Encyclopédie des ouvrages de dames/Le Raccomodage

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Thérèse de Dillmont (p. 17-24).

Spécimens de reprises façonnées.



Le Raccommodage.


Le raccommodage des robes et de la lingerie est un travail ingrat, mais cependant très nécessaire et dont la connaissance ne devrait être étrangère à aucune main de femme.

Il n’y a pas moins de mérite à réparer des dommages causés par l’usure ou par un accident, qu’à confectionner d’une façon irréprochable des ouvrages neufs.

On comprend sous le nom de raccommodage aussi bien le remplacement des fils affaiblis par des fils nouveaux, que le fait de combler au moyen d’une nouvelle pièce un vide qui s’est produit dans l’étoffe.

On appelle la première manière de raccommoder la reprise, la seconde le rapiècetage.

La reprise. — Il y a lieu de faire une reprise lorsqu’un tissu s’est affaibli, ou que des fils ont complètement disparu, alors que l’étoffe voisine est encore en bon état.

Si la surface usée présente une certaine étendue, on l’enlève.

On peut utiliser pour la reprise de certains tissus, leurs propres fils de trame. Pour les tissus dont les fils de trame sont impropres à la couture, on choisira parmi les matériaux qu’on a à sa disposition le fil qui assortit le mieux le tissu.


Fournitures. — On emploie pour la plupart des reprises le Coton à repriser D.M.C. Ces cotons existent en 18 numéros, marqués de 8 à 100[1] ; on les trouvera dans toutes les nuances de la carte de couleurs D.M.C, dans les numéros 12, 25 et 50. Pour les reprises du gros linge de maison, lequel, vu l’usage qu’on en fait n’est jamais d’une blancheur aussi éclatante que le linge fin, il est préférable de prendre du Coton à repriser écru.

Ce coton est formé de plusieurs brins peu tordus et simplement réunis, de sorte que l’on peut, à défaut de la grosseur voulue, se composer un fil approprié à la force du tissu, en ajoutant, ou en retranchant quelques brins.

Le Coton à broder surfin D.M.C dans les numéros 100, 120 et 150 [1] convient tout particulièrement pour les reprises dans la batiste et les autres tissus fins et transparents.

Des différents genres de reprises. — Il existe quatre genres de reprises : 1e la reprise de toile, 2e la reprise satinée ou croisée, 3e la reprise damassée et 4e la reprise perdue.

1e Reprise de toile (fig. 40, 41, 42). — Toutes les reprises doivent être exécutées sur l’envers de l’étoffe. On prépare d’abord les fils de chaîne. Il ne faut pas trop tirer le brin ; il doit au contraire former au retour une petite boucle, qui puisse suivre peu à peu, et qui empêchera que le brin nouveau ne fasse froncer l’étoffe après la lessive.

On fait partir les premiers points de la reprise d’une distance d’environ un centimètre de la place usée ; on fait une série de petits points devant, par dessus un, ou tout au plus deux fils du tissu, on lance le brin à travers le vide, si une partie de l’étoffe est enlevée et on fait les mêmes points et en nombre égal sur le côté opposé entre les fils correspondants. Au retour, l’aiguille relève les fils sur lesquels elle avait passé à l’aller, et passe par dessus ceux qu’elle avait relevés.

La trame se fait de la même manière, seulement on ne relève et on n’abaisse jamais qu’un seul fil de la chaîne qui comble le trou.

Les fils, dans les deux sens, sont à serrer de telle façon que la reprise terminée représente un tissu de même épaisseur que celui sur lequel elle a été exécutée. On a augmenté avec intention l’écartement des fils dans le dessin pour démontrer plus clairement la marche de la reprise.

On fait quelquefois la reprise en partant de l’un des coins de la place à repriser. Il en résulte un tissu composé de fils en biais dans un fond à fil droit. Nous ne pouvons recommander ce genre de reprise connue sous le nom de reprise biaisée et qui sera toujours plus visible que les autres.

2e Reprise satinée (fig. 43). — Ce genre de reprise s’emploie pour raccommoder des étoffes croisées ou façonnées. Le croisement des fils varie d’un tissu à l’autre ; nous ne pouvons décrire ici tous les tissus qui rentrent dans cette catégorie, mais en suivant attentivement les explications qui accompagnent la fig. 43 on arrivera sans trop de peine à imiter un tissu quelconque.

Après avoir établi la chaîne, on passe la trame par dessus trois fils et on en enlève un. Dans les passages suivants on avance toujours d’un fil, dans la même direction. Ou bien encore on passe par dessus un fil de chaîne et on en relève deux. On avance dans les passages suivants d’un fil ou de deux, suivant l’étoffe sur laquelle on fait la reprise.

3e Reprise damassée (fig. 44, 45, 46, 47, 48, 49). — On prépare la chaîne pour cette reprise comme pour les précédentes ; le dessin se produit par le changement des fils que l’on baisse ou qu’on relève. La fig. 44 représente l’envers d’une reprise, la fig. 45 la même reprise vue à l’endroit ; la fig. 46 montre une reprise achevée.

Lorsque les étoffes se composent de brins de plusieurs couleurs on fait généralement la chaîne avec un fil clair, la trame en fil de couleur.

Les fig. 47 et 48 représentent deux modèles de reprise, comme on la faisait autrefois dans les couvents. La chaîne et la trame sont faites tout d’abord avec un fil assez fin, puis on imite le dessin avec un fil plus fort que celui qui a servi à faire le canevas, ou avec des fils de couleur.

La reprise que présente la fig. 49 est travaillée en blanc et en une couleur tranchant sur le blanc. En suivant les indications que donne la figure on arrivera à imiter un tissu à carreaux.

fig. 50. Reprise perdue.

