Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/PÂTE

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inconnu
Lottin le Jeune (p. 484-488).
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PÂTE : se dit des différentes manieres d’apprêter les diverses farines des grains différens, en les détrempant avec de l’eau, ou d’autres liqueurs. Nous en avons déjà parlé au mot Abaisse, mais trop briévement, pour ne devoir pas étendre un peu cet article intéressant en cuisine, par les différens usages auxquels ont emploie les pâtes, sçavoir, pour tourtes, gâteaux, pâtés, rissoles, & autres choses semblables.

Pâte à frire. Prenez un peu de beurre, du lait, & un peu de sel fin. Mettez le tout dans une casserole sur le feu : quand le lait est prêt à bouillir, mettez-y de la farine, & la desséchez sur le feu comme pour les petits choux. Étendez-la ensuite avec le rouleau, le plus mince que vous pourrez ; découpez-la en petits quarrés ; faites-la frire dans l’huile ; glacez-la avec du sucre ; & servez pour rôt, ou collation.

Pâte à l’huile. Faites bouillir de l’huile sur le feu, jusqu’à ce qu’elle ne fasse plus de bruit. Elle aura perdu alors de son âcreté. Prenez un litron de fleur de farine ; mettez-y trois ou quatre jaunes d’œufs, une pincée de sel, de l’huile à discrétion, un petit verre d’eau. Mêlez le tout, & pétrissez de sorte que la pâte reste un peu ferme, d’autant que cette pâte n’est jamais aussi ferme qu’avec du beurre, quoiqu’on s’en serve rarement. Comme beaucoup de personnes la préferent, on a cru en devoir donner ici le procédé.

Pâte bise. Prenez un boisseau de farine de seigle ; ôtez-en seulement le gros son. Pétrissez-la à l’eau chaude, de sorte qu’elle soit ferme ; n’y mettez qu’une demi-livre de beurre. Formez-en votre abaisse avec un rouleau. Cette pâte est propre pour les pâtés de jambon, & de grosse venaison, qu’on transporte au loin ; c’est pourquoi leur croûte doit avoir deux doigts d’épaisseur, pour soutenir les secousses du voyage.

Pâte blanche pour les gros pâtés qui se mangent froids. Mettez sur une table un demi-boisseau de fleur de farine ; faites un creux dans le milieu, dans lequel vous mettrez deux livres de beurre frais. Si ce beurre est dur, vous le manierez auparavant, pour l’amollir. Mettez-y trois onces de sel fin, un demi-septier d’eau, plus ou moins : détrempez peu-à-peu cette farine, en l’arrosant d’eau tiéde ; cette pâte étant liée, étendez-la avec le rouleau ; jettez un peu de farine dessus & dessous, afin qu’elle ne tienne point à la table. Il faut dans la pâte plus de beurre en hyver qu’en été, parce que le froid la séche & la rend plus difficile à manier. On peut la rendre plus fine, en y mettant plus de beurre. Voilà tout le secret.

Pâte blanche, pour les tourtes & autres pâtisseries qui se mangent chaudes. Prenez trois livres de beurre & un demi-boisseau de farine. Pétrissez votre pâte comme la précédente. Elle est propre à faire des pâtés d’entrées de veau, pigeonneaux, béatilles, & autres mets chauds.

Pâte croquante. Prenez environ deux poignées d’amandes, si vous ne voulez faire qu’une petite tourte ; échaudez-les pour les peler ; & en les pelant, jettez-les dans de l’eau fraîche ; vous les essuierez ensuite pour les piler au mortier, en les arrosant, de tems en tems, d’un peu de blanc d’œuf, & d’eau de fleurs d’oranges, battus ensemble, afin qu’elles ne viennent point en huile. Il est important de les bien piler ; & l’on pourroit même les passer au tamis, afin qu’il n’y reste point de grumeaux. Vos amandes étant ainsi préparées, vous mettez cette pâte dans une poële, & vous la desséchez avec du sucre en poudre, comme une pâte ordinaire, jusqu’à ce qu’elle soit bien maniable : vous en formerez alors un rouleur, pour la laisser reposer quelque tems ; puis vous en retirerez une abaisse que vous mettrez sécher au four dans une tourtiere : de ce que vous en aurez rogné, vous en formerez d’autres petits ouvrages, comme lacs d’amour, chiffres, ou autres galantieres, qui vous serviront pour garnir votre tourte.

