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Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Archivoltes

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Archivoltes.

Ce sont les arcs qui sont bandés sur les piles des nefs ou des cloîtres, sur les pieds droits des portails, des porches, des portes ou des fenêtres, et qui supportent la charge des murs. Les archivoltes, pendant la période romane jusqu’au XIIe siècle sont plein cintre, quelquefois surhaussées, très-rarement en fer à cheval. Elles adoptent la courbe brisée dite en tiers-point dès le commencement du XIIe siècle dans l’Île-de-France et la Champagne ; vers la fin du XIIe siècle dans la Bourgogne, le Lyonnais, l’Anjou, le Poitou, la Normandie ; et, seulement pendant le XIIIe siècle, dans l’Auvergne, le Limousin, le Languedoc et la Provence. — Archivoltes s’ouvrant sur les bas côtés. — Elles sont généralement composées, pendant le XIe siècle, d’un ou deux rangs de claveaux simples (8) sans moulures ;
quelquefois le second rang de claveaux, vers la fin du XIe siècle, comme dans la nef de l’Abbaye-aux-Dames de Caen (9), est orné de bâtons rompus, de méandres ou d’un simple boudin (10). L’intrados de l’arc qui doit reposer sur le cintre en charpente, pendant la construction, est toujours lisse. Les ornements qui décorent les seconds arcs varient suivant les provinces ; ils sont presque toujours empruntés aux formes géométriques dans la Normandie, aux traditions antiques dans la Bourgogne (11) (nef de l’église abbatiale de Vézelay), dans le Mâconnais, le Lyonnais et la Provence.


C’est surtout pendant le XIIe siècle que les archivoltes se couvrent d’ornements ; toutefois l’arc intérieur reste encore simple ou seulement refouillé aux arêtes par un boudin inscrit dans l’épannelage carré du claveau, pour ne pas gêner la pose sur le cintre en charpente (12) (nef de la cathédrale de Bayeux).


Les rangs de claveaux se multiplient et arrivent jusqu’à trois. L’Île-de-France est avare d’ornements dans ses archivoltes et prodigue les moulures (13), tandis que le centre de la France reste fidèle à la tradition, conserve longtemps et jusque vers le commencement du XIIIe siècle ses deux rangs de claveaux, celui intérieur simple, tout en adoptant l’arc en tiers-point (cathédrale d’Autun) (14). Mais alors les ornements disparaissent peu à peu des archivoltes des nefs et sont remplacés par des moulures plus ou moins compliquées. En Normandie, on voit les bâtons rompus, les dents de scie, persister dans les archivoltes jusque pendant le XIIIe siècle.
En Bourgogne et dans le Mâconnais, parfois aussi les billettes, les pointes de diamant, les rosaces, les besants ; en Provence, les oves, les rinceaux, les denticules, tous ornements empruntés à l’antiquité. L’intrados de l’arc intérieur commence à recevoir des moulures très-accentuées pendant le XIIIe siècle ; ces moulures, en se développant successivement, finissent par faire perdre aux claveaux des arcs cet aspect rectangulaire dans leur coupe qu’ils avaient conservé jusqu’alors.
Nous donnons ici les transformations que subissent les archivoltes des nefs de 1200 à 1500 : Cathédrale de Paris, Saint-Pierre de Chartres, etc. (15), 1200 à 1230 ; cathédrale de Tours (16), 1220 à 1240 ; cathédrale de Nevers (17), 1230 à 1250. Dans ce cas le cintre en charpente nécessaire à la pose du rang intérieur des claveaux doit être double. Autres exemples de la même époque (18 et 19), avec arc extérieur saillant sur le nu du parement, Saint-Père-sous-Vézelay, 1240 à 1250. Cathédrale de Paris (20), 1320 à 1330 ; cathédrales de Narbonne et de Clermont (21), 1340.
Les profils s’évident de plus en plus à mesure qu’ils se rapprochent du XVe siècle : Saint-Severin de Paris (22), XVe siècle ; église de Saint-Florentin (23), commencement du XVIe siècle.
Vers la fin du XVe siècle, les coupes des arcs et leurs courbes sont à peu près identiques dans tous les monuments élevés à cette époque.

archivoltes de cloîtres.

Ils conservent la forme plein cintre fort tard jusque vers la fin du XIIIe siècle dans le centre et le midi de la France (voy. Cloître).

archivoltes de portails.

