Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3/P
PÆS
PÆSTUM, ville antique de l’ancienne Lucanie, dont les ruines célèbres se voient et sont situées dans le golfe de Salerne, à dix lieues de Naples, au milieu d’une plaine vaste et montueuse.
L’enceinte de la ville, de forme oblongue, angulaire et rétrécie dans la partie de l’ouest, est formée par de grosses murailles en partie ruinées, qui ont encore de douze à vingt-un pieds de hauteur, et presque partout environ neuf pieds d’épaisseur. De grasses tours carrées flanquent chaque angle des murs de la ville, avec plusieurs autres intermédiaires entre celles-là et les portes. Il existe encore une porte toute entière à l’est, et une autre dont le cintre est entièrement ruiné.
L’enceinte de la ville renferme encore un grand nombre de ruines, au milieu desquelles ou voit s’élever le grand temple périptère dorique, dont le naos intérieur se divise en trois nefs formées par deux rangs de colonnes à deux étages, le petit temple, périptère aussi et d’ordre dorique, enfin un autre grand édifice formé d’une colonnade de même ordre, mais dont l’intérieur fut divisé dans sa longueur par un seul rang de colonnes qui le partageoient en deux nefs. On lui donne ordinairement le nom de basilique. Nous ne dirons rien ici de ces monumens dont il a déjà été fait mention à l’article Dorique (voyez ce mot), et dont l’article Temple nous donnera occasion de parler encore.
On trouve, dans l’enceinte de la ville, les vestiges de quelques autres monumens. On croit y reconnoître les débris d’un cirque, d’un amphithéâtre, de deux portes, de tours, de murs d’aqueducs, etc.
M. de Lagardette, dans son ouvrage sur Pæstum, a donné la description des matériaux dont les édifices de cette ville sont composés, et il y a joint des conjectures sur la manière dont ils ont été construits.
Cet auteur pense que les pierres qui ont servi à leur construction, ont été tirées des carrières de Viétri. Dans leurs excavations, il a trouvé des tambours de colonnes tout taillés, qui sont d’un diamètre égal à ceux des temples encore debout ; mais ils ne sont point cannelés.
Tout l’intérieur de ces vastes souterrains offre la même espèce de pierre qu’on a employée aux édifices dont on a parlé. Le mortier qui sert de liaison à leurs matériaux, est mêlé de beaucoup de cailloutages pilés, et agglutinés par la chaux éteinte. Tel est du moins celui qu’on a observé aux murs, aux aqueducs et aux tours d’enceinte. Quant à l’enduit qui recouvre les édifices, c’est un mortier fait avec une espèce de sable très-fin, agglutiné par la chaux, mortier sur lequel on passa plusieurs couches de chaux éteinte, et qu’ensuite on a poli par le frottement. Plusieurs parties de cet enduit ont conservé des restes de couleurs.
PAGODE, s. f. On donne, en Europe, ce nom à des édifices qui, dans l’architecture d'une grande partie de l’Asie, servent de temples aux dieux de ces contrées.
Dans la Chine, plusieurs de ces temples sont très-petits et consistent en une seule pièce. Quelques autres ont une cour environnée de galeries, au bout desquelles se trouve le lieu où les idoles sont placées. Il y en a aussi un petit nombre qui sont composées de plusieurs cours entourées de galeries.
Chambers. dans ses Edifices des Chinois, pl. 1, a donné le plan d’une de ces dernières pagodes qui est celle de Houang. Elle offre une grande étendue de terrain. Outre les temples des idoles, elle renferme des appartemens pour deux cents bonzes, des hôpitaux, un potager, un cimetière, etc.
Les édifices que les Chinois consacrent à leur culte, n’ont point, comme ceux des anciens Grecs, Romains et autres, des formes qui leur soient propres et puissent les faire distinguer des différentes sortes de bâtimens dont se composent les villes. L’espèce de construction qu’ils nomment ting ou tong, entre indifféremment dans la forme de toutes les sortes d’édifices. On la retrouve aux temples comme aux palais, aux portes des villes, enfin à tous les bâtimens où l’on met du luxe. Chambers a observé dans divers quartiers de Canton quatre espèces de ting. Les trois premières se voient à des temples, la quatrième dans plusieurs jardins. Il a figuré, à la planche 9 de son ouvrage, la forme qu’ont le plus communément les pagodes. C’est une répétition à peu près exacte du ting de la pagode de Cochinchine.
Tous ces édifices sont élevés sur un soubassement : on y monte par trois escaliers. C’est un carré, environné d’une colonnade de vingt colonnes qui soutiennent un toit surmonté d’une balustrade de bois, qui renferme une galerie régnante au second étage. Cet étage a la même disposition et les mêmes dimensions que l’inférieur. Il est couvert d’un toit d’une construction particulière aux Chinois. Les angles sont enrichis d’ornemens de sculpture qui représentent des dragons. La largeur de l’édifice est égale à la hauteur, et le diamètre du corps de bâtiment a les deux tiers de la largeur. Voyez Chinoise (Architecture).
Le mot pagode s’applique de même aux temples du plus grand nombre des peuples de l’Asie. On a décrit les plus célèbres pagodes de l’Inde à l’article de l’Architecture indienne (voyez ces deux mots). Ce sont des espèces de tours à plusieurs étages, et qui vont en se rétrécissant de bas en haut.
On donne aussi le nom de pagode aux idoles mêmes que renferment les édifices de ce nom.
PALAIS, s. m. Ce mot vient de palatium, qui désigna, à Rome, l’habitation d’Auguste et ensuite des empereurs romains, laquelle étoit située sur le mont Palatin, qui lui donna son nom.
Palais signifie, dans l’usage moderne et selon le langage de l’architecture, tout bâtiment consacré, soit à l’habitation des princes, des grands, des riches, soit à l’établissement de certains services publics, de certaines institutions qui exigent de la grandeur, de l’étendue, de la solidité, et une dignité extérieure, caractère sensible de leur importance.
Un palais est ainsi un édifice qui doit s’élever au-dessus des maisons ordinaires et se distinguer au-dessus d’elles par les divers moyens que l’architecture peut employer, pour affecter à chacun le degré de richesse et de magnificence qui lui convient.
Dès qu’il y eut des sociétés, il y eut des gouvernemens, c’est-à-dire, des chefs qui, sous un titre ou sous un autre, furent chargés de soins et d’emplois pour lesquels il fut nécessaire d’avoir des bâtimens plus spacieux. L’inégalité des fortunes, suite nécessaire de l’inégalité que la nature a mise entre les hommes, dut se manifester par la différence de grandeur et de richesse des habitations. A peine trouve-t-on quelques exceptions à cet usage dans quelques petits États, où certaines formes de gouvernement populaires excitant l’envie chez les pauvres, commandèrent aux riches de déguiser la supériorité de leurs fortunes, sous les apparences d’une hypocrite égalité dans leurs habitations.
Mais le gouvernement d’un seul, né partout avec la société, dut produire partout des palais pour les chefs des États, et comme nous voyons aujourd’hui dans le monde entier, sous toutes les formes des architectures connues, s’élever de vastes édifices pour l’habitation des rois et des princes, de même les notions les plus anciennes de l’histoire nous font voir des palais bâtis à grands frais, dès les temps les plus reculés, pour les souverains dont la mémoire s’est conservée.
Les ruines nombreuses de l’Egypte, aujourd’hui parfaitement connues, laissent encore douter si, parmi tant de restes considérables d’édifices, il en existe qu’on puisse croire avoir été jadis des palais.
Le goût monotone et routinier de l’architecture égyptienne qui, généralement parlant, n’eut qu’un seul type, et n’eut pour ainsi dire qu’un seul plan, est peut-être une des causes qui empêchent de discerner et de constater, au milieu de ses nombreux débris, certaines variétés qui pourroient y faire distinguer un palais d’un temple. Il est vrai que dans les ruines de Karnac, les plus anciennes de l’Egypte, on a remarqué, sur certaines parties d’édifices, des tableaux hiéroglyphiques, qui représentent des guerres, des batailles, des cérémonies de victoire, des captifs, etc. Ces sortes de sujets ont porté à croire, que ce pourroit être là les restes de quelqu’édifice qui auroit servi de palais aux rois de Thèbes. Cependant ces sujets se trouvent sculptés sur des massifs entièrement semblables à ceux dont se composent les temples. Et puis, qui est-ce qui prouve que de pareilles représentations n’auroient pas pu trouver place sur quelques-unes de ces parties toujours les mêmes, dont se composoient les suites ou enfilades de pièces et de corps de bâtisse, qu’on paroît avoir ajoutés l’un après l’autre aux temples ?
Il y a, sur cet objet, une autre opinion, que la critique pourra confirmer un jour, si l’intelligence des signes hiéroglyphiques, en s’augmentant, parvient à jeter quelques lumières sur les usages de l’Egypte. C’est que ces grandes réunions de corps de bâtimens, appelés temples, auroient pu servir aussi d’habitation aux rois, dans un pays, surtout, où le pouvoir religieux se trouva, sur tant de points, confondu avec le pouvoir politique. Mais nous ne pousserons pas cette hypothèse plus loin.
Ne seroit-il pas permis cependant de s’appuyer d’une autre vraisemblance, qui repose sur ce que Diodore de Sicile nous apprend ? Tout en avançant (liv. I, sect. II, S. 5l) que le roi Uchoris avoit bâti à Memphis des palais aussi beaux qu’aucun de ceux qu’on voyoit ailleurs, il ajoute que ces édifices étoient fort au-dessous de la magnificence et du goût de ses prédécesseurs, en d’autres ouvrages. Quels étoient ces autres ouvrages ? C’étoient leurs tombeaux. « Car (dit-il) c’étoit à se construire de magnifiques sépultures qu’ils employoient ces sommes immenses, qu’en d’autres pays les princes consacrent à se bâtir des palais. Ils ne pensoient pas que la fragilité du corps, pendant sa vie, méritât de solides habitations. Ils ne regardoient le palais des rois que comme une hôtellerie qui, appartenant successivement à tous, n’étoit à personne. Mais leurs tombeaux, ils les envisageoient comme leurs véritables palais, comme leur domicile propre, fixe et perpétuel. Aussi n’épargnoient-ils rien pour rendre indestructibles des monumens, qui dévoient être les dépositaires de leur corps et de leur mémoire. »
Ce renseignement sur les opinions égyptiennes nous paroît devoir entrer dans la balance des raisons qui expliqueroient, comment et pourquoi, dans un pays qui a conservé tant de restes d’édifices, et d’aussi durables encore, on ne découvre rien qui porte évidemment le caractère de palais, ou du moins d’habitations conformes à ce qu’on voit ailleurs.
Les temps les plus anciens de la Grèce sont ceux où ce pays fut, dans tous ses petits Etats, gouverné par des rois. Les poëmes d’Homère en font foi, et c’est encore là que nous trouvons les premières indications ou descriptions de palais. Quand on voudroit supposer que le poëte eût été lui-même l’architecte des palais qu’il décrit, il n’en seroit pas moins vrai qu’il en auroit puisé l’idée dans les modèles qu’il avoit sous les yeux. Le palais de Priam est décrit dans le sixième chant de l’Iliade, comme un édifice vaste, dont la partie inférieure étoit composée de portiques en pierres et de galeries couvertes, au-dessus desquelles il y avoit cinquante chambres richement décorées, habitées par les cinquante fils de Priam. En face de cet édifice, dit le poëte, et dans l’intérieur de la cour, il y en avoit un autre bâti et pierres, et où l’on comptoit douze belles chambres pour les filles du Roi. Paris, qui est représenté comme ayant des connoissances en architecture, avoit fait venir à Troye plusieurs architectes, pour lui bâtir un palais. Cet édifice fut construit entre le palais de Priam et celui d’Hector.
La description du palais d’Alcinotis par Homère, toute fabuleuse qu’on puisse la supposer, quant aux détails de décoration, n’en est pas moins un témoignage irrécusable du goût régnant au temps du poëte, et de l’usage reçu de porter le plus grand luxe dans les habitations des princes.
Il est bien vraisemblable, et l’on doit croire que, lorsque le régime démocratique se fut établi dans les différentes parties de la Grèce, le luxe de chacune de ces républiques fut plutôt appliqué à l’architecture des temples et des établissemens publics, que dirigé vers la construction des palais ou des maisons particulières. L’état républicain ne convenant qu’à de petits territoires, n’a ordinairement que des revenus bornés, et sans quelque cause extraordinaire, on ne sauroit s’y livrer à ces grandes entreprises qui, en fait de palais, ne peuvent appartenir qu’aux gouvernemens monarchiques ou aristocratiques.
C’est ce que Démasthènes nous fait bien entendre dans sa harangue contre Aristocrate, en comparant l’état ancien des mœurs d’Athènes, à celui de son temps : « Jadis (dit-il) la république étoit riche et florissante, lorsque nul particulier ne s’élevoit au-dessus du peuple. Ceux qui connoissent la maison de Thémistocle, celle de Miltiade et des autres grands-hommes de ce temps-là, voient que rien ne les distingue des maisons ordinaires (alors aussi les édifices publics étoient si beaux, qu’il n’y a point de moyen d’enchérir sur leur magnificence). De nos jours, au contraire, l’opulence des particuliers qui se mêlent des affaires de l’Etat est portée à un point, qu’ils se sont bâti des maisons qui surpassent en beauté nos grands édifices. Quant aux ouvrages que la ville fait construire, ils sont si modiques et si misérables, que j’aurois honte d’en parler. »
On ne sauroit mieux montrer combien le gouvernement démocratique s’oppose à la construction des palais. Athènes touchoit alors aux derniers jours de la république.
Rome républicaine ne connut point le luxe des palais : nous ne le concluons point de ce que les Romains n’employèrent d’autre mot que le mot domus, maison, à exprimer toutes les sortes d’habitations ; car ils le donnoient aussi à de véritables palais, comme on le verra. Avant les conquêtes qui introduisirent dans la république la richesse et le goût de l’ostentation, une grande simplicité de mœurs, une sorte de rusticité produite par la vie agricole, d’une part, et les habitudes militaires de l’autre, s’accommodèrent d’habitations où il eût été, non-seulement inconvenant, mais dangereux d’affecter une certaine supériorité.
Mais Rome en vint bientôt à ce point de réunir les deux conditions les plus favorables au luxe des palais ; savoir, celles de l’aristocratie et celles de la monarchie. Dès que la guerre, les conquêtes et l’esprit de rapine, effet et cause à son tour de la manie de conquérir, eurent fait passer dans les mains des généraux d’armée, et des gouverneurs de provinces, la fortune des peuples et les trésors des princes, on vit des citoyens égaler leurs habitations à celles des rois. L’élément aristocratique, d’ailleurs, qui forme le fond du gouvernement de Rome, avoit habitué les esprits à reconnoitre dans les familles des supériorités et des droits aux honneurs et aux dignités, qui veulent se manifester par des signes extérieurs, et l’histoire nous fournit de nombreuses preuves de l’inégalité des habitations, avant l’époque qui vit expirer la république.
On trouve chez Cicéron des notions assez instructives à cet égard, soit dans les mentions qu’il fait des habitations de quelques-uns de ses contemporains, soit dans ce qu’il rapporte de ses propres maisons, où nous voyons que l’emploi des colonnes et tout le luxe des statues, des galeries et des ornemens avoient déjà cours d’une manière remarquable ; et il s’en falloit que Cicéron, d’une famille nouvelle et d’une fortune médiocre, pour son temps, pût entrer en comparaison avec les Pompée, les Sylla, les Crassus et les Lucullus, dont la magnificence, en fait de palais, devoit l’emporter sur celle d’un parvenu.
Cependant il paroît que ce n’éloit encore que le prélude de ce que le règne des empereurs devoit opérer. Auguste disoit qu’il avoit trouvé Rome bâtie d’argile (c’est-à-dire en briques) et qu’il la laissoit toute de marbre. Ce fut effectivement à partir de cette époque, qu’on voit les carrières de tous les pays s’épuiser pour satisfaire le luxe des palais.
De la même époque date aussi cette habitation de l’Empereur, qui, bâtie sur le mont Palatin, donna par la suite le nom de palatium (palace) aux demeures des rois et des grands. On continua toutefois d’appeler domus les plus magnifiques constructions de ce genre ; témoin la maison d’or (domus aurea) de Néron, dont il reste encore des vestiges dans quelques ruines, mais tellement incohérentes entr’elles, qu’on ne sauroit y retrouver l’idée de leur ensemble.
Les constructions destinées aux habitations, de quelque genre qu’elles aient été, sont au milieu de toutes les ruines antiques, celles dont il s’est conservé le moins de vestiges reconnoisables. La raison en est que, d’une part, elles reçurent moins de solidité que les monumens publics, et d’autre part, elles dûrent subir de bien plus grands et plus faciles changemens. Les révolutions qui amènent après elles et de nouveaux besoins et de nouveaux usages chez les peuples qui se succèdent, font éprouver aux habitations une action bien plus destructive. Les matériaux des maisons et des palais deviennent des carrières où d’autres habitans trouvent à s’approvisionner. Aussi voiton, soit dans les sociétés croissantes, soit dans celles qui décroissent, les anciennes bâtisses servir à la construction ou de plus vastes demeures ou de plus chétives. Ainsi disparoissent aujourd’hui tous ces châteaux qui furent l’orgueil de leur temps, et leurs matériaux paient le prix des bâtimens qui leur succèdent.
Combien de fois, dans l’espace de tant de siècles, le même agent de destruction n’a-t-il pas dû s’exercer sur les palais des Grecs et des Romains ! À peine reste-t-il le souvenir de la place jadis occupée par ce célèbre palais de Mausole, à Halicarnasse, dont Vitruve s’est plu à faire une mention expresse. Il seroit, comme on l’a dit, impossible de faire sortir des nombreuses ruines de Rome, l’idée tant soit peu vraisemblable du plan d’un seul de ses palais, encore moins de leur élévation. L’ensemble de ruines le plus considérable et tout à la fois le plus authentique d’une de ces grandes constructions, est certainement celui qu’on appelle à Tivoli la villa Adriana. Nonobstant le nom, qui sembleroit n’avoir dû convenir qu’à une maison de campagne, ce fut un des plus grands palais qu’il y ait eu. Cependant ce vaste champ de ruines n’offre aussi qu’un vaste champ aux conjectures de l’architecte, qui essaie d’en coordonner les parties. Et puis ce qui manque à ce palais, comme à tant d’autres, c’est la forme et le système de son élévation, sans laquelle l’imagination ne peut rien saisir de positif, et ne peut embrasser l’aspect des masses constituantes, du caractère général, de l’esse et de l’harmonie d’un palais.
Deux circonstances ont contribué à sauver de la loi générale de destruction dont on vient de parcourir les effets, un seul et vaste palais antique, celui de Dioclétien à Spalatro, jadis Spalatum, nom qu’on croit formé de palatium (palais). Il fut bâti dans cette ville vers le commencement du quatrième siècle, par cet Empereur, qui en avoit un autre à une lieue de là, c’est-à-dire, à Salone, où il s’éloit retiré. On voit d’abord, par la date de cette construction, qu’elle est une des dernières de ce qu’on peut appeler l’architecture antique. Mais il n’est pas moins sensible que cette énorme masse de bâtimens ne trouva point, dans cette petite péninsule de la Dalmatie, où elle resta long-temps cachée, ce mouvement d’une grande population qui, en bâtissant ou rebâtissant d’immenses cités, doit finir, surtout dans des siècles d’indifférence pour les arts, par mettre à contribution tous les matériaux des bâtisses que de nouvelles mœurs ont rendus inutiles.
Encore l’état même de ces restes de palais est-il une preuve de ce qu’on vient d’annoncer. Si nous écoutons les plaintes des voyageurs à cet égard, elles ne nous confirment que trop l’effet du principe destructeur dont on parle. Quoiqu’il subsiste encore à Spalatro (dit le dernier de ceux qui l’oui visité) un nombre prodigieux de vestiges de ce magnifique palais de Dioclétien, l’un des plus grands fragmens d’antiquité qui nous soient parvenus, il est impossible de ne pas regretter que l’on se soit permis de construire des bâtimens modernes dans l’intérieur de ce palais. Outre que cela nuit infiniment aux recherches qui conduiraient à déterminer d’une manière exacte son ancienne et première distribution, il faut dire encore que de superbes matériaux ont été dénaturés pour servir à des bâtimens modernes. L’avarice, l’ignorance et des intérêts particuliers ont hâté la ruine de monumens qui auraient pu, pendant bien des siècles encore, captiver l’admiration, et servir à l’étude de l’histoire des arts. Les habitans de Spalatro ne se sont pas contentés de dépouiller le palais de Dioclétien, ils ont encore été ravir ce que les ruines de Salone possédoient de plus beau, bien moins pour décorer que pour bâtir des clochers, des maisons, et même de simples murs de clôture.
