Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3/O

La bibliothèque libre.

OBÉ

OBÉLISQUE, s. m. C’est le nom qu’on donne et que donnèrent les Romains (d’après les Grecs) à de très-hautes pierres taillées le plus souvent à quatre faces, quelquefois davantage, dans une forme légèrement pyramidale, qui se termine en pointe, ce qui les fit appeler obeloi (broches) par les Grecs, guglie (aiguilles) par les Italiens modernes.

On croit aussi que le mot stela (stèle, en français), qui vient du verbe σιαω, stare (être debout), mot qu’on donna, dans l’antiquité, à beaucoup de monumens historiographiques ou commémoratifs, signifia, chez les Grecs, la même chose qu’obélisque ; et une inscription grecque, trouvée récemment à Philae, dans la haute Égypte, sur le piédestal d’un obélisque renversé tout auprès, et transporté depuis peu en Angleterre, fait mention de cet obélisque sous le nom de stele.

Les Grecs se servoient en général de ce nom, pour désigner tout monument monolythe, sur lequel on traçoit des caractères (voyez Pierre stele) Hérodote appelle ainsi ceux qu’il dit avoir été élevés par Sésostris dans les pays et chez les peuples qu’il avoit subjugués. Ces monumens étoient-ils des obélisques ?

Cet usage de pierres debout et de pierres écrites, est trop général pour exiger qu’on en apporte ici des preuves. Or, dans ce genre de monumens, chaque peuple dut se laisser conduire par le genre des matériaux qui étoient à sa disposition, et par l’instinct primitif, qui, dès l’origine, devint le régulateur de son goût. On a vu, à l’article Architecture égyptienne, quelles causes portèrent les Egyptiens à la simplicité dans les édifices, à la solidité et à la grandeur dans leurs masses. Ce fut là leur principal luxe. Les énormes rochers de granit que la haute Égypte présentoit à leur exploitation, dûrent leur suggérer de porter au plus haut point d’élévation les masses de leurs stèles ou obélisques. Ils en firent le principal ornement de l’entrée de leurs temples ou de leurs palais, s’il est vrai, comme quelques-uns le pensent, que les grands assemblages de bâtimens, auxquels on donne toujours le nom de temple, aient pu servir aussi de demeures aux rois, ainsi qu’aux prêtres.

Il ne sauroit entrer ici dans notre objet de dire quel put être l’emploi des obélisques. N’ayant à les considérer que sous le rapport qu’ils ont eu à toutes lus époques avec l’architecture, nous avons toutefois besoin de dire à quoi il est plus que probable qu’ils ne servirent point en Égypte.

Nous ne nous arrêterons pas à combattre les conjectures de Kircher, de Goguet et de Bruce, qui ont cru que les obélisques avoient pu être des gnomons chez les Egyptiens. Il suffit, pour détruire


cette opinion, de considérer la place que les obélisques occupèrent dans leurs monumens. Or, il s’en trouve encore deux d’une grande hauteur à Thèbes, qui sont placés des deux côtés de l’entrée d’un grand pylone, et à une assez petite distance des massifs de cette porte. Celui qui exécuta, du temps de Sylla, la mosaïque de Palestrine, qui est une image abrégée de l’Égypte, y a fait voir deux obélisques placés de même à l’entrée d’un temple.

Une opinion aussi peu vraisemblable est celle de Pierius et de Bellon, qui tend à faire regarder les obélisques comme des monumens funéraires. Cette idée n’a pu naître que de l’abus qu’on dira dans la suite avoir été fait de cette forme par les Modernes.

De telles erreurs procèdent, en grande partie, de l’ignorance où l’on est de l’écriture hiéroglyphique, et par conséquent de ce qui est gravé sur les obélisques, qui, presque tous, sont couverts des caractères de cette sorte d’écriture. Le voile qu’on a déjà soulevé à cet égard, et quelques secrets surpris à cette mystérieuse écriture, font croire qu’on s’est formé de trop hautes idées des matières que renferment les inscriptions hiéroglyphiques ; et le peu qu’on a découvert porte à présumer que les sciences naturelles, l’astronomie et la philosophie, auroient peu de choses à y trouver.

Il est plus naturel, à l’égard des obélisques, de s’en tenir au témoignage des anciens écrivains, et de croire que les Egyptiens, ayant coutume d’inscrire sur des stèles plus ou moins grandes, les faits dont ils vouloient conserver le souvenir, élevoient de ces pierres d’une dimension colossale, lorsqu’il s’agissoit de consacrer la mémoire des bienfaits des rois, de leurs conquêtes, des monumens de leur piété envers les dieux, des constructions dues à leur munificence ; et les cartouches qu’on voit sur les hiéroglyphes où l’on est parvenu a lire les noms de plusieurs rois de l’Égypte, mettent déjà sur la voie de ces explications aussi simples que naturelles.

Il paroît qu’il y eut en Égypte un fort grand nombre d’obélisques. On l’infère, soit de ceux qu'on voit à Rome, ou en d’autres lieux, et qui, étant de granit rose, ne purent être taillés, n’importe en quel temps, que dans les carrières de Sienne, soit de ceux qui sont encore sur pied en Égypte, au nombre de six, soit d’une infinité de fragmens qu’on y observe dans les ruines des temples.

Les obélisques, si on les considère sous le point de vue général de leur emploi originaire, ne dûrent pas être placés tous en avant des temples, Il est probable que ceux, par exemple, qui furent d’une petite dimension et taillés dans des blocs de grés, eurent des emplois moins importans, du moins comme monument de décoration. Ils pouvoient quelquefois s’élever au milieu des lacs ou des bassins, et indiquer les différentes crues du Nil. Placés encore dans les péristyles intérieurs des édifices, que l’on prend peut-être trop exclusivement pour des temples, ils pouvoient n’être que relatifs à l’histoire des rois, comme on soupçonne que cela fut dans une des enceintes du grand édifice de Carnack, où se trouve une série de huit rois, qui semble être une généalogie. Il paroit que les obélisques du port d’Alexandrie, qui y furent transportés au temps des Ptolémées, pouvoient indiquer l’entrée de la ville.

Ce qui étonne le plus, après le travail de la taille des obélisques et de la sculpture de leurs signes hiéroglyphiques, c’est la difficulté du transport et de l’érection de masses aussi considérables. Plusieurs de ceux qui existent aujourd’hui ont 80 pieds de haut. Hérodote parle d’obélisques hauts de 120 pieds. Tel étoit encore celui du roi Nectebis, que Ptolémée Philadelphe fit transporter à Alexandrie. Pline nous donne, à cette occasion, quelques notions sur les moyens de transport qu’on dut souvent employer en Égypte.

On creusa d’abord un canal qui, partant du Nil, alloit passer sous l’obélisque couché à terre, qu’il s’agissoit d’enlever. On remplit ensuite deux grandes barques de pierres, jusqu’à ce que leur poids fût double de celui de l’obélisque. Ainsi chargées, ces barques enfoncèrent dans l’eau du canal, pour pouvoir passer sous l’obélisque, dont les deux extrémités portoient sur les rives du canal. On vida ensuite les barques, jusqu’à ce que déchargées de leur poids, et forcées de remonter, elles soulevèrent l’obélisque qu’il fut alors facile de conduire sur les eaux du Nil.

Le Nil traversant toute l’Égypte, les carrières étant peu éloignées de ce fleuve, et la plupart des villes, ainsi que leurs temples, étant situées sur ses bords, il est probable que l’eau fut le conducteur ordinaire de presque toutes les masses, dont le transport par terre eût coûté des peines et des dépenses incalculables.

Mais les masses des obélisques une fois arrivées aux lieux où il falloit les ériger, quels moyens employoit-on à cet effet ? C’est la-dessus qu’on n’a aucune notion. Y avoit-il de puissans moyens mécaniques alors connus et oubliés depuis ? D’ingénieux procédés suppléoient-ils aux ressources de la science, ou bien la force des bras, le temps et la patience venoient-ils au secours des architectes d’alors ? Chacun peut faire la-dessus des conjectures. Le peu d’occasions qu’ont eu les Modernes de s’exercer à de pareils tours de force, fournit encore peu de lumières à la divination en ce genre.

Quelles qu’aient été les raisons ou les causes qui portèrent ou engagèrent les Egyptiens à faire et à multiplier chez eux les obélisques, on est à peu près certain que le plus grand nombre de ces raisons n’influèrent point sur le goût de ceux qui, dans la suite, firent sortir ces monumens de leur paya natal. On entend ici parler de la signification religieuse, politique ou morale que leur avoit donnée le peuple qui se livra à de tels travaux : car il faut reconnoître qu’il ne se fait jamais rien de grand sans une grande raison. Or, il nous paroît que c’est cette raison sur laquelle on n’a que des conjectures, qui fut particulière aux Egyptiens, et qui ne sortit pas de l’Égypte.

Nous ne voyons point, par exemple, que cette sorte de monumens ait fait partie de ceux auxquels le génie des Grecs donna naissance, ou qu’il put naturaliser chez lui. On ne croit pas que, parmi les ruines nombreuses de la Grèce, on ait jamais découvert des fragmens d’obélisques. Il est certain que ce pays ne fut en aucun temps vis-à-vis de l’Égypte, non-seulement dans le cas de lui enlever ses monumens, mais même de lui en emprunter le goût. Les petits États qui se partageoient le territoire déjà peu étendu de la Grèce, n’eurent jamais les moyens de faire les dépenses d’un luxe qui auroit été pour eux sans plaisir, comme sans objet. La principale valeur des obélisques, du moins pour les yeux et pour l’opinion, consistant à être des masses énormes d’un seul morceau, tous les pays n’ont pas de ces carrières qui permettent d’y tailler à volonté des pierres d’une grandeur démesurée. Si les Grecs inscrivirent sur des stèles leurs lois, les actes de leurs gouvernemens, ils se contentèrent de pierres d’une dimension médiocre. Il est vrai de dire aussi que le genre d’écriture littérale n’exigeoit pas, chez eux, d’aussi grands espaces ; les caractères alphabétiques pouvant dire les mêmes choses que les signes hiéroglyphiques, avec vingt fois moins d’étendue en superficie.

Le mot obelos, qu’on trouve chez Pausanias, employé à décrire l’espèce de balustrade de l’antre de Trophonius, a pu exprimer quelques formes d’ornemens semblables à celles des obélisques, mais il ne prouve rien en saveur de l’emploi que les Grecs en auroient fait, comme monumens publics. Les colonnes, chez eux, ont dû souvent jouer le même rôle.

Il n’y a aucune autorité contraire à tirer de l’obélisque de granit octogone porté dans la ville de Catané, sur un éléphant de lave, qui paroit lui-même être un ouvrage antique. Cet obélisque ne fut pas le seul que posséda cette ville, et le Muséum du prince de Biscari renferme les fragmens d’un autre, qui paroît lui avoir servi de pendant. Rien autre chose à conclure de-là, sinon que les Romains y auront, n’importe dans quel temps, transporté ces deux morceaux, pour en orner le cirque de cette ville.

Ce sera pour le même objet qu’aura été transporté et érigé, dans la ville d’Arles en Provence, l’obélisque placé aujourd’hui sur sa place publique.

Lorsque les Romains furent maîtres de l’Égypte, ils dûrent voir avec envie des monumens dont la proportion leur parut conforme à la grandeur de leur Empire et de leur ambition. Il paroît qu’ils ne tardèrent pas à user de leur droit de conquête, c’est-à-dire, de rapine, sur le pays qu’ils avoient enfin subjugué. Nous lisons sur la base de l’obélisque du cirque Flaminien (aujourd’hui de la Piazza del popolo à Rome) qu’Auguste, dans la douzième année de son règne, après avoir réduit l’Égypte sous la puissance du peuple romain, consacra ce monument au Soleil. Au bas de l’obélisque érigé aujourd’hui au milieu de la place de Saint Pierre, on lit une inscription qui porte que Tibère l’avoit consacré à Auguste. L’histoire de ces monumens, à Rome, nous montre que les empereurs ne cessèrent point d’embellir leur ville de ces ouvrages, soit qu’ils aient enlevé d’Égypte ceux qui en décoroient les édifices, soit, comme cela n’est pas invraisemblable, qu’ils y en aient fait tailler de nouveaux dans les carrières de Sienne, ce qu’on a soupçonné particulièrement à l’égard de ceux de ces monumens qui sont lisses ou sans hiéroglyphes.

Il ne paroît pas que, chez les Romains, l’obélisque soit entré dans les projets de l’architecture comme partie accessoire des monumens, c’est-à-dire, liée plus ou moins à leur décoration. En Égypte, il participoit au système général des masses des edifices ; il s’associoit à leurs proportions ; il étoit en tout d’accord avec leur style et leur goût. À Rome, ces masses étrangères par leur forme et leur matière à l’architecture et au genre de bâtir en usage, ne présentoient encore dans leurs signes hiéroglyphiques, inintelligibles au peuple, rien qui pût en rendre l’emploi nécessaire. Ils ne furent donc regardés que comme les productions curieuses d’une industrie gigantesque ; et ce qu’on dut y priser, après les avoir considérés comme des trophées de victoire, dut s’appliquer à la grandeur de la masse, à la dureté de la matière.

L’emploi le plus ordinaire que les obélisques reçurent à Rome, fut d’orner les cirques. Ces monumens (voy. Cirque) offroient entre les gradins dont ils étoient bordés dans leur longueur, une arène ou un grand espace, divisé en deux allées par un massif relevé qu’on appeloit spina, parce qu’il régnoit sur toute cette longueur comme l’épine dans le corps d’un poisson. Cette spina recevoit toutes sortes de monumens en trépieds, en statues, en autels, et c’étoit à une de ses extrémités qu’était placée la borne.

Les obélisques de l’Égypte trouvèrent sur ce massif une place très- favorable à leur effet, et contribuèrent singulièrement à l’embellissement des cirques. On y en plaçoit ordinairement deux, un


grand et un petit. Le grand étoit terminé au-dessus de son pyramidium par un globe de bronze doré, parce qu’il étoit consacré au soleil. Le petit avoit à son sommet un disque d’argent, et il étoit consacré à la lune.

Indépendamment de l’espèce de soubassement formé par la spina, les obélisques qu’on y dressoit posoient encore sur des piédestaux ornés de moulures et presque toujours d’un seul bloc de granit rouge, taillé dans les carrières de Sienne. C’est là un des motifs qu’un a de croire que les Romains auroient bien pu y exploiter aussi des obélisques.

Nous trouvons qu’un autre genre d’emploi fut affecté par Auguste à un obélisque égyptien qu’il fit dresser dans le champ de Mars, et auquel il donna pour destination d’être un gnomon ou cadran solaire. Pline, qui en parle assez en détail, nous apprend qu’il étoit placé sur un vaste plateau dressé et nivelé. À son sommet il avoit un globe de bronze doré, qu’on appeloit pyropum : le plateau étoit en marbre blanc. On y avoit tracé des lignes incrustées en bronze ; elles indiquoient les différentes projections que devoit parcourir l’ombre du gnomon. Il paroît qu’on avoit joint á l’usage de cadran dans ce monument, la propriété du calendrier : on voyoit effectivement tracées sur le plateau les indications des jours, des mois, des saisons et des équinoxes. Si l’on en croit Nardini, les différentes positions du ciel et l’étoile des vents s’y seroient aussi trouvées figurées. Cet antiquaire rapporte (Lib. 6°.) que de son temps, sur l’emplacement de l’ancien champ de Mars (près san Lorenze in Lucina), on trouva des règles de bronze doré incrustées dans de grandes pierres carrées, avec une inscription en mosaïque où on lisoit : Boreas spirat.

Tous les obélisques que les Romains trausportèrent d’Égypte sont de granit, et furent tous d’un seul bloc ; la seule exception qu’on connoisse à cet égard est à Constantinople. Un de ceux qu’on y voit encore, et qui était placé dans l’hippodrome, fut construit de plusieurs assises régulières, et revêtu en bronze.

Il n’entre point dans notre sujet de dire ni de quelle manière les obélisques furent transportés d’Égypte à Rome, ni de quels procédés on usa pour les mouvoir et les ériger. Il est fort à présumer qu’on dut se servir des moyens certainement fort anciens, des poulies de renvoi, des cabestans dont usa Fontana (voyez ce nom) pour élever l’obélisque de Saint -Pierre. Sur le piédestal du l’obélisque de Constantinople, le seul resté debout de tous les obélisques transférés par les Romains dans leur empire, on voit un bas-relief sur lequel sont représentés des hommes occupés à mouvoir des cabestans pour ériger un obélisque armé de pièces de bois. C’est très-probablement à l’érection de cet obélisque même que s’applique la représentation du bas-relief. Malheureusement l’exécution en est si barbare, qu’on ne peut guère en tirer de notions détaillées et précisés sur les procédés mécaniques suivis par l’architecte.

Presque tous les obélisques dressés par les Romains subirent le sort du plus grand nombre des édifice et des monumens de ce peuple ; ils furent renversés et brisés dans les différentes invasions des Barbares, et ils restèrent dans cet état recouverts en grands partie de terre et de décombres jusqu’au temps dit pape Sixte-Quint, qui entreprit de rendre à la Rome chrétienne la grandeur et la magnificence qu’on lui voit aujourd’hui, grâce au zèle soutenu pour les beaux-arts de tous les pontifes ses successeurs. Sixte-Quint fit transporter devant l’église, et au milieu de la place de Saint-Pierre, l’obélisque du Vatican, le seul qui étoit demeuré debout à Rome sur son piédestal, dans le cirque où Caius César l’avoit placé. Il fit retirer à très-grands frais, des ruines du grand cirque, les morceaux du plus grand obélisque qu’il y ait eu à Rome, et les fit replacer l’un sur l’autre de manière à lui rendre, pour l’œil, son ancienne intégrité, et il l’érigea sur la place et en face de Saint-Jean-de-Latran. On lui doit encore la restauration et l’érection de celui qui orne la place del Popolo, ainsi que de celui qui s’élève en face de Sainte-Marie-Majeure.

Depuis Sixte-Quint on vit successivement reparoître et s’élever dans les différentes places de Rome les autres obélisques, soit ceux que le temps avoit épargnés en entier, soit ceux qui eurent besoin de restauration : tels furent ceux de la place Navone, par le pape Urbain VIII ; de la place de la Minerve, pur Alexandre VII. Le pape Benoit XIV fit transporter les morceaux de l’obélisque horaire devant le palais de Moute-Citorio. Ces morceaux ont été depuis rassemblés et restaurés par les soins du pape Pie VI, qui a rendu à cet obélisque son ancienne destination, en le faisant dresser sur la place et vis-à-vis du palais de Monte-Citorio, où un nouveau globe de bronze, surmonté du style d’un gnomon, doit encore servir de méridien. Le même pape a relevé les derniers obélisques qui restoient encore, ou inconnus, ou négligés dans Rome, et il en a fait dresser un sur la place de Monte–Cavallo, un autre en face de l’église de Trinita-del-Monte.

On voit donc que les obélisques égyptiens, encore plus étrangers aux usages, aux croyances des modernes et aux pratiques de leur architecture, ne devinrent, dans Rome chrétienne, que des monumens décoratifs pour les yeux, et des objets de recherches ou de curiosité pour les antiquaires.

Cependant ces prodigieux ouvrages de l’art égyptien ne durent pas manquer d’étonner les artistes. Tout ce qui est grand a droit à l’admiration des hommes. En fait de monumens, les obélisques et les pyramides de l’Égypte sont restés dans l’imagination, et sont, par le fait, les ouvrages les plus durables de l’industrie humaine, ceux dont la masse bravera le plus victorieusement les efforts du temps et de la destruction.

Il ne faut donc pas s’étonner du goût qui en a perpétué la forme et l’usage dans les productions de l’art moderne, bien qu’aucune opinion religieuse ou politique ne s’y trouve mêlée. La forme obéliscale et la forme pyramidale ont entr’elles quelques points de ressemblance qui ont contribué à les faire confondre, dans les emplois purement allégoriques qu’on en a souvent faits, en les appliquant à certaines compositions de la sculpture. Il est indubitable que les pyramides, en Égypte, furent des tombeaux ; les Romains firent aussi des tombeaux dans cette forme, témoin la pyramide de C. Cestius, à Rome. Si l’on ne peut pas connoître encore avec certitude l’emploi moral de l’obélisque, on peut toujours certifier que ce monument ne fut aucunement en rapport avec les usages des sépultures.

Lorsque des signes sont consacrés de toute ancienneté à l’expression de quelqu’idée, le goût enseigne à ne point les dénaturer par un mélange indiscret. Ainsi, l’on ne sauroit désapprouver qu’on ait fait entrer dans la composition des mausolées modernes la forme de pyramide, comme servant de fond aux objets représentés par la sculpture. La forme pyramidale est devenue en quelque sorte, dans l’écriture allégorique de cet art, l’hiéroglyphe de tombeau. Mais on a vu la forme obéliscale employée à la même fin dans plus d’une composition funéraire : or, on sent que ce ne peut être là qu’une méprise.

Un autre abus en ce genre, a consisté à mêler ensemble les deux types, de manière que l’objet n’est plus ni pyramide ni obélisque.

On doit dire que c’est le reproche qu’on peut faire à l’architecte Blondel dans la décoration de son arc triomphal de la porte Saint-Denis, Sont-ce des obélisques ou des pyramides manquées, qu’il a couvert d’ailleurs fort habilement de trophées ? C’est surtout dans les ouvrages qui se recommandent par de grandes beautés, et par la célébrité du nom de leur auteur, qu’il faut faire remarquer ces défauts de convenance, tant est contagieuse l’influence d’un mauvais exemple donné par un habile homme ; tant il est vrai que ce qu’on imite le plus facilement des grands hommes, c’est leurs défauts. Rien de plus important, en architecture surtout, que de respecter les significations de chaque forme.

