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Encyclopédie anarchiste/Bien-être - Bogomilisme

La bibliothèque libre.
Collectif
Texte établi par Sébastien FaureLa Librairie internationale (tome 1p. 243-253).


BIEN-ÊTRE (Le). n. m. « Liberté, Égalité, Fraternité ! » Cette devise résume les aspirations fondamentales de la République démocratique et sociale. Une longue et douloureuse expérience n’a que trop clairement établi l’hypocrite application qui est faite, en régime autoritaire, des trois termes de cette flamboyante trilogie. Plus personne ne se laisse prendre au mirage de ces trois mots qui, étroitement associés, devaient, par leur mise en pratique conjuguée, transformer le monde. Lorsque sur les murs des Églises, des Hôpitaux, des Asiles de nuit, des Casernes, des postes de Police, des Gendarmeries, des Palais de Justice, des Caisses d’Épargne, des Banques d’État, des Ministères, des Préfectures, des Hôtels de Ville, des Prisons, et autres mauvais lieux où s’élaborent et s’accomplissent tous les mauvais coups, on voit s’étaler le mensonge impudent de cette devise, on est pris de révolte ou d’écœurement.

Mais les hommes ― qui ne sont encore que de grands enfants ― aiment à marcher derrière des emblèmes et des drapeaux et ils éprouvent le besoin de se grouper, pour se connaître et lutter ensemble, autour d’une formule, d’une devise où s’affirment en termes brefs et précis les sentiments qu’ils éprouvent, les attachements qu’ils ressentent, les aspirations qui les meuvent, le but qu’ils poursuivent et la volonté qui les anime. Cédant à cette faiblesse, somme toute excusable, et tenant compte de l’influence que possède la magie des formules sur l’imagination et la sensibilité des masses populaires, les Anarchistes ont cru bon d’opposer à la devise discréditée de la Démocratie triomphante, une devise qui, résumant fidèlement le but vers lequel s’oriente l’effort positif de l’Anarchisme militant, fût susceptible de guider et de passionner la foule des victimes du capital et de l’État.

a) Les victimes du capital souffrent des privations que leur infligent les prélèvements automatiques des détenteurs de la richesse. Créées par le labeur millénaire des travailleurs intellectuels et manuels, les Richesses, toutes les Richesses, confisquées, volées et accumulées progressivement par une minorité de possédants, doivent faire retour à la totalité des humains. Une fois cette restitution accomplie, tous les moyens de production, de transport et d’échange seront mis en commun ; et ils constitueront un patrimoine indivis et inaliénable, dont la mise en valeur assurera à tous et à chacun le maximum immédiatement réalisable et toujours croissant du Bien-Être.

b) Les victimes de l’État souffrent de l’oppression que celui-ci fait peser sur elles. L’État a donné et donne de plus en plus la mesure de son activité dominatrice et absorbante. Il n’est plus permis de mettre en doute son rôle malfaisant. Il est de plus en plus prouvé que, quel qu’il soit, il est fatal qu’il représente la violence et la contrainte mises au service d’une classe, d’une caste ou d’un parti courbant sous son joug toute la masse de la population qui se trouve en dehors de ce parti, de cette caste ou de cette classe. L’expérience russe constitue une démonstration éclatante de cette vérité affirmée depuis toujours par les Anarchistes. Le régime de la Liberté est incompatible avec le maintien de l’État. Toute Révolution qui laissera subsister l’État aboutira à un étranglement plus ou moins différé mais tout à fait certain, des conquêtes révolutionnaires voulues et réalisées par les masses insurgées et victorieuses. Toute rénovation sociale qui n’aura pas pour point de départ la suppression de l’État et la disparition effective de toutes les institutions qui en découlent sera d’abord rendue inopérante et, ensuite, retournera, comme le chien des Écritures, à ses vomissements, c’est-à-dire aux odieuses méthodes d’étouffement et de répression qui sont la négation même de la Liberté. Par contre, l’État étant aboli, définitivement aboli, la Liberté naîtra spontanément et, cessant d’être un rêve magnifique mais inconsistant, deviendra une réalité positive et féconde.

Voilà pourquoi l’Anarchisme a ajouté le mot « Liberté » au mot « Bien-Être », en résumant ainsi les deux fins qui synthétisent son idéal :

« Bien-Être et Liberté ! »

Il serait injuste de dire que, seuls, les Communistes libertaires ont adopté cette devise : elle est aussi celle des syndicalistes révolutionnaires.



Donc, le mot « Bien-Être » est l’un des deux termes qui condensent l’idéal anarchiste. Il importe, maintenant, qu’on sache bien ce que nous entendons, par ce mot lui-même. Il s’applique le plus souvent à une situation agréable et douce, à une existence commode et confortable, à un état de fortune atteignant et même dépassant l’aisance. Cette acception courante et limitée du Bien-Être s’arrête aux conditions matérielles qui résultent, pour chacun, de la situation économique qui est la sienne. Voltaire dit : « le Bien-Être est la grande loi à laquelle tendent tous les êtres sensibles ; mais combien peu y arrivent au milieu des luttes que cette recherche entraîne !… » ― « Nous portons tous en nous le désir du Bien-Être. » (J.-J.-Rousseau). Le Bien-Être implique, à n’en pas douter, cet état général de satisfaction et de prospérité qui correspond dans le présent à un état de fortune suffisant et autorise, pour l’avenir, le ferme espoir d’une situation meilleure. Les besoins physiques étant ceux qui revêtent le caractère le plus pressant et, si j’ose dire, le seul constant et universel ― car tous les individus sont dans la nécessité, pour vivre, de s’alimenter, de se loger, de se vêtir. ― Il est naturel que le Bien-Être s’applique tout d’abord à cette catégorie primordiale de besoins : les besoins du corps. Mais le Bien-Être, tel que nous le concevons, ne s’arrête pas là ; il franchit les limites étroites que lui assignent les définitions qu’on trouve dans la presque totalité des dictionnaires et des ouvrages spéciaux consacrés à cet objet.

Manger à sa faim, boire à sa soif, se reposer quand on est fatigué, dormir quand on a sommeil, être convenablement logé et proprement vêtu, consacrer au travail une durée et un effort qui n’excèdent pas la dépense normale des forces que nous portons en nous, c’est, incontestablement, un ensemble de conditions que comporte le Bien-Être et en dehors desquelles le Bien-Être n’existe pas.

Mais si c’est une partie nécessaire et une indispensable condition du Bien-Être, ce n’est pas tout le Bien-Être et, bornée à ces satisfactions d’ordre exclusivement économique, la notion du Bien-Être reste incomplète.

Pour jouir des multiples avantages que comprend le Bien-Être, du point de vue anarchiste, il est indispensable que l’esprit et le cœur connaissent les satisfactions et goûtent les joies qui leur sont propres. Car l’individu n’est pas seulement un estomac qui digère ; c’est encore un cerveau qui pense et un cœur qui aime. La puissance de ses besoins intellectuels et affectifs ne le cède en rien à la force de ses besoins plus particulièrement physiques (que je ne distingue, au surplus, des premiers que pour parler un langage conforme à la classification usitée et pour être plus aisément compris).

Lorsque la faim, la soif, le besoin de dormir, la nécessité de s’abriter et de se vêtir talonnent un individu, il est certain qu’il songe tout d’abord au Bien-Être que lui procureraient, en l’occurrence, un repas appétissant, un lit moelleux, un abri confortable, un vêtement propre. Mais aussitôt que ces divers besoins sont satisfaits, il ressent, à moins qu’il ne soit une brute épaisse, le besoin de penser et d’aimer. Il arrive, alors, que moins il est absorbé par la nécessité de manger, de dormir, de se loger, de se vêtir, et plus il ressent celle de penser et d’aimer. L’aiguillon des besoins intellectuels et affectifs pénètre en lui d’autant plus profondément qu’il parvient mieux à se débarrasser, par une satisfaction régulière et abondante, de l’obligation lancinante des besoins spécifiquement matériels.

Ces considérations, dont personne, j’imagine, ne contestera l’exactitude, nous amènent, par une pente naturelle, à étendre le sens du mot « Bien-Être » aux satisfactions de tous ordres que comporte la multiplicité des besoins engendrés par la complexité des fonctions et des organes.

Certaines Écoles, dites socialistes ou communistes, enfermant tout le problème social dans la question économique, prétendent transformer l’organisation sociale, de la base au sommet, en changeant tout simplement le mode de production et de répartition des produits par la substitution d’un socialisme d’État (collectiviste ou communiste) au régime capitaliste actuel. Il va de soi que ces Écoles n’envisagent qu’une partie de la machine humaine : celle qui mange, boit, dort, produit et négligent celle qui aime et qui pense. Or, celle-ci a ses besoins comme celle-là ; d’une façon générale, les premiers ne sont ni plus ni moins impérieux que les derniers : plus forts chez les uns, ils sont plus faibles chez les autres. Ce qui est certain, c’est que chez les uns comme chez les autres ce sont les besoins insatisfaits qui réclament avec le plus de violence.

Un Bien-Être qui n’aurait pour but que de mettre les individus à l’abri de la misère et de ses désastreuses conséquences, constituerait, évidemment, un progrès appréciable. Mais c’est un résultat auquel il ne serait pas impossible d’atteindre, même sous régime capitaliste, par un ensemble de mesures appropriées et concordantes. Alors, point ne serait besoin d’une Révolution bouleversant l’ordre établi, qu’il serait suffisant de modifier graduellement. Mais, limitée à la seule satisfaction des besoins matériels, cette transformation sociale ne tarderait pas à provoquer de la part des besoins intellectuels et moraux, qui resteraient insatisfaits et deviendraient, je le répète, d’autant plus pressants que les autres seraient plus et mieux satisfaits des réclamations, des mécontentements et des révoltes qui ébranleraient de jour en jour le nouvel ordre social et tôt ou tard le renverseraient.

