Documents et notes sur le Velay/15

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XV

Hommage de Pons de Bonneville à l’évêque Bernard de Castanet.


(Le Puy, 13 février 1309, n. s.)

La tragique aventure de la rue des Grazes venait de recevoir, à cinquante ans de distance, son châtiment irrévocable. Vouée, depuis le guet apens ourdi vers 1196 contre l’évêque Robert d’Auvergne, à l’œuvre néfaste de la félonie et de la violence et réservée à de mystérieuses expiations, la race des Chapteuil s’était éteinte. Le neveu du dernier seigneur n’avait pu recueillir que les débris de l’opulent héritage. L’église anicienne était définitivement maîtresse de la baronnie et de ses principales dépendances. Pons de Goudet et ses successeurs semblent s’être résignés de bonne grâce et avoir subi patiemment la suzeraineté de nos évêques. À partir de 1296, Guillaume Pourchas[1], chevalier, Falcon de Montels, Guillaume de Pouzols, Ebde de La Chalm, Hugon de La Chau, Pons Vigier, Hugon de Lorme, Ode Saunier, Pons Charbonnel, Bertrand de Servissac, François d’Ales[2], Raymond de Saune, Guillaume Plantat et Guillaume Mège firent des actes de reconnaissance à Jean de Cumènis pour tout ce qu’ils possédaient, soit par eux-mêmes, soit dans le château et mandement de Chapteuil ; et les actes de féauté d’un grand nombre de vassaux se succèdent sans interruption dans le Répertoire des hommages de l’Évêché du Puy jusqu’en 1389. En 1314, les habitants du mandement de Chapteuil et des villages du Fraysse, de Chanalies (?), du Bets, du Villaret, de Prades (La Pradette ?), Saint-Julien, Mezeyrac (?), La Coste, Mounedeyres, Bournac, Masfrayt (?), Machabert, Couteaux, Cancoules, Bigorre, reconnurent être hommes-liges, justiciables, exploitables, « comptables à toute volonté de Monseigneur l’évêque »[3].

On trouve dans le même Répertoire des reconnaissances des xvie et xviie siècles, rendus par divers possesseurs de rentes, censives, biens nobles ou roturiers au profit des évêques Antoine de Sénecterre, Just de Serres, Henri de Maupas et Armand de Béthune. Le dernier acte, mentionné par le registre qui nous guide, est une ventilation du 7 septembre 1772 du fief de Mazengon, relevant partie du monastère de Saint-Chaffre et partie de la comté de Chapteuil et du chapitre de Notre-Dame[4].

Parmi les vassaux de Chapteuil, dont la soumission à l’évêché se produisit de suite après l’accord de 1289, on remarque les seigneurs de Bonneville. En 1296, Pons de Bonneville promit sa foi à Jean de Cuménis pour tout ce qu’il possédait à titre patrimonial ainsi que dans le château de Chapteuil. En 1308, ou probablement en 1309, le même fit hommage à Bernard de Castanet « d’un chazal à la tour de Servissas, de tout ce qu’il a et perçoit dans le château et mandement de Chapteuil, au mas des Maris (de Mariac ?), de Saint-Marcel, au mas de la Roche, dans le susdit mandement, et dans la tour de Servissas, par indivis avec le seigneur de Bouzols »[5].

En 1318, hommage prêté par Hugues de Gleyras[6], dit de Bonneville, à l’évêque Guillaume de Brosse, pour les mêmes possessions, notamment pour le mas, appelé cette fois-ci Mas dous Maris-Saint-Martial.

En 1328, l’hommage est prêté par Hugon de Glavenas, dit de Bonneville ; en 1328, par Pons de Bonneville et, en 1383, par Guigon de Bonneville[7].

Autant qu’on peut le conjecturer d’après le Répertoire, très sujet à caution, des Hommages, il y avait dans les appartenances de Chapteuil, au xive siècle, deux maisons, ou peut-être deux branches de la même race, qui portaient l’une et l’autre le titre de Bonneville. Ces deux maisons, en effet, rendent hommage pour des possessions différentes[8]. De plus Hugues de Glavenas porte son nom patronymique et y ajoute seulement, comme surnom, ce titre de Bonneville, tandis que Pons se qualifie de Bonneville tout court. Il est donc probable que le véritable chef de cette maison était Pons de Bonneville, le propriétaire des mas de Bonneville, de Marsilhac et de la Freideyre.

Nous devons à la généreuse obligeance de M. Colomb de Bonneville, docteur en droit, avoué au Puy, et fils du propriétaire actuel du château de Bonneville, le texte original sur parchemin de l’hommage prêté le 13 février 1309 à Bertrand de Castanet, par Pons de Bonneville, à propos des mas de Bonneville, de la Freideyre et de Marsilhac. L’acte eut lieu au Puy, dans l’une des salles supérieures de l’Évêché, en présence de Pierre de Servissac, trésorier du chapitre ; de Raymond de Poiolar, fils ou frère du juge royal de 1289 ; et de Bertrand de Sereys, chanoines[sic] de Notre-Dame ; de Guillaume Guérin et Étienne de Botonet, jurisconsultes ; de Raymond Julien, chanoine d’Alby ; de Durand, chapelain de Loudes[9] ; et de Bertrand d’Hauterive, chevalier.

L’hommage fut prêté par le récipiendaire, la main sur les Évangiles, et l’évêque lui dicta ou rappela, au préalable, les termes de la reconnaissance en langue maternelle, c’est-à-dire romane.

