Encyclopédie anarchiste/Embryon - Enfant
EMBRYON (n. m. du grec embruon, formé de en, dans, et bruon, je germe).
Le mot embryon sert à désigner le produit immédiat de la conception et c’est à tort qu’il est parfois employé comme synonyme de fœtus. L’embryon est un fœtus qui commence à se former. Chez les humains, l’embryon n’est d’abord qu’un corps absolument privé de membres et l’on ne peut y distinguer ni le cœur, ni les muscles, ni les os, etc… Ce n’est qu’au bout de quarante jours que l’on commence à distinguer la tête et à trois ou quatre mois que l’embryon prend le nom de fœtus.
Le mot embryon sert également à désigner, en botanique, la partie essentielle de la graine des phanérogames, c’est-à-dire des plantes dont les organes de reproduction sont apparents et se dit aussi de tout état rudimentaire qui provient du développement d’un germe.
La science qui s’occupe de l’évolution des embryons s’appelle l’embryologie ; elle se divise en trois branches : l’embryologie générale, l’embryologie descriptive et l’embryologie comparée. C’est donc la science de la vie, puisque l’embryon est le commencement de la vie. Mais ce n’est pas toute la vie et Le Dantec fait judicieusement remarquer « que l’œuf n’est qu’un des facteurs de la construction de l’organisme ».
En effet, si l’embryon est invariablement soumis aux lois de l’hérédité, à la suite de son évolution et de son développement et lorsqu’il s’est transformé en individu, il est soumis à des lois extérieures « et comme tous les caractères de l’individu sont le résultat de sa vie, il devient absurde de penser que ces caractères sont, dans leur intégrité, représentés dans l’œuf d’où sortira l’individu » (Le Dantec, La Lutte pour la vie).
Toutefois, il est aujourd’hui scientifiquement démontré que, dans les germes qui donnent naissance à l’embryon, sont véhiculés certaines tares, certains vices physiologiques et qu’en conséquence, l’individu hérite souvent des tares de ses ascendants. Nous savons, par exemple, que l’ivrognerie transmet des tares et des vices héréditaires et il faut donc en conclure que l’alcool n’est pas seulement nuisible à celui qui le consomme, mais aussi à la descendance de l’alcoolique et que son influence néfaste réside déjà dans l’individu à l’état embryonnaire.
Au figuré, le terme embryon désigne quelque chose qui est à l’état naissant. Un embryon de livre ; un embryon de liberté ; et se dit également d’un être de petite taille : « Un embryon d’homme ».
EMPHASE n. f. (du grec emphasis, apparence). Affectation dans le discours, dans le ton, dans le geste, dans l’expression. Parler avec emphase. « Quel supplice, dit La Bruyère, que celui d’entendre prononcer de médiocres vers avec toute l’emphase d’un mauvais poète ».
L’emphase est le contraire, l’opposé, l’antidote du naturel et de la simplicité. Il faut se méfier de ceux qui prononcent des discours pompeux et exagérés, car ils sont rarement sincères. L’emphase dénote un esprit ambitieux et mesquin, dépourvu de mesure et d’intelligence. Exposons sans emphase, mais avec éloquence et clarté ce que nous voulons et nous serons compris.
EMPIRISME (n. m. du mot grec empeiro, j’essaye.) L’empirisme est un système philosophique qui attribue uniquement à l’expérience l’origine de toutes les connaissances humaines. Niant toute valeur à la méthode déductive, l’empirisme philosophique, scientifique ou social rejette, par conséquent, toute théorie, et ouvre un vaste champ d’action au charlatanisme. « Les empiristes, dit Jouffroy, ne connaissent d’autre autorité, en matière de connaissances, que celle des yeux et des mains ». Il ne faut pas confondre l’empirisme avec la méthode expérimentale, qui considère que l’esprit, l’intelligence, apportent également des éléments précieux à la réalisation des progrès scientifiques ou sociaux, et tout en attribuant une large part à l’expérience, ne condamne pas cependant le raisonnement et tous les bénéfices qui en résultent.
Le raisonnement et l’expérience se confondent et se complètent. Pour tous les domaines de l’activité humaine, l’un est aussi nécessaire que l’autre, car il existe des phénomènes qui ne frappent pas nos sens imparfaits, et nous sommes donc obligés d’avoir recours à la déduction pour les expliquer. D’autre part, sur le terrain pratique, l’empirisme présente un véritable danger. Médicalement, par exemple, une expérience, qui ne repose pas sur une théorie, permet toutes les erreurs, et tous les faux savants peuvent spéculer et se livrer au plus large charlatanisme en se réclamant d’un principe aussi absolu. Sur le terrain social, l’empirisme n’est pas moins néfaste. À nos yeux, l’expérience doit être consécutive à l’observation ; ce n’est qu’après avoir étudié, raisonné les chances de succès d’une action quelconque, que l’on doit se livrer à cette action. L’expérience en soi est généralement couronnée par le plus désastreux des fiascos, lorsqu’elle n’a pas été précédée de l’étude des conditions dans lesquelles elle doit s’opérer. Le dictionnaire Lachâtre emprunte à Et. Brochin la définition suivante de l’empirisme : « L’empirisme pris dans son acception étymologique rigoureuse et dans son sens sérieux, signifie cette méthode qui consiste à étudier, sans idée préconçue, tous les phénomènes qui se présentent à notre observation, et dans leur manifestation actuelle et dans les circonstances de leur production et de leur formation, ainsi que dans toutes les choses qui peuvent en changer ou modifier le cours ; à déduire des faits observés et de leur rapprochement les conclusions les plus rigoureuses, et à comparer ces conclusions entre elles, afin d’en faire découler des propositions qui ne soient que des déductions plus générales, mais tout aussi rigoureuses des faits eux-mêmes. C’est ce que l’on peut appeler, de nos jours, l’empirisme raisonné, ou, si l’on veut, une partie de la méthode expérimentale de Bacon. » Nous pouvons dire avec Brochin que si l’empirisme tout court nous paraît stupide et néfaste, l’empirisme raisonné, appliqué tout aussi bien à la science qu’à la sociologie, est un facteur de progrès et d’évolution.
On appelle empiristes ceux qui se réclament de l’empirisme, ou plutôt qui défendent ou soutiennent ce système ; quant au mot empirique, il est ordinairement employé au sens péjoratif et signifie routinier, rétrograde. Un procédé empirique ; un médecin empirique, pour un charlatan qui exerce la médecine.
ÉMULATION n. f. (du latin aemulatio.) Sentiment qui porte à rivaliser avec quelqu’un et à le surpasser en quelque chose.
Les moralistes prétendent que l’émulation est un aiguillon de la vertu et que c’est ce sentiment qui pousse les individus à atteindre au mérite de certains de leurs semblables. L’Émulation n’est pas toujours bienfaisante et bien souvent ce sentiment ne donne naissance qu’à de l’animosité et de la jalousie.
Que l’homme ait les yeux fixés sur ce qui lui semble supérieur et cherche à acquérir toujours plus de qualités, c’est un bien. Mais ce qui est néfaste c’est de créer entre êtres un esprit de bataille, de concurrence, de rivalité qui détruit tous les bienfaits d’une émulation raisonnable.
On encourage l’émulation chez les écoliers parfois d’une façon ridicule sans atteindre le but que l’on se proposait, car on ne tient pas compte de tous les facteurs qui déterminent la vie de l’enfant et l’on ne se soucie pas de sa personnalité, de son individualité ; quant à l’émulation de la classe ouvrière en ce qui concerne sa production, nous savons que ceux qui la préconisent sont intéressés à la question, puisque ce sont eux qui profitent de tout le travail des exploités.
« Il faut toujours, disait Mignet, se proposer de grands modèles, pour avoir de hautes émulations. »
ENCYCLIQUE n. f. ou adj. Une encyclique : circulaire du pape. Lettre encyclique.
Bulle ou lettre solennelle adressée par le pape au clergé du monde catholique, ou seulement aux évêques d’une même nation.
Les décisions que renferment les encycliques en matière de foi et de morale sont irréformables, si le pape déclare les imposer à toute l’Église — ceci, mécaniquement, du fait de l’infaillibilité papale.
Souvent, le Souverain Pontife se propose non point de trancher une question dogmatique, mais seulement de donner des conseils.
Comme les bulles, les encycliques, sont généralement désignées par les premiers mots du texte latin qui les compose, et la date où elles ont été publiées.
Parmi les encycliques les plus importantes du xixe et xxe siècle, le Larousse cite : Diu satis, 1800, où Pie VII engage les évêques catholiques à maintenir l’unité de l’Église menacée par les troubles politiques ; Mirari vos, 1832 où Grégoire XVI combat l’indifférentisme ; Nostis et Nobiscum, 1849, où Pie IX condamne les principes du Communisme et du Socialisme ; Quanto conficiamur, 1863, où Pie IX affirme les droits du Saint-Siège sur les domaines de Saint-Pierre ; Quanta Cura, 1864, où il condamne les théories fondées sur le naturalisme (cette encyclique était accompagnée d’un Syllabus) ; Œterni Patris, 1879, où Léon XIII préconise l’enseignement de la philosophie de Saint Thomas ; Rerum Novarum, 1891, sur la condition des ouvriers ; Providentissimus Deus, 1893, sur l’enseignement biblique ; Vehementer nos, 1906 et Gravissimo officii, 1906, où Pie X condamne la séparation de l’Église et de l’État en France ; Pascendi dominici gugis, 1907, où il condamne les modernistes.
Les encycliques, sont une mine de documents que les historiens, les philosophes, les militants sérieux et tous ceux qu’intéresse le problème religieux, ont intérêt à fouiller.
Nous citerons parmi ces dernières quelques extraits qui feront mieux voir toute l’importance de la connaissance de ces actes des Pontifes romains que les plus longs discours, et qui, d’autre part, permettront aux antireligieux de s’armer pour leurs luttes prochaines, de traits invincibles.
Mirari vos, 15 août 1832, de Grégoire XVI :
« …Et d’abord anathème, quiconque prétend améliorer et faire progresser l’Église, directement inspirée par l’Esprit-Saint. Comme il est constant, pour nous servir des paroles des Pères de Trente, que l’Église a été instituée par Jésus-Christ et ses apôtres, et qu’elle est enseignée par l’Esprit-Saint qui lui suggère incessamment toute vérité, il est tout à fait absurde et injurieux pour elle que l’on mette en avant une certaine restauration et régénération comme nécessaires pour pourvoir à sa conservation et à son accroissement ; comme si elle pouvait être sensée exposée à la défaillance, à l’obscurcissement, ou à d’autres inconvénients de cette nature. Le but des novateurs, en cela, est de jeter les fondements d’une institution nouvelle et de faire ce que Cyprien avait en horreur, que l’Église qui est divine, devienne toute humaine… »
« Anathème à la liberté de Conscience ; anathème à la liberté de la parole ou de la plume. De la source infecte de l’indifférentisme découle cette maxime absurde et erronée, ou plutôt ce délire, qu’il faut assurer et garantir à qui que ce soit la liberté de conscience. On prépare la voie à cette pernicieuse erreur par la liberté d’opinions, pleine et sans bornes, qui se répand au loin pour le malheur de la société religieuse et civile, quelques-uns répétant avec une extrême imprudence qu’il en résulte quelque avantage pour la religion. Mais, disait Saint-Augustin, qui peut mieux donner la mort à l’âme que la liberté de l’erreur ? En effet, tout frein étant ôté qui puisse retenir les hommes dans les sentiers de la vérité, leur nature, inclinée au mal, tombe dans un précipice ; et nous pouvons dire avec vérité que le puits de l’abîme est ouvert, ce puits d’où Saint-Jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil et sortir des sauterelles qui ravagèrent la terre. De là le changement des esprits, une corruption plus profonde de la jeunesse, le mépris des choses saintes et des lois les plus respectables répandu parmi le peuple ; en un mot, le fléau le plus mortel pour la vérité, puisque l’expérience a fait voir de toute antiquité que les États qui ont brillé par leurs richesses, par leur puissance, par leur gloire, ont péri par ce seul mal : la liberté immodérée des opinions, la licence des discours et l’annonce des nouveautés… »
« Anathème, trois fois anathème quiconque parle aux peuples de droits à revendiquer ; quelque soit le maître, malheur à qui ne veut pas courber la tête devant lui ; anathème à tous ceux qui ébranlent la fidélité et la soumission dues aux princes et qui allument partout les flambeaux de la révolte. Il faudra empêcher avec soin que les peuples ainsi trompés ne soient entraînés hors de la ligne de leurs devoirs. Que tous considèrent que, suivant l’avis de l’apôtre « il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu. Ainsi, celui qui résiste à la puissance résiste à l’ordre de Dieu, et ceux qui résistent s’attirent la condamnation à eux-mêmes. »
Ainsi, les lois divines et humaines s’élèvent contre ceux qui s’efforcent d’ébranler par des trames honteuses de révolte et de sédition la fidélité aux princes et de les précipiter du trône… »
L’encyclique du 15 août 1832, visait tout particulièrement le mouvement social-chrétien, créé par Lamennais. Les chefs du mouvement s’inclinèrent devant le pape ; mais la publication du livre de Lamennais « Paroles d’un croyant », provoqua l’encyclique Singulari nos du 7 juillet 1834, où nous retrouvons les mêmes propositions que dans celle de 1832 :
« Nous avons été vraiment saisis d’horreur, vénérables frères, au premier coup d’œil jeté sur ce livre, et, émus de compassion sur l’aveuglement de son auteur, nous avons compris à quels excès emporte la science qui n’est pas de Dieu, mais selon l’esprit du monde. En effet, au mépris de la foi, solennellement donnée par sa déclaration, il a entrepris d’ébranler et de détruire la doctrine catholique, soit sur la soumission due aux puissances, soit sur l’obligation de détourner des peuples le pernicieux fléau de l’indifférence, et de mettre un frein à la licence sans borne des opinions et des discours, soit enfin sur la liberté absolue de conscience, liberté tout à fait condamnable, et sur cette horrible conspiration de sociétés composées, pour la ruine de l’Église et de l’État, des partisans de tous les cultes faux et de toutes les sectes. L’esprit a vraiment horreur de lire seulement les pages de ce livre, où l’auteur s’efforce de briser tous les liens de fidélité et de soumission envers les princes, et, lançant de toutes parts les torches de la sédition et de la révolte, d’étendre partout la destruction de l’ordre public, le mépris des magistrats, la violation des lois, et d’arracher jusque dans leurs fondements tout pouvoir religieux et tout pouvoir civil. Puis, dans une suite d’assertions aussi injustes qu’inouïes, il représente, par un prodige de calomnies, la puissance des princes comme contraire à la loi divine… et il flétrit des mêmes notes d’infamie ceux qui président aux choses divines aussi bien que les chefs des États, à cause d’une alliance de crimes et de complots qu’il imagine avoir été conclue entre eux contre les droits des peuples. N’étant pas encore satisfait d’une si grande audace, il veut de plus faire établir par la violence la liberté absolue d’opinions, de discours et de conscience ; il appelle tous les biens et tous les succès sur les soldats qui combattront pour la délivrer de la tyrannie, c’est le mot qu’il emploie. Dans les transports de sa fureur, il provoque les peuples à se réunir et à s’associer de toutes les parties du monde…
« …De notre propre mouvement, de notre science certaine et de toute la plénitude de notre puissance apostolique, nous réprouvons, condamnons et voulons qu’à perpétuité on tienne pour réprouvé et condamné le livre qui a pour titre : « Paroles d’un croyant » où, par un abus impie de la parole de Dieu, les peuples sont criminellement poussés à rompre les liens de tout ordre public, à renverser l’une et l’autre autorité, à exciter, à nourrir, étendre et fortifier les séditions dans les empires, les troubles et les rébellions ; livre renfermant par conséquent des propositions fausses, calomnieuses, téméraires, conduisant à l’anarchie, contraires à la parole de Dieu, impies, scandaleuses, erronées, déjà condamnées par l’Église, spécialement dans les Vaudois, les Wicklefites, les Hussites, et autres hérétiques de cette espèce. »
Cette fois, Lamennais releva le défi et rompit avec Rome.