L’Anarchisme donne au mot « Bien-Être » son sens le plus étendu, sa signification complète. Tel que le conçoivent et veulent l’assurer à tous sans distinction les libertaires, le Bien-Être est un état de satisfaction et de sécurité, une situation agréable du corps, de l’esprit et du cœur qui, en favorisant l’épanouissement intégral de tous les individus, donnera naissance à une humanité de plus en plus heureuse, parce que ses besoins augmentant sans cesse trouveront leur satisfaction libre dans un Bien-Être constamment accru.

Nous verrons au mot « Liberté » comment il faut entendre ce terme qui, avec le mot « Bien-Être » résume l’idéal anarchiste. ― Sébastien Faure.


BIENFAISANCE. n. f. (du latin bene, bien et facere, faire). Inclination à faire le bien. Action de faire du bien à quelqu’un. La pratique du bien. L’habitude de faire le bien. Vertu qui nous porte à venir en aide à notre prochain. L’homme bienfaisant est celui qui, par ses conseils, ses encouragement, son soutien ou son argent, se porte au secours de ses semblables. Le mot bienfaisance se confond généralement avec les mots Charité et Philanthropie. Les œuvres dites de bienfaisance ont, en effet, la même origine, les mêmes caractères et le même but que les œuvres dites de charité et de philanthropie. Ce que j’ai dit de l’Assistance (voir ce mot) pourrait être répété ici ; car, tout comme l’Assistance, la Charité et la Philanthropie, la Bienfaisance, dans notre milieu social où la misère abonde, n’est, le plus souvent, qu’un cynique calcul ou une abominable hypocrisie : calcul, de la part de ceux qui, riches à millions, donnent ostensiblement quelques centaines de mille francs pour garder leurs richesses et apaiser les justes colères que peut faire gronder chez les pauvres l’insolent étalage de leur luxe ; calcul, de la part de ceux qui, propriétaires endurcis, patrons sans entrailles, financiers et commerçants sans scrupules, achètent à bon marché, pour quelques aumônes bruyamment distribuées, une réputation imméritée de générosité et s’entourent de l’auréole de la bonté ; calcul, chez ceux qui, au cours des rigoureux hivers, sortent de leurs appartements bien chauds, s’emmitouflent de fourrures et, dans des autos confortablement capitonnées et douillettement chauffées, gagnent un lieu de plaisir où ils s’amusent, jouent, flirtent, dansent et soupent jusqu’au matin, donnant à leur amour du jeu, du jazz-band, de la galanterie et de la bonne chère, une apparence de commisération pour les infortunés qui ne savent où reposer leur tête et à qui ils se garderaient bien d’offrir un refuge ; calcul encore, chez ceux qui, croyants ou incroyants, réactionnaires ou démocrates, font de la bienfaisance un des instruments les meilleurs et un des plus fermes soutiens de leur influence politique et morale ; calcul, enfin, chez ceux qui, sous le couvert d’une foule d’œuvres de bienfaisance et de secours, recueillent des êtres sans asile, sans travail, sans pitance, leur fournissent du pain et un gîte en échange d’un travail souvent excessif et, sous le masque d’une honorable philanthropie, réalisent ainsi des bénéfices sur le dos, déjà voûté par le malheur, des meurtris de l’existence.

La véritable bienfaisance fuit ces hypocrisies et ces calculs. Elle n’use pas de ces pratiques ; elle a mille moyens de s’exercer utilement, de façon discrète et désintéressée. Sans qu’il lui soit nécessaire de les chercher, l’être bienfaisant trouve mille et mille occasions de secourir, de seconder ses semblables. Une bonne parole, un geste affectueux, un sage conseil, un encouragement opportun, sont parfois plus secourables et plus efficaces qu’une aumône ; et lorsque cet encouragement, ce conseil, ce geste, cette parole accompagnent le secours en argent, ils donnent à celui-ci un prix inestimable. C’est sous ces formes multiples, que le cœur suggère et multiplie, que se manifestera, dans une société libertaire, la propension à faire le bien, c’est-à-dire à se porter au secours des faibles, des malades, des éprouvés, afin de leur prodiguer l’appui, les soins et les consolations dont ils auront besoin.

Il est vrai que bienfaisance, charité, aumône, philanthropie seront, alors, des expressions ayant une toute autre signification et que tous les sentiments et gestes qu’inspirent aujourd’hui le dénuement matériel et la détresse morale de nos semblables ne trouveront à s’appliquer qu’aux vicissitudes et adversités inhérentes à la nature. Les formes actuelles de la bienfaisance auront disparu ; elles seront remplacées par celles, autrement nobles, de la solidarité. ― Sébastien Faure.


BIGOTISME. n. m. Caractère de ce qui est bigot, c’est-à-dire d’une dévotion outrée, étroite, ridicule. Le bigotisme sévit surtout chez la gent féminine, et en particulier dans les campagnes. Esprits faibles et mesquins, les bigots ont subi l’ascendant dominateur des hommes noirs et, justifiant le proverbe : « Mieux vaut avoir à faire à Dieu qu’à ses saints », sont devenus plus intransigeants que les vautours d’église. Pour l’espèce sinistre des bigots tout ce qui est lumière, liberté, joie ou vie ample est un crime. Leur intelligence bornée ne voit pas plus loin que la sacristie ou le confessionnal. Le soleil et l’amour, le rire et la gaieté, les initiatives hardies et la générosité, tout les choque. Ils vouent à l’enfer tous ceux qui ne partagent pas leur vie monotone et terne. Ils s’indignent contre les mœurs du siècle avec une pruderie comique. Cela ne les empêche pas d’ailleurs d’être bien souvent des amateurs de débauche ; mais, hypocrites, ils savent dissimuler leurs vices sous leurs sempiternelles prières. Ce ne sont pas les plaisirs qu’ils haïssent, mais la franchise dans les plaisirs. Ils sont les ennemis jurés de tout progrès, de toute idée noble. Par contre, il n’est pas de routine ou de pensée étroite dont ils ne se fassent les défenseurs acharnés. Ce sont les auxiliaires de toute réaction. C’est pour cela que les anarchistes ne cesseront de combattre ce fléau qu’est le bigotisme et sa cause première : la religion. ― Georges Vidal.


BILAN n. m. (du latin bilanx, balance). Acte contenant l’énumération et l’évaluation des valeurs composant l’actif d’un commerçant, ainsi que l’état exact de ses dettes. Par extension établir le bilan d’une entreprise, d’un parti, c’est comparer ses réalisations à ses promesses. Aucun parti gouvernemental ne peut supporter cette épreuve qui serait concluante pour ceux que n’aveuglerait pas la passion politique. En effet, chaque fois qu’un parti arrive au pouvoir, les mêmes faits se reproduisent. Au lieu d’essayer de tenir ses promesses il se préoccupe de jouir autant qu’il est possible de l’assiette au beurre. De temps en temps il promet formellement de tenir ses promesses antérieures et le public, éternellement dupé mais éternellement résigné, encaisse ses nouvelles désillusions sans mot dire. Il s’aperçoit que les partis politiques, quelles que soient leurs couleurs, sont aussi menteurs les uns que les autres. C’est alors que les anarchistes doivent dresser un bilan exact du parti au pouvoir et montrer au peuple jusqu’à quel point on l’a berné. C’est le meilleur moyen de propagande anti-parlementaire et anti-gouvernementale.


BIOLOGIE. n. f. (du grec : bios vie, et logos discours). Comme toutes les autres sciences, et encore davantage qu’elles, la biologie n’a commencé à faire de réels progrès que depuis le moment où, devenue anarchiste, elle ne reconnut plus ni Dieu, ni maître, ni prêtres, ni philosophes.

L’explication théologique de la vie, présentée comme une émanation immatérielle de la puissance divine, suffit longtemps aux esprits paresseux asservis aux disciplines ecclésiastiques et fut imposée aux penseurs libres par la force coercitive de l’Église, appuyée sur les deux institutions types d’autorité ; l’Inquisition et l’État. Elle satisfaisait les premiers en les dispensant de recherches difficiles et dangereuses ; elle bâillonnait les seconds en les réduisant à des cogitations secrètes et à un enseignement ésotérique. Chaque tentative d’un exposé rationnel des choses se heurta à une répression, de cruauté décroissante avec les âges, mais toujours immuable dans ses desseins de refoulement mental ; la cigüe de Socrate, le bûcher de Giordano Bruno, l’abjuration solennelle de Galilée, la rétractation de Buffon. Et c’est pourquoi, pendant des milliers d’années, la vérité échappa à la majorité des hommes, malgré le nombre et la vivacité d’intelligences au moins égales à celles des temps contemporains. Elle se révéla et triompha lorsque, sous l’action de la vie elle-même se développant d’une façon tacite et imperceptible le long des siècles, elle s’épanouit enfin brusquement et, en une splendide révolution intellectuelle, renversa les idoles et ruina les temples.

