jours.

Musarum veneranda parens, quam Juppiter ipse,
Ipse pater Divûm, tenero dilexit amore ;
Audisti mea vota. Seni memorem mihi mentem
Diva redonâsti. Magnorum nomine mille,
Et proceres omnes ab origine Sablolienses,
Leges romanas, sectas memorare Sophorum,
Tulli mille locos, et Homeri carmina centum,
Et centum possum versus recitare Maronis.
Ingenii pars illa mei, juvenis placuisse
Quâ potui, ecce redux. Tua sunt hæc munera, Diva.
Ingenii per te nobis renovata juventa est.


Mettons aussi la conclusion de ce petit poëme : l’auteur supplie la divinité qui lui avait rendu le souvenir de tant de choses, de lui ôter celui des injures qu’il recevait.

Musarum veneranda parens, quam Juppiter ipse,
Ipse pater Divûm, tenero dilexit amore :
O diva, ô nostræ merito pars maxima famæ,
Est aliud supplex quod ego tua numina posco.
Si te non pigeat, si non indebita posco,
Quæ mihi tot rerum, rerum mihi jucundarum,
Quas oblitus eram, rursùm meminisse dedisti,
Da, Dea, da nobis, atrocia tot nebulonum,
Immeritum qui me pergunt vexare libellis,
Dicta oblivisci, memori mihi condita mente.


Mais, nonobstant cette heureuse restitution, il y a preuve que M. Ménage ne parlait pas exactement de l’affaire. Considérez un peu ces paroles du Ménagiana. « J’ai dit, il y a quelques années, que j’avais perdu la moitié de ma mémoire, parce que je me souvenais fort bien de ce que j’avais prêté, et que je ne me souvenais point de ce que j’avais emprunté. Cela fut rapporté en Hollande, et ceux qui me connaissaient me plaignirent, croyant que je l’eusse perdue entièrement : cependant je l’ai encore assez bonne, et j’en ai donné des marques par les livres que j’ai mis au jour depuis ce temps-là [12]. » Comment pouvait-il s’imaginer que le rapport d’un discours de conversation eût persuadé en Hollande qu’il avait perdu entièrement la mémoire ? N’avait-on point vu imprimée son Hymne ad Mnemosynen, où il fit savoir à tout le monde qu’il ne se souvenait plus de rien ?

Pour connaître quelle fut la force et l’étendue de sa mémoire, il ne faut que considérer ce qu’il en dit, et ce que monsieur l’abbé du Bois [* 5] y ajoute aux pages 309, 310 et 311 du Ménagiana à la première édition de Hollande.

(D) Bien des gens souhaiteraient qu’il eût publié quelques-uns de ses plaidoyers. ] Sa première profession fut celle d’avocat plaidant. Nous le savons de lui-même ; car voici un passage de ses Origines. En 1632, je fus reçu avocat à Angers, qui est le lieu de ma naissance, et j’y plaidai ma première cause contre M. Ayrault, mon cousin germain, qui fut depuis conseiller au parlement de Bretagne, et commissaire de la chambre de justice. Je vins à Paris en la même année, où je fus aussi reçu avocat, et où j’ai plaidé pendant plusieurs années. En 1634 le parlement de Paris alla tenir les grands jours à Poitiers, où je plaidai aussi. Et c’est ce qui a fait dire à M. Costar que, comme il y avait des sergens exploitans par tout le royaume, j’étais un avocat plaidant par tout le royaume ; et c’est à cause de cela même, que le père Jacob, carme, m’a dit dans une de ses listes des livres nouveaux, qu’il m’a fait l’honneur de m’adresser, Atque erit in triplici par tibi nemo foro [13]. Les Mémoires pour servir à la Vie de M. Ménage, imprimés à la tête de la suite du Ménagiana, apprennent qu’il plaida plusieurs causes au parlement de Paris, une entr’autres pour M. Sengebère, son maître de droit, qui voulait répudier sa femme pour cause d’adultère. Je suis sûr que ce plaidoyer serait agréable à bien des gens, si on l’imprimait.

