Encyclopédie anarchiste/Enthousiasme - Esperanto
ENTHOUSIASME n. m. (du grec enthousiasmos : de en, dans ; theos, dieu et asthma, souffle). L’enthousiasme est un sentiment d’admiration extraordinaire envers quelqu’un ou quelque chose. C’est une exaltation qui s’empare de l’individu, le transforme et le met hors de sa situation ordinaire.
« Rien ne se fait sans un peu d’enthousiasme » a dit Voltaire. Il est vrai que l’enthousiasme est un feu qui transporte les hommes et leur fait accomplir de grandes choses. On a vu, maintes fois, des foules, desquelles on n’espérait plus rien, se lever, enthousiasmées pour une idée, et partir à la conquête du monde. C’est l’enthousiasme du peuple qui a permis à la Révolution française de se défendre contre les hordes étrangères ; c’est à l’enthousiasme des parias que la Russie doit d’être délivrée du régime abject des Tsars.
Mais l’enthousiasme des foules est souvent aveugle et l’entraîne à commettre des erreurs dont elles sont les premières victimes. C’est que le peuple ne s’enthousiasme pas seulement pour une idée, mais aussi pour des hommes ; et de ces hommes, il fait des idoles qui le manœuvrent comme un troupeau.
Il faut espérer que, petit à petit, par l’exemple et l’expérience, les peuples ne se laisseront plus conduire uniquement par le sentiment, et lorsqu’à leurs élans d’enthousiasme ils joindront la raison, ils franchiront toutes les barrières qui les séparent de la liberté.
ENTOMOLOGIE n. f. (du grec entamon, insecte et logos, discours). Partie de la zoologie qui traite des animaux articulés et spécialement des insectes. C’est Linné le premier qui, fondateur de l’entomologie, décrivit les genres et les espèces, et établit les divisions. L’entomologie a peu à peu progressé et son étude s’est développée à mesure que se précisaient les sciences agricoles d’abord (études des insectes nuisibles, dit ravageurs) et ensuite, en même temps que se perfectionnait l’exploitation de certains insectes (abeilles, vers à soie, etc…). Une chaire d’entomologie, un laboratoire d’études existent à Paris, au Muséum d’Histoire naturelle. D’autre part, l’étude des moyens propres à lutter efficacement contre les ravageurs a conduit à l’installation de laboratoires spéciaux (stations entomologiques). Parmi les savants qui, depuis Linné, se sont illustrés dans l’étude de l’insecte, citons : Fabricius, Lataille, Réaumur, de Geer, Lepelletier de Saint-Fargeau, Fourcroy, Léon Dufour, V. Audouin, Espinas, Newport, J. Perez, Blanchard, Passerini, Brullé, Huber, Gledditsch, Bonnier, Emery, J. H. Fabre, Wheeler, Deegener, Forel, etc…
Nous sortirions du cadre de l’Encyclopédie en nous étendant trop largement sur l’entomologie. Cependant, nous croyons qu’il n’est pas inutile de souligner en passant ce que le savant professeur Bouvier a appelé : Le Communisme chez les Insectes, et les curieux rapprochements que l’on peut faire entre certaines sociétés d’insectes et les sociétés humaines. C’est, en effet, chez quelques insectes — et chez eux seulement — que l’on trouve, rigoureusement appliqué, un communisme parfait. Nulle part ailleurs (car nous ne pouvons pas considérer les organismes multicellulaires comme des sociétés) aussi bien chez l’animal que chez l’homme, nous ne pourrions trouver exemple aussi précis. Il est bien entendu que la comparaison à laquelle nous nous livrons ne peut être qu’artificielle et que nous n’entendons pas donner la ruche ou la fourmilière comme modèle de la société future. (On trouvera d’ailleurs plus loin notre conclusion). Néanmoins, ce simple exposé pourra donner cours à des réflexions profitables.
Le communisme entre individus ne se rencontre que dans quatre familles d’insectes : les guêpes, les abeilles, les fourmis et les termites. Ces sociétés communistes comprennent deux groupes : 1o les sociétés maternelles, où les femelles restent seules après avoir été fécondées par les mâles qui meurent peu après (guêpes, abeilles et fourmis) ; 2o les sociétés conjugales « où les deux sexes restent en association constante, la présence des mâles étant nécessaire pour assurer le renouvellement des jeunes fécondateurs » (termites).
Voyons comment se comportent entre eux les individus d’une même société communiste d’insectes et quel en est l’esprit.
Ce qui frappe tout d’abord lorsque l’on considère une société communiste d’insectes, c’est l’absence de « dirigeants ». Il existe bien parmi eux des individus que les naturalistes ont appelés « rois » ou « reines », mais ici, ce vocable sert simplement à désigner les individus dont la fonction sociale est la reproduction et qui n’ont aucune espèce de pouvoir sur leur entourage. Les insectes communistes ne vivent ni en monarchie ni en république mais, ainsi que l’observe Forel, l’activité sociale qui les caractérise « leur permet de vivre sans chefs, sans guides, sans police et sans lois, dans une anarchie admirablement coordonnée. »
Examinons, par quelques brefs aperçus sur la vie de ces insectes, le mécanisme de leur existence sociale. Nous verrons que les hommes y pourraient souvent puiser un enseignement d’activité utile et de labeur sans contrainte.
Voyons d’abord l’abeille et laissons-nous guider par le savant professeur Bouvier : « Sitôt sortie du berceau, la jeune ouvrière reçoit l’accueil de ses sœurs qui la soutiennent, la lèchent, la brossent et lui offrent des lampées de miel. La voici réconfortée, mais non propre aux voyages de récolte ; elle va s’occuper au logis où la besogne ne manque pas… On savait depuis longtemps que la jeune ouvrière se livre à des travaux d’intérieur successifs, qui varient avec l’âge. Dans une étude récente, Roesch a voulu fixer la succession de ces travaux. La jeune abeille se fait d’abord nettoyeuse des alvéoles ; elle va ensuite se reposer et dormir des heures sur les cellules closes, qu’elle contribue sans doute à couver ; à partir du troisième jour, elle puise aux réserves de miel et de pollen, moins pour elle-même que pour les larves âgées dont elle se fait nourrice ; au bout du sixième jour, ses glandes péricérébrales entrent en fonctions et sécrètent la gelée qu’elle distribue aux jeunes larves, modifiant ainsi son rôle de nourrice qu’elle remplit jusqu’au quinzième jour ; alors, moins craintive, elle se rend sur le tablier de la ruche et s’essaye à des vols d’orientation au voisinage du logis, faisant avec ses compagnes ce que les praticiens désignent sous le nom de « soleil d’artifice » ; d’ailleurs, elle rentre assez vite pour s’occuper à prendre la charge des butineuses et à tasser dans les alvéoles à provisions le pollen qu’elles rapportent ; un peu plus tard, elle remplit les fonctions de gardienne et se tient alors sur le tablier, chassant les ennemis de la ruche, repoussant les intruses, en éveil surtout contre les abeilles pillardes. Au vingtième jour, enfin, elle prend son rôle pour tout de bon et, devenue récoltante, peut s’éloigner jusqu’à cinq kilomètres comme ses sœurs butineuses… »
Trouverait-on une société d’hommes aussi intelligemment policée, où le travail commun s’expédie sans heurt, sans chicane, en solidarité instinctive ?
Mais baissons-nous encore sur la besogne des « cirières », jeunes abeilles qui travaillent à l’intérieur de la ruche. Huber nous les montre à l’œuvre dans une ruche artificielle : copieusement nourries de miel, puis de sirop sucré, elles grimpèrent aux baguettes dont a été formée la voûte, s’y cramponnèrent par les griffes de leurs pattes antérieures, pendant que d’autres s’accrochaient à leurs pattes de la dernière paire avec celles de la première. Elles composaient de la sorte des espèces de chaînes fixées par les deux bouts aux parois supérieures et servaient de pont ou d’échelles aux ouvrières qui venaient se joindre à leur rassemblement ; celui-ci formait une grappe dont les extrémités pendaient jusqu’au bas de la ruche. Les cirières demeurèrent immobiles près de quinze heures, sécrétant la cire qui se montrait en lames blanches sous leur abdomen. Alors, une abeille se détacha de la grappe, monta au centre sous la voûte et cueillit une de ses lames avec les pattes antérieures qui la maintinrent entre les mandibules. Celles-ci réduisirent la plaquette en fragments qu’elles broyèrent avec de la salive, et la pâte ainsi produite fut fixée à la voûte en un petit bloc rectiligne. Ayant épuisé de la sorte ses huit lames, l’ouvrière rentra dans la grappe et céda la place à une de ses sœurs qui se comporta de même. Et ainsi de suite, le bloc prenant la forme d’une petite cloison verticale raboteuse…
Transposé sur le plan humain, combien un pareil travail comporterait-il de contremaîtres ? Là, rien ; chaque individu, conscient de la tâche à accomplir, s’en acquitte allègrement sans contrainte d’aucune sorte.
Chez les fourmis, nous pourrions faire des constatations analogues. Mais là, plus nombreux encore sont les rapports qui apparentent l’insecte à l’homme. Aussi bien dans l’ordre des défauts que dans celui des qualités. Ne nourrissent-elles pas des commensaux qui font la loi chez elles, détruisent leur progéniture et les mènent à la ruine, cela parce que ces commensaux sécrètent une liqueur dont les fourmis sont friandes ? Ce « symphylisme », ainsi qu’on l’appelle, devient alors une maladie sociale assez semblable à l’alcoolisme humain et qui conduit aux mêmes dégénérescences physiques et morales. Mais, par contre, les fourmis savent concurrencer l’homme sous des aspects plus intéressants. Il est en effet de véritables fourmis agricoles qui pratiquent la culture des champignons, et chez l’Atta texana (grande fourmi champignonniste du sud des États-Unis), Wheeler observe que « les plus petites ouvrières demeurent dans les jardins où elles nettoient soigneusement les pousses et empêchent la croissance de champignons étrangers qui pourraient être introduits par les récolteuses ; les ouvrières de moyenne taille coupent, transportent, triturent les feuilles et préparent le jardin ; tandis que les plus grandes, des soldats, font la garde du nid ». Chez certains termites on trouvera une culture analogue. Ces termites préparent des meules spongieuses étagées en chambres souterraines, faites, dit Bugnion, « de pâte de bois partiellement différée, émise du rectum des ouvriers sous forme de crotte brune, mais travaillée à nouveau par les pièces buccales et agglutinée au moyen de la salive ». Le mycélium, ajoute Bouvier « développe sur la meule une forêt de courtes tiges qui se dilatent en petites sphères appelées mycotêtes, ces mycotêtes développent à leur tour des sphérules et des buissons de conidies qui servent, comme les mycotêtes, à la nourriture des termites, surtout des jeunes larves ». Une autre industrie importante chez les fourmis est l’élevage des pucerons, lesquels pucerons constituent dans certaines ruches un véritable bétail donnant un miellat sucré dont les fourmis se régalent. Ces pucerons, les fourmis les soignent, les caressent, les changent de place comme un bétail précieux et accordent les mêmes soins à leurs œufs. Et ce n’est pas tout puisqu’il existe des fourmis filandières.
Nous n’avons pas la place d’étudier ici la vie des sociétés communistes d’insectes, leur genèse, leur évolution et le mécanisme de leurs groupements. Nous terminerons donc par quelques généralités, sans plus insister sur les ressemblances ou les différences qui existent entre sociétés humaines et sociétés d’insectes.