Le successeur de Grégoire XVI, le pape Pie IX, continua la série des fulminations contre : la liberté de conscience, de parole, d’écrit, etc… Quelques-unes de ses encycliques méritent de passer à la postérité pour y être en témoignage du fanatisme constant de l’Église catholique :
Dans l’Encyclique Qui pluribus du 9 novembre 1846, Pie IX dénonce la conspiration ourdie contre la religion catholique et la société civile. Il montre l’Église et l’ordre social attaqués au nom du progrès. Il invite les gouvernements à sévir contre la Révolution. Il condamne les sociétés bibliques qui répandent la Sainte Écriture, en langue vulgaire. Contre l’esprit du siècle, contre les philosophes :
« Nul d’entre vous n’ignore, vénérables frères, que, dans ce siècle déplorable, une guerre furieuse et redoutable est déclarée au catholicisme. Unis entre eux par un pacte criminel, les ennemis de notre religion repoussent les saintes doctrines, ils ferment l’oreille à la voix de la vérité, ils produisent au grand jour les opinions les plus funestes et font tous leurs efforts pour les répandre et les faire triompher dans le public… Ces implacables ennemis du nom chrétien, emportés par une aveugle fureur d’impiété, en sont venus à un degré inouï d’audace, ouvrant leur bouche aux blasphèmes contre Dieu, ils ne rougissent pas d’enseigner hautement et publiquement que les augustes mystères de notre religion sont des erreurs et des inventions humaines, que la doctrine de l’Église catholique est opposée au bien et aux intérêts de la société ; ils ne craignent pas même de renier le Christ et de renier Dieu. Pour mieux tromper les peuples, pour entraîner avec eux dans l’erreur les esprits inexpérimentés ils feignent de connaître seuls les voies du bonheur ; ils s’arrogent le titre de philosophes… »
Enfin, Pie IX, termine ainsi :
« Appliquez-vous à inculper aux peuples l’obéissance, la soumission due aux princes et aux puissances ; enseignez-leur, selon l’avis de l’apôtre, qu’il n’est point de pouvoir qui ne vienne de Dieu, et qu’en résistant au pouvoir on résiste à l’ordre établi par Dieu, en provoquant sa condamnation, et que, par conséquent, nul ne peut violer sans crime le précepte d’obéir à l’autorité, à moins qu’elle ne lui commande des choses contraires aux lois de Dieu et de l’Église. »
L’Encyclique du 17 mars 1856, adressée aux évêques d’Antioche, peut se résumer ainsi : Anathème à l’indifférentisme et au rationalisme.
« Les hommes dédaignent avec fierté la foi, dont il est écrit qu’en manquer serait un motif de condamnation. La foi repose, non sur la raison, mais sur l’autorité ; malheur à qui ne s’en rapporte pas pleinement à Dieu sur Dieu, sur ce qu’il nous propose de croire et de savoir de lui. Le rôle de la raison est d’obéir ; elle n’est pas maîtresse, mais servante de la foi. »
L’Encyclique Quanta Cura, 8 décembre 1864, a eu un retentissement immense ; c’est le défi le plus complet qu’ait jeté l’Église au progrès, à l’esprit de liberté, à la culture moderne…
Cette encyclique est suivie d’un syllabus, ou résumé, contenant l’énoncé de 80 articles qualifiés « Erreurs principales de notre temps » et qui sont condamnés par Pie IX.
Voici quelques extraits de cette encyclique fameuse, promulguée selon toutes les conditions de « l’Ex-Cathedra » :
« Il vous est parfaitement connu, vénérables frères, qu’aujourd’hui il ne manque pas d’hommes qui appliquent à la société civile l’impie et absurde principe du « naturalisme », comme ils l’appellent ; ils osent enseigner que la perfection des gouvernements et le progrès civil exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n’existait pas, ou, du moins, sans faire aucune différence entre la vraie religion et les fausses. De plus, contrairement à la doctrine de l’Écriture, ils ne craignent pas d’affirmer que le meilleur des gouvernements est celui où l’on ne reconnaît pas au pouvoir l’obligation de réprimer, par la sanction des peines, les violateurs de la religion catholique, si ce n’est lorsque la tranquillité publique le demande.
En conséquence de cette idée absolument fausse du gouvernement social, ils n’hésitent pas à favoriser cette opinion erronée… que la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme, qu’il doit être proclamé dans tout État bien constitué, et que les citoyens ont droit à la pleine liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions, quelles qu’elles soient, par la parole, par l’impression ou autrement, sans que l’autorité ecclésiastique ou civile puisse limiter ce droit. Or, en soutenant ces affirmations téméraires, ils ne pensent pas, ils ne considèrent pas qu’ils prêchent une liberté de perdition, et que, s’il est toujours permis aux opinions humaines d’entrer en conflit, il ne manquera jamais d’hommes qui oseront résister à la vérité et mettre leur confiance dans le verbiage de la sagesse humaine, vanité extrêmement nuisible, que la foi et la sagesse chrétiennes doivent soigneusement éviter, conformément à l’enseignement de N. S. J.-C.
« …Mais qui ne voit, qui ne sent très bien qu’une société soustraite aux lois de la religion et de la vraie justice ne peut avoir d’autre but que d’amasser, d’accumuler des richesses, et, dans tous ses actes, d’autre loi que l’indomptable désir de satisfaire ses passions et de se procurer des jouissances ? »
Malgré les anathèmes et les excommunications contre le socialisme, et contre les revendications des peuples, socialisme et syndicalisme font leur chemin, aussi les papes doivent relâcher le mors.
Léon XIII adresse l’encyclique « Rerum Novarum », 15 mai 1891, sur les conditions des ouvriers.
Il traite des associations professionnelles, admet les syndicats : mixtes ou composés d’ouvriers seulement.
Cette encyclique est la charte des syndicats chrétiens et a de ce fait une grande importance. Elle commence par justifier les inégalités sociales les déclarant nécessaires :
« Le premier principe à mettre en avant, c’est que l’homme doit accepter cette nécessité de sa nature qui rend impossible, dans la société civile, l’élévation de tous au même niveau… La vie sociale requiert un organisme très varié et des fonctions fort diverses ; et ce qui porte précisément les hommes à se partager ces fonctions, c’est surtout la différence de leurs conditions respectives.
« Pour ce qui regarde le travail en particulier, l’homme, dans l’état même d’innocence, n’était pas destiné à vivre dans l’oisiveté. Mais ce que la volonté eût embrassé librement comme un exercice agréable, est devenu, après le péché, une nécessité imposée comme une expiation et accompagnée de souffrances. « La terre est maudite à cause de toi. C’est par un travail pénible que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie. »
« De même toutes les autres calamités qui ont fondu sur l’homme n’auront pas ici-bas de fin ni de trêve, parce que les funestes fruits du péché sont amers, âpres, acerbes, et qu’ils accompagnent nécessairement l’homme jusqu’à son dernier soupir. Oui, la douleur et la souffrance sont l’apanage de l’humanité, et les hommes auront beau tout essayer, tout tenter pour les bannir, ils n’y réussiront jamais, quelques ressources qu’ils déploient et quelques forces qu’ils mettent en jeu. S’il en est qui promettent au pauvre une vie exempte de souffrances et de peines, toute adonnée au repos et à de perpétuelles jouissances, ceux-là certainement trompent le peuple et lui dressent des embûches d’où sortiront pour l’avenir de plus terribles calamités que celles du présent. Il vaut mieux voir les choses telles qu’elles sont et, comme nous l’avons dit, chercher ailleurs un remède capable de soulager nos maux. »
Le remède ? Le voici tel que le donne ce Pontife :
« 1o Devoirs des ouvriers. — Il doit fournir intégralement et fidèlement tout le travail auquel il s’est engagé par contrat libre et conforme à l’équité… Il ne doit point léser son patron, ni dans ses biens, ni dans sa personne. Ses revendications mêmes doivent être exemptes de violences et ne jamais revêtir la forme de séditions. Il doit fuir les hommes pervers qui, dans des discours artificieux, lui suggèrent des espérances exagérées et lui font de grandes promesses qui n’aboutissent qu’à de stériles regrets et à la ruine des fortunes. »
« 2o Devoirs des patrons. — Être charitables — rien de plus. Et comment feraient-ils la charité s’ils n’étaient riches ? Aussi le Saint-Père a-t-il soin de spécifier :
« Nul assurément n’est tenu de soulager le prochain en prenant sur son nécessaire ou sur celui de sa famille, ni même de rien retrancher de ce que les convenances ou la bienséance imposent à sa personne. Nul en effet ne doit vivre contrairement aux convenances. (Saint-Thomas) »
Voici comment l’Église résout la question sociale :
L’inégalité est nécessaire. — Le pauvre doit être fier de sa pauvreté. — L’ouvrier doit travailler. — Nul ne doit se révolter. — Le riche sera charitable autant qu’il aura plus qu’il ne peut dépenser : en bonne chère, grande vie, riches costumes, palais, etc…
Et le bon Dieu nous tient les mains,
Pendant qu’on fouille dans nos poches.
Mais les temps sont révolus où la Sainte Inquisition brûlait le philosophe. Avec l’Empire est mort son espoir de brûler encore le livre. On lâche du lest : En 1893 Léon XIII se rallie à la République. Mais quelle profonde duperie ! Le Pontife ne peut détruire quoi que ce soit de ce qu’ont fait ses prédécesseurs — infaillibles comme lui. Il se rallie à la République pour mieux l’étouffer. Que ceux qui conserveraient quelques doutes étudient l’enseignement des encycliques.
Que les hommes de science ne désertent pas l’arène où se joue l’avenir de la liberté de conscience. Nul effort ne se perd dans le temps. Le mouvement « moderniste » de la fin du xixe siècle et du début du xxe, est un encouragement inouï à ne pas désespérer.
Les méthodes expérimentales et rationnelles ont soulevé au sein même de l’Église catholique une tempête qui ne s’éteindra qu’avec la fin du catholicisme. Nous sommes sur la bonne voie.
Le pape Pie X publia l’encyclique Pascendi Domini Grégis, 8 septembre 1907, contre les « modernistes », dans laquelle nous relevons ces passages, dignes d’une sérieuse attention :
« Quant aux idées profanes, il suffira de rappeler ce qu’en a dit fort sagement notre prédécesseur : Appliquez-vous avec ardeur à l’étude des sciences naturelles : les géniales découvertes, les applications hardies et utiles faites de nos jours sur ce terrain, qui provoquent à juste titre les applaudissements des contemporains, seront aussi à la postérité un sujet d’admiration et de louanges. Mais les études sacrées n’en doivent pas souffrir. » Sur quoi le même pape donne tout aussitôt le grave avertissement que voici : « Si l’on recherche avec soin la cause de ces erreurs, on la trouvera surtout en ceci : que plus s’est accrue l’ardeur pour les sciences naturelles, plus les hautes sciences, les sciences sévères sont allées en déclinant ; il en est qui languissent dans l’oubli ; certaines autres sont traitées faiblement et à la légère, et, ce qui est indigne, déchues de leur antique splendeur, on les infecte encore de doctrines perverses et d’opinions dont la monstruosité épouvante. Sur cette loi nous ordonnons que l’on règle, dans les séminaires, l’étude des sciences naturelles.
« …Il faut procéder avec la même vigilance et sévérité à l’examen et au choix des candidats aux Saints Ordres. Loin, bien loin du sacerdoce l’esprit de nouveauté ! Dieu hait les superbes et les opiniâtres. Que le doctorat en théologie et en droit canonique ne soit plus conféré désormais à quiconque n’aura pas suivi le cours régulier de philosophie scolastique ; conféré, qu’il soit tenu pour nul et de nulle valeur. Les prescriptions faites par la Sacrée Congrégation des Évêques et Réguliers, dans un décret de 1896, aux clercs séculiers et réguliers d’Italie, concernant la fréquentation des Universités, nous en décrétons l’extension désormais à toutes les nations. Défense est faite aux clercs et aux prêtres qui ont pris quelques inscriptions dans une Université ou Institut Catholique de suivre, pour les matières qui y sont professées, les cours des Universités civiles. Si cela a été permis quelque part, nous l’interdisons pour l’avenir. Que les évêques… »
Enfin, l’Encyclique Quas Primas sur la Royauté du Christ, du 23 décembre 1922, de Pie XI, vient bien à point pour rappeler au monde que l’Église catholique est toujours : avec les princes, contre les peuples.