  1. * Peut-être est-il bon de remarquer que l’éloge de Ménage qui est dans le Journal des Savans, du 11 août 1692, et dont l’auteur est le président Cousin, n’est qu’une ironie. Après avoir été long-temps amis, Cousin et Ménage se brouillèrent pour une épigramme que ce dernier avait faite contre le président. Voyez ci-après la note ajoutée sur la remarque (K) de l’article Montmaur, dans ce volume.
  2. * Joly dit qu’on peut encore consulter sur Ménage, 1°. les Mélanges de Chapelain, et la Liste de quelques gens de lettres, par le même Chapelain ;, 2°. le Mémoire de Costar, sur plusieurs gens de lettres, dans le second tome des Mémoires du père des Molets ; 3°. le Sorbériana, dont Joly transcrit même le passage ; 4°. La Vie de Ménage, en tête du nouveau Ménagiana, et les Mémoires de Niceron, tom. I et X, parties I et II. J’ajouterai que Chaufepié a donné un article à Ménage pour suppléer celui de Bayle.
  3. * Voyez, tome XVI, la remarque (A) de la Vie de Bayle, par Desmaiseaux ; mais j’ajouterai ici quelques détail, sur le Ménagiana.

    La première édition est intitulée simplement Ménagiana, Paris, Florentin et Pierre Delaulne. 1693, in-12. Le faux titre porte : Menagiana, sive excerptæ ex ore Ægidii Menagii. Les auteurs ou rédacteurs étaient Baudelot, Galland, Delaunay, Mondin, Pinsson, Boivin, Valois, Dubos, Boudeville et un anonyme. L’éditeur fut Galland, c’est en son nom qu’est l’avertissement. Cependant on indique aussi quelquefois comme éditeur un nommé Goulley. Le Ménagiana a été réimprimé en Hollande, en 1693.

    François Bernier, médecin, très-maltraité dans le Ménagiana, fit paraître un Anti-Ménagiana où l’on cherche ces bons mots, cette morale, ces pensées judicieuses, et tout ce que l’affiche du Ménagiana nous a promis, Paris, Laurent d’Houry, Simon Langronne et Charles Osmont, 1693, in-12. Dans la préface où il maltraite les rédacteurs, il parle d’un petit M. Goulé, comme devant contribuer à la seconde édition.

    Peu après parut d’abord un volume intitulé : Ménagiana, ou les bons mots, les pensées critiques, historiques, morales et d’érudition, de M. Ménage, recueillies (sic) par ses amis seconde édition augmentée, 1694, in-12, suivi d’un autre volume, sur le frontispice duquel on lit second volume, et la date de 1694 : des exemplaires de ce second volume sont datés de 1695. L’éditeur de cette seconde édition fut l’abbé Faydit. Quelques articles de la première édition ont été supprimés. Tous ceux qui ont été ajoutés dans la seconde, n’ont pas été conservés dans la troisième. Les libraires de Hollande réimprimèrent aussi le second volume ; mais ils l’intitulèrent : Suite du Ménagiana, ou bons mots, rencontres agréables, pensées judicieuses, et observations curieuses de M. Ménage. Cette réimpression de Hollande présente une particularité remarquable. À l’occasion du chapitre de Valère Maxime, de l’ingratitude de la patrie envers les grands hommes, l’article du Ménagiana de édition de Paris, se terminait ainsi : « Il s’en trouve de nos jours presque dans tous les états du monde ; mais aucun pays ne nous en fournit davantage que la Hollande. On a vu périr Barneveldt ; MM. de Witt furent sacrifiés à l’ambition du prince d’Orange ; Grotius l’échappa belle ; et l’on prétend que l’amiral Tromp a été empoisonné avec de la cervelle de chat. » Les deux phrases que j’ai soulignées ont été, de gré ou de force, retranchées de l’édition de Hollande ; elles avaient d’abord été imprimées, mais le libraire fit un carton, et pour regagner les phrases retranchées, employa pour les autres un plus gros caractère.