Nous n’appliquerons point cette observation à l’usage assez répandu d’élever de petits obélisques comme monumens, ou de parade ou de reconnoissance dans les parcs, dans les points des forêts qui servent de réunion à plusieurs routes. La forme obéliscale a l’avantage de produire des monumens que leur procérité même rend propres à remplacer les colonnes isolées, qui deviennent souvent nécessaires à certains points de vue.

Il importe peu que l’obélisque, ainsi considéré dans ces petits emplois, soit monolythe ou composé de plusieurs assises. Mais de vaines singeries ont quelquefois fait imaginer de reproduire au milieu de nos places des obélisques de la hauteur de ceux de l’Egypte et qui n’arriveraient à de telles dimensions qu’au moyen de beaucoup d’assises. L’insignifiance d’un pareil monument dans nos mœurs doit assez avertir, que si l’on n’y compense pas ce défaut, par le mérite ou d’une grande difficulté vaincue, ou du prix que la rareté d’un seul bloc de pierre de cent pieds de haut peut donner à une chose inutile, on ne feroit, avec une telle dépense, que la parodie ridicule d’une grande chose.

OBSERVATOIRE, s. m. On donne ce nom à un édifice fait ordinairement en forme de tour, sur un terrain élevé, autant que les localités le permettent, et se terminant en terrasse propre à faire les observations astronomiques, et d’autres expériences physiques.

Le plus grand et le plus bel observatoire qu’on puisse citer comme monument d’architecture, est sans aucun doute celui de Paris qui fut élevé par Claude Perrault, à l’extrémité du faubourg Saint-Jacques et au haut de la rue d’Enfer. Cet édifice remarquable à beaucoup d’égards, mais situé à une des extrémités les moins fréquentées de la ville, étoit en quelque sorte inconnu au plus grand nombre des habitans, ou du moins ne leur étoit guère connu que de nom. Le percement d’une grande et belle avenue tracée sur les terrains qui séparent cet édifice du palais du Luxembourg, a, depuis quelques années, produit une ouverture qui les met aujourd’hui en regard, et, en faisant de l’Observatoire une des perspectives du jardin, l’a, si l’on peut dire, rapproché de la ville, en donnant au public l’occasion de s’en approcher tous les jours.

L’édifice du l’Observatoire est, avec la colonnade du Louvre, le monument sur lequel Claude Perrault a fondé sa réputation. Nous en traiterons a l’article de ce célèbre architecte (voy. Perrault), sous le rapport du goût, du style et du caractère. Ici on se contentera d’abréger la description qu’en a donnée J.-F. Blondel, tom. II de l’Architecture française.

La forme de cet édifice est un rectangle d’environ 16 toises sur 14, flanqué de deux tours pentagonales du côté du midi. À la face opposée (celle du nord), et au milieu de cette façade, est un pavillon extérieurement carré, qui donne entrée, au rez-de-chaussée, dans un vestibule à pans dont la voûte est percée. Le plan du premier étage se compose de différentes pièces, qui ont chacune leur destination scientifique. Originairement l’espace octogone d’une des deux tours étoit sans voûte ; il formoit une sorte de puits destiné à mesurer la quantité d’eau qui tombe annuellement. Cet espace a, depuis, été couvert en voûte d’arête ; et la communication établie par les arêtes de cette voûte, fait que deux personnes parlant bas, l’une d’un côté, l’autre de l’autre, s’entendent entr’elles lorsque ceux qui sont au milieu n’entendent rien. On appelle cette pièce le cabinet des secrets. La pièce du milieu est nommée méridienne, parce que c’est que M. Cassini a tracé la ligne méridienne qui traverse l’axe de l’édifice. On y a pratiqué une petite ouverture circulaire faite pour observer les degrés d’accélération de la chute des corps : cette ouverture perce également tous les plafonds des étages, depuis les souterrains jusqu’à la terrasse supérieure qui couvre tout l’édifice.

Il faut observer que dans la construction de cet observatoire on n’a employé ni fer ni bois ; toutes les pièces sont voûtées avec la plus grande solidité, et l’appareil de chacune peut passer pour un chef-d’œuvre dans l’art du trait.

L’utilité ayant été le principal objet d’un semblable édifice, l’architecte n’en a voulu devoir la beauté qu’à la simplicité des formes, à la justesse de l’appareil, à la régularité des masses : il a compris que le lieu des observations devant être au premier étage, il y falloit de vastes ouvertures et des fenêtres fort exhaussées ; c’est pour cela qu’il a élevé cet étage sur une espèce de soubassement dont la destination particulière n’exigeoit que des fenêtres d’une modique hauteur. Toutes les croisées des façades sont à plein cintre, sans aucun ornement.

OCRE, s. f. Les ocres ou les bols sont des substances d’apparence argileuse, qui sont colorées en jaune ou en rouge par une certaine quantité de fer qui devient sensible à l’aimant, quand on calcine ces terres, de manière à les faire passer au rouge-brun, et même au noir.

Les ocres se dissolvent dans l’eau, pour laquelle elles ont une grande avidité. Pour obtenir une couleur plus pure, et dégagée de toute matière étrangère, on les broie, on les lave à grande eau, et on les décante jusqu’à ce que le lavage ne fournisse plus de couleur ; alors on jette le sédiment. Voyez le Dictionnaire des Beaux-Arts, article Ocre.

Les ocres rouges naturelles sont plus rares que les jaunes ; la plupart de celles qu’on répand dans le commerce sont des préparations artificielles, ou des ocres jaunes calcinées.

Voici les plus connues des ocres rouges : Ocre ou bol rouge d’Arménie ; il est d’un rouge-pâle, et est plus employé en médecine qu’en peinture. — Ocre rouge de Bucaros en Portugal, d’un rouge-orangé ; on en fait dus poteries. — Ocre rouge d’Afrique ; les Caffres s’en servent pour se peindre le corps. Les ocres jaunes de bonne qualité sout assez rares, et les couches en sont peu abondantes. Nous les tirons de la Bourgogne et du Berry. — L’ocre de rhue, d’un jaune-foncé, vient d’Angleterre et d’Italie. La terre jaune d’Italie, dont la nuance approche du souci, est peu employée dans le bâtiment, sans doute à cause de sa rareté. — La terre de Sienne est une ocre d’un assez beau jaune, dont la finesse est extrême cette même terre grillée prend une teinte d’un beau rouge transparent. — La terre d’ombre est encore une espèce d’ocre ; c’est un brun très-foncé, mais d’un ton faux ; elle est très-avide d’eau. La terre d’ombre calcinée devient d’un brun-noirâtre, et acquiert de la transparence.

De toutes les couleurs employées dans le bâtiment, les ocres sont les plus solides et les moins coûteuses. Ces matières colorantes, avons-nous déjà du, varient de nuances es depuis le janne-clair jusqu’au brun le plus foncé, en passant par presque tous les tons de rouge intermédiaires : elles sont employées dans la peinture en détrempe, à fresque, à l’huile et à la cire, dont on encaustique les pavés et parquets. On se sert aussi des ocres pour colorer le plâtre dont on fait des revêtermens, et cette maniere de l’employer, connue des Anciens, ressemble assez au stuc. La couleur en est bien plus solide, n’étant pas superficielle, mais inhérente à l’enduit et en pénétrant la masse entière. Néanmoins les ocres entrent dans les badigeons, à l’intérieur comme à l’extérieur des édifices. Les ocres jaunes, broyées à l’eau ou à l’huile, servent surtout à donner les premières couches sur les boiseries qui doivent recevoir des couleurs plus chères et plus fines, ou sur celles que l’on peint seulement pour les garantir de l’action des pluies, tels que poteaux, barrières, portes, treillages, ponts de charpente, etc., el cette couleur, employée à l’huile, conserve les bois mieux que toute autre.

Le rouge de Prusse et celui d’Allemagne sont ceux qu’on emploie dans l’encaustique du pavé des appartenons. Ou donne maintenant la préférence à l’ocre jaune, ou bien à la terre de Sienne, ou à la terre d’ombre, qui imite la couleur des parquets en bois de chêne. Cette teinte est plus douce et plus amie de l’œil, qu’allée le désagréablement le rouge cru ou le jaune, rendu encore plus vis par son mélange aveu la cire lustrée par un frottement réitéré.
(A. L. C.)

OCTOGONE, adj. des deux genres. Figure qui a huit pans et huit angles.

OCTOSTYLE, adj. des deux genres. Se dit de l’ordonnance d’une façade d’édifice ou de temple, qui a huit colonnes à son rang antérieur.

Tel est le temple de Minerve, à Athènes ; tel est le Panthéon d’Agrippa, à Rome. Les ordonnances du diptère et du pseudodiptère, chez les Anciens, étoient octostyles.

ODÆUM. On laisse à ce mot sa terminaison latine, selon l’usage reçu pour tout les ouvrages d’antiquité, quoique l’on eût pu d’autant mieux lui laisser sa terminaison grecque, que cette terminaison est devenue celle du mot odéon en français. C’est pourquoi on eu usera dans le cours de cet article.

On donnoit le nom d’odéon, chez les Grecs, à une espèce d’édifice daus lequel les poëles et les musiciens disputoient les prix de musique, de chant et d’exécution instrumentale ; cela devoit répondre, relativement aux théâtres, à ce qu’est, chez les Modernes, la salle de concert.

Périclès, qui lil bâtir le premier odéon à Athènes, avoit eu l’intention qu’il servit aux choréges des différentes tribus, pour s’y exercer et pour y instruire les chœurs. L’odéon devoit aussi servir de magasin pour les objets employés dans les pompes solennelles et religieuses. Il eut encore une autre destination ; il offrit, comme portique, un refuge aux spectateurs assemblés dans le théâtre de Bacuhus, qui lui étoit contigu, lorsque la mauvais temps obligeoit de se mettre à convert. Quelquefois même il servit aux Athéniens pour y tenir des assemblées politiques.

L’odéon ressembloit par sa forme au théâtre, à cela près qu’il avoit beaucoup moins d’étendue, et qu’il recevoit une couverture. Aucun auteur ancien ne nous a laissé, toutefois, une description de cette sorte d’édifice, ni donné aucune mention de sa disposition intérieure. Vltruve ne parle qu’en passant de celui d’Athènes ; et quant aux ruines que plus d’un voyageur appelle des ruines d’odéon, rien de moins authentique que leurs notions, qui peuvent toujours s’appliquer à des restes de théâtre. Il est probable qu il ne devoit y avoir ni scène, ni précisément ce qu’on appelle le proscenium.

La disposition des couvertures on des toits des odéons ne nous est pas beaucoup mieux connue. Vitruve nous dit, à la vérité, que la toiture de l’odéon de Périclès avoit été faite avec les mâts et les antennes, ou vergues des vaisseaux pris sur les Perses par les Grecs à la bataille de Salamine. Pausanias nous apprend qu’on avoit donné à cette toiture la forme de la tente de Xerxès. Cette ressemblance extérieure, qui étoit toute seule un monument de victoire, porte à croire que le toit dont étoit couronné l’odéondevoit se terminer en angle fort aigu ou en cône. Les mâts auront tenu, dans cet assemblage de charpente, la place, et joué le rôle des chevrons dans les toits ordinaires. Les antennes, pièces de bois plus légères, auront fait l’office, des pannes placées transversalement pour recevoir les tuiles. Dans l’intérieur, s’il n’y eut pas de plafond, la charpente du toit aura été recouverte et façonnée en manière de voûte.

Il est probable que l’odéon construit à Athènes par Périclès, aura été le premier édifice de ce genre en Grèce : il n’y fut pas le seul, comme on va le dire, et plusieurs croient que cette ville vit successivement élever jusqu’à trois odéons. Du reste, les villes de la Grèce en construisirent à l’envi. C’est après avoir fait mention de celui de Patras, que Pausanias parle du nouvel odéon d’Athènes, qui n’existoit pas encore, lorsqu’il passa dans cette ville, et qui, depuis son départ, avoit été construit par Hérodes Atticus.

Cet odéon étoit situé au pied de l’Acropolis, et du côté du sud-ouest. Quelques antiquaires croient qu’on en voit aujourd’hui les restes dans les ruines de l’édifice que presque tous les voyageurs out pris pour le théâtre de Bacchus C’étoit, selon Pausanias, un des plus beaux édifices de la Grèce, et il surpassoit en magnificence tous les autres odéons. Il en subsiste aujourd’hui assez pour faire connoître sa forme générale, c’est-à-dire qu’on en voit encore l’excavation faite dans le rocher, où l’on avoit taillé les siéges demi-circulaires ; une partie assez considérable du mur qui devoit occuper la place de la scène, et quelques arcades ouvertes faisant corps aujourd’hui avec les fortisications de la citadelle.

L’exemple des Athéniens fut suivi par d’autres villes de la Grèce, qui firent aussi construire des odéons Pausanias, toutefois, ne fait mention que de deux odéons bâtis, l’un à Corinthe, l’autre à Patras. Il est vrai qu’en parlant de celui de cette dernière ville, il donne assez à comprendre qu’il y en avoit aussi dans beaucoup d’autres villes. Peut-être faut-il inférer de-là que l’odéon n’étoit pas, comme le théâtre, le gymnase, etc., un édifice obligé pour chaque ville : peut-être aussi sa destination principale n’exigeoit -elle pas autant de dépense et d’étendue que celle du théâtre ; et Pausanias, dans ce cas, n’aura fait mention des odéons, qu’en raison de leur grandeur et de leur magnificence.

Plusieurs villes de l’Asie mineure eurent aussi des odéons. Celui de Smyrne étoit renommé, selon Pausanias, à cause d’un tableau d’Apelles qui représentoit les Grâces. Les voyageurs Pocoke et Chandler ont pris pour des odéons plus d’un édifice en forme de théâtre dans les villes d’Ephèse et de Laodicée ; mais Chandler, aux. débris nombreux de la sculpture qui enrichissoit l’édifice de Laodicée, a présumé qu’il devoit être d’architecture romaine.

Rome, plus tard, eut aussi des odéons. Fabricius, dans sa description de Rome, y en compte quatre. Mais de plus modernes critiques ont prouvé qu’il n’y en eut jamais que deux : le premier fut construit par Domitien qui, entr’autres jeux publics célébrés en l’honneur de Jupiter Capitolin, institua des combats de musique pour lesquels on érigea l’odéon ; le second, bâti sous Trajan, avoit été l’ouvrage de l’architecte Apollodore.

On trouveroit encore à citer, d’après les récits des historiens, d’autres odéons construits sous les Romains, dans différentes villes des pays qu’ils avoient conquis.

Le mot odéon est devenu, depuis quelque temps, un mot français, et on en a affecté le nom à un des théâtres de Paris, non par aucune similitude d’usage on de forme, mais par ce besoin qu’on a de chercher dans l’antiquité des dénominations nouvelles, à beaucoup de choses qui n’ont toutefois rien de nouveau.


ŒIL, s. m. Ce mot, en architecture s’emploie par métaphore, pour signifier certaines ouvertures ou fenêtres circulaires que l’on pratique le plus souvent dans les combles, dans les attiques ou dans les reins d’une voûte.

Les Grecs (on l’a déjà dit au mot Fenêtre) se servoient du terme opaion, formé d’opè, signifiant trou, ouverture, et par une métaphore en sens inverse de la nôtre, ils donnoient quelquefois ce nom à l’œil, parce que l’œil est regardé comme l’ouverture, et en quelque sorte la fenêtre, par où nous recevons l’impression visuelle des objets.

Les Anciens firent donc fréquemment de ces fenêtres que nous appelons du mot œil, au sommet de leurs édifices, et nous avons déjà cité celui que l’architecte Xénoclès pratiqua dans le comble du temple d’Eleusis.

C’est bien du mot œil qu’on doit appeler l’ouverture circulaire qui, percée au sommet de la voûte du Panthéon d’Agrippa, introduit la lumière dans son intérieur, et c’est de cette sorte qu’étoient éclairées, comme leurs ruines le témoignent encore aujourd’hui, beaucoup de salles circulaires qu’on voit à Pouzzol et à Rome, soit que ces édifices aient été des temples, soit qu’ils n’aient été que des parties de l’ensemble des thermes, discussion indifférente et étrangère à l’objet de ces ouvertures.

Œil-de-bœuf. Petit jour pris dans une couverture pour éclairer un grenier, un faux-comble. On appelle de même les petites lucarnes d’un dôme, telles que celles du dôme de Saint Pierre à Rome ; on y en compte quarante-huit en trois rangs.


Œil de dôme.C’est l’ouverture qui est au haut de la coupe d’un dôme, et que l’on couvre le plus souvent d’une lanterne.


Œil de volute. C’est le petit cercle du milieu de la volute ionique, où l’on marque les treize centres pour en décrire les circonvolutions.


Œil de pont. (Terme d’architecture hydraulique.) Nom que l’on donne à certaines ouvertures rondes au-dessus des piles, et dans les reins des arches d’un pont ; ce qu’on fait autant pour rendre l’ouvrage léger, que pour faciliter le passage des grosses eaux. Il y a de ces ouvertures, par exemple, au pont neuf de la ville de Toulouse, et à quelques ponts sur l’Arno, à Florence.

ŒUVRE, s. m. Ce terme s’emploie diversement, dans plus d’une locution, en architecture.

On dit mettre en œuvre. — C’est employer une matière quelconque, lui donner, par le travail, la forme et la place qu’elle doit avoir.

Dans œuvre et hors d’œuvre. — Le mot œuvre, synonyme d’ouvrage, se prenoit autrefois d’une manière plus générale dans la bâtisse, pour le bâtiment ou la fabrique (voyez plus bas). Les deux mots dans œuvre et hors d’œuvre s’appliquent donc aux mesures prises de l’intérieur ou de l’extérieur d’un bâtiment. Par suite de cet usage, le mot hors d’œuvre se dit de tout corps de bâtisse, de tout objet, de tout travail accessoire et étranger à l’ensemble, quel qu’il soit, du corps de l’objet ou du travail principal.

Sous œuvre (Reprise en). — Se dit, en bâtisse, de l’opération par laquelle on rebâtit sous la partie supérieure d’une construction, une construction nouvelle, soit qu’on veuille changer la disposition d’un rez-de-chaussée, soit que la partie inférieure de l’édifice dans ses fondations, et de même au-dessus du sol, menace ruine par l’effet d’un vice de construction ou de la mauvaise qualité des matériaux. C’est ainsi qu’on vient de reprendre en sous œuvre et de reconstruire dans l’église de l’Abbaye, à Paris, tous les piliers de sa nef, dont les pierres, prêtes à s’écraser, menacoient d’une ruine prochaine.

Toute opération de reprise en sous œuvre a lieu par le moyen de forts étais qu’on place, de manière a supporter la construction supérieure, sans qu’elle puisse éprouver ni tassement ni dérangement. On démolit alors la construction vicieuse qu’il s’agit de remplacer, et on rebâtit jusqu’à ce qu’on arrive à la rejoindre à celle d’en haut ; ce qui exige des soins, une exactitude et une précision particulières.

Œuvre d'église. On appelle de ce nom, dans nos églises, l’espèce d’enceinte et de place distinguée, qu’occupent les marguilliers ou fabriciens, & ce dernier mot, qui signifie préposés à la fabrique, nous explique l’étymologie du mot œuvre dans nos églises.

Il suffit d’ouvrir les histoires des anciennes constructions des églises, surtout en Italie, pour voir que ces grands ouvrages furent entrepris et exécutés par des corporations ou compagnies qu’on appeloit magistri dell’ opera, les maîtres de l’ouvrage ou de l’œuvre. Ces grands édifices termines avoient besoin d’être continuellement surveillés réparés, entretenus. Des fonds plus ou moins considérables étoient affectés à cet entretien. L’administration de ces fonds, leur emploi, la police du lieu saint et toutes les dépenses relatives au culte extérieur, continuèrent d’être dans les attributions des maîtres de l’œuvre, appelés depuis fabriciens. On leur donna une place d’honneur dans l’église, et cet usage subsiste encore. Il paroît que le langage aura abrégé la dénomination dont il s’agit. On aura dit le banc des maîtres de l’œuvre, le banc de l’œuvre, et enfin, par ellipse, l’œuvre.

Ce banc d’honneur, où se placent les intendans de la fabrique, qu’on nomme aujourd’hui marguilliers, est devenu l’objet d’une décoration particulière dans certaines églises. On a souvent adossé ce banc ou cette enceinte en menuiserie, à une cloison en bois, plus ou moins ornée ; on l’a décorée d’une espèce de dais ou d’impériale. Enfin, on y a élevé des colonnes, et ce banc primitif est devenu quelquefois une construction plus importante, qu’il ne conviendrait d’en faire dans des intérieurs, qui seraient soumis à une architecture régulière.

L’œuvre de la paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, passe avec raison pour le travail en bois le plus considérable et encore le plus remarquable en ce genre. C’est aussi à son importance que s’adresseroit la critique qu’on vient de faire, si ces sortes de hors-d’œuvres ne sembloient trouver leur excuse dans le genre des intérieurs gothiques.

OFFICE, s. m. Dans les palais et les grands hôtels, on comprend sous ce nom l’ensemble de toutes les pièces qui forment ce qu’on appelle le département de la bouche, comme les cuisines, garde-mangers, dépenses, sommelleries, salles un commun, etc.