« C’est à notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d’apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine. Nous le faisons en prescrivant à l’univers catholique le culte du Christ-Roi… La peste de notre époque, c’est le laïcisme, ainsi qu’on l’appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles…
« …En imprimant à l’autorité des princes et des chefs d’État un certain caractère sacré, la dignité royale de Notre Seigneur ennoblit du même coup les devoirs et la soumission des citoyens… Si les princes et les gouvernants légitimement choisis étaient persuadés qu’ils commandent bien moins en leur propre nom qu’aux lieu et place du Divin-Roi, il est évident qu’ils useraient de leur autorité avec toute la vertu et la sagesse possibles… Alors on verrait l’ordre et la tranquillité s’épanouir et se consolider ; toute cause de révolte se trouverait écartée ; dans le prince et les autres dignitaires de l’État, le citoyen reconnaîtrait des hommes comme les autres, ses égaux par la nature humaine, même s’ils étaient par quelque côté des incapables ou des indignes ; il ne refuserait point pour autant de leur obéir quand il observerait qu’en leurs personnes s’offrent à lui l’image et l’autorité du Christ Dieu et homme. »
Et pour qu’on n’y oublie pas les Jésuites :
« Nous prescrivons également que chaque année, en ce même jour, on renouvelle la consécration du genre humain au Sacré-Cœur de Jésus… »
La religion est le ciment qui relie toutes les forces d’oppression, dressées contre les forces de libération ; elle est l’Autorité que nous voulons abattre. Que la lutte soit sans merci. — A. Lapeyre.
ENCYCLOPÉDIE (n. f. du grec : en, dans ; kuklos, cercle et paideia, enseignement.) Une encyclopédie est un ouvrage dans lequel est traité tout l’ensemble des connaissances humaines. En vérité un ouvrage semblable n’existe pas et ne peut pas exister de nos jours.
Chez les anciens, tout homme qui avait le souci de son intelligence et tenait à conserver sa réputation d’homme libre, apprenait ou plutôt suivait « l’encyclopédie », c’est-à-dire qu’il s’instruisait à toutes les branches des arts et des sciences. Mais à mesure que se développa le progrès et que les découvertes scientifiques, philosophiques, artistiques élargirent le cercle des connaissances générales, il devint impossible à l’individu d’emmagasiner dans son cerveau l’ensemble de ces connaissances et l’on renonça alors à l’étude de « l’encyclopédie ». Il devint nécessaire à l’homme de spécialiser ses études, en choisissant celles qui se rattachaient plus particulièrement à l’état que l’on désirait embrasser.
Ce fut François Bacon, le célèbre philosophe du xviie siècle qui, le premier, « systématisa nos connaissances » en divisant les sciences et les arts en trois branches distinctes : la première comprenant les histoires sacrées, civiles, l’histoire naturelle, la géologie, la technologie, etc…, etc… ; la seconde, la théologie, la philosophie, la nature, la grammaire, la rhétorique, les mathématiques, la chimie, etc., et la troisième l’art dramatique, la musique, la peinture et la sculpture.
Le premier ouvrage qui porte le nom d’encyclopédie fut réalisé par d’Alembert et Diderot au xviiie siècle. C’est un puissant ouvrage auquel collaborèrent tous les hommes nouveaux de l’époque, les libres penseurs, les révolutionnaires, enfin tous ceux désirant modifier la société au point de vue politique et religieux et détruire les préjugés et les croyances du passé. Le « Discours préliminaire » de cette encyclopédie, rédigé par d’Alembert est un tableau remarquable des connaissances humaines à la veille de la grande Révolution française et constitue une des plus puissantes œuvres philosophiques du xviiie siècle.
De nos jours les encyclopédies les plus renommées sont :
1o La grande encyclopédie publiée de 1885 à 1902 et qui forme un vaste recueil de 31 volumes. C’est en France l’encyclopédie la plus complète que l’on puisse trouver ; mais elle présente cette lacune, que n’étant pas tenue à jour, elle n’instruit pas sur toutes les transformations et progrès scientifiques et sociaux de ces vingt dernières années. C’est regrettable car depuis 1900 les découvertes furent nombreuses et le progrès rapide. Il faut donc chercher hors de cette encyclopédie les renseignements que l’on pourrait désirer.
2o L’Encyclopédie britannique en 24 volumes de Charles Black et Adam.
3o L’Encyclopédie allemande de Brokhaus en 17 volumes et celle de Meyer également en 17 volumes.
Comme ouvrage tenu à jour, il n’y a réellement en France que le Nouveau Larousse illustré en sept volumes publié de 1897 à 1904 sous la direction de Claude Augé ; un supplément fut publié en 1906 et depuis mars 1907, toujours sous la même direction paraît une revue mensuelle encyclopédique qui enregistre toutes les manifestations de la vie contemporaine.
Les articles qui paraissent dans cette revue, d’ordre littéraire, artistique ou scientifique, sont classés avec soin et sont accompagnés d’une illustration documentaire. Mais il faut reprocher à ce qu’il est convenu d’appeler l’encyclopédie Larousse son caractère particulier et réactionnaire.
À côté des encyclopédies proprement dites qui embrassent, ou qui devraient embrasser le cercle des connaissances humaines, il y a les encyclopédies spéciales qui ne traitent que les notions utiles à un art ou à une science. L’encyclopédie médicale, comme son nom l’indique, est destinée aux hommes qui entendent étudier ou professer la médecine ; l’encyclopédie agricole, à ceux qui s’intéressent aux questions agricoles.
L’encyclopédie anarchiste est une encyclopédie spéciale. « Dans la masse des encyclopédies que l’on a publiées jusqu’à ce jour, déclarait Lachâtre, lorsqu’en 1856 il publia son Dictionnaire Universel, la plus importante, la plus nécessaire manquait : l’Encyclopédie du Peuple ; c’est cette lacune que nous avons l’espoir de remplir par la publication du dictionnaire universel et de ses compléments. »
C’est le même esprit qui anima notre camarade Sébastien Faure, lorsqu’il décida de publier l’Encyclopédie Anarchiste. Le Dictionnaire Universel de Lachâtre est un dictionnaire républicain, un dictionnaire social plein d’enseignements révolutionnaires, et qui soutenait la République à l’époque où celle-ci, écrasée par l’empire, semblait belle à ceux qui en attendaient la justice et la liberté. La République est sortie triomphante de la guerre de 1870 et aujourd’hui que de nouveaux désastres se sont abattus sur le peuple, après bientôt soixante ans de régime républicain, nous pouvons faire le bilan des années qui se sont écoulées et il était nécessaire que le peuple puisse puiser, dans un ouvrage qui lui est destiné, l’exemple et l’expérience indispensables à sa lutte. L’Encyclopédie Anarchiste n’est pas un traité lexicologique, ce n’est pas un ouvrage où l’on trouvera développés tous les sujets scientifiques, littéraires ou artistiques comme ils le sont — imparfaitement du reste — dans les autres dictionnaires, mais le lecteur y pourra chercher ce qu’il ne rencontrera dans aucune autre encyclopédie ; le développement des divers mouvements sociaux, étudiés et transcrits avec logique, clarté, limpidité et surtout avec impartialité.
L’Encyclopédie Anarchiste n’est pas rédigée par des grammairiens, mais Sébastien Faure s’est attaché des collaborateurs soucieux du travail qui leur est confié et qui dans un but de propagande par l’instruction et l’éducation, développent un sujet qu’ils connaissent profondément, avec précision et en termes susceptibles d’être compris par le plus humble des travailleurs.
Œuvre révolutionnaire au premier plan, l’Encyclopédie Anarchiste instruira le militant ouvrier sur tout ce qu’il ne doit pas ignorer dans la bataille quotidienne qu’il mène pour la libération de l’humanité. À sa lecture, il sera documenté non seulement sur l’évolution du mouvement anarchiste, mais aussi sur tous les mouvements sociaux qui visent au même but et empruntent pour l’atteindre des chemins différents et opposés. Le développement des diverses doctrines sociales y sont traitées par des hommes compétents appartenant à tous les partis et en conséquence l’Encyclopédie Anarchiste ne peut être taxée de partialité ; il est évident que l’exposé des espérances anarchistes y tient une grande place et que les conclusions sont parfois brutales pour les défenseurs du principe d’autorité. Mais est-ce la faute des Anarchistes si la critique de la société moderne s’impose par les vices exemplaires de cette société et si toutes les doctrines philosophiques ou sociales qui prétendent rénover l’humanité ont fait faillite ?
L’Encyclopédie Anarchiste est une œuvre d’utilité sociale. Bien que ne formant pas un ensemble complet de connaissances, on y trouve résumé tout ce qui peut intéresser l’individu qui cherche à connaître, à s’instruire, à s’élever et, à ce point de vue, elle constitue pour le peuple l’unique ouvrage écrit pour lui, l’ouvrage qui manquait : l’ « Encyclopédie du Peuple ».
ENDORMEUR adj. Lorsque le chirurgien doit faire une opération douloureuse, il endort le patient afin que celui-ci, ne sentant pas son mal, se laisse faire sans bouger et facilite l’opération. Il a soin cependant d’avertir son client, de lui demander sa permission et de le réveiller une fois l’opération terminée. Dans l’opération sociale qui consiste à dépouiller le malheureux, à le pressurer, à l’affamer, à le faire produire beaucoup et consommer peu, à l’envoyer à la boucherie lorsque ses maîtres l’ont décidé, le malade, c’est-à-dire le peuple, doit être endormi sans le savoir et ne pas se réveiller. Pour le maintenir endormi, il y a tout un tas de sinistres gredins occupés continuellement à lui verser du chloroforme sur le crâne. Les endormeurs sont tous ceux qui travaillent à détourner son attention de sa misérable condition sociale, ou qui l’engagent à accepter celle-ci en le berçant d’espérances pour la vie future, ou qui lui demandent de leur confier ses intérêts pour qu’ils s’en occupent en ses lieu et place.
Endormeur : le curé, de quelque religion qu’il soit, qui fascine la foule avec des cérémonies grandioses, qui s’introduit partout pour maintenir l’autorité de l’Église, qui ordonne aux pauvres (qui n’ont rien) d’abandonner les biens de la terre aux riches (qui possèdent tout), avec l’espérance d’obtenir un bonheur sans limite dans l’autre monde, afin que les parasites puissent vivre en paix dans celui ci ; le curé qui répète sans cesse à ceux qui souffrent : « Supportez avec résignation cette épreuve que Dieu vous envoie pour votre bonheur éternel. Soyez humbles. Soyez soumis et priez Dieu ! »
Endormeur : le moraliste qui nous prêche l’obéissance aux parents, aux maîtres, aux chefs, aux patrons, aux gouvernants ; la soumission aux lois, aux coutumes, aux préjugés ; l’amour paternel, maternel, familial, etc…, comme si cela se commandait ; l’amour du pays, du drapeau, de la patrie, bref toutes les amours, sauf l’amour charnel qu’il charge d’entraves jusqu’au point de le détruire ; qui nous conseille le renoncement à la vie, le sacrifice à l’intérêt général, à la grandeur du pays, et enfin, la mort pour la patrie !
Endormeur : l’économiste qui ne voit dans le travailleur qu’un instrument de production qu’il faut alimenter avec le minimum de dépenses, qui, après avoir compté les calories nécessaires à son entretien, lui conseille de se nourrir de haricots ou de lentilles pour assurer la prospérité du pays, qui lui vante la beauté de l’épargne — que des malins lui escroqueront — et de la surproduction qui amènera le chômage, la misère et la guerre.
Endormeur : le journaliste qui empêche le lecteur de penser, qui l’abêtit avec les récits des combats de boxe, des championnats de lutte, de courses, de danses, qui le gave de littérature idiote et malsaine, qui le nourrit de l’horreur des crimes, des scandales, qui fait du bluff autour des discours creux des gouvernants, de leurs faits et de leurs gestes insignifiants, afin de mieux cacher leurs œuvres criminelles et s’ingénie à passionner le peuple par des affaires retentissantes, genre Landru ou autres, lorsque les coquins qui tirent les ficelles de la tragédie sociale préparent leurs plus mauvais coups.
Endormeur : le politicien qui flatte les travailleurs, plaint leur misère, regrette leurs privations, leur reconnaît le droit à davantage de bien-être, mais leur défend bien de prendre eux-mêmes leur dû, leur recommande d’être bien sages et bien tranquilles, vu que lui se charge de leur faire obtenir satisfaction s’ils lui accordent leur confiance, et leur enjoint surtout de ne pas agir par eux-mêmes, car ils feraient tout manquer.
Endormeur : le chef ouvrier, bien casé dans une fonction syndicale, inamovible, vivant tranquillement dans son fromage, entretenu par les gros sous de ses compagnons de travail, ne craignant rien plus que de perdre sa place et d’être obligé de reprendre l’outil ; qui fait des discours enflammés contre le patronat dans les réunions publiques, mais qui est toujours prêt à châtrer l’énergie des ouvriers, lorsque ceux-ci veulent faire un mouvement de grève ou d’action directe ; qui prétend toujours que le moment n’est pas venu, qu’il faut attendre, que lui saura donner le signal au moment opportun, qu’il va intervenir auprès du patron, des pouvoirs publics, etc., et qui finalement, lance les ouvriers qui lui ont donné confiance dans les bras des politiciens.
Enfin, endormeurs aussi : ces entrepreneurs de Révolution, qui, après avoir jugé et condamné le régime capitaliste, ont décidé de se substituer à lui en adoptant ses institutions et en s’y adaptant eux-mêmes ; qui excitent la colère du peuple contre ses profiteurs et lui demandent de leur accorder le pouvoir pour faire, eux seuls, la transformation sociale, le rôle du Peuple devant alors se borner à attendre la Révolution sociale avec une sorte de fatalisme, sans avoir à s’en préoccuper autrement que pour fournir des soldats à l’armée révolutionnaire que les chefs de parti utiliseront comme ils l’entendront…
Et le peuple ainsi endormi par tous ces charlatans, ne sent pas le mal qui le ronge, l’oppression qui le suffoque, la chaîne qui l’étrangle, l’iniquité qui le tue. Il ne vit pas assez pour cela ! Si parfois le mal devient si grand qu’il est obligé de l’apercevoir, il attend le guérisseur avec son baume et sa morphine, en l’occurrence le politicien avec ses promesses et ses réformes illusoires. Avec ces calmants, il se rendort de nouveau.
