Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Affirmation par serment

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Éd. Garnier - Tome 17
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AFFIRMATION PAR SERMENT[1].


Nous ne dirons rien ici sur l’affirmation avec laquelle les savants s’expriment si souvent. Il n’est permis d’affirmer, de décider, qu’en géométrie. Partout ailleurs imitons le docteur Métaphraste de Molière[2]. Il se pourrait — la chose est faisable — cela n’est pas impossible — il faut voir, — Adoptons le peut-être de Rabelais, le que sais-je de Montaigne, le non liquet des Romains, le doute de l’Académie d’Athènes, dans les choses profanes s’entend : car pour le sacré, on sait bien qu’il n’est pas permis de douter.

Il est dit à cet article, dans le Dictionnaire encyclopédique, que les primitifs, nommés quakers en Angleterre, font foi en justice sur leur seule affirmation, sans être obligés de prêter serment.

Mais les pairs du royaume ont le même privilège ; les pairs séculiers affirment sur leur honneur, et les pairs ecclésiastiques en mettant la main sur leur cœur ; les quakers obtinrent la même prérogative sous le règne de Charles II : c’est la seule secte qui ait cet honneur en Europe.

Le chancelier Cowper voulut obliger les quakers à jurer comme les autres citoyens ; celui qui était à leur tête lui dit gravement : « L’ami chancelier, tu dois savoir que notre Seigneur Jésus-Christ, notre sauveur, nous a défendu d’affirmer autrement que par ya, ya, no, no. Il a dit expressément : « Je vous défends de jurer ni par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu ; ni par la terre, parce que c’est l’escabeau de ses pieds ; ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand roi ; ni par la tête, parce que tu n’en peux rendre un seul cheveu ni blanc ni noir. » Cela est positif, notre ami ; et nous n’irons pas désobéir à Dieu pour complaire à toi et à ton parlement. »

— On ne peut mieux parler, répondit le chancelier ; mais il faut que vous sachiez qu’un jour Jupiter ordonna que toutes les bêtes de somme se fissent ferrer : les chevaux, les mulets, les chameaux même, obéirent incontinent ; les ânes seuls résistèrent : ils représentèrent tant de raisons, ils se mirent à braire si longtemps, que Jupiter, qui était bon, leur dit enfin : « Messieurs les ânes, je me rends à votre prière ; vous ne serez point ferrés ; mais le premier faux pas que vous ferez, vous aurez cent coups de bâton. »

Il faut avouer que les quakers n’ont jamais jusqu’ici fait de faux pas.


  1. Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. (B.)
  2. Métaphraste est un personnage du Dépit amoureux. C’est Marphurius qui, dans le Mariage forcé, scène viii, prononce les paroles rapportées par Voltaire, et que Voltaire lui-même cite ailleurs. Voyez l’article Apparence.


Adultère

Affirmation par serment Agar