On appelle aussi particulièrement office une pièce, près de la salle à manger, où l’on renferme tout ce qui dépend du service de la table et du dessert.

La meilleure situation des offices, considérés en grand, est à l’extrémité des ailes du bâtiment, supposé que le terrain ne soit pas très-étendu, c’est-à-dire, que l’aile ne soit pas trop longue ; car alors il faudroit faire une cour pour les cuisines et on y disposeroit à volonté les offices.

Ce qu’il faut surtout éviter dans leur disposition, c’est de les placer sous le corps principal de logis, à moins qu’on n’ait pas d’autre emplacement à leur donner.

OGYVE , s. m. Il n’est pas facile de s’accorder sur l’origine de ce mot. Il n’y a, sur son étymologie, que des conjectures et des notions douteuses qui le composent de deux anciens mots français. Quoi qu’il en soit, ce nom a été donné et se donne encore, et généralement au pluriel, dans dans l’architecture gothique, à ces courbures saillantes que nous appelons nervures, qui, dans les travées ou croisées des voûtes (comme on le voit à toutes les églises gothiques), se croisent diagonalement au sommet, en allant d’un angle à l’autre, et produisent, dans les voûtes, ces compartimens angulaires qu’on y remarque.

Les ogyves ou les nervures des voûtes, qu’on appelle ainsi, sont quelquefois méplates, quelquefois arrondies avec filets, quelquefois elles se composent de plusieurs moulures.

Les ogyves ainsi définies forment toujours, dans les voûtes où elles se croisent, ce qu’on peut appeler l’ossature de la construction. Elles sont ordinairement de pierres dures et d’une plus grande dimension que celles qui forment les remplissages, et ne sont guère autre chose que de petits moellons qui, comme les briques, servent de revêtement à une maçonnerie de blocage.

Les ogyves, dans les constructions gothiques, ne sont donc rien autre chose que les arêtes saillantes au lieu d’être les arêtes sans saillie des voûtes lunelatœ, à lunettes, ou ployées (du verbe luno, qui signifie courber), que les Anciens ont appliquées à leurs grands intérieurs voûtés, tels que furent ceux des vastes salles des thermes.

Le besoin d’établir dans les églises catholiques (voyez Gothique (Architecture) des voûtes à de très-grandes hauteurs, dans de vastes dimensions et sur des supports isolés, fit adopter aux architectes d’alors le système de construction, qui tend le plus possible à diviser la pesanteur des voûtes, à eu répartir la poussée, et à en décharger le plus possible leurs supports.

L’angle aigu produit par le croisement des ogyves ou arêtes saillantes dans les voûtes, occasionne encore le ploiement des arcs tiers-point ou arcs doubleaux formant le remplissage entre les ogyves, et de-là naturellement l’usage des arcs aigus, soit dans les arcades des nefs d’église, soit dans celles des fenêtres des bas côtés ou des nefs qui correspondent aux arcs doubleaux.

Toutefois ou ne sauroit s’empêcher de remarquer que les ogyves des voûtes gothiques nous prouvent, non-seulement que l’arc aigu ne fut pas une invention de leurs architectes, puisqu’on eu trouve des exemples dans toutes les architectures antérieures, mais que ces architectes ne méconnurent pas, comme on le répète trop souvent l’arc plein cintre. En effet, l’arc plein cintre, outre qu’on le trouve employé souvent dans les arcades des édifices gothiques, existe de fait dans toutes les voûtes à ogyves. Les angles produits dans le dessin des voûtes par le croisement des ogyves, empêchent souvent de remarquer que ces quatre compartimens angulaires ne sont dus qu’aux deux arcs en plein cintre qui forment les nervures de l’ogyve. Ces arcs sont plus ou moins exhaussés ou surbaissés, selon l’élévation ou la largeur que doivent avoir les voûtes. Voy. Gothique (Architecture).

OLIVE, sub. f. Le fruit de l’olivier a fourni à l’ornement, dans l’architecture, une imitation qui trouve sa place en grains oblongs, enfilés comme des chapelets, et qu’on taille sur les astragales et sur les baguettes.

Olive (feuille d’). On l’emploie dans l’ornement, et nous avons vu qu’on distingue dans les chapiteaux corinthiens ceux dont les feuillages sont taillés d’après l’imitation de l’acanthe, ou d’après celle des feuilles de l’olivier. Voyez Chapiteau corinthien.

ONGLET. Voyez Assemblage en onglet.

OPA. Mot latin qui est le même qu’οωα ou οωη, lequel, en grec, signifie trou, ouverture.

Les Romains usèrent du mot opa, opœ, dans l’architecture, pour désigner, comme Vitruve le dit, ces trous que nous appelons trous de boulin, lesquels sont formés dans la construction par l’intervalle qu’occupent les solives, intervalles qui restent vides et produisent des ouvertures carrées lorsque les solives disparoissent.

Les Grecs, et Vitruve après eux, ont donné le nom d’opa, trou, à ces intervalles qui, dans la, charpente des plafonds, séparent les solives dont les bouts extérieurs furent décorés du triglyphe (voyez Triglyphe), et de-là le nom de métope, composé de μιτα et deοωη, trou intermédiaire entre les solives ou les triglyphes. Voyez, sur cet objet, la discussion qui a lieu à l’article Métope.

OPAION. Du mot οπα, les Grecs ont fait le mot οπαιον, qui signifie ouverture d’en haut dans les bâtimens.

OPISTHODOME. Ce mot est grec (οπιοιοδομος), et se compose en grec de deux mots, οπισιε et δομος, qui signifient derrière et maison, et dans leur composition veulent dire la partie de derrière d’une maison.

Le mot domos s’applique aux temples, comme les Italiens disent encore il duomo pour église ; c’est la maison par excellence. Ainsi opisthodome signifie, appliqué aux temples grecs, cette partie de leur ordonnance qui correspondoit au pronaos, et que les Romains appelèrent posticum.

Cependant opisthodome a, dans le sens que nous lui donnons, la propriété de signifier dans le temple grec deux parties distinctes, quoique toutes deux situées au côté opposé de celui qui formoit le devant de l’édifice ; et nous verrons encore que, par suite de l’emploi qui fut donné à une de ces parties postérieures du temple, on peut appeler opisthodome un édifice distinct et séparé du temple.

Nous allons parcourir les trois manières d’entendre ce mot.

L’opisthodome, selon la première manière d’être appliqué à l’ensemble et à l’ordonnance générale du temple, est cette partie qui, dans le parallélogramme dont est formé le naos, répète symétriquement à l’extrémité postérieure la partie antérieure qu’on appelle pronaos ou avant-temple. L’avant-temple se compose, dans les temples amphiprostyles, d’un rang de colonnes formant le porche et soutenant le fronton, et dans les temples périptères ou diptères, de plusieurs rangs de colonnes en renfoncement (voy. Pronaos) ; l’opisthodome en est presque toujours une répétition exacte à l’autre extrémité du temple : en sorte que l’on peut dire que, d’un côté, est l’avant-temple, et de l’autre le post-temple. Il suffit de consulter les plans de tous les temples périptères pour se convaincre de l’entière similitude de ces deux parties de l’ordonnance, similitude telle que l’œil ne pouvait pas distinguer au dehors dans la masse générale du temple, quel en étoit le côté antérieur el quel en étoit le côté extérieur. Plusieurs temples avoient également deux portes ou deux entrées semblables dans le naos.

Mais les grands temples périptères ou diptères, outre cette partie de l’ordonnance extérieure, qui étoit le post-temple, en tout conforme à l’avant-temple, avoient encore un autre genre d’opisthodome.

Tous les grammairiens anciens, Hesychius, Harpocrates, etc., s’accordent sur ce point, que l’opisthodome étoit le lieu où l’on conservoit les richesses des temples et les finances même de l’Etat. On sait que c’est dans l’opisthodome du temple de Minerve, à Athènes, qu’Aristophane place Plusus, le dieu des richesses. Or, le temple de Minerve, ou le Parthenon qui subsiste encore, et dont les voyageurs nous ont donné les plus fidèles dessins, avoit l’intérieur de son naos partagé en deux pièces, l’une d’à peu près cent pieds de long, qui étoit le vrai temple, où l’on voyoit la statue colossale de la déesse, l’autre d’environ quarante pieds en longueur, ayant sa porte extérieure dégageant sur le post-temple. Que cette pièce ait été, et de fait et de nom, l’opisthodome servant de trésor, c’est ce qu’ont démontré encore les débris d’inscriptions trouvées par Chandler dans l’intérieur du Parthénon : quelques-unes de ces inscriptions contiennent un inventaire des offrandes consacrées à Minerve, et une entr’autres fait expressément mention de l’opisthodome. Le temple de Jupiter, à Olympie, d’après la description extrêmement détaillée que nous a donnée Pausanias, avoit une parfaite ressemblance avec le Parthenon d’Athènes, sauf quelques variétés dans la distribution des sculptures autour du naos. Pausanias donne clairement à entendre qu’il y avoit un bas-relief au-dessus de la porte du naos, νπερ τα ναα των θορων, et un semblable au-dessus de la porte de l’opisthodome, νπερ τα οπισζοδομα των θυρυν. S’il n’avoit été question que de désigner la porte de derrière du temple, Pausanias auroit dit, οπισζε τοο ναα. Dès qu’il spécifie la porte du naos et la porte de l’opisthodome, il faut conclure que le temple avoit, comme celui de Minerve, une pièce servant de trésor, placée aussi dans la partie postérieure du temple.

Ces deux autorités paroissent suffisantes pour prouver que l’on appela opisthodome une pièce située, comme on vient de le dire, dans les grands temples périptères, et qui dut recevoir de sa position le nom de post-temple ou arrière-temple.

Cette pièce ainsi dénommée servoit de trésor. Sera-t-il arrivé jadis, comme on le voit souvent, que l’usage auquel un édifice est destiné, ait fait conserver à cet édifice un nom démenti par son étymologie ? C’est ce que quelques-uns ont pensé de l’opisthodome ; et comme ce mot peut vouloir dire aussi, maison ou bâtiment situé par-derrière (sous-entendu le temple), on a cru qu’il y avoit des édifices distincts et séparés du temple servant de trésor, et cette opinion a été avancée et répétée sur l’opisthodome de la citadelle d’Athènes.

Nous croyons toutefois que cette opinion est due au vague du sens auquel peut prêter la composition du mot en grec, et à l’ambiguïté qu’il comporte comme presque tous les mots composés. Il suffit de penser à la composition toute semblable du mot pronaos, pour voir que ce mot ne signifiant pas temple en avant, mais partie en avant du temple, opisthodome ne doit vouloir dire aussi que partie en arrière du temple, naos et domos étant ici synonymes.

OPPENORD , né à Paris en 1672, mort dans la même, ville en 1742.

Son père, qui étoit ébéniste du Roi, lui mit de bonne heure le crayon à la main, uniquement dans l’intention d’en faire son successeur, en lui transmettant un état, où il faut du goût et quelques connoissances qui ne sont pas sans liaison avec celles de l’architecture. Il s’aperçut bientôt de celle liaison par les dispositions que l’étude du dessin développoit chez son jeune élève ; il s’empressa de les seconder, en lui faisant apprendre les mathématiques, et il le plaça chez Jules-Hardouin Mansart, surintendant et ordonnateur des bâtimens du Roi.

Les progrès d’Oppenord lui valurent bientôt d’aller étudier à Rome, comme pensionnaire du Roi, à l’Académie de France. Il passa huit années, tant à Rome qu’en Lombardie, et s’y forma sur le goût et la manière de l’école dominante alors. Cette école avoit pour chef Boromini, dont la méthode étoit de sacrifier la forme principale aux détails décoratifs, puisés eux-mêmes dans les inventions du caprice.

L’ouvrage par lequel Oppenord débuta lors de son retour à Paris, fut le principal autel de l’église de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. Il le composa dans le goût alors régnant, celui des baldaquins, dont Bernin avoit le premier réalisé l’idée, au-dessus du maître-autel de Saint-Pierre (voy. Baldaquin). Bernin, comme on l’a dit à cet article, n’avoit dans sa composition fait autre chose qu’enchérir sur la forme, le goût et la magnificence de l’ancien ciborium (voy. ce mot) Les successeurs de Bernin, et Oppenord fut de ce nombre, se mirent à enchérir à l’envi sur l’idée de ce grand modèle. Ainsi le baldaquin dont Oppenord donna le dessin pour l’autel de Saint-Germain-des-Prés se composoit de six colonnes de marbre cipolino, portant un entablement architravé sur lequel s’élevoit l’impériale, dont les courbes étaient liées par une couronne orale. Des consoles donnoient naissance à des palmes qui se terminoient en pyramide, et portoient un globe surmonté d’une croix. Un ange, accompagné de deux autres plus petits, tenoient l’ostensoir. On ce rapporte ici cette description que parce que l’ouvrage n’existe plus. Il a été détruit aux temps de la révolution, et les colonnes du ce baldaquin sont aujourd’hui dans le Musée royal des antiques.

Oppenord eut une assez grande part dans les travaux de la construction de la grande église de Saint-Sulpice à Paris. C’est de lui qu’est le portail de la croisée qui est du côté de la rue Palatine : il y employa les ordres dorique et ionique couronnés d’un fronton. Le portail correspondant de la même croisée a été rachevé par lui, depuis l’entablement de l’ordre inférieur. Il contribua à l’achèvement des bas côtés de la nef, et il donna les dessins du maître-autel, qui n’existe plus.

On auroit quelque peine à citer aujourd’hui les palais ou hôtels qu’il contribua à décorer, tant les changemens de propriétaires tendent à dénaturer promptement de semblables travaux.

Oppenord passa, de son temps, pour être un grand décorateur ; mais comme le goût dans lequel il exerça son talent est l’opposé du goût simple, vrai et naturel, nous finirons ce qui concerne cet architecte, en disant qu’on l’appelle le Boromini de la France.

OPPOSITION , sub. fém. On a déjà fait sentir (voyez Contraste) la différence que la langue des beaux-arts et la théorie du goût ont établie entre ce qu’on entend par contraste, et ce qu’on exprime en général par le mot opposition. Quoique ces deux mots paroissent être synonymes, et se prennent quelquefois l’un pour l’autre, et quoique leur composition étymologique semble leur affecter une même signification, cependant il ne se peut pas que le langage ne distingue point, dans l’emploi raisonné de l’un ou de l’autre, une variété correspondante à celle de deux nuances d’idées faciles à saisir.

C’est pourquoi il nous paraît que, selon l’usage qu’on en fait, le mot contraste emporte avec soi l’idée d’un changement brusque ou violent, qui a lieu dans le rapprochement des choses, des objets, et qui produit aussi dans l’ame un changement inattendu de situation : et il nous semble que le mot opposition indique entre les choses, les images ou les idées des objets, une position que est a la vérité diverse et contraire, mais sans produire toutefois le choc du contraste, et sans opérer sur les sens et sur l’ame les effets frappans de la surprise et d’autres sensations violentes.

Si, d’après cette distinction, on applique l’idée de contraste, telle qu’on vient de la définir, aux œuvres et aux moyens propres de l’architecture, il est permis de croire que cet art n’est guère en état de produire les effets du genre de ceux qu’on peut appeler contrastans, c’est-à-dire qui surprennent vivement, et qui, par une impulsion rapide, sout passer l’ame d’une situation extrême à une autre.

L’architecte qui voudroit produire pour les sens de véritables contractes, ne le pourrait faire effectivement qu’en mettant en présence ou en contact, par exemple, les extrêmes de la grandeur et de la petitesse, ceux de la richesse et de la pauvreté ; ou bien, dans les proportions, ceux de l’élévation démesurée d’un intérieur, avec la largeur la plus rétrécie ; mais on comprend qu’assujettie par la nature des choses à des devoirs qui l’empêchent de se permettre ces sortes de jeux, l’artiste qui se livrerait à de tels caprices ne seroit que du ridicule : or, un semblable ridicule ne saurait se supposer.

Il n’est guère possible d’admettre l’idée de contraste telle qu’on l’entend, c’est-à-dire, comme passage brusque et sans transition d’un effet à un autre, d’une impression donnée à une autre impression ailleurs que dans les changemens subits de décorations sur les théâtres. C’est là, comme on le sait, que le décorateur peut nous faire passer de la manière la plus inattendue, la plus soudaine, du palais de l’Olympe à celui de Pluton, de la salle d’un bal à une prison, etc. Mais on voit que, bien que les objets qui contrastent ainsi à nos yeux, sur la scène, soient des images d’architecture, ils sont cependant beaucoup plus l’ouvrage de la peinture. Or, ce qu’on prétend, c’est que l’architecture, dans les monument réels, ne sauroit guère avoir ni l’occasion, ni les motifs, ni les moyens d’opérer l’effet de semblables contrastes, qui, dans le fait, résultent de la privation de lumière, ou d’un passage subit des ténèbres à la clarté, moyens dès-lors plus ou moins factices, et indépendant du pouvoir de l’art de bâtir proprement dit.

Si le mot opposition indique entre les objets, les images et les idées, un rapport de contrariété moins frappant, et qui corresponde davantage à ce qu’on appelle variété ou diversité, et si l’idée d’opposition est à celle de contraste ce que la nuance est à la couleur entière, sans aucun doute il entrera dans la nature, dans la fin et dans les moyens de l’architecture, de produire des oppositions.

Effectivement, la combinaison des élémens matêriels de l’architecture, et des effets moraux que l’intelligence sait en tirer, procure à l’artiste plus d’une sorte de procédés et du moyens pour opérer, selon le but qu’il se propose, divers genre. d’oppositions ; et il les emploie, soit pour éviter une certaine monotonie dans l’aspect général d’un édifice, soit pour faire valoir et mieux apprécier certaines qualités, certains rapports, et produire sur les sens, comme sur l’esprit, une impression plus déterminée.

On peut, ce semble, réduire à deux espèces les moyens matériels de produire quelques oppositions dans les édifices. Les premiers pourront dépendre de la diversité des matériaux eux-mêmes, et de la variété qu’on mettra dans leur emploi ; les seconds procéderont d’un certain art de disposer et de ménager des objets d’une dimension subordonnée, pour faire d’autant briller la grandeur de l’objet qu’on veut rendre dominant.

Parmi les matières employées par l’architecture, il faut reconnoitre qu’il en est dont les substances, les couleurs, la manière de les entremêler, les variétés que le travail leur donne, procurent dans l’aspect, soit d’un seul corps de bâtiment, soit des corps séparés d’un grand ensemble, certains effets d’opposition propres à indiquer les degrés différens de simplicité, de variété ou de richesse que l’architecte veut faire ressortir.

Ainsi, des blocs laissés bruts, des pierres de taille rustiquées, donneront aux soubassemens d’un monument une apparence de massivité dont l’opposition fera paroitre plus élégantes les parties et les ordonnances supérieures. L’emploi de ce genre d’opposition entre les matériaux a quelquefois été porté plus loin. Il y a des exemples de plus d’un édifice, où l’architecture a fait entrer dans son appareil, des pierres tellement taillées et façonnées en forme de rochers, que leur opposition avec le reste de la construction semble avoir eu pour but, de donner l’idée d’un monument pratique et comme fondé sur des masses de rocs naturels. Tel est à Rome (peut-être dans un sens allégorique) le palais de justice à Monte-Citorio.

On sait que souvent, pour varier et rendre plus piquant l’aspect des façades d’un édifice, l’architecte met en opposition des superficies taillées en refend ou de bossage, avec les pilastres, les colonnes et d’autres objets qui, en se détachant sur un semblable fond, en recoivent un effet plus vif. Ainsi, à Rome, le temple de Mars vengeur se détachoit autrefois sur le fond de ce grand mur composé de bossages tres-saillans, dont il subsiste encore un beau reste au Campo-Vaccino à l’arc de Pantano.

Les mélanges de matériaux divers par leurs couleurs, comme le sont souvent la brique et la pierre, employés soit aux paremens, soit dans des, détails de la construction, fournissent encore quelques oppositions propres à faire mieux distinguer au milieu d’un grand assemblage de batimens le corps principal, de ses membres ou parties accessoires.

Enfin, si l’artiste met en œuvre dans quelque intérieur, ou la beauté des marbres de couleur, ou l’éclat des métaux précieux, ou les charmes de la peinture, le goût approuvera qu’il en fasse ressortir l’effet, en ménageant, dans la simplicité de ce qui précède ou accompagne ce local, une juste opposition. C’est aussi ce que l’on pratique volontiers dans les suites de pièces qui forment les appartemens d’un palais, en y graduant les ornemens et la richesse, de façon à faire mieux briller la décoration des pièces d’honneur ou de cérémonie.

On a mis au nombre des moyens matériels ou mécaniques d’opposition, en architecture, les effets de comparaison qui peuvent résulter de certaines diversités de mesure entre les objets ou les masses d’un édifice. Quoiqu’on ait avancé qu’il ne sauroit entrer dans les procédés réguliers de l’art, de faire contraster, comme par une sorte de jeu, les extrêmes de la grandeur et de la petitesse, et d’autres contraires semblables, on ne disconvient pas toutefois, que certaines oppositions concertées à dessein, dans les dimensions des parties d’un grand tout, pourront y produire l’effet qu’on en attend, surtout s’il ne paroit rien d’affecté dans ces rapprochemens, et si leur motif sort naturellement du sujet de la composition. C’est ainsi, et à ces conditions, que dans un vaste el colossal ensemble, des masses accessoires subordonnées, el déjà d’une assez grande dimension, seront mieux juger de la grandeur relative du corps principal. Ainsi, les petites coupoles qui, au dedans comme au dehors, servent d’accompagnement au dôme de Saint-Pierre, font, à son égard, l’effet d’une échelle de proportion, et le l’ont paroitre plus vaste qu’il ne paroitroit, sans ces points d’opposition.