Prêtres laïques, les philosophes voulurent voir dans la vie autre chose qu’elle-même. Ils insufflèrent des abstractions dans lesquelles ils cachèrent du vide. Pour les vitalistes, les êtres et le monde en général étaient soumis à l’action d’une ou de plusieurs « forces vitales », indépendantes de l’âme, principe distinct immatériel, et des phénomènes mécaniques, chimiques, physiques de la matière. Cette force vitale, on ne la saisissait pas, ne la mesurait pas, ne l’expérimentait pas, ne cherchait pas à la modifier, on l’affirmait et y ajoutait foi. ― Les animistes identifiaient cette force vitale avec l’âme, manifestation purement spirituelle, jouant dans les organismes terrestres et le cosmos, mais sans s’y confondre, un rôle d’impulsion, de développement, de direction vers un but défini selon un plan harmonieux et préétabli. Tout cela n’était que répétition, piétinement. Chassé par la grande porte, Dieu tentait de rentrer dans le temple par les vitraux percés.

Les hommes de science s’y opposèrent. La doctrine scolastique et autoritaire veut justifier la vie par un créateur, hypothèse gratuite et stérile, ou par des idéologies verbales et sans contenu réel ; elle prétend ainsi expliquer le connu par l’inconnu. Rompant avec cette méthode surannée, cessant de méditer et de rêver, le savant moderne ouvre les yeux, contemple les manifestations présentes de la vie ; observe, expérimente, suppose, vérifie, conclut s’il le peut, doute toujours, forge des hypothèses qu’il retrempe constamment par les épreuves de l’expérimentation. Il tente d’aller du connu à l’inconnu, d’arriver à celui-ci par des approximations successives de plus en plus précises ; il tend à la vérité sans jamais se vanter de l’atteindre. De ces études, de ces expériences, de ces conjectures, de ces vérifications sortit la conviction que la vie est un ensemble d’actions et de réactions physico-chimiques d’une extrême complexité, d’origine primordiale inconnue et peut-être inconnaissable, de devenir ultime incertain, mais d’un déterminisme actuel rigoureux.

En effet la chimie, dont l’essor date de la fin de ce prestigieux xviiie siècle, appliqua sa méthode d’analyse à toutes les substances, tant minérales qu’organiques, rencontrées dans la nature et y découvrit une composition élémentaire absolument identique ; les êtres vivants, animaux et végétaux, comme les corps bruts renferment toujours du carbone et de l’hydrogène, très souvent de l’oxygène et de l’azote, en combinaisons diverses ; puis du phosphore, soufre, manganèse, fer, calcium, potassium, sodium, chlore, iode, arsenic, etc. Le fait devint indéniable, corroboré par des réactions connues, indéfiniment renouvelables par tous les chercheurs se plaçant dans les mêmes conditions de manipulation. Bien plus, l’étude comparée du spectre solaire et du spectre des divers métaux a prouvé d’une manière péremptoire l’existence, dans le soleil et dans les planètes, de ces mêmes corps simples isolés dans les substances terrestres. Magnifique témoignage de l’unité et de la continuité de la vie dans l’immense univers dont notre globe n’est qu’une parcelle infime !

L’homme ne se contenta pas de cette dislocation de la matière organique ou de ses composants simples. Il reprit les produits de cette analyse et par des artifices divers en réussit la synthèse, parvint à créer de toutes pièces les substances bien définies normalement élaborées par les actions vitales. Ainsi furent successivement réalisées la synthèse de l’urée par Wobler, celle de l’acétylène par Berthelot. Cette dernière engendra de nombreuses et très importantes conséquences théoriques et pratiques. En partant de l’acétylène, on arriva à former de la benzine ; des alcools, des éthers, des aldéhydes ; des corps ternaires (hydrogène, oxygène, carbone) ; des corps quaternaires (hydrogène, oxygène, carbone, azote) très voisins de l’albumine dont est principalement composée la matière vivante.

La physicochimie découvrit que les corps en apparence homogènes, se décomposent en particules très petites, spécifiquement différenciées pour chacun d’eux, ayant leurs caractères propres, pouvant entrer en combinaison plus ou moins stable avec les autres espèces chimiques, mais reprenant leur état originel lors de la séparation des constituants du complexe. Ces particules portent le nom de molécules, visibles au microscope mais invisibles à l’œil nu. Leur existence se présume aussi par les phénomènes de dissolution du sucre dans de l’eau, par exemple : le liquide formé est une substance nouvelle où l’on ne distingue plus nettement ni le sucre ni l’eau, mais où les deux éléments se trouvent mêlés, juxtaposés mais présents et identiques à eux-mêmes puisque l’évaporation permet de les isoler et de les restituer en leur nature antérieure : ce qui persiste immuable dans la solution sucrée et dans le sucre recristallisé, ce sont, sous des structures dissemblables, des molécules de sucre et d’eau, dont seul le mode d’agrégation diffère pour donner tantôt un solide, tantôt un liquide.

Un mouvement incessant agite ces molécules, comme le prouve la diffusion spontanée et réciproque d’un liquide plus léger dans un liquide plus dense, par exemple celle de l’alcool surnageant d’abord l’eau d’un vase, puis se mélangeant peu à peu à elle jusqu’à dissolution parfaite sous l’influence évidente d’un actif déplacement moléculaire. Il n’y a donc pas pour les particules élémentaires d’état d’équilibre stable. D’ailleurs, « comme l’homogénéité, l’équilibre n’est qu’une apparence qui disparaît si l’on change le grossissement sous lequel on observe la matière. Plus exactement cet équilibre correspond à un certain régime permanent d’agitation désordonnée. À l’échelle ordinaire de nos observations, nous ne devinons pas l’agitation intérieure des fluides, parce que chaque petit élément de volume gagne à chaque instant autant de molécules qu’il en perd, et conserve le même état moyen de mouvement désordonné. (J. Perrin, « les Atomes », page 8.)

Ces molécules mobiles ne constituent pas le dernier terme de l’analyse physico-chimique. On y a décelé un ou plusieurs éléments appartenant chacun à une sorte déterminée, de fonction irréductible, appelés « atomes », doués d’un mouvement de gravitation extrêmement rapide. Ces atomes présentent une masse centrale, véritable « électron positif » autour duquel tourbillonnent un certain nombre d’ « électrons négatifs ». « Ces électrons ne sont pas matériels, au sens ordinaire du mot : la matière n’est que l’apparence que prend pour nos sens l’énergie qu’ils représentent, énergie colossale dont la valeur a pu être calculée : elle se chiffre, pour un seul gramme, par des millions de kilogrammètres. Les vitesses de rotation des électrons négatifs sont, elles aussi, prodigieuses et, fait singulier, elles sont de même grandeur que les fréquences vibratoires de la lumière, soit des centaines de trillions par seconde. » (J. Anglas, « Depuis Darwin » ). Ce qui revient à dire que les corps électrisés, électrons positifs et négatifs, constituent des centres réciproques d’attraction ou de répulsion, susceptibles de déterminer du mouvement par l’action du mouvement dont ils sont eux-mêmes animés. (Edmond Perrier.)

Sous des influences diverses, les atomes subissent des changements dans leur architecture, dont la dislocation engendre des groupements particuliers d’électrons tous de même charge électrique, positive ou négative ; cette métamorphose dans l’état électronique des atomes s’appelle « ionisation » ; et un « ion » se définit comme une partie d’atome isolée de son groupement originel, ou comme une réunion de parties d’atome séparées de leur centre primitif. À l’inverse des atomes composés à la fois d’électrons de charge positive et négative, les ions ne renferment que des électrons de même signe négatif ou positif ; ils sont mutuellement et temporairement indépendants et prêts à de nouvelles combinaisons atomiques. La libération des ions et leur regroupement constituent les phénomènes primordiaux de la chimie organique et biologique.

Les substances naturelles se présentent sous deux états distincts : cristalloïde et colloïde. Les cristalloïdes, comme le sel, se dissolvent dans l’eau par une sorte d’explosion de leurs molécules qui se séparent violemment en exerçant une forte pression sur les parois membraneuses, qu’elles traversent facilement (phénomène de l’osmose). ― Les colloïdes, tels que la gélatine, absorbent de l’eau, fondent mais sans dispersion de leurs molécules qui, au contraire, restent agglomérées et ne pénètrent pas les membranes. Ils se composent de particules microscopiques mouvantes appelées « micelles », Plus volumineuses que les molécules des cristalloïdes, les micelles ont une organisation plus complexe, semblable à celle des atomes mais à une échelle plus grande : masse centrale électronique, autour de laquelle gravitent des ions libres de signe électrique contraire et en état permanent d’équilibre instable. La micelle perd des ions, en acquiert d’autres en incessante agitation. Quand, sous une influence quelconque, elle perd sa charge électrique, elle se coagule (phénomène de la floculation). L’état colloïdal s’obtient expérimentalement par divers procédés chimiques ou physiques. « Ainsi un arc électrique puissant, qui jaillit dans l’eau entre deux électrodes de platine, produit une pulvérisation tellement ténue du métal, que celui-ci prend l’état colloïdal, véritable suspension micellaire. Par ce moyen et par d’autres, beaucoup de corps simples, métaux ou métalloïdes, ont été obtenus sous forme colloïdale : or, argent, soufre, mercure, etc. (J. Anglas, loco citato, p. 78.) », Ces métaux colloïdaux possèdent le pouvoir de « catalyse », c’est-à-dire de déterminer par leur présence des combinaisons chimiques, de véritables synthèses organiques.