Wheeler est allé un peu loin en déclarant que « la société humaine et les sociétés d’insectes sont tellement semblables qu’il est difficile de trouver entre elles des différences biologiques fondamentales » (Social Life among the Insects, 1922). Car des différences — surtout psychiques mais biologiques aussi — existent qui ne permettent qu’un parallèle artificiel quoique séduisant. Forel a eu raison de dire : « toute l’histoire des peuples humains prouve à satiété notre incapacité absolue de vivre dans l’heureuse anarchie si bien coordonnée que représente un fourmilière ». Elle est en effet une réalisation exagérée du rousseauisme et M. Adrien Roubier (alias Léon Werth) a pu écrire (L’Impartial Français, 12 nov. 1926) : « Toujours est-il que si l’on peut proposer à l’homme l’imitation de l’altruisme social des insectes, des guêpes, abeilles, fourmis et termites, tout au moins il faudrait beaucoup d’ingéniosité pour croire que son intelligence consentît au renoncement personnel auquel atteignent les insectes par instinct, sans évangélisme, sans kantisme, sans marxisme. Aussi bien, le communisme des insectes n’est-il point évangélistique puisque les individus sont impitoyablement sacrifiés, quand ils n’ont plus d’utilité sociale. Il n’est point davantage marxiste, puisqu’il n’a point pour origine un principe de lutte de classes… » Mais, toutes ces réserves faites, il ne nous déplaît pas de suivre l’avis du professeur Bouvier : « Sans doute il ne saurait être question d’imiter dans la Société humaine l’organisation des fourmilières et des sociétés communistes d’insectes… mais la subordination au bien social que les insectes communistes tiennent aveuglément de l’instinct, ne pouvons-nous l’instaurer librement nous-mêmes, en soumettant à une règle sage les hautes facultés de notre esprit ? Ce n’est pas une chimère : dans la subordination de l’intérêt individuel à l’intérêt général, il y a de grandes différences entre les peuples et ces différences suffisent pour montrer qu’une évolution heureuse peut se produire dans cette voie. »
Nous ajouterons : si la nature et l’instinct ont pu réussir chez des minuscules êtres cette « heureuse anarchie si bien coordonnée » dont parle Forel, sera-t-il dit que l’intelligence et la bonne volonté de l’homme ne parviendront pas à créer, à leur usage, une anarchie d’une autre essence mais aussi bien coordonnée, mais aussi profitable à chacun comme à tous ? Et la nature ne nous livre-t-elle pas un précieux exemple ? Nous le croyons. Et si nous n’y pouvons pas puiser un grand enseignement — trop différentes sont les sphères et trop différents sont les moyens — nous y pouvons cependant trouver un réconfort — disons le mot, (dussent les sceptiques en rire) : un encouragement. — Georges Vidal.
ENTR’AIDE. Ce mot n’est pas signalé dans le Dictionnaire Larousse qui ne relate que le verbe s’entr’aider auquel il donne la brève signification : s’aider mutuellement.
Depuis le beau livre de Pierre Kropotkine portant ce titre, nous savons mieux ce que signifie réellement cette forme de la solidarité désignée sous ce nom : l’Entr’Aide. Nous en connaissons la pratique entre nous contre les maux sociaux.
Dans l’espèce animale, l’instinct de l’entr’aide est d’une observation facile et d’un exemple salutaire et vraiment instructif. De grands écrivains, de grands savants ont écrit des pages admirables. De Michelet à Maeterlinck, tous sont d’accord pour nous montrer le contraste flagrant entre l’organisation des bêtes et l’organisation des hommes. À toutes les espèces d’animaux sachant s’entendre et sachant se grouper pour mieux vivre, ou pour surmonter une difficulté naturelle, ou pour affronter un danger, ou pour se défendre d’un ennemi redoutable, comparez la bestialité des hommes ne sachant se grouper et s’entendre que pour s’entre-détruire.
« L’entr’aide, écrit Kropotkine, c’est un sentiment infiniment plus large que l’amour ou la sympathie personnelle ; c’est un instinct qui s’est peu à peu développé parmi les animaux et les hommes au cours d’une évolution extrêmement lente, et qui a appris aux animaux comme aux hommes la force qu’ils pouvaient trouver dans la pratique de l’entr’aide et du soutien mutuel ainsi que les plaisirs que pouvait leur donner la vie sociale. »
On retrouve des traces d’entr’aide entre les hommes à l’état primitif. L’étude attentive de la vie des sauvages contemporains nous les montre unis dans le clan, coordonnant leurs forces individuelles, si faibles, comparées aux moyens que le progrès a mis à la disposition des sociétés civilisées. Mais c’est pour jouir de la vie en commun que les sauvages savent s’entr’aider.
Cependant, l’homme n’est pas toujours réfractaire aux meilleurs penchants naturels. Après les sauvageries de la civilisation qui nous ont dotés de l’exploitation de l’homme par l’homme, de l’esclavage, du salariat et des horreurs sociales que sont l’Autorité, la Propriété, la Patrie, se traduisant par la Servitude, la Misère, la Guerre, nous pensons bien qu’ils finiront par s’entendre et se grouper contre tous les fléaux naturels et sociaux au lieu de les créer ou de les étendre.
Là est et demeure le but des anarchistes qui veulent l’affranchissement total des individus. Là est l’esprit du syndicalisme révolutionnaire qui veut l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes.
C’est par l’Entr’Aide que les groupes d’hommes de bonne volonté s’acheminent vers un meilleur avenir d’entente et de liberté. C’est par l’Entr’Aide qu’ils se soutiennent et s’encouragent, s’excitent et se réconfortent. — Georges Yvetot.
ENTRAÎNEMENT n. m. Action d’entraîner ; état de ce qui est entraîné ; séduction. « C’est l’entraînement qui a fait de cet homme un ivrogne ». L’entraînement est l’influence morale que l’on subit. Cette influence peut être heureuse ou malheureuse. Selon les cas, elle est profitable ou néfaste à l’individu.
L’homme est un animal sociable et il se laisse facilement entraîner par ses semblables. Les plus malins entraînent les plus faibles. Hélas, les plus malins ne sont pas toujours les plus honnêtes, bien au contraire, et c’est pourquoi les hommes sont asservis. Savoir être libre nécessite un entraînement, et l’individu a, depuis des siècles, été entraîné à la servitude. C’est toute une transformation qui doit s’opérer en lui ; aussi longue dût-elle être, cette transformation s’effectuera ; car chaque jour qui passe arrache une maille à la chaîne de l’esclavage et l’entraînement révolutionnaire brisera les dernières entraves.
Le peuple ne se laissera pas toujours entraîner dans les fossés boueux de la politique. Il s’aperçoit déjà de son erreur et s’écarte de plus en plus de tous les fantoches qui l’ont guidé et ont perpétué sa servitude. Les idées nouvelles l’entraînent et le triomphe de la liberté entraînera la ruine de la société bourgeoise et de son capitalisme.
ENVIE n. f. (du latin invidia, même sens). Ce mot a tant de significations diverses, qu’il est bien difficile d’en préciser exactement le sens.
Généralement, on s’en sert pour désigner un très vif sentiment qui pousse les individus à avoir du chagrin en constatant qu’un autre individu est plus heureux, plus riche, plus populaire qu’eux-mêmes et à vouer à cet individu une haine forte et profonde.
Mais on l’emploie aussi dans d’autres circonstances. Ainsi, l’on dit que l’on a envie de manger des cerises, de faire une promenade en tel endroit, de lire tel livre, de faire telle chose, etc…, ce qui signifie simplement qu’on éprouve un désir assez vif de ces différentes choses.
On dit aussi envie de vomir, de faire certains actes physiologiques indispensables, lorsque les fonctions naturelles du corps humain vous y obligent, et qu’on éprouve certaines nausées, indispositions qui provoquent le vomissement.
On parle également des envies des femmes en état de grossesse, sorte de désir vif, subit, et irraisonné qui les pousse à vouloir certaines choses.
Enfin, le mot est utilisé également pour désigner certaines taches sur la peau, que l’esprit populaire attribue, à tort ou à raison, à des désirs. De même ce nom est donné à un certain mal de la peau se détachant autour des ongles.
Mais l’envie, dans le langage, est surtout l’appellation du sentiment de haine, de jalousie, éprouvé envers autrui quand cet autrui a quelque chose qu’on n’a pas et qu’on voudrait avoir.
L’église chrétienne a fait de l’envie un péché formidable puni par les tortures de l’enfer. Alors qu’elle consacre toujours la plus odieuse exploitation, qu’elle sanctifie la guerre et le crime commis par les maîtres, c’est plutôt bizarre. Est-ce que, par hasard, en pourchassant le vil sentiment de l’envie, elle n’aurait pas eu pour objectif d’amener les pauvres à ne pas désirer d’être les égaux des riches, les esclaves ceux de leurs maîtres ? L’explication me semble assez plausible.
La mythologie grecque, plus poétique et souvent plus humaine que le Christianisme, représentait l’Envie, comme étant la fille de la Nuit et du Styx (rivière entourant les Enfers) ; ayant la forme d’une vieille femme maigre et décharnée, entourée de serpents dont l’un lui ronge le cœur. Ils l’avaient faite guide de la Calomnie, regardant d’un œil louche et sombre ce qui l’entourait. Évidemment, il faut voir dans cette allégorie la représentation, le symbole d’un sentiment parfois vil et méchant, qui attriste et torture celui ou celle qui le ressent et provoque les pires actions.
C’est généralement sous ces apparences que l’Envie est présentée. On la condamne unanimement… et cette unanimité peut nous sembler suspecte. L’Envie, comme la jalousie (je ne parle pas de la sexuelle), comme la haine, est regardée avec horreur par les moralistes. Il y aurait pourtant lieu de distinguer entre les mobiles qui poussent les humains à envier les autres, que les partisans de l’ordre établi à leur profit ont tout intérêt à mêler dans la même confusion, afin de les condamner tous en bloc ?
La femme du peuple, habillée de haillons, mal nourrie, traînant sa marmaille, regarde d’un œil d’envie la femme du patron qui passe dans son auto, luxueuse, insolente. Est-ce bien le même sentiment qui la guide que celui qui torture le cœur de l’envieux, incapable d’un effort d’intelligence, crétin fini, qui bave sur l’homme ayant su, par ses capacités, se faire une réputation ? N’y a-t-il pas, dans l’envie de la malheureuse ou du malheureux, du déshérité de la vie, une part du sentiment de justice ? Le crétin qui jalouse et qui calomnie l’intelligent est-il donc mû par le même mobile que l’intelligent qui se voit écrasé par un crétin fortuné ou puissant, et qui en souffre ? L’homme qui travaille dur et vit dans un taudis est-il donc un vil esprit quand il sent la haine pousser dans son cœur, au spectacle d’un oisif se prélassant dans une riche demeure ? La condamnation de l’envie n’est-elle pas, aux yeux des moralistes bourgeois, une pierre à deux coups qui frappera en même temps les sentiments de justice et d’égalité ? « Ne soyez pas envieux ! » correspondrait-il à l’enseignement de la résignation, de la soumission ? Que de fois l’on a traité d’envie les plus nobles sentiments d’humanité, de justice sociale ? Nous devons prendre garde de ne pas emboîter le pas à ces moralistes d’un genre tout spécial. Nous ne devons pas cataloguer d’envieux et condamner sous cette appellation toute critique contre ce qui est élevé ! Au contraire, reconnaissons que cette critique fut souvent un facteur de progrès dans l’évolution humaine. Ce qui est injustement élevé, riche, puissant, on a raison de le critiquer et de vouloir le ramener au juste niveau. Combattre un privilège inique est bon et nécessaire.
L’envieux, le véritable envieux que nous méprisons, c’est celui qui veut briller, dominer, jouir ; c’est celui qui veut rabaisser les autres parce qu’il ne se sent ni le courage, ni la capacité de les égaler ; c’est celui qui ne dénigre les plus haut placés que lui que parce qu’il voudrait avoir leur place. Celui-là est un être de désagrégation sociale, une puissance de mal.
Quant à tous ceux qui veulent rabaisser ce qui est élevé par d’iniques procédés, qui veulent relever ce qui est en bas par conséquence de l’injustice, ce ne sont pas des envieux, mais des combattants au service d’un noble idéal. — G. Bastien.
ÉPHÉMÈRE a. (du grec epi, sur, et hemera, jour). Qui ne vit qu’un jour. Par extension : ce qui est passager ; de courte durée ; momentané ; qui n’a pas une longue vie. Un amour éphémère ; un bonheur éphémère ; une joie éphémère ; une victoire éphémère ; une croyance éphémère.
Que de choses sont semblables à ces insectes appelés « éphémères », qui volent auprès des rivières et qui meurent deux ou trois jours après leur éclosion ! Tout ce qui est humain n’est-il pas éphémère, et l’individu ne poursuit-il pas toujours un bonheur qui s’éloigne à mesure qu’il croit s’en approcher ? Le monde est dirigé par les passions et c’est sans doute pourquoi l’homme est bercé par des illusions qui ne lui procurent que des joies passagères.