    Le Ménagiana fut réimprimé en Hollande, en 1713, sous le titre de troisième édition augmentée, en deux volumes, petit in-12. Le second volume est intitulé : Suite du Ménagiana, etc., tome second (l’autre, pourtant, ne porte pas tome premier). Le passage sur Barneveldt, de Wiu, Grotius et Tromp, rapporté plus haut, y manque, page 369.

    La Monnoie donna, en 1715, Ménagiana ou les bons mots et remarques critiques, historiques, morales et d’érudition de M. Ménage, recueillies (sic) par ses amis, troisième édition plus ample de moitié et plus correcte que les précédentes, quatre volumes in-12, édition qui a éclipsé toutes les autres, mais qui ne les remplace pas entièrement.

    Des hommes graves ayant examiné les additions y condamnèrent divers endroits, dit Sallengre (Mémoires de littérature, tom. Ier., seconde partie, page 228) : l’éditeur fit donc des cartons pour être substitués aux articles ou passages déclarés licencieux par ses censeurs. Les feuillets changés par suite de ces cartons sont au nombre de trente-six, savoir : quatorze dans le premier volume, sept pour le second, sept pour le troisième, et huit pour le quatrième. Il y a donc trois sortes d’exemplaires du Ménagiana de 1715 : 1°. ceux avec la version première, avant la censure ; 2°. ceux avec la seconde version, c’est-à-dire, les passages substitués ; 3°. ceux avec les deux versions. Les exemplaires qui n’ont que la première version sont les plus communs : on trouve la seconde version dans les Mémoires de littérature de Sallengre, tome Ier., seconde partie, pages 228-275.

    À l’apparition de l’édition de la Monnoie, les libraires de Hollande s’empressèrent de relever les additions qu’il avait faites et fondues dans le Ménagiana, et ils les donnèrent sous le titre de Ménagiana ou les bons mots, remarques critiques, etc., tome troisième et tome quatrième, 1716, deux volumes petit in-12. Ces deux volumes, contenant le travail de la Monnoie, les Nouvelles littéraires, du 6 juin 1716, remarquèrent qu’on aurait dû leur donner le titre de Monnoyana plutôt que celui de Ménagiana.

    Les éditions du Ménagiana, de Paris, 1717 et 1719, ne différent de édition de 1715 que par les frontispices ; les éditions de 1729, 1739, 1754, chacune en quatre volumes in-12, ne peuvent être tout au plus que des réimpressions de 1715, et ne différent peut-être entre elles que par le frontispice.

    Il n’en est pas de même de l’édition en trois volumes in-8o., qui fait partie d’une collection en dix volumes, datée de 1789, et quelquefois de l’an VII (1799) : Ce Ménagiana, en trois volumes in-8o., est tronqué.

    On trouve des corrections au Ménagiana, dans les Mémoires de littérature déja cités, dans les Singularités historiques de D. Liron, tome III, pages 343 et suiv., dans le Ducatiana, IIe. partie, pages 221-290. On lit dans le Magasin encyclopédique, dixième année (1805), tome IV, pages 369-382, et tome V, pages 103-118, deux articles de M. A.-A. Barbier, sur le Ménagiana.

    On a beaucoup parlé d’un Supplément au Ménagiana, par P. Legoux, non imprimé. Le manuscrit que j’en ai vu a pour titre : Supplément du Ménagiana, par M. Pierre Legoux, conseiller au parlement de Bourgogne, avec un recueil de plusieurs bons mots, particularités et autres choses, recueillies par le même, des conversations de M. Jean Baptiste Lantin, conseiller au même parlement ; le tout copié sur le manuscrit original dudit sieur Legoux, communiqué par M. le président Legoux, son fils. Le Supplément du Ménagiana consiste en deux cent trente-cinq articles, qui non-seulement ne sont pas tous piquans, mais même ne sont pas tous nouveaux : plusieurs sont dans le Ménagiana imprimé.