Il est temps de réveiller ce peuple. L’opération qui le dépouille, qui l’opprime, qui l’asservit, qui l’anémie, qui le tue un peu chaque jour quand ce n’est pas d’une façon brutale, a assez duré. Mettons à nu ses plaies, ses misères, ses souffrances, aiguisons sa sensibilité au lieu de l’anesthésier. Il faut qu’il sente son mal pour le connaître et pouvoir le guérir. Il en souffrira davantage ? Soit ! Il ne tardera pas alors à se révolter et à se débarrasser de tous ceux qui l’endorment pour le torturer et l’empêcher de vivre. Montrons-lui le chemin de la libération, maintenons son activité en éveil, répétons-lui sans cesse : « Si tu veux vivre, prépare ta vie toi-même ; produis, mais prends toi-même ce qui t’est nécessaire pour vivre ; si tu veux être libre, prends toi-même ta liberté ; si tu veux être heureux, puise toi-même aux sources du bonheur. La vie, la liberté, le bonheur ne se reçoivent pas ; ce sont des biens qu’il faut mériter et prendre. Le régime social actuel t’écrase et tu veux le voir remplacer par un autre ; attelle-toi à la besogne au lieu de compter sur ce que feront les autres. Détruis les institutions iniques, remplace-les par tes organisations à toi ; établis ton mode de vie sociale, mais n’oublie jamais que la Révolution ne sera que ce que tu la feras. Si tu restes endormi, si tu n’as pas la force ou le courage d’agir, tant pis pour toi ! Aucun autre ne peut agir à ta place. Ce n’est donc pas de te reposer sur nous que nous te demanderons, ni de nous donner ta confiance, mais d’agir avec nous, avec tous ceux qui souffrent, de travailler avec nous, d’étudier avec nous, d’élaborer avec nous une société qui sera ton œuvre comme la nôtre et dont personne ne pourra t’enlever les conquêtes et les avantages. Et une fois cela réalisé, ne crois pas que tu puisses laisser les endormeurs tranquilles. Ils ne tarderaient pas à t’endormir de nouveau et à te replonger dans la servitude de l’esclavage. Il te faudra encore veiller sans cesse pour conserver les conquêtes de la vie. Le sommeil, c’est l’hiver, c’est la nuit, c’est la résignation, c’est la mort ! » — E. Cotte.
ÉNERGIE n. f. (du grec energeia, de en dans et ergon action.) Puissance, force, fermeté. Physiquement l’énergie est la capacité de travail qu’un corps est susceptible d’effectuer. Elle revêt diverses formes : l’énergie mécanique, l’énergie thermique, l’énergie électrique, l’énergie chimique, l’énergie musculaire, etc… Le principe de la conservation de l’énergie est dû à Helmhotz qui, le premier, en 1847, signala que dans un système, si aucune action extérieure n’intervient, l’énergie se conserve en quantité invariable.
L’énergie d’une expression ; l’énergie musculaire ; montrer de l’énergie ; avoir de l’énergie ; se défendre énergiquement ; un remède énergique ; agir énergiquement ; parler énergiquement.
À l’époque où la science n’avait pas encore capté les forces naturelles pour les mettre au service de l’humanité, l’énergie musculaire était presque seule utilisée pour répondre aux nombreux besoins des collectivités. À la contemplation de ce que nous a légué le passé, on reste sidéré de la somme d’énergie que durent dépenser les anciens pour exécuter les travaux indispensables à la vie des hommes et l’on se rend compte alors de ce que la civilisation doit au génie des chercheurs qui transforment leur intelligence en énergie mécanique, permettant à l’homme de triompher des obstacles inaccessibles à l’unique puissance musculaire.
L’énergie, quelle que soit la forme qu’elle emprunte est une source de progrès et il est faux, ainsi que le prétendent certains esprits rétrogrades, qu’elle soit un facteur d’asservissement social. Toute l’histoire oppose un démenti formel à une telle conception de l’énergie sur la vie des hommes.
Il n’est pas en notre pensée de louer la force en soi, quelles que soient ses manifestations. La force, a-t-on dit et répété maintes fois, prime le droit, et il est à redouter que longtemps encore il en soit ainsi. La force brutale, violente, incohérente est évidemment un facteur de domination sociale, cela est indiscutable, mais elle ne peut être combattue et détruite que par une force supérieure capable d’entraîner les hommes vers leur libération. Or, c’est l’énergie, sous toutes ses formes qui réalisera ce miracle car c’est l’énergie qui détermine l’évolution et qui permettra d’atteindre au plus haut sommet de la civilisation humaine.
Énergie intellectuelle, énergie sociale, énergie chimique, énergie mécanique, énergie électrique, toutes ces manifestations de l’énergie ne sont en réalité que de l’énergie transformée, et se confondant les unes dans les autres. L’énergie est unique, mais asservie aux hommes elle emprunte certains caractères et travaille à leur émancipation.
La capacité de travail de l’individu a une limite qu’il ne peut dépasser sous peine de mort. La force musculaire est restreinte et s’il est vrai que la civilisation a pour but, non pas la restriction des besoins de l’humanité, mais au contraire leur développement, afin que chacun puisse goûter sainement à toutes les joies, physiques, morales et intellectuelles, il devient nécessaire de chercher en dehors des forces physiques de l’homme, une puissance susceptible de se substituer à la sienne et de produire en un temps moindre une somme de travail beaucoup plus élevée.
Si l’on imagine ce que coûtèrent de souffrances l’édification des monuments anciens, la construction des villes et des cités, l’énergie dépensée musculairement pour assurer l’existence des grandes agglomérations humaines et que l’on considère la vie actuelle des sociétés, on ne peut pas dire que l’énergie ne soit pas une source, un facteur d’évolution.
Suppose-t-on seulement combien de vies sombrèrent dans la construction de la célèbre Pyramide de Chéops, dite la « Grande Pyramide » qui mesure 138 mètres de haut, a 227 mètres à sa base, et une arête de 217 mètres ? Maîtres de la mécanique et de l’électricité dont on est arrivé à capter l’énergie, de nos jours, quelque colossales que soient ces exécutions, elles ne présenteraient pas les difficultés du passé. Des travaux d’une autre envergure ont été exécutés, sans que le travailleur soit réduit à l’état de bête de somme, comme dans l’antiquité. N’est-ce pas à l’énergie industrialisée qu’il doit ce succès ?
Et dans tous les domaines, les bienfaits de l’énergie se font sentir. N’est-ce pas grâce à elle qu’il est permis aujourd’hui à tous de se déplacer et l’énergie électrique ne permet-elle pas à l’individu de franchir en un laps de temps extrêmement court, des espaces que nos ancêtres directs auraient qualifiés de fantasmagoriques.
Et c’est encore à l’énergie industrialisée que nous sommes redevables, dans une certaine mesure, de la diminution progressive des heures de travail et par extension de la diminution de fatigue qui en résulte.
On pourrait certes objecter qu’aux manifestations bienfaisantes de l’énergie, on doit pour être juste, opposer tous ses bienfaits, et que si elle assure à l’homme d’aujourd’hui un bien-être relativement supérieur à celui dont jouissaient nos ancêtres, elle est également un facteur de destruction, car elle possède la faculté d’abattre, de tuer, de ruiner avec une rapidité et une atrocité déconcertantes. S’il en est ainsi c’est que l’homme ne sait pas se servir de l’outil qu’il a entre les mains et qu’il se trouve dans la situation d’un enfant auquel on donnerait une locomotive à conduire sur une voie ferrée. Ce serait un désastre ; il en est de même avec l’énergie. L’homme n’a pas seulement à son service une énergie musculaire, une énergie brutale, il a également une énergie cérébrale, intellectuelle, qu’il ne doit pas subordonner à l’énergie violente ; au contraire. C’est de sa fermeté, de son énergie morale que dépend tout son bonheur. Pour nous, et nous le disons déjà plus haut, l’énergie est un tout. Prise dans diverses formes qu’elle emprunte, elle peut paraître nuisible ; il est incontestable que l’énergie dépensée militairement ne peut être d’aucune utilité, mais c’est là justement que l’énergie sociale doit apparaître, se manifester hautement pour détruire l’énergie parasitaire qui envenime toutes nos sociétés modernes.
Le peuple peut, s’il le veut, disposer d’une somme d’énergie formidable ; il est le maître absolu de son avenir et, seul, il est responsable de la situation précaire dans laquelle il croupit. C’est à sa mollesse, à sa faiblesse qu’il doit s’attaquer s’il veut ne plus être un esclave, et avoir sa place au soleil. Si les travailleurs, les exploités, les opprimés, les asservis, les parias, dépensaient, pour leur libération, la dixième part de l’énergie qu’ils ont offerte au capitalisme et à la bourgeoisie, il y a longtemps qu’ils ne seraient plus des esclaves, mais des hommes libres.
L’énergie est une source de progrès, il faut savoir s’en servir. Industrielle, musculaire ou intellectuelle, c’est elle qui guide et dirige le monde. Les maîtres l’ont accaparée et s’en servent pour dominer leurs sujets. Que les peuples se lèvent, qu’ils se refusent à être un puits de richesses pour une minorité d’oisifs et de profiteurs, qu’ils conservent, pour se défendre, toute leur énergie et ils sortiront victorieux de la bataille que livreront les forces de liberté aux puissances de réaction et de conservation sociale.
ÉNERGIE. On dit qu’un corps ou système de corps possède l’énergie lorsqu’il est capable de produire du travail. Cette énergie peut exister dans les corps soit à l’état actuel ou cinétique, soit à l’état potentiel.
On entend par énergie actuelle ou cinétique celle que possèdent les corps en mouvement. Nous la trouvons dans la nature produite par les chutes d’eau, les vents, les mouvements de la mer. À cet état, nous savons plus ou moins facilement l’utiliser, c’est-à-dire lui faire produire le travail dont nous avons besoin, et nous devons le faire au lieu et à l’instant où elle se produit. L’énergie potentielle existe à l’état latent ou en puissance, dans certains corps ou systèmes de corps au repos, et peut apparaître à l’état d’énergie actuelle, c’est-à-dire être utilisée, en un lieu et à un moment quelconques. Pour provoquer cette transformation en travail, il suffit d’une faible dépense d’énergie primitive. Considérons, par exemple, une certaine quantité de charbon : le système des corps constitué par le charbon et l’oxygène de l’air possède une énergie potentielle. En effet, il suffira de porter une partie du charbon à une température convenable pour que la combustion, c’est-à-dire la combinaison avec l’oxygène, de toute la masse, se produise. Cette combustion permettra, comme on le sait, de vaporiser l’eau d’une chaudière et de mettre en mouvement une machine à vapeur qui produira le travail. L’énergie primitive qu’il a fallu dépenser pour transformer en travail l’énergie potentielle du système charbon-oxygène est représentée par la quantité de chaleur nécessaire pour porter une faible quantité de charbon à une température suffisante pour provoquer la combustion. Il y a différentes formes de l’énergie. On sait qu’on peut mettre en mouvement les machines d’une usine, c’est-à-dire produire du travail soit au moyen d’une chute d’eau, soit en utilisant la chaleur produite elle-même par la combinaison chimique de deux corps, carbone et oxygène (machine à vapeur), soit au moyen d’un moteur électrique alimenté par un courant. Donc, la chute d’un corps (torrent), la chaleur, les phénomènes chimiques, le courant électrique, sont des manifestations de l’énergie : énergie mécanique, thermique, chimique, électrique.
On trouve dans la nature, d’une part, la matière ; d’autre part, l’énergie. Pour utiliser convenablement la matière, nous devons la transformer. Ex. : transformation des minéraux en métaux, les calcaires en chaux, etc. De même, la forme de l’énergie doit être transformée pour être utilisée. La possibilité de cette transformation nous est donnée par la machine à vapeur. L’énergie potentielle chimique de l’ensemble carbone-oxygène s’est transformée en énergie thermique et elle-même en énergie mécanique. Cette énergie peut actionner une dynamo qui donnera de l’énergie électrique.
Toutefois, cette transformation nécessite une certaine complexité d’appareils et elle ne se fait qu’à condition de consentir à une perte énorme de l’énergie mise en jeu, environ 90 %. Cependant, on peut transformer l’énergie sans grande perte et on peut aussi la transformer facilement d’un point à un autre. Chacun sait que l’on peut transporter l’énergie produite par une chute d’eau et préalablement transformée en énergie électrique à plusieurs centaines de kilomètres ; et l’utiliser à son point d’arrivée, sous différentes formes (V. Électrification.)
On remarque que, dans un système, si aucune action n’intervient de l’extérieur, l’énergie se conserve en quantité invariable, quelle que soit sa transformation. C’est le principe de la conservation de l’énergie. L’énergie ne se crée ni ne disparaît : elle ne fait que se transformer. Si nous considérons une certaine quantité d’énergie électrique et que nous la transformions intégralement, partie en chaleur et partie en travail mécanique, la somme de ces deux dernières formes d’énergie sera rigoureusement égale à la quantité d’énergie première.
ENFANCE n. f. C’est la première période de la vie de l’humain. Elle commence à la naissance, se termine à l’âge de la puberté (Voir puberté, enfant). L’enfance a un charme auquel l’homme sain, en général, est très sensible. Dans une autre partie de cet ouvrage, il sera sans doute parlé des grands amis des enfants, des Vincent de Paul, des Tolstoï, mais ce qu’on ne pourrait rendre, c’est l’enthousiasme qui, depuis des millénaires, anime les artistes, les savants, les penseurs innombrables, tous ceux qui ont entrepris d’exprimer, d’aider, de défendre l’Enfance au charme infini…
Ce charme, l’anarchiste l’éprouve, j’ose le dire, plus que tout autre, car sa conscience d’anti-autoritaire y est préparée par son regret spécifique des faibles et des sans défense. La vue de l’enfance malheureuse est pour lui une source intarissable d’énergie, un stimulant continuel et puissant. Il écoute douloureusement l’écho des souffrances de cette humanité confiante et, prévoyant ce qu’elle endurera encore demain, il s’efforce de l’équiper pour la lutte, de la rendre plus volontaire, plus indépendante, plus apte au bonheur (voir Éducation).