Mais les vrais moyens d’opposition qui appartiennent moins au matériel qu’au moral de l’art, dans l’architecture, sont ceux qui naissent des combinaisons du génie de l’artiste. A cet égard, loin qu’on puisse méconnoitre l’existence des oppositions dans cet art, on pourroit plutôt affirmer que ses effets et ses impressions dépendent du secret même d’y opposer, tant en général dans l’ensemble, qu en détail dans chaque partie, les différentes qualités qui se font valoir l’une par l’autre.

Les seuls détails de la modénature ou de l’art de profiler, nous offrent les plus évidentes applications de l’art des oppositions. C’est la qu’on apprend que l’unité de caractère ne consiste pas à faire tout également fort, également délicat, également léger, également riche. Comme dans la musique, le fort et le doux, les mouvemens vifs ou lents doivent se succéder, sous peine de monotonie ; de même, quant a l’harmonie des lignes et des formes, le goût consiste à entremêler dans leur action, sur nos sens, de légères oppositions qui en corrigent l’uniformité. Ainsi les Grecs, dans leurs profils du caractère le plus mâle et le plus prononcé, ne manquèrent jamais d’introduire, après un membre fort et très-saillant, un membre fin et léger, qui lui fait opposition.

Généralement, si tout est fort, si tout est riche, si tout est simple, rien ne paroîtra ni fort, ni riche, ni simple. Il faut opposer quelques légèretés à ce qu’on veut faire massif, sous peine de ne produire que de la lourdeur. La richesse des décorations ne sera plus qu’une confusion indigeste, si quelques parties lisses n’y opposent certains espaces qui reposent l’œil. La simplicité dénuée de tout ornement, se réduira à n’être que de la pauvreté.

Ce manque d’un sentiment juste, eu égard à l’emploi des moyens d’opposition, a souvent égaré les architectes, jusque dans l’accord des proportions entre les parties constituantes et les accessoires des édifices. On s’est quelquefois persuadé qu’il falloit tout agrandir dans un grand ensemble : sans doute, et c’est une vérité incontestable, qu’un grand tout doit avoir de grandes parties. Aussi n’entendra-t-on pas blâmer cette correspondance naturelle, qui soumet toutes les parties d’une ordonnance à des dimensions proportionnelles. On veut seulement parler de l’abus où un système d’harmonie exagérée, fait quelquefois tomber le décorateur de grands édifices, en lui persuadant d’outrer les mesures de certains partis d’ornemens, et de porter jusqu’au gigantesque la proportion de certaines figures adhérentes à l’architecture. Il paroît que, dans l’intérêt qu’on pourroit avoir d’aider à l’impression du sentiment de la grandeur dans un édifice, il conviendroit au contraire d’y laisser beaucoup de ces accessoires dans leurs proportions, soit naturelles, soit commandées par la place qui leur est assignée, et que ces simples oppositions feroient valoir d’autant la grandeur de l’ensemble. Ainsi, dans la nef de Saint-Pierre, on a orné quelques archivoltes des arcades, avec des figures d’une saillie et d’une proportion si hors de toute mesure, que ces grandes arcades s’en trouvent rapetissées. Telle ne fut pas cependant l’intention du décorateur ; il voulut faire conclure de l’énormité de ces accessoires à l’immensité du principal. Mais son erreur, en ce genre, fut semblable à celle dont on a parlé plus haut, et qui consiste à faire tout fort, tout riche, ou tout simple. De même, faire tout colossal, c’est empêcher tout de le paroître. Les oppositions modérées, puisées dans des objets de dimension diverse, aident l’œil à juger : or, l’œil ne juge que par comparaison.

OPTIQUE , s. m. Science physico-mathématique, qui enseigne de quelle manière se fait la vision dans l’œil. Les principes de cette science sont la base de la délinéation et de la peinture. Ils ne sont pas moins utiles à l’architecte.

Les règles de l’optique (dit Perrault, Ordonnance des colonnes), appliquées à l’architecture, tendent à remédier aux erreurs des sens. Comme les images des choses, dans notre œil, sont plus petites et moins distinctes lorsque les objets sont éloignés, que quand ils sont proches, et que les vues droites font paroître les objets autrement que quand elles sont obliques, on s’est imaginé qu’il falloit suppléer à cela, comme étant un défaut auquel l’art doit remédier. De-là certains systèmes, tendant à changer les proportions et la situation des objets, des membres de l’architecture et de leurs accessoires, et l’on s’est même fondé sur l’autorité de Vitruve. Perrault a montré que toute cette théorie étoit fausse, parce que l’esprit avoit la propriété de redresser les manières de voir les choses et sait les replacer dans leur état naturel. Nous avons rendu compte de toute cette critique au mot Changement de proportion. Voy. cet article.

OR, s. m. L’or, en tant que métal solide, ne sauroit se considérer comme étant au nombre des matériaux que l’architecture ait jamais pu employer, autrement que sous le rapport de dorure (voyez ce mot), dans l’ensemble et les détails des édifices. Rien n’empêche qu’il n’ait été mis en œuvre dans de petits modèles, de la manière dont on a vu des reliquaires précieux et autres objets qui sont du ressort de l’orfévrerie, consacrés dans les lieux saints.

Nous ne trouvons dans l’histoire ancienne qu’une exception à ce qu’on vient d’avancer.

On peut, en effet, regarder comme un monument réel d’architecture, la chambre sépulcrale qui renferma le corps d’Alexandre, et quoiqu’elle ait été établie sur un chariot qui la conduisit de Babylone en Egypte, ses dimensions et son ordonnance furent telles, qu’on doit y voir une espèce de petit temple périptère, qui, sans pouvoir aller de pair, pour la grandeur, avec les édifices ordinaires, construits en pierre, auroit pu toutefois passer pour une œdicula. Sa longueur étoit d’environ vingt pieds, sa largeur de douze. Or, on ne sauroit révoquer en doute, que toute cette construction fut d’or solide, et non de métal doré : non que, par les mots or solide, il faille entendre que le tout étoit massif. Sans doute une armature fut nécessaire pour donner de la consistance à tout l’ensemble, et il faut entendre qu’une carcasse, ou, si l’on veut, une charpente en fer aura été disposée sur le plateau, fixé au chariot de manière à offrir un appui solide à tous les membres, à toutes les parties de l’ordonnance, aux colonnes, à l’entablement, au cintre de la voûte : l’or solide dont on a parlé, aura fourni le revêtement de cette armature.

On est porté à croire qu’il faut entendre par or, et non par dorure, les termes dont se sert Diodore de Sicile dans la description de ce monument, description qu’il a abrégée, en la rant de l’ouvrage qu’avoit publié, sur cette merveille de l’art, Hiéronyme de Cardie. On sait, en effet, combien l’or étoit abondant en Asie, combien il en fut alors envoyé en Grèce, et il est probable que les généraux et héritiers d’Alexandre n’épargnèrent rien dans le monument qui devoit devenir, sur toute la route, le catafalque du héros.

Nous renverrons, pour l’analyse et la restitution de cet ouvrage, au tome IV des Mémoires de la classe d’histoire et littérature ancienne de l’Institut, où nous avons ajouté, à une discussion détaillée du texte de Diodore de Sicile, un dessin qui représente l’image fidèle de l’objet décrit par l’historien.

Nous allons nous contenter d’en rapporter ici le texte traduit.

« D’abord on avoit préparé et fait au marteau, sur la mesure du corps (d’Alexandre), un cercueil d’or, qu’on avoit rempli jusqu’à moitié d’aromates destinés à répandre une bonne odeur, et à préserver le corps de la corruption.
« Sur le cercueil on plaça un cénotaphe également d’or, qui en embrassoit exactement toute la surface supérieure.
« Par-dessus, on avoit étendu un tapis de pourpre, magnifiquement brodé en or, autour duquel on avoit étalé les armes du roi mort, pour que tout, dans cette composition, servit rappeler ses exploits.
« On fit ensuite approcher le chariot destiné au transport. On avoit établi, sur ce chariot, une chambre d’or voûtée, dont la couverture circulaire étoit ornée d’écailles formées par des pierres précieuses. Sa largeur étoit de huit coudées ; sa longueur, de douze.
« Au-dessous du comble (entre le plafond et le toit) tout l’espace étoit occupé (en avant) par un trône d’or carré, orné de figures en relief de tragelaphes, d’où pendoient des anneaux d’or de la grandeur de deux palmes, et à ces anneaux s’attachaient des festons formés de fleurs de toutes sortes de couleurs.
« En haut régnoit une frange en réseau, avec de fortes sonnettes, pour annoncer au loin l’approche du char.
« Aux angles de la voûte s’élevoit, de chaque côté, une victoire d’or, partant un trophée.
« La voûte étoit supportée par un péristyle d’or, dont les colonnes avoient des chapiteaux ioniques.
« En dedans du péristyle (ou de la colonnade environnante) régnoit un réseau d’or, dont les fils étoient de l’épaisseur d’un doigt, et quatre tableaux parallèles, remplis de figures : ces tableaux étoient égaux aux murs (fournis par le réseau ou grillage d’or).
« Dans le premier tableau, on voyoit un char richement travaillé en métal. Alexandre y étoit assis, tenant en main un sceptre magnifique. Autour de lui marchoient la garde macédonienne, armée de toutes pièces, et le bataillon des Perses, appelé les Mélophores. En avant étoient les Oplites.
« Le second tableau se composoit du train des éléphans équipés en guerre, ayant en avant leurs Indiens, et par-derrière les Macédoniens, avec leurs armures ordinaires.
« On avoit figuré, dans le troisième tableau, des corps de cavalerie imitant les manœuvres et les évolutions d’un combat.
« Le quatrième, représentoit des vaisseaux en ordre de bataille.
« A l’ésodos de la chambre (ou sous le vestibule en avant) il y avoit des lions d’or, placés de manière qu’ils regardoient les entrans.
« Du milieu de chaque colonne s’élevoit un rinceau en acanthe d’or, qui alloit jusqu’au chapiteau.
« Au-dessus du faîte et au milieu du comble s’étendoit en plein air un tapis de pourpre, sur lequel posoit une couronne d’olivier d’une grande dimension. Elle étoit d’or, et lorsque les rayons du soleil frappoient dessus, l’éclat s’en trouvoit répercuté de manière que, de loin, il produisoit l’effet des éclairs.
« Le train du chariot sur lequel reposoit cet ensemble, avoit deux essieux, autour desquels tournoient quatre roues à la persanne, dont les rayons & les jantes étoient dorés ; les bandes seules étoient de fer. Des têtes de lions d’or, dont les gueules mordoient un fer de lance, faisoient l’ornement des moyeux.
« Au milieu de la longueur du chariot et au point central de la chambre, étoit adapté, avec beaucoup d’art, un pivot sur lequel l’édifice maintenu en équilibre conservoit son niveau, et se trouvoit aussi garanti contre les secousses et préservé de l’inconvénient des inégalités du terrain.
« Il y avoit quatre timons, à chacun desquels étoit attaché un quadruple rang de jougs, quatre mulets à chaque joug. Le nombre des mulets étoit de soixante-quatre. On avoit choisi les plus forts et les plus hauts. Chacun d’eux avoit sur la tête une couronne dorée, des sonnettes d’or aux deux côtés de la mâchoire, et autour du cou, des colliers chargés de pierres précieuses. »

Cette description, à laquelle nous n’ajouterons aucune des explications qui alongeroient outre mesure cet article, nous a paru devoir trouver sa place dans le Dictionnaire d’Architecture, comme présentant l’idée d’un des monumens les plus riches de l’art, et en même temps un ouvrage de mécanique des plus particuliers. Nous avons cru devoir le placer à l’article Or, comme exemple du plus prodigieux emploi qu’on ait jamais fait de ce métal précieux à aucun travail, et appliqué en même temps à un objet qui fut véritablement un objet d’architecture.

On l’a dit au commencement de cet article : si l’or fut employé jadis avec profusion dans la sculpture surtout, et dans les colosses d’or et d’ivoire (voyez l’article Ivoire), ce ne fut que comme appliqué, soit au bronze, soit à la pierre et au stuc, que nous le voyons figurer dans les monumens de l’architecture proprement dite. Mais tous ces emplois ne font supposer autre chose que l’application de l’or, en feuilles, c’est-à-dire, la dorure. Ainsi nous renvoyons le lecteur à ce mot. Voyez Dorure.

ORANGE . Le non moderne de cette ville de Provence, est une corruption du mot Aransio, ancienne ville du pays des Cavares. Il auroit fallu, si l’usage l’eût permis, écrire Aurange.

Cette ville a conservé plusieurs restes très-remarquables d’antiquités romaines. Le mieux conservé est, dans une plaine à quatre cents pas des dernières maisons de la ville, un arc de triomphe de soixante-six pieds de large sur soixante de hauteur. Il est percé de trois arcades : celle du milieu est plus large et plus haute que ses collatérales. Quatre colonnes corinthiennes ornent la masse inférieure de l’arc. Elles séparent les trois arcades, une à chaque angle, les deux autres accompagnent la grande arcade. Elles supportent un entablement qui est surmonté d’un premier attique ; un fronton situé au-dessus de l’arc du milieu interrompt cet attique. Un second attique, beaucoup plus élevé, couronne la masse, et des restes de piédestaux font voir qu’il devoit y avoir des statues.

Les parties latérales du monument sont ornées aussi de quatre colonnes corinthiennes, et dans leurs entre-colonnemens s’élèvent des trophées, au bas desquels on voit encore les figures des villes ou des provinces captives.

Cet arc de triomphe, dont on ignore la date, est resté jusqu’à présent un objet de controverse entre les antiquaires. Aucune inscription suffisante ne donne de lumières à cet égard. Quelques noms écrits sur les armes, les boucliers et autres espaces, sont des indications trop vagues pour qu’on puisse y fonder autre chose que des conjectures. Massei, d’après le style de l’architecture et de la sculpture, a pensé que cet arc fut élevé au temps d’Adrien. D’autres en remontent l’époque jusqu’à Auguste et César. Il nous semble qu à défaut de toute autorité positive, on peut s’aider du goût de l’ouvrage pour en conjecturer aussi l’époque.

Si l’on s’en rapporte à celle mesure de critique, on est obligé de convenir que tout décèle dans la composition, le style et la décoration du monument, un âge fort éloigné de celui qui vit naître les ouvrages les plus renommés de l’architecture des Romains.

La composition de l’arc est la moins simple et, si l’on peut dire, la plus chargée, de toutes celles dont les monumens de ce genre nous donnent l’idée, soit ceux qui furent exécutés à Rome, soit ceux dont les médailles nous ont conservé les types et les formes. Cette surcharge de formes est sensible dans cette cumulation du fronton élevé au-dessus du grand arc, et coupant l’espace du premier attique, dans la surimposition du second attique beaucoup plus élevé que le premier, et qui indique, par les saillies du massif du milieu, et des deux piédestaux accompagnans, qu’un char de triomphe et des statues devoient en porter l’élévation à une plus grande hauteur.

La profusion des ornemens n’y est pas moins remarquable dans les bordures des parties cintrées des arcades, dans les trophées de bas-reliefs répandus sur toutes les superficies, tant des faces que des côtés latéraux. On ne sauroit nier que cet ensemble, dont l’exécution est assez louable, n’ait dû offrir un aspect fort magnifique et fort riche. Mais on sait que l’abus du luxe décoratif est un des caractères de ces siècles, où la richesse remplaça le goût, et en suivant cette analogie, on est conduit à croire que l’arc d’Orange devroit s’attribuer à un siècle encore postérieur à celui d’Adrien.

Les trophées de victoires navales, composés de tous les attributs maritimes, tels que proues de navires, ancres, rames, acrostoles, aplustres, etc., qui partagent la décoration de cet arc, avec les trophées composés d’armes des guerres de terre, ont rendu plus difficile encore à expliquer, l’érection d’un tel monument, dans un lieu aussi éloigné du théâtre des batailles navales. On a donc soupçonné de cela même, et des noms gravés sur les armures, qui indiquent des époques fort différentes, que cet are fut exécuté pour rappeler à la fois toutes les victoires des Romains, non-seulement dans la Provence, mais dans toute la Gaule Narbonnaise.

Après l’arc d’Orange, le monument le plus remarquable de cette ville est celui qu’on appelle improprement aujourd’hui le Cirque. Ce prétendu Cirque est un théâtre dont beaucoup de parties se sont conservées.

La partie circulaire, où se trouvoient établis les sièges des spectateurs, est pratiquée dans la montagne : les deux extrémités du demi-cercle étoient liées par des constructions, à la scène, où elles se terminoient. C’est ainsi que sont bâtis la plupart des théâtres qui existent encore, Voyez Théâtre.

Le mur qui coupoit le demi-cercle, et qui formoit le fond de la scène, existe encore en entier, et produit un fort bel effet, vu de la grande place. On reconnoît du premier coup d’œil, à la manière dont il a été bâti, qu’il est de construction romaine. Il a cent huit pieds de haut et trois cents de large. Il est tout en belles pierres carrées, égales, jointes avec la plus grande exactitude : son élévation se compose de deux rangées d’arcades séparées par un grand intervalle, et elle se termine par une sorte d’attique. Au milieu du rang des portiques inférieurs, s’ouvre une grande porte, qui devoit être l’entrée principale des acteurs et des personnages scéniques employés dans les chœurs.

Des deux côtés de ce mur, formant la scène on trouve une entrée dans deux salles contiguës, qui sans doute servirent à contenir les personnages qui devoient arriver latéralement sur le théâtre, peut-être à d’autres usages encore.

Le haut du mur de la scène a, dans sa façade, plusieurs rangées de pierres saillantes (ou corbeaux) espacées également et trouées perpendiculairement pour recevoir ces mâts, à l’extrémité desquels on attachoit les voiles qui servoient à préserver les spectateurs de l’ardeur du soleil.

On ne peut se défendre d’un sentiment d’admiration, en voyant ce beau reste du théâtre d’Orange, sa belle construction, la régularité et la solidité de son appareil composé de pierres énormes, jointes sans aucun ciment, et dont quelques-unes sont longues de quinze pieds sur une épaisseur proportionnée.

Orange possédoit encore d’autres édifices antiques, un amphithéâtre, des thermes, un aqueduc. Il n’existe plus que quelques arcades qui sont enclavées dans les murs des maisons. Tout le sol de cette ville et de ses environs est une mine, qui rendroit certainement, si on la fouilloit avec soin, beaucoup de matériaux plus ou moins précieux pour l’histoire et pour les arts.

On y a déjà recueilli des mosaïques, des inscriptions, des fragmens de tombeaux, de statues, etc.

ORANGERIE , s. f. Bâtiment destiné à serrer les orangers pendant l’hiver, et dans lequel, au moyen de poêles, ou leur procure une atmosphère artificielle, portée à la température des climats d’où viennent ces arbres. Voyez le mot SERRE CHAUDE.

Les orangers et les citroniers sont en effet des arbres exotiques, et qui ne se sont acclimatés que difficilement en Grèce, et surtout en Italie.

Que ce soit les oranges ou les citrons que les Latins ont nommé mala aurantia, pommes d’or des Hespérides, apportées en Grèce par Hercule, on n’en peut fixer exactement la transplantation dans ce pays, qu’à une époque bien postérieure et indiquée par une comédie d’Aristophane, où un jeune homme présente des citrons à sa maîtresse, en lui disant que l’espèce en a été apportée tout récemment des Etats du grand roi à Athènes. Ils se répandirent bientôt dans toute la Grèce, mais il n’y en avoit pas encore en Italie du temps de Pline. Il dit qu’on en avoit apporté de la Grèce plusieurs fois, mais qu’ils n’avoient pu s’acclimater : ce ne fut qu’environ cinquante ans après, et du temps d’Adrien, qu’on trouva le moyen de


les faire venir de semence, et depuis lors l’Italie en fut remplie. Enfin, ils ne tardèrent pas à pénétrer en Provence et en Languedoc.

A l’égard des autres lieux où l’on élève des citroniers et des orangers, l’art supplée à la nature ; on les plante dans des caisses remplies de bonne terre amendée de certains terreaux, propres à y entretenir une chaleur proportionnée à celle du terroir, où ces arbres viennent naturellement. Ces caisses sont mises à l’air dans la belle saison, et ordinairement depuis la mi-mai jusqu’au mois d’octobre ; mais en hiver on les renferme dans des serres chaudes, auxquelles on donne le nom d’orangeries. Voyez la Quintinie,Traité de la culture des oranges.

Ces édifices, en forme de galerie voûtée et garnie de croisées et doubles châssis, sont bâtis à l’exposition du midi et à proximité du parterre où l’on range les caisses d’orangers dans la belle saison. Le parterre où ces arbres sont disposés d’une manière régulière, et qui n’est guère orné que de carrés de gazon, de vases et de statues, prend aussi le nom d’orangerie.