Ce qui reste toutefois de cette grande construction a cela de particulier et qui en fait le prix, qu’il existe de chaque partie de l’ensemble assez, non-seulement pour en relever le plan, mais pour en figuier encore l’élévation. On peut en jouir à peu près dans son entier, en considérant sa façade principale, c’est-à-dire, celle qui regarde la mer, et que décoroit une colonnade à peu près toute conservée, puisque, de cinquante colonnes qui la composoient, il en reste encore quarante-deux, formant un long portique en arcades, dans la longueur desquelles s’étendoit une galerie qui donnoit entrée dans cet intérieur. Beaucoup de parties et de masses de l’élévation permettent de se faire une juste idée des proportions et du tout, des fenêtres, des ouvertures et des couvertures, et il n’y manque aucun des détails propres à en restituer l’ensemble. Mais on en réserve la description à l’article Spalatro. Voy. ce mot.
Il seroit maintenant difficile suivre par quelqu’indication formelle des monumens, l’histoire abrégée du goût et de la disposition des palais dans cette nuit des arts, qu’on appelle du nom de moyen âge, sans avoir recours aux notions du genre gothique et des châteaux, dont à peine il reste des fragmens ou des traditions confuses.
On seroit obligé de franchir un assez grand nombre de siècles pour arriver en Italie, par exemple, au palais ducal de Venise, dont toutefois le goût diffère encore sensiblement de celui de nos châteaux construits sous le règne du régime féodal. L’Italie n’eut pas à beaucoup près, dans ce temps, le même système que le reste de l’Europe ; la féodalité n’y poussa point des racines aussi profondes et ne s’y étendit pas sous les mêmes formes. On ne vit pas ce pays hérissé de châteaux forts, dont les seigneurs, en guerre avec leurs voisins et leurs souverains, habitoient des bastions au lieu de palais, et retranchés derrière leurs fossés et leurs ponts-levis, n’avoient guère à s’occuper de la beauté intérieure ou extérieure de leurs habitations. Il paroît certain qu’en Italie, le goût de l’antique architecture ne cessa jamais entièrement, sinon de dominer, au moins d’influer dans les édifices de tous les âges. Trop de modèles s’en étoient conservés, pour que le genre gothique pût en faire disparoître la trace. Aussi le voyons-nous reparoître dès les douzième et treizième siècles. Le quatorzième et le quinzième surtout virent élever à Florence des palais dont les masses et les détails rappellent les formes et les élévations colossales des Romains. Il suffit de nommer Bruneleschi et le célèbre palais Pitti, pour se convaincre qu’aucune tradition, aucun mélange de la bâtisse gothique n’existoit à cette époque.
Cette époque étoit encore celle où l’on ne trouvoit en France que des châteaux qui, construits dans le système de défense militaire alors en usage, n’avoient aucun rapport avec l’architecture greco-romaine, aucune ressemblance avec ce qu’on est convenu d’appeler un palais. Ce qu’on appela même ainsi par la suite, et jusqu’au renouvellement du bon goût, ne fut, dans les demeures des rois, des princes et des grands, que des assemblages de tours rondes ou carrées, réunies dans de grandes cours, par des corps de bâtimens surmontés de toits fort exhaussés, ne présentant au dedans et au dehors que des masses de pierres, percées d’ouvertures sans ornemens. Tel étoit le plan et telles étoient les élévations des palais du Louvre et dus Tuileries avant le seizième siècle. Tel avoit été ce qu’on nomme aujourd’hui le Palais, dont il ne reste plus de trace de son ancienne structure que dans la grande tour qu’on appelle la tour de l’horloge, et dans quelques constructions circulaires du même genre. On peut encore voir des restes de cette ancienne disposition des palais de ce temps au château de Vincennes, malgré les modifications nombreuses que cet ensemble a subies.
Ce type des châteaux forts étoit tellement devenu celui des palais les plus magnifiques, que le palais de Chambord, qui fut la merveille de son temps, et qui fut commencé à bâtir sous François Ier., en 1523, est encore une répétition de la même disposition. Toujours des tours rondes, interrompues par des corps de bâtimens flanqués d’autres tours ; et cependant, à l’époque où s’élevoit ce célèbre château, l’Italie étoit déjà couverte de palais où l’on voyoit revivre, dans toute la régularité des formes et des ordonnances antiques, les masses, les détails, les proportions de la plus belle architecture. Déjà Bruneleschi, Léon-Batista Alberti, Ammanati, Bramante, San Gallo, Scamozzi, avoient élevé ces palais sur lesquels les architectes continuèrent d’aller former leur goût. Il suffit de citer les palais du Vatican, de la Chancellerie, à Rome, le palais Farnèse, le palais Strozzi, à Florence, le palais de Caprarole, par Vignole. Enfin, c’est de cette époque ou à peu près que date cette longue suite de palais, peut-être plus élégans, dont Palladio a donné les modèles, et qui ont si puissamment contribué à répandre le bon goût de l’architecture et à le naturaliser dans toute l’Europe. Voyez Palladio.
Ce goût ne tarda point à entrer en France : Primatice, Serlio et plusieurs autres y furent appelés, et bientôt on vit le Louvre changer tout-à-fait de forme sous le crayon de Pierre Lescot. Enfin, disparurent ces restes de gothicité qui s’opposoient à ce qu’un palais soumis à une ordonnance régulière reçût les formes, les colonnes, les profils de l’architecture grecque. D’essais en essais, de changemens en changemens, le Louvre est enfin devenu un des plus grands et des plus magnifiques ensembles de palais que l’or puisse citer, surtout depuis que, dans le siècle suivant, Perrault eut décoré sa façade d’entrée, de cette superbe colonnade qui lui a donné un extérieur de magnificence, dont on ne sauroit trouver l’égal dans aucun autre palais.
Le dix-septième siècle fut celui peut-être qui vit s’élever, dans la plupart des États, le plus de palais, et les plus riches et les plus somptueux. Malheureusement le goût de l’architecture avoit déjà perdu de sa noblesse et de sa simplicité, et l’amour de la variété en avoit corrompu les formes.
Il faut excepter cependant l’Angleterre, où l’école de Palladio s’étoit naturalisée. On doit regretter que des circonstances funestes aient interrompu, à Londres, l’exécution du magnifique palais qu’Inigo Jones avoit commencé pour les rois d’Angleterre. Un seul fragment qui subsiste de son élévation (le palais de Withall), nous assure qu’elle auroit répondu dans toutes les parties, et sous tous les rapports, à la grandeur du plan le plus vaste et le plus beau qui ait jamais été conçu. Mais, comme on l’a dit au commencement, le sort de l’architecture, en fait de palais, dépend beaucoup de la nature et de la forme du gouvernement. Rien de grand, en ce genre, ne fut plus conçu dans ce pays, depuis la catastrophe de Charles Ier., et le roi d’Angleterre est aujourd’hui le souverain le plus mal logé de toute l’Europe. La réforme d’une part, et la révolution de Cromwel, de l’autre, ont enlevé à l’art de bâtir les seules grandes occasions où il puisse briller, celles d’élever de grands temples et de grands palais.
En Italie, il suffit de nommer Bernin et Boromini, pour annoncer le changement de goût que l’architecture des palais fut forcée de subir. Quoiqu’il y ait loin, sous tous les rapports, du premier de ces architectes au second, qui dénatura tout, cependant il faut convenir que le génie de Bernin devoit produire celui de Boromini. Nous avons assez fait connoître à leurs articles, quelle fut sur l’architecture l’influence du goût de ces deux maîtres. La décoration prit le dessus ; l’ornement corrompit la forme : l’on ne connut plus les grandes masses, les grandes lignes, les grandes proportions.
D’autres mœurs amenèrent aussi avec elles d’autres genres de dispositions. Le luxe changeant de forme et d’objet, la plus grande dépense des palais fut celle des intérieurs, des meubles et d’une multitude de superfluités indépendantes de l’architecture. Tout se rapetissa en dehors des édifices. Si l’on en veut une preuve, on la trouvera dans le vaste palais de Versailles, qui en dehors n’a de grand que la longueur de la ligne sur laquelle il est bâti, et l’étendue de sa superficie, et dont l’élévation mesquine, sans forme, sans caractère, sans idée, sans aucun mérite d’exécution, est restée, pour l’architecture, et ce qui en fait la valeur, au-dessous de tous les palais qui l’avoient précédé depuis deux siècles.
Le goût du grand disparut enfin tout-à-fait, et le dix-huitième siècle n’auroit pas un grand palais à citer, si Van-Vitelli n’eût bâti, à Caserte, celui du roi de Naples, seule entreprise de ce siècle qui, pour la simplicité du plan, l’immensité de la superficie, la grandeur de sa masse et de son élévation, rappelle les travaux des siècles passés.
On a dû voir par les édifices dont on a parcouru si rapidement la série dans cet article, qu’on n’a entendu traiter que des palais des souverains ou de ceux des grands. Nous n’ignorons pas qu’on pourroit faire mention de beaucoup d’autres monumens remarquables auxquels on donne aussi le nom de palais.
Ainsi, l’on appelle palais tout grand édifice qui renferme quelqu’ établissement public. On appelle palais celui où siègent les tribunaux ; celui où les grands corps politiques tiennent leurs séances ; celui où sont placées les administrations ; celui où des institutions quelconques et des compagnies qui ont un rang dans l’Etat, se trouvent réunies.
Beaucoup de ces édifices, chez les différentes nations, ont occupé le génie des architectes, et on en trouve les mentions et les descriptions aux articles biographiques des artistes. Nous y renvoyons le lecteur.
PALANÇONS, s. m. pl. Morceaux de bois qui retiennent les torchis. Voyez Torchis.
PAL-A-PLANCHE, s. f. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est une dosse affûtée par un bout, pour être pilotée, à l’effet d’entretenir une fondation, un batardeau, etc. Cet affûtement a lieu, tantôt dans la moitié de la planche, tantôt en écharpe, et toujours d’un même sens, afin qu’il soit plus solide. On coupe les dosses en onglet et à chanfrein, pour qu’elles puissent mieux couler dans la rainure qui doit les recevoir.
On appelle vannes les pal-à-planches quand on les couche en long du batardeau.
PALASTRE, s. f. (Terme de serrurerie.) C’est la pièce de fer qui couvre toutes les garnitures d’une serrure, et contre laquelle sont montés tous les ressorts nécessaires à une fermeture.
PALE, s. f. (Terme d’architecture hydraulique.) Espèce de petite vanne, qui sert à ouvrir et à fermer la chaussée d’un étang.
PALÉE, s. f. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est un rang de pieux employés de leur grosseur, espacés assez près les uns des autres, liernés, moisés et boulonnés d’une cheville de fer, qui, étant plantés suivant le fil de l’eau, servent de piles pour porter les travées d’un pont de bois.
PALESTRE ou PALAESTRE. Ce mot vient du latin palœstra, qui lui-même est grec, et chez les Grecs signifioit à la fois lutte et l’endroit, l’édifice où l’on s’exerçoit aux combats gymnastiques. Aussi Vitruve, liv. V, ch. II, le décrit-il comme appartenant aux usages, non de l’Italie, mais de la Grèce.
Dana les palœstres (dit-il) on fait les portiques sur un plan carré-long, de manière que l’espace à parcourir dans leur circuit comprenne deux stades, ce que les Grecs appellent diaulon. Trois de ces portiques sont simples ; le quatrième, qui est tourné vers le midi, est double, afin que les grandes pluies, accompagnées de vent, ne puissent point pénétrer dans l’intérieur. Dans les trois portiques simples, on place des écoles ou exèdres, avec des sièges, où les philosophes, les rhéteurs et autres gens studieux puissent s’asseoir pour discuter entr’eux.
Le portique double est disposé de façon à recevoir ces trois sortes d’emplacemens. Dans le milieu est l’ephebeum, grande école ou exèdre, avec des sièges, qui doit avoir en longueur un tiers de plus que sa largeur. A droite est le coriceum, ensuite le conisterium, puis, et dans l’angle du portique, le bain froid, appelé lutron. A gauche de l’ephebeum est l’eleotesium, suivi du frigidarium, ensuite, dans l’autre angle du portique, est le passage au propnigeum, côté, mais dans l’intérieur, et en face du frigidarium, est située la concamerata sudatio, etc.
En dehors de cet ensemble de bâtimens, il y a trois portiques, l’un au sortir de la palœstre, les deux autres à droite et à gauche, etc.
On peut consulter, sur le reste des détails que donne Vitruve, les destins de Galiani, sans lesquels il est difficile de se faire une juste idée de cette description.
Ce qu’on vient de rapporter suffit pour faire comprendre que la palœstre des Grecs étoit un ensemble de locaux divers, servant aux exercices du corps et à ceux de l’esprit, qui comprenoit plus d’une sorte d’institution, où l’on trouvoit des salles de jeu, des bains chauds et froids, etc. Il nous semble que les Romains, qui, au dire de Vitruve, n’avoient point de palœstre proprement dite, en eurent l’équivalent avec plus de grandeur et de somptuosité, dans ce qu’ils appelèrent des thermes, genre d’édifices où il est assez facile de reconnoître à peu près les mêmes usages.
PALESTRINE. Voyez Præneste.
PALIER ou REPOS, s. m. On donne ce nom à un espace qui, dans toute montée composée de marches ou de gradins, offre à celui qui monte l’occasion d’un repos, et divise ainsi, pour la commodité, en plusieurs séries, la succession des degrés.
Ce qu’on appeloit prœinctiones dans les suites de gradins dont se composoit l’intérieur des théâtres et des amphithéâtres antiques, étoit de véritables paliers servant de repos à ceux qui montoient, et offrant un couloir de circulation pour ne point déranger les personnes assises.
Dans les escaliers des maisons, les paliers sont ordinairement déterminés par les étages. Il est quelquefois dangereux de les multiplier ou de les faire trop courts, parce que l’action de monter ou de descendre dépendant d’un mouvement souvent instinctif, tout ce qui arrête mal-à-propos, ou contrarie ce mouvement, produit des faux pas dangereux.
Les paliers doivent avoir au moins la largeur de deux marches dans les grands perrons, et ils doivent être aussi longs que larges, quand ils sont dans le retour des rampes des escaliers.
On appelle demi-palier un palier qui est carré sur la longueur des marches. Philibert Delorme nomme double marche un palier triangulaire dans un escalier à vis.
Palier de communication. Palier qui sépare deux appartenons de plain-pied, et communique à chacun.
Palier circulaire. C’est le palier de la cage ronde ou ovale d’un escalier eu limaçon.
PALIFICATION, s. f. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est l’opération par laquelle on fortifie un sol avec des pilots. Voyez Mouton et Pilots.
PALISSADE, s. f. Espèce de barrière de pieux fichés en terre, à claire voie, qu’on fait, au lieu d’un petit fossé, au bout d’une avenue nouvellement plantée (par exemple), pour empêcher que les charois n’endommagent les jeunes arbres. Il y a, sans qu’il soit besoin de le dire, bien d’autres emplois de la pratique des palissades.
PALISSADE (Jardinage). On appelle ainsi, dans les jardins, ces rangées plus ou moins serrées d’arbres feuillus par le pied, qu’on taille en manière de mur, contre les murailles des jardins, pour en cacher la clôture, ou qu’on établit des deux côtés d’une allée, entre les arbres qui la forment.
Les palissades faites avec l’arbre qu’on appelle charme, sont celles qui remplissent le mieux ce double objet, tant cet arbre a la propriété de se laisser émonder et conduire à toute hauteur, et au gré de l’usage auquel on veut l’appliquer.
On fait des palissades avec plus d’une sorte d’arbres, selon palissades pays et les productions naturelles qui s’y prêtent.
En Italie, on voit les murs des jardins palissés avec des lauriers, des citroniers, des orangers, qui ont l’avantage d’offrir une verdure perpétuelle.
Dans le Nord, on fait de petites palissades avec de la charmille, de l’if et du buis pour les allées. Les palissades à hauteur d’appui se font avec des jasmins, des lilas, des rosiers, etc.
On fait, dans les jardins réguliers, des palissades qu’on appelle à banquettes, qui n’excèdent jamais trois pieds et demi de haut. Elles servent à borner seulement les allées par en bas, et le reste de l’espace est libre entre les arbres.
La hauteur de semblables palissades doit être les deux tiers de la largeur de l’allée. Si on les fait plus hautes, elles font paroître les allées étroites et les rendent tristes : leur mérite consiste à être bien garnies par en bas.
L’utilité des palissades consiste : 1°. à cacher les murs du clôture, à boucher par endroits des trouées qui produiroient des aspects désagréables, et à procurer des ouvertures aux points de vue qu’on veut méuager ; 2°. à corriger et à racheter les biais qui souvent se trouvent dans un terrain, et les coudes que forment certains murs ; 3°. à servir de clôture aux bosquets, cloîtres et autres compartimens qui doivent être séparés, et où l’on pratique d’espace en espace des renfoncemens le long des allées ; 4°. a revêtir le mur d’appui d’une terrasse ; 5°. à former des niches qui décorent des jets d’eau, des figures ou des vases ; 6°. enfin, à dresser des portiques et à former dus galeries et des arcades.
On appelle palissades crénelées les palissades qui sont couvertes d’espace en espace, en manière de créneaux, au-dessus d’une hauteur d’appui, comme il y en a, par exemple, autour de la pièce d’eau appelée I’Ile royale, à Versailles.
Tondre une palissade, c’est la dresser avec le croissant, qui est une espèce de faux.
PALISSER (Jardinage), v. act. C’est disposer les branches des arbres d’une palissade à un treillage, ou contre un mur de clôture ou de terrasse, en sorte qu’il en soit couvert partout le plus qu’il est possible.
PALLADIO (ANDRÉ), architecte, né à Vicence, en 1518, mort en 1580. On voit par la date de la naissance de Palladio, et conséquemment par celle de l’époque où il put commencer à exercer l’architecture, que déjà cet art, retiré depuis un siècle de la barbarie du moyen âge, rappelé à ses anciens principes, à ses véritables types, aux pratiques du goût des Anciens, par les études d’un très-grand nombre d’artistes célèbres du quinzième siècle, et porté au plus haut point peut-être de la perfection moderne, dans les ouvrages de Bruneleschi, de Léon-Baptiste. Alberti, de Bramante, de Balthazar Peruzzi, des San-Gallo, devoit offrir à leurs successeurs une carrière déjà parcourue avec tant d’éclat, que de nouveaux succès y devenoient plus difficises. Lorsque les premières places semblent toutes occupées, il est assez naturel à ceux qui surviennent, ou de se faire les suivans de leurs prédécesseurs, ou de su créer une fausse célébrité, par la nouveauté qu’on cherche dans le caprice et la bizarrerie.
André Palladio eut le bonheur et le mérite d’échapper à ce double écueil. Après tant d’architectes originaux, il fut encore, non-seulement être original, mais devenir le modèle sur lequel se sont réglés la plupart de ceux qui, dans plus d’un pays, ont fait briller l’art de l’architecture. Son goût devint dominant, et il a donné son nom à une école, c’est-à-dire, à une manière qui n’a pas, depuis lui, eu de rivale ; tant il est vrai qu’il y a toujours une place nouvelle dans tous les arts, pour l’homme à qui la nature a donné le secret de voir, de sentir et de penser par lui-même.
Il faut avouer cependant, qu’en architecture surtout, il faut encore une autre condition. Cet art dépend, bien plus que tout autre, d’une rencontre de circonstances sans lesquelles, comme dans certains lerrains, les meilleurs germes peuvent rester inféconds. Pour qu’il se donne d’habiles architectes dans un temps ou dans un pays, il faut qu’il s’y donne le besoin d’avoir de l’architecture. Or l’architecture, pour être ce que son nom signifie, demande ce qu’elle ne sauroit obtenir, ni de toute sorte de société, ni dans chaque siècle. Une multitude de causes physiques et morales en développent ou en compriment la naissance ou l’essor ; une multitude de circonstances en font naître le besoin, mais sous des formes mes diverses, et à des degrés fort différens.