L’étude de la matière vivante a montré en elle un véritable colloïde très instable, à micelles électroniques de charge variable, en état successif mais constant soit de dispersion soit de floculation. Quelques micelles très ténues, appelées « diastases », jouent le rôle des métaux catalyseurs et provoquent des synthèses, obtenues d’ailleurs indifféremment par l’action des diastases ou des catalyseurs : soufre, phosphore, manganèse, zinc, calcium, contenus dans les albuminoïdes. Les produits de ces synthèses constituent les « sécrétions » que la cellule, ou colloïde organique, déverse dans les glandes, dans la circulation générale ou à l’extérieur. Qu’elle appartienne à un colloïde organique ou à la matière vivante, une micelle subit des modifications incessantes ; « par ses échanges continuels d’ions et de charges électriques avec le milieu, elle n’est identique à aucune autre, ni à elle-même à deux moments différents ; cependant on peut dire qu’elle continue à exister malgré ces modifications. Mais cette expérience ne se maintient que dans une certaine zone d’équilibre qui ne doit pas être dépassée sous peine de dislocation totale et de mort. Le passage d’un état d’équilibre à un autre correspond à ce que l’on nomme, pour l’ensemble d’un être vivant, l’adaptation, la variation ou la mutation. On a même constaté chez les micelles une véritable accoutumance ; elles peuvent supporter peu à peu des doses croissantes d’un électrolyte qui, de prime abord, les auraient démolies brutalement. » (J. Anglas).

À ce moment de la science biologique, et malgré que celle-ci en soit seulement à ses premières acquisitions définitives, il demeure établi que la vie est un ensemble d’actions et de réactions physico-chimiques dont le mouvement constitue le processus initial. Dans les minéraux, les végétaux, les animaux, l’analyse découvre les mêmes corps simples, de structure moléculaire et atomique identique, mus par de semblables manifestations électroniques, subissant d’analogues excitations catalytiques et diastasiques pour se transformer ou produire des substances nouvelles. Mais combien innombrables, variées, complexes, les formes des choses et des êtres issus des modes multiples d’agrégation de ces molécules primitives ! Et l’ingéniosité des hommes parvint à recréer de toutes pièces quelques-unes de ces formes, à dissocier puis à regrouper les éléments primordiaux en de remarquables synthèses.

Nul, objecte-t-on, ne réussit à fabriquer dans son laboratoire la moindre parcelle végétale ou animale vivante capable d’assimilation et de reproduction. Il est vrai, pas encore. Mais qui oserait en décréter l’impossibilité, alors que le génie humain, jusqu’ici stupéfié par les dogmes religieux, commence à peine ses libres investigations ? Il y a quelques années, le phénomène de l’assimilation chlorophyllienne apparaissait mystérieux, quasi-miraculeux. Sous les radiations solaires, la plante aspirait dans le sol de l’eau chargée de sels minéraux, captait par ses feuilles l’acide carbonique de l’air, exhalait de l’oxygène, et, au niveau de ces mêmes feuilles, réalisait le prodige de la création de matières organiques, d’hydrates de carbone, fabriquait du sucre et de l’amidon. Elle absorbait de l’énergie cosmique, c’est-à-dire du mouvement, prenait des ions, en libérait d’autres, transformait les charges électroniques et engendrait un nouvel équilibre moléculaire. La plante créait ainsi une forme supérieure ou plus développée de vie minérale, la vie végétale, dont va s’emparer et se nourrir un autre assemblage moléculaire encore plus élevé et plus complexe : l’animal ; l’homme, élabore à son tour et à son choix les deux autres états, brut et organique, de la matière. Pourquoi ce primate intelligent n’arriverait-il pas à reproduire le troisième, qui est le sien propre ?

Ainsi donc, de nos jours, sous nos yeux, nous voyons se former, se développer, se transformer, puis disparaître des groupements moléculaires minéraux, végétaux et animaux, les uns très simples, infiniment petits, composés d’un seul cristal ou d’une seule cellule, les autres immenses et merveilleusement compliqués. Nous assistons au passage successif du même atome de l’état cristalloïde dans la terre à l’état colloïdal dans les plantes et les bêtes. Dès lors la logique scientifique impose de confronter aujourd’hui avec autrefois ; d’aller du connu à l’inconnu ; de rechercher l’origine de la vie ailleurs que dans une thaumaturgie puérile ou une introspection illusoire, stérile, et de l’étudier dans ses manifestations actuelles pleines d’enseignement.

Il y a des millions d’années, comme aujourd’hui, les substances minérales en solution aqueuse à la surface de la terre subirent l’action des forces électrogènes et électrolytiques de l’ambiance et se transformèrent en matière organique par un mécanisme analogue à celui qui réalise la synthèse du sucre et de l’amidon dans la plante, la synthèse de l’acide azotique et du chlorure de calcium dans les laboratoires et les usines. Les colloïdes ainsi constitués continuent à recevoir l’appoint des particules métalliques (attraction, absorption), qui par leur action de présence (catalyse) renforcent les réactions internes ; celles-ci atteignent alors une intensité telle qu’elle exige une décharge partielle (répulsion, sécrétion) et la libération d’un fragment élémentaire (reproduction) devenant un centre nouveau d’agitation moléculaire. Les colloïdes sont devenus des cellules, ne cessent pas d’éprouver des impulsions indéfinies de la part des catalyseurs et des diastases, s’agrègent en des organismes de plus en plus complexes, dont le mouvement, processus interne et général, devient une fonction différenciée et extrinsèque. La vie intégrale et riche se manifeste, issue du minéral pour se parfaire en l’homme.

Mais vit-on jamais sortir du cabinet du plus grand savant le moindre petit homme, ni même la plus infime cellule ? Non, sans doute, « mais on se rend compte que les conditions naturelles où la vie s’est élaborée sont probablement impossibles à réaliser au laboratoire ; car le laboratoire de la nature fut la planète elle-même avec toutes ses circonstances de temps, de masse, d’actions multiples dont nous ne sommes pas les maîtres. En tous cas si l’on arrivait à fabriquer un protoplasma indéniablement vivant, il différerait forcément de tous ceux qui existent : il ne serait ni celui d’une algue, ni d’une bactérie, ni d’un protozoaire déjà connu. Donnerait-il, en évoluant, naissance à des êtres vivants plus complexes, ceux-ci constitueraient à coup sûr un nouveau groupe, un nouveau sous-règne bien distinct des végétaux ou des animaux de notre globe, qui ont leur histoire ancestrale particulière. » (J. Anglas, loc. citato, p. 69).

Ces forces, créatrices de la vie, d’où viennent-elles, que représentent-elles ? Elles ne viennent pas, elles sont, et ne représentent qu’elles-mêmes. Dans tout l’univers accessible à l’investigation, on les retrouve identiques et immuables. Ainsi, la fréquence de rotation des électrons atomiques est du même ordre de grandeur que celle des vibrations de l’éther. D’autre part, « les phénomènes qui se produisent dans les tubes de Crookes d’où s’échappent les rayons X, démontrent jusqu’à l’évidence que les atomes matériels ne sont pas quelque chose de simple. Parmi les hypothèses qui ont été présentées sur leur constitution, on peut accepter qu’ils sont formés de petites masses matérielles infimes, chargées d’électricité positive, autour desquelles tournent, comme des satellites autour d’une planète, un très grand nombre de corpuscules énormément plus petits, dont les masses sont de mille à deux mille fois plus faibles que celle de l’atome d’hydrogène, qui est la plus petite quantité de matière connue (Edmond Perrier). » Enfin l’éther, dans lequel baignent les planètes, est formé de ces mêmes particules infinitésimales constitutives de l’atome matériel. Et en dernière analyse et première synthèse, la vie s’avère une manifestation hautement différenciée du mouvement qui anime le cosmos.

Des esprits, plus systématiques que vraiment curieux, demandent : qui ou qu’est-ce qui déclencha le mouvement initial promoteur de la gravitation universelle ? Quand on leur répond : nous ne savons, ils déclarent insatisfait le principe de causalité, pas d’effet sans cause, se disent affamés de logique pure et affirment Dieu ! Dès lors, puisque rien n’est à soi-même sa propre cause, qui ou qu’est-ce qui créa Dieu ? Ignorant le commencement, connaissons-nous la fin ? Où va ce monde incommensurable, constellé d’astres lumineux, parcouru par un soleil flamboyant contre lequel se blottit une terre frileuse et frémissante ? Mais va-t-il quelque part ? Ne lui suffit-il pas d’exister beau, puissant, formidable, énigmatique ? Causalité et finalité ne sont-ils pas les reliquats de l’infirmité mentale où l’ignorance condamnait les ancêtres ?

La science n’explique pas ; elle travaille, observe, enregistre, expérimente, réfléchit, modifie et augmente. Elle étudie et provoque des actions, prévoit et influence des réactions, suit des enchaînements, établit le déterminisme des choses, en renouvelle souvent la formation dans des conditions et en un temps donnés. La science, manifestation de mouvement, est de la vie.

Après avoir agi, chacun peut rêver devant l’infini, le peupler des créations de son imagination, y voir des fantasmagories célestes ou infernales. ― En anarchie, comme dans la vie, tout songe est mensonge. ― Dr Elosu.

BIBLIOGRAPHIE — J. Anglas. ― Les grandes questions biologiques depuis Darwin jusqu’à nos jours, in-16, 128 p. Stock. (1924).

Edmond Perrier. ― La terre avant l’histoire, in-8o, 414 p. Collection L’Évolution de l’Humanité, La Renaissance du Livre, 1920.

Berthelot. ― Article Vie, de La Grande Encyclopédie.

Rémy Perier. ― Cours élémentaire de Zoologie, in-8o, 900 p. Masson et Cie, 1925.

Jean Perrin. ― Les Atomes, in-18, 296 p. Alcan, 1913.

G. Matisse. ― Les Sciences Naturelles, in-16, 160 p. Payot, 1921.

Félix le Dantec. ― Éléments de Philosophie Biologique, in-18, 297 p. F. Alcan, 1908.