Le « Pouvoir », la soif de dominer ses semblables, l’autorité malsaine, pour lesquels les humains s’entre-tuent, ne donnent à certains qu’un satisfaction éphémère, car leur puissance n’est toujours que relative et s’effondre au moindre vent.
Que de fois les peuples ont cru atteindre au sommet du bien-être et de la liberté, et ont dû déchanter face à la réalité brutale de la vie ! Bien-être éphémère ; liberté éphémère. Parce qu’ils le veulent bien. C’est à eux de bâtir leur maison sur des bases solides et non sur des sables mouvants.
Lorsque l’homme aura vaincu les préjugés qui pullulent en son cerveau, lorsqu’il aura chassé et écrasé tous les mauvais bergers qui le conduisent, son bonheur ne sera plus éphémère, mais réel et durable.
ÉPIDÉMIE n. f. (du grec epi, sur, et démos, peuple). Maladie qui affecte dans une localité, dans un pays un grand nombre d’individus à la fois. Le choléra, la peste sont des épidémies redoutables : le typhus, la fièvre jaune, bien que moins cruelles, sont également dangereuses.
L’épidémie dépend de causes accidentelles, dans les pays occidentaux où le progrès a réalisé certaines mesures d’hygiène sociale. C’est ainsi que la peste et le choléra qui existent à l’état endémique dans les contrées de l’Asie ont presque totalement disparu de l’Europe. Hélas ! La vie moderne est une source d’autres misères, et aux maladies épidémiques du passé ont succédé d’autres fléaux. La tuberculose, l’alcoolisme, sont des épidémies qui ravagent les populations et chaque année un long cortège de miséreux s’ajoute aux millions de victimes qui payèrent hier leur tribut à la bourgeoisie. Et puis il y a la guerre qui affecte également des millions de parias et d’exploités ; et la tuerie ne s’effectue pas seulement sur les champs de bataille ; la population civile souffre également du carnage social. La « grippe espagnole » née de la guerre de 1914 causa de terribles ravages et le nombre de ses victimes, fut incalculable.
Contre l’épidémie, qui est un mal social, il est possible de lutter. La science médicale ne peut rien par elle-même. Guérir n’est pas suffisant. Il faut prévenir, et bien des maux disparaîtraient de la surface du globe si, au lieu de se déchirer, les humains cherchaient, dans un désir de paix, à rendre habitable, la vieille boule ronde.
ÉPIGRAMME n. f. (du grec, epigramma, même sens). Les Grecs appelaient épigrammes les inscriptions gravées sur les tombeaux ou sur les frontispices des temples et monuments publics. De nos jours, le mot épigramme se dit d’une phrase critique, mordante, railleuse qui se glisse dans une conversation ou un écrit. Une épigramme spirituelle ; une vive épigramme. Faire une épigramme ; adresser une épigramme. Se dit aussi de petits poèmes en vers se terminant par un trait d’esprit ou une satire. Boileau, Racine, Voltaire se distinguèrent par leurs épigrammes.
ÉPOPÉE n. f. (du grec epos, discours, et poiein, faire). Une épopée est un poème de longue haleine, qui chante les aventures héroïques ou merveilleuses d’une époque, d’un peuple ou d’un individu.
L’Iliade, le célèbre poème d’Homère en 24 chants, qui nous décrit les combats livrés par les Grecs devant la ville de Troie, est un chef-d’œuvre de poésie épique. Cette épopée nous offre un tableau complet de la vieille civilisation grecque. L’Enéide, de Virgile, en douze chants, est une superbe imitation de l’Iliade, et nous initie aux aventures d’Énée et de ses compagnons depuis la prise de Troie, jusqu’au jour où ils s’établirent définitivement dans le Latium, ancienne région de l’Italie centrale.
La Henriade est une épopée composée par Voltaire sur Henri IV et sur la Ligue. C’est une des œuvres les moins heureuses du grand philosophe. La Henriade manque de vie, la poésie en est froide, pleine de sécheresse, bien que contenant quelques pages d’histoire.
Pourquoi faut-il que ce soit toujours la guerre qui inspire les poètes ? La plupart des épopées nous font vivre des époques glorieuses mais meurtrières et douloureuses. La grande tuerie de 1914 est une nouvelle épopée tragique que traduiront demain de nouveaux poètes.
Quand donc l’Humanité, dans une merveilleuse épopée, chantera-t-elle l’Amour, la Paix et la Liberté ?
ÉPREUVE n. f. (de éprouver). Action d’éprouver ; expérience que l’on fait d’une chose, essai. Faire l’épreuve d’une machine. Mettre quelqu’un à l’épreuve. Faire subir une épreuve à une personne, c’est-à-dire s’assurer qu’un individu possède les qualités qu’on lui croit. Épreuve judiciaire : coutume moyenâgeuse qui consistait à soumettre à certaines tortures les accusés, et les accusateurs afin de prouver les uns leur innocence, les autres leurs accusations. La plus commune de ces épreuves était l’épreuve du feu. Les mains attachées à un anneau scellé dans le mur, on fixait les pieds du patient dans un appareil au-dessous duquel on faisait du feu. Les progrès de la civilisation ont mis heureusement fin à ces pratiques barbares.
Est-ce à dire que les individus ne sont plus soumis à de cruelles épreuves ? La marche de la civilisation est terriblement lente et l’humanité n’enfante que dans la douleur. Avant d’atteindre son but, l’humanité aura encore à subir de rudes épreuves, car ce n’est qu’à l’expérience que l’homme se façonne et apprend à se conduire.
Les dix dernières années que nous venons de traverser, furent lourdes de souffrances ; que cette épreuve nous soit salutaire ; qu’elle nous instruise, qu’elle nous éclaire, qu’elle nous apprenne qu’il n’y a de bonheur que dans la liberté et que, si le courage éprouvé du peuple n’était pas dépensé inutilement pour une mauvaise cause, la Paix rayonnerait sur le monde, mettant fin aux épreuves tragiques qui ensanglantent l’humanité.
ÉPURATION n. f. Action d’assainir ; l’épuration du sang ; l’épuration de l’air. Au figuré : épuration des mœurs ; épuration politique ; épuration d’un parti ; d’une organisation, d’une association, d’un groupe, etc…, etc…
L’épuration consiste à éliminer d’une organisation quelconque les éléments que l’on considère indignes d’en faire partie. Dans toute association se glissent des brebis galeuses qui enveniment tout le corps. L’épuration s’impose donc, elle ne peut être que salutaire. Il est des organisations, des institutions dont l’épuration est inopérante, inutile, car tout en elles est corrompu ; la destruction totale est l’unique ressource. C’est toujours en vain, que des hommes, en mal de politique, ont prétendu par exemple, essayer d’épurer les mœurs du Parlement. Peine inutile. Ils ont eux-mêmes été infectés du mal qu’ils voulaient combattre. Tout ce qui touche de près ou de loin à l’État ne peut être épuré. Il faut abolir.
L’anarchisme, ou plutôt les milieux anarchistes souffrent parfois aussi d’une crise de moralité, et cela n’a rien de surprenant. Les hommes ne sont jamais que des hommes et non des Dieux. D’autre part, les Anarchistes, adversaires irréductibles de l’Autorité, ouvrent trop facilement la porte de leurs maisons aux parasites sociaux. L’Humanité est un composé de lutteurs et de déchets. Parmi ces déchets, victimes d’une organisation sociale imparfaite, se trouvent de pauvres hères qui, rejetés de partout, ont une conception fausse de la liberté, et sont encore esclaves des préjugés et des vices de la société moderne. Leur ouvrir notre porte est un danger.
On a cru pendant longtemps qu’il était possible d’associer tous les réfractaires à nos travaux ; mais depuis quelques années, les anarchistes se sont rendu compte de leur erreur. Ils ont compris que l’Anarchisme était autre chose qu’une association de mécontents, qui n’avaient pu trouver place autour de l’assiette au beurre ; ils ont appris qu’un mouvement sérieux devait reposer sur des bases philosophiques et sociales solides, et ils se sont attachés à éloigner d’eux tous les indésirables pour qui l’Anarchisme n’était qu’un paravent, susceptible de cacher leurs tares physiques et morales.
Ce travail d’épuration continuera jusqu’au jour où seront éliminés tous ceux qui ne veulent pas œuvrer sincèrement et loyalement à l’émancipation totale de l’individu.
Les anarchistes ne sont qu’un petit nombre. C’est vrai. Mais qu’importe. Il vaut mieux être peu, attablés autour du même ouvrage, travaillant harmonieusement à l’édification lente de la maison future, que d’être des milliers à bâtir une tour de Babel qui s’écroule comme un château de cartes.
Épurons-nous ; sachons d’abord être individuellement sains de corps et d’esprit. Épurons-nous pour être meilleurs et donner à ceux qui nous entourent, qui nous regardent l’impression d’hommes sérieux, sincères et puissants, et notre épuration bienfaisante, entraînera tous ceux qui espèrent en des jours meilleurs et sont las de subir une société viciée jusque dans ses moindres organismes et qui ne subsiste que par la force du passé et de l’habitude.
ÉQUITÉ n. f. (du latin œquitas, même signification, de œquus, uni, égal). « Dans le monde il n’est rien de beau que l’équité » écrivait Boileau. Si l’équité est la droiture, la justice, alors il n’est rien de beau dans le monde car celui-ci est bâti sur l’iniquité et l’injustice.
De quelque côté que l’on se tourne, on assiste à l’arbitraire le plus choquant, à l’inhumanité la plus révoltante.
L’équité, nous dit Lachâtre, est la disposition à faire à chacun part égale, à reconnaître impartialement le droit de chacun. Mais le droit, en régime bourgeois, est une formule creuse. Le droit en société capitaliste c’est la force, c’est la violence, c’est la puissance, c’est l’autorité ; le droit, c’est la rigueur des lois, c’est le législateur, c’est le magistrat, c’est le gardien de prison. Peut-on demander à ces divers suppôts de l’organisme social de se faire les fidèles défenseurs de l’équité ?
Rien n’est équitable en ce bas monde, et l’injustice règne en maîtresse. La base même de l’organisation sociale est inique, comment les institutions qui en découlent et les hommes qui les dirigent seraient-ils probes et justes ? Ce qu’il y a de plus effrayant, c’est que ceux qui souffrent de cette absence d’équité sont les premiers forgerons des chaînes qui les tiennent attachés au servage injuste qu’ils subissent inconsciemment.
L’iniquité sociale devient chaque jour plus flagrante cependant que le démocratisme déploie son étendard et proclame son désir d’équité humaine.
Tromperie que tout cela et le démocratisme est un mensonge. Point n’est besoin de fouiller bien profond pour s’apercevoir qu’il n’est pas un facteur d’équité.
Jetons un regard dans ce foyer de concussion qu’est le parlement. Il s’y commet les crimes les plus odieux et les plus méprisables. Ce n’est certes pas parmi cette association de malfaiteurs que l’on cherche à « reconnaître impartialement le droit de chacun ». Chargés de soutenir le « droit » et de défendre les intérêts de leurs mandants, les députés trafiquent de leurs mandats et font leurs propres affaires. L’équité pour eux est simplifiée : elle consiste à remplir leurs poches afin de vivre grassement sur le dos de leurs électeurs. Les lois qu’ils promulguent sont iniques — une loi ne peut être équitable — et favorisent toujours les classes possédantes qui dirigent tous les rouages de la société
Dans la répartition des lourdes charges de l’État, l’équité brille également par son absence. De même qu’au moyen âge le serf était contraint de suer sang et eau pour subvenir aux besoins et aux jouissances de son seigneur, le peuple aujourd’hui, esclave modernisé, est obligé de travailler pour payer directement ou indirectement les impôts servant à entretenir une armée de parasites.
« L’Équité rarement est l’arbitre des rois » dit Marmontel ; elle est aussi rarement l’arbitre des démocraties. Les monarchies et les démocraties reposent, les unes comme les autres, sur des principes d’inégalité sociale, comment l’équité pourrait-elle y être souveraine ?
Pas plus d’équité dans la magistrature que dans le Parlement. « Quand les juges n’ont que l’ambition et l’orgueil dans la tête, dit Voltaire, ils n’ont jamais l’équité et l’humanité au cœur. »
Où se trouve-t-il ce juge parfait sans orgueil et sans ambition ? Issue de la bourgeoisie, la magistrature est là pour servir la bourgeoisie. Demander à un juge d’être équitable est une absurdité. Tout au plus peut-on espérer de lui une certaine modération dans ses jugements, et encore !…
La justice est injuste, comme l’équité légale est inique. Il ne peut y avoir d’équité dans la légalité et c’est la cause pour laquelle tous les réformateurs, qui espèrent en la loi pour rénover le monde, piétinent sur place sans rien changer à une situation qui se perpétue.