Je l’ai dit plus haut : d’autres que les anarchistes se sont mis au service de l’enfance, mais seuls, par définition, puisque anti-autoritaires, les anarchistes se doivent d’élever l’enfant pour l’enfant ou, si vous le préférez, le mobile égoïste de l’anarchiste cherchant à aider l’enfant est d’un degré « supérieur » à celui de la moyenne de ses concurrents : ceux-ci, en effet, voient surtout dans la protection de l’enfance un moyen d’étendre dans l’avenir leur propagande en faveur de leur système politique ou de leur religion, alors que l’anarchisme bien compris ne forme que des hérétiques. Quoi qu’il en soit, il n’en a pas moins fallu des siècles d’efforts de bon ou de mauvais aloi pour acquérir les maigres résultats actuels ; bien d’autres siècles, sans doute, s’écouleront encore avant que la grande détresse des petits cesse d’arracher des larmes de compassion. Les bonnes œuvres se sont multipliées ; la « protection légale de l’enfance » a réglé d’une manière moins inique le travail des enfants dans l’industrie : limite d’âge, du nombre d’heures de travail, suppression du travail nocturne, etc. ; la loi garde un œil ouvert sur les enfants en nourrice, appesantit sa main sur les parents indignes, — mais… la plupart de ces progrès restent théoriques, le capitalisme refuse à la grande majorité des enfants la nourriture matérielle ou intellectuelle indispensable, les relègue dans des taudis ; la Mère Patrie crée des bagnes d’enfants, au mépris de la Science et de son déterminisme (voir L. Roubaud : Les Enfants de Caïn (Grasset). La loi conçoit étrangement le mot « indigne «, qu’elle applique trop souvent aux êtres dignes et indépendants, tout en distribuant des palmes aux fous dangereux, mystiques ou patriotes. Beaucoup plus « efficace » que sa protection légale est la prostitution légale et, par des primes et des distinctions, elle encourage une concurrence abominable dans la procréation parmi les misérables et les dégénérés, organisant ainsi le recrutement des armées de semi-humains nécessaires pour assurer un plus grand rendement à l’exploitation de l’homme par l’homme. L’État français — suprême honte — en organisant le blocus de l’immense mais faible Russie, en a fait, pendant des années, un enfer de l’enfance squelettique, un foyer de prostitution infantile dont les conséquences damneront encore plusieurs générations. Quant à l’enfance horrible de nos « frères arriérés » des colonies, je renonce à la dépeindre : on n’en rapporte — voyez, entre autres, les ouvrages de Vigné d’Octon et de G. Anquetil — qu’une hallucinante suite de viols et de tortures sans nom effectués par la grâce des drapeaux et des Bons Dieux de toutes sortes, de l’alcoolisme, du sadisme et du coffre-fort.
ENFANT n. m. L’enfant naît, masse ronde aux membres frêles et sans muscles. Seule, la respiration fonctionne chez lui comme chez l’adulte et pour qu’il se nourrisse normalement, sept années lui seront nécessaires. Vers 13 ou 14 ans, sous nos climats, des troubles nerveux et digestifs, l’apparition de poils sur les organes sexuels et aux aisselles révèlent qu’un mystérieux travail s’est accompli en lui : l’enfant est pubère, la fonction sexuelle a acquis une place importante dans sa vie organique et affective. Le squelette se développe rapidement, la graisse disparaît, les membres s’allongent, les muscles se forment. Vers la 23e année — un peu plus tôt chez les filles — le développement physique de l’enfant est achevé. Quant au cerveau, il se développe à peu près régulièrement jusqu’au seuil de la vieillesse.
Il convient de tenir compte de ces détails physiologiques. Chaque stade a besoin de son régime particulier. Le nouveau-né ne peut que respirer et — difficilement — digérer : procurons-lui de l’air pur, une nourriture adéquate. Puis, favorisons l’épanouissement sain de ses besoins sentimentaux et leur transition en besoin sexuel. C’est l’âge de l’activité modérée nécessaire aux muscles en formation : jeux, gymnastique, jardinage, sports légers, travaux de ménage, etc. Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’il supportera les grandes fatigues. Quant à la nourriture intellectuelle, elle augmentera progressivement, comme le cerveau lui-même, pendant toute la vie. Ceci soit dit en général : le développement de chaque être étant soumis à un rythme particulier dont il faut aussi tenir compte.
Enfant et parents. — Ce n’est certainement pas pour le bien du petit à venir, dont on ne peut prévoir si les joies compenseront les peines, que les parents l’appellent à la vie ; force nous est d’admettre que c’est l’égoïsme qui en est cause : besoin affectif, quelquefois ; le plus souvent, ignorance de la préservation de la grossesse, peur de l’opinion et de la loi, résignation à un sort qu’on croit inévitable, bref : irresponsabilité. L’irréparable accompli, l’enfant une fois venu, il faut bien s’en accommoder et l’élever : les parents, d’ordinaire, s’en acquittent tant bien que mal. À ce titre, ils sont les premiers bienfaiteurs de l’enfant. Celui-ci, d’ailleurs, ne se figure guère que ces bienfaits pourraient lui manquer, et n’en éprouve de reconnaissance… qu’après des sommations réitérées. Au contraire, les parents forment d’abord exclusivement le milieu pour l’enfant, avec tout ce qu’il comporte d’hostile ; c’est à eux de le nettoyer, de le coucher, de lui refuser certaines choses, de lui en administrer d’autres de force… ils sont ses premiers ennemis. Cette hostilité peut s’atténuer par la suite, se transformer en reconnaissance, mais bien souvent, elle subsiste sous des formes différentes : hypocrisie, mensonge, obstination secrète à ne pas satisfaire l’ambition paternelle. Arrivés à point, les parents se voient continuellement obligés de recourir à la contrainte ; de plus en plus ils deviennent les ennemis de leurs enfants, bien que leurs préjugés moraux empêchent les uns et les autres de le reconnaître. La loi confère d’ailleurs généreusement aux parents le droit de châtier « justement » leur enfant, de le surmener par ambition, de décider contre son gré de son avenir, d’empêcher son mariage jusqu’à 21 ou 25 ans, de le faire interner s’il regimbe.
Mieux : elle leur fait un devoir de l’empoisonner de religiosité, de patriotisme, au risque de lui enlever à jamais toute saine notion des choses. Ceci pour l’enfant de bourgeois. Quant au jeune prolétaire, il grandit « comme l’herbe pousse », ses parents n’ayant pas la moindre notion de la puériculture, de pédagogie. Incapables même de se nourrir intelligemment, comment pourraient-ils songer à s’écarter de leur routine ? Bon nombre de tout petits passent leurs jours de la semaine dans l’urine, les dimanches dans les bistros — car les ouvriers modernes et évolués « sortent » leur femme ! L’air enfumé rougit les tristes paupières, irrite la gorge sature les bronches… Tard dans la soirée, on s’en retourne à la maison. Chose étrange, le petiot n’a pas faim — il est vrai qu’à plusieurs reprises, on lui a permis de boire — oh si peu ! histoire de calmer ses pleurs — au verre maternel, et qu’on lui a donné un bon gros morceau de charcuterie — il l’aime tant ! Que nous voici loin des principes énoncés tantôt : air pur, nourriture et culture choisies…
Enfant et Société. — Outre les droits que la Société confère aux parents, il en est qu’elle s’attribue à elle-même. Le plus abominable, bien que le moins combattu, tant on y est accoutumé, est celui d’imposer à l’enfant une nationalité.
On s’est à peu près affranchi de l’emprise officielle des religions, mais la religion nationaliste reste, et il semble même paradoxal de « refuser » une nationalité, comme on écarte de nos jours la religion. Il est interdit de refuser de payer, de la sorte, les dettes des autres. Nous sommes « amis » des habitants d’une contrée, « ennemis » de ceux de la contrée voisine. De même que les parents ont décrété tantôt que leur poupon sera marchand de vins et radical et protestant, l’État décrète qu’on haïra ses ennemis, et qu’on trimera pour équilibrer le budget ! Pour parfaire le tout, on force les enfants mâles à apprendre le métier des armes et à faire usage de ces nobles connaissances contre le premier désigné : chose d’autant plus grave que le conscrit est encore, légalement, un enfant, puisque mineur. Et de fait, bien peu de conscrits comprennent la gravité de cette participation à l’armée ; beaucoup prétendent plus tard qu’ils s’y seraient refusés, s’ils avaient su plus tôt…
L’enfant est aussi astreint, dans nombre de pays, à recevoir une instruction de premier degré. Le système d’enseignement varie suivant les pays, mais en tout cas, son but semble beaucoup plus être la propagande en faveur d’une doctrine sociale ou religieuse que le bien de l’enfant (v. enseignement).
L’État s’occupe avec une sollicitude touchante de la réglementation de la filiation. Les enfants nés de parents mariés ensemble sont légitimes, et ont des droits sur le patrimoine de leurs parents ; les autres sont… naturels ! Il y a d’ailleurs plusieurs façons de naître naturellement. En France, l’enfant naturel simple, — dont les parents n’ont pas d’engagements légaux ailleurs, — a droit, dans une certaine mesure, à leur succession ; il peut être reconnu et légitimé. Quant aux enfants nés de parents ne pouvant se marier ensemble, — étant liés ailleurs, — la loi en fait d’office des orphelins ; ils ne peuvent être ni reconnus, ni légitimés ; ils n’ont droit qu’à des aliments. Encore au-dessous de ces parias dans l’estime populaire, les enfants naturels incestueux, dont les parents, — ne serait-ce que par alliance, — sont de la même famille, jouissent des mêmes « droits » que les précédents…
L’enfant et les anarchistes. — Plus que tout autre, l’anarchiste s’intéresse au problème de l’enfance : le charme de celle-ci, les possibilités qu’elle porte en germe expliquent amplement ce fait. Par la force, l’enfant est irrémédiablement condamné à être la propriété de quelque tuteur. Contre l’un de ses tuteurs, l’État, l’anarchiste a pris nettement position : institution néfaste, il n’y a qu’à le forcer à disparaître au plus vite (voir Anarchisme, État).
Restent les tuteurs naturels, — les parents. Ceux-ci ne sont guère qu’un « mal inévitable » pour l’enfant ; parents par malchance, ils considèrent leurs rejetons comme un fardeau haïssable : la propagande anticonceptionnelle diminue chaque jour le nombre des uns et des autres. Les anarchistes ont toujours été à peu près les seuls à la mener activement, les partis ouvriers la trouvant immorale. En France, elle est actuellement interdite. Un instinct puissant pousse d’ailleurs la plupart des parents à se soucier de l’intérêt de leur progéniture. Au nom de cet intérêt, l’anarchiste va s’adresser à ces derniers. Il leur montrera combien ils vont à l’encontre de leur but, en apprenant à l’enfant à tout sacrifier : fierté, indépendance, à une ambition à la vue courte, la plus grande richesse pour chacun étant de se sentir, soi-même, une valeur.
Aidée par la psychologie, la pédagogie moderne seconde d’ailleurs précieusement les anarchistes dans cette tâche. Depuis Froebel et ses « jardins d’enfants » jusqu’au système Dalton, elle accorde chaque jour plus d’autonomie à l’enfant. En haut lieu, on est peu pressé de mettre en pratique ces dernières acquisitions en matière pédagogique : c’est qu’elles poussent à l’individualisme. Aussi les anarchistes accordent-ils de plus en plus d’attention aux questions touchant l’enfance. — L. Wastiaux.
Bibliographie. Dr Louis Genest : Les maladies des enfants (Drouin, éditeur) ; Dr Pascault : Précis d’alimentation rationnelle (Larousse) ; Bessède : Initiation sexuelle ; Lorulot : La véritable éducation sexuelle ; Ellen Key : Le siècle de l’Enfant et, pour la France : La Laïque contre l’Enfant, de S. Mac Say.
ENFANT n. (lat. infans ; de in, non et fari, parler).
Il est d’usage de diviser la vie humaine en trois périodes : 1o la jeunesse qui comprend l’enfance et l’adolescence ; 2o l’âge mûr ou âge adulte ; 3o la vieillesse.
Autrefois l’enfant était considéré comme un adulte en réduction, un « homonculus », ses tendances particulières, ses manières propres de sentir, d’agir, de penser paraissaient être autant de défauts ou d’erreurs dont il fallait s’empresser de le corriger pour l’amener au plus tôt au degré d’adulte.
Aujourd’hui, seuls des parents plus aimants que clairvoyants, continuent d’admirer les enfants qui singent les grandes personnes et ont, en apparence, des raisonnements d’adultes. Physiologistes et psychologues savent bien que l’enfant n’est pas tout à fait une réduction d’homme bien qu’il ne soit pas absolument différent de ce qu’il sera plus tard, ils le considèrent comme un être qui évolue.
Le développement physique de l’enfant n’est pas uniforme, tantôt la croissance est ralentie ou arrêtée, tantôt elle est accélérée. Les accélérations rapides, crises de croissance, varient avec le sexe, la race, l’état de santé et les conditions sociales. Les enfants des familles pauvres ont un développement physique entravé par des conditions alimentaires et hygiéniques défectueuses.
Les crises de croissance en poids ne correspondent pas aux crises de croissance en taille : l’enfant grandit plus qu’il ne grossit tandis que l’adolescent grossit plus qu’il ne grandit.
La grandeur relative de la tête par rapport à l’ensemble du corps varie d’une façon importante ; proportionnellement le nouveau-né a la tête sept fois plus grosse que l’adulte. La rapidité de la respiration varie également dans de fortes proportions : le nouveau-né respire environ trois fois plus vite que l’adulte ; l’enfant de six ans environ deux fois plus vite.
Le nouveau-né est un être à actions réflexes, ces activités peuvent s’exercer sans l’aide du cerveau imparfaitement développé (voir : cerveau, p. 314, 2e col.).
Au point de vue psychologique l’enfant ne diffère pas moins de l’adulte : « l’enfant vit dans le présent ; l’adolescent découvre l’avenir ; l’adulte vit dans l’avenir ; le vieillard vit dans le passé » F. Challaye.
