Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Épiphanie

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Éd. Garnier - Tome 18
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ÉPIPHANIE[1].

La visibilité, l’apparition, l’illustration, le reluisant.

On ne voit pas trop quel rapport ce mot peut avoir avec trois rois, ou trois mages, qui vinrent d’Orient conduits par une étoile. C’est apparemment cette étoile brillante qui valut à ce jour le titre d’Épiphanie.

On demande d’où venaient ces trois rois ? en quel endroit ils s’étaient donné rendez-vous ? Il y en avait un, dit-on, qui arrivait d’Afrique : celui-là n’était donc pas venu de l’Orient. On dit que c’étaient trois mages ; mais le peuple a toujours préféré trois rois. On célèbre partout la fête des rois, et nulle part celle des mages. On mange le gâteau des rois, et non pas le gâteau des mages. On crie le roi boit ! et non pas le mage boit.

D’ailleurs, comme ils apportaient avec eux beaucoup d’or, d’encens et de myrrhe, il fallait bien qu’ils fussent de très-grands seigneurs. Les mages de ce temps-là n’étaient pas fort riches. Ce n’était pas comme du temps du faux Smerdis.

Tertullien est le premier qui ait assuré que ces trois voyageurs étaient des rois. Saint Ambroise et saint Césaire d’Arles tiennent pour les rois ; et on cite en preuve ces passages du psaume lxxi : « Les rois de Tarsis et des îles lui offriront des présents. Les rois d’Arabie et de Saba lui apporteront des dons. » Les uns ont appelé ces trois rois Magalat, Galgalat, Saraïm ; les autres, Athos, Satos, Paratoras. Les catholiques les connaissaient sous le nom de Gaspard, Melchior, et Balthasar. L’évêque Osorius rapporte que ce fut un roi de Cranganor dans le royaume de Calicut qui entreprit ce voyage avec deux mages, et que ce roi, de retour dans son pays, bâtit une chapelle à la sainte Vierge.

On demande combien ils donnèrent d’or à Joseph et à Marie ? Plusieurs commentateurs assurent qu’ils firent les plus riches présents. Ils se fondent sur l’Évangile de l’enfance[2] dans lequel il est dit que Joseph et Marie furent volés en Égypte par Titus et Dumachus. Or, disent-ils, on ne les aurait pas volés s’ils n’avaient pas eu beaucoup d’argent. Ces deux voleurs furent pendus depuis ; l’un fut le bon larron, et l’autre le mauvais larron. Mais l’Évangile de Nicodème leur donne d’autres noms : il les appelle Dimas et Gestas[3].

Le même Évangile de l’enfance dit que ce furent des mages et non pas des rois qui vinrent à Bethléem ; qu’ils avaient été à la vérité conduits par une étoile ; mais que l’étoile ayant cessé de paraître quand ils furent dans l’étable, un ange leur apparut en forme d’étoile pour leur en tenir lieu. Cet Évangile assure que cette visite des trois mages avait été prédite par Zoradasht, qui est le même que nous appelons Zoroastre.

Suarez a recherché ce qu’était devenu l’or que présentèrent les trois rois, ou les trois mages. Il prétend que la somme devait être très-forte, et que trois rois ne pouvaient faire un présent médiocre. Il dit que tout cet argent fut donné depuis à Judas, qui, servant de maître-d’hôtel, devint un fripon et vola tout le trésor.

Toutes ces puérilités n’ont fait aucun tort à la fête de l’Épiphanie, qui fut d’abord instituée par l’Église grecque, comme le nom le porte, et ensuite célébrée par l’Église latine.


  1. Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771. (B.)
  2. Voyez le paragraphe xxiii de l’Évangile de l’enfance, dans la Collection d’anciens évangiles (Mélanges, année 1769). (B.)
  3. Voyez le paragraphe ix de l’Évangile de Nicodème, dans la Collection d’anciens évangiles (Mélanges, année 1769). (B.)


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