    Je terminerai en disant que les diverses éditions du Ménagiana se suppléent quelquefois l’une l’autre. Je n’en donnerai qu’un exemple.

    Dans le Ménagiana de 1693, on lit : « M. du Moustier, le peintre, mandait un jour, écrivant à son fils, qui était à Rome, qu’il se gardât sur toutes choses de fréquenter les cabarets, les p..... et les j.... ».

    La Monnoie a mis, en 1715. « M. du Moustier, peintre, écrivant à son fils, qui était à Rome, lui mandait qu’il se gardât sur toutes choses de fréquenter les cabarets, les ....ns et les ...es »

    Les finales mises en 1715, suffisent pour indiquer la signification des initiales de 1693 ; et voici ce qu’il y a dans l’édition de Hollande, de 1713, où l’on a adouci une expression : « M. du Moustier, le peintre, écrivant à son fils, qui était à Rome, lui mandait qu’il se gardât sur toutes choses de fréquenter les cabarets, les courtisanes et les jésuites. »

    On lit à la fin du Canticum jesuiticum :

    Vos, qui cum Jesuitis
    Non ite cum jesuitis.

  4. * C’est de madame de Sévigné qu’il s’agit. Joly croit que Ménage n’était amoureux de madame de Sévigné que ad honores.
  5. * Joly observe qu’il faut lire du Bos, et non du Bois.
  1. Dans le Journal des Savans, du 11 d’août 1692. Dans le Mercure Galant de la même année. Dans la suite du Ménagiana, au commencement.
  2. Joignez à ces trois-là deux autres qui ont paru depuis la 1er. édition de mon ouvrage, le Moréri de l’édition de Paris, 1699, et les Éloges de M. Perrault.
  1. Turrigeros elephantorum miramur humeros, taurorumque colla, et truces in sublime jactus, tigrium rapinas, leonum jubas, cùm rerum natura nusquàm magis, quàm in minimis, tota sit. Plin., lib. XI, cap. II. Aristote a dit aussi, Μᾶλλον ἐπὶ τῶν ἐλαττόνων ἢ μειζόνων ἴδοι τις ἂν τὴν τῆς διανοίας ἀκρίβειαν. Magis in minore genere (brutorum) quàm in majore videris intelligentiæ rationem. Hist. Animal., lib. IX, cap. VII.
  2. Histoire amoureuse des Gaules, pag. m. 189, 190.
  3. Menagius, epigram. CXXXVIII, pag. 147, 148, edit. Amst., 1687.
  4. Ménage, épître dédicat. des Observations sur la langue française, folio a. iij. Voyez aussi ce qu’il avoue dans un Dialogue de Sarrasin, pag. m. 146, et qui est rapporté dans les Nouvelles Lettres contre Maimbourg, p. 777.
  5. La même, Observations sur la Langue française, tom. II, pag. 211, 212.
  6. Suite du Ménagiana, pag. 336, édit. de Hollande.
  7. Nouvelles de la République des Lettres, juin 1685, art. I, pag. 602 de la seconde édit.
  8. Thuanus, lib. CXXXIV, pag. m. 1082, col. 2.
  9. Seneca, Pater, præfat., lib. I, Controv., pag. m. 70.
  10. Menag., Poëm., lib. I, pag. m. 13.
  11. Idem, ibidem, pag. 14.
  12. Ménagiana, pag. 31 et 32 de la première édition de Hollande.
  13. Ménage, Origines de la Langue française, au mot Rachat, pag. 611, édition de 1694. Voyez les Mémoires de Marolles, pag. 96.

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