Quoique les orangeries ne soient absolument nécessaires que dans les pays du Nord, où les orangers ne peuvent résister en plein air aux rigueurs du climat, et ont besoin, pour exister, d’une atmosphère factice, on est forcé, même en Italie, d’employer des précautions pour garantir ces arbres de l’atteinte du froid ; les citroniers surtout sont très-délicats, et l’espoir de la récolte est perdu s’ils sont frappés de la plus petite gelée. On en forme, à l’exposition du midi, des espaliers disposés de manière qu’à l’arrière-saison on peut les garantir ; pour cela, on dispose des pierres d’attente saillantes du mur, ou enfoncées en terre à une certaine distance, et creusées pour recevoir des morceaux de charpente verticaux qui supportent un toit incliné, couvert en tuiles creuses ; les parois sont garnies de paillassons, et cette légère bâtisse, qu’on fait disparoître au printemps, suffit pour garantir les arbres de toute influence nuisible.

En France et dans le Nord, les orangeries sont devenues des monumens d’une grande importance, et on les a décorés de tout le luxe de l’architecture, et même de peinture à l’intérieur ; mais comme composition architectonique, l’orangerie de Versailles est, sans contredit, le plus beau monument de ce genre : il offre une masse et un développement qui lui donnent l’aspect d’un immense édifice. On a converti à cet usage ce qu’en Italie on nomme grottes, c’est-à-dire, les appartemens de rez-de-chaussée voûtés qui supportent des terrasses, et que, dans ce pays, on habite pendant les grandes chaleurs ; c’est surtout dans les sites où le terrain est inégal et escarpé, qu’on peut aisément se procurer ces sortes d’édifices, qui ont alors la propriété de se tenir à une température modérée et égale, comme les caves, sans en avoir l’humidité. On a profité à Versailles d’une pareille configuration de terrain, et l’orangerie construite contre l’escarpement de la grande terrasse, au niveau de laquelle on arrive par deux immenses rampes, offre une disposition admirable pour une orangerie. En effet, ces deux escaliers disposés de chaque côté et en avant du bâtiment principal, le garantissent de l’impulsion de tous les vents froids, et n’empêchent pas le soleil à son midi de frapper sur la façade : l’espace resté vide entre les rampes est disposé en parterre à six compartimens de gazon, avec un grand bassin au milieu. L’orangerie consiste donc en trois galeries ; celle du fond est de quatre-vingts toises de longueur ; au milieu s’élève la statue en marbre de Louis XIV : les deux autres galeries en retour ont soixante toises, et communiquent à la grande par deux tours rondes qui ont leur saillie en dehors. Ces galeries sont décorées d’un ordre toscan, et dans le vestibule on remarque une statue de Cérès en pierre de touche.

Parfois une vaste orangerie devient un jardin d’hiver où l’on peut se procurer le plaisir de la promenade, à l’abri du froid et au milieu de la verdure, des fleurs et d’une atmosphère embaumée ; aussi a-t-on cherché à embellir ces sortes de lieux par des ornemens d’architecture, et même de peinture, comme à l’orangerie de Saint-Cloud. Dans les contrées septentrionales on a poussé ce genre de luxe fort loin, surtout en Angleterre et en Russie. (A. L. C.)

ORATOIRE, sub. m. Lieu destiné à la prière. On connoissoit les oratoires chez les Anciens ; ceux qui ne pouvoient aller aux temples, suppléaient à ce devoir dans leurs oratoires ou chapelles domestiques : les riches y faisoient des sacrifices ou d’autres offrandes, pendant que les pauvres s’acquittoient par de simples salutations ou de courtes prières. On gardoit dans ces chapelles, avec les dieux lares, les images des personnes pour qui on avoit une estime particulière. Lampridius, dans sa Vie de Sévère, dit qu’il avoit placé la statue d’Alexandre avec celles des autres dieux dans cette espèce d’oratoire, qu’il nomme lararium majus. On appeloit ces statues cubiculares imagines, comme nous l’apprend Suétone. Le monument que Cicéron se proposoit de faire bâtir en mémoire de sa fille n’étoit pas un tombeau, mais un temple, ou plutôt un oratoire.

Le lararium ou oratoire domestique étoit ordinairement placé dans la partie la plus reculée de la maison ; c’étoit une petite pièce avec des bancs sur les deux côtés, un autel au milieu, devant une niche décorée d’une image ou des statues des Lares, faites en cire et couvertes d’une peau de chien, ce qui, dit-on, signifioit qu’ils étoient les gardiens de la maison. On entretenoit toujours du feu ou de la Lumière devant les figures, auxquelles on donnait parfois le nom d’atria, lorsqu’elles occupoient l’atrium ou cavœdium, cour couverte qui se trouvoit à l’entrée des maisons. On voit encore à Pompéi, dans un atrium à l’angle gauche, l’autel des dieux lares : on rencontre aussi fréquemment au coin des rues, dans la même ville ruinée, des oratoires ornés de peintures, ou des autels consacrés aux dieux populaires, dont le culte commode n’exigeoit point de dispendieux sacrifices ; on les nommoit dii patellarii[illisible], parce qu’une simple patella (écuelle) suffisoit pour leurs sacrifices. Voyez le Dictionnaire d’Antiquités.

Chez les Modernes, un oratoire est une pièce située dans l’endroit le plus retiré de la maison, et où l’on peut, à l’abri de toute distraction, se livrer à la méditation et à la prière. Ce lieu doit être sobre d’ornemens, peu éclairé, sans autre meuble qu’un prie-dieu, surmonté d’un crucifix ou d’un tableau représentant quelque sujet pieux, On voit aussi dans des oratoires une table en forme d’autel, mais elle n’est point consacrée, et on n’y célèbre pas le sacrifice de la messe. Les chapelles particulières des églises ne sont pas des oratoires, quoique parfois on les nomme ainsi, et qu’elles deviennent, dans certains cas, le motif d’oraisons adressées successivement aux divers saints auxquels elles sont dédiées. En Italie, on nomme oratoire toute chapelle isolée et qui n’est pas desservie habituellement par le clergé ; néanmoins plusieurs petites églises de Rome portent le nom d’oratoires, comme l’oratoire de la Via Crucis au Campo Vaccino ; ceux de Saint-Marcel, de Sainte-Marie-du-Carmel, des Cinq-Plaies, etc. Les grands artistes n’ont pus dédaigné de décorer la façade de certains oratoires. Vignole et Palladio ont attaché leurs noms à quelques-uns, et l’oratoire de Saint-Roch, à Venise, est célèbre par les peintures dont le Tintoret l’a décoré. On voit dans les jardins des couvens, des ædicules qu’on prendroit pour des chapelles, et qui ne sont que des oratoires situés au milieu de la verdure, tapissés de coquillages formant une sorte de mosaïque ; on y amenoit une source dont le murmure entretenoit la rêverie et portoit l’esprit à la méditation. C’est surtout dans les lieux écartés, et sur le bord des routes ou de sentiers suspendus sur l’escarpement des montagnes, et qui conduisent à quelqu’ermitage, qu’on aime à retrouver des oratoires, qui sont des lieux de repos et de refuge eu cas de mauvais temps. Les petites chapelles servant de station pour arriver à un calvaire, sont autant d’oratoires. On trouve dans les catacombes de Rome une foule de tombeaux convertis en oratoires et puis en chapelles, par les premiers chrétiens persécutés ; plusieurs de ces catacombes sont même devenues ce qu’un appelle dans plusieurs églises la confession, ou temple souterrain, comme a Sainte-Praxède, près de Sainte-Marie-Majeure, et à Sainte-Prisca, sur le mont Aventin, où l’on a conservé la chambre souterraine de la sainte, et au centre son tombeau, qui sert d’autel. On peut voir ainsi, dans l’ouvrage de M. Dagincourt les plans de Saint-Martin-aux-Mouts, exemple d’une église élevée au-dessus d’un oratoire souterrain.

En France on appelle oratoire (par syncope) l’église qui appartient à la congrégation qui porte ce non, et dont les membres s’appellent Oratoriens. Il y en a une église à Paris, rue Saint-Honoré.

En Italie, l’oratorio est une dépendance de l’église qui appartient à la congrégation de Saint-Philippe de Neri : tel est, a Rome, l’oratorio della Chiesa nuova, bâti par Boromini.
(A. L. C.)

ORCAGNA . Voyez André de Cionne.

ORCHESTRE , s. m. C’est le même mot que le mot grec orchestra ; mais il signifie, dans l’usage des théâtres modernes, toute autre chose que sur le théâtre antique.

Chez les Grecs et les Romains, ce mot signifioit le lieu où l’on dansoit ; c’étoit la place comprise entre le proscenium destiné aux acteurs, et l’amphithéâtre composé des gradins où étoient assis les spectateurs : là s’exécutoient les chœurs de danse.

Dans les théâtres modernes, l’orchestre se dit de l’espace qui vient après la rampe de la scène, et où se tiennent ceux qui jouent des instrumens. Par extension on a encore donné ce nom à une enceinte qui environne celle de l’orchestre proprement dit, et qui renferme des bancs on des siéges pour un certain nombre de spectateurs.

On doit porter en général une attention particulière à la fabrication de l’orchestre c’est-à-dire de cette enceinte où se tiennent les exécutans : on doit lui donner des proportions convenables pour que les symphonistes y soient le plus rassemblés et le mieux distribués qu’il est possible. Il est important qu’il ne soit situé ni trop haut, de peur d’intercepter au spectateur la vue de la scène, ni trop bas, dans la crainte que l’effet des corps sonores s’en trouve diminué.

Le système de la construction d’un orchestre veut qu’on regarde l’enceinte destinée à renfermer les symphonistes et leurs instrumens, comme une sorte de grand instrument lui-même, auquel on doit procurer toutes les propriétés qui tendent à faire vibrer les sons, C’est pourquoi cette enceinte doit être d’un bois léger comme celui du sapin, et on l’établit sur un vide avec des arcs-boutans en sorte que le corps même de l’orchestre pourtant ainsi dire en l’air, et ne touchant à rien, acquière, par le seul fait de cet isolement, une plus grande résonnance.

Pour ce qui regarde avec plus de détail l’orchestre du théâtre grec et romain, voyez le mot Théatre.

ORDONNANCE , s. f. Ce mot est un synonyme de disposition, de distribution (voyez ces mots) ; mais dans l’application qu’on en fait, soit à l’architecture en général, soit à un édifice en particulier, on lui donne des significations qui diffèrent entr’elles, comme l’espèce diffère du genre.

Lorsqu’on se sert de ce mot, en théorie générale, on fait de ce qu’on appelle ordonnance, comme une des parties élémentaires de la science de bâtir. C’est ainsi que Viruve a cherché à distinguer, entre toutes les choses qui constituent l’architecture, ex quibus architectura constat (liv. 1er , ch. 2), l’ordinatio de la dispositio et de la distributio. Mais ces distinctions sont fort arbitraires ; et si jadis l’usage des mots y fixa quelque variété sensible, il seroit aujourd’hui assez difficile de l’apercevoir, et de faire passer ces nuances dans les acceptions des mots français qui leur correspondent.

Nous nous contenterons de dire qu’ordonnance, lorsqu’on l’emploie, comme lorsqu’on dit l’ordonnance dans l’art de bâtir, nous paroît exprimer cet art de disposer convenablement et selon l’objet pour lequel l’édifice est fait, dans l’élévation, les masses, les parties de la construction, les colonnes, les pleins et les vides ; dans le plan, les entrées, les dégagemens, les communications, la correspondance des différentes pièces, seulement en grand : les détails en celle partie dépendant de ce qu’on appelle distribution. Voy. ce mot.

Ordonnance, lorsqu’on fait l’application de ce mot, non à l’architecture, mais à un de ses ouvrages, à un édifice en particulier, signifie la manière dont l’architecte en a ordonné les masses, les parties, les détails, considérés dans leur ensemble, dans leur effet, dans l’impression que leur aspect produit, et aussi dans le caractère qui doit être propre de l’édifice. Ainsi on dira que l’ordonnance de tel bâtiment est noble, grande, simple ou commune, mesquine et découpée. Sous ce rapport, l’ordonnance d’un édifice doit être en accord, non-seulement avec sa dimension, mais encore avec son emploi. Il y a tel vaste palais dont l’ordonnance est trop peu conforme à son étendue ; il y a telle ordonnance qui a trop d’importance pour la petitesse de son bâtiment.

Ordonnance est ainsi à l’ordre considéré comme qualité dans l’architecture, ce que l’effet est à la cause ; c’est, si l’on peut dire, I’ordre mis en application.

Quant à l’ordre entendu dans le langage de l’art, comme assemblage de rapports, de formes et de proportions, dont chaque genre de colonne est l’indicateur et le type, on dira qu’il y a autant d’ordonnances que d’ordres de colonnes. On donnera le nom d’ordonnance à une disposition quelconque des colonnes de chacun des ordres, et chacune de ces ordonnances prendra le nom de chaque ordre. Il y a ainsi des ordonnances, doriques, ioniques, corinthiennes.

Non-seulement on appelle ainsi chacune des manières dont chacun des trois ordres est mis en œuvre par l’architecte, dans le plan et l’élévation d’un édifice, mais en donne encore ce nom à la masse de l’édifice qui, dans son élévation, n’aura point de colonnes, pourvu que les parties de cette élévation présentent des espaces proportionnés aux règles de tel ou tel ordre, et des détails de moulures ou de profils qui rappellent le goût et le caractère des détails affectés à ces ordres.

On reconnoît aussi cinq sortes d’ordonnances, qui se fondent, pour la disposition des colonnes, dans les péristyles antérieurs des temples, sur le nombre de colonnes formant le front de ces péristyles, depuis le temple, qui n’a que deux colonnes aux angles, et progressivement, jusqu’au temple, qui en a dix, ou le décastyle.

ORDRE, sub. m. Ce mot a, en architecture, une acception générale qui n’a besoin d’aucune définition, puisque tous les synonymes, tels qu’arrangement, disposition, etc., n’en donneroient pas une idée plus claire.

L’idée d’ordre est une de ces idées primaires qui portent leur explication avec elles, et servent à en expliquer d’autres, plutôt que les autres ne peuvent servir à l’expliquer : aussi y a-t-il peu de mots qui aient de plus nombreux emplois.

Appliqué à l’architecture, ce mot signifie donc généralement, comme dans les œuvres de la nature,. et dans celles de toutes les productions de l’homme, ua certain système de disposition des parties d’un tout, et de leur rapport entr’elles et avec ce tout, qui montre qu’une intention intelligente y a présidé. Le hasard ne produit aucun ordre, c’est-à-dire aucun état de choses qui dénote la nécessité d’une existence de rapports prévus et constans. Aussi rien, par l’effet du hasard, ne peut arriver ou se succéder d’une manière semblable ; et c’est l’effet contraire, c’est-à-dire la continuité, la perpétuité et le retour toujours te même des mêmes causes, des mêmes résultats et des mêmes phénomènes qui, de tout temps, a attesté à la raison humaine l’existence d’une Providence, source et principe immuable de l’ordre par excellence, qui régit l’Univers.

Les ouvrages de l’homme approchent plus on moins do ceux de l’auteur de la nature, selon qu’on y découvre le plus d’application du principe intelligent, que l’homme seul, entre tous les êtres créés, a reçu de la Divinité, C’est pur l’ordre que se manifeste ce principe d’intelligence : c’est aussi ce que nous admirons dans l’organisation des sociétés, dans la législation des peuples, dans les productions du génie, dans tous les ouvrages de l’industrie. C’est vers la perfection de l’ordre que tendent sans cesse les méditations des philosophes les recherches des savans, les travaux des artistes.

Entre tous les arts, il n’en est point où l’existence et l’application de l’ordre se fassent mieux sentir que dans l’architecture, considérée, non pas seulement sous les rapports physiques qu’elle a avec les besoins des hommes, mais plus particulièrement encore dans ces combinaisons intellectuelles que l’art, comme production de l’esprit, se plait à manifester et à rendre sensibles aux yeux, pour satisfaire la raison et le goût.

Comme le principe d’ordre, naturel à l’homme en tant qu’être intelligent, ne se développe point au même degré dans l’organisation des peuples, dans leurs luis et dans leurs institutions, parce que différentes causes empêchent ou retardent diversement chez les hommes vus en général, comme chez l’homme individuellement considéré, le perfectionnement des facultés morales, de même les ouvrages, ou de chaque peuple, ou de chaque homme, participent à différens degrés de la qualité qu’on appelle l’ordre.

En vain se refuseroit-on à reconnoître la réalité d’un meilleur ordre dans l’art de tel peuple, en argumentant de la diversité qui se rencontre chez d’autres peuples dans le même art, pour prétendre qu’il n’y a point de vérité absolue en ce genre ; la réponse à cette objection, on la trouve eu comparant homme à homme. Qui est-ce qui ne sait pas que l’intelligence, d’ou émane le principe de l’ordre, est diverse entre les individus, selon le degré de culture ou d’organisation de chacun ? et toutefois le défaut d’intelligence chez l’un n’est pas une raison de la méconnoitre chez l’autre. Le désordre d’idées chez l’aliéné ou le sauvage n’empêche pas qu’on soit d’accord sur ce qu’on appelle raison, bon sens, jugement, chez l’homme qui possède ces qualités : on est donc d’accord, sinon sur le principe de ces qualités, au moins sur l’effet, qui est l’ordre.

Ce qu’on appelle ordre est donc une chose sur laquelle s’accorde un sentiment général chez tous Ici hommes. On peut affirmer qu’il est dans leur nature d’y tendre ; mais eu ce genre, comme en beaucoup d’autres, tous n’y parviennent point ; et ceux-là en approchent le plus qui en ont le plus et le mieux étudié les lois dans le livre de a nature, lequel, bien qu’ouvert à tous, n’est compris que par le petit nombre. Cette étude n’arrive à son plus haut degré que chez les peuples et chez les hommes où la plus grande et la plus parfaite civilisation aura développé les facultés propres à saisir dans leurs causes et dans leurs effets, les propriétés des rapports qui unissent entr’eux les objets physiques et les choses de l’intelligence.

Lorsqu’on observe quels sont les peuples qui se sont le plut livrés à cette étude, ou remarque aussi que c’est chez eux que les arts de l’imitation sont parvenus à ce degré éminent de justesse, d’harmonie, de vérité, do proportion, toutes qualités qui émanent du principe général de l’ordre.

Entre ces arts, on l’a déjà dit, l’architecture, qui ne consiste qu’en rapports, est l’art dont la perfection peut le plus sacilement se mesurer par l’ordre qu’on y verra dominer, et par l’évidence avec laquelle il s’y montrera.

Nul doute que dans toutes les architectures les plus étrangères entr’elles, il ne règne quelqu’élément d’ordre. Une négation absolue d’ordre ne sauroit peut-être exister dans aucun ouvrage des hommes, et l’on en retrouvera toujours quelque idée, jusque dans la hutte ou dans la cabane la plus informe du sauvage. Mais il est sensible qu’en fait de théorie, on n’appliquera la notion d’ordre qu’à l’ouvrage qui en portera le caractère au plus haut degré. Il en sera de l’ordre, considéré en tant que qualité, comme de toutes les autres qualités : on ne reconnaît celle du génie, de l’invention, du raisonnement, et bien d’autres, dans les ouvrages des arts, qu’autant qu’elles s’annoncent par un degré de supériorité remarquable ; et ceux qu’on juge comme en étant privés, ne laissent pourtant point d’en avoir souvent, mais dans un degré inférieur. C’est sur la différence de cette mesure qu’ont lieu les controverses, lorsqu’un esprit de critique, rétréci ou sophistique, se plaît à nier ce qui ne sauroit avoir d’évidence mathématique.

En un mot, la notion d’ordre, en théorie d’art et de goût, emporte avec soi l’idée d’ordre par excellence.

Or, l’ordre par excellence, dans l’architecture, sera celui qui reposera sur le système le plus complet, c’est-à-dire celui où se montrera le plus à découvert le principe de l’intelligence, qui aura coordonné de la manière la plus juste, la plus constante, les rapports de chaque partie avec le tout, et du tout avec chaque partie, par l’harmonie des proportions.

Mais c’est, comme on le dira ailleurs (voyez Proportion), sur l’idée de proportion que le plus grand nombre prend le change. On donne très-improprement ce nom aux principaux rapports d’un objet quelconque : chaque objet a sans doute des rapports de hauteur, de largeur, etc. ; mais ces simples rapports de mesure ne font pas la proportion. La nature produit fort diversement les corps ou les êtres qu’elle a créés ; tous et chacun d’eux, ont leurs rapports, mais tous n’ont pas des proportions générales et fixes. Chaque montagne, chaque rocher, chaque arbre, a ses rapports à soi particuliers ; mais de cela seul qu’ils lui sont particuliers, ils n’entrent pas dans le système des lois des proportions. Il n’y a réellement que les corps appelés organisés qui aient des proportions ; cela s’entend d’un seul mot. Ainsi, de la grosseur de la branche de chaque arbre, on ne conclura ni la grandeur, ni la grosseur de l'arbre ; car l’on sait combien de hasard rendroient cette règle fautive et trompeuse en en généralisant l’application. Au contraire, chaque animal est organisé d’une manière tellement constante dans son espèce, et les rapports d’un de ses membres avec son corps sont tellement uniformes, qu’une seule partie vous fait connoître la mesure du tout (ex ungue leonem), et réciproquement on peut le dire du tout.

Voilà ce qu’on appelle proportion ; voilà l’image de l’ordre. S’il est impossible de nier que ce ne soit là l’ordre par excellence, appliqué aux œuvres de l’architecture, il ne sera pas difficile de discerner entre les diverses architectures connues, quelle sera celle qui méritera la préférence sur les autres. Il est clair que ceci nous offre une mesure qui ne dépend ni du caprice ni de la prévention.

Nous ne prétendrons pas ici parcourir tous les pays du la terre, pour soumettre à ce parallèle les différentes manières de bâtir (que les articles de ce Dictionnaire ont déjà fait connaître) ; un court exposé suffira au résultat de celle théorie.