Les seuls noms des premiers architectes que nous venons de nommer, nous font connoître, dans les monumens qui les ont illustrés, c’est-à-dire par la magnificence, la richesse et la grandeur des temples, des palais, des édifices civils et religieux, une époque où l’architecture étoit comme le premier besoin de la société, où le luxe des grandes familles rivalisoit avec celui des governemens. Ce fut alors que se créa cette suite mémorable des grands ouvrages qui, en Italie, ont marqué l’époque de la grande architecture, c’est-à-dire, de l’art appliqué dans les plus grandes proportions, avec la plus grande solidité et le plus de richesse, à tous les ouvrages commandés par les grands intérêts de la société.
Palladio ne trouva ni dans l’Etat vénitien, ni à l’époque où il parut, c’est-à-dire, vers le milieu du seizième siècle, d’occasions aussi propices à la conception et à l’exécution de ces grandes entreprises. L’Etat de Venise, encore brillant alors par le commerce et par les armes, avoit dû à quelques monumens de l’antiquité, conservés dans ses provinces, à ses anciennes communications avec la Grèce, les traditions du bon goût, et les premiers ouvrages de son architecture ture en font foi. Son gouvernement aristocratique avoit favorisé le luxe des édifices particuliers. La démocratie l’étouffé sous le niveau de l’égalité ; mais le régime de l’aristocratie ne présente d’autre idée, que celle d’une royauté répartie entre plusieurs. Il est dans les intérêts de cet ordre de choses, que la classe privilégiée qui gouverne, fasse sentir au dehors son importance. Elle ne sauroit mieux le faire pour la multitude, que par la distinction et la supériorité des demeures. De-là l’espèce d’étiquette imposé à chaque membre du Gouvernement, de proportionner à son rang l’extérieur de son habitation, et de-là des causes favorables à l’architecture des palais, soumis toutefois à de moindres dimensions que ceux des princes et des monarques.
Telle fut la carrière qui s’ouvrit à Palladio : il n’eut à créer ni de vastes églises, ni de ces palais de souverains, ni de ces grands monumens d’utilité publique, dont l’inconvénient ordinaire fut d’user les talens successifs et divers de plusieurs architectes. L’état politique de son pays lui présenta une classe nombreuse de citoyens enrichis et distingués, jaloux de laisser un souvenir de leur existence, dans des demeures auxquelles ils attachaient leur nom. L’époque dont on parle fut aussi pour Venise, comme il arrive surtout dans les pays dont le commerce augmente les fortunes, une époque de renouvellement pour l’art de bâtir. Alors, une sorte de courant de mode porte chacun, de proche en proche, à suivre le ton dominant. Palladio contribua beaucoup à augmenter ce mouvemeut, C’étoit à qui auroit un projet de lui : les campagnes des environs et les rives de la Brenta s’embellirent d’une suite de palais ou de maisons de plaisance, qui sont devenues l’école de l’architecture civile.
La supériorité du goût de Palladio, ou ce qui a donné à son école une plus grande autorité, tient à ce qu’il a plus soigné ses plans qu’on ne l’avoit fait avant lui, qu’il les a rendus plus accommodés aux besoins des temps modernes, et aux facultés des fortunes moyennes ; qu’il a su faire du grand sans de grandes dimensions, et de la richesse sans beaucoup de dépense ; qu’il a eu le secret d’approprier les ordres aux façades des palais avec une élégance toute nouvelle ; d’employer les ressources des matériaux divers, et d’en faire servir la variété à la décoration des bâtimens ; qu’enfin, il a mieux qu’aucun autre trouvé, dans l’imitation de l’antique, cet heureux milieu de correction sans pédanterie, de sévérité sans affectation, de liberté sans licence, qui a rendu l’architecture et les ordonnances des Grecs propres à tout pays, applicables à tous les usages, à tous les genres de matériaux, dans toutes les sortes de bâtimens, en petit comme en grand, et selon tous les degrés de fortune de ceux qui bâtissent.
De fait, après que l’architecte a formé son style sur les grands modèles de l’antiquité, et y a puisé les raisons fondamentales et les principes de proportion, sur lesquels repose tout le système de l’architecture, lorsqu’il a étudié dans les grands ouvrages de Rome moderne et de Florence, les applications faites de ces lois aux mœurs el aux convenances d’un ordre de choses tout-à-fait différentes, il semble qu’il ne peut pas se dispenser d’aller chercher dans les œuvres de Palladio le secret d’un genre d’applications encore plus usuelles aux travaux que noire état social exigera de lui, d’y étudier l’art de faire plier tour à tour et nos besoins aux plaisirs d’une belle
architecture, el l’agrément de celle-ci, aux nécessités et aux sujétions sociales actuelles.
C’est ainsi que le goût de l’école de Palladio a trouvé comme une seconde patrie en Angleterre, où Inigo Jones, Wreen, Gibb, Chambers et plusieurs autres ont naturalisé ses plans, ses façades de bâtiment, l’ajustement heureux de ses formes, de ses profils, de ses ordonnances, et la style de ses détails.
Le style de Palladio a une propriété qui devoit le propager ; c’est (comme on l’a dit) une espèce de moyen terme entre cette austérité de système, dont quelques esprits exclusifs abusent dans l’imitation de l’antique, et les doctrines anarchiques et licencieuses de ceux qui se refusent à tout système, parce qu’aucun ne peut recevoir d’application universelle, et qui soit sans exception. Il y a dans les édifices de Palladio, une raison toujours claire, une marche simple, un accord satisfaisant entre les lois du besoin et celles du plaisir ; une telle harmonie enfin, qu’on ne sauroit dire lequel a commandé à l’autre. Sa manière présente à tous les pays une imitation facile ; son mérite est bien ce qui a produit cette facilité, mais cette facilité même d’être adaptée à tout, est ce qui proclame son mérite. Aussi estil vrai de dire que Palladio est devenu le maître le plus universellement suivi dans toute l’Europe, et, si l’on peut dire, le législateur des Modernes.
L’homme qui eut tant d’élèves paroît ne l’avoir été lui-même de personne. On ne cite aucun architecte de son temps dont Palladioait suivi les leçons. Si on l’en croit, et ce qu’il dit de lui dans la préface et l’épître dédicatoire du premier livre de son Traité d’Architecture entraîné dès son jeune âge, par un goût naturel, vers l’étude de cet art, il n’eut pour guide et pour maître que Vitruve. Ses études faites ainsi dans sa jeunesse, démentent l’opinion fondée sur une simple tradition, qu’il auroit perdu ce temps si précieux dans des travaux mécaniques et subalternes. La seule intelligence de Vitruve suppose un sujet déjà versé dans plus d’un genre d’études. Aussi Temanza assure-t-il que, dès l’âge de vingt-trois ans, Palladio avoit déjà acquis des notions de géométrie el de littérature, premiers degrés nécessaires pour arriver au savoir qu’exige l’architecture.
Quelques-uns ont cru toutefois que le célèbre littérateur Trissino auroit pu contribuer à son instruction dans cet art, et influer sur la direction de son goût. On l’a encore conclu de la mention honorable que Palladio, dans son Traité déjà cité, a fait de Trissino ; mais de cela même qu’il n’en parle point, comme ayant été son maître, on doit conclure que cela ne fut point, tant l’intérêt même se seroit uni à la reconnoissance, pour engager l’artiste à se vanter d’avoir reçu les leçons d’un homme aussi célèbre.
Quoi qu’il en soit, il dut, sans doute, à son savoir et à son amitié, les encouragemens qui lui facilitèrent les moyens de faire de rapides progrès ; et, par exemple, on voit qu’il fit, avec son zélé protecteur, trois fois le voyage de Rome.
Palladio ne tarda point à s’apercevoir de l’insuffisance des études restreintes aux écrits de Vitruve, de Léon-Baptiste Alberti et des autres maîtres, ses devanciers. Il se livra en entier à l’exploration des monumens antiques, mais non point superficiellement, comme ceux qui ne veulent qu’en copier les œuvres. Lui, il voulut les imiter dans leurs raisons et leurs principes, dans leurs détails et leur ensemble. Non content de relever les parties des édifices ruinés que le temps a épargnées, il interrogea leurs fondations, et recomposant, d’après leurs fragmens, ces restes mutilés, il fut des premiers à redonner, dans de savantes restaurations, l’idée complète de leur état primitif.
Une lettre de Trissino, en date de 1547, nous apprend que cette même année Palladio, âgé de vingt-neuf ans, revint se fixer dans sa patrie, qu’il devoit enrichir des dépouilles de Rome. On est assez d’accord qu’il eut quelque part dans la construction du palais ou hôtel-de-ville d’Udine, commencé par Jean Fontana : du moins Temanza, bon juge en cette matière, assure que le goût de Palladio y est écrit sur plus d’un endroit en caractères fort lisibles.
Mais une plus grande entreprise devoit bientôt donner l’essor à son talent : nous voulons parler de ce qu’on appelle la Basilique de Vicence, ancienne construction, dans le goût qu’on nomme tudesque ou gothique en Italie. C’est une vaste salle, jadis aussi environnée de portiques, où il paroît qu’on rendoit la justice, et qui fut, sans doute, une tradition des anciennes basiliques chez les Romains. Le laps des siècles et divers accidens l’avoient réduite à un état ruineux, et dès le quinzième siècle, on avoit fait, surtout aux portiques extérieurs, de graves réparations qui n’aboutirent qu’à retarder les progrès du mal. Il devint si menaçant, que plusieurs architectes furent consultés pour trouver le meilleur moyen de conserve au moins le corps de bâtiment ou la grande salle, en lui donnant pour contre-forts de nouveaux portiques extérieurs. Jules Romain, alors fixé à Mantoue, donna un projet de cette restauration, mais celui de Palladio obtint un plus grand nombre de suffrages ; il eut la préférence.
Rien de plus difficile en architecture, que de raccorder à un reste de bâtiment obligé, un ensemble nouveau, qui ne paroisse point un horsd’œuvre disparate, et où rien ne fasse sentir la gêne imposée à l’artiste. Ce fut certainement un coup de maître de la part de Palladio, d’avoir appliqué au support de cette ancienne construction, une ordonnance de portiques si bien en rapport avec elle, que personne ne soupçonnerait que ce fût un édifice dû à des temps si divers et à
des styles si étrangers l’un à l’autre. L’architecte imagina d’élever tout à l’entour deux rangs de galeries, dont l’inférieur a un ordre dorique, et le supérieur est orné d’un ionique. Ces colonnes, tant celles d’en haut que celles d’eu bas, sont adossées à des piédroits, et séparées par des arcades, dont la retombée porte sur de petites colonnes isolées. L’entablement dorique est orné de triglyphes et de métopes. L’ionique supporte une balustrade servant d’appui à une terrasse qui règne dans tout le pourtour, et au-dessus de laquelle s’élève comme une espèce d’attique orné de pilastres, percé de jours circulaires, qui sont de l’ancienne construction, et répandent la lumière dans l’intérieur de la salle. Il faut examiner le plan et les coupes de tout le monument dans son état actuel, pour pouvoir se rendre compte de l’intelligence avec laquelle Palladio a su établir la plus exacte correspondance, entre les colonnes de sa nouvelle ordonnance extérieure, et les piliers gothiques de l’intérieur. La beauté de la pierre, la pureté de l’exécution, la finesse et la correction des détails ajoutèrent un prix nouveau à cette entreprise. Voyez au mot BASILIQUE MODERNE, une plus ample description de ce monument.
La réputation qu’elle lui acquit lui valut l’honneur d’être appelé à Rome, où il retourna pour la quatrième fois. Il s’agissoit de concourir aux projets de la nouveIle basilique de Saint-Pierre, mais le pape Paul IIl mourut avant son arrivée. Trissino l’avoit recommandé au pontife pour succéder à San-Gallo, et Trissino mourut aussi bientôt après. Cependant Palladio fut mettre à profit ce nouveau séjour à Rome. Il se mit a mesurer encore, à revoir et à redessiner le plus grand nombre des édifices antiques, tels que théâtres, amphithéâtres, arcs de triomphe, temples, tombeaux, thermes, etc. Il est à croire que ce fut aussi alors qu’il eut l’occasion de faire exécuter, à Rome, quelques projets de son invention, à moins qu’on ne les rapporte à un autre voyage ; car Rome le vit cinq fois, et toujours occupé de ses antiquités.
C’est à ces études réitérées qu’il dut de publier, en 1554, un petit ouvrage sur les monumens antiques, qui, bien qu’assez abrégé, fut reçu avec applaudissement, et réimprimé, tant à Rome qu à Venise.
De retour, et définitivement fixé dans sa patrie, Palladio commença à y jouir d’une réputation exclusive. C’étoit à qui auroit un palais de ville ou de campagne exécuté sur ses dessins ; et ici commenceroit, si l’étendue de cet article le permettoit, la description de cette nombreuse série d’édifices si variés dans leurs plans et leurs élévations, si ingénieux dans leur composition si élégans et d’un goût si exquis, dont les villes et les campagues de l’Etat vénitien nous offrent le recueil.
Mais comment faire connoître par le discours, des beautés sur lesquelles le discours n’a aucune prise ? Une nouvelle difficulté est venue se joindre à celles que de semblables descriptions font éprouver à l’écrivain. En effet, le plus grand nombre des ouvrages de Palladio, comme on l’a dit, fut exécuté pour les demeures de riches particuliers, de familles opulentes et illustres, dans leur pays. Or, par quel nom désigner aujourd’hui la plupart de ces élégans palais, de ces charmantes maisons de campagne, qui, par l’effet des révolutions et du temps, ont changé de propriétaires ? Il en faudroit aujourd’hui une description nouvelle, ou pour mieux dire, il faudroit faire une nouvelle œuvre de Palladio, où chacun de ses ouvrages seroit désigné par le nom de la ville, de la rue, de la campagne, où il existe. L’ancienne nomenclature ne peut presque plus nous servir.
Au lieu donc d’en suivre les notions, telles que les donnent les biographies, sous leurs anciens noms, nous allons nous contenter de classer les palais de ville et de campagne de Palladio, sous le seul rapport des variétés de leur architecture.
On peut affirmer qu’il y a épuisé presque toutes les combinaisons que les diversités des ordres grecs, leurs nombreuses applications aux formes et aux besoins de la construction, les procédés de l’art de bâtir, l’emploi de tous les types, de tous les matériaux, peuvent sournir au génie inventif de l’architecte.
Dans les palais de ville, Palladio sut réunir avec beaucoup de propriété l’usage des portiques et l’emploi des ordres de colonnes. Volontiers le rez-de-chaussée de ses édifices se compose d’arcades, quelquefois simples et sans bandeau, comme on le voit au palais qu’on croit avoir été construit par lui pour Trissino, où des niches carrées sont percées dans le massif des piédroits, lorsqu’au-dessus d’autres petites niches circulaires renferment des bustes. D autres fois ses portiques servent de soubassement rustique à l’étage supérieur ou à l’ordonnance qui le décore. Personne n’a employé avec plus de réserve et d’élégance à la fois, le genre rustique. Les bossages sont dans l’heureux emploi que l’architecte sait en faire, ce que, dans la peinture, sont les ombres et les moyens d’opposition, qui résultent de la diversité des tons et des couleurs. Tel est l’effet des matériaux rustiques, dans l’ensemble des devantures ou des façades des palais ; en même temps qu’ils servent à fixer par le plus ou le moins de force et de saillant qu’on leur donne, le caractère plus ou moins grave de l’ordonnance, ils forment un contraste plus ou moins sensible avec ce qui les environne. Mais ils ont surtout l’avantage de donner un grand air de solidité à la bâtisse. Palladio ne porta point, comme on l’avoit fait avant lui à Florence, l’abus du bossage à cet excès qui semble ne devoir convenir qu’à des murs de forteresses ou de prisons. Il fut en varier avec goût les compartimens, il fut en tempérer l’austérité par des nuances légères, et par un accord si bien raisonné entre les vides et les pleins, entre la masse générale et ses détails, que l’œil trouve dans ces variétés un agrément d’autant plus vif, que le genre sembloit le moins devoir s’y prêter.
Telle est l’impression que produit le magnifique palais, connu sous le nom de Tiene. Palladio lui-même, en nous apprenant qu’il avoit disposé le côté de ce palais regardant la place, de manière à admettre des boutiques, qui ont dans le cintre des arcades, un entre-sol, nous fait peut-être entendre que ce motif put le porter à donner un caractère massif à ce soubassement. L’étage principal ayant onze croisées de face dans chacun de ses quatre côtés, est orné de pilastres corinthiens, accouplés aux angles ou sur quelques trumeaux plus larges, isolés sur tous les autres, et se détachant sur un mur découpé de simples refends. Les fenêtres sont à frontons alternativement angulaires et circulaires, portées par de petites colonnes entrecoupées de bossages, lesquels, avec les claveaux également en saillie de la platebande des croisées, rappellent le style du soubassement.
Il est, sans doute, à regretter qu’un aussi bel ensemble n’ait pas reçu son entière exécution. On ne s’en forme l’idée générale que dans le grand Recueil des Œuvres de Palladio, publié à Vicence, en 1786.
Palladio, dans son Traité d Architecture, où il traite également des édifices de l’antiquité, s’est souvent permis de produire les dessins des siens propres, comme exemples d’autant mieux faits pour expliquer Vitruve, que nourri de tous les modèles des ruines de Rome et d’autres pays, ce fut souvent à l’instar des fabriques antiques, qu’il imagina, composa et distribua les palais dont il étoit chargé.
Ainsi le voyons nous dans le palais qu’il bâtit à Vicence, pour un seigneur de cette ville, qu’il nomme Joseph de’ Porti, en établir le plan de la manière la plus symétrique, sur un terrain qui, faisant face à deux rues, lui donna lieu de répéter, d’un côté comme de l’autre, et la même distribution intérieure, et la même élévation extérieure. Ce sont comme deux maisons semblables, réunies par une seule et même cour. Celle de devant, dit-il, est à l’usage du maître, celle de derrière sera pour les étrangers selon la pratique des maisons grecques, qui avoient ainsi deux corps-de-logis distincts. Ce double palais se compose d’un rez-de-chaussée à arcades et en bossages peu ressentis, formant le soubassement d’une ordonnance de colonnes ioniques, qui séparent les sept fenêtres de la façade. Au-dessus s’élève un attique, percé d’autant de petites fenêtres carrées, dont les trumeaux sont occupés par des statues, à l’à-plomb des colonnes. Les fenêtres du premier étage sont à chambranles, ornés de frontons alternativement angulaires et circulaires. La cour est environnée d’une galerie formée par de belles colonnes à chapiteau composite, et coupées par la balustrade de la galerie supérieure, qui répond aux fenêtres du premier étage.
Palladio ne s’est presque jamais répété dans une seule de ses nombreuses compositions. Il dispose de tous les moyens de l’architecture avec pleine liberté. Ici il établit deux ordres de colonnes adossées ; là il use de pilastres, dont la hauteur embrasse l’étage d’en bas et l’étage supérieur ; tantôt il place les colonnes de ses devantures sur de très-hauts piédestaux, qui sont exhaussés eux-mêmes sur des socles ; tantôt il accouple les ordres, et donne aux colonnes une base commune ; tantôt il fait le contraire. Ici, comme au palais Valmanara, un soubassement d’arcades toutes lisses supporte un péristyle de colonnes doriques, dont les entre-colonnemens sont inégaux, et partout on sent l’action d’un génie rempli de toutes les richesses de l’art, toujours conduit par les principes du beau, mais jamais esclave d’aucune méthode exclusive. Tout ce qu’une sévérité de principes absolue pourroit regarder comme abus ou comme licence, reçoit de l’harmonie de sa composition et de l’élégance de ses formes, un tel charme, qu’on est toujours porté à croire que le mieux y auroit été l’ennemi du bien.
Il y a en architecture, comme en tout genre, des esprits portés à n’admettre que des règles inflexibles, et qui semblent croire que c’est aux hommes, aux temps, aux besoins, à se faire aux règles, comme si la règle du convenable n’étoit pas l’effet de toutes les causes préexistantes. Palladio semble avoir eu pour objet de montrer que tout ce qu’il y a de beau et de bon dans l’architecture des Anciens, peut convenir à tous les temps, à tous les pays, avec les modifications que les Anciens ont admises eux-mêmes dans leurs ouvrages. D’après sa manière d’imiter les Anciens, il paroîtroit n’avoir eu d’autre système que de faire, comme feroient les mêmes Anciens, s’ils revenoient exercer leur art chez les Modernes. De-là cette application libre, facile et spirituelle, des masses, des lignes, des plans, des ornemens de l’antique, a toute construction.