In nomine Domini, amen. Anno Incarnationis ejusdem millesimo trecentesimo octavo videlicet Idus mensis febroarii, illustrissimo principe domino Philipo, Dei gratia rege Francorum regnante, et reverendo in Christo patre domino Bernardo, eadem gratia Aniciensi episcopo existente, notum sit universis et singulis hoc instrumentum publicum inspecturis quod in presencia mei Felicis de Furno, auctoritate regia publici notarii, et magistri Bernardi de Maloere, auctoritate apostolica, et magistri Petri de Croso, auctoritate regia et imperiali, publicorum notariorum et testium subscriptorum in hoc instrumento publico contentorum, constitutus Pontius de Bona villa, domicellus, Aniciensis diocesis, pro se suisque successoribus et heredibus universis et singulis, confessus fuit et in veritate recognovit prefato domino Bernardo de Castaneto, Aniciensi episcopo, presenti et ipsum Pontium super hoc requirenti, se tenere et heredes et successores suos tenere debere et predecessores suos habuisse, tenuisse et recepisse in feudum a domino episcopo et ecclesia Aniciensi et capitulo Aniciensi, quicquid habet et tenet in manso de Bona villa et quicquid habet et tenet in manso de Marcilhac et quicquid habet et tenet in manso de la Freydeira, que omnia sunt in mandamento castri de Captholio Aniciensis dyocesis, et omnia alia que idem Pontius habet in castro et mandamento predictis. Et pro predictis omnibus habitis, receptis et recognitis, dictus Poncius pro se et nomine quo supra fecit homatgium ligium et juravit fidelitatem, ad sancta Dei evangelia manualiter tacta, dicto domino episcopo presenti et recipienti ; nomine suo et dicte Aniciensis eclesie et successorum suorum episcoporum Aniciensium, qui pro tempore fuerint, cum omnibus capitulis fidelitatis materna lingua eidem Pontio expositis et declaratis per dominum episcopum supadictum : protestatione facta per dictum Pontium quod si aliqua alia amplius dicto domino episcopo et ecclesie Aniciensi recognoscere deberet et recognoscere teneretur, quod ea recognosceret cum ad ejus noticiam perveniret ; dictus vero dominus episcopus recognitionem predictam recepit, salvo tamen sibi et successoribus suis et dicte Aniciensi ecclesie in omnibus et per omnia jure suo ac jure alieno, et quod si aliqua alia ea ultra ea que supra sunt recognita, dictus Poncius recognoscere deberet dicto domino episcopo et Aniciensi ecclesie, quod in illis que non essent recognita sit integrum et salvum jus super comissione feudi et aliis prefato domino episcopo et sucessoribus suis et Aniciensi ecclesie supradicte.

Acta sunt predicta publice Anicii, in fornello superiori Chesie anno et Ydus predictis, presentibus testibus discretis viris dominis Petro de Servissas, thesaurario, Raymundo de Poiolario, Bertrando de Sereis, canonicis Aniciensibus ; magistris Hugone del Cher, Guillelmo Garini et Stephano de Botoneto, jurisperitis ; domino Raimundo Juliani canonico Albiensi, domino Durando de Lode, capellano, domino Bertrando de Alta ripa, milite, et magistris B. de Maloere et Petro de Croso, notariis supradictis publicis, et magistro Felice de Furno, notario publico in toto regno Francie, vice cujus et mandato et auctoritate ejus ego Bernardus de Brivata, publicus notarius dicti domini Regis, predicta omnia de notis dicti magistri Felicis fideliter extraxi, nichil adito (sic) vel detracto, ut juratus ejusdem. Et ego Felix de Furno, predictus publicus in regno Francie auctoritate regia notarius, qui in predictis extractis, jussu meo, de cartulario et protocollo meo per dictum Bernardum de Brivata, juratum meum, presens interfui, et hic subscripsi et ad majorem premissorum omnium firmitatem habendam et in eorum testimonium signum meum solitum apposui.

(Signet du notaire)



  1. Probablement l’un des témoins de l’enquête de 1285. (Voir ci-dessus, p. 31).
  2. Le P. Cazalède a dû mal orthographier le nom, suivant sa malheureuse habitude. Il s’agit, d’après toute apparence, de François Héles, témoin dans l’enquête. Hèles semble n’être qu’un surnom. En 1350, Raymond de Sereys, dit Elles, damoiseau, rendait hommage à l’évêque Jean de Chandorat, (Répertoire des hommages de l’Évêché du Puy, p. 153).
  3. Répertoire des Hommages, p. 143.
  4. Ibid., p. 162.
  5. Répertoire des hommages, p. 141.
  6. Probablement Hugues de Glavenas, comme dans l’hommage de 1328.
  7. Répertoire des hommages, pp. 144, 149, 158.
  8. Pons de Bonneville, en 1296 et 1328, et Guigon de Bonneville, en 1283, rendent foi et hommage pour les mas de Bonneville, de Marsilhac et la Freideyre, tandis que les Glavenas, dits de Bonneville, font leurs reconnaissances en 1318 et 1328 pour les mas de la Roche, le mas Dous Maris et la tour de Servissac. Pons de Bonneville cependant fait hommage, en 1308 ou 1309, pour les mas de la Roche et Dous Maris et la tour de Servissac, d’après le Répertoire, p. 141. Peut-être le P. Cazalède a-t-il mal lu ou mal orthographié le nom du Bonneville qui rend cet hommage.
  9. Le même Durand d’Anezac, sans doute, qui figure comme témoin dans la composition de 1289.