Félix le Dantec. ― Traité de Biologie, in-8o, 553 p. F. Alcan, 1906.

H.-G. Wells. ― Esquisse de l’Histoire Universelle, traduction française de Ed. Guyot, in-8o, 580 p. Payot, 1925.

Biologie. ― Je voudrais faire ressortir l’énorme importance que la biologie, cette science relativement jeune, mais ouvrant des perspectives splendides, devra certainement acquérir pour les sciences et les problèmes théoriques et pratiques d’ordre social et sociologique.

La Biologie (bios signifiait vie chez les anciens grecs), est la science de la vie. Elle scrute les plus grandes profondeurs, les origines mêmes de ce grand mystère : la vie ! Elle cherche à le dévoiler jusque dans ses derniers éléments, à saisir son essence, à comprendre son mécanisme compliqué. Elle analyse les phénomènes et les processus de la vie, dans leurs détails et dans leur ensemble.

Or, l’homme lui-même, sa vie individuelle, son existence sociale, ne sont que des parcelles de la vie générale : multiples manifestations des mêmes grands phénomènes et processus. Il est donc évident que les faits généraux, fondamentaux, inhérents à la vie comme telle, s’appliquent aussi à l’homme, à sa vie individuelle, à son existence sociale.

Une fois établis, ces faits pourront, enfin ! projeter une lumière claire, précise, sur plusieurs problèmes sociaux essentiels, mais restant toujours encore obscurs et vagues.

Le côté faible de la sociologie, comme science, ainsi que de toutes les conceptions et théories sociales, y compris le marxisme et l’anarchisme, est justement, ce fait qu’elles ne peuvent pas encore s’appuyer solidement sur une base biologique générale, définitivement acquise, scientifiquement établie.

Le marxisme a substitué à une telle base la conception économique de l’évolution et de l’histoire humaines. (Au temps de Marx, la biologie, comme science, n’existait, pour ainsi dire, pas encore). Mais cette prétendue « base économique », est loin d’être la véritable base profonde, fondamentale, de l’existence et de l’évolution humaines. Elle n’est, elle-même, qu’un élément dérivé, secondaire, dont les sources profondes gisent dans les faits d’ordre biologique.

L’homme étant, tout d’abord, un phénomène biologique, sa vie et son évolution ayant pour base fondamentale des faits et des « lois » d’ordre biologique, c’est dans la biologie générale et dans la biologie de l’homme qu’il faut chercher les premiers éléments, la véritable solution des problèmes d’ordre social.

Telle est la vérité importante, aujourd’hui indubitable, que nous devons constater avec la plus grande netteté et fermeté.

Quelques illustrations, à titre de précision.

Depuis longtemps, les sociologues sont conscients de l’importance capitale de l’hérédité et de ses lois pour la vie et pour les problèmes sociaux. Jusqu’à ces derniers temps, les multiples auteurs sociaux qui s’occupèrent de la question, la traitèrent presque exclusivement au point de vue sociologique. C’était d’ailleurs fort excusable, car les biologues eux-mêmes n’y voyaient pas clair. Mais actuellement, à la lumière des expériences et des découvertes commencées dans les années soixante du siècle passé, par G. Mendel (Autriche), reprises et continuées par Correns (Allemagne) et les autres, il est évident que le problème de l’hérédité est avant tout un problème biologique, et que toute œuvre qui n’en tiendrait pas compte, ne serait que balbutiement enfantin.

Le grand problème d’éducation sociale, ne pourrait être traité de nos jours quelque peu sérieusement, sans tenir rigoureusement compte de certains faits biologiques acquis.

En général, il est aujourd’hui absolument clair, pour quiconque est au courant des faits, que toute conception ou construction sociale n’ayant pas ses racines et ses sources vives dans la biologie, serait édifiée sur du sable.



Les sciences sociologiques (Voir : Sociologie) en général et, partant, les conceptions sociales, se trouvant encore dans un état assez primitif, ― les deux principales d’entre ces conceptions : le marxisme et l’anarchisme, ne pourraient être considérées à l’heure actuelle autrement que comme hypothèses, c’est-à-dire des thèses qui ne sont pas encore scientifiquement et définitivement établies.

Le marxisme, se basant sur l’économie et se prétendant, de ce fait, scientifiquement satisfait (il s’appelle même : socialisme « scientifique » ), ne prête pas suffisamment attention aux faits ni aux sciences biologiques. C’est son grand tort. C’est sa plus grande faiblesse.

L’anarchisme, lui, est-il conscient de l’importance fondamentale des phénomènes biologiques pour le grand problème social ? En tient-il compte ? Peut-être, pas suffisamment encore. Mais ce qui importe et ce qui est certain, c’est que l’anarchisme perçoit bien la voie de recherches juste, l’indique, l’ouvre, l’a même en partie atteinte.

L’un des plus grands services que Kropotkine ait rendus à la science et au mouvement social, est peut-être précisément d’avoir maintes fois constaté et souligné l’importance, la nécessité même, de la méthode des sciences naturelles pour les sciences sociales (contrairement à la méthode dialectique du marxisme), d’avoir désigné la biologie comme base naturelle et féconde des recherches et des conceptions sociales, d’avoir même conçu et exposé une étude très intéressante destinée à faire reposer la conception anarchiste sur une certaine base biologique (dans son œuvre : « L’entraide comme facteur de l’évolution »). Il n’a pas eu le temps ou, peut-être, le désir de continuer et d’approfondir ses études dans ce domaine. Mais il a indiqué la route exacte.

D’autres théoriciens et écrivains anarchistes ont également manifesté un vif intérêt pour les faits biologiques, ont tenu compte de l’importance de la biologie pour les études sociales.

Plus cette tendance s’accentuera, plus l’anarchisme s’engagera dans cette voie et y continuera ses principales recherches, ― plus il deviendra une conception vraiment scientifique, plus il approchera de la vraie solution du problème social. Établissant ses bases dans le domaine de la biologie, il les établira d’une façon incomparablement plus profonde et plus solide que le marxisme avec son économisme et sa dialectique.

Mais aujourd’hui déjà, l’anarchisme ayant adopté l’idée de la prépondérance des méthodes et des faits biologiques et son hypothèse cherchant de plus en plus à s’y appuyer, cette hypothèse est beaucoup plus scientifique et, par conséquent, plus près de la vérité que le marxisme. C’est donc, devant l’anarchisme que la grande voie des recherches et des efforts effectivement féconds, la voie de la vérité est ouverte. C’est l’anarchisme qui cherche juste.



Peut-on espérer qu’une hypothèse vraisemblable : l’anarchisme devienne à bref échéance une vérité éclatante ?

Peut-être pas de sitôt.

Quel est, en effet, le problème biologique essentiel dont la solution pourrait confirmer scientifiquement et définitivement l’anarchisme ? C’est le problème même de l’évolution, et de la vie comme de l’une de ses manifestations principales : de leurs facteurs primordiaux, de leurs forces mouvantes, de leur essence. La biologie, est-elle actuellement ― ou sera-t-elle bientôt ― en mesure de résoudre ce problème ? Elle ne l’est pas encore et il est fort douteux qu’elle le soit d’ici au lendemain. Comme science, la biologie est encore très jeune. C’est un domaine tout à explorer. Il faut, donc, certainement pas mal de temps pour que nous y arrivions à des résultats de cette importance.

Le problème de l’origine, de l’essence et des forces mouvantes de la vie et de l’évolution, reste encore grand ouvert. Il attend toujours sa solution.

Or, je suis d’avis qu’avant que ce mystère de la nature ― celui de l’évolution générale ― ne soit dévoilé, toutes nos théories de l’évolution sociale et de ses facteurs, toutes nos conceptions sociales, y compris l’anarchisme, resteront des hypothèses.

L’anarchisme reste encore une hypothèse car la biologie, et quelques autres sciences aussi, ne sont pas encore suffisamment avancées. Mais cette hypothèse a de l’avenir devant soi. Elle a des chances considérables de devenir vérité, car elle est vivante, sensible, imbue d’esprit chercheur et créateur surtout, et, qu’elle a heureusement la tendance de puiser de plus en plus dans la biologie, grande source véritablement scientifique et féconde des recherches modernes, seule en mesure de nous amener à la solution vraiment scientifique du problème social. ― Voline.

Note Bibliographique. ― Il est vraiment à regretter qu’il n’existe, jusqu’à présent, qu’une seule œuvre, en langue allemande, celle-ci, traitant historiquement le développement des sciences et des théories biologiques à travers les siècles passés, jusqu’à nos jours. Nous indiquons ici, pour les lecteurs pouvant lire en allemand, cette œuvre classique, permettant de se faire une idée très précise sur l’évolution consécutive de la biologie, comme science :

Dr Em. Radl. Geschichte der biologischen Theorien in der Neuzeit. Deux volumes parus chez Wilhelm Engelmann, Leipzig. ― V.


BIRIBI. — Mot d’argot servant à désigner l’ensemble des formations disciplinaires et pénitentiaires de l’armée française. Ces formations sont : 1o Les Compagnies de Discipline ou Sections Spéciales de Correction ; 2o Les Ateliers de Travaux Publics ; 3o Les Pénitenciers Militaires.

Les Compagnies de Discipline ont été créées par ordonnance royale de 1818, pour recevoir les soldats qui, sans avoir commis de délits justiciables des Conseils de Guerre, persévèrent néanmoins, par leur insubordination ou leur « déplorable » conduite, à porter le trouble et le mauvais exemple dans les corps dont ils font partie. Les motifs qui déterminent ordinairement l’envoi à la Discipline, sont : l’insolence à l’égard des supérieurs hiérarchiques, l’ivresse, l’absence illégale, les mutilations ou simulations d’infirmités dans le but de se soustraire au service ; enfin, la dépravation sexuelle. Mais on peut y être envoyé pour propagande politique sous les drapeaux, lorsqu’il s’agit de doctrines révolutionnaires, ou jugées contraires à l’ordre social établi.