On ne sauroit parcourir la suite nombreuse des charmantes maisons de campagne, dont il a embelli le Vicentin et les Etats de Venise, sans se croire transporté dans l’ancienne Grèce, ou sur le territoire, si riche en ce genre, de Rome et de ses environs.
C’est là que Palladio a donné l’essor à son imagination : disposant à volonté de terrains bien moins circonscrits que ne le sont ceux des villes, il s’est plu à embrasser dans l’ensemble de ses plans, toutes les sortes d’accompagnemens, qui servent, si l’on peut dire, de cadre au corps principal du bâtiment.
Faute de pouvoir nous livrer, dans cet article, à la description détaillée de toutes ces inventions, c’est au Traité d’Architecture de Palladio que nous renvoyons le lecteur. Il y verra avec plaisir l’auteur lui-même énumérer et décrire, soit par le discours, soit par le dessin, cette multitude de maisons bâties par lui, et dont chacune semble un de ces projets composés de fantaisie, dont l’imagination de l’architecte aime à fixer sur le papier l’exécution peu dispendieuse. Ici, il verra la maison de campagne s élever au fond d’une spacieuse avant-cour fermée de portiques circulaires ; là, elle se trouve flanquée de bâtimens, dont les ordonnances viennent se réunir au corps principal. Ailleurs, le bâtiment d’habitation se compose de quatre corps chacun, avec son péristyle, et réunis dans le milieu par une coupole. De grands portiques conduisent ordinairement à la maison, et l’architecte s’est étudié à varier les plans de tous ces accessoires, autant que les façades et les élévations de son édifice. La plus grande symétrie règne dans les plans, et toujours on trouve dans l’aspect du bâtiment, un motif ingénieux qui naturellement y produit un effet pittoresque. Ajoutons qu’à toutes ces inventions président un goût sage, une exécution pure, un choix de formes et de matériaux heureusement combinés, sans que jamais la bizarrerie s’y montre. On n’y voit ni frontons rompus, ni ressauts inutiles, ni formes contournées, ni détails découpés ; toujours la ligne droite ou la courbe régulière ; rien de mixtiligne dans les plans ; point d’ondulation dans l’élévation, point d’entablemens brisés ou chantournés.
Disons-le enfin, telle fut l’abondance des inventions de Palladio, en ce genre, et telle la multitude des entreprises offertes à son génie, ou auxquelles son génie donna lieu, qu’on peut affirmer qu’il est peu de bâtimens exécutés depuis lui en divers pays, qui ne lui aient payé un tribut d’imitation. Une opinion généralement répandue le confirme. C’est du Palladio, dit-on, quand on veut louer, en fait de maison de ville ou de campagne, l’ouvrage d’un architecte moderne.
Le nom de Palladio, déjà connu dans toute l’Italie, avoit aussi, depuis quelque temps, retenti à Venise. Il venoit de construire près de cette capitale, sur les rives de la Brenta, le beau palais Foscari, si remarquable par la simplicité de sa masse, la belle proportion et la noblesse de son péristyle en colonnes ioniques. Sansovino, âgé de quatre-vingts ans, touchoit au terme de sa longue vie : il fut des premiers à proclamer Palladio pour son successeur, et il lui céda le sceptre de l’art.
Le premier ouvrage de celui-ci, à Venise, fut le monastère des chanoines de Saint-Jean-de-Latran de la Charité. Nourri de toutes les idées de l’antiquité, Palladio forma le projet de réaliser, dans la conception de son édifice, le plan donné par Vitruve de la Maison des Romains. Sur ce programme, il construisit, à l’entrée, un bel atrium corinthien, conduisant à une cour environnée de portiques, qui, par toutes ses dépendances, se rattachoit aux bâtimens d’habitation, à l’église et aux salles de services nécessaires. Déjà beaucoup de ces constructions étoient achevées, lorsqu’un incendie vint en détruire la plus grande partie. De tout cet ensemble, il n’est resté qu’un côté de la grande cour, une des salles et l’escalier en limaçon.
Dans le même temps on construisoit, sur ses dessins, le beau réfectoire de Saint-George-Majeur. Les religieux, enchantés du style pur et gracieux de Palladio, résolurent d’abattre leur ancienne église, en le chargeant d’en construire une nouvelle. C’est un des principaux ouvrages de notre architecte, et il y fit preuve d’autant de goût que de jugement, dans la manière d’adapter les maximes, les formes et les proportions de l’architecture antique, aux données, aux besoins et aux habitudes des Modernes, dans les églises chrétiennes, si différentes en tout des temples payens.
C’est ici que se montre bien à découvert cet esprit dans lequel nous avons déjà dit que Palladio sut imiter les Anciens, non pas en se plaçant dans leur siècle, mais en supposant ce qu’ils feroient eux-mêmes si, revenant au monde, ils se trouvoient dans le sien. Le système des Anciens dans la composition de leurs monumens, et, pour mieux dire, dans le développement qu’ils donnèrent à leur architecture, fut d’asseoir la forme extérieure de chaque genre d’édifice sur une raison élémentaire, puisée dans la nature des choses, c’est-à-dire, sa nature des usages consacrés par le besoin. Ce fut ainsi qu’à partir des premiers types qui servirent de rudimens aux parties constituantes de leurs ordonnances, ils se réglèrent progressivement dans le caractère de chaque monument, sur la forme primitive que la nécessité et les convenances qui en procèdent, lui avoient imprimée.
Palladio fit de même. Il ne trouva plus de rapport naturel entre la forme du temple payen et celle de l’église chrétienne. Au lieu de faire violence aux usages, aux dimensions, aux constructions, aux opinions reçues, il partit du type des basiliques chrétiennes, comme d’une donnée à laquelle l’art de la disposition et de la décoration se devoit conformer. L’usage étant d’élever très-haut la nef principale de l’église en lui subordonnant les nefs collatérales des bas côtés, il conserva cette division dans le frontispice de Saint-George-Majeur. Son portail se compose donc d’un grand ordre, exhaussé sur des piédestaux, et portant un fronton qui arrive au sommet du toit de la grande nef. Il suppose ensuite que les bas côtés auroient reçu un fronton commun, qui se trouve coupé par le grand ordre, et dont l’architecture a conservé seulement les parties rampantes avec l’entablement, que soutient un ordre de pilastres, de la moitié moins hauts que les colonnes du milieu. Ainsi se trouve accusée et laissée à découvert la disposition du corps de In construction de l’église ; et ce parti, qui n’est pas sans objection si l’on veut y appliquer la mesure d’une critique absolue, paroîtra toujours plus raisonnable, que ces devantures de portail qui, ne tenant en aucune manière au système de la bâtisse, ne semblent être que des placages et des hors-d’œuvres postiches.
L’intérieur de l’église de Saint-George-Majour forme une croix latine, dont les quatre nefs sont réunies par une coupole. On y trouve partout un caractère sage, une exécution précieuse, et un style de détails simples, nobles et bien ordonnés. Le chœur, qui semble avoir été une addition au plan primitif, offre une imitation si exacte de l’antique dans l’ordonnance des fenêtres, qu’on croît y reconnoître la disposition des niches du temple vulgairement appelé temple de Diane, à Nimes, que Palladio avoit vu, dessiné et mesuré avec les autres antiquités de celle ville.
Il suivit le même système de façade dans le frontispice qu’il fut chargé de faire à l’église de San-Francesco della Vigna, ouvrage de Sansovino, qui lui avoit destine un autre portail. Mais le projet de Palladio eut la préférence. C’est encore un grand ordre corinthien, placé en avant et jusqu’à la hauteur de la grande nef, et coupant l’entablement d’un petit ordre adapté aux bas côtés, qui sont indiqués par une portion de la pente de leur toit.
Le Sénat chargea Palladio de la construction de l’église du Rédempteur, monument élevé en actions de grâce de la cessation de la peste, qui fit les plus grands ravages en 1576. On admire la simplicité du plan intérieur, la noblesse de son ordonnance corinthienne, et l’heureuse disposition des chapelles latérales qui occupent la place des bas côtés et en tiennent lieu, jusqu’à un certain point, par l’effet d’un passage qui conduit d’une chapelle à l’autre. Palladio fut encore fidèle au parti de décoration qu’il avoit adopté dans les frontispices d’église. Toujours portions rampantes de fronton pour les bas côtés ; toujours un grand ordre, avec fronton, pour la nef : ici toutefois le fronton s’élève moins haut. Il y a au-dessus un attique qui va chercher la croupe du toit de l’église.
On attribue encore à Palladio d’autres églises d’une moindre dimension, mais qui, quand même elles seroient son ouvrage, ajouteroient peu de chose à la gloire de leur auteur.
Ces grands travaux n’empêchoient pas le célèbre artiste vicentin de travailler pour sa ville, où l’on se faisoit un devoir de le charger de tous les ouvrages importans. Ainsi, en 1561, on lui demanda les plans d’un théâtre qu’on vouloit construire dans la grande salle de la Maison de ville, pour y représenter la tragédie d’Œdipe. A Venise, il éleva un théâtre que décora Frédéric Zaccaro : on le conserva long-temps comme modèle en son genre, jusqu’à ce qu’un incendie eut consumé la plus grande partie des bâtimens du monastère où il étoit situé.
Palladio eut encore d’assez fréquentes occasions de déployer les richesses de son imagination, dans les fêtes publiques auxquelles divers événemens donnèrent lieu de son temps. C’est alors qu’on le voyoit reproduire en monumens temporaires, toutes les magnificences de l’architecture antique : arcs de triomphe, colonnes triomphales, obélisques, fontaines, groupes de figures, colosses de tout genre. Le passage de Henri III par Venise, lorsqu’il quitta la Pologne pour monter sur le trône de France, donna aussi lieu à des réjouissances, dont le génie de Palladio fit les frais. La représentation de cette entrée triomphale s’est conservée dans un tableau d’André Vicentino, et fut décrite par Marsilio della Croce.
Un événement désastreux, arrivé en 1567, le mit dans le cas de montrer son talent dans un autre genre. La Brenta débordée ayant renversé le pont de Bassano, Palladio composa le dessin d’un nouveau pont en pierres, dont on voit la figure au chapitre IV du 3e. livre de son Traité d’Architecture. L’énormité de la dépense effraya les habitans : on se réduisit à lui demander un pont de bois, qui fut exécuté en 1570, et dont on voit la figure au chapitre IX du livre susdit. Ce pont de cent quatre-vingts pieds de long sur vingt-six de large, est d’une simplicité remarquable. Il est couvert d’une galerie à jour, supportée par des colonnes qui servent aussi à l’agrément du coup d’œil.
Palladio étoit aussi instruit dans l’art de l’antique architecture, que dans la science de la construction des Anciens et de leurs procédés mécaniques de charpente. Ayant lu, dans les Commentaires de César, la description du pont de bois que ce grand capitaine avoit fait jeter sur le Rhône, il essaya d’en réaliser, par le dessin, les savantes combinaisons, dans un pont, dont on peut voir, au livre déjà cité, les intéressans détails. On y admire encore le projet d’un pont de magnificence, pour une grande capitale. Palladio pensoit à Venise, et ce pont auroit dû être celui de Rialto, qu’on projetoit depuis long-temps de construire en pierres sur le grand canal. Déjà Michel Ange et Fra-Giocondo avoient présenté des dessins pour ce projet toujours resé sans exécution. D’autres concurrens se mirent sur les rangs, et on compte dans le nombre Sansovino, Scamozzi, Vignole, Palladio et Ant. Delponte. Le modèle de ce dernier fut préféré ; ce qui prouve que le résultat de la concurrence n’est pas toujours, en pratique, ce qu’on se le figure en spéculation.
Nous avons cru devoir supprimer, dans cet article, l’énumération très-inutile, si elle n’est accompagnée de descriptions, et la description toujours insuffisante sans le dessin qui parle aux yeux, des innombrables projets de palais ou de maisons de campagne, exécutés par Palladio, dans tout le territoire de Venise, et dans toutes les villes voisines. Le choix de quelques-uns de ces édifices n’eût pus été moins embarrassant, et chacun auroit pu se plaindre de la préférence qu’on auroit donnée à l’un au préjudice de l’autre. Il nous a semblé plus convenable de faire ressortir le goût de l’artiste, et d’indiquer l’influence qu’il a exercée sur toute l’Europe, par la manière ingénieuse, facile et agréable, dont il a su appliquer les formes de l’art antique aux besoins et aux sujétions des usages modernes.
Nous nous sommes donc bornés à parcourir ses nombreux travaux, sous le rapport qui peut le mieux en faire sentir le mérite, Nous n’avons point omis toutefois de faire une mention particulière des principaux monumens sur lesquels sa réputation se fonde avec plus d’éclat. Il nous reste à parler de celui qui occupa les dernières années de sa vie, et dans lequel il s’est montré le digne émule et continuateur des architectes grecs et romains.
Nous voulons parler du théâtre olympique de Vicence.
L’académie olympienne de cette ville venoit de remettre en honneur le théâtre des Anciens, dans des imitations faites en italien, des œuvres des poëtes grecs et romains. C’étoit pour de semblables représentations, comme pour la Sophonisbe de Trissino, que Palladio avoit élevé, en plus d’un endroit, des théâtres temporaires. L’académie, fatiguée d’avoir à changer sans cesse de lieu, résolut d’établir, dans son emplacement, un théâtre fixe et durable. Comme tout étoit à l’antique alors, pièces, sujets, mœurs et facture des poëmes ; l’idée d’imiter aussi l’antique dans la construction, la forme et la décoration, tant de la scène pour les acteurs, que du théâtre pour les spectateurs, fut une idée toute simple et toute naturelle. Vicence possédoit encore l’artiste le plus versé dans l’intelligence de l’antiquité, sur ce point, et qui avoit déjà fourni à Daniel Barbaro, pour son Commentaire sur Vitruve, les lumières que la pratique et l’étude de cette partie lui avoient fait acquérir.
Palladio fut donc chargé de cette entreprise, où il montra autant de savoir que d’intelligence ; mais surtout il y fit preuve, comme dans tout le reste, de ce bon esprit qui sait accommoder aux lieux, aux terrains, aux sujétions données, les types et les formes des modèles antiques. Gêné par le terrain, Palladio s’écarta des règles de Vitruve, dans la formation de son théâtre, auquel il donna la forme elliptique, au lieu de celle d’un demi-cercle. Au-dessus des gradins du théâtre, il éleva une belle colonnade corinthienne, supportant un entablement avec des statues, et procurant une galerie supérieure et inférieure, à laquelle toutefois il ne put donner une entière continuité, gêné qu’il fut par l’espace de la rue qui lui est contiguë. Mais l’aspect et la symétrie y perdent fort peu.
Il disposa la scène selon la méthode antique, c’est-à-dire, qu’il construisit, en face des gradins du théâtre, une magnifique devanture, formée de deux ordonnances de colonnes, l’une au-dessus de l’autre, et couronnées par un attique. Rien n’est plus propre à nous donner une juste idée de la décoration de la scène, dans les théâtres des Anciens, où, comme l’on sait, l’architecture se permettoit des libertés, qu’on doit appeler quelquefois excessives. C’est là, et les notions de Pline, sur ce sujet, nous le confirment, que le luxe décoratif et l’abus de la richesse ne connoissent point de terme. Palladio, à cet égard, nous paroît être resté dans des bornes très-raisonnables. Il y a une grande sagesse dans la disposition des ordonnances, et beaucoup plus de sobriété d’ornemens qu’on ne pourroit le croire. Les statues étoient jadis prodiguées par centaines à l’embellissement des théâtres. Il semble que Palladio se soit aussi étudié à les multiplier. Si cependant on excepte celles qui s’adossent aux colonnes du second ordre, on avouera que toutes les autres y sont placées avec autant de convenance que d’économie.
Quant aux détails, ils sont parfaitement conformes aux pratiques de l’antiquité. Ce sont les mêmes percées, laissant voir par les ouvertures des portes les décorations peintes sur des prismes mobiles. Palladio n’eut pas l’avantage de terminer ce monument. Il fut achevé par son fils, sur ses dessins. Comme ce fut son dernier ouvrage, nous terminons aussi par lui la mention de ses travaux.
Les études, les voyages, les fatigues de son état, paroissent avoir altéré sa santé et abrégé ses jours, à un âge où il auroit pu produire encore beaucoup d’ouvrages, et donner la dernière main à ceux qu’il avoit commencés. Il mourut à Vicence, le 19 août 1580, âgé de soixante-deux ans, vivement regretté des habitans d’une ville qu’il avoit illustrée et embellie par les œuvres de son génie.
Les académiciens de la Société olympique lui rendirent les derniers devoirs, et composèrent, en son honneur, un grand nombre de pièces de vers.
Palladio avoit eu trois fils, Léonidas, Horace et Scilla. Un sonnet d’Horace, qui s’est conservé, prouve que ce jeune homme avoit profité de l’éducation qu’il avoit reçue. Scilla fut celui qui succéda à son père dans les entreprises d’architecture. Léonidas l’aida dans quelques-uns de ses travaux littéraires, comme les notes sur les Commentaires de César.
En effet, Palladio réunissoit à la science de l’architecture, une érudition peu commune. Son Traité d’Architecture est un monument qui dépose à la fois de son talent, comme artiste, et de son savoir comme érudit et antiquaire. Le succès de ce traité fut tel, que dans l’espace de soixante-douze ans, on en fit, à Venise, trois éditions. Depuis, il a été publié et traduit dans toutes les langues.
C’est surtout en Angleterre que le style de Palladio s’est propagé et reproduit avec le plus de succès : il y est devenu classique. On y a construit un nombre infini de maisons et de palais qui semblent des répétitions exactes des masses, des formes, des ordonnances et des proportions de Palladio. L’habile architecte Inigo Jones, qui fut son élève, contribua surtout à cette transplantation. Voyez Inigo Jones.
PALME, s. m. Terme par lequel on désigne en Italie une mesure de longueur. Elle est nécessaire à connoître avec ses variétés, parce qu’elle est employée dans beaucoup d’ouvrages d’architecture et de monumens d’antiquité.
Le palme fut aussi une mesure linéaire chez les anciens Romains. L’usage s’en est perpétué jusqu’à nos jours. La nature en a donné le modèle, dans la dimension de la paume de la main, prise depuis la flexion du métacarpe jusqu’au bout du doigt, qui est celui du milieu et le plus long. C’est encore avec cela qu’on mesure approximativement beaucoup de choses en Italie, à défaut de l’instrument métrique.
Les anciens Romains avoient deux sortes de palme, le grand palme qui contenoit douze doigts, ou neuf pouces du pied de roi. Le petit palme, pris sur la largeur de la main, étoit de quatre doigts, ou trois pouces. Selon Maggi, le palme antique romain n’étoit que de huit pouces six lignes et demie. Les Grecs distinguoient un palme grand et un palme petit ; le premier de cinq doigts, le second de quatre doigts.
Le palme diffère aujourd’hui de mesure, selon les lieux où on l’emploie. Le palme de Gênes porto neuf pouces neuf lignes ; celui de Naples, huit pouces sept lignes ; celui de Palerme, huit pouces cinq lignes. Le palme romain moderne est de huit pouces trois lignes et demie.
Palme, s. f. C’est la branche du palmier. Rien de plus fréquent que la représentation de la palme sur les monumens de l’antiquité.
La palme étoit portée par le triomphateur. La palme faisoit les couronnes des vainqueurs aux combats gymnastiques. On la voit sur la table des jeux athlétiques figurer avec d’autres objets comme devant être le prix de la victoire.
Cette propriété d’exprimer l’idée de victoire lui a été conservée dans les langues modernes, et dans les pays qui n’ont ni palmier, ni palme. Ce n’est plus qu’une métaphore. Ce n’est plus aussi que sous le rapport de symbole qu’on voit aujourd’hui la palme figurer dans les ornemens de l’architecture.
Inutile de dire que sa place la plus naturelle est sur les monumens que l’on destine encore sous le nom d’arcs de triomphe ou de porte triomphale, à célébrer les exploits guerriers. La palme décorera donc plus d’un espace des édifices, tantôt dans les angles formés par le cintre de l’arc, tantôt dans des frises en se croisant, tantôt mêlée à la branche d’olivier ou à la couronne. La palme peut entrer aussi dans les ornemens du chapiteau à campane ou corinthien.