Deux seules architectures peuvent être soumises à cette recherche ; celle de l’Egypte, et celle qu’on nomme gothique.

Y eut-il en Egypte un principe d’ordre tellement régulier, tellement généralisé et constant, qu’on puisse en déduire un véritable système de proportions ? Quelque prévention que les monumens aujourd’hui bien connus de celle architecture aient pu l’aire naître en sa laveur, nous croyons qu’on s’est trompé en cherchant à lui appliquer les mêmes propriétés que celle des Grecs. D’abord, l’extraordinaire simplicité des masses des batimens égyptiens, Leur perpétuelle monotonie, l’esprit tout-à-fait routinier de la nation dans tous ses ouvrages, nous sont regarder comme aussi invraisemblable qu’elle eût été inutile, une étude de rapports destinés à plaire beaucoup plus encore à l’esprit qu’aux yeux. On sait qu’un temple, dans son ensemble et dans ses parties, étoit nécessairement assujetti aux types qu’une religion ennemie de toute nouveauté avoit une fois consacrés. On se persuade donc aisément qu’un pareil édifice ne réclama ni le génie particulier de l’artiste, ni ces essais multipliés dont il a besoin pour découvrir les causes des impressions de l’art sur notre esprit. En Egypte, grandeur et solidité furent les qualités que la religion avoit permis à l’architecte d’exprimer ; mais la grandeur et la solidité peuvent exister sans aucun système de proportions. Des colonnes massives, des plates-bandes massives, des murs massifs, voila toute l’architecture égyptienne.

On y trouve, il est vrai, des colonnes diversement fuselées, et des chapiteaux variés, et même très-diversifiés dans leurs formes ; mais on n’a jamais remarqué qu’il se soit établi un rapport nécessaire entre les formes ou les ornemens de tel chapiteau, et la conformation comme la décoration de telle colonne. On n’a jamais pu établir qu’il y ait eu un rapport constant entre la hauteur de tel chapiteau, et celle de telle colonne, et l’on voit un chapiteau à feuillages (par exemple) et à plusieurs étages, sur la même colonne, tantôt plus basse, tantôt plus élevée ou plus grêle, tantôt plus épaisse ou plus svelte. Une certaine uniformité de mesure règne, il est vrai, entre la hauteur et la grosseur de quelques colonnes, mais ces choses-là se rencontrent partout, et les procédés les plus simples de la construction servent à établir ce rapport. Il y eut certainement en Egypte des mesures fixées pour tout, et l’on faisoit un temple, une colonne, comme ou faisoit une statue, avec le compas : voilà tout ; mais le compas ou l’emploi simple et mécanique de cet instrument, ne donnent point ces rapports d’harmonie, de goût et de beauté, sur lesquels repose l’ordre par excellence.

Le trop d’uniformité et de servilité s’opposa, en Egypte, à ce qu’il s’y établit un système de proportions, résultat de l’ordre, résultat dont la propriété est de manifester l’intelligence qui le produit. Il y avoit des mesures générales, c’est-à-dire, celles que le besoin et l’habitude fixent dans les produits routiniers de l’industrie, entre leurs parties principales ; mais on n’y connut pas ce module régulateur, qui peut devenir la mesure de tous les édifices, et qu’on peut trouver dans chacune de leurs plus petites parties.

Si l’excès de simplicité et d’uniformité routinière s’opposa, dans l’architecture égyptienne, à la découverte d’un système de rapports à la fois fixes dans leurs principes, et variables dans leurs applications, selon les différences de caractère et d’idées que l’art veut exprimer, nous avons vu à l’article Gothique (voyez ce mot) que le genre de bâtisse auquel on donne ce nom, naquit, par un sort contraire, de tant d’élémens hétérogènes, et prit naissance dans des temps d’une telle confusion, d’une, telle ignorance, que l’extrême diversité de formes, inspirées par le seul caprice, empêcha tout vrai système de proportion de s’introduire dans une architecture qui n’exprime réellement à l’esprit, par le mélange d’élémens qui le constituent, que l’idée du désordre.

Il faut ici s’entendre sur les vraies notions que comporte cette matière ; car beaucoup de personnes se trompent dans les idées qu’elles se forment de l’ordre et de la proportion en architecture. Lorsqu’on entre dans un intérieur d’église gothique, ou est frappé de la disposition régulière des piliers et des arcades dont elle se compose ; on y admire l’élancement de ses voûtes, la légèreté, et ce qu’on appelle la hardiesse de ses masses ; mais tous ces mérites, quelle que soit leur valeur, ne tiennent en rien au principe de l’espèce d’ordre que nous disons être celui du système d’une architecture. Beaucoup de choses dictées par le seul instinct peuvent produire des beautés dans cet art, et n’avoir point de proportions, dans le sens qu’il faut attacher à ce mot. Ainsi, interroges l’architecture gothique, demandez-lui si ses piliers ont des rapports fixes entr’eux et entre leurs parties. Elle vous répondra par les faits, que le même pilier pourra avoir en hauteur trois fois, ou six fois, et encore plus sa grosseur ; que rien de tout cela n’y est déterminé, de manière à être constant ni dans les édifices, ni même dans un seul bâtiment, quelle que soit sa dimension. Demandez-lui si le chapiteau a un rapport de grandeur, du forme et d’ornement avec son pilier. Elle vous répondra par les faits, que le seul caprice ou le hasard en décide. Demandez-lui si elle a des membres, des saillies, des détails correspondans à telle ou à telle disposition. Elle vous dira que jamais elle ne s’est inquiétée d’autres rapports, que de ceux de la bâtisse et de l’exécution ; elle vous montrera les supports les plus écrasés à côté des fuseaux les plus élancés ; elle vous fera voir des agroupemens de petites colonnes qui ne supportent rien, et tantôt une multitude de ces supports inutiles, tantôt des masses en porte-à-faux ou sans supports. Si vous lui demandez raison de ses extérieurs d’églises, elle ne vous répondra que par une confusion indigeste de parties et de détails incohérens, découpés par le caprice le plus ignorant. Si elle fait des élévations, elle ne leur proportionne jamais leur soutien, et elle tire vanité d’une procérité qui n’aspire qu’à paroître un tour de force.

Il n’y a donc point un système de proportion dans le gothique ; il n’y règne point un principe d’ordre, qui permette de demander à chaque partie, à chaque détail, à chaque ornement, la raison qui les coordonne au tout, et avec d’autres parties, d’autres détails, d’autres ornemens.

On croit qu’il est fort inutile de montrer qu’un pareil esprit n’entra jamais dans l’architecture indienne (voyez ce mot), produit d’un instinct encore plus borné, et où le luxe d’ornemens les plus désordonnés, prend la place des formes qui pourroient constituer une manière quelconque de bâtir. Encore plus, sans doute, sera-t-on dispensé de chercher la moindre indication du principe d’ordre dont il s’agit ici, dans les légèretés des structures de la Chine, et chez un peuple où tout a été, de tout temps, réduit en routine, Faisons donc voir maintenant que le principe d’ordre que nous n’avons pu trouver dans aucune des architectures connues, non-seulement est lisiblement écrit dans l’architecture grecque, mais ne peut pas ne point y être, puisque cette architecture lui a dû, en quelque sorte, sa naissance.

En effet, il faut se souvenir (nous n’en donnerons pas ici les preuves (voyez les mots Architecture, Bois, Charpente, Dorique, etc.) que l’architecture grecque, telle que les monumens nous la présentent, avec les développemens et les modifications qui l’ont fixée, et l’ont rendue applicable à tous les peuples, n’eut pas pour créateur unique cet instinct qui partout apprit à tailler et assembler des pierres. Elle seule eut, pendant les siècles qui l’ont formée, une espèce de modèle et ce modèle étoit lui-même une combinaison de parties assorties et mises en rapport constant, par la nécessité et le raisonnement, Elle naquit donc d’une combinaison préexistante, dont elle adopta les principales données. De là son principe d’ordre. Le bois qui forma, en Grèce, les premiers édifices, y produisit un composé par assemblage de pièces, qui se trouvèrent subordonnées à des rapports naturellement uniformes partout. Voilà ce qui porta dans l’assimilation qu’en fit la construction en pierre, cette régularité : de disposition, dont toutefois l’esprit de l’imitation fut écarter ce qui auroit pu y introduire l’immuable fixité de la routine. On ne prit du modèle que l’esprit d’ordre et de proportion, et la variété y fit entrer une dose de liberté suffisante, pour que l’art pût se ployer à l’expression de plus d’une sorte de qualité.

Mais en se donnant un système de proportions dans les premières combinaisons de la construction en bois, l’art avoit encore besoin d’étudier l’esprit des proportïons dans un plus grand modèle, celui de la nature. Il arriva donc en Grèce ce qui n’est arrivé nulle part ; c’est qu’à mesure que l’imitation de la nature se perfectionnoit dans les images que l’art du dessin faisoit du corps bumain, cet esprit d’imitation dut nécessairement avoir son influence sur l’architecture.

Or, c’est ici qu’en réfléchissant au lien commun qui réunit tous les arts, on aperçoit tout à la fois, comment et pourquoi l’ignorance des proportions de la nature dans le corps humain, dut réagir sur l’art de bâtir des Egyptiens, des Gothiques, des Indiens et des autres peuples, et aussi, comment et pourquoi l’architecture qui a le plus d’ordre de proportions fixes, fut celle du peuple qui porta le plus loin l’étude et la science des proportions, dans la peinture, la délinéation et la sculpture des corps.

Ce fut par-là que l’architecte, comparant son ouvrage à celui de la nature, dans les êtres organisés, se donna un nouveau modèle par analogie, et ce nouveau modèle consista (comme on l’a dit aux articles ci-dessus cités) non dans la forme positive d’aucun être, mais dans le système des lois qui régissent l’organisation de tous les êtres vivans. Comme chacun de ces êtres est un composé de membres et d’organes, dont toutes les dimensions, dans chaque espèce, sont telles, qu’une de ces parties indique la mesure et des autres parties et du tout, l’architecte s’imposa de même la condition de régler les parties constitutives de l’édifice, dans une telle correspondance entr’elles, que la grandeur du tout pût déterminer celle de la colonne, par exemple, et vice versa. Il en fut de même des parties secondaires. Ainsi, chaque division d’un entablement fut douée de la faculté de faire connoître la mesure de l’entablement. Un simple triglyphe détermina la largeur de chaque entre-colonnement. L’entre-colonnement put indiquer le diamètre de la colonne ; le diamètre de la colonne put devenir, dans l’édifice, le régulateur de tous les espacemens, et toutes ces proportions se trouvèrent, comme elles le sont dans la nature, non des données géométriques, qui auroient aussi réduit l’art à une servile monotonie, mais seulement un principe général d’ordre, susceptible de nombreuses modifications, comportant, en un mot, les mêmes variétés que celles dont la nature nous donne et le précepte et l’exemple.

Mais cette imitation du système proportionnel des êtres organisés, transporté dans l’architecture, ne devoit pas se réduire à être un simple principe d’ordre abstrait, et propre uniquement à satisfaire la raison.

Les arts qui imitent le corps humain, ne bornent pas l’étude des proportions naturelles à la simple régularité qu elle porte dans la méthode imitative. Le résultat de cette étude fut de fixer l’attention de l’imitateur sur les effets qui en dérivent, et ces effets sont les diverses impressions de plaisir que procure la variété même des proportions que la nature modifie dans les êtres, selon les sexes, selon les qualités différentes qui leur conviennent, selon les propriétés qu’elle distribue à divers degrés entre les créatures.

L’imitation du corps humain ne put pas être fort fong-temps, sans discerner ces variétés dans ses modèles, sans qu’on’ s’aperçût que chaque sorte de qualité physique, ou même morale, se faisoit distinguer dans la conformation extérieure des corps, par des variétés de proportion, qui devenoient l’indicateur fidèle d’une propriété caractéristique. Ainsi, la force ou la légèreté, l’agilité, l’adresse, la grâce, la noblesse, la beauté, se trouvèrent représentées à l’esprit, par un certain accord entre les formes et les proportions, accord où l’œil ne dut point se tromper. Les proportions furent une sorte de langage, qui exprima d’abord les qualités les plus sensibles, les plus saillantes, ensuite celles qui en sont les nuances. Il n’y a personne qui ne connoisse cette échelle graduée de tous les caractères physiques ou moraux, dont tous les genres de nature, dans les statues antiques, offrent le recueil.

Il en dut arriver de même à l’architecture, dès qu’elle eut reçu une organisation qui l’assimila aux œuvres de l’imitation de la nature.

L’architecture eut le besoin d’exprimer aux yeux et à l’esprit, le caractère des qualités physiques ou morales, qui peuvent être rendues sensibles par l’accord des formes qui la constituent, par les rapports de ces fermes entr’elles, par la diversité des masses, par les variations des inclines, par la signification des détails et des ornemens, toutes choses qui manifestent telle ou telle qualité, et produisent sur le spectateur, telle ou telle impression déterminable.

Ce fut là un des résultats du principe d’ordre, non plus entendu dans un sens matériel ou physique, mais dans l’acception morale que l’esprit et le goût lui donnent.

Il est, en effet, dans la nature de l’ordre, que chaque ouvrage de l’art, comme chaque ouvrage de la nature, porte le caractère extérieur des qualités qui le constituent. On comprend bien qu’il ne s’agit ici que de l’ordre moral et intellectuel. Tout édifice peut, sans doute, suffire aux besoins matériels de son emploi, sans que l’art en façonne les formes extérieures dans la vue de plaire ; mais le plaisir est aussi un besoin pour l’homme cultivé par la société, et c’est ce besoin qui est le père des beaux-arts. Dès que ce besoin se fit sentir, il demanda à l’architecture d’exprimer aux yeux, et par des signes constans, les principaux caractères que les formes, les proportions et les détails accessoires d’un édifice peuvent rendre sensibles.

Ces principaux caractères sont ceux auxquels attachent les idées de puissance ou de force, de grâce et d’élégance, de légèreté et de richesse. Or, comme ces idées qui doivent ressortir de la combinaison des lignes, des formes et des mesures, se manifestent de la manière la plus claire, par la lourdeur on la légèreté, il dut s’établir une progression de ces deux qualités, dans la proportion relative des masses de chaque édifice, et par conséquent des supports ou des colonnes.

De-là cette graduation de lourdeur ou de légèreté qui, dans l’architecture grecque, distingue et caractérise chacun des modes applicables aux édifices, ce que les Grecs appeloient ergasia, les Romains ratio columnarun, et ce que nous nommons un ordre de colonnes.

L’ordre, en effet, et le caractère de la qualité qu’il exprime, n’existent pas seulement dans chaque espèce de colonnes, ils sont répandus dans toutes les parties de l’édifice ; mais la colonne en est l’indicateur et le régulateur. C’est pour cela que l’on a donné le nom d’ordre aux supports de proportion différente, de style et de forme diverse, et diversement ornés, qu’on appelle colonne dorique, ionique ou corinthienne.

A ces différens mots (voyez-les), on a traité, du genre de chacun des ordres, de leur formation, de leur caractère, de leur propriété et de leurs diversités, et nous n’entrerons pas ici dans de nouveaux détails à leur égard.

Le but de cet article a été, en analysant les notions générales de l’ordre appliqué a l’architecture, de montrer comment et par quelle raison l’ordre entendu, non comme disposition quelconque, mais comme emploi systématique des proportion, étoit le privilège de l’architecture grecque, et comment chaque genre de colonnes, appelé ordre étoit le type des proportions, soit matérielles pour l’œil, soit morales pour l’esprit, que l’art sait mettre en œuvre et à différens degrés.

Il est, en effet, constant que chaque ordre de colonnes, et par la nature des proportions qui le constituent, et par l’effet du caractère que ses proportions lui ont imprimé, sert à rendre une espèce de qualité principale, à laquelle correspondent sa mesure, sa forme, son ornement. Mais il ne faut pas croire que chacun de ces trois modes se trouve borné à ce qu’il y a d’absolu dans chacune de ces qualités.

Ainsi, l’ordre dorique, qui signifie la force, peut exprimer beaucoup de degrés et de nuances diverses de cette qualité, par des degrés nombreux de pesanteur et de massivité. La moindre connoissance des monumens doriques de l’antiquité nous apprend, qu’un peut y compter un assez grand nombre de nuances. De fait, il en est de cette sorte d’imitation des qualités abstraites, comme de celle des propriétés du corps humain, où l’on peut, dans l’expression de la forme corporelle, discerner aussi un assez grand nombre de degrés, depuis la pesanteur jusqu’à un commencement de légèreté. Cela se trouve ainsi chez les Grecs, depuis le dorique, qui a moins de quatre diamètres de hauteur, jusqu’à celui qui approche de six en hauteur.

Si l’ordre dorique est celui qui préside à l’imitation ou à l’expression de la force, de la simplicité et de toutes les variétés qui sont comme les demi-tons de ce mode, l’ordre ionique, qui vient après, fait entendre par l’exhaussement de son fût, par la forme plus svelte de sa masse, par l’élégance de son chapiteau, par la suppression des détails commémoratifs de la construction primitive, qu’il est le représentant de ce caractère, qui, dans la conformation du corps humain, appartient à tel sexe ou à tel âge, et qui, dans l’échelle morale des sensations et des idées, est le propre de certaines formes du discours, de certains modes d’éloquence ou de poésie.

Comme on ne peut point faire plus fort que ce qui est déjà fort dans le sens absolu, sans devenir lourd, ni plus léger que ce qui est élégant, sans tomber dans le maigre, ou ne sauroit aller aussi au-delà de ce qui est riche, sans en venir a l’excès du luxe, et l’ordre corinthien, en tant que type et image d’élégance à la fois, et de richesse, trouve, dans l’emploi varié de ses proportions, de ses formes, de ses ornemens, de quoi satisfaire à tous les degrés que peut comporter l’expression de la qualité qui lui est affectée. Aussi l’expérience a-t-elle prouvé qu’on s’est trompé en voulant enchérir sur cet ordre, par la formation du prétendu composite.

Chacun de ces ordres est donc, dans les édifices, l’indicateur des formes, du goût et du caractère sur lesquels se fonde le système de l’ordre moral, qui se rencontre dans l’architecture grecque, et qu’elle seule a su réunir à l’ordre physique des proportions ou des rapports positifs du tout avec chaque partie : de sorte que ce qui est agrément, ornement et richesse, se trouve aussi réparti dans chaque partie, comme dans le tout, et avec la même économie.

Ce qu’on vient de dire sur la propriété caractéristique des trois ordres grecs, et sur l’espèce de qualité dont chacun offre l’expression, doit démontrer quelle fut et quelle sera toujours l’erreur de ceux, qui ont tenté ou qui tenteront encore l’invention de nouveaux ordres. Cette erreur provient du faux point de vue sous lequel on est porté à considérer les genres de colonnes qu’on appelle ordres, et les genres d’ordonnances qui en résultent.

Il a déjà été observé qu’il y a trois choses fort distinctes dans les trois ordres grecs : leur forme, leur ornement et leur proportion. Chacun des trois se distingue des deux autres dans chacun de ces trois objets : or, il y a déjà une grande méprise à prétendre inventer un ordre nouveau, par le changement d’une seule de ces trois choses ; car si l’on ne fait que changer la forme, sans changer l’ornement, ou l’ornement sans la forme, ou l’un et l’autre, sans la proportion, on n’aura rien fait de nouveau ; on n’aura produit que de l’inconséquence et du disparate, puisque ces trois choses se sont nécessaires l’une à l’autre, et dépendent d’une raison commune qui les a unies, non pas arbitrairement, mais en verte du principe général de l’harmonie.

Car l’invention des ordres grecs tient moins qu’on ne pense, aux types de leurs formes apparentes. Les Grecs, dans le fait, n’ont point inventé d’ordre, ils ont seulement reconnu qu’en architecture, comme dans tout le reste, il y avoit le plus, le moins et le point milieu entre les deux ; puisque les édifices, qu’on le sache ou qu’on ne le sache pas, qu’on le veuille ou non, exprimeront toujours, dans leurs apparences, le plus ou le moins de solidité, de gravité, de simplicité ou de légèreté, d’agrément ou de variété.

Comme, entre ce plus et ce moins, il ne peut pas ne point y avoir un terme moyen qui réunisse dans un degré quelconque ces qualités opposées, les Grecs n’ont fait autre chose que fixer ces trois termes ; dans le dorique, par les caractères qui donnent la plus juste idée, de supports solides, d’ornemens graves, de proportions courtes ; dans l corinthien, par les formes les plus élégantes, la décoration la plus riche, la proportion la plus svelte ; dans l’ordre moyen ou ionique, par l’emploi moyen de formes, d’ornemens et de proportions également éloignées de la simplicité du l’un et de la richesse de l’autre.

Dès-lors il ne dépend pas du caprice, de transposer les propriétés de chaque ordre, sans désassortir ce que le simple bon sens réunit : car chacune de ces trois choses, forme, ornement et proportion, étant au jugement seul des yeux, et de l’instinct le plus ordinaire, dans une corrélation nécessaire avec les deux autres, ce seroit contrarier la nature même des choses, que mettre ce qu’il y a de plus riche, sur ce qu’il y a de plus pauvre, et réciproquement.