Pâte croquante d’une autre maniere. Vous prendrez un ou deux blancs d’œufs, trois ou quatre cuillerées de beau sucre fin, & autant de farine, si vous ne voulez qu’une tourte. Délayez le sucre le premier avec vos blancs d’œufs, & ensuite la farine ; & pétrissez bien le tout ensemble, jusqu’à ce que votre pâte soit maniable : vous en étendrez une abaisse fort mince, la poudrant de sucre fin ; & l’ayant mise sur votre tourtiere, vous pincerez proprement les bords, d’espace en espace ; & vous la piquerez avec la pointe d’un couteau, pour empêcher qu’elle ne bouffe. Ce qui vous restera de votre pâte, vous le filerez de la grosseur d’un lacet, & vous en façonnerez le dedans de votre tourte. Vous y pouvez faire un soleil, une étoile, une croix de Malte, des armoiries, des fleurs de lys, ou autre chose ; ensuite vous la ferez cuire doucement au four ; & pour la servir, vous remplirez les espaces de différentes marmelades ou gelées, suivant les couleurs que vous jugerez à propos de lui donner. On peut y ajoûter un peu d’eau de fleurs d’oranges, ou de quelqu’autre eau de senteur.

Pâte demi-feuilletée. Pour faire cette pâte, le procédé consiste tout simplement à mettre moins de beurre dans la pâte qu’on fait. Si elle n’est pas plus délicate, elle n’en est pas moins saine.

Pâte feuilletée. Prenez un demi-quart de fleur de farine. Faites la pâte à l’eau froide. Mettez-y un peu de sel fin, avec quelques jaunes d’œufs, pour la rendre plus délicate. Maniez le tout ensemble, en l’arrosant de tems à autre, selon le besoin. Quand cette pâte est mollette & bien liée, mettez-la en masse, & la laissez reposer une demi-heure ; après ce tems, étendez-la, avec un rouleur, de l’épaisseur d’un pouce. Éparpillez dessus la quantité de beurre qu’il y faut, que vous mettrez en petits tas, pour le moins une livre. Pliez-la en double, en y renfermant du beurre ; étendez-la de nouveau avec le rouleau, & cela jusqu’à cinq ou six fois, & la réduisez à l’épaisseur que vous voudrez, en la poudrant de farine, des deux côtés, pour qu’elle ne s’attache point à la table. Cette pâte sert pour ce qu’on appelle pâtés d’assiettes, soit de veau, pigeonneaux, béatilles, & autres pâtés à manger chauds. Elle peut aussi servir à faire des tourtes de confitures, & autres piéces de four.

Pâtes de fruits. Les pâtes de fruits sont d’une grande ressource à l’office, pour orner les desserts, & suppléer au fruit, lorsqu’il manque : on trouvera, à leurs articles respectifs, les fruits qu’on emploie le plus ordinairement pour ces sortes de préparations. (Voyez Abricots, Amandes, Cerises, Coings, Épine-vinette, Framboises, Groseilles, Guimauve, Jasmin, Muscat, Orange, Pêches, Poires, Pommes, Précoces, Prunes, Verjus, Violettes.)

Pâtes. Nous avons déjà cité plusieurs fois dans cet ouvrage le Dictionnaire Domestiques, imprimé chez Vincent, Librairie, rue saint Severin. Nous le rappellerons encore ici à l’occasion des différentes sortes de pâte, dont il est fait mention dans ce même Dictionnaire. Par la même occasion, nous avertissons nos lecteurs, qu’ils y trouveront d’autres articles de cuisine & d’office, très-bien traités ; tels sont en particuliers les mots de

Coing, Hidromel,
Concombre, Jambon,
Confiture, Iris,
Eau artificielle, Lait,
Eau naturelle, Laitue,
Fraise, Lentilles,
Framboise, Marron,
Groseilles, Navet,
Harengs, Noisettes,
Haricots, Noix,
Huiles, Orange.
Huitres,

Nous ferons mention, dans la suite, des autres instructions que nos lecteurs pourront puiser dans le Dictionnaire Domestique, relativement à la cuisine & à l’office.