Dans les monumens des premiers temps du christianisme on trouve la palme employée (à ce que l’on croit) comme l’attribut des martyrs, et plus d’un sarcophage a accrédité cette opinion. Ce fut encore une allégorie fort naturelle. On regardoit le chrétien comme l’athlète de la foi, comme le soldat de J. C., et lorsqu’il avoit subi le martyre, on regardoit sa mort comme une victoire remportée sur l’idolâtrie.
Aussi, dans toutes les représentations de semblables sujets pour la peinture et la sculpture, voit-on la palme donnée comme attribut au saint glorifié, et le langage a consacré le même symbole dans le récit des Actes des martyrs. On dit que tel ou tel a remporté la palme du martyre.
PALMETTE, s. m. On nomme ainsi un petit ornement fort usité, et qui est du nombre des ornemens qu’on appelle courans. Il semble être effectivement un diminutif de la palme, qu’il imite par la composition symétrique de ses feuilles, que l’on sculpte dans une forme un peu conventionnelle, sur toutes sortes de couleurs ou d’espaces, soit des édifices, soit des meubles, soit des vases.
La palmette fut avec le méandre, et ce que nous appelons postes, l’ornement le plus fréquemment employé sur les vases grecs peints. On l’y voit ou formant la ligne sur laquelle s’élèvent les figures, ou ornant les bords et les franges des tuniques et des étoffes. Ordinairement l’extrémité des feuilles qui le composent est roulée et se termine en cercle, comme cela se voit à certaines gousses.
La palmette est devenue un ornement très-commun depuis quelques années. On diroit même trop, comme il arrive à tout ce que l’esprit de mode se plaît à multiplier ; car le propre de la mode est d’exclure la raison de tout ce dont elle s’empare.
PALMYRE, ville autrefois très-célèbre dans l’ancienne Syrie. Elle étoit la capitale de la province à laquelle son nom donna celui de Palmyréenne. Par la suite elle devint la capitale d’un royaume particulier. Anciennement elle fut appelée Thamar ou Tadmor, c’est-à-dire, ville des palmiers, d’où lui est venu le nom de Palmyre.
Le désert qui environne Palmyre, et qui depuis long-temps en a isolé les restes, et les a séparés des pays habités, a sans doute contribué à la conservation de ce nombre prodigieux de ruines qu’on y admire encore. Nul autre lieu n’en renferme une aussi grande quantité et d’une aussi belle conservation.
En 1753, MM. Wood et Davkins ont fait connoître dans leur bel ouvrage ces restes importans. C’est d’après eux, et en renvoyant toutefois à leurs beaux dessins, que nous donnerons une courte notice des principaux monumens qu’ils ont détaillés dans de nombreuses planches.
Le reste le plus important des édifices de Palmyre, et en même temps le plus instructif pour la connoissance des grands temples de l’antiquité, est celui auquel les voyageurs ont donné le nom de temple du soleil. Il paroît d’après le plan de son ensemble, qu’il se composoit d’une vaste enceinte carrée, ayant huit cents pieds anglais dans chacune de ses faces. Cette enceinte est formée par un péribole, ou mur orné extérieurement et intérieurement de pilastres, auxquels correspondent en dedans deux rangs de colonnes, qui présentent deux galeries ou promenoirs circulant ainsi tout à l’entour de la place immense, où est situé le temple périptère dont on parlera.
L’enceinte du côté occidental offre une magnifique entrée. C’est un très-grand portique formé de dix colonnes corinthiennes, supportant un fronton. On y observe une irrégularité d’entre-colonnement aux colonnes du milieu qui, pour dégager la porte et élargir l’entrée, se trouvent rapprochées de chacune de leur voisine, de manière à produire de chaque côté deux colonnes accouplées et réunies sur un seul socle. Il y a dans l’aspect de ce péristyle quelque chose qui rappelle celui de la colonnade du Louvre, et qui sembleroit en avoir inspiré le caractère et l’idée. Du reste, ce péristyle est en saillie sur le mur d’enceinte, et les colonnes se raccordent avec les pilastres de ce mur.
Le temple périptère dont on a déjà fait mention n’occupe point le milieu de la grande area, et c’est sur sa longueur qu’il se présente en entrant par le péristyle qui donne entrée dans cette area. Est-ce par suite de cette disposition que l’entrée du temple même est placée aussi dans sa partie latérale, et à quoi faut-il attribuer que cette entrée n’occupe point le milieu de cette face du temple ? Il y a, au reste, beaucoup de particularités dans toute cette architecture, sur lesquelles on desireroit des détails et des observations d’une bien plus grande étendue.
Il faut, par exemple, remarquer que le mur de la cella ou du naos de ce temple est percé dans chacun de ses flancs, de quatre fenêtres ; mais la critique auroit besoin, avant de raisonner sur tous ces objets, que de nouveaux voyageurs ajoutassent aux dessins des Anglais, beaucoup de notions propres à éclairer sur les divers changemens que les siècles ont pu faire subir à ces monumens.
Ce qu’on peut dire de leur architecture, où l’on ne trouve d’autre ordre que le corinthien, c’est que plus d’un détail dans les formes, plus d’une licence dans le style, plus d’un abus de disposition ou de décoration, indiquent un âge où la richesse avoit pris la place de la noble simplicité des temps antérieurs.
Cela se prouve par les chapiteaux de l’ordre qui forme l’élévation du temple. Il ne reste de ce chapiteau que ce qu’on peut en appeler la cloche ou le tambour ; mais on y remarque des trous de scellement qui montrent que les feuilles du chapiteau y avoient été rapportées et attachées. Or cela ne peut s’expliquer qu’en les supposant de métal, et cette explication rend compte aussi du dépouillement qu’ont éprouvé les chapiteaux, et de l’état dans lequel se trouva cette partie de la colonne.
La description gravée des ruines de Palmyre nous présente, au milieu de ses débris, les restes de ce que les dessinateurs ont appelé un arc, mais qui ne paroît avoir eu rien de commun avec un monument triomphal, quoiqu’il se compose d’une grande arcade, accompagnée de deux plus petites. Il paroît, d’après les rangées de colonnes qui viennent s’y raccorder, que c’étoit une porte à trois entrées, donnant accès dans un monument dont il est difficile, sur le vu des dessins, de se rendre compte. Quoi qu’il en soit, toute cette architecture étoit richement décorée. Des pilastres remplis de rinceaux s’élèvent aux deux côtés du grand arc. Beaucoup de détails de l’entablement ruiné qui subsistent dans les ruines accumulées au bas du monument, ont permis d’en restituer les parties, et l’on y voit que la sculpture ne fut épargnée à aucun membre.
Un des édifices les mieux conservés dans ce vaste champ de ruines, est celui qu’on appelle le petit temple. Il ne lui manque que le fronton et la couverture. Il se compose d’un péristyle corinthien de quatre colonnes en avant sur deux en retour, en comptant deux fois celles des angles. Le corps du temple, ou la cella, a son mur orné de pilastres du même ordre. Ce qu’elle offre de particulier, c’est, dans l’entre-pilastre du milieu de chaque partie latérale, une fenêtre ornée de son chambranle, qui introduisoit la lumière dans l’intérieur du temple. Cet exemple, joint à celui du grand temple périptère de la même ville, et dont le mur étoit percé de quatre fenêtres de chaque côté, doit être ajouté à ceux que nous avons déjà donnés au mot FENÊTRE (voyez ce mot), pour rendre très-probable que l’intérieur des temples
antiques dut souvent recevoir le jour autrement que par la porte d’entrée.
L’ordonnance de ce temple est corinthienne, ainsi que dans tous les monumens de Palmyre. Ses colonnes offrent aussi, comme dans quelques autres édifices, une espèce de petite console taillée en saillie, au tiers de la hauteur du fût, sans doute pour supporter ou des bustes, ou de petites statues.
Un monument curieux, et seul de son genre dans l’antiquité, est celui qu’on prend pour un sépulcre. C’est un bâtiment carré, précédé d’un péristyle formé d’un seul rang de colonnes corinthiennes. L’intérieur offre, de chaque côté, neuf renfoncemens divisés par des cloisons murs dont les fronts sont ornés d’une colonne engagée : le côté qui fait face à la porte n’a que sept de ces renfoncemens. On croit qu’ils étoient destinés à recevoir des sarcophages. Rien de plus riche et de plus varié en caissons et compartimens de tout genre, que les soffites ou plafonds de toutes ces petites chambres sépulcrales. On y trouve les dessins les plus élégans, les idées les plus gracieuses. Il y avoit, dans l’espace du milieu de ce tombeau, une place pour l’urne ou le sarcophage du chef do famille, et elle est indiquée dans le plan par quatre colonnes.
Qu’étoit-ce qu’un monument d’un plan particulier, offrant une nef divisée eu deux parties, un péristyle corinthien de quatre colonnes, flanqué en retraite de deux colonnes de chaque côté, ayant cinq colonnes de face sur quatre de profondeur ? C’est ce que nous ne pourrions dire. Les auteurs des Monumens de Palmyre n’ont malheureusement point accompagné leur ouvrage de descriptions et de renseignemens suffisans.
Les ruines de cette ville attendent encore quelque voyageur qui, profitant des dessins qu’on possède, portera dans l’explication et la restitution de tant de débris curieux, l’esprit de critique de l’antiquaire, joint à la science du dessinateur et de l’architecte.
PAMPRE, s. f. On donne ce nom à des festons composés de feuilles de vigne et de grappes de raisin.
C’étoit, dans l’antique, un des attributs de Bacchus. Les têtes de ses statues étoient couronnées de pampre, et on en voit aussi souvent aux troncs d’arbres qui leur servent de tenon. Il y a plus d’un reste de pilastres ou de montans arabesques dont lespampres remplissent les fonds. On a encore introduit les pampres dans la décoration des colonnes torses.
PAN, s. m. C’est le côté d’une figure rectiligne, régulière ou irrégulière. C’est aussi, dans certains pays, le nom d’une mesure.
Pan coupé. On donne ce nom principalement dans les maisons qui sont aux angles d’une rue, à l’encoignure rabattue d’un pilier ou piédroit, pour faciliter le tournant des charois. C’est encore ainsi qu’on appelle, dans une église dont les quatre nefs sont réunies par un dôme, la face de chaque pilier de sa croisée, d’où prennent naissance les pendentifs.
Pan de bois. Assemblage de charpente, qui sert de mur de face à un bâtiment. On le fait de plusieurs manières, parmi lesquelles la plus ordinaire est de sablières, de poteaux à plomb, et d’autres inclinés et posés en décharge.
Il y a deux assemblages qu’on appelle pans de bois : l’un qu’on nomme assemblage à brins de fougère, est une disposition de petits potelets assemblés diagonalement à tenons et à mortaises, dans les intervalles de plusieurs poteaux à plomb, laquelle ressemble à des branches de fougère, qui dans la réalité font cet effet. L’autre assemblage est dit à losanges entrelacées. C’est une disposition des pièces d’un pan de bois ou d’une cloison, posées en diagonale, entaillées de leur demi-épaisseur et chevillées. Les panneaux, dans l’une et l’autre manière, sont remplis ou de briques, ou de maçonnerie enduite d’après les poteaux, ou recouverte et lambrissée sur un lattis.
On arrête les pans de bois des médiocres bâtimens, avec des tirans, ancres, équerres et liens de fer à chaque étage. On appeloit autrefois les pans de bois cloisonnages & colombages.
Pan de comble. C’est l’un des côtés de ta couverture d’un comble. On appelle long pan le plus long côté.
Pan de mur. C’est une partie de la continuité d’un mur. Ainsi on dit, quand quelque partie est tombée, qu’il n’y a qu’un pan de mur de tant de longueur à construire ou à réparer.
PANACHE, s. m. C’est ainsi qu’on appelle cette portion triangulaire de voûte qui aide à porter la tour d’un dôme. Voyez Pendentif.
Panache de sculpture. Ornement de plumes d’autruche, qu’on a quelquefois imaginé de substituer aux feuilles d’acanthe, dans ces prétendues inventions de chapiteau, destinées à composer ce qu’on a voulu faire passer pour un ordre français.
PANETERIE, s. f. C’est, dans de grands palais, un lieu qui sert à la distribution du pain.
PANIER, s. m. (ou Corbeille). On se sert du premier de ces mots, comme exprimant en sculpture une sorte de récipient rempli et surmonté de fleurs et de fruits, qu’on place quelquefois comme amortissement sur des colonnes ou des piliers de clôture des jardins.
On voit des figures de satyres, en forme de thermes ou de caryatides, porter sur leurs têtes de ces sortes de paniers.
PANNE, s. f. (Terme de charpenterie.) Pièce de bois qui, portée sur les tasseaux et chantignoles des forces d’un comble, sert à en soutenir les chevrons. Il y a des pannes qui s’assemblent dans les forces, lorsque les fermes sont doubles.
On nomme panne de brisis celle qui est au droit du brisis d’un comble à la mansarde.
PANNEAU, s. m. Ce mot vient certainement de pan (voyez ce mot). Il signifie l’une des faces d’une pierre taillée, ou toute superficie plus ou moins enbordurée, qui, comme on le dira, figure dans une multitude d’espaces des bâtimens, soit extérieurement, soit intérieurement.
En construction et dans la coupe des pierres on distingue plusieurs sortes de panneaux. On appelle panneau de douelle, celui qui forme en dedans et en dehors la cavité d’un voussoir, panneau de tête celui qui est en avant, panneau de lit celui qui est caché dans les joints.
On appelle encore panneau ou moule, un morceau de fer-blanc ou de carton, levé ou coupé sur l’épure, pour tracer une pierre.
Panneau de fer. Morceau d’ornement de fer forgé ou fondu, et renfermé dans un châssis, pour une rampe, un balcon, une porte, etc. Il se fait aussi de ces panneaux par simples compartimens.
Panneau de glace. C’est, dans un placard, un compartiment de miroirs, pour réfléchir la lumière et les objets, et pour faire paroître un local plus étendu.
Panneau de maçonnerie. Table d’ais minces, réunis ensemble, et qui, dans un nombre plus ou moins grand, remplissent le bâti d’un lambris ou d’une porte d’assemblage de menuiserie. On appelle panneau recouvert le panneau qui excède le bâti, et qui est ordinairement moulé d’un quart de rond, comme on en voit à quelques portes cochères.
On nomme encore, dans la menuiserie, panneaux, des bois de chêne fendus et débités en planches de différentes grandeurs, de six à huit lignes d’épaisseur, dont on fait les moindres panneaux de menuiserie.
Panneau de sculpture. On donne ce nom à un ouvrage d’ornement, travaillé en bas-relief, où sont représentés divers sujets qui se composent en manière de trophées, de symboles ou d’attributs allégoriques, et dont on enrichit les lambris ou les placards de menuiserie. On fait quelquefois de ces panneaux à jour, pour des clôtures de chœurs, des balustrades, des jalousies de tribunes.
Panneau de vitre. C’est un compartiment de pièces de verre, dont les unes sont carrées, les autres sont en tranchoirs ou octogones, en tringlettes, chaînons, etc. On fait aussi de ces compartimens de pièces de verre, distingués par des plates-bandes de verre blanc.
En architecture le panneau est ou une table renfoncée, ou une table en saillie, ou une table encadrée par une bordure.
Dans la vérité ce doit toujours être un espace qui ait une destination : on doit les employer soit à contenir des inscriptions, soit à recevoir des ornemens symboliques, soit à être sculptés en bas-reliefs, et c’est ainsi qu’on les voit mis en œuvre dans tous les bons ouvrages. Cependant il n’y a que trop d’exemples de l’emploi des panneaux en manière de lieux communs, auxquels a recours l’architecte, qui ne sait comment remplir les superficies de certains édifices. Souvent il arrive qu’on dispose ainsi certaines tables renfoncées ou en saillie, sans savoir ce qu’on leur fera dire, et l’édifice s’achève avant qu’on ait pensé à ce qu’on fera de ces espaces. De-là, dans tant de monumens, des panneaux ou des tables qui n’y ont d’antre objet que celui d’occuper ou de diviser les parties lisses, et qui restent aussi insignifians pour les yeux que pour l’esprit.
PANNONCEAU. Voyez Girouette.
PANORAMA, s. m. Ce mot semble devoir appartenir uniquement à la langue de la peinture, car il signifie, dans sa composition de deux mots grecs, une vue totale ou générale, qu’on obtient par le moyen d’un fond circulaire, sur lequel on trace une suite d’aspects qui ne pourroient être rendus que par une série de tableaux séparés.
Or, c’est précisément cette condition indispensable à ce genre de représentations, qui fait du champ sur lequel le peintre doit s’exercer, un ouvrage d’architecture. On donne, en effet, le nom de panorama à l’édifice qui reçoit la peinture, comme à la peinture même.
Cet édifice doit être une rotonde, puisque c’est sur la circonférence intérieure du mur que doit s’appliquer et se dérouler, on peut le dire au sens simple, la toile sur laquelle le peintre opère. Il faut que le jour y soit introduit par en haut, de manière à porter exclusivement sur la peinture. Le reste du local doit être obscur. On observe encore que le spectateur soit conduit au point de centre de la rotonde par des corridors prolongés et obscurs, pour déshabituer les yeux de la clarté du jour, et lui faire trouver plus naturelle la lumière de la peinture ; car il s’agit de produire ici, autant qu’il est possible, l’apparence de la réalité. Le spectateur ainsi conduit sur une galerie circulaire, élevée au milieu de la rotonde, ne sauroit voir d’où vient le jour ; il n’aperçoit ni le haut ni le bas de la peinture, qui, circulant autour de la circonférence du local, n’offre aucun point de commencement ni de fin, aucune limite, de sorte qu’il se trouve comme sur une montagne où sa vue n’est bornée que par l’horizon, et d’où, eu se tournant de chaque côté, il embrasse la totalité d’une contrée.
Il n’entre point dans l’objet de ce Dictionnaire d’en dire davantage sur l’invention de ce procédé pittoresque qui vient d’Angleterre, sur les hommes habiles qui s’y sont adonnés, sur les ouvrages remarquables qui ont été produits en ce genre, sur le talent qu’il exige, sur l’espèce d’illusion fort légitime qui en fait le charme, sur les limites qu’il convient de lui donner, et sur l’utilité que les arts peuvent en retirer.
On a cru devoir en faire mention, parce qu’il entre dans les attributions de cette espèce de peinture, de faire connoître avec une rare perfection les différentes villes, les aspects des plus beaux sites et les ruines de l’antiquité. Ainsi, diverses peintures de panorama nous ont reproduit les vues de Naples, de Rome, de Londres, de Jérusalem et d’Athènes. Dans ce dernier, les précieux restes d’antiquité de cette ville ont été rendus avec cette vérité qui sembleroit pouvoir dispenser de la vue même des originaux.
PANSTÉRÉORAMA. Ce mot est, comme le précédent, un composé des deux mêmes mots, avec l’addition du mot stereos, solide, qui indique que la vue totale ou générale se compose d’objets non plus simplement appareus, mais solides ou de relief.
On désigne donc par ce mot des ouvrages en relief, qui représentent, dans une proportion réduite, des contrées, des villes, des monumens, avec tout leur ensemble et toutes leurs parties. Ces ouvrages s’exécutent ordinairement en bois, en liége, en carton ou en plâtre, c’est-à-dire, en matières légères et faciles à travailler.
On a vu ainsi, à Paris, le panstéréorama, ou la représentation en relief des villes de Paris, de Londres, de Lyon, de Marseille. On voit à la bibliothèque de Sainte-Geneviève, celui de la ville de Rome.
Il faut placer sous cette dénomination la collection de représentations semblables, en relief, à l’hôtel royal des Invalides, où l’on voit la plupart des forteresses et des ports de mer de la France.
PANTHÉON. Ce mot signifioit, dans l’architecture des Anciens, un temple consacré à tous les dieux.
Il y en avoit un à Athènes, bâti par Adrien, et dont on voit encore quelques restes. sur lesquel règne toutefois une certaine confusion entre les antiquaires. Quelques-uns prennent pour tel ce que d’autres appellent temple de Jupiter olympien, et réciproquement. Quoi qu’il en soit, on peut conclure, soit de l’un, soit de l’autre édifice, que la forme circulaire n’étoit pas le caractère indispensable d’un panthéon, comme on se l’est imaginé d’après les antiquités de Rome ; car on met au nombre des édifices qui eurent le nom de panthéon, ce qu’on appelle le temple de Minerva medica couvert par une coupole.