Lorsque pour l’un quelconque des méfaits ci-dessus, ou par la surabondance des punitions encourues par lui, un soldat s’est signalé à l’attention du cadre, le colonel du régiment a faculté de convoquer un Conseil de Discipline, composé de sept officiers, qui auront à se prononcer sur l’utilité qu’il pourrait y avoir à diriger l’intéressé sur une Compagnie Disciplinaire, les moyens dont disposent les corps réguliers étant insuffisants pour le contraindre à l’obéissance passive, à laquelle sont tenus les citoyens sous l’uniforme.

Le soldat visé est interrogé par le Conseil, mais il n’est assisté d’aucun défenseur, et il n’a pas le droit de faire appel à un avocat. Le Conseil siège à huis-clos. Les délibérations ont lieu hors de la présence de l’intéressé, auquel la décision prise par ses supérieurs n’est signifiée que lorsque tout est terminé, et qui ne possède contre elle aucun recours.

Les disciplinaires sont considérés comme des punis, et non comme des condamnés en cours de peine. Le temps passé par eux à la Discipline compte donc comme temps de service.

Dans l’argot des régiments, les disciplinaires ont été surnommés les Camisards. Leur uniforme se compose d’une capote et d’un pantalon gris sans ornements, avec un képi gris à bande bleue, muni d’une grande visière de cuir.

La Marine, les Bataillons d’Afrique, la Légion Étrangère et les Tirailleurs indigènes ont des sections particulières de discipline. Les punis en provenance de la Marine ont été surnommés : Peaux de Lapins.

La 1re Compagnie de Discipline est située à Gafsa, en Tunisie ; les autres sont en Algérie : la 2e à Biskra ; la 3e à Méchéria ; la 9e à Aumale. Il existe de plus en Algérie un corps de discipline renforcée : c’est celui des Pionniers ou Incorrigibles, établi à Guelma.

Il est enfin des Compagnies Disciplinaires d’où l’on revient rarement, et qui représentent le troisième degré dans la rigueur. Ce sont celles qui ont été reléguées dans des colonies lointaines et insalubres, telles que le Sénégal et Madagascar, et dont le Dépôt est à l’île d’Oléron. Les malheureux qui pâtissent dans ces chiourmes ont été surnommés les Cocos.

Les disciplinaires sont de perpétuels consignés. Ils ont le crâne tondu et la face entièrement rasée comme les bagnards. En outre des exercices en armes ils sont astreints à de durs travaux. Ils sont envoyés d’ordinaire aux Sections pour une durée de six mois au moins, à la suite desquels ils sont réintégrés dans des régiments réguliers si leurs notes sont satisfaisantes. Mais, en raison de la brutalité coutumière de nombre de petits gradés, il est très difficile, même avec la meilleure volonté du monde, d’échapper à de nouvelles punitions, surtout lorsque l’on a le malheur d’avoir une tête ou des principes qui ne leur conviennent pas. Et, lorsque l’on obtient enfin la réintégration, on se heurte fréquemment à de nouveaux obstacles : l’hostilité systématique de chefs qui ont en horreur les anciens camisards, qui ne peuvent supporter de les voir sur les rangs avec les autres hommes, et les « cherchent » jusqu’à ce qu’ils les aient renvoyés dans l’enfer dont ils avaient, à force de patience, réussi à s’évader.

En 1910, après de violentes campagnes de presse suscitées par l’assassinat du bataillonnaire Aernoult, au poste de Djenan-ed-Dar, dans le Sud Oranais, une satisfaction partielle fut donnée à l’opinion publique. On annonça officiellement la suppression des Compagnies de Discipline et leur remplacement par des Sections Spéciales de Correction casernées en France, sous le contrôle sévère de la métropole. Ceci produisit une impression d’autant plus grande que la plupart des gens étalent portés à croire que Biribi ce n’étaient que les Compagnies de Discipline, et que cette institution allait pour toujours disparaître avec elles.

Afin de vérifier quels changements réels avaient pu être apportés dans les bagnes militaires par la circulaire en question, je fus délégué à cette époque par le journal La Guerre Sociale, pour une enquête qui dura un mois et demi, et porta mes pérégrinations jusque sur les Territoires Militaires de l’Extrême-Sud Algérien.

Le résultat de cette enquête fut à peu près tel que je l’avais, avant de partir, supposé : Pénitenciers et Ateliers de Travaux Publics n’avaient subi aucune modification. Quant aux Compagnies de Discipline, devenues Sections Spéciales de Correction, elles continuaient à recevoir les « fortes têtes » des régiments d’Algérie et de Tunisie. Il n’y avait changement que pour les hommes des troupes ayant en France leur Dépôt. Au lieu d’être comme autrefois dirigés sur l’Algérie ou la Tunisie, ils avaient l’avantage ― plus apparent peut-être que réel ― de subir dans la métropole leur temps de punition. Mes observations donnèrent lieu à seize articles parus dans La Guerre Sociale. Mais l’attention du grand public s’était portée déjà vers d’autres objets…

Les Ateliers de Travaux Publics ne sont autres que les anciens Ateliers du Boulet, créés par décret du 18 juin 1809, et modifiés en 1856. À cette époque le boulet que tout détenu traînait au pied fut supprimé, et le personnel de la surveillance remplacé par un cadre militaire.

Pendant longtemps les Trav’ furent reconnaissables à leur crâne rasé et à leur barbe inculte, d’où le surnom de Têtes de Veaux. Actuellement ils ont, comme les autres condamnés, le crâne tondu de près et le visage imberbe.

Sont envoyés aux Ateliers de Travaux Publics, pour deux ans au minimum, les condamnés militaires coupables de délits graves intéressant la discipline, tels que : outrages envers un supérieur, désertion, lacération d’effets appartenant à l’armée, etc…

Les Pénitenciers Militaires sont d’origine plus récente. Ils ont été formés par décret du 3 décembre 1832. Aux Pénitenciers Militaires d’Algérie sont envoyés les hommes ayant encouru, durant leur service, une peine de plus d’un an et un jour de prison pour délit de droit commun tel que vol, escroquerie, attentat à la pudeur, etc… D’où leur surnom de Pégriots, ou plus simplement Pègres.

Le commandement, l’administration et le régime des détenus y sont identiques à ceux des Ateliers de Travaux Publics. Quant à l’uniforme des uns et des autres, il varie peu : un képi, un pantalon, une vareuse et une capote de drap marron foncé pour les Trav’, de drap gris à col jonquille pour les Pégriots.

La main-d’œuvre des condamnés est exploitée par des entrepreneurs ou des colons moyennant une indemnité journalière par homme versée à l’État. Alors, pour des travaux de culture ou de terrassement, à exécuter souvent fort loin dans la brousse, hors de tout contrôle civil ou militaire sérieux, partent de la portion centrale des détachements qui, pendant des semaines, ou même des mois, vont se trouver sous la garde de Tirailleurs indigènes armés, et le pouvoir absolu de sous-officiers à l’intelligence fruste d’ordinaire, et dont la bestialité naturelle est portée jusqu’au sadisme par l’oisiveté, l’alcool et l’ardeur du climat.

C’est l’occasion des pires sévices : exploitation sur les fournitures de la cantine ; exploitation sur l’ordinaire des hommes réduit à des portions de famine. Imposition aux détenus d’heures de travail supplémentaires non rétribuées, dont le bénéfice est en secret partagé entre le cadre et les entrepreneurs. Obligation fréquente pour les jeunes de se prêter aux caprices immondes du chef. Provocation de détenus à des actes répréhensibles, pour avoir l’avantage de les accompagner ensuite comme témoin jusque dans la ville où siège le Conseil de Guerre, ce qui constitue un voyage d’agrément gratuit, ce que l’on nomme « aller acheter une pipe » !

Les moindres fautes sont punies férocement, au mépris des règlements militaires, lesquels n’autorisent en aucune façon pareils excès.

Les moyens de répression usités sont : les fers avec pedottes et menottes atrocement serrées ; l’exposition au soleil ou sous la pluie, le détenu étant étroitement ligotté ; la privation prolongée d’eau et de nourriture ; le passage à tabac, l’homme étant dépouillé de tous ses vêtements et maintenu immobile sous la menace des baïonnettes ; les silos, qui sont des trous profonds creusés en terre en forme de jarre par les Arabes pour enfouir le grain, et font office de cachots ; le tombeau, petite tente individuelle étroite et basse sous laquelle le détenu est contraint, quelle que soit la température, de rester sans bouger, la face contre terre ; enfin la crapaudine, qui consiste à abandonner sur le sol, pendant un temps plus ou moins long, le patient reposant sur le ventre, cependant que les jambes, violemment ramenées en arrière sont maintenues dans leur position par les poignets joints, auxquels on a, par une entrave, fixé les chevilles.

Ajoutons que fréquemment des hommes ont été tués illégalement à coups de fusil ou de revolver, sous ce prétexte, toujours reconnu valable, qu’ils avaient menacé leur supérieur ou tenté de s’enfuir.