Tout est corrompu, tout est vicié, tout est pourri dans la société bourgeoise. Le capitalisme, pour conserver ses privilèges menacés par le désir chaque jour grandissant du peuple, emploie les moyens les plus iniques. Contre cela un seul moyen : la Révolution. Mais une révolution complète, entière, détruisant tous les germes du passé, abolissant l’autorité néfaste qui fit le malheur de milliers de générations ; une révolution qui permettra de jeter les bases d’une société fraternelle où l’équité ne sera pas un vain mot, mais une réalité.
ÉQUIVOQUE a. (du latin œquus, égal, et vox, voix). Ce mot signifie : qui a un double sens.
Un discours équivoque, une expression équivoque, un terme équivoque. Se dit aussi d’une personne dont le caractère, la réputation, la situation sont douteuses : un homme équivoque, une personne équivoque.
La franchise est une qualité qui, en notre siècle de marchandage et de mercantilisme se fait de plus en plus rare ; la fourberie et le jésuitisme sont les armes qui sont devenues à la mode. Tromper son semblable est de pratique courante, mais il faut le tromper adroitement et c’est par des propositions à double sens, qui peuvent être interprétées de différentes façons que l’on s’y emploie.
C’est surtout dans la politique que l’équivoque est en usage. L’électeur ignare se laisse prendre facilement aux subtilités de son candidat, et il reste surpris lorsque ce dernier lui démontre qu’en réalité il a tenu ses promesses et que par conséquent on ne peut rien lui reprocher.
L’équivoque, c’est le manque de précision, de clarté, de netteté, dans la parole, dans le discours ; c’est l’habileté à présenter une figure de façon à ce que celle-ci s’adapte selon les occasions et puisse être interprétée différemment selon les besoins de la cause. C’est l’arme des suspects et des indésirables. Ceux qui usent de moyens équivoques sont équivoques eux-mêmes et il faut s’en méfier.
ÈRE n. f. (du latin œra, nombre, chiffre). L’ère est le point de départ, marqué par un événement remarquable, d’où l’on commence à compter les années chez différents peuples.
L’ère de la création, ou ère mondiale des Juifs remonte à 5508 avant Jésus-Christ. Est-il besoin de dire que cette date n’a rien de scientifique et est purement imaginative. Du reste, si selon l’église grecque l’ère de la création remonte à 5508 ans avant J.-C., d’autres la placent 4963 ans ou 4004 ans avant J.-C.
Parmi les ères qui offrent un caractère historique ou social, il faut citer : l’ère de Tyr, fondée le 19 octobre de l’an 125 avant J.-C. par les Tyriens en souvenir de l’autonomie qui leur fut accordée par le roi de Syrie, Bala. Ère Julienne, qui remonte à 45 ans avant J.-C. et fondée par Jules César qui réforma le calendrier romain. Ère chrétienne ou ère de l’incarnation dont le point initial est la naissance de Jésus-Christ. Cette ère est adoptée par tous les peuples occidentaux et par l’église latine bien que, selon les savants, elle doit commencer cinq ans plus tôt qu’on ne la commence réellement.
L’Ère des Arméniens le 9 juillet de l’an 532 à la suite de la séparation de l’église arménienne de l’église latine. Ère de l’hégire en usage chez les Mahométans remonte au 16 juillet 622, jour de la fuite de Mahomet.
En France, le 14 juillet 1789, on adopta l’ère de la liberté ; celle-ci fut de courte durée et remplacée le 22 septembre 1792 par l’ère républicaine. L’ère républicaine était divisée en 12 mois de 30 jours, suivis de 5 jours complémentaires. On ajoutait périodiquement un sixième jour complémentaire qui faisait les années bissextiles. L’ère républicaine subsista quatorze ans. En 1806 Napoléon rétablit l’ère chrétienne et remit en vigueur le calendrier grégorien.
On prête aujourd’hui à Mussolini le dictateur italien l’intention de fonder l’ère fasciste dont le point initial serait la marche sur Rome, par les « chemises noires ».
Que d’ères douloureuses l’humanité a traversées ! Les changements de dates, les transformations du calendrier n’ont pas réalisé le bonheur et la prospérité des hommes. Il faut encore lutter pour qu’un nouvel ordre de choses vienne remplacer le vieil état social qui commence à se disloquer.
L’ère de la liberté ne partira que du jour où les individus pleins de sagesse sauront s’unir et se libérer de l’esclavage qu’ils subissent depuis des siècles. L’esclavage physique et l’esclavage moral et intellectuel doivent disparaître. C’est à ce prix seulement qu’une ère féconde et glorieuse viendra illuminer d’un soleil nouveau les peuples réconciliés, au sein desquels chaque individu œuvrera pour le bonheur de tous.
ERREUR n. f. Opinion non conforme à la réalité, fausse. Fausse doctrine.
Il ne faut pas confondre erreur et mensonge. Le Mensonge est l’opposé de Vérité et suppose un menteur, un être conscient de dire l’opposé de ce qui est vrai. L’erreur n’est pas plus que le mensonge : Vérité, mais il sous-entend : ignorance et bonne foi.
On distingue deux classes d’erreurs :
1o Les erreurs de logique, ou sophismes.
2o Les erreurs d’interprétation des données sensorielles, ou erreur des sens.
Les premières sont dues à un exercice hâtif de notre faculté de raisonner ; tous les préjugés peuvent se ramener à des erreurs de logique.
Les principales causes d’erreur proviennent :
A. De l’attribution du même mot à plusieurs idées différentes.
B. De l’attribution d’une seule idée à plusieurs mots différents.
C. Une délimitation non assez nette, non assez précise de l’idée désignée par un même mot.
D. Confusion entre le sens propre et le sens figuré.
E. L’introduction d’une idée absurde dans la définition d’un mot.
Les deuxièmes, appelées improprement « erreurs de sens », sont dues à un état d’excitation ou de maladie de l’organisme, elles relèvent de la pathologie.
Quant aux erreurs de logique, on les évitera en étudiant la logique formelle, la logique appliquée ; en pratiquant les sciences mathématiques.
L’homme qui ne veut pas errer, s’appliquera à toujours penser, écrire, parler logiquement.
ESCLAVAGE n. m. État, condition d’esclave : Les Spartiates réduisirent en esclavage les Messéniens vaincus. Fig. : Dépendance, assujettissement : être esclave de ses passions.
Fruit de l’oppression du faible par le fort, l’esclavage est apparu avec les premières sociétés humaines.
Dès que l’homme se stabilisa quelque part pour cultiver le sol, sa tribu eut à lutter contre d’autres tribus. Les plus forts l’emportèrent. D’abord, sans doute, ils durent massacrer les mâles et les femelles dont ils n’avaient que faire parce que trop âgées ou laides ou trop nombreuses. Mais déjà, la culture n’avait pas été sans amener des développements intellectuels assez considérables. De bonne heure, les chefs durent réfléchir qu’emmener les ennemis vaincus, au lieu de les tuer, les faire travailler et leur prendre le produit de leurs efforts, cela leur faciliterait l’existence.
Dans les civilisations qu’il nous est donné de connaître l’esclavage était courant. On ne trouve pas trace d’anciennes sociétés l’ayant méconnu. Il y avait des esclaves chez les Hébreux, chez les Grecs, chez les Romains, etc… Les esclaves des Lacédémoniens, traités avec une dureté exceptionnelle, portaient le nom d’Ilotes. Les Romains les recrutaient parmi les prisonniers de guerre et les peuples vaincus. Les marchands d’esclaves suivaient les armées, achetaient les captifs à l’encan, par grandes masses, et les envoyaient vendre au détail dans les marchés. Le nombre des esclaves excédait souvent le chiffre de la population libre, car l’enfant d’une esclave naissait esclave. À Rome, les esclaves formaient une classe avilie, réduite au rôle d’instrument d’utilité, de plaisir et de vanité. Au regard du droit civil, on peut dire qu’ils n’existaient pas : ils héritaient pour leur maître, ils recevaient des donations pour leur maître, mais jamais pour eux, de sorte qu’ils n’étaient que des instruments, des intermédiaires. Longtemps le maître eut droit de vie et de mort sur les esclaves ; aussi se révoltèrent-ils fréquemment, et les Romains eurent à soutenir contre eux, à plusieurs époques, des guerres redoutables.
La guerre des esclaves sous Spartacus qui put en réunir 70.000 sous ses ordres, mit Rome à deux doigts de sa perte. Même lorsqu’ils étaient affranchis, les esclaves n’étaient pas, dans l’ancien droit, sur le même pied que les hommes d’origine « ingénue », c’est-à-dire libres de naissance ; ils prenaient le nom de leur maître, qui devenait leur patron ; dans l’ordre politique, ils ne pouvaient aspirer à certaines dignités, ni contracter mariage avec des ingénus. Sous l’empire, le droit de « régénération » ou assimilation avec les ingénus leur fut accordé de plus en plus fréquemment et l’on vit certains d’entre eux s’élever aux hautes fonctions publiques. Ils exerçaient les professions commerciales et industrielles dédaignées par les ingénus. Quelques-uns, comme Narcisse, devinrent des conseillers des empereurs. D’autres brillèrent par leur génie ou leur talent : Térence, Ésope, Phèdre, etc… Le célèbre poète Horace était fils d’un affranchi.
« Ce n’était point par humanité que quelques esclaves avaient été affranchis, mais par nécessité. En effet, la classe des nobles, des propriétaires, par devoir, dédaigne tout travail manuel. « Qu’aucun citoyen, dit Platon, ni même le serviteur d’aucun citoyen, n’exerce de profession mécanique. Le citoyen a une occupation qui exige de lui beaucoup d’étude et d’exercice : c’est de travailler à mettre, et à conserver le bon ordre dans l’État. »
Or, il y a du travail manuel, mécanique, dans l’exploitation de l’esclave.
Les nobles sont donc obligés de confier ce travail à des esclaves, auxquels ils transmettent un certain degré de pouvoir. Ils choisissent naturellement pour cet emploi ceux dont l’intelligence est le mieux développée ; ils développent même parfois expressément l’intelligence de quelques-uns d’entre eux, afin de pouvoir s’en faire mieux aider dans l’exploitation des masses.
Ces esclaves, auxquels est ainsi déléguée une certaine autorité, deviennent dès lors des affranchis.
« Les affranchis (Colins, Science Sociale, t. II) par le travail et l’industrie que la caste privilégiée leur abandonne comme ignobles, amassent, nécessairement, presque toute la richesse mobilière productive ; d’autant plus que la propriété territoriale leur est interdite autant que possible.
« Par la seule force de cet état de choses, les affranchis deviennent de plus en plus nombreux. Lorsque leur nombre les a rendus redoutables pour les nobles, contre lesquels ils pourraient soulever le peuple à l’aide de l’action plus directe et plus immédiate qu’ils exercent sur lui, il faut que la caste des nobles, pour engager les affranchis à continuer, à leur profit commun, le système d’oppression établi, les admette au partage des bénéfices du despotisme… »
« … C’est alors que les affranchis privilégiés prennent le nom de : bourgeois ; ils deviennent caste politique.
« La propriété bourgeoise se transmet, non par droit de primogéniture, mais par simple hérédité, avec faculté d’aliéner.
« Or, par suite de ces deux conditions, il arrive nécessairement qu’une partie des affranchis se trouve privée de propriété. Et ainsi s’établit, parmi eux, deux divisions plus ou moins tranchées : l’une de « propriétaires » l’autre de « prolétaires ».
Mais les bourgeois ne se contentent bientôt plus de partager les bénéfices de l’exploitation avec la classe supérieure, ils veulent tout avoir. Pour atteindre ce but, ils soulèvent, au moyen de sophismes, la masse des exploités contre les nobles et le clergé et parviennent ainsi à les renverser. Il suffit pour enlever toute influence sociale à la noblesse, de lui enlever le privilège de la propriété foncière, et d’abolir l’hérédité par primogéniture quand elle existe.