Le plus fameux de tous ces monumens est le panthéon d’Agrippa à Rome, conservé presqu’en entier, moins quelques restaurations et modifications qu’il a dû subir par le laps dus années, et en raison de sa destination nouvelle.
Nous ne dirons ici rien de plus d’un ouvrage dont on trouvera les notions à beaucoup d’articles, tels que Coupole, Caissons, Péristyle, Temple, etc.
PAPETERIE, s. f. C’est un grand bâtiment établi ordinairement auprès d’une chute ou d’un courant d’eau rapide, où l’on fabrique le papier.
Ce bâtiment est distribué en différentes pièces qui ont chacune un usage et un nom particulier, comme le pourrissoir, lieu où l’on fait dissoudre les vieux linges dont on fait le papier. D’autres pièces s’appellent la batterie, dont l’eau fait agir les maillets armés de tranchans, pour hacher et réduire en bouillie les vieux linges (ce qui forme le moulin à papier) ; la cuve est le lieu où l’on fige les papiers dans les châssis ; l’étendoir est celui où on les fait sécher ; et il y a le magasin, où on plie et où l’on emballe les papiers, sans compter les hangars, les fourneaux pour le bois et le charbon, les logemens pour les ouvriers.
PARALLÈLE, adject. , dont on fait aussi un substantif. Comme adjectif, parallèle est l’épithète qu’on donne à des lignes, à des figures, qui, dans toute leur étendue, sont à une distance égale.
Parallèle, comme substantif, est un synonyme de comparaison. Ainsi, quelques écrivains ont fait des ouvrages dans lesquels ils comparent les différens systèmes des architectes sur les proportions des ordres, les différentes architectures entr’elles, et leurs monumens, et ils ont donné à ces ouvrages le titre de parallèle. Voyez à l’article Chambray ; la mention que l’on a faite du parallèle de l’architecture antique et moderne de cet auteur.
PARAPET, s. m. Ce mot est le même que le mot italien parapetto, lequel signifie un corps élevé, qui va jusqu’à la poitrine, et qui garantit les passans du danger d’un précipice. C’est donc un petit mur d’appui qu’on appelle aussi garde-fou, et qu’on établit sur un pont, sur une terrasse, sur un quai.
PARAPETASMA. Nom que les Grecs donnèrent, en général, à ce que nous appellerions rideau de tenture, tapis.
Pausanias a fait plus d’une mention du parapetasma et de son emploi dans les temples. C’étoit un très-grand tapis qui se plaçoit dans l’intérieur du naos, en avant de la statue de la divinité. Il se relevoit et s’abaissoit pur le moyen de cordes et de poulies. Au temple de Jupiter, à Olympia, le parapetasma étoit de pourpre et avoit été donné par le roi Antiochus ; il se relevoit jusqu’an haut du temple. Pausanias nous apprend qu’au contraire celui du temple de Diane, à Ephèse, s’abaissoit jusque sur le pavé.
PARATONNERRE, s. m. On appelle ainsi une barre ou verge de fer, terminée en pointe, qu’on place sur le point le plus élevé d’un édifice, pour le garantir de la foudre. A la base de cette barre, on attache un cordon composé de fils de fer ou de laiton tressés. Ce cordon, qui sert de conducteur, doit se prolonger jusque dans un puits, ou du moins dans un souterrain constamment humide.
PARC, s. m. (Jardinage.) Ce mot, à quelqu’objet qu’on l’applique, signifie enclos, enceinte. C’est le septum du latin. Cette signification est donc ce qui indique avec le plus de clarté la différence qui sépare le parc du jardin, surtout dans les usages des grandes maisons de plaisance, des palais de campagne des princes et des souverains.
Le parc y est un vaste espace de terrain boisé, fermé par des murailles, des fossés, des palissades, des haies, pour que les arbres y soient garantis de la dévastation, et que le gibier puisse y être élevé pour les plaisirs de la chasse.
Les anciens Romains eurent aussi de la même manière et pour les mêmes objets, dans leurs maisons de campagne, des parcs distincts de leurs jardins. Parfois on consacroit à ces parcs un petit district où l’on ne renfermoit que des lièvres. De là le nom de leporaria qu’on donnoit à ces enclos. Ailleurs on entretenoit des sangliers, des cerfs, des chevreuils, des chèvres sauvages, et ces enceintes avoient l’étendue de plusieurs milles. Fulvius Lupinus fut un des premiers qui agrandirent les parcs. Le parc de Pompée avoit une circonférence d’environ quarante mille pas. Hortensius suivit cet exemple, et il établit, pour la nourriture du gibier, un parc de cinquante acres de terrain, qu’il appeloit theriotropheion. Ce parc étoit disposé en forme de théâtre : dans l’endroit le plus élevé, il donnoit des festins à tous ses amis. Alors un esclave, habillé en Orphée, donnoit du cor, et rassembloit une quantité de cerfs, de sangliers et d’autres gibiers. Ce coup d’œil, selon Varron, valoit celui d’un combat d’animaux dans le grand cirque.
Chez les Romains, un parc devoit contenir beaucoup de bois, être agréablement entrecoupé de prairies et arrosé de rivières ou de ruisseaux. Lorsque l’eau courante y manquoit, on construisoit un canal, pour y conduire les sources voisines, ou bien on y creusoit un étang qui recevoit les eaux de pluie et de source.
L’enclos du parc étoit formé par un mur de pierre ou de terre. Lorsqu’il avoit trop d’étendue, on l’entouroit d’une palissade faite de bois ensoncés en terre à huit pieds de distance l’un de l’autre, et ces intervalles étoient fermés par des perches liées ensemble, de manière qu’aucun animal ne pût forcer cette barrière ; ce qui faisoit donner à cet enclos le nom de roboraria.
Toutefois Varron veut que le mur d’un parc soit haut et lisse, pour que les loups et autres animaux nuisibles ne puissent ni sauter par-dessus, ni les passer en grimpant.
Selon Columelle, il y avoit deux espèces de parcs. Tantôt ils étoient situés dans la plaine, tout près de la maison de campagne, et ils ne devoient servir qu’à l’amusement du propriétaire qui se plaisoit à y nourrir le gibier ; tantôt, si le gibier étoit un objet de commerce, on plaçoit le parc dans une forêt, mais à peu de distance de la villa, afin que le propriétaire fût à portée d’y veiller convenablement.
On voit que la plupart de ces usages antiques ne diffèrent point de ce qui se pratique aujourd’hui pour les parcs qui sont les dépendances des châteaux et des maisons royales.
Ainsi, pour ne parler que de ces derniers, un grand nombre de vastes terrains plantés de bois et enclos de murs se sont perpétués jusqu’à nos jours, comme autant d’exemples de l’usage des parcs aux environs des demeures et des palais de nos anciens rois. Qui ne voit, par exemple, que ce qu’on appelle, aux environs de Paris, le bois de Vincennes et le bois de Boulogne, formoit jadis lesparcs du château de Vincennes, dont il subsiste encore des constructions, et du château de Madrid, qui a été démoli il y a une trentaine d’années ? Ces parcs étoient, comme nous le voyons encore aujourd’hui à des palais plus modernes, les annexes ou supplémens des jardins. Ainsi le grand parc de Versailles fait suite à ses magnifiques jardins et en est distinct. Autant doit-on en dire du parc de Saint-Cloud, de celui de Fontainebleau, et, dans de moindres proportions, de beaucoup de parcs appartenant à de moindres palais.
Dans le système des jardins irréguliers on distingue à peine, surtout quand on en lit la description, l’enceinte du parc de l’enceinte du jardin. Ce sont les mêmes dispositions pittoresques, les mêmes plantations, les mêmes fabriques.
Selon le système des jardins réguliers, le parc se distingue du jardin, d’abord parce qu’il en est séparé soit par des murs, soit par des fossés, soit par des grilles, pour empêcher le gibier ou la bête sauve de s’introduire dans les terrains destinés à la, promenade.
Le parc surtout, dans la dépendance des châteaux royaux, forme un enclos de plusieurs lieues de circonférence. Il est destiné principalement à la chasse : on y pratique de grandes allées bien percées, qui coupent directement l’espace, soit en étoile, soit en patte d’oie. On y bâtit des pavillons qui servent ou de rendez-vous de chasse, ou de but à la promenade.
Parc d'artillerie. C’est un emplacement choisi dans un camp, hors la portée du canon de la place, et qu’on entoure de lignes pour y placer les pièces d’artillerie, les magasins à poudre, et généralement toutes les munitions de guerre nécessaire pour faire le siége d’une place.
Parc de marine. C’est, dans une ville maritime, une enceinte qui renferme les magasins généraux et particuliers de tout ce qui est nécessaire pour la construction des vaisseaux.
PARCLOSE, s. f. On donne ce nom à cette enceinte d’une stale d’église qui renferme le siége.
PAREMENT, s. m. Ce mot porte avec soi son étymologie, et avec celle-ci son explication. Il est certainement formé ou du mot paroitre, ou du mot parer. Dans l’un ou l’autre sens, il rend l’idée ou de la partie apparente d’une pierre, ou de toute autre matière employée dans lis édifices, ou de la parure qu’on donne aux surfaces des matériaux, pour l’ornement et pour le plaisir des yeux.
Ainsi, le parement se définit la surface visible et par conséquent extérieure de toute matière employée, soit dans la construction, soit dans les revêtemens. On peut, pour conserver les arêtes des pierres, les poser à paremens bruts, et on les retaille sur le tas : les Anciens en usoient souvent ainsi.
Les paremens sont rendus unis, soit avec l’outil seul, soit avec le grès et d’autres procédés. L’art de travailler les paremens dépend de la variété des matières. On polit diversement le bois, le plâtre, la pierre et le marbre.
Dans la menuiserie, on appelle ouvrages à deux paremens ceux qui, comme les portes à placard des appartemens, sont travaillés, unis et décorés des deux côtés.
Parement brut. C’est la face d’une pierre, telle qu’elle est sortie de la carrière, et avant qu’elle soit taillée.
Parement d'appui. On nomme ainsi les pierres à deux paremens qui sont entre les alléges, et qui forment l’appui d’une croisée, particulièrement quand elle est vide dans l’embrasure.
Parement de couverture. Nom qu’on donne aux plâtres qu’on met contre les gouttières, pour soutenir le battellement des tuiles d’une couverture.
Parement de menuiserie. C’est ce qui paroît extérieurement d’un ouvrage de menuiserie, avec cadres et panneaux, comme d’un lambris, d’une embrasure, d’un revêtement, etc.
Parement de pavé. C’est l’assiette uniforme du pavé, sans bornes ni flaches.
PARERGA. Ce mot est grec et signifie hors-d’œuvre : on s’en sert quelquefois dans le langage des arts ; en architecture, par exemple, pour signifier des additions ou supplément faits à l’ouvrage principal, et qui lui servent d’ornement ; en peinture, pour désigner de petites cartelles placées sur le fond ou dans quelqu’angle, et qui semblent des objets étrangers au sujet. On use encore de ce mot, en parlant des vignettes, des sleurons, des culs-de-lampe, dont on enrichit les pages d’un livre.
PARIGI (Jules), architecte florentin, mort en 1590.
Il paroît qu’il y eut à Florence trois architectes de ce nom. Celui-ci, Alphonse Parigi son père, dont on ne parle que comme d’un simple bâtisseur qui, apres la mort de Vasari, poussa en avant la construction des Uffizi nuovi, et un autre Alphonse, fils de Jules, dont la mention suivra celle-ci.
Jules Parigi eut pour maître le célèbre Buontalenti, et devint habile architecte civil et militaire ; il fut versé dans le dessin, dans la mécanique et dans les mathématiques. Sa réputation s’accrut au point qu’il fut choisi pour enseigner ces sciences aux princes de Toscane. Il se fit beaucoup d’honneur par les décorations qu’il exécuta dans différentes fêtes. Divers monumens le mirent au nombre des habiles maîtres de son temps. On doit citer dans ce nombre la villa ou maison de campagne de Poggio imperiale, le couvent de la Pace, pour les pères de Saint-Bernard, hors la porte romaine. Le palais Marucelli, qu’il bâtit à Florence, passe encore pour être un assez bon ouvrage d’architecture. (Traduit de Milizia.)
PARIGI (Alphonse), architecte florentin, mort en 1656.
Il fut fils de Jules, dont il termina un bon nombre d’ouvrages à son retour d’Allemagne, où il servit dans les armées, en qualité d’ingénieur. On admise l’habileté avec laquelle cet architecte remit sur son à-plomb le second étage du palais Pitti, qui débordoit sur la place d’environ huit pouces la ligne perpendiculaire. Il perça de plusieurs trous le mur du la façade, et y fit passer de grosses chaînes de fer, qu’il fixa en dehors avec de fortes pièces de bois. Il mit ensuite au bout de ces chaines, du côté des appartemens, des espèces de vis avec de forts écrous, et parle moyen de leviers agissant sur ces écrous, il parvint à remettre d’à-plomb les pierres qui surplomboient.
Alphonse Parigi voulut ensuite ajouter deux ailes au palais Pitti ; il commença même l’aile gauche ; mais, après l’élévation des principaux murs, un abandonna l’ouvrage, peut-être parce que eus ailes, placées sur un terrain en pente, n’auroient pu faire un bon effet. L’œil effectivement auroit vu des fenêtres plus hautes les unes que les autres, résultat du plan incliné. Ces ailes d’ailleurs auroient toujours paru mesquines et basses, comparées à la grande hauteur de cette masse colossale de la façade construite par Bruneleschi.
Alphonse Parigi bâtit encore, à Florence, le palais Scarlati à trois étages, qui offrent une belle division, mais dont les fenêtres auroient pu être d’un meilleur goût. Employé à réparer les digues de l’Arno, qui venoit, par ses inondations, faire beaucoup de dégât dans les campagnes, il éprouva, dans ce travail, tant de contradictions et de dégoûts de la part de ses envieux, que le chagrin qu’il en conçut abrégea ses jours. (Traduit de Milizia.)
PARLOIR, s. m. C’est, dans un couvent de religieuses, une salle, un cabinet, où les personnes qui viennent les voir, peuvent leur parler à travers un grillage.
Ce nom se donne encore, dans quelques pays, à une pièce située au rez-de-chaussée d’une maison, et qui sert à recevoir les visites.
PAROI. Voyez Mur.
PAROS. Voyez Marbre de paros.
PARPAIN, adj. On dit une pierre parpaigne, pour dire une pierre de taille qui tient toute l’épaisseur d’un mur.
On dit d’une pierre qu’elle fait parpain, pour dire qu’elle fait face, dans une construction, des deux côtés.
Un mur fait parpain lorsque les pierres dont il est construit, le traversent et en sont les deux paremens.
Ces pierres à deux paremens étoient appelées diatonous chez les Grecs.
PARQUET, s. m. Ce mot vient du mot parc, et exprime toujours l’idée d’enclos ou d’enceinte. Cela est évident par l’usage qui l’a affecté dans les tribunaux, à l’espace renfermé par ce qu’on appelle la barre d’audience.
PARQUET. (Ouvrage de menuiserie.) L’analogie a fait appeler ainsi ces compartimens en bois qui sont comme une espèce de cadre renfermant d’autres morceaux plus petits, et dont on couvre le plancher des appartemens.
Ce mot devenu usuel a été aussi appliqué à désigner des compartimens fort divers dans leur assemblage.
Le plus souvent ce qu’on appelle parquet est un assemblage de trois pieds ou à peu près, de figure carrée, et qui se compose d’un châssis, et de plusieurs traverses croisées carrément ou diagonalement, dont les intervalles sont remplis de petits carreaux à rainures ou languettes, le tout à parement arrasé.
Ces assemblages particuliers, destinés à se réunir à d’autres semblables, s’appellent feuilles de parquet, et on les arrête sur les lambourdes (Voy. ce mot) avec des clous à tête perdue.
PARQUETER, v. act. C’est couvrir un plancher de parquet.
PARQUETERIE, s. f. On trouve dans quelques Dictionnaires ce mot employé à désigner l’art de faire des parquets. Cet art a effectivement beaucoup de rapports avec celui qu’on appelle marqueterie ou ébénisterie. Un parquet étant un assemblage de petits morceaux de bois réunis, de manière à produire des formes variées par leurs lignes, et aussi par la couleur des substances, le goût peut intervenir dans le dessin de ces compartimens. Il y a effectivement des parquets formés de bois rares et précieux, dont les couleurs diverses produisent des effets de teintes et de sigures aussi diversifiés qu’un marbre. Une multitude d’ornemens, tels que méandres, postes, entrelas, étoiles, etc. , peuvent s’exécuter avec des bois différens dans leurs teintes, comme avec des marbres bigarrés.
PARTAGE, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est le lieu le plus élevé, d’où l’on puisse faire couler les eaux, et d’où on les distribue, par le moyen de canaux, de conduits, etc., en différens endroits. (Voyez Bassin de partage.) On appelle point de partage le repaire où la jonction des eaux se fait.
PARTERRE, s. m. C’est dans les salles de spectacle l’espace compris entre l’orchestre, et les loges ou l’amphithéâtre, lorsqu’il y en a un au fond de la salle. Cet espace est occupé par les bancs qui reçoivent les spectateurs.
Parterre. (Jardinage.) Ce mot vient du latin partire, diviser. C’est le nom qu’on donne surtout dans les jardins du genre régulier, à la partie découverte d’un jardin qui occupe le devant de la maison, et en général toute sa largeur, dans une longueur indéterminée, et qui reçoit des compartimens de gazons, de fleurs et de dessins variés, dont le goût varie selon les temps.
Jadis, et nous trouvons cet usage décrit par Pline le jeune, dons su maison de campagne de
Laurentum, on employoit le buis nain à former toutes sortes de broderies, dont l’effet étoit plus ou moins agréable à l’œil, et qui étoient surtout destinées à être vues d’en haut, ou des a partemens de la maison. Pline nous apprend qu’on faisoit ainsi, à l’aide du buis, des caractères qui écrivoient le nom du maître.
Nous avons vu le même procédé employé dans les temps modernes, à figurer les armoiries du seigneur du lieu. Ce qui est certain, c’est qu’aucun autre plant n’est aussi propre à se prêter à toutes les formes de l’ornement, et à produire de véritables dessins. Le buis fait le trait ou le contour, et il se détache sur des sables de couleur qui sont comme le fond du dessin.
Ce goût de parterres ainsi dessinés de toutes sortes de figures, par le moyen du buis, fut tellement et si long-temps de mode, que cette sorte d’art eut sa nomenclature, et les dessinateurs ou décorateurs en ce genre vous parloient de becs-de-corbin simples, de becs-de-corbin doubles, de becs de refend, de palmettes, de fleurons, de rinceaux, de volutes, de traits, de nilles doubles, de nilles simples, d’agrafes, de chapelets, de cartouches, de culots, de massifs, d’attaches, de guillochis ou entrelas, de dents-de-loup, de trèfles, d’enroulemens, de coquilles, de gazons, de sentiers, de plates-bandes et autres figures. Enfin il s’est fait des traités sur cette matière, avec des planches qui enseignent l’art de tracer toutes ces configurations.
Le goût des parterres s’est fort simplifié dans les grands jardins, et il consiste presqu’uniquement aujourd’hui dans de grandes plates-bandes fort larges, tracées en ligne droite, et qu’on destine à recevoir les arbustes fleuris de toute espèce, les sleurs plus ou moins vivaces, et toutes celles qu’on est obligé ou de semer tous les ans, ou de planter lorsqu’elles ont été déjà cultivées dans les serres chaudes. Ces plates-bandes n’ont guère plus d’autres bordures, que des bordures de gazon, et elles servent elles-mêmes de cadre aux grandes pièces de gazon, dont la verdure se marie très-agréablement à la variétè des fleurs auxquelles elles servent de fond.
Généralement la disposition d’un parterre consiste en deux longues pièces de gazon ainsi enbordurées, avec une allée dans le milieu, lorsque l’étendue du jardin est moyenne, ou bien avec des allées collatérales et un seul tapis. Si l’on a un grand terrain, comme au jardin des Tuileries et à celui du Luxembourg, le parterre se compose en deux grands tapis de verdure, avec des allées collatérales, et une allée dans le milieu ; il se trouve encore partagé en quatre portions égales, par une allée qui le coupe en croix.