L’enfant est, a-t-on dit, un être sensori-moteur. Les sensations et les mouvements occupent en effet une large place dans la conscience de l’enfant.
Les tendances enfantines, dont la satisfaction produit l’intérêt, naissent les unes après les autres en un ordre constant, elles n’apparaissent ni ne disparaissent subitement mais elles atteignent toujours un point culminant ; c’est ainsi que l’intérêt glossique (au langage) atteint un tel point entre deux et trois ans. De cette prédominance des tendances on a parfois retiré une classification de l’enfance en stades : du suceur, du regardeur, de l’attrapeur, du trotteur, du parlotteur, etc…
En résumé les enfants ne sont pas entièrement différents des adultes mais ne sont pas non plus des réductions d’adultes. Ce sont des êtres qui évoluent suivant une certaine périodicité qui varie sous l’influence de multiples facteurs : les sexes, les individus, etc… Les classifications des âges de l’homme, des stades de l’enfance, de l’évolution des intérêts enfantins s’appliquent à des individus moyens qui n’existent pas en réalité ; elles nous renseignent sur l’évolution de l’espèce mais non sur l’évolution individuelle.
Tous les individus normaux d’un même âge ont des caractères communs : à un âge donné les enfants sont tous aux mêmes stades de leur développement, physique, affectif et mental et les lois de ce développement sont valables pour eux. Mais tous ces individus ont en propre des hérédités congénitales et ont été modifiés par des éducations différentes selon les sujets.
Il en résulte que chaque enfant présente une double évolution, spécifique et individuelle qui fait qu’il ressemble à tout autre enfant et en diffère.
Conséquences pédagogiques. — On sait bien que le développement physique de l’enfant exige qu’il ne soit pas traité comme un petit homme, que par exemple son alimentation doit différer de celle de l’adulte non seulement en quantité mais encore en qualité. Tout n’est certes pas parfait dans le mode d’alimentation et dans l’hygiène des enfants mais cependant on s’en préoccupe et l’on s’empresse de faire venir le médecin si la santé et le développement physique d’un enfant laissent à désirer.
Quelle différence en ce qui concerne le développement intellectuel et moral ! Les mêmes parents qui s’efforçaient de tenir compte du développement physique et de la santé du corps ne s’inquiètent point de ce qui a trait au bon développement intellectuel et affectif. Pour faire de l’enfant un homme on ne sait qu’ordonner et réprimer. Parents et maîtres sont généralement des despotes et l’enfant doit obéir sans discussion. La grande affaire n’est pas de savoir ce qui lui plaît, de connaître ses désirs et ses intérêts, mais de l’obliger à agir selon le bon plaisir des adultes.
Les anarchistes, vraiment conscients, qui ont souffert de l’autorité agissent parfois d’une façon tout à fait opposée à celle de ces parents tyranniques. Certains pensent que pour faire de leurs enfants des individualités libres il convient de les laisser grandir dans la liberté la plus absolue.
Admis d’un côté des éducateurs qui veulent faire des hommes en traitant les enfants comme des esclaves, qui veulent que chaque enfant réalise un idéal qu’ils se sont créé sans souci des intérêts et des possibilités de l’enfant lui-même ; de l’autre, des éducateurs ennemis de toute contrainte et qui laissent l’enfant agir selon son caprice.
Ces éducateurs ont besoin de la leçon du jardinier. Lorsque cet artisan veut amener un arbre à fruit, il s’informe de son espèce, il étudie son mode de végétation, car il sait que les poiriers ne se traitent pas comme les pêchers, que parmi les poiriers certaines variétés exigent une taille ou plus courte ou plus longue et qu’enfin deux arbres d’une même variété présentent toujours des différences dont ils doivent tenir compte.
Or le jardinier ayant étudié chacun de ces arbres ne les laisse pas à l’abandon, il courbe, pince, taille, mais n’allez pas croire qu’il taille tout ce qui n’est pas bourgeon à fruit, il sait que chaque bourgeon à fruit ne devient pas tel du jour au lendemain et que tel bourgeon pourra devenir bourgeon à fruit ou bourgeon à bois selon la taille qu’il appliquera au rameau tout entier.
Ainsi font les bons éducateurs qui considèrent les enfants en leur devenir, en leurs possibilités. Pas plus que le jardinier ne se disait : ce bourgeon n’a pas de fruit, il faut le couper, ils ne se disent : cette tendance, cet intérêt ne sont pas utiles à l’homme, il faut les supprimer ; mais quels rôles peuvent-ils jouer dans l’évolution de l’enfant, de cet enfant ?
Pour faire vraiment des hommes libres aux individualités fortes il faut d’abord se rendre compte de ce qui caractérise vraiment la liberté et la volonté et il faut ensuite savoir ce que peut chaque enfant, quels germes sont en lui qu’il faut soigneusement cultiver, développer pour le rendre capable d’être libre et lui apprendre à vouloir.
Être libre, ce n’est pas faire tout ce qu’on veut mais vouloir tout ce qu’on fait et la liberté de chacun est limitée par la liberté des autres. Ceux qui ont une forte individualité ne sont pas ceux qui font tout ce qui leur passe par la tête, mais ceux qui sont capables de faire un choix raisonné parmi un certain nombre d’actions possibles et de se conformer à ce choix. Vouloir n’est pas seulement agir, c’est d’abord juger, déterminer l’action à faire en tenant compte des possibilités, des probabilités, des nécessités, etc. ; et c’est ensuite juger et déterminer encore à propos des moyens d’action à employer.
Par suite laisser à l’enfant — qui n’a pas encore acquis le développement intellectuel nécessaire — la liberté de faire tout ce qu’il lui plaît, rien que ce qui lui plaît et quand cela lui plaît, ce n’est pas lui donner la possibilité de vouloir et c’est sûrement lui faire acquérir l’habitude d’agir selon ses impulsions, le rendre esclave de ses tendances bonnes ou mauvaises.
L’homme esclave des mauvais penchants que lui ont légués l’hérédité et le milieu n’est pas plus notre idéal que l’homme esclave de la Société.
Il est un juste milieu entre la contrainte extérieure, l’abus de l’autorité et l’entière liberté qui apparaît clairement lorsqu’on considère l’enfant comme un être qui évolue. Pour préparer des hommes libres, des individualités fortes il faut tenir compte de la nature même des enfants. Il faut saisir toutes les occasions d’amener les enfants à agir, à se décider par eux-mêmes, à faire preuve d’initiative. Il faut par conséquent ne les guider, les servir, les commander, les dispenser d’efforts que dans la mesure où la chose est indispensable.
Les enfants doivent acquérir progressivement une capacité croissante d’efforts choisis et déterminés par eux. Parce qu’ils ne sont pas encore capables de juger et de se déterminer en toutes choses il est nécessaire que les adultes, dans leur intérêt, jugent parfois à leur place mais il doivent leur permettre de faire preuve d’initiative toutes les fois que la chose est possible.
Il est souhaitable que les enfants aient conscience que les ordres reçus ne résultent pas du caprice des parents ou des maîtres, qu’ils en comprennent les raisons et qu’enfin il leur soit laissé la plus large initiative dans le choix des moyens.
Les ordres bien définis, auxquels les enfants doivent obéir immédiatement devront être aussi rares que possible et il est désirable que les enfants comprennent qu’ils résultent d’une réelle nécessité ; par suite il faut éviter les ordres capricieux, irréguliers et contradictoires.
Les jeunes enfants, lorsqu’ils sentent qu’on les aime et qu’on les commande dans leur intérêt sont rarement désobéissants. L’enfant qui se sent incapable de bien juger obéit aisément, ce n’est que l’adolescent plus apte à reconnaître, à discuter et à raisonner qui obéit avec peine lorsqu’on n’accompagne pas l’ordre des raisons de l’exécuter.
La plupart des désobéissances des jeunes enfants proviennent des maladresses des parents qui n’ont pas su agir de telle façon que les enfants sentent qu’on les commande dans leur propre intérêt.
À vrai dire certains parents sont des tyrans égoïstes mais ce ne sont pas les seuls qui ne savent pas user de leur autorité.
Certains parents multiplient les ordres et interviennent à tout propos dans la vie de l’enfant, ne lui laissant nulle occasion d’agir de sa propre initiative ; d’autres substituent sans cesse des contre-ordres aux ordres donnés, soit que les contre-ordres du papa s’appliquent aux ordres de la maman ou vice-versa, soit qu’ils marquent la faiblesse de l’adulte en présence des pleurs, cris ou révolte de l’enfant.
Il ne suffit pas que les éducateurs permettent aux enfants de juger, de raisonner, de choisir, de se déterminer et d’agir d’après leur propre initiative toutes les fois que leur développement intellectuel et affectif le leur permet. Les éducateurs doivent encore s’ingénier à fournir aux enfants des occasions de développement. Ils doivent organiser un milieu éducatif dans lequel l’enfant pourra agir et où ses qualités individuelles et sociales pourront se développer.
Chaque enfant a des tendances, des intérêts qui pour le bon éducateur sont des points de départ ; il s’agit pour l’adulte de voir où ils peuvent mener l’enfant et de placer sur le chemin de ce dernier de multiples occasions d’agir, et par conséquent d’apprendre à juger, à se déterminer, à vouloir, conformément à ces intérêts. Il est évident que ces occasions que l’éducateur offre ainsi à l’enfant ne sont pas des occasions quelconques, qu’elles résultent d’une sélection faite par l’éducateur qui choisit tout ce qui peut stimuler l’épanouissement de l’individualité enfantine dans le sens convenable.
En résumé, l’adulte ne renonce pas à intervenir dans la vie de l’enfant, mais il y intervient le moins possible, toujours dans l’intérêt de ce dernier et il s’efforce de développer progressivement la capacité de vivre sans l’autorité d’une contrainte extérieure.
Les psychologues divisent l’enfance en un certain nombre de périodes mais suivant le point de vue auquel ils se sont placés leurs subdivisions varient. Enfin les divisions et les subdivisions sont approximatives en raison des variations sexuelles et individuelles.
En se plaçant au point de vue de la croissance, Claparède établit les divisions suivantes :
1. Première enfance · · · · jusqu’à 7 ans jusqu’à 6-7 ans
2. Seconde enfance · · · · · de 7 à 12 — de 7 à 10 —
3. Adolescence · · · · · · · de 12 à 15 — de 10 à 13 —
4. Puberté · · · · · · · · · · de 15 à 16 — de 13 à 14 —
Au point de vue des intérêts le même auteur établit un plus grand nombre de divisions :
0 à 1 an ; 1 an à 3 ans ; 3 à 7 ans ; 7 à 12 ans ; 12 à 18 ans, etc…
Au même point de vue Nagy propose la division suivante : 0 à 2 ans ; 2 à 7 ans ; 7 à 10 ans ; 10 à 15 ans ; après 15 ans.
Halle a proposé trois divisions qui comportent d’ailleurs des subdivisions : 0 à 7 ans ; 7 à 15 ans ; 15 à 25 ans, etc…
Le Dr Bertillon divise la vie humaine en 17 périodes dont quatre pour la vie intra-utérine ; dans sa classification la première enfance, divisée en trois périodes, prend fin vers 7 ans.
Lacassagne propose : 0 à 7 mois ; 7 mois à 2 ans ; 2 ans à 7 ans ; 7 à 15 ans ; 15 à 20 ans. Verrier donne la division : 0 à 7 ans ; 7 à 14 ans ; 14 à 21 ans ; Sringer : 0 à 2 ans ; 2 ans à la puberté (10 à 12 ans) ; etc… Cruchet : 0 à 2 ans ; 2 à 7 ans ; 7 à 14 ans. La division de Luckey est plus intéressante :
1er Cycle : Enfance
1o de la naissance à 2 à 3 ans : stade affectif.
2o de 2 à 3 ans à 7 à 8 ans : stade volitif.
3o de 8 ans à 12-13 ans : stade intellectuel.
2e Cycle : Adolescence
1o de 13-14 à 16 ans : stade effectif (nouvelle naissance, nouvelle croissance physique entraînant de nouveaux désirs, etc.) ;
2o de 16 à 18 ans : stade volitif ;
3o de 10 à 25 ans : stade intellectuel.
Ferrière propose une division semblable à celle que Claparède établit au point de vue de la croissance mais il subdivise cette division en se plaçant au point de vue de l’évolution des intérêts.
Si nous négligeons les différences que présentent ces classifications pour nous attacher aux ressemblances nous constatons que tous distinguent nettement l’enfance de l’adolescence, que presque tous placent dans l’enfance un point de division vers 7 ans et enfin qu’une autre subdivision vers 2 à 3 ans est proposée par la plupart.
En l’un des plus récents ouvrages consacrés à « La psychologie de l’enfant et de l’adolescent » le Dr Vermeylen propose la division suivante :
Première enfance : de 0 à 3 ans.
Deuxième enfance : de 3 à 7 ans.
Troisième enfance : de 7 à 12 ans.
Adolescence : de 12 à 18 ans.
Pour la commodité de notre étude nous adopterons cette division, en rappelant qu’elle est quelque peu arbitraire et que les âges indiqués ne sont qu’approximatifs.
La premiere enfance (de 0 à 3 ans). Dès les premiers jours de son existence l’enfant exprime quelques émotions : plaisir, déplaisir, désir, crainte.
La peur se manifeste très tôt et accompagne les impressions nouvelles brusques et intenses qu’il importe d’éviter à l’enfant : bruits violents, secousses brusques. Plus tard la peur est provoquée par des impressions visuelles : visages ou êtres inconnus. Tout d’abord les peurs de l’enfant ne sont pas motivées, l’enfant ne connaît pas le danger. Ensuite ses craintes deviennent plus motivées, l’imagination y joue un grand rôle.
L’éducateur doit s’efforcer de corriger les enfants de ce sentiment. D’abord ils ne le provoqueront pas eux-mêmes, donc pas de menaces, pas de violences, pas de railleries, pas de contes fantastiques ou d’histoires dramatiques. Ensuite par leur exemple, leur appel à la confiance, une action lente, méthodique, progressive pour les habituer à l’obscurité, aux bruits, par la suggestion, ils s’efforcent de guérir l’enfant et de le persuader qu’il n’est pas peureux.