Les murs-pignons des façades d’églises étant toujours d’une forte épaisseur, les portes sont nécessairement cintrées par une succession d’archivoltes superposées. Ces archivoltes, dans les édifices romans, présentent quelquefois jusqu’à quatre ou cinq rangs de claveaux, un plus grand nombre encore dans les édifices bâtis pendant la période ogivale ; les murs de ces derniers monuments, par suite de leur hauteur et de leur épaisseur, doivent être portés sur des arcs très-solides ; or, comme les constructeurs du moyen âge avaient pour méthode, lorsqu’ils voulaient résister à une forte pression, non d’augmenter la longueur de la flèche des claveaux de leurs arcs, mais de multiplier le nombre de ces arcs, méthode excellente d’ailleurs (voy. Appareil), il en résulte qu’ils ont superposé jusqu’à six, sept et huit arcs concentriques au-dessus des linteaux des portes de leurs façades. Ces séries d’archivoltes sont décorées avec plus ou moins de luxe, suivant la richesse des édifices. Pendant le XIe siècle, les archivoltes des portails sont pleins cintres ; elles n’adoptent la forme ogivale que vers le milieu du XIIe siècle, sauf dans quelques provinces où le plein cintre persiste jusque pendant le XIIIe siècle, notamment dans la Provence, le Lyonnais et la Bourgogne. Elles se distinguent dans l’Île-de-France et le centre, pendant le XIe siècle, par une grande sobriété d’ornements, tandis qu’en Normandie, en Bourgogne, en Poitou, en Saintonge, on les voit chargées, pendant le XIIe siècle particulièrement, d’une profusion incroyable d’entre-lacs, de figures, de rosaces ; en Normandie, ce sont les ornements géométriques qui dominent (24), (église de Than, près Caen, XIe siècle).
Dans la Provence, ce sont les moulures fines, les ornements plats sculptés avec délicatesse. Dans le Languedoc et la Guyenne, la multiplicité des moulures et les ornements rares (25), église Saint-Sernin de Toulouse, Église de Loupiac, Gironde (26) ; portail sud de l’église du Puy-en-Vélay (27).
Dans le Poitou et la Saintonge, les figures bizarres, les animaux, les enchevêtrements de tiges de feuilles, ou les perlés, les besants, les pointes de diamant finement retaillées, les dents de scie, et les profils petits séparés par des noirs profonds ; église de Surgère, Charente (28). Dans la Bourgogne, les rosaces, les personnages symboliques ; portail de l’église
d’Avallon, Yonne (29). On voit par l’examen de ces exemples appartenant aux XIe et XIIe siècles,
que quelle que soit la richesse de la décoration, les moulures, ornements ou figures se renferment dans un épannelage rectangulaire. Jusqu’au XVe siècle, les architectes conservent scrupuleusement ce principe. Ainsi, vers la fin du XIIe siècle et pendant les XIIIe et XIVe siècles, les archivoltes, dans les grands portails des cathédrales du nord, sont presque toujours chargées de figures sculptées chacune dans un claveau ; ces figures sont comprises dans l’épannelage des voussoirs ;
nous en donnons un exemple (30) tiré du portail sud de la cathédrale d’Amiens, XIIIe siècle ; A indique la coupe des claveaux avant la sculpture. De même, si l’archivolte se compose de moulures avec ou sans ornements, la forme première du claveau se retrouve (31) ; porte latérale de l’église Saint-Nazaire de Carcassonne, XIVe siècle.

Au XVe siècle cette méthode change ; les archivoltes des portails sont posées avec la moulure ou gorge qui doit recevoir les figures ; cette gorge porte seulement les dais et supports des statuettes, et celles-ci sont accrochées après coup au moyen d’un gond scellé dans le fond de la moulure (32) ; portail de l’église Notre-Dame de Semur ; dès lors ces statuettes, sculptées dans l’atelier et adaptées après coup, n’ont plus cette uniformité de saillie, cette unité d’aspect qui, dans les portails des XIIIe et XIVe siècles, fait si bien valoir les lignes des archivoltes et leur laisse une si grande fermeté, malgré la multiplicité des détails dont elles sont chargées.

archivoltes des portes.

Toutes les portes des époques romane et ogivale étant, sauf quelques exceptions qui appartiennent au Poitou et à la Saintonge, couronnées par un linteau, les archivoltes ne sont que des arcs de décharge qui empêchent le poids des maçonneries de briser ces linteaux. Les moulures qui décorent ces archivoltes subissent les mêmes transformations que celles des portails ; le plein cintre persiste dans les archivoltes des portes ; on le voit encore employé jusque vers la fin du XIIIe siècle pour les baies d’une dimension médiocre, alors que la courbe en tiers-point domine partout sans mélange (voy. Porte).

archivoltes des fenêtres.

Elles restent plein cintre jusque pendant le XIIIe siècle dans les provinces méridionales et du centre ; adoptent la courbe en tiers-point dans l’Île-de-France vers le milieu du XIIe siècle. Dans la Normandie, la Bourgogne, la Picardie et la Champagne, de 1200 à 1220 environ (voy. Fenêtre). Elles sont généralement, pendant la période ogivale, immédiatement posées sous le formeret des voûtes et se confondent même parfois avec lui ; exemples : cathédrales d’Amiens, de Beauvais, de Troyes, de Reims, etc.