C’est dans les grands espaces de ces allées qu’on place les caisses des orangers. Voyez Orangerie.
On dispose aussi dans le milieu de ces grands parterres un bassin ou une pièce d’eau, non-seulement pour l’agrément de la vue, mais aussi pour la facilité des arrosages, car les parterres, leurs tapis, leurs fleurs, veulent être fréquemment arrosés. Aussi voit-on que ce qui fait le charme des parterres appartient de préférence aux climats pluvieux et moins chauds.
Nous avons dit que le parterre, tel qu’on vient de le décrire, étoit surtout le propre des jardins du genre régulier, Ce n’est pas que le jardinage irrégulier n’admette des tapis de gazon devant les maisons, et des sleurs aussi dans les massifs ; mais on voit que le genre des plantations pittoresques, c’est-à-dire d’arbres disposés sans aucun art apparent, qui semblent venus comme au hasard, et comme la nature les produit, demandant le même goût de disposition dans les contours des tapis verts, les fleurs dont on plante des massifs subordonnés à un dessin irrégulier ne sauroient donner le même agrément à la vue. Effectivement, d’après le système d’imitation identique de ce qu’on appelle le naturel, dans le jardin irrégulier, les fleurs, telles que le parterre les demande, ne devroient pas y trouver place. La nature ne nous présente guère les fleurs qu’éparses, et les réunions qu’on en fait, pour plaire par leurs masses et par leurs contrastes, sont quelque chose d’artificiel, qui ne s’accorde point avec un système de singerie absolue du paysage naturel.
Ce qui plaît dans le parterre est précisément ce que le genre irrégulier ne sauroit admettre : c’est cet alignement de fleurs, c’est cette disposition alternative, c’est cette succession de floraison, c’est ce goût d’opposition dans les couleurs, et mille autres agrémens qui ne peuvent être que le résultat de la combinaison symétrique d’un art apparent. Ajoutons qu’un dus agrémens duparterre consiste encore dans l’emploi qu’on y peut faire, et qu’on y fait habituellement, de beaucoup de plantes exotiques, d’arbustes rares, qui ne sauroient se cultiver ni réussir en pleine terre. Il faut donc les entretenir dans des vases, dans des caisses qu’on remplit d’un terreau préparé et artificiel. Rien de plus agréable que ces dispositions de vases, de formes et de natures différentes qui accompagnent les bordures des plates-bandes, et y deviennent, selon toutes sortes du compartiment, une décoration nouvelle et accessoire.
On comprend que rien de tout cela ne peut avoir raisonnablement lieu autour des lignes sinueuses d’un tapis de gazon ; on dit raisonnablement ; ce qui signifie, sans contrarier la raison d’après laquelle a lieu le genre irrégulier de plantations : car, sitôt qu’un procédé factice ou artificiel se joint à la manière dite sans art, il n’y a plus contraste, il y a contradiction.
Répétons donc que le parterre, avec tous ses agrémens, est uniquement applicable aux jardins du genre régulier, parce qu’ainsi que le potager, il veut des lignes droites ; et bien que dans les jardins de particulier, qui réunissent sur un espace peu étendu et l’agrément de l’un, et l’utile de l’autre, on ait vu la manie des lignes sinueuses assujettir les massifs de fleurs et les plans de légumes au système de l’anti-symétrie, ces caprices n’ont fait que mieux sentir le ridicule de la singerie, et l’ignorance du vrai principe de l’imitation appliquée aux arts, et à chacune de leurs dépendances.
On trouve dans les Dictionnaires des noms différens affectés aux diverses sortes de parterres. Quoique plusieurs de ces notions appartiennent à des goûts qui ne sont plus de mode, on a cru devoir en conserver ici les indications.
Parterre de broderie. Parterre composé de rinceaux, de fleurons et autres figures formées par des traits de buis nain, qui imitent la broderie, et entourent les plates-bandes. On mêle quelquefois parmi la broderie, des massifs de gazon, pour remplir davantage, et on la détache avec des sables de diverses couleurs. Cette décoration est assez agréable, mais il faut avoir soin de renouveler les sables de temps en temps, parce que les couleurs passent et perdent de leur éclat.
Il n’y a point de règles à prescrire aux formes de la broderie : on observe seulement que les naissances des pièces qui en dessinent l’ensemble, sortent d’un endroit bien choisi et sans se confondre. On tire souvent, et avec succès, ces naissances, soit d’un enroulement, soit d’un culot ou d’une volute.
Parterre de compartiment. C’est un parterre qui ne diffère du parterre de broderie, qu’en ce que le dessin se répète symétriquement en haut, en bas et dans les côtés. On forme ce parterre de massifs et de pièces de gazon, d’enroulemens et de plates-bandes de fleurs, mêlées avec quelque broderie bien placée : on en laboure le fond, on sable le dedans des feuilles, et l’on met du ciment et de la brique pilée dans le petit sentier qui sépare les compartimens.
Parterre de gazon. Parterre fait de pièces de gazon en compartimens de diverses figures.
Parterre découpé. C’est un parterre qui est en compartimens de figures régulières, séparées par des sentiers, et dans lequel on met des fleurs.
Parterre d'eau. On donne aussi ce nom à un compartiment formé de plusieurs bassins de diverses figures, avec jets et bouillons d’eau.
PARTI, s. m. Ce mot, qui reçoit beaucoup d’acceptions dans le langage ordinaire, est un de ceux que la langue des arts s’est aussi appropriés pour exprimer certains effets, ou résultats de la pensée de l’artiste dans l’invention, la composition et l’exécution de son ouvrage.
Dans tout ouvrage l’artiste est obligé de se décider entre des idées, des points de vue, des caractères, des effets divers qui s’offrent à son choix. Ce choix qu’il fait est ce qu’on appelle le parti qu’il prend. De-là on dit en peinture, un bon ou un mauvais parti de couleur, de composition, de clair-obscur. On dit un bon ou un mauvais parti de draperies, d’ajustemens.
Ceci s’applique également à l’architecture. Ainsi en considérant le plan d’un édifice, son élévation, et tout ce qui dépend, soit de la disposition du local, soit du choix de l’ordonnance, soit du système de l’ornement, on dira que l’architecte a pris un bon parti dans l’agencement des distributions, un beau parti dans l’ensemble des masses, un heureux parti de décoration.
On se sert encore du mot parti pour exprimer l’emploi plus ou moins agréable, plus ou moins convenable, que l’architecte sait faire, ou de certaines sujétions, ou de certains corps de bâtimens, auxquels il est tenu de se raccorder. Ainsi Bahazar Peruzzi a tiré le parti le plus ingénieux du site et de l’emplacement ingrat où il fut obligé de bâtir le palais Massimi. Voyez Peruzzi.
PARVIS, s. m. On a donné de la signification de ce mot, ainsi que de sa formation, des raisons peu satisfaisantes.
On a prétendu que c’étoit, dans le temple de Salomon, un espace quelconque qui environnoit ou précédoit le tabernacle. Mais il est clair que l’usage d’une place en avant de ce monument, fut commun à beaucoup d’autres, et ensuite rien ne nous assure que le mot français ne soit pas une traduction fort arbitraire, et ce qu’on appelle un équivalent du mot hébreu.
Il y a sur l’étymologie du mot parvis une opinion plus difficile encore à admettre : on le fait dériver du mot paradis en supprimant l’a, et en changeant le d contre un v. Cela vient, dit-on, de qu’on regardoit les places en avant d’une église, comme un symbole du paradis terrestre, par lequel il faut passer pour arriver au paradis céleste, qui est l’église.
Il nous semble que s’il falloit une étymologie grammaticale au mot parvis, on la trouveroit avec plus de vraisemblance dans le mot latin pervium, qui signifie l’accès ou le passage qui donne entrée dans un lieu quelconque.
Quoi qu’il en soit, le mot parvis s’est donné et se donne en France, à la place qui est devant la principale façade d’une église ; l’on dit toujours à Paris, le parvis de Notre-Dame, pour signifier la place qui précède cette cathédrale.
PAS, s. m. On donne ce nom à une mesure naturelle ou conventionelle : c’est l’espace qui, lorsqu’on marche, sépare le pied qui reste en arrière de celui qu’on a porté en avant. On voit que cette sorte de mesure, comme toutes celles dont les hommes ont pris le type dans le pied, le palme, le bras, la coudée, doit être variable selon les individus ; c’est pourquoi on a été obligé de lui donner une dimension de convention : ainsi on a établi que le pas géométrique est de cinq pieds.
Pas. Se prend pour le seuil de la porte : il signifie aussi la marche dans une suite de degrés, comme lorsqu’on dit, il y a quatre pas à monter. Les pas diffèrent cependant du seuil, en ce qu’ils avancent au-delà du nu du mur, en manière de marches.
Pas, pl. Petites entailles, par embrévement, faites sur les plates-formes d’un comble, pour recevoir les pieds des chevrons.
PASSAGE, s. m. Ce mot indique dans les villes, dans les maisons, dans toute espèce d’édifice, un conduit qui diffère de ce qu’on appelle rue, allée, corridor.
Passage de servitude. C’est un passage dont on jouit sur le terrain d’autrui, par convention ou par prescription.
Passage de souffrance. C’est celui qu’on est obligé de souffrir chez soi, ou sur son terrain, en vertu d’un titre.
PATENOTRES, s. m. pl. Ce mot est emprunté de l’usage pieux de réciter le Pater noster, selon l’indication qu’en porte le chapelet. Ce sont donc tout simplement, dans l’ornement, de petits grains ronds qu’on taille sur les baguettes : ce terme est synonyme de perle dans le langage de l’ornement.
PATÈRE, s. f. On appeloit ainsi patera dans les pratiques religieuses des anciens, un vase propre aux sacrifices, servant sans doute ou aux libations, ou à recevoir le sang des victimes. Il y en avoit de plus d’une forme, et elles différoient encore dans leur grandeur et leurs ornemens ; quelques-unes avoient un manche, d’autres, et de ce genre sont celles qu’on voit fréquemment dans la main des divinités, ne consistoient qu’en une forme circulaire à peu près semblable à celle de ce que nous appelons une soucoupe. Il s’en fit en terre, en bronze, eu argent et en or. Leur intérieur surtout recevoit des ornemens. Beaucoup de patères, parmi celles qui sont venues jusqu’à nous, ne furent que des vases votifs, et comme elles n’étoient réellement destinées à aucun emploi, l’art se plaisoit à les orner de toutes sortes de figures.
C’est sans doute de l’usage de ces patères votives, suspendues dans les temples et dans leurs opisthodomes, comme objets purement décoratifs, que sera venue l’idée d’en imiter les formes dans l’architecture, et d’en faire un ornement que la sculpture s’est plue depuis à multiplier sur les cippes, les autels, dans les frises et en beaucoup d’autres monumens.
Ainsi trouve-t-on souvent la patère sculptée dans les métopes de l’ordre dorique, où sa forme circulaire s’adapte agréablement à l’espace carré qui la reçoit.
Cet ornement, quoique moins en rapport avec les usages et la religion des modernes, a continué de trouver place dans les ornemens même des édifices religieux. Il est devenu comme une sorte de symbole consacré au culte, et certaine analogie de forme avec ce qu’on appelle la patère dans les cérémonies de l’Eglise, a contribué encore à le naturaliser dans l’architecture chrétienne.
PATIN, s. m. Pièce de bois posée de nive sur le parpain de chiffre d’un escalier, et dans laquelle sont assemblés à-plomb les noyaux et les potelets.
PATINS. (Terme d’architecture hydraulique.) Pièces de bois que l’on couche sur un pilotage, et sur lesquelles on pose les plates-formes pour fonder dans l’eau.
PATTE, s. f. Petit morceau de fer plat, droit ou coudé, fendu ou pointu par un bout, et à queue d’aronde par l’autre, qui sert pour soutenir les placards et chambranles des portes, les châssis dormans des croisées, et les lambris de menuiserie.
Patte en platre. C’est une patte dont la queue est refendue en crochet.
Patte-d’oie, s. f. (Charpenterie. ) C’est une enrayure formée de l’assemblage des demi-tirans qui retiennent les chevets d’une vieille église.
On se sert aussi du mot patte-d’oie pour exprimer la marque à trois hoches qu’on fait sur les pièces de bois avec le traceret.
Patte-d’oie de jardin. Division de trois allées qui viennent aboutir à un même endroit.
Patte-d’oie de pavé. C’est l’extrémité d’une chaussée de pavé, qui s’étend en glacis rond pour se raccorder aux ruisseaux d’en bas.
PAVÉ, s. m. Ce mot, dans la langue ordinaire, a deux significations, et dans le langage de l’art il exprime aussi deux choses assez différentes.
Selon l’usage le plus commun, on appelle pavé l’aire d’un chemin, d’une cour, d’un espace quelconque, qui pour l’avantage de la marche et le service des charois est recouverte ou formée d’un assemblage de petites pierres, de cailloux, de grès ou de toute autre matière solide. C’est aini qu’on dit qu’il y a un bon ou un mauvais pavé d’un lieu à un autre ; on dit le pavé d’une rue, d’une cour, etc. Dans ce sens on parle de l’assemblage des matériaux qui affermissent le terrain.
Selon le même usage on appelle pavé le corps solide pris séparément, qui sert à faire l’assemblage dont on vient de parler ; et l’on dit on pavé de grès, de cailloux, etc. On dit remplacer un pavé par un autre, etc.
Le mot pavé s’applique aussi diversement aux ouvrages de l’art. Il signifie d’abord non plus le travail grossier des chemins, des rues, etc. , mais dans les intérieurs des monumens, des appartemens, les compartimens des matières dont on recouvre leur sol. On donne ensuite ce nom à de certains ouvrages de goût, où le dessin et l’ait des ornemens produisent des compositions s ou moins agréables : c’est ainsi qu’on dira, un pavé de stuc, de marbre, de mosaïque.
Nous ne dirons que peu de chose dans cet article, des pavés anciens ou modernes qui entrent dans la formation des routes. On trouvera sur ce point des notions fort étendues aux mots Aire et Chemin (voyez ces mots). Nous avons aussi, au mot Mosaïque, parlé des plus riches pavés en ce genre, qui comprend, comme on l’a vu, l’emploi des marbres de toutes couleurs.
Il ne nous reste donc ici qu’un petit nombre d’observations à faire sur les pavés, qui par l’emploi des compartimens, deviennent des objets dépendans de l’art du dessinateur et de l’architecte.
Ces pavés, soit qu’ils se composent de cimens, de pierres ou de marbres, sont susceptibles de recevoir des dessins de toute espèce, et de produire par la réunion des couleurs un très-grand nombre d’effets, qui peuvent se trouver plus ou moins en harmonie avec le local qui let reçoit.
S’il s’agit de cet effet des couleurs dans leur rapport au caractère des lieux, tout le monde sentira que des marbres noirs, par exemple, auxquels on opposera dans une juste mesure le contraste du marbre blanc, devront former le pavé d’une chambre ou d’une chapelle sépulcrale. Les couleurs gaies et fleuries y seroient aussi déplacées, qu’elles seront convenablement appliquées à des galeries, à des lieux de plaisir. Il faut avouer que l’architecte n’est pas toujours le maître d’employer au pavé de ses intérieurs les marbres qui seroient assortis à leur caractère, et le doit souvent se contenter de mettre en œuvre ceux que le pays lui fournit.
Mais l’artiste peut ordonner plus à son gré le plan et le dessin des compartimens dont il forme son pavé. Certaines sujétions d’économie lui prescrivent souvent de mettre en œuvre de petits morceaux, ou des fragmens de marbres divers : c’est là qu’il fera preuve d’intelligence et de goût. L’art de la marbrerie, sous ce rapport, a beaucoup de ressemblance arec celui de sa marquetterie ou de l’ébénisterie, qui n’a guère que de fort petits morceaux de bois dont il puisse opérer la réunion. Le génie de l’ornement leur offre une multitude de détails légers qui ne demandent, pour produire les plus agréables effets, que ce que l’on peut appeler des échantillons, soit en bois, soit en marbre. Tels sont les méandres, les portes, les palmettes et tous les genres d’enroulemens qui forment tantôt les cadres, tantôt les divisions des objets, que le dessinateur imagine de faire entrer dans ces sortes de tableaux.
Il est peu de configurations qui ne se prêtent, soit en grand, soit en petit, à l’assemblage des marbres de différentes couleurs, au moyen desquels on peut produire dans les pavés un semblant de peinture, ou tout au moins l’imitation du travail de la tapisserie.
Nous ne pouvons passer ici sous silence, comme exemple unique et mémorable de ce que l’art peut faire en ce genre, le magnifique pavé du dôme de la cathédrale de Sienne, commencé par Ducio, et terminé par Dominique Beccafumi. On avoit cru, et Vasari lui-même avoit avancé que dans cette sorte de peinture, Beccafumi s’étoit étudié à produire les ombres des figures par des marbres gris ou noirs, opposés au marbre blanc, pour faire les clairs. Mais M. Mariette s’est convaincu et a prouvé, que tout le travail consistoit en traits tracés avec des couleurs, dont la propriété étoit de pénétrer le marbre jusqu’à une certaine profondeur.
Du reste, on ne sauroit trop admirer, dans les compartimens de ce pavé, la suite des sujets d’histoire qui y sont tracés en figures de grandeur naturelle, et même au-dessus. Mais leur description ne pourroit regarder que le Dictionnaire de Peinture.
Tout ce qui regarde les opérations pratiques du pavement moderne des rues ou des chemins, ayant été traité an mot Chemin, et ce qui se rapporte au goût des pavés de luxe, rentrant dans l’ordre des notions de la décoration par le dessin et la peinture, nous nous contenterons d’indiquer dans la nomenclature suivante, les différentes manières de faire les pavés.
Pavé de briques. Pavé dont la masse se compose de briques potées de champ, quelquefois en épi, ou ce qu’on appelle point de Hongrie (tel est le pavé de la ville de Venise), quelquefois posées à plat, d’autres fois faites en forme barlongue et à six pans, etc.
Pavé de cailloux. Pavé qui est fait par un assemblage ou de petits cailloux cimentés, ou de gros cailloux de rivière, posés de champ les uns près des autres. On appelle galets les cailloux que la mer rejette sur ses rivages, et on les emploie aussi au pavement dans les villes maritimes.
Pavé de grès. C’est un pavé qu’on fait de quartiers de grès de huit à neuf pouces, presque de figure cubique. On s’en sert à Paris pour paver les rues, les cours, et, dans une partie de la France, pour paver les grands chemins.
On appelle pavé refendu le pavé qui est de la demi-épaisseur du précédent, et dont on pavé les petites cours, les cuisines, les écuries, etc.
On appelle pavé d’échantillon celui qui est de grandeur ordinaire, selon la coutume de Paris.
Le pavé de grès est le meilleur. L’usage en a été introduit à Paris et aux environs, par le roi Philippe-Auguste, l’an 1184.
Pavé de lave. Pavé fait avec les pierres produites par les volcans. Ces substances sont de natures différentes. Il en est de plut dures, et qui ne se travaillent guère qu’en se cassant. On les emploie à paver, tantôt en très-grands morceaux unis à joints irréguliers, comme les Romains le pratiquèrent dans le pavement de leurs routes, comme on le pratique encore à Florence dans le pavement de ses rues, et tantôt en petits blocs carrés, comme on le fait aujourd’hui à Rome. Il est une pierre de lave qui se taille en dalles quadrangulaires, et qu’on pique. C’est ainsi qu’est parée la ville de Naples.
Pavé de marbre. C’est celui qu’on fait, soit en dalles de marbre, soit en carreaux d’égale dimension, ordinairement de deux couleurs, soit en grands compartimens que l’architecte dispose en plan, de manière à ce que les lignes et les configurations de ces compartimens correspondent aux corps principaux, aux dispositions des voûtes, des plafonds, et aussi de leurs ornemens.
Le plus bel exemple qu’on puisse citer, à Paris, de ces sortes de pavés, dans de grands monumens, est celui du pavé de la coupole des Invalides.
Pavé de moilon. Pavé fait de moilons de meulière posés de champ, pour affermir le fond de quelque grand bassin ou pièce d’eau.