Il en est de la peur comme de la colère, elle dépend en une certaine mesure des conditions physiques et il convient de s’attaquer à toutes ses causes ; il faut donc, lorsque besoin est, rendre l’enfant plus fort, mieux portant, plus souple soit par l’alimentation, soit par des exercices de gymnastique et des jeux de plus en plus violents, soit au besoin grâce à des médicaments fortifiants et toniques du système nerveux.
Certains enfants sont tout à la fois timides et peureux ; mais la vraie timidité est distincte de la peur et s’observe beaucoup plus chez les adolescents que chez les enfants. Dans la plupart des cas elle est le fruit d’une éducation trop sévère qui n’a pas permis le développement normal de la personnalité enfantine.
La colère ne se manifeste d’ordinaire que vers deux ou trois mois, elle est généralement brève et intense ; l’enfant trépigne, crie, frappe du pied, se roule par terre, veut donner des coups, etc… La colère dépend de la nervosité, de l’état atmosphérique, elle est souvent provoquée par les gronderies, les emportements des éducateurs (parents et maîtres) ou leurs faiblesses…
La guérison de la colère s’obtient en s’attaquant aux causes de la colère qui proviennent de l’enfant lui-même ou de l’extérieur.
En ce qui concerne l’enfant lui-même, il convient de distinguer les enfants neurasthéniques, de santé délicate aisément irritables, des enfants vigoureux, hyper-sthéniques. Les premiers ont avant tout besoin d’un régime fortifiant qui les guérisse de leur débilité, il leur faut des aliments riches en principes nutritifs mais non excitants, au besoin un peu d’huile de foie de morue l’hiver et des préparations phosphatées l’été ; il convient aussi de les habituer à mener une vie bien régulière : coucher et lever aux mêmes heures, etc… Les seconds ont besoin d’une alimentation moins tonique, plus végétarienne, d’une vie active au grand air ; des bains et l’emploi de certains médicaments (bromure de potassium, etc…) peut être utile.
Beaucoup d’enfants colères de cette dernière catégorie doivent leur tempérament à l’alcoolisme des parents.
En ce qui concerne l’influence du milieu, il est évident qu’il importe d’abord d’éviter les motifs de crise, de faire preuve d’un grand calme. Non seulement l’adulte ne doit pas donner l’exemple de la colère, mais il doit conserver son calme lors de la colère enfantine, en évitant tout ce qui pourrait entretenir la crise : ironie, punition (dans la mesure du possible et en tous cas jamais excessive mais toujours appliquée), coups, etc…
L’esprit de révolte qui est une des formes de la colère ne se manifeste d’ordinaire qu’après la première enfance ; il survient presque toujours chez l’enfant lorsque celui-ci constate qu’il va être, ou vient d’être, injustement puni. La bouderie est plus fréquente chez les jeunes, elle résulte des premières manifestations du sentiment de la personnalité en conflit avec la volonté d’un adulte. Il importe donc que les adultes évitent de tels conflits lorsqu’ils le peuvent et que, dans les cas où ils se produisent, ils fassent preuve de douceur, de patience et de fermeté.
Ce n’est que vers un mois et demi que l’enfant est capable de pleurer et ses premières larmes ne sont qu’un simple reflexe déterminé par l’irritation du nez ou des yeux. Vers quatre ou six mois seulement les larmes de l’enfant peuvent provenir de la douleur morale.
Le sourire qui apparaît à la fin du premier mois est tout d’abord un reflexe ; la joie ne se manifeste pas avant le troisième mois ; enfin ce n’est qu’au bout de quatre ou cinq mois que l’enfant éprouve de la sympathie ou de l’antipathie.
Au moment de sa naissance l’enfant ne s’intéresse qu’à ses besoins organiques (besoin d’air, d’aliments, de chaleur, de repos, etc…) mais bien vite il éprouve le besoin de regarder, d’écouter, de tâter et jusqu’à six mois ce seront les intérêts perceptifs qui prédomineront. Ces intérêts continueront de se développer plus tard mais d’autres intérêts deviendront prépondérants à leur tour. Ce seront en premier lieu l’intérêt pour les mouvements que les petits associeront à leurs perceptions. L’enfant de six mois à deux ans s’intéresse surtout aux mouvements : il s’exerce à prendre, à commander à ses muscles, il apprend à marcher, etc… De deux à trois ans l’intérêt prédominant de l’enfant va au langage et le langage comprend aussi une acquisition motrice et le langage du jeune enfant est dans les débuts un mouvement d’un genre particulier, ce n’est qu’au bout d’un certain temps que l’enfant songe à l’utiliser comme moyen de communication de la pensée.
« La première période de la vie de l’enfant, s’étendant jusqu’à trois ans, est en somme occupée par l’acquisition des mouvements nécessaires à la mise en train des activités élémentaires de l’individu : préhension, marche, langage. L’enfant s’y intéresse presque exclusivement. L’acquisition des moyens d’action est le but final de ses mises en œuvre sensuelles, intellectuelles et affectives et on peut parler d’une période motrice vers l’âge de trois ans. C’est que le mouvement a une importance primordiale dans le développement de la vie psychique et qu’il constitue la base et le substratum de toutes les acquisitions ultérieures. Non seulement il peut seul assurer les réactions adéquates de l’individu, mais il pénètre toute notre vie représentative et affective, et même notre vie inconsciente… » (Dr Vermeylen.)
Rappelons une fois de plus que, par suite des grandes diversités individuelles, l’âge de trois ans n’est qu’approximatif.
Ajoutons que l’intérêt de l’enfant pour le mouvement se prolonge pendant toute l’enfance. D’abord l’enfant agit pour agir ; jusque vers cinq ans, nous le verrons ainsi traîner une brouette à cause du bruit qu’elle fait et de l’occasion de marcher ou de courir qu’elle lui procure. La satisfaction motrice passe avant tout : il coupe pour couper, frappe pour frapper, crie pour le plaisir de crier, etc… Il faut bien se garder de croire que tout cela est inutile, plus il agira, soit qu’il marche, coure, crie, frappe, coupe, déchire, etc… et plus il accumulera d’expériences personnelles. À force de voir certains actes provoquer certains effets, il utilisera ces actes dans le but d’obtenir les effets ou résultats correspondants ; il criera pour faire accourir sa mère, il traînera sa brouette pour porter plus commodément quelque chose, etc…
Après avoir agi instinctivement pour dépenser toute l’énergie qui est en lui, l’enfant agira avec réflexion en vue d’atteindre un but qui donne satisfaction à ses intérêts.
Conséquences pédagogiques. — La colère, la peur et tous les autres sentiments enfantins étant pour une large part le résultat d’une mauvaise santé physique, les parents doivent d’abord se soucier de leur rôle de procréateurs. Les enfants de parents malades, alcooliques, etc… sont les victimes de leurs parents. Après la naissance, les parents doivent continuer de s’efforcer d’assurer à leurs enfants une bonne santé physique. Beaucoup ne savent pas donner à leurs enfants l’alimentation convenable et les soins d’hygiène les plus nécessaires. Cependant les livres de puériculture ne manquent pas et les parents ont le devoir d’étudier de tels ouvrages.
La santé physique n’est pas seulement nécessaire à la santé morale ; elle est encore indispensable au bon développement intellectuel. La pensée naît de l’action. Pour qu’un enfant devienne intelligent, il est nécessaire que, dans son jeune âge, il multiplie les mouvements qui lui permettront d’acquérir un riche trésor de perception et d’expériences.
Plus l’enfant fera d’efforts pour marcher, parler, tâter, frapper, etc., et plus cette application soutenue le préparera à réaliser certains buts. La première éducation de la volonté consiste à permettre et à favoriser cette activité enfantine qui ne résulte pas encore de la volonté, mais qui éveillera la volonté tout comme les premières paroles prononcées sans but de communiquer la pensée éveillent l’idée du langage volontaire.
Ainsi donc le premier souci des éducateurs doit aller à la santé physique de l’enfant nécessaire à son développement moral et intellectuel. Leur second souci devant être de permettre et de stimuler l’activité enfantine. Il est bon que les tout petits enfants soient remuants, bruyants, bavards.
Ceci ne suffit pas pour assurer à l’enfant un développement convenable. Comme nous l’avons vu, les parents devront agir par leur exemple, ils devront éviter un excès de faiblesse qui permettrait à certains enfants de devenir de petits tyrans, il ne faut pas toujours prendre un enfant qui crie, car alors bien souvent l’enfant crie et pleure parce qu’il a constaté que ses cris le font enlever de son berceau ; d’autre part, il faut éviter un excès de sévérité ; il faut par exemple s’efforcer de reconnaître les cris qui proviennent de quelque souffrance.
Pour la santé physique et morale, il est nécessaire aussi d’assurer au petit enfant une vie aussi régulière que possible aussi bien en ce qui concerne les repos que pour les repas.
Enfin il faut au tout petit des règles simples et sans exception. Combien de parents, par exemple, qui, après avoir donné à leur enfant un vieux catalogue qu’ils l’ont vu déchirer en souriant, se fâchent et même donnent une fessée au bébé lorsque celui-ci agit de même façon avec un livre ou une brochure laissés à sa portée. Il faut que les parents apprennent à se placer au point de vue des petits. Pour bien des mamans, avoir des ciseaux et découper dans un vieux torchon c’est bien, découper de même dans un mouchoir c’est mal, mais en faire autant dans la robe de la grande sœur c’est si mal que ça mérite une correction. De même jeter du sable sur le plancher non balayé ne tire pas à conséquence ; mais le faire cinq minutes plus tard provoque des cris sinon des coups. Ainsi, dans tous les cas où l’action d’un enfant nous paraît mauvaise, il est légitime que nous songions à éviter le retour d’actions semblables mais nous devons nous efforcer d’y parvenir à l’aide d’une meilleure compréhension de l’enfant souvent moins coupable que nous.
La seconde enfance (3 à 7 ans). L’enfant de trois à sept ans s’intéresse surtout au monde extérieur dont il s’efforce d’acquérir une connaissance concrète plus étendue. « Il devra, pour cela, faire un usage toujours plus large de ses fonctions d’acquisition : attention, mémoire, association, et de ses tendances éducatives : curiosité, observation, imitation » (Dr Vermeylen.)
La curiosité de l’enfant qui se manifeste bien avant trois ans est d’abord instinctive et s’attache presque exclusivement aux objets ou aux personnes qui lui sont utiles pour la satisfaction de ses besoins primordiaux. Très tôt la curiosité devient affective, elle s’attache à ce qui produit de la peur, des impressions nouvelles. Enfin dans la seconde enfance la curiosité devient spéculative, l’enfant est curieux pour savoir.
La curiosité de l’enfant se manifeste alors de deux façons : le collectionnement, les questions. L’enfant ramasse tous les objets qu’il trouve et en bourre ses poches ; ceci est parfois désastreux pour ces dernières mais est fort utile au développement mental, car en rassemblant beaucoup d’objets comme il le fait, l’enfant s’exerce à observer ce qui les distingue et plus tard en quoi ils se ressemblent.
L’enfant questionne surtout pour savoir « à quoi ça sert » et pour connaître l’origine des choses.
La curiosité enfantine, loin d’être un défaut et de devoir être réprimée est une tendance des plus utiles à l’acquisition du savoir.
Cependant il ne faut pas croire que nous devons agir de la même façon envers les questions d’enfants. Il est des questions qui ne sont point de vraies questions, l’enfant éprouvant le besoin de parler, parle pour le plaisir de parler et des questions se mêlent ainsi à son langage ; il est inutile alors évidemment de fournir des réponses qui n’intéressent l’enfant que comme motif d’un nouveau bavardage.
Il est d’autres questions que des enfants posent pour attirer sur eux l’attention des grandes personnes ; certains enfants se servent ainsi parfois de cet artifice pour montrer qu’ils savent ou même pour tenter de prendre les adultes en défaut. En ce cas, le plus sage est soit de se refuser à répondre, soit d’obliger le petit questionneur à fournir lui-même une réponse.
Mais il est également des questions provoquées par une curiosité vraie et alors il faut s’efforcer de satisfaire cette curiosité en tenant compte de la mobilité des intérêts enfantins, qui rend les longues explications mauvaises, et du développement de l’enfant qui ne lui permet pas de tout comprendre.
Parmi ces questions légitimes, il en est auxquelles l’enfant pourrait lui-même donner une réponse s’il voulait s’en donner la peine. Il faut alors stimuler l’enfant dans la recherche de la réponse, soit en le faisant réfléchir, soit en le faisant observer, soit même à un âge plus avancé en lui indiquant un livre où il trouvera l’explication nécessaire. Dans le but de stimuler la curiosité enfantine, l’éducateur doit parfois se faire questionneur à son tour.
En d’autres cas l’enfant n’a pas atteint le développement suffisant pour que l’adulte puisse satisfaire sa curiosité. Nombre de gens s’en tirent par un mensonge ou éludent la question ; c’est une faute : il faut expliquer à l’enfant ce qu’il est capable de comprendre et pour le reste lui dire sans détours : « Tu ne pourrais me comprendre maintenant, je t’expliquerai cela quand tu seras plus grand. »
Il est enfin un cas extrêmement fréquent : l’adulte est lui-même incapable de fournir une réponse, il n’est pas assez instruit pour cela. Il aurait tort de vouloir cacher son ignorance, il ne doit pas craindre de dire : « Je ne sais pas ». Il vaut mieux que les enfants constatent que leurs parents ou leurs éducateurs ne savent pas tout que de perdre confiance en eux.
L’enfant est observateur mais il ne l’est pas à la façon des adultes et à son observation se mêle beaucoup d’imagination, il n’a pas non plus de sens critique et, pour ces raisons, nous devons nous défier des témoignages d’enfants.
Tout d’abord l’enfant observe mieux les différences que les ressemblances, il perçoit fragmentairement les éléments d’un ensemble, il ne sait pas situer les objets et les êtres dans l’espace, les classer par ordre de valeur, en coordonner les éléments.
Pendant la seconde enfance, il observe surtout ce qui agit ou ce qui lui permet d’agir.
À la fin de la seconde enfance et pendant la troisième enfance, l’enfant devient capable d’observer les relations des objets ou êtres entre eux ou de leurs éléments.
Enfin plus tard l’enfant observe d’une façon objective et, grâce à l’éducation, peut devenir capable de la véritable observation scientifique.