Voici comment s’exprime A. de Potter : « C’est pour leur grand intérêt que les despotes affranchissent certains de leurs esclaves, et donnent ainsi naissance au bourgeoisisme. Le même motif les guide dans la transformation graduelle qu’ils font subir à l’esclavage.
« Dès l’origine des sociétés, il y a des esclaves.
« Quand il y a trop d’esclaves, et que leur réunion, dans chaque intérieur domestique, les rend dangereux à la sécurité des maîtres, ceux-ci, pour les diviser par des intérêts, leur disent que les plus méritants d’entre eux vont cesser d’être esclaves. Alors ils en attachent une partie à la glèbe, sous le nom de « serfs ». Le serf est « libre » de la chaîne ; il ne peut plus être vendu « individuellement ».
« Quand les maîtres, propriétaires du sol, ont trop de serfs, vu l’accroissement des populations ; quand, vu cet accroissement, les terres rapportent plus, et plus facilement, par le travail d’hommes qui se croient libres, que par celui des serfs ; les maîtres — tant pour affermir leur autorité par des espèces de surveillants qu’ils s’adjoignent, que pour augmenter leurs revenus et s’emparer, au moyen de l’offre du rachat, du pécule des serfs — ils finissent par anéantir la servitude en faisant des « affranchis ». L’affranchi est, en apparence, encore plus libre que le serf : il ne peut plus être vendu.
« Quand ensuite il y a trop d’affranchis ; quand une partie d’entre eux est devenue caste bourgeoise, et que, toujours par suite de l’accroissement de population et des communications qui en résultent, le nombre des affranchis restés sans propriété devient inquiétant pour la féodalité bourgeoise comme pour la féodalité nobiliaire, toutes deux, d’accord entre elles, ne reconnaissent plus que des « vassaux » et des « ouvriers ».
« Enfin quand il y a trop de vassaux et d’ouvriers relativement à l’intelligence, à la population et aux communications de l’époque, les bourgeois renversent la féodalité nobiliaire à l’aide du peuple, et s’emparent du pouvoir. Ils abolissent en même temps les diverses mesures, ou droits féodaux qui en étaient la conséquence et établissent ainsi, à les en croire, l’égalité, la libre concurrence entre tous les travailleurs. C’est seulement à partir de cette époque qu’il y a des « prolétaires » décorés par le bourgeoisisme du nom de travailleurs « libres ». Ce sont les esclaves de la propriété mobilière, du capital.
« L’esclave passe ainsi, toujours sous le nom « d’homme libre », aussitôt qu’il se trouve émancipé du servage, par les transformations « d’affranchi », puis de « vassal » sous un seigneur, ou « d’ouvrier » sous une corporation bourgeoise, puis enfin de « prolétaire ».
Mais il est un terme où ces émancipations illusoires qui, en réalité, sont des aggravations d’esclavage, doivent s’arrêter. Nous sommes précisément arrivés à cette époque. À chacune des émancipations dont nous parlons, le maître avait pu présenter à l’esclave un avantage apparent à changer de position, et avait retiré, lui, un profit réel de ce changement. Mais lorsque l’esclave, d’affranchissement en affranchissement, est tombé dans l’abîme du prolétariat, il n’en est plus ainsi. Existe-t-il maintenant, un nouvel avantage illusoire à offrir aux esclaves ? Aucun. Le prolétaire, en apparence, est libre comme l’air. Son travail, il est vrai, est indirectement pressuré. Mais directement, jamais il ne lui est demandé une obole. Le prolétaire a-t-il ensuite quelque chose à perdre qui puisse avantager ses maîtres ? Rien, absolument rien ! »
La prise du pouvoir par la bourgeoisie eut pour conséquence, par la liberté du commerce, de faciliter le passage des individus d’une classe à l’autre. Tel prolétaire s’enrichit et passe à la bourgeoisie ; tel bourgeois se ruine et est rejeté dans les rangs du prolétariat où il ne tarde pas à devenir un puissant ferment de révolte. La liberté d’opinion, facilite l’expansion des idées de justice, de fraternité, de liberté. L’écho des Révolutions, réveille jusque dans les pays les plus lointains, l’esprit de lutte. Les derniers remparts de l’esclavage tombent sous les coups du mouvement humanitaire du xixe siècle.
Aux États-Unis, la guerre de Sécession, entre les États du Sud, esclavagistes, et ceux du Nord, abolitionnistes, qui avait commencé en 1860 se terminait en 1865 par la défaite des esclavagistes.
Dans les colonies françaises l’esclavage avait été aboli en 1848 ; en Russie, en 1861 ; au Brésil, en 1888.
Mais l’esclavage existe encore dans certaines parties de l’Afrique et nous pouvons lire dans « l’En Dehors » de janvier 1927 : Aux États-Unis… Les lynchages de nègres sont fréquents. Dans les villes, on les tient autant que possible séparés ; les hôtels, restaurants, théâtres, ayant une clientèle blanche, n’acceptent pas de noirs. Certains quartiers et tramways leur sont interdits. Il est des communes, de petites villes, et même des régions dont ils sont exclus absolument, et il n’est pas rare que les hommes de « couleur », non avertis, y soient assassinés.
« … Il y a quelque temps, à Miami, on voyait un petit monument, placé sur un trottoir de la première rue, sur lequel on pouvait lire : « C’est ici qu’il y a quelques années, un homme blanc fut trouvé, lequel avait été enduit de goudron et de plumes, parce qu’il avait prêché l’égalité pour les nègres. Si vous êtes un noir insensé, ou un blanc qui croyez à l’égalité sociale, vous êtes prévenu que ce comté n’a pas besoin de vous. »
« Dans l’Ouest, on a vu, en 1923, des commerçants et banquiers aller dans les champs, empoigner les Japonais pour les jeter sur des camions et les transporter ailleurs. »
L’esclavage, fruit de l’oppression du faible par le fort, n’est pas près de disparaître de notre globe. Cependant les anarchistes redoublent d’efforts afin d’allumer dans les esprits des opprimés, la flamme des fières résistances à l’oppression. Ils espèrent instaurer enfin une société où nulle trace d’esclavage, d’autoritarisme ne viendra enlaidir la vie des humains. — A. Lapeyre.
ESCLAVAGE. La signification de ce mot est pour tout le monde celle-ci : Asservissement d’un ou plusieurs individus à d’autres plus forts ou plus malins. Il y a toujours eu des esclaves. Mais selon les époques, les pays et les conditions sociales, selon même le degré et les formes de civilisation, l’esclavage a différé dans son genre et ses méthodes.
Des volumes entiers ne suffiraient pas à décrire les souffrances des esclaves à travers les âges, dans tous les pays du monde ; rien ne peut résumer l’ignominie, la cruauté, le sadisme autoritaire des maîtres, surtout à certaines époques des civilisations disparues. Cela, dit-on, n’existe plus.
On sait pourtant que l’esclavage, sous des noms différents, a toujours existé, pour la honte de l’humanité. On sait qu’il existe encore plus ou moins. Il suffit de le vouloir pour le constater en pleine prospérité ignoble : dans les casernes, dans les colonies, dans les bagnes capitalistes, dans les établissements religieux, dans les couvents, les ouvroirs, les refuges philanthropiques et autres institutions hypocrites de prétendue charité…
D’une façon générale, dans la civilisation bourgeoise, actuelle, nous croyons inutile de démontrer en détail son existence : toutes les victimes de l’exploitation de l’homme par l’homme sont de malheureux esclaves.
Un brillant écrivain du xixe siècle, Chateaubriand, a écrit : « Le salariat est la dernière forme de l’esclavage. »
Vouloir, comme le veulent tous les socialistes, la suppression de l’Esclavage, c’est donc vouloir la suppression du salariat. Il nous semble impossible de l’abolir sans abolir le Capitalisme et tout le système d’exploitation qui en découle, et tout le système autoritaire d’organisation sociale qui le maintient. Une révolution sociale peut, seule, en venir à bout par la Révolte consciente des esclaves. — G. Yvetot.
ESCROQUERIE n. f. L’escroquerie, nous dit le Larousse, est l’ « action d’obtenir le bien d’autrui par des manœuvres frauduleuses ».
L’escroquerie se différencie du vol proprement dit en ce que, dans le vol, le délinquant s’approprie le bien d’autrui à l’insu de ce dernier, alors que dans l’escroquerie la victime apporte elle-même son argent ou son bien au détrousseur qui l’a trompée sur la destination de ce dépôt ou sur l’usage qu’il comptait en faire.
L’escroquerie est un délit puni par la loi ; mais les articles du Code sont tellement élastiques, qu’un escroc, adroit, puissant et intelligent, ne se laisse prendre que très rarement. D’autre part, la loi permet l’escroquerie lorsque celle-ci est exercée sur une grande échelle et bien souvent elle la favorise.
Légalement « Le délit d’escroquerie existe par la réunion de trois éléments : 1o l’emploi de moyens frauduleux, consistant dans l’usage d’un faux-nom ou d’une fausse qualité, ou bien dans des manœuvres tendant à tromper la victime choisie (le mensonge pur et simple, ne suffit pas) ; 2o l’obtention de valeurs grâce à l’usage de ces moyens ; 3o le détournement ou la dissipation de ces valeurs. » (Larousse)
Or, nous disons quelques lignes plus haut que la loi favorise l’escroquerie. Les deux premiers éléments de la citation ci-dessus vont nous le démontrer si nous les étudions tant soit peu.
On n’escroque plus aujourd’hui sous un faux nom car il y a vraiment trop de facilités d’escroquer légalement sous le couvert d’une société civile, commerciale ou anonyme. De plus, puisque le mensonge pur et simple ne caractérise pas le délit d’escroquerie, c’est ouvrir la porte à tous les abus, puisqu’en réalité l’escroquerie en soi repose sur un mensonge pur et simple.
Prenons un exemple courant en matière commerciale, industrielle et bancaire.
Un groupe d’individus décide de former une société anonyme en vue d’exploiter une industrie ou un commerce quelconque. Ils n’ont pas d’argent pour lancer leur affaire et, d’autre part, celle-ci est plutôt équivoque et les espérances sont aléatoires. Ils s’en vont trouver un banquier et lui demandent de bien vouloir mettre en circulation un certain nombre d’actions qui procureront les fonds nécessaires à l’entreprise.
Si le banquier accepte, il prélèvera sur chaque action placée, un bénéfice d’autant plus grand que l’affaire est douteuse. Dans une entreprise sérieuse le banquier ne demandera que 2, 3 ou 4 % ; dans une entreprise véreuse il réclamera 8, 9 ou 10 % et parfois plus.
Le banquier n’engage jamais son argent. Le marché conclu, par l’intermédiaire de ses démarcheurs, il cherchera des clients ; leur vantant la marchandise qu’il présente, et leur faisant espérer des bénéfices mirifiques dans un temps rapproché, il sortira l’argent des poches des pauvres poires qui se laissent prendre aux offres alléchantes qui leur sont faites et partagera avec ses complices le fruit de leur larcin.
Au bout d’un temps plus ou moins long, l’entreprise périclitera — car telle était sa destinée — l’action de cent francs ne vaudra plus que cent sous et le tour sera joué. C’est le mensonge des commerçants, de l’industriel et du banquier qui aura été cause de la perte sèche des actionnaires, mais l’affaire est légale, elle est couverte par la loi, il n’y a pas escroquerie et les « escrocs » sont à l’abri de toute poursuite.