Voilà le principe élémentaire des ordres. Ce qui nu signifie pas qu’il soit et doive être contre nature, de donner à l’ordre solide un autre chapiteau que le dorique, ou à l’ordre élégant un autre chapiteau que le corinthien. Rien, sans doute, en théorie générale, ne s’y opposera, pourvu que, dans chacun de ces ordres, le chapiteau nouveau corresponde au caractère le plus simple dans l’un, et le plus riche dans l’autre. De fait plus d’une variété a eu lieu en ce genre, surtout à l’égard du corinthien, et si elles ont rarement obtenu du succès, c’est que ces nouveautés ne se sont fait remarquer, que par mi excès qui n’ajoutoit rien à l’expression du caractère donné, soit parce qu’elles restoient en deçà, soit parce qu’elles alloient au-delà.

Tel a été ordinairement le sort d’inventions prétendues, dont les auteurs n’inventoient rien, et ne pouvoient rien inventer : car on ne trouve rien hors de la loi de nature, et cette loi ayant été une fois découverte par le génie de l’art dans les trois combinaisons qu’on a développées, il ne reste plus d’autre conquête à l’esprit d’innovation, que par la bizarrerie, c’est-à-dire, le désordre.

Mais la plus ignorante de toutes les prétentions a été celle de croire inventer un ordre nouveau, par quelque changement de feuilles ou de symboles dans un chapiteau. Qu’on substitue à l’acanthe ou au laurier, la feuille du chêne, la fleur du lys, tel ou tel autre symbole, rien ne l’empêche, et une multitude de ces variantes se voient dans l’antique. Eh bien l’on aura fait, non pas un chapiteau nouveau, mais un nouvel ornement de chapiteau, encore moins un ordre nouveau : car l’ordre ne tient pas plus à cela, que la proportion de la figure humaine ou de sa tête ne tient à l’habit ou à la coiffure.

Nous avons déjà énoncé plusieurs de ces considérations aux mots sous lesquels se trouvent décrits les trois ordres grecs, et nous n’alongerons pas cet article de nouvelles notions à leur égard. Pour se conformer à l’usage des dictionnaires, qui d’après les nomenclatures reçues ont multiplié sans aucune raison les noms des ordres, nous nous contenterons de placer ici leurs simples désignations.

Ordre attique. Voyez au mot Attique. ce qu’il faut entendre par-là.

Ordre caryatide. Voyez au mot Caryatide. ce que fut ce prétendu ordre.

Ordre composé. Voyez à ce mot ce qu’on a dit de cette variété de l’ordre corinthien,

Ordre corinthien. Voyez Corinthien.

Ordre ionique. Voyez Ionique.

Ordre toscan. Voyez au mot Toscan ce qu’il faut penser d’un ordre qui ne fut que lu dégénération du dorique.

Ordre rustique. On appelle ainsi la colonne dont le fût est découpé en refend ou par des bossages.

OREILLER. Voyez Coussinet de chapiteau.

OREILLON. Voyez Crossette.

ORGUE, s. m. Instrument de musique à vent, composé d’un grand nombre de tuyaux qui se partagent en plusieurs jeux, et dont on joue au moyen d’un clavier. Il est particulièrement consacré à l’office divin, et c’est dans les églises qu’on en voit les plus grands modèles.

L’orgue de rapport avec les édifices, qu’à raison de l’emploi qu’on y en fait, et de l’ajustement que sa situation, sa composition extérieure et sa décoration exigent de l’architecte, lorsque ce qu’on appelle le buffet d’orgue, au lieu d’être portatif, est rendu fixe et adhérent. Sa place la plus ordinaire dans ce cas est au-dessus de là porte d’entrée de l’église. On en forme la composition de différentes matières le plus souvent en bois, et on le fait supporter par une sorte de tribune que soutiennent quelquefois des consoles, quelquefois des colonnes. Quant à la décoration dus orgues, on y a employé beaucoup de motifs que la nature irrégulière de l’objet principal rend très-souvent arbitraires et bizarres. Il y a peu de règles à prescrire sur ce sujet. Ici, comme dans bien d’autres cas, on risquera fort peu de pécher par la simplicité.

Orgue hydraulique. Instrument en manière de buffet d’orgue, qui joue par le moyen de l’eau, et dont on fait usage dans les jardins ou dans les grottes qu’on y pratique. Voy Hydraulique.

ORGUEIL, s. m. Mot d’usage parmi les ouvriers, pour désigner une grosse cale de pierre, ou un coin de bois que l’on met sous l’extrémité d’un levier ou d’une pince, pour servir de point d’appui, ou de centre de mouvement, quand on fait une pesée ou un abatage.

ORIENTER, v. act. C’est marquer sur le lerrain avec la boussole, ou sur le dessin, avec une rose des vents, la disposition d’un bâtiment par rapport aux points cardinaux de l’horizon. On dit d’un édifice qu’il est orienté, quand les quatre côtés correspondent à ces quatre points, bien qu’on puisse le dire tel aussi, lorsque la face principale est tournée du côté du soleil levant.

Orienté se dit encore dans une acception plus générale, comme synonyme d’exposé. Une maison est bien ou mal orientée.

On dit s’orienter, pour se reconnoître dans un lieu, d’après quelqu’objet ou endroit remarquable pour lever un plan.

ORLE, s. m. Mot traduit de l’italien orlo, ourlet. C’est un filet sous l’ove ou l’échine d’un chapiteau. Lorsqu’il est dans le bas ou dans le haut du fût d’une colonne, on l’appelle aussi ceinture.

ORNEMENT, s. m. Nous avons, à l’article Décoration (voyez ce mot), renvoyé ici tout ce qui regarde l’ornement proprement dit, ou autrement ce qu’on désigne spécialement par ce terme, dans le langage de l’architecture.

L’ornement ainsi entendu, et tel que cet article le présentera, forme certainement une partie de la décoration ; mais par cela même qu il en est une partie, le mot qui le désigne ne sauroit être un vrai synonyme de celui auquel nous avons consacré un très-long article. La decoration, ainsi qu’on peut l’y voir, embrasse, selon l’usage, une idée générale de l’art d’embellir les monumens de tous les genres, dans toutes leurs parties, et de les embellir avec toutes les sortes de moyens qui appartiennent à la réunion des arts du dessin. On y a vu que si toutes les ressources de la peinture forment la plus grande partie des moyens de décoration dans les intérieurs des édifices surtout, la sculpture a particulièrement dans son lot ce qui regarde leur extérieur.

On ne comprendra point dans cet article ce que l’art de sculpter sait produire en colosses, en statues, en bas-reliefs, soit dans les places, soit dans les niches, soit dans les frontons, soit dans ces compositions historiques ou allégoriques, qui, appliquées aux murs des constructions, rivalisent avec celles de la peinture. Tout cela se trouve compris d’une façon plus particulière dans l’idée de décoration.

L’ornement, sous le rapport de sa dénomination technique, comprend cette partie secondaire d’embellissement, que nous avons déjà fait connoître au mot Arabesque (voyez ce mot). Dans le fait, il n’est aucun de ces objets que la peinture aussi ne puisse rendre, car rien n’est hors des moyens de la peinture. Aussi dit-on la peinture d’ornement, et l’on a vu que le genre de l’arabesque peut reproduire dans ses compartimens, tous les détails d’ornemens, dont la sculpture dispose pour l’embellissement des membres de l’architecture. Cependant le mot ornement, sans autre désignation, convient plus particulièrement à cet art dont l’architecture est forcée d’emprunter le secours, et cet art est la sculpture.

C’est pourquoi nous ne considérons ici l’ornement que sous ce seul point de vue, et dans sa liaison intime avec l’exécution de l’architecture.

L’architecture (on a déjà eu l’occasion de le dire) n’est en quelque sorte, sous le rapport de l’exécution matérielle, que de la sculpture. C’est au travail mécanique du ciseau, qu’elle est redevable des formes qui lui donnent l’existence. Mais outre ce qu’il y a de purement mécanique dans ce qui regarde, soit la taille des pierres, soit l’élaboration des autres matières, c’est encore à l’art de la sculpture qu’il faut rapporter les travaux plus on moins difficiles, plus ou moins délicats, qui rachèvent, si l’on peut dire, l‘impression des signes variés, qui deviennent le complément de son écriture, et la rendent de plus en plus intelligible aux yeux et à l’esprit. Ces nuances plus ou moins légères, c’est l’ornement qui les rend sensibles.

Ainsi chaque genre d’ordre a ses ornemens, dont le caractère correspond au caractère de ses formes. Tout le monde sait que l’ordre qui exprime la force et la simplicité, le dorique, admet dans les cannelures des colonnes, dans les contours du chapiteau, dans les triglyphès et les métopes de la frise, dans les mutules et les profils de la corniche, des parties d’ornemens qui participent du type général, et des proportions graves et sévères de l’ordre.

L’ionique, ordre moyen par ses proportions, ses formes et le genre de sa modénature, entre le dorique et le corinthien, admet dans ses cannelures, dans sa base, dans son chapiteau, dans les profils de son entablement, plus d’ornemens, de plus légers et de plus variés. Le corinthien, par l’emploi le plus abondant, le plus diversifié de tous les détails d’ornemens, sur sa base, son fût, son chapiteau et toutes les parties de son ordonnance, sait établir entre ses proportions et ses formes, cet accord qui lui donne la propriété d’exprimer les qualités de magnificence, de richesse, de légèreté, etc. On sait que ceux qui ont voulu porter encore plus loin cette expression, ne l’ont fait dans le prétendu ordre appelé composite, qu’en chargeant davantage de détails d’ornemens, tous les membres de l’ordre corinthien qui peuvent les admettre, en faisant enfin qu’il n’y ait plus une seule partie lisse.

Tout le monde connoît, au moins d’une manière générale, les principaux ornemens, dont la sculpture décore les membres de l’architecture. Il suffira de citer ici les noms des denticules, des oves, des feuilles d’eau, des chapelets, des perles., des palmettes, des rinceaux, des tigettes, des caulicoles, des volutes, des acanthes, des enroulemens, que le goût de l’architecte distribue diversement, dans chaque mode d’ordonnance. Nous ne décrirons pas ici ces détails, dont les noms forment tous la matière de quelqu’article particulier, auquel nous renvoyons le lecteur. Nous n’avons rappelé cette nomenclature, que pour bien fixer l’idée de ce qu’on appelle spécialement ornement, dans l’exécution de l’architecture.

Nous ne nous arrêterons pas non plus sur l’origine ou l’espèce d’étymologie de chacune de ces sortes de caractères. Nous l’avons indiquée plus d’une fois, et nous on avons montré la source, tantôt dans les analogies que le hasard a fournies à l’artiste, des plantes naturelles adhérentes aux édifices, tantôt dans les pratiques empruntées aux parures des semmes, tantôt dans l’emploi des offrandes faites aux lieux saints, tantôt dans les usages de l’allégorie, tantôt encore dans cette habitude d’orner, qui est un des instincts de l’homme.

Nous nous bornerons ici à parler de l’ornement, comme étant simplement, dans les mains de l’artiste, un moyen d’ajouter une signification plus claire, à celle du caractère déjà établi dans un édifice, par son style, ses formes et ses proportions.

Le premier point à observer, est leur distribution. Ce mot renferme avant tout l’idée qu’on doit se faire de la mesure d’ornement qui convient ou à chaque ordre, ou dans les édifices du même ordre, au caractère qu’il s’agit d’y exprimer, car (ainsi qu’on l’a vu à l’article Ordre) chaque ordre est dans l’échelle des variétés de l’architecture, une couleur principale, qui peut fournir, selon l’emploi qu’on en fait, des nuances et des tons variés.

Ainsi le dorique, dont le caractère est la force et la simplicité, pouvant, par les variétés de proportion qu’il comporte, manifester plus ou moins ces deux qualités, l’architecte pourra, selon l’un et l’autre cas, distribuer dans quelques membres de cette ordonnance, un certain nombre d’ornemens qui la fera participer au caractère de l’ionique. On peut citer des chapiteaux de l’ancien dorique grec, où de pareilles légèretés sont introduites dans les filets de son collario. Des ornemens plus significatifs encore trouvent place dans les espaces des métopes, et des palmettes sont taillées aux acrotères du temple dorique de Minerve à Athènes. Remarquons aussi que la proportion de ce dorique a quelque chose de plus élégant que celle du plus grand nombre d’édifices de cet ordre considéré selon l’ancien système grec. Depuis, le dorique alongé par les modernes, a reçu même des oves dans l’échine découpée de son chapiteau, et des profils ou des filets dans son tailloir.

Le second objet d’observation par rapport à l’emploi des ornemens, est le choix de leurs différentes espèces. Comme le plus ou le moins dans leur distribution, contribue à l’expression du degré de simplicité, d’élégance et de richesse, le mode de chaque espèce d’ornement a aussi la propriété de se prêter à cette expression, de la renforcer, de la rendre sensible aux yeux et à l’esprit.

Dans ce grand nombre d’objets que la sculpture sait approprier aux formes et aux membres de l’architecture, il en est dont l’imitation produit des effets sérieux ou gais, simples ou variés, gracieux ou sévères, et déjà, comme on le voit, chaque ordre, selon son caractère, s’est approprié les formes des profils les plus graves ou les plus légers, les motifs des ornemens les plus articulés ou les plus ondoyans. Tel enroulement se compose selon le genre de cette sorte d’harmonie, ou de contours sévères, ou de feuillages qui, sous le ciseau, s’arrondissent avec plus ou moins de flexibilité. Il n’y a point de feston ou de guirlande, qui par le choix judicieux de telles ou telles fleurs, de telles ou telles feuilles de chênes, de roses, de lauriers, ou de cyprès, par exemple, ne présente une idée ou une autre, ne fasse un effet plus ou moins analogue au style du monument qui en reçoit l’application.

L’ornement ainsi considéré, devient donc dans l’emploi plus ou moins modéré qu’en fait l’architecte, l’expression du degré de la richesse que chaque édifice doit recevoir de son caractère, c’est-à-dire de l’usage auquel il est consacré. Entre celui qui exclut toute idée d’ornement (comme seroit une prison) et celui qui, comme un temple, un palais, un théâtre, en admet la plus grande abondance, les degrés sont très-nombreux : or, chacun de ces degrés doit être également marqué, par le choix du genre d’objets qui y devient le motif de l’ornement.

Après la distribution et le choix des ornemens, nous indiquerons comme le troisième point d’observation, l’exécution même des objets que l’architecte confie au ciseau du sculpteur.

L’ornement, dans le sens spécial que nous lui avons donné ici, se compose particulièrement des objets qui se taillent sur les moulures et les profils, et qui s’appliquent sur les superficies des principales formes de l’architecture. L’exécution de ces sortes d’ornemens est donc ce qui peut en modifier le plus activement l’effet. Ce sont des espèces de caractères dont la sculpture sait rendre l’impression plus ou moins sensible. Il dépend de l’art qui les façonne, de leur donner plus ou moins de saillie, de les tracer avec plus ou moins de profondeur, de leur donner des contours plus ou moins tranchans, et par conséquent de les détacher avec plus ou moins de vivacité. Or, tout ce qui met de la différence entre leurs effets, contribue aussi, dans une mesure quelconque, à l’expression du caractère de l’édifice.

Il semble inutile de faire observer que dans l’exécution l’ornement, on doit également avoir en vue la dimension des édifices, et l’éloignement où sont des yeux les objets que l’on veut orner. Il y a une manière douce et légère de traiter les feuillages, une manière sévère et fouillée, une manière heurtée, une manière finie et précieuse : car, ainsi qu’on l’a dit au commencement de cet article, l’architecture, dans son exécution, s’approprie et les qualités et les procédés de la sculpture pratique. Ainsi il doit en être des procédés d’exécution des ornemens, par rapport à leur effet, dans un édifice, comme de ceux que l’on suit, dans la manière de traiter les statues, selon leur proportion, ou selon la distance d’où l’on est forcé de les voir.

On n’auroit toutefois qu’une idée incomplète de ce qu’il faut comprendre sous le nom d’ornement, dans l’application que la sculpture en fait aux édifices, si on se bornoit aux seuls détails que reçoivent les profils et les membres des colonnes, ou des parties qui constituent les ordonnances.

Les édifices ne se composent pas seulement de colonnes et d’entablemens. Les superficies formées par les murs et les élévations, selon toutes les formes que l’architecte leur donne, sont propres à recevoir aussi beaucoup de ces motifs courans d’ornemens, qui tantôt interrompent l’uniformité des espaces lisses, tantôt contribuent, par les signes allégoriques qu’on y mêle, à expliquer l’emploi de l‘édifice.

Ainsi l’on verra souvent des espèces de bandeaux continus, ornés d’entrelas ou de postes, régner autour des murs d’un intérieur ou d’un extérieur : ailleurs, les rinceaux dont on a déjà parlé se trouveront composés, selon le caractère du lieu, ou de victoires, ou de génies, ou de symboles divers.

Sous ce rapport, l’emploi de l’ornement devient pour l’architecte l’objet des compositions les plus ingénieuses ; car il est peu d’édifices auxquels on ne puisse donner, par les symboles ou les attributs qui correspondent à sa destination, une valeur de signification particulière.

Ayant restreint, dans cet article, l’idée et le mot d’ornement à ce que l’on entend le plus généralement en architecture par l’imitation et l’emploi de tous les objets que désigne, au pluriel, le mot ornement, nous avons déjà renvoyé le lecteur aux articles séparés, où chacun de ces objets est traité sous sa dénomination particulière ; il ne reste plus qu’à indiquer ici certaines manières de les désigner selon leur emploi ou selon leur exécution.

Ainsi l’on dit :

Ornemens courans. On appelle de ce nom ceux qui se sculptent sur ces parties des édifices qu’on nomme frises, bandeaux, plinthes, baguettes, etc., et qui, régnant avec plus ou moins du continuité, obligent d’y répéter le même objet, comme les oves, les chapelets, les entrelas, les rinceaux.

Ornemens de coins. Ornemens qu’on met aux angles des chambranles, autour des portes ou des fenêtres, dans le retour des cadres ou des corniches. On distingue ces ornemens en simples et en doubles.

Ornemens de relief. Ornemens taillés ou en saillie sur les superficies lisses qui leur servent de fond, comme les frises, les bandeaux, ou pris à même des membres qui s’en trouvent découpés ; telles sont les moulures qui reçoivent des feuilles d’eau et de refend, des perles, des chapelets, des oves, des coquilles, des rais de cœur, etc.

Ornemens en creux. Ce sont ceux ou qui consistent dans de simples traits gravés et ne présentent que des contours, ou qui sont, quoique de relief, pratiqués dans l’épaisseur de la matière sans la déborder, comme le sont beaucoup des signes hiéroglyphiques de l’Egypte.

Ornemens marins. On peut appeler ainsi ceux qu’on applique à certains édifices hydrauliques, tels que grottes, fontaines, réservoirs d’eau etc. Ils représentent ordinairement tous objets qui se rapportent à l’eau, comme coquillages, poissons, joncs marins, roseaux, glaçons ou lapidifications, etc.


ORTHOGRAPHIE, sub. f. C’est le mot grec devenu latin, puis français, quoiqu’on ne l’emploie plus dans la langue de l’art, pour exprimer ce que l’on entend aujourd’hui par élévation géométrale. Ce mot signifie dessin, droit. Vitruve lui oppose le mot scénographie, qui veut dire élévation en perspective.


ORTHOSTATA. Mot grec employé par Vitruve, et qui signifie chez cet auteur, au sens simple, qui se tient droit ou debout. L’architecte romain donne ce nom, dans la construction des murs formés par du remplissage, aux paremens extérieurement dressés d’à-plomb, ou à des chaînes de muraille. On peut le dire encore d’un piédroit.


OTRICOLI. Les fouilles de l’ancienne ville d’Ocriculum, commencées l’an 1775, furent continuées avec activité par ordre de Pie VI. On y découvrit une infinité d’édifices encore assez bien conservés.

Cette ville étoit ornée de temples, de palais publics et particuliers, de thermes, de bains, de conserves d’eau ; il y avoit des places avec des portiques, des camps pour les soldats, des places entourées de murs, un théâtre, un amphithéâtre, des aqueducs, des puits, et une infinité d’habitations. Les routes étoient ornées de sépulcres et de mausolées, particulièrement la voie Flaminienne, qui conduisoit à Rome en passant le Tibre sur le pont d’Auguste.

Les thermes sont construits en briques ; l’entrée principale correspondoit à un grand espace qui s’étendoit jusqu’au Tibre, et pouvoit être orné d’arbres, de statues et de fontaines. L’atrium est voûté ; il a la forme d’un carré long, et conduit à une grande salle octogone de cinquante-trois palmes de diamètre. Il y a quatre niches dans les angles : dans une de ces niches il y avoit un bain revêtu de marbre cipolin ; dans le fond étoit une mosaïque et un conduit de plomb qui servoit à vider l’eau ; au milieu de la niche étoit un autre conduit par lequel venoit l’eau pour remplir le bain.

Dans le pavé de la salle étoit une belle mosaïque formée de pierres naturelles de diverses couleurs, divisée par compartimens ornés de méandres de diverses formes, avec des festons de fruits et de fleurs, des masques, des vases, et dans les grands compartimens, des figures grandes comme nature, représentant des divinités, avec des monstres marins qui sembloient se jouer dans l’eau ; dans d’autres compartimens on voyoit eucore d’autres figures représentant divers combats de soldats avec des centaures. Au milieu est un sujet entouré de méandres et de rinceaux.

Le pape Pie VI ordonna à Giuseppe Panini de faire lever cette belle mosaïque, et au mois de juin 1780 elle fut transportée à Rome pour être restaurée et placée dans le pavé de la nouvelle rotonde que le pape venoit de faire ériger à son musée du Vatican, où on la voit maintenant. Panini, pendant son séjour à Otricoli, dessina et mesura les antiquités de cette ville, qu’il se proposoit de publier. On trouve plusieurs de ses plans dans l’ouvrage de Guattani.