Il faut profiter de l’intérêt de l’enfant pour l’observation et le rendre plus habile à se servir de ses sens. C’est ainsi qu’on peut l’habituer à voir juste, en clouant des laines, des étoffes, des feuilles d’après leur couleur ou en comparant la longueur de quelques baguettes, lignes, etc… ; par d’autres moyens présentés sous forme de jeux on peut aussi l’exercer à voir vite et beaucoup. Des jeux et des chants peuvent également servir à l’exercice de l’ouïe et du toucher (Colin-Maillard par exemple). Les autres sens eux-mêmes devront être exercés autant qu’il sera possible, les enfants trouveront plaisir par exemple à deviner le nom d’une fleur grâce à sa seule odeur. Toutes ces observations sont favorables au développement intellectuel et peuvent rendre des services dans la vie pratique.
L’imitation se manifeste dès les premiers mois de la vie et est alors purement instinctive ; vers neuf ou dix mois l’enfant prend conscience de son imitation mais c’est surtout vers deux ans que l’enfant imite d’une façon intentionnelle. Plus tard vers six ans l’enfant fait un choix dans les actes qu’il imite ; il n’imite plus pour le plaisir d’imiter mais pour atteindre certains buts. L’imitation permet à l’enfant d’acquérir plus vite, avec moins de peine et plus sûrement certaines habiletés nécessaires à la vie d’adulte ; elle permet aux générations nouvelles de profiter de l’expérience des générations passées. Cependant l’hérédité et l’imitation ne sauraient seules assurer le développement harmonieux de l’individu qui n’acquiert une vraie personnalité qu’à l’aide de ses propres expériences.
Parents et éducateurs doivent prendre conscience de l’existence et du rôle de l’imitation. Par suite ils ne doivent fournir aux enfants que de bons exemples, inviter ceux-ci à choisir dans les exemples pris autour d’eux, favoriser l’évolution de l’imitation, c’est-à-dire le passage à l’imitation réfléchie et enfin dès que possible stimuler l’enfant aux expériences personnelles.
Le jeu tient une large place dans le développement de l’enfant. Il évolue avec les intérêts enfantins : jeux sensoriels, moteurs d’imagination, intellectuels et enfin sociaux. Il convient de favoriser l’activité ludique des enfants, soit en leur fournissant, dans la mesure du possible, des jouets qui répondent à leurs intérêts du moment, soit en leur enseignant des jeux, qu’on ne doit d’ailleurs jamais leur imposer, soit même en jouant avec eux. C’est un tort de croire qu’il faut acheter des jeux chers et compliqués, aux petits enfants il faut surtout des jouets simples, faciles à manier, à transformer et solides. L’imagination de l’enfant fait une poupée d’un chiffon, un cheval d’un bâton, etc…
Depuis un certain nombre d’années, des pédagogues se sont ingéniés à créer des jeux éducatifs et par là il faut entendre un matériel qui tout en amusant l’enfant lui permet de développer ses sens, d’acquérir une plus grande habileté motrice et même d’apprendre à lire, écrire, compter, etc…
Le dernier, tout comme les autres activités enfantines, est d’abord instinctif, il constitue pour l’enfant un moyen de dépenser un surcroît d’énergie ; plus tard l’enfant ayant constaté que certains de ses traits rappellent certaine image s’essaie au dessin intentionnel et dessine pour représenter quelque chose. Le dessin devient un langage, mais ce langage n’est pas au début conforme à l’idée que nous nous faisons du dessin, non seulement parce que l’enfant est plus maladroit que nous mais encore parce qu’il ne voit pas les choses comme nous, qu’il ne s’intéresse pas aux mêmes choses que nous et qu’il comprend, tout d’abord, le dessin comme la représentation de ce qui est et non de ce qu’il voit. Ainsi le dessin spontané évolue et la connaissance de son modèle d’évolution est un moyen d’étudier et d’apprécier l’intelligence d’un enfant. Les enfants de quatre ans qui ne s’essaient pas à dessiner des bonshommes, ceux de cinq ans qui font des hommes sans tronc, etc., sont généralement des enfants retardés ou anormaux.
Le dessin libre, spontané est aussi un bon moyen de développer l’intelligence enfantine et on en fait de plus en plus usage dans les écoles.
Certaines fonctions psychiques d’acquisition ont, lors de la deuxième enfance, une importance de premier plan.
« Ce sont : l’attention qui sert à suivre l’expérience et à la fixer, la mémoire qui l’emmagasine et la conserve, l’association enfin qui unit diverses expériences et en prépare de nouvelles. » Dr Vermeylen.
L’attention dépend de l’état organique et plus particulièrement de l’état musculaire, respiratoire et circulatoire. Les petits enfants ne peuvent être très longtemps attentifs, parce qu’ils ont besoin de mouvement et que l’attention nécessite un arrêt dans le mouvement puis une transformation du mouvement. De plus l’attention nécessite chez l’enfant une modification de rythme respiratoire — ce qui provoque souvent des soupirs — qui ne peut être maintenue longtemps.
L’attention du petit enfant est purement passive, mais dès la fin de la première année et surtout pendant la seconde enfance, l’enfant devient capable d’une attention plus soutenue pour tout ce qui l’intéresse.
L’attention volontaire à des objets peu intéressants par eux-mêmes et nécessitant un effort est une acquisition plus tardive que prépare l’habitude de faire attention aux objets vraiment intéressants. Il est par suite possible de favoriser le développement de l’attention chez l’enfant en le faisant prendre part à des activités intéressantes et d’assez longue durée : jeux, observations d’images, dessins, etc…
Beaucoup d’adultes croient que les enfants ont une meilleure mémoire que les adultes ; ceci n’est exact qu’en ce qui concerne la mémoire brute, qui emmagasine les souvenirs tels quels, mais ne l’est plus de la mémoire organisée qui sélectionne et associe les souvenirs.
Pour ne pas donner au mot « enfant » une étude trop complète et trop savante, nous devrons laisser de côté l’association des idées ainsi que presque tout ce qui concerne le développement de la pensée. Ceux de nos lecteurs qui s’intéressent à ces questions auront avantage à se reporter à des ouvrages spéciaux et récents.
La troisième enfance (de 7 à 12 ans). Pendant la première et la seconde enfance l’enfant a vécu d’ordinaire dans le milieu familial ; lors de la troisième enfance le milieu scolaire jouera un grand rôle dans son développement.
Mais, qu’il s’agisse du milieu scolaire ou du milieu familial, des éducateurs, parents et maîtres doivent avant tout se préoccuper d’obtenir l’attachement de l’enfant. Nulle action éducative n’est possible si l’enfant n’aime pas les éducateurs.
Pendant la première et la seconde enfance, mais surtout pendant la première, il s’agit surtout de donner à l’enfant de bonnes habitudes et de veiller à son développement sentimental et moral.
L’attachement est nécessaire à la culture de la soumission et un bon développement sentimental et moral permet un bon usage de l’intelligence.
Il convient de préciser ce que nous entendons par la soumission. Telle que nous la concevons, elle n’est pas la servitude. Se soumettre c’est prendre conscience d’une supériorité, ce n’est que vers sept ans que les enfants prennent une telle conscience ; tout petits, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont moins forts, moins instruits, moins capables de se diriger que les adultes. Ainsi, la soumission que nous désirons obtenir de l’enfant peut se traduire par un refus d’obéissance de celui-ci en présence d’adultes qui se montrent inférieurs à lui intellectuellement et moralement. Ce que nous voulons obtenir, c’est la soumission volontaire. Nous voulons que l’enfant, ayant pris conscience des imperfections de son développement et de son savoir, recherche dans son entourage les personnes qui pourront l’aider de leurs lumières lorsqu’il n’aura pu découvrir par lui-même la bonne manière d’agir et nous voulons aussi qu’il obéisse aux adultes. Point n’est besoin d’ajouter qu’en revanche ces derniers doivent user de leur autorité d’une façon mesurée ainsi que nous l’avons indiqué au début de cette étude.
Depuis sa naissance jusqu’au milieu de la troisième enfance l’enfant est surtout un petit égoïste. L’égoïsme, ou plutôt l’égocentrisme de l’enfant, n’est pas un défaut car il donne de la force à la personnalité naissante. Vers huit ou neuf ans l’enfant commence à s’intéresser vraiment aux jeux collectifs et les adultes doivent favoriser de tels jeux qui non seulement le préparent à la vie sociale mais encore développent son individualité.
Si, dans la société actuelle, l’individu est trop souvent opprimé, il n’en faut pas conclure à la nécessité d’un individualisme antisocial. La volonté humaine est un produit de la vie sociale ou plus exactement de la réaction de l’individu contre le milieu.
Suivant ses tendances personnelles et celles de ses parents, l’enfant unique vivant dans le seul milieu familial devient sans peine un esclave ou un tyran. Au contraire, l’enfant parmi des enfants, à peu près du même âge et de même force, se sent moins faible, il ne s’habitue pas à une dépendance amollissante et comme ses petits camarades en font tout autant, comme il sent que des volontés, pas trop fortes, se heurtent à la sienne, sa propre volonté et son individualité se développent.
La troisième enfance marque aussi l’apparition des intérêts abstraits et le développement de la pensée logique. Ce n’est que vers 11 à 12 ans que l’enfant devient capable de véritables raisonnements logiques et l’école ne tient pas suffisamment compte de cet éveil tardif. Certes, bien plus tôt, les enfants font des problèmes avec « raisonnement » complexe mais en réalité leur « raisonnement » n’est la plupart du temps qu’un acte de mémoire et la répétition de formules apprises. Si on les interroge, ils répondent plutôt : « il faut faire une addition, une soustraction… » que par un raisonnement véritable.
On use trop tôt, à l’école, d’idées abstraites et générales que les enfants emmagasinent dans leur mémoire mais ne comprennent pas. Ceci n’est pas seulement inutile par suite du manque de compréhension, mais c’est encore dangereux parce que les idées dont la formule a été confiée à la mémoire sont considérées comme toujours vraies par l’enfant qui ne se donne plus la peine, plus tard, de s’efforcer de les comprendre. Les prêtres de toutes les religions le savent si bien qu’ils s’efforcent d’enseigner leurs dogmes dès le plus jeune âge.
Pendant la dernière période de l’enfance, l’enfant est facilement suggestible, a une imagination vive et manque d’esprit critique. Il s’ensuit que les enfants de cet âge altèrent souvent la vérité sans le vouloir. Il faut évidemment que les adultes évitent de laisser passer de telles déformations involontaires de la vérité ; mais il importe aussi qu’ils les distinguent des mensonges vrais. Ce serait cultiver le mensonge que de punir des erreurs involontaires. Dans l’éducation de l’enfant, la punition doit être considérée comme un pis-aller et les éducateurs doivent s’efforcer d’en éviter l’emploi comme aussi, d’ailleurs, celui des récompenses.
Pour corriger ces « mensonges » involontaires, il faut s’attaquer à leurs causes en apprenant à l’enfant à bien observer, à formuler sa pensée avec précision, à régler son imagination, à faire usage de l’esprit critique.
À la fin de la troisième enfance, l’enfant devient un idéaliste, il s’intéresse aux grandes œuvres, aux nobles actions, à la vie des grands hommes. De cet intérêt enfantin il est évident que l’éducation doit tirer parti, soit en racontant de belles vies de travailleurs, de bienfaiteurs de l’humanité, de martyrs de la liberté et en particulier de la liberté de pensée ; soit en montrant les grandes œuvres réalisées par l’entr’aide ; soit aussi en montrant les méfaits des grands conquérants, des tyrans, etc… qu’on fait encore trop souvent admirer dans les écoles d’aujourd’hui.
Rappelons, pour finir, la nécessité des loisirs et celle des travaux libres, individuels ou collectifs dons nous avons parlé plus longuement au mot « École ».
L’adolescence (12 à 18 ans). L’adolescence est une période de profonde transformation chez l’enfant.
Au point de vue physiologique la crise de la puberté, qui en marque le début, est un ensemble de crises endocriniennes.
Les glandes endocrines qui produisent des sécrétions internes exercent une action considérable sur l’activité cérébrale et mentale, mais dont on n’a commencé l’étude que depuis un petit nombre d’années.
Lors de la puberté on peut constater : 1o une crise de la régression du thymus ; 2o une crise sexuelle caractérisée principalement par l’apparition de la faculté génératrice ; 3o une crise de croissance d’origine polyglandulaire (thyroïde, surrénale, hypophyse).
Au point de vue psychologique on constate alors surtout le besoin d’indépendance. Si les adultes n’ont pas, auparavant, préparé l’émancipation graduelle de l’enfant, un conflit se produit alors entre eux et l’adolescent qui devient indocile et révolté. C’est alors « l’âge ingrat » : l’adolescent ne veut plus se laisser conduire et est encore incapable de se conduire lui-même comme il faudrait.
L’adolescent s’intéresse aux problèmes moraux et sociaux ainsi qu’aux questions sexuelles. Mais si l’adolescence est marquée par certains caractères communs aux deux sexes : éveil de la personnalité, altruisme, développement de l’affectivité, mécontentement fréquent dans la famille, d’autres caractères viennent différencier les individus des deux sexes : alors que le garçon devient généralement hardi, bruyant, violent, querelleur, fanfaron, la fille au contraire devient moins expressive, elle intériorise davantage sa vie psychique, devient plus timide, plus modeste.
Les éducateurs doivent prévoir la crise de la puberté soit en préparant l’émancipation graduelle de l’enfant, soit en veillant à son hygiène, soit en faisant avec tact son éducation sexuelle.
L’adolescent rêve de l’avenir, il faut avec patience et tact s’efforcer de guider ces rêves, en s’efforçant de le détourner des faux idéaux, du mysticisme par exemple.
Anormaux. — Le développement de l’enfant et de l’adolescent, tel que nous venons de l’étudier, ne s’applique évidemment qu’aux enfants normaux.
L’évolution des enfants anormaux varie trop pour que nous puissions l’étudier ici. Non seulement l’évolution intellectuelle de ces enfants est plus lente, mais encore elle manque d’équilibre.
À ces enfants convient par suite un enseignement individualisé et plus concret que sont seuls capables de donner des éducateurs patients, dévoués et éclairés. — G. Delaunay.