Les combinaisons en matière d’escroquerie sont multiples et la banque est une association d’escrocs. Comment un gouvernement prendrait-il des mesures contre toutes ces organisations financières alors qu’il en est le prisonnier et qu’il a lui-même recours aux gens de la haute finance pour escroquer les deniers du public ? Toute escroquerie nationale se fait par l’intermédiaire de la banque. Le public, éternellement confiant, éternellement crédule, bien que volé des milliers et des milliers de fois, se laisse toujours prendre. Rien ne lui sert d’exemple ni d’enseignement. Il faudrait un ouvrage colossal pour citer tous les cas retentissants d’escroquerie, tous les scandales qui ont éclaté depuis la fameuse affaire de Panama remontant à 1889 et que Jaurès rappelait en ces termes à la séance de la Chambre, le 25 juillet 1894 :
« Est-ce que vous vous imaginez qu’il y a eu quelqu’un qui n’ait pu être touché, remué, bouleversé dans sa conscience, si isolé que vous le supposiez, lorsque pendant six mois, tout ce pays, toute cette Chambre ont été suspendus à la dramatique discussion de l’affaire que vous connaissez bien, lorsque le pays a appris tout à coup que sur les centaines de millions qu’il avait versés, près des deux tiers avaient été gaspillés d’une façon criminelle ; quand il a pu voir que cette corruption capitaliste et financière avait voisiné avec les Pouvoirs publics, quand le Parlement et la finance causaient dans les coins, trinquaient ensemble ? Est-ce que vous croyez que cela n’était rien quand il a appris que des ministres allaient être traduits en cours d’assises, quand il a appris que des dénégations hautaines, portées à la tribune ou devant la commission d’enquête, allaient être suivies de révélations écrasantes et de foudroyantes condamnations ; lorsqu’il y a eu un moment où, devant cette commission d’enquête, les uns comparaissaient la tête haute, les autres balbutiant, où, pour le public qui regardait, le Palais-Bourbon et la Cour d’Assises semblaient de niveau, où les puissants passaient des grands salons éclairés du pouvoir dans les couloirs obscurs de la justice et où, comme sur un disque tournant les couleurs se confondent, le pays vit se mêler sur le disque rapide des événements, la couleur parlementaire et la couleur pénitentiaire ? » (Jean Jaurès, discours prononcé à la séance de la Chambre des députés le 25 juillet 1894.)
Comme dans toutes les escroqueries de haute école, dans l’affaire du Panama, les véritables coupables s’en tirèrent à bon compte ; et depuis quarante ans rien n’a changé. Le Parlement se corrompt chaque jour davantage et ses membres participent de plus en plus aux affaires louches et véreuses. Comme par le passé, l’escroquerie s’organise dans les couloirs du Palais Bourbon et la magistrature assise ou debout innocente par ses arrêts les détrousseurs du Peuple.
Le tsar de toutes les Russies avec l’assentiment des divers gouvernements français qui se sont succédé depuis 1900 a escroqué au peuple plusieurs milliards. Aujourd’hui que le peuple russe, avec raison, se refuse à reconnaître les dettes contractées par l’impérial tyran, les porteurs de fonds russes, pour la plupart petits fonctionnaires et petits rentiers, se laissent de nouveau dépouiller de ce qui leur reste, par un autre despote : le tsar de Roumanie. Et la comédie continue. La Banque, le Parlement, la Presse, associés dans leur ignoble besogne participent à l’escroquerie. Le peuple ne voit rien, il n’entend rien, il ne comprend rien. De même qu’en matière électorale il porte ses suffrages sur le candidat le plus menteur — le meilleur ne vaut rien — en matière financière, il porte ses économies au plus voleur.
Et si, par hasard, éclairé d’une lueur de raison, il se refuse à donner son argent à l’État ou aux États qui le lui réclament, le peuple l’engloutit dans des sociétés mutuelles, dans des sociétés d’assurances, dans des sociétés commerciales qui ne sont également que de vastes entreprises de spéculation où l’on se charge de dilapider les fonds recueillis.
Le monde capitaliste est un vaste marché. Nous avons par ailleurs dénoncé le commerce comme un vol légal ; il est également une escroquerie tolérée et si parfois, à la suite d’un scandale retentissant, les juges condamnent les délinquants à des peines relativement minimes en regard des méfaits accomplis, c’est un accident, une exception qui confirme la règle.
Dans l’escroquerie commerciale, comme dans l’escroquerie financière, l’État et le Parlement ne sont pas ignorants des pratiques frauduleuses, et bénéficient des manœuvres malhonnêtes qui s’exercent ouvertement. En 1925, un pamphlétaire parisien dénonça dans la revue qu’il publiait, l’escroquerie monstrueuse organisée par une société commerciale empoisonnant le public français avec une eau soi-disant minérale qui n’était en réalité qu’une eau de rivière même pas purifiée. Les savants, à l’analyse, étaient unanimes à reconnaître que l’eau vendue au public ne possédait aucune propriété curative et ne provenait même pas de la source de laquelle elle était supposée jaillir. Cependant, cette société poursuit activement son entreprise. La presse, la Grande presse liée par des contrats de publicité, achetée pour garder le silence, est muette comme une carpe, et ladite société continue à écouler par année des millions et des millions de bouteilles de son eau de rivière.
L’État ne dit rien non plus et il n’y a pas lieu de s’en étonner car il touche 0 fr. 20 sur chaque bouteille vendue. Et c’est ainsi que, non seulement pour satisfaire aux appétits des mercantis, on escroque le pauvre monde, mais encore on livre à la consommation des produits nocifs et malfaisants.
La soif d’argent du capitalisme ne connaît pas de limites. La bourgeoisie profite de toutes les occasions pour grossir sa richesse. La guerre de 1914-1918 fut pour elle une source de profits. Cela ne fut pas suffisant et elle spécule sur l’après-guerre.
La destruction d’une partie du territoire français, les ravages causés dans les centres du Nord, la misère et la détresse des habitants, permit au capitalisme d’organiser l’escroquerie des « régions libérées ».
Sur une centaine de milliards de francs alloués pour la reconstruction des départements dévastés par la guerre, par un jeu de combinaisons admirables parfaitement licites, le petit fut dépossédé au profit du gros. Et c’est toujours la même histoire ; la société le veut ainsi.
Les formes d’escroquerie sont tellement nombreuses que l’on s’étonne qu’une société puisse subsister dans de telles conditions. Personne n’échappe aux tentacules de l’escroc, et les sans-travail, les chômeurs, les misérables à la recherche d’un emploi, sont eux-mêmes victimes des procédés indélicats d’êtres sans aveu qui leur soutirent les derniers sous qu’ils ont en poche, en leur promettant des places avantageuses qui ne viennent jamais.
Tenter de réformer un tel état de choses serait folie. Ce ne sont pas les Anarchistes qui sont des utopistes, ce sont tous ceux qui prétendent rénover par des moyens légaux l’ordre social actuel.
Qu’on le veuille ou non, seule la Révolution, balayant toute la corruption qui règne souveraine, peut transformer la Société.
Nous avons eu pendant des siècles l’escroquerie religieuse ; nous avons aujourd’hui l’escroquerie laïque, l’escroquerie civile, l’escroquerie collective ou individuelle qui découlent toutes du capitalisme. Tant qu’une société, par sa forme d’organisation, par ses rouages, permettra au plus malin de tromper son semblable pour en tirer profit ; tant que le monde sera gouverné et dirigé par le mensonge, l’escroquerie subsistera. Elle est une conséquence du régime capitaliste et ne disparaîtra qu’avec lui. C’est aux hommes conscients, éclairés, qu’il incombe d’accomplir la tâche d’assainissement qui s’impose et d’entraîner derrière eux toutes les victimes de l’escroquerie sociale.
ESPERANTO. Langue artificielle d’étude facile qui, sans se substituer aux langues nationales, permet à des hommes de mœurs et de langage les plus différents de se comprendre et d’établir entre eux des relations.
Esperanto signifie : qui espère. C’est de ce pseudonyme que le Docteur Zamenhof, auteur de la langue qui a gardé ce nom, signa ses premiers ouvrages sur ce sujet. C’est qu’un grand espoir ranimait, en effet, ce chercheur lorsqu’il travaillait à son projet de langue universelle. (Voir ci-dessous Zamenhof).
Origine et structure. — L’Esperanto n’est pas composé de mots et de formes arbitraires nés dans l’esprit de Zamenhof ; il est le fruit d’un long travail de recherches et de comparaisons linguistiques.
Toutes les racines sont tirées des langues Indo-Européennes, le choix de l’auteur étant guidé par le seul souci de rechercher les plus répandues, sauf les cas où celles-ci offraient trop de difficultés de prononciation ou bien quand l’une d’elles, par trop de similitude avec une autre, pouvait prêter à confusion.
Pour la grammaire, elle est basée sur la plus simple : l’anglaise ; le vocabulaire est réduit au minimum par le jeu des affixes et des prépositions employées comme affixes.
Dans les verbes, le nombre de temps est limité à l’indispensable pour la clarté du discours.
Toute la grammaire tient en 16 règles sans aucune exception. Les voici en peu de lignes :
1o Un seul article défini : la, pour tous les genres et pour tous les nombres, pas d’article indéfini.
2o Le substantif se termine toujours par o, auquel on ajoute j au pluriel. Deux cas seulement : le nominatif et l’accusatif, ce dernier est indiqué par un n final, les prépositions : de, al, per, por, etc., remplacent les autres cas.
3o L’adjectif prend la finale : a, les cas sont indiqués comme au substantif. Le comparatif se forme au moyen du mot : pli, le superlatif au moyen du mot : plej, le que du comparatif se traduit par : ol, le de du superlatif par : el.
4o Les adjectifs numéraux cardinaux sont invariables, on leur ajoute l’a de l’adjectif pour former les numéraux ordinaux, obi pour les multiplicatifs, on pour les fractionnaires, op pour les collectifs ; on place po avant les cardinaux pour indiquer les distributifs.
5o Les pronoms personnels sont : mi (je), vi (tu, vous), li (il), si (elle), gi (il, elle neutre), si (soi), ni (nous), ili (ils, elles), oni (on), précédés par la (le, la les) et, terminés par a, ils deviennent possessifs.
6o Le verbe n’a ni genre, ni nombre ; il prend les désinences suivantes : présent : as, passé : is, futur : os, conditionnel : us, impératif : u, infinitif : i, participe présent actif : ant, participe présent passif : at, participe passé actif : int, participe passé passif : it, participe futur actif : ont, participe futur passif : ot.
7o L’adverbe prend la finale : e.
8o Toutes les prépositions impliquent le nominatif.
9o Chaque mot se prononce comme il s’écrit.
10o L’accent tonique se place toujours sur l’avant-dernière syllabe.
11o Les mots composés sont formés par la réunion de mots simples, le mot fondamental placé à la fin.
12o Si un mot de sens négatif se trouve dans une phrase, on supprime l’adverbe de négation : ne.
13o Si le mot indique le lieu où l’on se rend, il prend l’n de l’accusatif.
14o Chaque préposition a, en Esperanto, un sens très défini sauf une : je qui s’emploie dans les cas douteux où toute autre préposition ne s’impose plus.
15o Les mots étrangers, c’est-à-dire ceux que presque toutes les langues ont empruntés à la même source ne changent pas en Esperanto, ils prennent seulement l’orthographe et la terminaison de la langue.
16o Les terminaisons des substantifs et de l’article peuvent se supprimer et se remplacer par une apostrophe. Cette règle s’appliquant principalement en versification.
Diffusion de l’Esperanto. — De 1887, époque où Zamenhof fit éditer son premier manuel, jusqu’en 1905 date du premier Congrès espérantiste tenu à Boulogne-sur-Mer, l’Esperanto rencontra bien des difficultés, mais sa création et ses débuts sont si étroitement liés à la vie même de son auteur, qu’il est impossible de les séparer. L’histoire de la langue est l’histoire de l’homme.
Après Boulogne commença seulement la période de propagande et de diffusion dans tous les milieux. Chaque année, sauf pendant la guerre, un Congrès réunit les délégués des espérantistes de tous pays et de toutes tendances groupés dans Universala Esperanta Asocio (U. E. A.), Association Universelle Espérantiste.
Cependant, il faut reconnaître que, contrairement à l’espoir de Zamenhof, l’Esperanto pénétra beaucoup plus rapidement dans les milieux bourgeois qui l’employèrent à des fins dépourvues d’idéalisme. Les commerçants surtout en comprirent toute l’utilité pour le développement de leurs affaires. Des bourgeois désœuvrés l’apprirent par snobisme. Les institutions catholiques se gardèrent de négliger cet outil qui pouvait si bien servir leur propagande. Les policiers, enfin, se hâtèrent d’en tirer parti. Hélas, les chauvins eux-mêmes n’eurent pas de scrupules à l’employer pour leurs desseins pendant la guerre.
Plus lentement, mais de façon certaine, la nouvelle langue pénétra dans les milieux ouvriers et révolutionnaires. Les anarchistes et syndicalistes anarchistes qui formaient l’élément le plus nombreux dans les milieux espérantistes prolétariens d’avant-guerre se groupaient dans l’association internationale Paco-Libereco, « Paix-Liberté », qui éditait une revue courageuse Internacia Socia Revuo. Plusieurs traductions d’ouvrages anarchistes datent de 1907 et de 1908 et ont été édités par les soins de cette association.