Les révélations sur les atrocités de Biribi ne sont pas chose récente. Déjà, en 1848, M. Villain de Saint-Hilaire, publiait sous ce titre : « Appel à la Justice du Peuple », une brochure contenant le récit de tortures et de mauvais traitements dont il avait été le témoin indigné. En 1890, Georges Darien fit paraître son fameux volume sur : « Biribi ― Armée d’Afrique ― ». En 1899, Gaston Dubois-Desaulle, qui avait passé, lui aussi, par les Compagnies de Discipline, publiait ses souvenirs en un livre intitulé : « Sous la Casaque », suivi, en 1901, du meilleur ouvrage de documentation paru sur la question et qui est : « Camisards, Peaux de Lapins et Cocos ― Corps disciplinaires de l’armée française ― ». Le dernier volume paru sur Biribi est, en 1925, un impressionnant reportage d’Albert Londres : « Dante n’avait rien vu », lequel confirme tout ce qui avait été précédemment écrit sur la matière.

De 1890 à 1914, divers journaux ont fait campagne contre les bagnes militaires. Citons entre autres : l’Intransigeant, le Journal, la Petite République, la Révolte, le Père Peinard, l’Aurore, les Temps Nouveaux, la Revue Blanche, le Libertaire, la Guerre Sociale, avec les signatures de Gaston Dubois-Desaulle, Charles Vallier » l’ex-sergent Gauthey, Jacques Dhur, pour ne citer que les principaux.

À la suite des dénonciations récentes d’Albert Londres, Biribi aurait été, dit-on, supprimé par décret. Disciplinaires et condamnés militaires devraient purger leur temps dans des prisons et forteresses de France, les détenus au régime de l’isolement individuel. Mais l’ex-officier André Marty, condamné à la suite de la révolte des marins de la Mer Noire, en 1919, a relaté dans l’Humanité, sur le régime qu’il a vu appliquer dans les Maisons Centrales, des faits qui rappellent étrangement les mœurs du bled algérien, avec cette différence qu’aux mauvais traitements s’ajoute la privation d’air pur, de soleil et de ciel bleu.

On peut sans aucun doute amender le Code Militaire, et rendre moins barbare le séjour des Biribis de France ou d’ailleurs. On ne les supprimera vraiment que le jour où seront licenciées les Armées dont ils sont l’indispensable soutien. ― Jean Marestan.


BISTROCRATIE. (De bistro, et kratos, force.) — De toutes les craties, celle-ci est la plus nuisible. Sur elle s’appuient les autres craties, qui lui prêtent main-forte, en échange des services qu’elle leur rend. Le règne de l’alcool marche de pair avec celui de la finance : bistrocratie, ploutocratie sont deux sœurs siamoises qui mourraient si on les séparait. Ce sont les deux piliers de la médiocratie.

La Bistrocratie est le résultat le plus clair du régime pseudo-démocratique que nous subissons. Le règne de la 3e République, c’est le règne du Poivrot, c’est le règne des banquets soulographiques où sont exaltés en des discours fumeux, au milieu des hoquets et des vomissements, la vérité, la justice, la paix, le droit, etc… C’est le règne de gens qui se grisent de belles paroles, ont soif de domination et que l’ivresse du pouvoir trouble au point qu’ils en perdent tout équilibre, titubent et roulent dans le ruisseau… Quand un homme politique prononce un discours, il me semble entendre un malheureux alcoolique répétant machinalement des mots qu’il ne comprend pas, et des phrases sans queue ni tête où il est toujours question des mêmes inepties et des mêmes lieux communs.

L’expression pot-de-vin a un sens. La bistrocratie a pour conséquence immédiate et fatale le pot-de-vinat qui est, comme vous le savez, l’art de faire des affaires en faisant de la politique.



Aucun opium n’est plus capable d’endormir les énergies, d’émasculer les volontés et d’abrutir les individus que l’alcool, l’alcool versé méthodiquement, systématiquement, avec une sorte de sadisme, aux foules, par des gens qui s’y connaissent et savent tout le parti qu’on en peut tirer. Sa puissance est redoutable et son utilisation pour l’asservissement des peuples ne date pas d’aujourd’hui. Mais aujourd’hui il triomphe, et c’est lui qui apparaît finalement comme le vrai, l’unique vainqueur de la grande guerre. Il remporte chaque jour des victoires « héroïques » sur l’intelligence, la volonté et l’amour. Il ne crée rien : il propage la mort, c’est tout. Qu’on ne me dise pas qu’il donne du génie : mettez devant un verre d’alcool un imbécile : vous verrez s’il accouchera d’un chef-d’œuvre ! Le penseur, l’artiste, le poète, n’ont pas besoin de cet excitant. L’alcool produit l’imbécillité et la folie : le génie ne lui doit rien. L’alcoolique dépose dans une urne un bulletin de vote sans savoir ce qu’il fait, mais ceux qui versent l’alcool savent ce qu’ils font.

Le fameux « pinard » est le père de tous les vices. Il engendre tous les maux. Quiconque se livre à la boisson est perdu. Pour un verre de pinard, que ne feraient pas certains individus ? J’ai vu des militaires, et même des civils, trahir leurs camarades pour quelques gouttes de vinasse ! L’ouvrier se pinardise jusqu’au cou pour oublier ses misères, mais en même temps il perd l’énergie qui lui permettrait d’améliorer son sort.

Enivrez-vous d’idées, camarades, et non de gniole, cela vaudra mieux.



La suprême habileté des dirigeants consiste à combattre l’alcool en souhaitant, au fond, que leurs projets n’aboutissent pas. Ils savent que l’avenir de la race est sérieusement compromis par l’alcool, ce qui les « embête », car il faut des « hommes » pour peupler les casernes, mais d’autre part il est nécessaire que les méninges des électeurs soient atrophiées afin que l’esprit critique n’y pénètre pas. C’est pourquoi ils sont à la fois pour et contre l’alcool. Comment résoudre cette antinomie ?

L’alcool, c’est comme les Jésuites : on le chasse, il revient. Il revient. Il change de nom et porte une autre étiquette, mais c’est le même poison qui reparaît sous des espèces aussi nocives.

Repopulateurs, voilà votre ennemi ! Mais vous ne le combattez qu’avec des mots, vous faites semblant de le combattre avec d’autres arguments et pour d’autres motifs. On peut le combattre pour d’autres raisons que les raisons exclusivement patriotiques qui, chez vous, priment toute raison.

Qu’en pensez-vous, illustre professeur Pinard ?



On se demande à quoi peuvent bien servir les sociétés et les ligues antialcooliques, presque aussi nombreuses que les beuglants et les estaminets ? Le mal augmente chaque jour, le niveau intellectuel baisse de plus en plus. Ce qui est perdu pour l’intelligence n’est pas perdu pour le bistro. Pendant qu’on boit, on ne pense pas. Le régime bistrocratique est en harmonie avec la littérature avariée qui convient aux esprits faibles, avec la morale « immorale » des bourgeois et, l’incohérence de leur politicaille. Tout cela, c’est la même civilisation à l’envers.

Le cabaret a un complice : le cinéma. Ils ont les mêmes clients : cinématomanie et bistromanie, c’est la même manie se traduisant par la même aboulie (ou mort intellectuelle).

Ils ont un agent de liaison en la personne de maint romancier-feuilletonniste qui se charge de fabriquer, à l’usage de ses lecteurs peu exigeants, le stock d’aventures et de péripéties qu’ils verront ensuite, bouche bée, défiler sur l’écran. On quitte le bistro pour le ciné, et réciproquement. Ce ne sont pas des concurrents, mais des voisins qui vivent en bonne intelligence et se font mutuellement de la réclame.



La démocratie a ses rois, aussi tyranniques que ceux de l’ancien régime. Les rois de la démocratie, autant de roitelets formant de petits États dans l’État, ce sont Messieurs les bistros, possédant chacun son fief, qui débutent sans un sou et finissent millionnaires, achètent pour commencer une boutique modeste qu’ils revendent pour s’agrandir plus loin, étendant chaque jour les limites de leur royaume jusqu’à ce qu’ils crèvent d’apoplexie après une existence parfaitement inutile.

Depuis quelque temps un bistro s’est installé sous mes fenêtres. Il a empoisonné tout le quartier. Ce petit coin paisible est devenu inhabitable. Un phonographe ne me fait grâce d’aucun air à la mode, d’aucune ritournelle, d’aucune roucoulade. Tout le répertoire des cafés-concerts y passe. Inlassablement, ce bizarre instrument déverse des flots d’harmonie par la voix du même ténor, et la même chanteuse y va de sa petite crise d’hystérie et le même sinistre comique ressasse sur le même ton ses mêmes couplets obscènes et ses refrains patriotards. J’entends dans un dernier beuglement, mettant le point final à un récit interminable, le mot de Liberté-é-é ! Grâce au phono, n’importe quelle vedette peut satisfaire sa soif d’exhibitionnisme en rabâchant pendant des heures, n’importe quand et n’importe où, devant n’importe qui, n’importe quel morceau de mauvaise musique. Le nom de Mlle X… de l’Opéra-Comique, est lancé comme un défi à la tête des buveurs hébétés. J’ai les oreilles fatiguées d’ouir cent fois par jour le Tic-tac du Moulin et la Voix des Chênes ! Pour comble de malheur, un piano-mécanique vient à la rescousse, accélérant la cacophonie et m’initiant bien malgré moi aux frasques de la Veuve Joyeuse et aux vertus du Cidre de Normandie.

Ajoutez à cette audition, qui n’a rien d’esthétique, les querelles d’ivrognes se prolongeant fort avant dans la nuit devant la porte du bistro, l’alcool achevant de couronner son œuvre. Les « pochards » empêchent les honnêtes gens de fermer l’œil en entonnant avec les becs de gaz des colloques sans fin.