Dans deux des niches dont nous avons parlé, et qui étoient dans la grande salle octogone, on a trouvé deux piédestaux en travertin, avec ces inscriptions :

Sur l’un : Sur l’autre :
I. L. F. PAL. IVLIANO
PATRONO. MUNICIPI
TRAENEVS. LIB.
L. IVLIO. I. V. PALAT
LVCILIANO
PATRONO. MVNICI.
PI. TRAENEVS
LIB.

Dans le bourg du territoire d’Otricoli, sur la voie Romaine, il y avoit un cippe qui a été transporté depuis au musée du Vatican. Il y a une inscription qui indique celui qui fit construire ces thermes :

IVLIAE. LVCILIAE
L. IVLII IVLIANI FIL
PATRONO MVNICIPI
CVIVS PATER
THERMAS OCRICOLA
NAS A SOLO EXTRVCTAS
SVA PECVNIA DONAVIT
DECVR. AVG. P-I. FEC
LD. D. D.

Les mosaïques des niches, en arabesques et feuillages, furent transportées à Rome, ainsi que divers fragmens de statues.

Après cette grande salle octogone, il y en avoit une autre qui servoit pour les bains. Les murs étoient recouverts en marbre attaché avec des crampons de bronze ; autour étoient des bassins pour l’usage des bains : cette salle étoit vraisemblablement l’étuve. Près de cette salle étoit une grande cour entourée de portiques, ayant des bancs des quatre côtés, et un pavé de mosaïque en marbre blanc et noir, représentant l’histoire d’Ulysse attaché au mât du vaisseau, les syrênes et autres monstres marins : ces mosaïques sont dans la grande salle ronde du Vatican, autour de la mosaïque dont nous avons parlé plus haut.

On a retrouvé aussi le calidarium, avec les fourneaux, les conduits pour l’eau et la fumée. Enfin, une infinité de pièces, de portiques ornés de mosaïques, de marbres et de statues, composoient ces magnifiques thermes. Près des thermes on a trouvé une fabrique entourée de murs, et isolée dans les jardins : au milieu étoit une tête de Méduse en mosaïque ; dans les angles étoient quatre têtes représentant les quatre vents principaux, avec leurs noms, Eurus, Boreas, Zephyrus, Oriens. La tête de Méduse est celle qu’on a placée au milieu de la mosaïque du Vatican.

Sur un des côtés de ces thermes est une voie qui prend une direction en ligne droite vers la voie Flaminienne qui conduit à Rome.

On trouve encore une conserve d’eau de forme ovale, de laquelle se distribuoient les eaux par des conduits de plomb coulé, du diamètre de quatre onces sur lesquels on lisoit de distance en distance cette inscription :

L. ATTIVS. PRIMITIVVS. FE.

Près des thermes est un haut mur formé de grandes pierres carrées, qui s’élève au-dessus du sol des thermes, et semble avoir servi de substruction à un magnifique palais découvert en partie l’an 1783. On a trouvé plusieurs pièces peintes, avec des tableaux et des pavés de marbre consumés par le feu.

Dans la partie la plus élevée d’Otricoli on a retrouvé le Forum, soutenu par des murs et des voûtes souterraines. Ce Forum avoit quatre portiques autour de la place, couverts d’un toit soutenu par des colonnes, avec des barres et des chapiteaux de travertin d’ordre ionique. Sous les portiques étoit une mosaïque blanche et noire ; le pavé de la cour étoit recouvert en brèche.

Près des thermes on trouve encore une grande fabrique qui étoit vraisemblablement un camp ou logement pour les soldats : il étoit divisé dans le milieu de la hauteur par des planchers, et formoit vingt-deux divisions séparées par des murs et couvertes par des voûtes. Au rez-de-chaussée dévoient être les écuries pour les chevaux : à chaque division sont autant de chambres séparées à la partie postérieure, et communiquant par une porte attenante. On a trouvé un bain qui sembleroit avoir été destiné pour l’usage des soldats.

Près du camp on trouve le théâtre tourné vers le midi, construit en pierre, entouré de portiques. La scène avoit un portique, et paroît avoir été richement décorée. On a retrouvé diverses colonnes de marbre jaune antique et de cipolino, des corniches très-bien sculptées, des frises avec des bas-reliefs, et divers fragmens de statues, dont trois collossales, des bas-reliefs, des ornemens, etc. Il y avoit un escalier de travertin qui conduisoit du plan inférieur au plan supérieur des portiques et au camp des soldats.

On retrouve encore des restes d’une grande fabrique, qui étoit le collège où l’on élevoit la jeunesse, ainsi que l’indique une inscription qui est sur un cippe de travertin retrouvé dans ces ruines :

L. IVLIO. FARNAV.
CVRINO. PATRONO
CIVITATIS. ET. COLLECI.
IVVENVM. M. E. ET. CO.
LLEGI DENDROFORVM
OMNIBVS. HONORIBVS
CIVITATIS. SVAE
FVNCTO. IVVENES. SVI
AMANTISSIMO
L. D. D. D.

Dans cet endroit on a trouvé beaucoup de bas-reliefs et de statues qui ont été portés à Rome, l’année 1776, dans le musée du Vatican.

On a retrouvé les restes d’un temple à quatre colonnes, du diamètre de cinq palmes, avec bases et chapiteaux d’ordre corinthien. Le piédestal de la statue et des fragmens indiquent qu’elle étoit de bronze. Le pavé étoit en mosaïque. Tout annonce que ce temple a été endommagé par le feu.

Dans un antre temple périptère on a trouvé, dans les années 1780 et 1781, vingt-quatre statues qui étoient vraisemblablement placées sur un piédestal dans la niche circulaire qui étoit dans le fond. La quantité de charbon, de cendres et de clous de fer, indiquent que ce temple étoit couvert en bois.

L’amphithéâtre, de forme ovale, est encore assez bien conservé ; il est adossé a une petite montagne, et la moitié est taillée dans le tuf.

On a retrouvé une infinité de fragmens et de statues dans la ville d’Otricoli ; ils ont été transportés à Rome. Parmi les statues qui étoient dans le théâtre, il y en a une d’une femme assise, qu’on peut croire être Lucia-Lucilia, fille de Livius-Julianus, qui jouissoit des dignités municipales, ayant été décurion d’Auguste, et ayant fait construire les thermes d’Ocriculum à ses frais. Le peuple, par reconnoissance, lui dédia cette statue, en la plaçant dans le lieu le plus apparent du théâtre.
(Huyot.)

OURLET, s. m. On a vu au mot Orle, le même qu’ourlet, que c’est le nom d’un filet sous l’ove du chapiteau.

Ourlet se dit, dans le bâtiment, de plus d’un objet. On appelle ainsi :
1°. La jonction de deux tables de plomb sur leur longueur, laquelle se fait en recouvrement par le bord de l’une repliée, en forme de crochet, sur l’autre ;
2°. La lèvre repliée en rond d’un chéneau à bord, d’une cuvette de plomb ;
3°. Le petit rebord qui est sur l’aile du plomb des panneaux de vitre.


OUTIL, s. m. Félibien fait venir le mot outil du latin utile, à cause de l’utilité dont est aux ouvriers tout instrument appelé de ce nom.

Chaque art, de quelque genre qu’il soit, dès que son exécution dépend d’un travail matériel, emploie nécessairement des outils analogues à son exécution. Cependant on ne donne ordinairement le nom d’outil qu’aux instrumens des arts purement mécaniques, ou à ceux chez lesquels la partie matérielle ou mécanique a le plus d’apparence.

On appelle outil, dans l’architecture, les marteaux, ciseaux, scies, truelles, etc. , qui servent à ce qu’il y a de plus pratique dans cet art. On donnera le nom d’instrument (on l’a déjà dit à ce mot, voyez Instrument) aux objets dont se sert l’architecte pour dessiner et tracer ses plans.

Ainsi, on ne donne pas le nom d’outil au pinceau du peintre, mais on le donne au ciseau du sculpteur, parce qu’il entre dans les procédés de celui-ci un travail et une action plus mécanique, en apparence, sur la matière qu’il met en œuvre.


OUVERTURE, s. f. Terme générique par lequel on exprime le plus souvent, en architecture et dans les bâtimens, le vide ou la baie qu’on pratique ou qu’on laisse dans un mur, dans une façade de maison ou de palais, dans un frontispice quelconque d’édifice, pour les divers usages qu’ils comportent. C’est dire assez que les ouvertures sont ou des portes ou des fenêtres, ou quelquefois des arcades pour servir de passage.

Les ouvertures servent, avant tout, à la commodité et aux besoins des édifices. Il est des bâtimens qui, construits uniquement dans la vue de certains besoins, de certains intérêts, tout-à-fait étrangers à ceux de l’art et du goût, n’ont à recevoir, sur ce point, d’autres règles que celles de la nécessité. À leur égard, il importe peu dans quel nombre et de quelle manière on y pratique des ouvertures.

Mais les ouvertures, à l’extérieur des grands édifices surtout, étant propres à frapper la vue d’une manière particulière, et présentant des parties dont le nombre, la position, la grandeur, a forme et la décoration influent considérablement sur la bonne ou la mauvaise apparence de l’ensemble, on comprend que leur disposition, et tout ce qui s’y rapporte, exige de l’architecte autant de goût que de discernement.

À l’article Croisée (voyez ce mot), on a déjà traité de tout ce qui se rapporte au bon emploi des ouvertures qu’on appelle ainsi, et sous tous les rapports. Nous ne répéterons donc ici que ce qu’il y a de plus général dans cette notion ; c’est-à-dire que, moins on multiplie les ouvertures, et meilleur est l’effet des bâtimens ;

Que l’ouverture étant le vide, il convient, ou que le plein l’emporte sur le vide, ce qui est d’accord avec la solidité, ou qu’au moins le vide et le plein se trouvent en proportion, à peu près égale ;

Que la distribution des ouvertures doit toujours avoir lieu d’une manière symétrique ; que la plus grande, comme celle d’une porte, doit occuper le milieu de la façade ;

Que les ouvertures placées les unes au-dessus des autres, comme dans les ordonnances ou étages, se correspondent exactement ; qu’elles soient, dans chaque étage, disposées sur une même ligne ; que leur hauteur et leur grandeur soient égales entr’elles ;

Que les ouvertures, soit fenêtres, soit portes, soit arcades, reçoivent des ornemens en proportion du genre et de la richesse de l’ordonnance, les ouvertures comportant ou des encadremens simples, ou des bandeaux ornés, ou des chambranles plus ou moins riches. À cet égard, l’ornement des croisées peut avoir les mêmes variétés, que celui des niches. Voyez Niche.

Ouverture se dit aussi, dans les édifices et ouvrages de l’art de bâtir, comme dans ceux de la nature, d’une fracture ou fissure provenue soit de malfaçon, soit de caducité. On dit, dans ce cas, l’ouverture d’une voûte, d’un mur, d’un parement.

On appelle encore ainsi le commencement de la fouille d’un terrain, pour pratiquer une tranchée, une rigole, une fondation.

Ouverture se dit de l’espace qui fait la largeur d’un angle d’un hémicycle. On dit l’ouverture du compas.

Ouverture plate ou sur le plat. Nous trouvons, dans les lexiques, qu’on donne ce nom à un trou circulaire au haut d’une coupole, pour faire venir le jour d’en haut. Voyez Fenêtre, Œil, Opaion.


OUVRAGE (Construction), s. m. On appelle ainsi ce qui est produit par l’ouvrier et qui reste après son travail, comme dans la construction des bâtimens, la maçonnerie, la charpenterie, la serrurerie, etc.

Il y a deux sortes d’ouvrages dans la maçonnerie ; on les appelle gros ouvrages et menus ouvrages.

Les gros ouvrages sont les murs de face et de refend, les murs avec crépi, enduits et ravalemens, et toutes les espèces de voûtes ainsi exécutées. Ce sont aussi les contre-murs, les marches, les via potoyers, les bouchemens et percemens de portes et croisées à mur plein, les corniches et moulures de pierres de taille, quand on n’a point fait de marché à part, les éviers, lavoirs et lucarnes ; ce qui est de différens prix, suivant la différence des marchés.

Les légers et menus ouvrages sont les plâtres de différentes espèces, comme tuyaux, souches et manteaux de cheminée, lambris, plafonds, panneaux de cloison, et toutes saillies d’architecture, les escaliers, les lucarnes avec leurs jouées de charpenterie revêtue, les exhaussemens des greniers, les crépis et renformis contre les vieux murs, les scellemens de bois dans les murs ou cloisons, les fours, potagers, carrelages, quand il n’y a point de marché fait ; les contre-caves, âtres de cheminées, aires, mangeoires, scellemens de portes, de croisées, de lambris, de chevilles, de corbeaux de bois ou de fer, de grilles, etc.

On appelle ouvrages de sujétion, ceux qui sont cintrés, rampans, ou cerchés par leur plan ou leur élévation, et dont les prix augmentent à proportion du déchet notable de la matière, et de la difficulté qu’il y a de les exécuter.


OUVRIER, s. m. C’est le nom qu’on donne à tous ceux qui sont occupés dans les travaux mécaniques, dans les ouvrages de bâtiment, de maçonnerie, et qu’on emploie, en les payant, soit à la tâche, soit à la journée.


OUVROIR, s. m. C’est dans un arsenal, ou une manufacture, un lieu séparé où les ouvriers sont employés à une même espèce de travail. On appelle aussi de ce nom, dans les communautés, la salle où, à des heures réglées, on s’occupe de différens travaux.


OVALE, adj. des deux genres. Se dit, en général, de ce qui a une figure ronde et oblongue, à peu près semblable à celle d’un œuf.

En architecture et dans la construction surtout, on ajoute au mot ovale les mots ralongés ou rampans. Dans le premier cas, c’est la cerche ralongée de la coquille d’un escalier ovale ; dans le second, c’est une ovale biaise on irrégulière, qu’on trace pour trouver des arcs rampans dans les murs d’échiffre d’un escalier.

OVALE, s. m. L’ovale est une forme employée fréquemment en architecture, surtout lorsque cet ovale est parfait, c’est-à-dire qu’il est produit par la section diagonale d’un cylindre. Il est plus rarement en usage lorsqu’il offre un ovoïde, ou qu’il affecte la forme d’un œuf, et ce n’est guère que dans l’ornement appelé ove (voyez ce mot) qu’il se trouve. Nous considérons l’ovale comme une figure curviligne, oblongue, dont les deux diamètres sont inégaux, mais dent les extrémités sont semblables ; c’est ce que les géomètres nomment l’ellipse, qui peut se tracer de diverses manières. Serlio, dans sa Géométrie appliquée à l’architecture en indique plusieurs qui sont aussi claires que faciles à exécuter : chacune de ces opérations fournit un ovale d’une forme différente et plus ou moins agréable ; la plus ordinaire est de former l’ellipse au moyen de deux cercles d’un diamètre égal, dont l’un a son centre à la circonférence de l’autre, et qu’on termine avec des arcs tracés du point où ces deux cercles se coupent.

L’ovale dit du jardinier se trace par le moyen d’un cordeau, dont la longueur est égale au plus grand diamètre de l’ovale, et qui est attaché à deux piquets aussi plantés sur ce grand diamètre pour former cet ovale, d’autant plus alongé que les deux piquets sont plus éloignes.

Les Anciens n’ont guère donné la forme ovale en plan qu’à leurs amphithéâtres, et cet ovale, plus ou moins alongé, affecte toujours la forme de l’ellipse. Ils n’ont pas employé la forme ovale, en élévation, et leurs voûtes ou leurs arcades étoient toujours formées par un demi-cercle ou plein cintre, ou bien par une portion de cercle. C’est aux Modernes qu’on doit l’invention, des arcs surbaissés en anse de panier, et des voûtes en cul-de-four et dans la forme d’un ovoïde, qu’on retrouve dans la plupart des coupoles modernes faites à l’imitation des mosquées des Arabes, qui imitoient eux-mêmes la forme d’une pomme de pin creusée.

Dans les temps de dégénération du goût en architecture, on a fort abusé de la forme ovale, et on l’a adaptée aux ouvertures de fenêtres, de niches, comme celles qu’on voit dans la décoration intérieure de la cour du palais Farnèse, etc. Enfin on a été jusqu’à faire des colonnes ovales, sous prétexte qu’avec moins de saillie on pouvoit produire autant d’effet.

Quelquefois l’architecte, resserré dans un local long et étroit, on pour procurer plus de développement à un escalier, lui donne la forme ovale : c’est ce qu’on nomme ovale ralongé, ou cerche ralongée de la coquille d’un escalier ovale, faite de la section oblique d’un cylindre. On appelle aussi ovale rampante, celle qui biaise ou qui est irrégulière par quelque sujétion, comme celle qu’on trace pour trouver des arcs rampans dans les murs d’échiffre d’un escalier. Le Beruin a adopté la forme ovale pour la place de la colonnade de Saint-Pierre : il n’a sans doute agi ainsi que par la nécessité de se restreindre dans un sens, en tâchant de donner le plus de développement possible à l’autre côté ; c’est sans doute par la même raison que les bas côtés de la grande nef de la basilique de Saint-Pierre sont éclairés par six petits dômes ovales, motivés par le plan oblong des intervalles laissés entre les piliers. Mais nous ne devinons pas la raison qui a fait donner la forme ovale en plan au dôme des Quatre-Nations. Le plan inférieur de la coupole de la cathédrale de Pise est aussi elliptique et percé de quatre grands arcs surmontés de huit autres plus petits, qui supportent un tambour très-peu apparent, et sur lequel s’appuie la coupole de forme elliptique comme le plan inférieur : celui de Sainte-Marie in castello, à Cornetto, est anssi ovale et percé de six arcs. Nous ne concevons pas ce qui a pu porter à s’imposer volontairement des difficultés assez grandes dans l’appareil des pierres et dans toutes les parties de ces constructions ; nous n’y voyons aucun avantage, et bien certainement cette forme bâtarde doit produire un effet désagréable de perspective, dont l’œil ne peut se rendre compte, mais dont il doit être affecté comme il l’est de toutes les figures irrégulières, lorsqu’il s’attend à ne trouver dans un édifice que des formes simples et d’une régularité parfaite.

Depuis que nous avons renoncé, avec raison, pour nos salles de spectacle, à la forme de parallélogramme des jeux de paume, qui paroissent avoir servi de premier modèle à nos théâtres, on a cherché à se rapprocher, autant que nos mœurs pouvoient le permettre, de la forme de ceux des Anciens, et le célèbre Palladio en a donné un bel exemple dans la salle olympique de Viceuce ; exemple que MM. Legrand et Molinos ont imité au théâtre Feydeau. On a aussi employé la forme circulaire comme au Théâtre-Français, construit par Peyre et de Wailly ; mais le plus souvent on a alongé le cercle pour obtenir un plus vaste développement, et on a donné à nos salles de spectacle la forme elliptique des anciens amphithéâtres.

L’ovale est aussi employé dans les compartimens des jardins réguliers, où l’on trouve des bassins et des corbeilles de cette forme, et c’est de la fréquence des ovales dans les parterres, qu’on a donné à la manière de les tracer avec le cordeau, le nom d’ovale du jardinier. Le plus communément les puits mitoyens sont ovales, à raison du mur de séparation qui doit exister dans leur milieu. — La forme ovale convient aussi à des tableaux, à des écussons et à d’autres objets de décoration des édifices : cependant cette figure exige des proportions régulières pour être agréable, c’est-à-dire, un juste rapport entre la largeur et la hauteur ; autrement elle est bizarre et de mauvais goût. En effet, plus une figure se complique, se contourne, s’éloigne en un mot de la simplicité, et moins elle est de bon goût ; car, si du contraste des formes composées d’élémens simples naît la variété, dès qu’elle dépasse la limite de l’unité, autre qualité bien plus essentielle de l’architecture, elle tombe dans l’extravagance.

(A. L. C.)

OVE, s. m. C’est le nom d’un ornement ainsi appelé par la ressemblance de sa forme avec celle d'un œuf. On s’en sert ordinairement au pluriel. Voyez Oves.

On donne, au singulier, le même nom à la moulure arrondie, dont le profil est ordinairement fait d’un quart de cercle. C’est pourquoi les ouvriers l’appellent quart de rond. Son nom, chez les Anciens et les Modernes, qui l’ont aussi adopté, est échine. On l’applique ordinairement au membre arrondi du chapiteau dorique. Sa courbe varie dans l’antique selon le caractère de l’ordre. Dans le dorique moderne, on a assez généralement adopté la mesure du quart de rond.

OVES, s. m. pl. Ainsi désigne-t-on, dans les profils des entablemens et d’autres objets analogues, cet ornement qu’on découpe en forme d’œuf renfermé, à la manière de certains fruits, dans une espèce de coque. Cette sorte d’ornement se taille sur la moulure à laquelle nous avons vu, dans l’article précédent, qu’on donne le nom d’ove.

On appelle oves fleuronnés ceux qui sont comme enveloppés par quelques feuilles de sculpture. Quelquefois aussi cet ornement se taille en forme de cœur, et on y place d’un côté et de l’autre des pointes eu manière de dard.

OVICULE, s. m. Diminutif d’ove. Quelques auteurs appellent ovicule l’ove ou la moulure ronde des chapiteaux ionique et composite, laquelle est ordinairement taillée de sculpture.