Plus tard se constitua une autre organisation internationale réunissant les révolutionnaires de toutes tendances Liberiga Stelo, « L’Étoile Libératrice », tous les espérantistes d’avant-garde apportèrent leurs efforts à la nouvelle association.
Un grand mouvement se dessinait dans les milieux prolétariens pour se séparer totalement des espérantistes bourgeois.
En 1914, le 10e Congrès de U. E. A. devait s’ouvrir à Paris. Les révolutionnaires avaient projeté de profiter de la présence des délégués pour organiser un premier Congrès Ouvrier.
Le Travailleur Espérantiste, organe de l’Union Espérantiste Ouvrière Française offrit ses colonnes aux organisateurs de ce Congrès. Hélas, la guerre vint et tout espoir dut être abandonné provisoirement.
Après la guerre Le Travailleur Espérantiste fit paraître un supplément en Esperanto Esperantista Laboristo qui devint l’organe officieux de Liberiga Stelo.
Puis vint le Congrès de Prague (1921). Le premier Congrès ouvrier préparé depuis 1914 put enfin avoir lieu à l’issue de celui de U. E. A. Là se consacra la scission. Liberiga Stelo devint Sennacieca Asocio Tutmonda (S. A. T.) Association Mondiale A-nationale. Esperantista Laboristo prit le nom de Sennacieca Revuo et devint l’organe officiel de la nouvelle association.
Cette association comprend actuellement 3.500 membres et fonctionne parfaitement, faisant paraître un hebdomadaire Sennaciulo tirant à 6.000 exemplaires et une revue mensuelle Sennacieca Revuo ayant plus de 3.000 abonnés.
Les anarchistes espérantistes, sentant à leur tour le besoin de faire entendre leur voix, d’exprimer librement leur pensée toute entière sur toutes choses, ont compris la nécessité de s’ouvrir un champ d’action qui leur serait propre et où aucune censure ne viendrait châtrer leur pensée, amoindrir la force de leur argumentation, ils ont rêvé d’un organe où ils pourraient ouvrir des débats d’idées sur les questions sociales, philosophiques ou autres du point de vue vraiment anarchiste et ainsi fut fondée en 1924 la Tutmonda Ligo de Esperantistoj Senstatanoj (T. L. E. S.), Ligue Mondiale des Antiétatistes Espérantistes, qui vient à son tour d’éditer son organe Libera Laboristo.
En dehors des organisations purement esperantistes, la langue internationale est utilisée par un nombre considérable de personnes et de groupements.
Des organisations bourgeoises telles que : Chambres de commerce, Comités des Foires internationales, Offices de Tourisme, etc… l’emploient avec d’heureux résultats. Le Bureau International du Travail l’emploie pour sa correspondance au même titre que les autres langues.
L’Esperanto est enseigné dans bon nombre d’écoles primaires et secondaires dans beaucoup de pays. Il est inutile de s’étendre sur les progrès qu’il a faits dans la T. S. F. et les services qu’il rend dans cette voie.
Mais c’est surtout dans les organisations ouvrières qu’il montre son utilité et devient chaque jour un auxiliaire plus précieux.
L’Internationale de l’Enseignement assure toute sa documentation sur le mouvement pédagogique mondial presqu’exclusivement au moyen de l’Esperanto. L’Esperanto est même si répandu chez les postiers qu’ils ont pu former une ligue Internacia Ligo de Esperantistaj Post-Telegrafistoj (I. L. E. P. T. O.), Ligue Internationale des Postiers-Télégraphistes Esperantistes, qui fait paraître une revue mensuelle très intéressante, La Interligilo de l’P. T. T. La Fédération Internationale des Transports l’utilise également pour ses rapports internationaux.
L’Association Internationale des Travailleurs publie un bulletin d’informations en Esperanto.
Toutes les organisations ouvrières japonaises utilisent l’Esperanto. Il faut remarquer qu’il est très répandu en Extrême-Orient : Chine, Japon, très répandu également en Russie ; que les pays centraux, Allemagne, Autriche, Tchécoslovaquie, etc., en comptent une proportion beaucoup plus forte que les pays occidentaux.
Actuellement cinquante journaux ou revues paraissent entièrement rédigés en Esperanto et cinquante-quatre, partie en Esperanto, partie en langue nationale.
L’Esperanto et les Anarchistes. — D’après le chemin parcouru par l’Esperanto en trente-huit ans, il est facile de se rendre compte qu’il répond à un besoin. La vie moderne n’est plus nationale, elle est devenue internationale, mondiale.
L’homme d’aujourd’hui ne peut plus ignorer ce qui se passe hors de son pays. L’anarchiste ne le peut ni ne le veut. Il ne peut se contenter des informations intéressées des journaux bourgeois. Des organismes se sont créés pour renseigner les camarades de façon impartiale, mais le temps passé en traductions et retraductions fait perdre de l’importance à toute information qui ne vient plus à son heure.
Nous avons besoin aujourd’hui de savoir tout et de savoir vite ce qui se passe dans le monde entier.
Nous avons besoin aussi de savoir quelle forme particulière prend l’idée anarchiste lorsqu’elle est étudiée et approfondie par des hommes chez qui les mœurs et l’éducation différentes des nôtres ont créé une mentalité également différente de la nôtre ; nous avons besoin de comparer les pensées et les œuvres de tous. Seul, l’emploi généralisé de l’Esperanto peut résoudre ces problèmes.
En l’utilisant pour ces fins, les anarchistes rendent à l’Esperanto toute sa valeur sociale ; c’est pourquoi ils ont voulu créer leur organisme propre T. L. E. S. Il leur appartenait de redonner à cette incomparable invention le but que lui avait assigné son auteur : l’intercompréhension entre les hommes, but qui, atteint, fera peut-être naître entre eux les sentiments de fraternité et d’amour. Mais ce but n’est-il pas aussi l’un de ceux que se propose l’Anarchie ? Ainsi, sans le savoir, peut-être, Zamenhof, par son œuvre, collabora à l’œuvre anarchiste.
Zamenhof (Louis-Lazare). — Docteur et philologue, auteur de l’Esperanto, né en 1859, à Bielostock.
Placé par les hasards de sa naissance dans cette partie de la Pologne déchirée où vivaient, dans un perpétuel état de lutte plusieurs races possédant chacune leur dialecte propre, où les querelles nées de l’incompréhension éclataient à chaque instant, il fut souvent le témoin de scènes douloureuses entre Juifs, Russes, Allemands et Polonais. La vue de ces malheureux opprimés se haïssant et s’entre-déchirant sans se comprendre l’attristait.
Profondément bon, et surtout ami de la paix et de la fraternité, il souffrit plus que tout autre au spectacle de cette image en raccourci de l’humanité ravagée par les guerres et à ce moment naquit en lui le désir d’apporter un remède à cet état de choses.
Cependant, il n’avait pas quinze ans. À partir de ce moment, cette question, sans cesse, occupa son cerveau. Il envisagea différentes solutions, mais une seule lui sembla digne d’être retenue : le recours à une langue unique. Mais laquelle ? L’inimitié qui divise les races s’oppose à l’adoption d’une langue vivante. Une langue morte : grec ou latin, ne possède pas un vocabulaire suffisamment riche pour servir de moyen d’expression aux hommes modernes, la vie d’aujourd’hui étant beaucoup plus compliquée. Il aurait été nécessaire de l’accommoder, de l’enrichir, à tel point qu’elle en aurait été complètement transformée. Il fallait à tout prix créer une nouvelle langue.
Cette conviction acquise, il résolut de se consacrer à l’élaboration d’une langue artificielle.
D’intelligence précoce et connaissant déjà le français et l’allemand, il se mit aussitôt au travail, étudiant le latin et le grec, puis l’anglais. La tâche était lourde, mais le rêve était grand, le but à atteindre si attirant ! Cependant, la besogne était difficile et délicate. Le jeune Zamenhof avait, en effet, la claire conscience de ce que devait être cette langue nouvelle : non pas seulement un langage pour les lettrés ou les gens d’instruction moyenne, mais aussi, mais surtout pour le peuple, pour l’ouvrier, qui n’a que peu de temps à sacrifier à l’étude ; il fallait que cette langue fût claire, très simple, pour pouvoir être rapidement apprise ; il fallait cependant qu’elle pût tout exprimer.
Après plusieurs projets abandonnés successivement, Zamenhof termina, en 1878, un premier essai très imparfait, mais établi déjà sur les bases de l’Esperanto actuel. Obligé, par la volonté paternelle, de renoncer à son projet, il cessa d’y travailler pendant les trois années qu’il passa à l’Université de Moscou comme étudiant en médecine, mais son rêve, donner aux hommes le moyen de fraterniser, l’habitait toujours et toujours il songeait à son projet.
Aussi, le reprit-il dès son retour à Varsovie. Pendant six ans, patiemment, obstinément, il travailla, se montrant peu, renonçant à toute joie extérieure, consacrant ainsi ses plus belles années à son œuvre.
Enfin, en 1887, il jugea son projet suffisamment à point pour voir le jour. Il avait mis dans l’élaboration de cette langue un peu plus que son savoir ; il y avait mis un peu de sa vie, de son idéal. Il voulait que la langue fût humaine, qu’elle pût traduire les sentiments profonds des hommes.
Il s’était astreint à penser dans sa langue, se faisant des lectures à haute voix, ce qui l’amena, dans bien des cas, à supprimer des formes plus rigoureusement scientifiques pour conserver plus d’harmonie ; la langue devant être non seulement écrite mais aussi parlée, la phonétique ne devait pas être sacrifiée à la rigoureuse logique.
L’Esperanto connut des débuts difficiles. Le premier livre d’étude parut en langue russe en juillet 1887 ; la même année, Zamenhof en fit paraître des traductions polonaise, française et allemande. La nouvelle langue s’appelait alors simplement : langue internationale.
Il faut noter que le temps et l’usage seuls lui ont donné son nom actuel. Les adeptes de la langue artificielle en firent d’abord : la Lingvo de Esperanto, puis la Lingvo Esperanta, enfin l’Esperanto.
La diffusion se fit lentement ; elle toucha d’abord quelques personnalités à qui les premiers livres avaient été envoyés, puis une société américaine : American Philosophical Society of Philadelphia, qui venait juste de rejeter le Volapük eut connaissance de la brochure de Zamenhof et son comité, trouvant dans cette œuvre une solution vraiment rationnelle du problème de la langue internationale la fit éditer avec un dictionnaire anglo-esperanto.
Ce fait remplit de joie l’auteur qui, modeste, ne désirait pas se mettre en vue. D’ailleurs, l’outil forgé par lui pour tous, devait être, selon lui, perfectionné par tous ; la pratique, de plus en plus répandue, devait apporter elle-même les changements nécessaires. Pour cela même, il se refusa toujours d’augmenter lui-même son vocabulaire primitif. Il était, disait-il, « initiateur » et non « créateur » : « Une base est nécessaire, ma première brochure sera cette base ; elle contient toute la grammaire et un assez grand nombre de mots… Sur cette base doit se développer la langue comme croît le chêne sorti de l’humble gland… Le reste sera le fait de la Société humaine et de la vie, comme dans toutes les langues vivantes… Les mots incommodes disparaîtront d’eux-mêmes faute d’être employés, d’autres pénétreront dans la langue selon les besoins. »
Ainsi, en effet, se développa la langue, à mesure qu’elle se répandit. Alors que les dictionnaires contenaient à l’origine 918 racines, il y en a aujourd’hui plus de 4.000 communément employées.
L’une après l’autre, quelques personnalités s’intéressèrent à la langue. Enfin, en 1889, parut le journal L’Esperantiste, les premiers numéros d’abord en allemand et en esperanto, puis, par la suite, presqu’entièrement en esperanto. Quelques groupes amis se formèrent en Allemagne et en Bulgarie.
En 1891, existaient déjà trente-trois livres d’étude ou de propagande en douze langues, dix-sept auteurs avaient été traduits et déjà on comptait quelques petits ouvrages originaux. En 1893, Zamenhof fit paraître L’Universala Vortaro, dictionnaire qui contenait déjà 1.700 nouvelles racines puisées dans la littérature esperantiste, justifiant les prophéties de l’auteur.
