Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Celtes

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Éd. Garnier - Tome 18

CELTES[1].

Parmi ceux qui ont eu assez de loisir, de secours et de courage pour rechercher l’origine des peuples, il y en a eu qui ont cru trouver celle de nos Celtes, ou qui du moins ont voulu faire accroire qu’ils l’avaient rencontrée : cette illusion était le seul prix de leurs travaux immenses ; il ne faut pas la leur envier.

Du moins quand vous voulez connaître quelque chose des Huns (quoiqu’ils ne méritent guère d’être connus, puisqu’ils n’ont rendu aucun service au genre humain), vous trouvez quelques faibles notices de ces barbares chez les Chinois, ce peuple le plus ancien des nations connues, après les Indiens. Vous apprenez d’eux que les Huns allèrent dans certain temps, comme des loups affamés, ravager des pays regardés encore aujourd’hui comme des lieux d’exil et d’horreur. C’est une bien triste et bien misérable science. Il vaut mieux sans doute cultiver un art utile à Paris, à Lyon, et à Bordeaux, que d’étudier sérieusement l’histoire des Huns et des ours ; mais enfin on est aidé dans ces recherches par quelques archives de la Chine.

Pour les Celtes, point d’archives ; on ne connaît pas plus leurs antiquités que celles des Samoyèdes et des terres australes.

Nous n’avons rien appris de nos ancêtres que par le peu de mots que Jules César, leur conquérant, a daigné en dire. Il commence ses Commentaires par distinguer toutes les Gaules en Belges, Aquitainiens, et Celtes.

De là quelques fiers savants ont conclu que les Celtes étaient les Scythes, et dans ces Scythes-Celtes ils ont compris toute l’Europe. Mais pourquoi pas toute la terre ? pourquoi s’arrêter en si beau chemin ?

On n’a pas manqué de nous dire que Japhet, fils de Noé, vint au plus vite au sortir de l’arche peupler de Celtes toutes ces vastes contrées, qu’il gouverna merveilleusement bien. Mais des auteurs plus modestes rapportent l’origine de nos Celtes à la tour de Babel, à la confusion des langues, à Gomer, dont jamais personne n’entendit parler, jusqu’au temps très-récent où quelques Occidentaux lurent le nom de Gomer dans une mauvaise traduction des Septante.

Et voilà justement comme on écrit l’histoire[2].

Bochart, dans sa Chronologie sacrée (quelle chronologie !), prend un tour fort différent : il fait de ces hordes innombrables de Celtes une colonie égyptienne, conduite habilement et facilement des bords fertiles du Nil par Hercule dans les forêts et dans les marais de la Germanie, où sans doute ces colons portèrent tous les arts, la langue égyptienne, et les mystères d’Isis, sans qu’on ait pu jamais en retrouver la moindre trace.

Ceux-là m’ont paru avoir encore mieux rencontré, qui ont dit que les Celtes des montagnes du Dauphiné étaient appelés Cottiens de leur roi Cottius ; les Bérichons, de leur roi Bétrich ; les Welches ou Gaulois, de leur roi Vallus ; les Belges, de Balgen, qui veut dire hargneux.

Une origine encore plus belle, c’est celle des Celtes-Pannoniens, du mot latin Pannus, drap, attendu, nous dit-on, qu’ils se vêtissaient de vieux morceaux de drap mal cousus, assez ressemblants à l’habit d’Arlequin, Mais la meilleure origine est sans contredit la tour de Babel.

Ô braves et généreux compilateurs, qui avez tant écrit sur des hordes de sauvages qui ne savaient ni lire ni écrire, j’admire votre laborieuse opiniâtreté ! Et vous, pauvres Celtes-Welches, permettez-moi de vous dire, aussi bien qu’aux Huns, que des gens qui n’ont pas eu la moindre teinture des arts utiles ou agréables ne méritent pas plus nos recherches que les porcs et les ânes qui ont habité leur pays.

On dit que vous étiez anthropophages ; mais qui ne l’a pas été ?

On me parle de vos druides, qui étaient de très-savants prêtres : allons donc à l’article Druides.


  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)
  2. Charlot, I, vii.


Causes finales

Celtes

Cérémonies, titres, prééminences