Il n’y a rien à faire contre le genre d’individualisme du bistro tout-puissant qui préside à nos destinées. L’impérialisme bistrocratique a toutes les audaces. Il sait qu’il a derrière lui de nombreux protecteurs qui ont besoin de ses services et il en profite. De temps en temps une contravention rappelle au respect de la loi le bistro récalcitrant qui s’en tire à peu de frais et continue d’empoisonner sa clientèle.

Le bistro est un fonctionnaire : il touche des appointements, il émarge aux fonds secrets.

On se demande quels peuvent être les moyens d’existence de certains individus dont la vie se passe chez le bistro. Ils se feraient tuer plutôt que d’abandonner leur partie de manille ou de renoncer à vider des petits verres. Le « bistro » est le lieu où s’assemble ce qu’il y a de plus idiot dans l’humanité.

Chaque maison possède son bistro qui en est le plus bel ornement. Les gens s’y précipitent, sous un prétexte quelconque. C’est plus fort qu’eux : il faut qu’ils y entrent. Des familles entières pénètrent chez le bistro, la marmaille ouvrant la marche. Tout le monde trépigne de joie à la pensée qu’il va s’emplir l’estomac de liquide.

Pendant les chaleurs, les cafés ne désemplissent pas. La bistrocratie triomphe. Petits et grands bistros font leurs affaires.

À l’heure de l’apéro, les « terrasses » sont occupées par les jeunes bourgeois qui font l’apprentissage de la vie en empilant soucoupes sur soucoupes, ce dont ils sont aussi fiers que de leurs parchemins. Ce spectacle vaut la peine d’être vu et comporte plus d’un enseignement.



L’ère des bistrocrates est loin d’être close. La passion du pinard — oh combien national — n’a pas fini de faire des victimes. Son empire s’exercera de plus en plus au détriment de l’intelligence et de la pensée.

L’alcool est un moyen de gouvernement : il conduit tout droit au militarisme, à moins que ce ne soit le militarisme qui conduise tout droit à l’alcoolisme.

Supposez le monde débarrassé de ce fléau. Imaginez ce que serait une humanité privée de ses mastroquets. Si les boutiques de « chands de vins », qui déshonorent Paris, disparaissaient comme par enchantement, celui-ci deviendrait habitable. La canaille y serait moins à l’aise. On y rencontrerait moins de brutes ne demandant qu’à piétiner, frapper, bousculer et tuer. On n’assisterait pas à tant de spectacles écœurants et la politique y ferait moins de ravages. La question sociale serait peut-être résolue. La paix régnerait enfin sur la terre. Mais hélas ! ce n’est qu’un rêve, et j’entends dans la rue un ivrogne qui braille !

Les hommes ont bu, boivent et boiront sans doute éternellement. On peut souhaiter seulement qu’ils boivent un peu moins, et pensent davantage. — Gérard de Lacaze-Duthiers.


BLASPHÈME. n. m. (du grec blasphêmia). Un blasphème, au sens propre, est une parole qui outrage la Divinité, la religion. Par extension, le mot blasphème sert à désigner une parole outrageante pour quelque chose, en général. Ainsi, lorsqu’un antimilitariste traite le drapeau de son pays de loque malfaisante, les patriotes ne manquent pas de crier au blasphème. C’est tout juste également si les capitalistes ne traitent pas de blasphémateur celui qui ose proclamer, par exemple, que la propriété c’est le vol. Les anarchistes, qui n’ont de respect pour aucune entité, disent ce qu’ils pensent de toute chose et se rient d’être appelés blasphémateurs. La crainte du blasphème, en effet, a été imaginée par les puissants pour faire respecter par la masse toutes les idoles néfastes : Dieux, Patrie, État, Propriété, etc…


BLOC. n. m. (german. block). Masse, amas et, par extension, ensemble. Exemple : le Bloc National, c’est-à-dire l’ensemble de tous les partis nationalistes ; le Bloc des Gauches, c’est-à-dire l’ensemble de toutes les forces parlementaires de gauche, etc… Pour défendre leurs intérêts, les capitalistes savent former des blocs puissants ― internationaux souvent ― qui tirent les ficelles de ces polichinelles que sont les politiciens. C’est la mise en application du proverbe bien connu : l’Union fait la Force. Associant leurs appétits divers, les exploiteurs s’entendent à merveille pour gruger le peuple laborieux. Seuls et agissant séparément, ils se heurteraient peut-être à des obstacles infranchissables, tandis qu’en nombre ils peuvent, par leurs forces associées, venir à bout de leurs adversaires divisés. Ils peuvent imposer leur volonté au pays, dépouiller légalement leurs victimes, organiser leurs trafics sur une haute échelle et satisfaire leurs passions. Une fois le pouvoir atteint, l’assiette au beurre est assez large pour que chacun d’eux puisse s’y tailler une part avantageuse. Naturellement, ils savent bien que le jour où le peuple suivrait leur exemple et rassemblerait ses forces dispersées, sonnerait l’heure de leur agonie. Aussi, mettent-ils tout en œuvre pour empêcher une union solide des travailleurs. Ils s’ingénient à provoquer, dans le camp adverse, mille querelles stupides, qu’ils entretiennent ensuite avec soin. Et le résultat est que leur pouvoir, toujours plus implacable et plus rigide, pèse toujours plus lourdement sur la classe ouvrière. Cependant, cette situation ne peut plus durer bien longtemps. À force de multiplier leurs infamies et d’exagérer leur arbitraire, les dirigeants finissent par exaspérer leurs victimes. Bientôt les producteurs, laissant de côté les questions de boutique, dresseront contre le bloc capitaliste le bloc ouvrier, contre le bloc des parasites le bloc des travailleurs. Usant des mêmes méthodes que leurs oppresseurs, ils deviendront une puissance imbattable contre laquelle se briseront les armes de l’ennemi. Mais pour cela il faut que tous les opprimés s’unissent fraternellement et ne se prêtent plus au jeu des dirigeants en se déchirant mutuellement. Plus nombreux que les oppresseurs, les opprimés seront victorieux quand ils le voudront. Les anarchistes doivent aider, sans une seule défaillance, à cette union des travailleurs qui, seule, fera la Révolution sociale.


BLOCUS. n. m. Faire le blocus d’un pays, d’une ville, d’un port, c’est couper toute communication entre le lieu bloqué et l’extérieur. Au cours des guerres qui ensanglantèrent le globe, maintes contrées ou villes eurent à subir le blocus et furent ainsi condamnées à mourir de faim ou à courber l’échine sous la loi du vainqueur. Un blocus resté célèbre est le fameux « blocus continental » qu’organisa Napoléon Ier pour fermer au commerce de l’Angleterre tous les ports du continent et ruiner sa marine. Les principales de ces mesures furent décrétées à Berlin le 21 novembre 1806. Elles portèrent le plus grand tort à l’Angleterre ; mais elles contribuèrent à liguer, par la suite, l’Europe contre Napoléon. Pendant la grande boucherie 1914-18, on alla jusqu’à fonder un « ministère du blocus » pour assurer le blocus commercial de l’Allemagne. Le blocus est une manœuvre criminelle qui fait des victimes de la rivalité de deux gouvernements, non seulement les hommes, mais encore les femmes et les enfants.


BOGOMILISME. — Un siècle après la conversion des Bulgares (864) le Christianisme dégénéra complètement. Dans le clergé débauché et les gouvernants dépravés, le peuple vit l’incarnation de Satan. Exploitée, opprimée, dépouillée, la population chercha quelque soulagement dans les doctrines du gnosticisme, du manichéisme, etc. C’est le curé bulgare Bogomil (950) qui fit un extrait de ces doctrines et les cristallisa dans un nouveau credo : le bogomilisme.

Les ennemis des bogomiles eux-mêmes reconnaissaient que les adeptes de cette secte religieuse étaient doux, qu’ils vivaient simplement, en communauté. Frugaux, ils se contentaient d’une nourriture végétarienne pour ne pas tuer les animaux, leurs frères inférieurs. Ils refusaient aussi de faire la guerre. Les bogomiles ne reconnaissaient ni la propriété privée, ni l’État, ni l’Église. Ils furent les premiers anarchistes bulgares.

L’État et les cléricaux les persécutèrent, mais pas très sévèrement, parce que, même parmi les gouvernants, il y eut des sympathisants (entre autres le frère du roi Pierre). Dans l’Empire Byzantin, au contraire, on ne les toléra pas. L’ardent Vasilii et ses sept élèves (tous bulgares) furent arrêtés à Byzance. Devant le bûcher on les invita à abjurer leur foi. En réponse, ils sautèrent dans les flammes en chantant qu’il est heureux de mourir pour la vérité.

Ces cruautés, au lieu d’étouffer la secte, attisèrent le feu du dévouement. La doctrine dépassa les limites de l’Empire byzantin et se répandit vers l’occident, en Pannonie, Moravie, Italie du Nord et Rhénanie. En même temps s’étendirent les persécutions. Après le martyre des adeptes en Rhénanie, le mouvement entra en France et en Angleterre. Les cléricaux français multiplièrent les persécutions contre ces sectaires, connus en France sous le nom de cathares, albigeois, etc., jusqu’à ce qu’ils furent cruellement exterminés au xiiie siècle. En Bulgarie ils sapèrent l’État jusqu’en 1393, date à laquelle la Bulgarie tomba sous la domination turque. C’est pourquoi, d’ailleurs, les historiens tiennent les bogomiles pour responsables de l’affaiblissement de l’État bulgare et par conséquent de l’occupation musulmane. ― Athanossoff.