En 1894, malgré l’effort de Zamenhof et de quelques amis dévoués, la parution de L’Espérantiste dut cesser. En même temps, le découragement se manifesta chez les premiers espérantistes. Cependant, de nouveaux clubs s’étaient formés.
En 1895, le club d’Upsola, en Suède, tentait un effort et mettait debout le journal Lingvo Internacia qui, en 1896, ouvrait un concours littéraire.
Zamenhof s’était fait oculiste, ayant abandonné la médecine générale. Il s’était installé dans un quartier pauvre de Varsovie et soignait surtout une clientèle nécessiteuse. Il passa ainsi toute sa vie, modestement et pauvrement, entre sa femme et leurs enfants. Malgré le dur labeur de la journée, il se remettait chaque soir à sa table, écrivant, traduisant une partie de la nuit. De 1900 à 1905, le mouvement avait pris plus d’ampleur : deux associations nationales existaient et éditaient des journaux. Mais, entre les années du début et cette date heureuse du premier Congrès Esperantiste, 1905, bien des difficultés se dressèrent devant l’Esperanto, en entravant la marche ; des projets et contre-projets de réformes sur lesquels n’arrivaient pas à se mettre d’accord les réformateurs gênèrent beaucoup la propagande. Aussi, à Boulogne, on en revint à la solution la plus sage, celle de l’auteur : sur la base immuable du « Fundamento », laisser l’évolution s’accomplir d’elle-même.
Les années passèrent ; l’Esperanto se répandit de plus en plus, mais Zamenhof eut à souffrir de voir son œuvre détournée de son but par une partie des esperantistes eux-mêmes. Vint 1914. Le Congrès devait se tenir à Paris, au début d’août. Zamenhof avait projeté de réunir, à l’issue du Congrès, une conférence des pacifistes ; les organisateurs du Congrès refusèrent de faire connaître son projet par crainte de représailles des chauvins qui, déjà, s’agitaient. Indigné et peiné, Zamenhof résolut de venir malgré tout à Paris et d’essayer, avec quelques amis, de préparer un Congrès de pacifistes en pays neutre.
Hélas ! Lorsqu’il arriva à Cologne, les hostilités commencées l’obligèrent à renoncer à son voyage. Toute la nuit, les passages de troupes sur le Rhin lui rappelèrent l’odieuse réalité. L’image de la guerre se dressait devant ses yeux. Il arrivait trop tard, lui et son rêve de paix et de fraternité universelles. Il sentit quelque chose se briser en lui. Il revint à Varsovie après un voyage épuisant de huit jours dans des trains bondés, sans pouvoir s’asseoir, sans presque manger, toujours accompagné par sa dévouée compagne. Il rentra dans son logis qu’il ne quitta plus ; la maladie de cœur qui, trois ans plus tard l’emporta, venait de se déclarer, lui imposant l’inaction.
Déchiré, torturé de voir son grand rêve d’amour et de fraternité démenti par la plus hideuse des boucheries, il osa encore espérer en l’avenir. Il s’employa à la préparation d’un Congrès de Pacifistes. Puis il élabora un projet de convention internationale européenne qui, dans sa pensée, devait garantir la paix. Mais la guerre se prolongeait. Il souffrait pour tous et son mal empirait. Comme si cela n’était pas suffisant, il fut frappé dans ses affections. La Révolution russe avait apporté un peu d’espoir. Mais il s’éteignit le 14 avril 1917, en pleine guerre, tué par elle, après avoir voué sa vie à la cause de la Fraternité universelle.
Bibliographie. — Des livres d’étude de l’Esperanto existent dans trente-neuf langues, à savoir, en :
Allemand, anglais, arabe, arménien, bulgare, catalan, chinois, croate, danois, espagnol, estonien, finnois, français, gallois, géorgien, grec, hébreu, hollandais, hongrois, islandais, italien, japonais, latin, letton, lithuanien, persan, polonais, portugais, roumain, russe, ruthène, serbe, slovaque, slovène, suédois, tchèque, turc, ukrainien, visaïen.
Le nombre exact des ouvrages publiés manque pour plusieurs pays. Voici cependant une liste assez intéressante :
Allemagne, 50 manuels, 18 dictionnaires.
Angleterre, 27 manuels, 8 dictionnaires.
Bulgarie, 13 manuels, 4 dictionnaires.
Espagne, 36 manuels, 9 dictionnaires.
Catalogne, 5 manuels, 2 dictionnaires.
Finlande, 10 manuels, 4 dictionnaires.
France, 38 manuels, 8 dictionnaires.
Hongrie, 22 manuels, 6 dictionnaires
Italie, 18 manuels, 5 dictionnaires.
Pays-Bas, 29 manuels, 5 dictionnaires.
Portugal, 11 manuels, 4 dictionnaires.
Tchéco-Slovaquie, 2 manuels officiels, 15 manuels, 6 dictionnaires.
Japon, 5 manuels, 2 dictionnaires.
Le Fundamento de Esperanto ou premier ouvrage de Zamenhof, traduit déjà par l’auteur en cinq langues : français, anglais, allemand, russe, polonais, est également paru depuis en : arménien, espagnol, juif-espagnol, flamand-hollandais, grec, hongrois, italien, roumain, tchèque, turc.
À cela, il faut ajouter des ouvrages pour une étude plus approfondie de toutes les ressources qu’offre la langue Esperanto parmi lesquels il faut citer :
Fundamenta Krestomatio, de L. L. Zamenhof.
Kursa lerno-libro, de Ed. Privat.
La elementoj de la vortfarado, d’E. Cefec.
Kondordanco de la vortoj de Ekzercaro, de A. Wackrill.
Enfin, des dictionnaires spéciaux qui sont des ouvrages fort intéressants :
Vortaro de Esperanto, de Kabe.
Plena Vortaro, de Émile Boirac.
Enciklopedia Vortareto Esperanto, de Ch. Verax.
Vocabulaire Technique et Technologique, de Ch. Verax.
Provo de Marista Terminoro, de Rollet-de-l’Isle.
Vade-Mecum de Internacia Farmacio, de Célestin Rousseau.
Pour la France, les manuels les plus répandus sont ceux de Th. Cart, Gabriel Chavet, Grosjean-Maupin, Demarcy, Aymonnier. Cependant, le Cours Rationnel et Complet d’Esperanto édité par la Fédération Esperantiste ouvrière, bien compris et très clair, se recommande à tous les ouvriers soucieux d’étudier la langue dans de bonnes conditions.
Les dictionnaires les plus pratiques et les plus simples sont ceux de Grosjean-Maupin :
Dictionnaire Usuel Français-Esperanto.
Dictionnaire Usuel Esperanto-Français.
Dictionnaire Complet Français-Esperanto.
Dictionnaire Complet Esperanto-Français.
Les autres dictionnaires sont :
Vocabulaire Français-Esperanto et Esperanto-Français de Th. Cart.
Dictionnaire Esperanto-Français de De Beaufront.
Dictionnaire Français-Esperanto de Gabriel Chavet.
Dictionnaire Complet Français-Esperanto et Esperanto-Français.
Un grand nombre de brochures de vulgarisation sur la langue internationale Esperanto ont été publiées dans tous les pays. En langue française, elles sont nombreuses, mais ces quelques-unes suffisent pour éclairer les camarades sur la question :
L’Esperanto et l’Avenir du Monde, de A. C. Laisant.
Les Anarchistes et la Langue Internationale Esperanto, de Chapelier et Gassy-Morin.
Où en est la question de la Langue Internationale ? de Archdeacon.
La Langue Internationale (Ce que tout militant doit savoir), de E. Lanty.
À ajouter une grosse brochure très intéressante grâce aux renseignements très précis qu’elle apporte :
L’Esperanto comme langue auxiliaire internationale, éditée par le Secrétariat de la Société des Nations.
Littérature Esperantiste. — Elle comprend évidemment beaucoup plus de traductions que d’originaux, cependant il est déjà possible de dresser une liste de ces derniers. Sans être complète, celle-ci donnera un aperçu.
D’abord, deux petits livres qui feront connaître les débuts de la langue Esperanto et aimer son auteur :
Historie de la lingvo Esperanto, de Ed. Privat.
La Vivo de Zamenhof, de Ed. Privat.
Puis, au hasard :
Cu li ? de Dr Valienne.
Kastelo de Prelongo, de Dr Valienne.
La Rompantoj, de F. Pujula Valjes.
Frenezo, de F. Pujula Valjes.
Misteroj de Amo, de Nadina Kolovra.
El la Proksima Oriento, d’Ivan Krestanov.
La Bulgara lando kaj popolo, d’Ivan Krestanov.
La hundo parolanta, de Daniel Eyquem.
Karlo, de Ed. Privat.
Tra l’silento (poèmes), d’Ed. Privat.
Ginevra, de Ed. Privat.
Abismoj, de Jean Forges.
Saltego trans l’armiloj, de Jean Forges.
Stranga Heredajo, de H. A. Luyken.
Pro Istar, de H. A. Luyken.
Sableroj, de Marie Hankel.
La unna Ondo (poèmes), de Stanislav Schulhof.
Poezio, de Stanislav Schulhof.
Mondo kaj Koro (poèmes), de K. de Kalvesay.
Ho ! Tirij fremduloj (opérette), de F. Hiller.
Nous devons au Docteur Zamenhof les traductions de plusieurs ouvrages d’auteurs de divers pays :
Gœthe (allemand), Ifigenio en Taùrido.
Gojol (russe), La Revizoro.
Andersen (danois), Fabeloj.
Orzeszko (polonais), Marta.
Shakespeare (anglais), Amleto.
Molière (français), Georges Dandin.
Salom Alejhem (hébreu), La Gimnazio.
Henri Heine (allemand), La Rabistoj.
Quant aux autres ouvrages de traductions, ils sont trop nombreux pour être énumérés ici. La bibliothèque Georges Davidov, par exemple, compte aujourd’hui 9.000 volumes.
Les auteurs traduits en Esperanto sont de tous les temps et de tous les pays et certains noms suffiront pour montrer l’importance de la bibliothèque esperantiste.
Parmi les auteurs anciens : Plaute, Virgile, Aristophane, Ésope, Homère, Sophocle, Lucius Apulejus.
Pour l’Allemagne : Gœthe, Grimm, Heine, Schiller, Berthavon Suttner, Raabe, H. Zschokke, W. Hauff, Kant, F. Raimund, Reitzel, Karl Marx.
Pour l’Angleterre : Shakespeare, Edgar Poë, Oscar Wilde, Dickens, Byron, Golschmitt, Arnold Bennet. Mabel Wagnalls, J. M. Griesy.
Pour l’Autriche : Artur Schnitzler.
Pour la Bulgarie : Stamatov, E. Pelin.
Pour l’Espagne : Cervantès.
Pour l’Esthonie : Friedbert Tuglas.
Pour la France : Molière, Racine, La Fontaine, Beaumarchais, Bernardin de Saint-Pierre, Abbé Prévost, Ch. Perrault, Châteaubriant, Alfred de Vigny, H. de Balzac, Renan, Élisée Reclus, C. A. Laisant, Mirbeau, Pierre Louys, Tristan Bernard, Sébastien Faure, Romain Rolland, Barbusse, Delaisi.
Pour la Hollande : Stiprian Luïcuis, Hildebrand, Domela Nieuvenhuis.
Pour la Hongrie : Alexandre Petofi, Geza Gardoni, Bela Kun.
Pour l’Italie : Guiseppe Mazzini, Francisko Nitti.
Pour le Japon : K. Ossaka, Mazumi Hügü, Takeo Arisiche.
Pour la Pologne : Aleksy Pzevisky, Antoni Wyslouch, A. Niemojenski, A. Mickiewicz.
Pour la Russie : G. V. Avsejenko, Tugan, Baranovsky, Aleksandro Drozdor, Alekssandro Bloch, J. S. Turguenev, A. S. Ruskin, Vlas Dorosevic, Tolstoï, Kropotkine, Gorki, Putchkine, Gogol, Korolenko, Andreïeff.
L’activité des esperantistes ne se ralentit pas et chaque semaine paraissent de nouvelles traductions ou d’autres œuvres originales.
Si l’on ajoute qu’il paraît actuellement une centaine de journaux et revues, le mouvement esperantiste apparaîtra alors comme un mouvement actif et susceptible de rallier bien des sympathies autour de lui.