Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/T

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Éd. Garnier - Tome 20
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T.
REMARQUES SUR CETTE LETTRE[1].

L’euphonie, qui adoucit toujours le langage et qui l’emporte sur la grammaire, fait que dans la prononciation nous changeons souvent ce t en c. Nous prononçons ambicieux, akcion, parcial ; car lorsque ce t est suivi d’un i et d’une autre voyelle, le son du t paraît un peu trop dur. Les Italiens ont changé de même ce t en z. La même raison nous a insensiblement accoutumés à écrire et à prononcer un t à la fin de certains temps des verbes : il aima, mais aima-t-il constamment ? il arriva, mais à peine arriva-t-il ; il s’éleva, mais s’éleva-t-il au-dessus des préjugés ? on raisonne, mais raisonne-t-on constamment ? etc. ; il écrira, mais écrira-t-il avec élégance ? il joue, joue-t-il habilement ?

Ainsi donc, quand la troisième personne du présent, du prétérit et du futur, se terminant en voyelle, est suivie d’un article ou de la particule on, qui tient lieu d’article, l’usage a voulu qu’on plaçât toujours ce t. On étendait autrefois plus loin cet usage ; on prononçait ce t à la fin de tous les prétérits en a : il aima à aller, on disait il aima-t-à aller ; et cette prononciation s’est conservée dans quelques provinces. L’usage de Paris l’a rendue très-vicieuse.

Il n’est pas vrai que pour rendre la prononciation plus douce on change le b en p devant un t, et qu’on dise optenir pour obtenir. Ce serait au contraire rendre la prononciation plus dure. Le t se met encore après l’impératif va, va-t’en.

Ta, pronom poss. féminin ; ta mère, ta vie, ta haine. La même euphonie, qui adoucit toujours le langage, a changé ta en ton devant toutes les voyelles : ton adresse, son adresse, mon adresse, et non ta, sa, ma adresse ; ton épée, et non ta épée ; ton industrie, ton ignorance, non ta industrie, ta ignorance ; ton ouverture, non ta ouverture. La lettre h, quand elle n’est point aspirée et qu’elle tient lieu de voyelle, exige aussi le changement de ta, ma, sa, en ton, mon, son : ton honnêteté, et non ta honnêteté.

Ta, ainsi que ton, donne tes au pluriel : tes peines sont inutiles.

Le redoublement du mot ta signifie un reproche de trop de vitesse : ta ta ta, voilà bien instruire une affaire ! Mais ce n’est point un terme de la langue, c’est une espèce d’exclamation arbitraire. C’est ainsi que dans les salles d’armes on disait c’est un tata, pour désigner un ferrailleur.



  1. Nous avons vu Voltaire rédiger avec ardeur pour l’Encyclopédie de simples articles de grammaire. Au moment de sa mort, il s’occupait avec non moins de zèle du Dictionnaire de l’Académie. Sauf Taxe et Térélas, tous les articles qui suivent, jusqu’à Testicules, sont des échantillons de son travail. (G. A.)


Système

T

Tabac