4e Reprise perdue (fig. 50). — On se sert de cette reprise lorsqu’on a à réparer un accroc et que l’on peut encore en raccorder les bords. On ne coupera pas les fils rompus qui doivent remplacer la chaîne.

Après avoir bâti les deux bords sur un morceau de moleskine ou de toile cirée, on les relie par des petits points allant et revenant.


fig. 51. Reprise perdue dans le drap.

Reprise perdue dans le drap (fig. 51). — Malgré son incontestable utilité et son importance, l’art de faire une reprise invisible dans le drap n’est connu que de peu de personnes.

C’est un travail minutieux, qui exige beaucoup de patience et de régularité, mais qui est très facile à comprendre.

On prend une aiguille très fine et on se sert de cheveux, qui sont plus forts que les fils tirés du drap et moins visibles que la soie ou tout autre brin.

Les cheveux roux ou blancs sont plus forts que les autres. Inutile de faire remarquer qu’ils doivent être soigneusement dégraissés avant leur emploi. On coupe d’abord le drap sur l’endroit avec un rasoir en une ligne absolument droite. Les ciseaux enlèveraient trop du duvet qui doit retomber sur la couture et la rendre invisible.

Lorsque les bords sont préparés on y applique le morceau à ajouter au fond et on le fixe par des points de surjet assez espacés. Puis on prend une aiguille, on enfile le cheveu par la racine, on la fait entrer à 2 ou 3 mm du bord et, sans la faire ressortir à l’envers de l’étoffe on la fait passer dans l’épaisseur même du drap.

Le cheveu est donc enfermé pour ainsi dire entré deux couches d’étoffe.

L’aiguille traverse la partie faufilée et reparaît de l’autre côté de la couture à 2 ou 3 mm du second bord. Pour le retour de l’aiguille, on la fait entrer exactement dans l’ouverture par laquelle on l’a fait sortir. On oblique légèrement l’aiguille dans le drap pour l’empêcher de prendre la même voie qu’elle avait suivie, ce qui détruirait le premier point.

Il ne faut pas trop tirer le cheveu, qui doit toujours conserver un peu de jeu.

Lorsque la couture est achevée, on la repasse sur une planche nue, en bois dur, en posant un linge humide sur l’envers de la reprise.

Si cette reprise est bien exécutée, l’œil le plus exercé ne pourra la découvrir.

Du rapiècetage. — Comme il est dit plus haut on doit couper la partie d’un objet trop usé ou trop déchiré pour être réparé au moyen d’une reprise, et remplacer cette partie par une pièce nouvelle.

Si la nouvelle pièce doit être appliquée à un objet de lingerie, on choisira un tissu un peu plus léger que celui qui a servi à la confection de l’objet.

On coupera le morceau à poser, exactement de la forme du vide qu’il doit combler en lui donnant en tous sens des dimensions de 2 à 3 cm plus grandes, de façon à pouvoir faire un rempli de chaque côté.

Les bords du trou qu’on a l’intention de bouclier doivent être coupés à fil droit comme pour tous les autres rapiècetages ; on fixe la nouvelle pièce par une couture rabattue ou par un surjet.

fig. 52. Pièce posée avec une couture rabattue.

Pièce posée avec une couture rabattue (fig. 52). — On bâtit la nouvelle pièce de manière à ce que ses bords dépassent un peu ceux du vide produit par la partie enlevée.

Les arrière-points seront faits sur l’objet même, ce qui facilitera beaucoup l’exécution des coins. On rabat ensuite l’ourlet sur le morceau neuf.

Il faut éviter de faire froncer les tissus dans les coins ; au moyen d’une petite entaille dans le rempli de l’ourlet on arrive à poser la pièce correctement. Les arrière-points doivent être poussés assez loin au-delà du coin, pour que le dernier point de la couture terminée et le premier point de la couture suivante forment un angle droit.

fig. 53. Pièce posée avec un surjet.

Pièce posée avec un surjet (fig. 53). — Lorsqu’on pose une pièce à l’aide d’un surjet, on fait d’abord un repli aux deux parties, puis on les réunit.

Pour empêcher les bords de s’effiler on peut aussi faire un ourlet aux deux pièces avant de les réunir par le surjet.
fig. 54. Pose d’une pièce avec des fils coulés.

Pose d’une pièce avec des fils coulés (fig. 54). — On prend un morceau du tissu de l’objet endommagé de 5 à 6 cm plus grand que ne l’exige le vide qui doit être comblé. On effile le tissu des quatre côtés de façon à ne laisser au milieu de la pièce qu’un carré d’un nombre de fils égal à celui des fils à remplacer et on bâtit ce carré à fil droit sur le vide à remplir.

On prend une aiguille très fine, on y enfile un brin de soie par les deux bouts, puis on la fait entrer dans l’un des coins de la partie à repriser, exactement en regard du premier fil effilé ; on fait quelques points coulés, à peine visibles à l’endroit ; on fait ressortir l’aiguille et on entraîne le brin de soie jusqu’à moitié de sa longueur ; on fait entrer dans la boucle formée par la soie, le premier des fils effilés et alors seulement on retire la seconde moitié du brin de soie, en entraînant en même temps le fil d’étoffe passé dans la boucle. On renouvelle la même opération pour les autres effilés jusqu’à ce qu’on les ait fait passer tous sur les quatre côtés de la pièce.

Lorsqu’on veut fixer de la même manière un morceau dans une étoffe transparente, il faut introduire les fils alternativement plus ou moins avant dans le tissu, pour mieux dissimuler les fils doubles.




  1. a et b Voir, à la fin de ce volume, les tableaux des grosseurs et des couleurs des articles de Coton, Soie, Laine, Lin et Ramie portant la marque D.M.C.