Pavé de pierre. On appelle de ce nom, pour les distinguer de ceux qu’on fait en marbre, les pavés de pierre commune mais dure, et qu’on taille en dalles de toute grandeur ou en carreaux quadrilatères. On peut se dispenser de citer les exemples de ce genre de pavés, tant ils sont multipliés.
Pavé de terrasse. Pavé qui sert de couverture en plate-forme, soit sur une voûte, soit sur un plancher en bois.
Pavé poli. Nom général qu’on donne à tout pavé bien assis, bien dressé de niveau, cimenté, mastiqué et poli avec le grès.
PAVEMENT. On se sert de ce terme pour exprimer l’action de paver, et aussi l’espace pavé en compartiment de carreaux, de quelque genre qu’ils soient.
Le mot pavement répondant au mot pavimentum du latin, si généralement employé à désigner des ouvrages de luxe, d’art et de goût, devroit être d’autant plus convenablement affecté aussi en français à cet emploi, qu’on a quelque peine à nommer du même nom pavé, et les ouvrages les plus grossiers du besoin, et les travaux les plus élégans, les plus variés du luxe et de la magnificence des intérieurs.
PAVER, v. act. Ce verbe appliqué à l’opération toute ordinaire du pavé des rues et des chemins, signifie asseoir le quartier ou le dé de grès ou de pierre, le dresser au marteau, le battre avec la demoiselle.
On dit paver à sec lorsqu’on asseoit le pavé sur une forme de sable de rivière, comme cela se pratique à Paris, dans les rues et sur les grands chemins.
On dit paver à bain de mortier, lorsqu’on se sert de mortier de chaux et de ciment, pour asseoir et maçonner le pavé, de la manière dont on le fait dans les cours, les cuisines, les écuries, terrasses, aqueducs, pierrées, cloaques, etc.
On dit repaver : c’est manier à bout le vieux pavé sur une forme neuve, et en mettre de neuf à la place de celui qui est cassé.
PAVEUR, s. m. C’est le nom de la profession de ceux qui entreprennent, taillent et assoyent les pavés.
PAVILLON, s. m. Ce mot vient de l’italien padiglione, où il signifie, comme aussi en français, une tente ou un de ces logemens que, dans les camps, on établit légèrement et ordinairement avec un comble incliné pour les eaux. Nous ne voyons pas qu’en Italie le mot padiglione et l’objet qu’il exprime au propre, soient fort usités dans le langage, comme dans les formes de l’architecture.
L’application très-usuelle et fort ancienne qu’on a faite en France du mot pavillon à certains corps de bâtiment, nous paroît provenir des usages des châteaux et des toitures gothiques. Les tours et les tourelles si multipliées dans la disposition des châteaux, les corps de bâtimens isolés que nous voyons encore dans ce qui nous
en reste, les combles fort élevés qui les couronnoient, tout cela ne laissa pas d’offrir, au moins pour la vue, quelque ressemblance avec les tentes et leurs pavillons. Pourquoi ne chercheroiton pas là, l’étymologie de cette dénomination dans l’architecture française ?
Il y a ainsi de certaines traditions qui se perpétuent dans les édifices, même après que l’architecture y a changé de forme et de style. Ainsi, le château des Tuileries a conservé dans sa façade renouvelée sous Louis XIV, l’usage de ces corps de bâtimens carrés et isolés, réunis autrefois par des murs dans les enceintes des châteaux, et l’on y appelle encore cet trois principaux corps du nom depavillon. On dit le pavillon de Flore, le pavillon de l’horloge ; même chose au Louvre, où les restaurations et les reconstructions successives ont supprimé quelques-uns de ces pavillons, et ont toutefois conservé celui qu’on appelle le pavillon des caryatides.
Le nom de pavillon se donne toutefois aujourd’hui à tout petit bàtiment isolé et couvert d’un seul comble.
Tels sont, dans les jardins, les petits édifices qu’on y construit, pour servir de retraite et de lieu de repos.
PAYSAGE, s. m. (Jardinage. ) On donne ce nom, soit à un ouvrage de la peinture, dont l’imitation représente la vue d’un pays, d’une scène quelconque de la nature, ou d’un point de vue plus ou moins étendu de cette scène, soit aussi à la chose elle-même en réalité, c’est-à-dire, à l’objet de l’imitation. C’est au Dictionnaire de Peinture qu’il faut renvoyer le mot PAYSAGE, sous le premier rapport. A l’égard du second, il ne peut trouver place ici que comme article de jardinage.
Il est encore entendu que l’idée de paysage, dans l’art de composer et de faire des jardins, ne convient qu’au genre du jardinage irrégulier. Ce n’est pas que dans le système opposé un ne doive avoir aussi en vue, en composant un jardin régulier, d’y ménager des percés, d’où l’on découvre le pays d’alentour, et qui font jouir de l’aspect de paysages et de sites plus ou moins heureux, selon les pays et les cantons : mais on doit dire que le jardin régulier, assujetti à un plan et à des lignes symétriques, ne sauroit offrir eu lui-même et dans sa seule enceinte, l’idée d’un paysage, comme ouvrage seul de la nature ; et si, comme on l’a dit, il peut donner ouverture aux aspects naturels du dehors, leur contraste avec les formes régulières que l’art a données an jardin, produiroit dans l’imitation un effet peu agréable.
L’esprit et le système du genre de jardinage irrégulier consiste au contraire, d’abord à façonner le jardin dans des contours, des formes et avec des masses susceptibles de se lier sans disparate aucune, avec le pays d’alentour, en sorte que les parties des jardins ne semblent être que les premiers plans du paysage, mais ensuite à disposer, surtout dans de grands espaces, et les plantations, et le terrain même, de manière à produire ces inégalités, ces variétés d’aspect, qu’on trouve dans la nature agreste et non travaillée par la main des hommes.
Il y a de ces jardins, qui, occupant plusieurs lieues de superficie, et pratiqués sur des terrains inégaux, avec des sols divers, des rochers, des étangs, des cascades, prêtent à l’artiste qui sait en profiter, tous les moyens de produire des paysages de plus d’un genre. Lorsque de tels terrains, sur de vastes superficies, reçoivent différentes sortes de culture, des bâtimens rustiques, des ponts, des fabriques d’utilité ou d’agrément, et que tout cela se trouve tout simplement mis en accord avec les points de vue ou des campagnes environnantes, ou des montagnes lointaines, l’illusion du paysage en réalité y devient telle, que l’idée d’imitation disparoît. Nous avons déjà fait sentir à l’article Jardinage (voyez ce mot) qu’alors l’idée d’image étant remplacée par celle de réalité, l’art s’est trompé lui-même, puisqu’on croit voir le modèle au lieu de son imitation. Ce qui fait que cet art du jardinage cesse d’être un art, selon les éléments d’une saine théorie.
PEINTURE, s. m. Il ne peut appartenir à ce Dictionnaire de traiter de la peinture que sous les deux rapports généraux qui mettent l’emploi soit des ouvrages de cet art, soit des substances colorantes, en contact avec l’architecture et avec les édifices.
L’un de ces rapports embrasse l’usage ou l’abus qu’on peut faire des inventions ou des compositions du peintre, dans leur application à l’ensemble comme aux parties constituantes de l’architecture et de la construction.
L’autre rapport est celui des substances colorantes, des procédés pratiques et de leur emploi, taut au dedans qu’au dehors des bâtimens.
Si l’on considère l’emploi de la peinture, c’est-à-dire des sujets d’imitation propres de cet art, comme contribuant à la décoration de l’architecture, il y auroit lieu de développer sur ce point une théorie fort étendue, et qui seroit seule l’objet d’un ouvrage. D’abord il faut commencer par poser en principe, que lorsque la peinture est appelée à décorer un édifice, cet art ne peut pas s’y exercer avec toute l’indépendance du génie de la composition. L’architecte ne sauroit jamais cesser d’être l’ordonnateur et le régulateur de tout ce qui, n’étant qu’accessoire, doit se conformer au goût et aux convenances de l’objet principal.
Il y a donc nécessité, que l’architecte décide du genre de sujets que le caractère de son édifice doit admettre.
Or, sur ce point, la peinture décorative comporteroit plus d’une division, relativement à la nature, à la proportion, à l’exécution des sujets.
Quant à leur nature, il seroit superflu de s’arrêter à prouver, que la destination de chaque édifice demande des sujets qui lui soient analogues, qu’on les puise, soit dans la classe des compositions historiques, soit dans celle des idées allégoriques ou des motifs symboliques, soit dans la région capricieuse de l’arabesque.
La proportion des sujets que le peintre aura à traiter est une des choses que l’architecture doit fixer avec le plus de soin. Il est inutile de faire observer que de ce rapport de proportion entre les détails de la décoration el les masses de la construction, résulte l’harmonie générale de l’ensemble. Rien n’est plus ridicule que de voir, comme on l’a fait trop souvent, les petits objets et les légères inventions de l’arabesque appliquées à de grands espaces et à des édifices d’un caractère grave et sérieux. Bien souvent encore de trop fortes dimensions dans les figures des compositions, tendent ou à rapetisser l’effet de l’architecture, ou à lui donner un excès de pesanteur.
Le genre de l’exécution, contribue aussi à l’accord ou au désaccord de la décoration avec le local qu’elle occupe. Une exécution libre, facile, heurtée, pourra convenir dans de grands espaces, et aux sujets vus de loin, comme dans des plafonds ou des coupoles. Une exécution fine, légère et précieuse, propre aux petits endroits, doit accompagner les membres d’une architecture délicate, et son fini contribuera à relever encore celui de l’exécution matérielle des profils et des ornemens, que le ciseau du sculpteur y aura taillés.
Mais une convenance indispensable dans l’emploi des compositions de la peinture appliquée à la décoration de l’architecture, c’est que le peintre soit tenu de les renfermer dans les espaces que l’architecte, ou pour mieux dire l’architecture même lui prescrit.
On ne citeroit que trop d’exemples, en Italie surtout, de cette sorte d’extravasion de la peinture, de cet empiétement du domaine d’un art sur le terrain d’un autre. On a vu des peintres disposer de tous les espaces d’un édifice, et regardant toutes ses superficies comme une grande toile préparée pour le pinceau, détruire par des illusions de la couleur tous les membres, toutes les saillies de l’architecture, les couper par des figures, faire descendre des groupes et des nuages jusque sur les parties essentielles de la modénature. On a vu enfin la forme de l’édifice disparoître par lea usurpations de la peinture. Voyez Plafond.
Le simple bon sens nous dit cependant, que la peinture n’est admise dans tout édifice, que comme un ornement auxiliaire. L’architecte lui ménage des champs ou des espaces sous de certaines conditions. S’il lui livre la superficie entière d’une voûte ou d’un plafond privé de tout membre indicatif de la construction, il lui donne la liberté de supposer que cet espace est un vide, au travers duquel on peut apercevoir ou le ciel, ou toute composition d’objets et de figures présumées en l’air et supportées sur des nuages.
Il est d’autres superficies que l’architecte abandonne au pinceau du décorateur, comme étant des percées, dont l’apparence n’affecte en rien, pour les yeux, le sentiment ou l’effet de la solidité ; mais c’est que des membres d’architecture ou des massifs de construction rassurent la vue, et servent d’encadrement aux compositions du peintre. Celui-ci est donc tenu de se renfermer fidèlement dans les limites qu’on lui prescrit, sinon il détruit pour l’œil l’ordonnance du bâtiment, et en altère le principe essentiel qui est la solidité, sinon réelle, du moins apparente.
Nous ne dirons rien ici de la peinture, soit qu’elle consiste en tableaux isolés, qui ont un cadre, soit que de semblables objets soient peints sur mur à fresque ou autrement, mais avec des encadremens peints et figurant des tableaux. Ces sortes de peinturestrouvent place sur une multitude de superficies, et se considérant comme des objets mobiles, ils donnent beaucoup moins de prise à la critique dont on vient de toucher les principaux points ; savoir, que la peinture ne doit jamais faire invasion sur les parties constitutives des ordonnances, et que jamais, lorsqu’elle est appliquée à ce qu’on appelle les pleins ou les masses de la construction, elle ne doit y traiter de ces sujets qui exigeant des lointains et des perspectives, produisent l’effet du vide, là où l’apparence du plein est nécessaire. La théorie sur ce point est la même pour l’emploi de la peinture que pour celui du bas-relief, qui régnant sur les entablemens d’un édifice, sur le nu d’une colonne, ne doit se permettre que le moindre nombre de plans possible, de peur d’altérer l’intégrité du parement, et de fausser tout te système de l’architecture.
Le second rapport qui unit la peinture à l’architecture, est, avons-nous dit, celui de l’emploi des couleurs, comme enduits sur les surfaces variées des bâtimens.
Les emplois de ce genre ne laissent pas que d’être nombreux, et ils ont lieu soit dans les extérieurs, soit dans les intéurs.
Il est assez reconnu et avéré aujourd’hui, par les ruines de beaucoup de temples d’une assez haute antiquité (voyez PAESTUM), que leurs colonnes et toutes les parties de leurs constructions, lorsque la pierre étoit surtout d’une qualité rebelle à un beau poli, se revâtissoient d’une couche légère de stuc, qui recevoit des couleurs probablement imitant celles des marbres. Ainsi ont été colorés tous les temples doriques de la Sicile, et la peinture qu’on y introduisoit, s’appliquoit avec des teintes diverses aux fonds des mé-
topes, aux mutules et aux détails de leur modénature.
Le luxe des marbres fut si commun dans l’antiquité, qu’un édifice qui n’eût offert qu’une pierre commune, auroit semblé être d’une pauvreté peu convenable, surtout à un temple. Les Anciens savoient aussi faire changer de couleur aux marbres. Pline nous apprend que d’un marbre blanc on faisoit un marbre numidien, en y insérant les veines et les teintes qui le falsisioient ; à plus forte raison dut-ou employer la peinture à colorer les enduits des colonnes qui n’étoient que de briques : telles sont toutes celles qu’on trouve en très-grand nombre, restées debout dans les ruines de Pompéii. On voit encore sur toutes, et la couche de stuc dont la brique étoit revêtue, et les teintes bien conservées des couleurs dont ce stuc étoit peint.
Nous ne pouvons guère douter que la peinture ait été employée comme enduit au dehors de beaucoup de maisons anciennes. L’usage s’en est conservé plus ou moins dans un grand nombre de villes d’Italie. Celle de Gênes, entr’autres, a porté ce luxe extérieur des bâtimens, au point de faire entrer jusqu’à la dorure, dans les couleurs dont plus d’un palais a reçu la décoration.
En général il faut dire que le goût pour ce genre d’orner l’extérieur des bâtimens, ainsi que l’usage qu’on en fait, tiennent à la nature ou à la qualité es matériaux dont on dispose. Les plus favorables à cette pratique sont les revêtissemens qui ont lieu avec des mortiers où il entre de la chaux, et ce qu’on appelle des stucs. La chaux elle-même devient la préparation sur laquelle s’enduisent les couleurs.
Mais les pays où l’on construit beaucoup en bois, où cette matière forme non-seulement les charpentes, mais les panneaux de revêtissement, ces pays, disons-nous, doivent employer moins par goût encore, que par nécessité, la peinture à l’extérieur des maisons. Ainsi voit-on à la Chine et à Constantinople toutes les façades des habitations particulières peintes de toutes couleurs : ce qui ne laisse pas de produire un coup d’œil fort agréable, au dire des voyageurs.
Il semble assez inutile de répéter ici, que la peinture forme la plus grande partie des ornemens, dans l’intérieur des maisons et des appartemens, soit qu’on l’emploie en teinte plate et unie sur let lambris, les portes, les boiseries, les chambranles, les murs, les cloisons, les plafonds et les planchers, soit que ces enduits reçoivent des compartimens de toute sorte de dessin, en rinceaux, en arabesques, en détails décoratifs. Voyez DÉCORATION.
On auroit plutôt fait de dire ce qui, dans les édifices, ne reçoit pas le concours des couleurs et de leur application, que ce qui en réclame nécessairement l’emploi, tant sont nombreux les besoins que les matériaux en ont pour leur propre conservation, tant la propreté et l’agrément des intérieurs dépendent des préparations du peintre en bâtiment.
Tous les détails de cette partie pratique de la peinture se trouvent aux articles Décoration, Enduit, etc., et aux mots qui expriment les divers objets auxquels l’application des couleurs est nécessaire, tels que Lambris, Plafonds, etc.
Nous ne dirons plus que deux mots, sur les différens genres de peinture qui, sous le rapport seul de leur nature, ou de leur procédé technique, entrent dans les besoins de l’art de bâtir, et les plaisirs de la décoration. Ces genres de peinture se distinguent par les noms suivans.
Peinture. — en camaïeu est celle où l’on n’emploie qu’une ou deux couleurs sur un fond d’une autre couleur, et quelquefois doré. On l’appelle grisaille lorsqu’elle consiste en une seule couleur grise.
— en clair-obscur — est celle où l’on ne met en œuvre que du noir et du blanc. On en use ordinairement pour peindre dans la décoration, des figures ou des bas-reliefs, en manière de marbre blanc ou de pierre.
— à détrempe. On donne ce nom à la peinture qui emploie les couleurs détrempées avec de l’eau et un peu de gomme ou de colle : on s’en sert sur le plâtre, le bois, les peaux, la toile et le papier. C’est de cette manière qu’on peint les décorations de théâtre, des fêtes publiques, et ces tentures de papier qui ont remplacé depuis plusieurs années le travail du pinceau, dans la décoration des intérieurs de maison.
— à fresque. On appelle ainsi celle qu’on exécute sur des murs fraîchement enduits d’un mortier fait de chaux et de sable, avec des couleurs détrempées à l’eau et préparées exprès. Cette sorte de peinture est des plus solides, et elle peut être employée dans les endroits exposés à l’air.
— à l’huile — est celle où les couleurs qu’on emploie, ont été broyées et mêlées avec des huiles plus ou moins siccatives. La peinture à l’huile est celle dont on use le plus souvent dans les intérieurs des maisons, sur les bois, les lambris, etc.
On comprend que nous n’avons dû faire ici aucune mention de bien d’autres genres de peintures, comme celles qu’on nomme en émail, au pastel, en miniature, etc., qui sont tout-à-fait étrangères à l’architecture.
PELLEGRINO (Tibaldi), né en 1522, mort en 1592. Il fut surnommé Tibaldi, parce que son père, qui étoit un maçon, s’appeloit communément maître Tibaldo. Il fut d’abord peintre, et fit dans la peinture de tels progrès, que les Carraches l’appeloient un Michel Angelo riformato : ce qui signifie que Pellegrino avoit dans sa manière adouci la fierté du destin Michel Angesque, et avoit su y joindre une couleur plus naturelle, et un ton de chair plus vrai. Mais ce ne fut pas sans de grands efforts qu’il parvint à cette supériorité : il paroît avoir eu long-temps à lutter contre l’adverse fortune. On raconte qu’Octavien Mascherino le rencontra un jour dans les environs de Rome, près de la Porta Portese, en proie à un tel désespoir de son peu de succès dans la peinture, qu’il étoit résolu de se laisser mourir de faim. Mascherino l’en dissuada (peut-être sans beaucoup de peine), et lui conseilla de s’adonner à l’architecture.
Ainsi Pellegrino embrassa ce nouvel art, où il devint en peu de temps si habile, et s’acquit une telle réputation, qu’il fut chargé de la grande construction de la grande cathédrale de Milan, et ingénieur en chef du duché de ce nom.
L’église cathédrale de Milan fut commencée en 1387, sous le duc Jean-Galéas Visconti. Ce fut un certain Henri Zamodia ou Gamodia, architecte allemand, qui en donna le plan. D’autres veulent que le premier auteur de ce vaste édifice ait été Caporale, commentateur des cinq premiers livres de Vitruve, le même qui a fait la Chartreuse de Pavie. Si on ne fait attention qu’à l’étendue de cette église, à la beauté des marbres qui la décorent, à la quantité des sculptures de tout genre, on peut la comparer aux plus célèbres monumens de l’Europe moderne. Mais si on examine le tout dans le sens de l’art, et avec les yeux de l’artiste, on trouve que ce grand ensemble manque du génie de l’invention. On n’y voit ni forme décidée, ni correspondance entre les parties, ni une véritable connexion de celles-ci avec le tout. Les membres de ce vaste corps sont foibles, las détails en sont des découpures : ce n’est au fait qu’une montagne de marbres évidée, un amas de matières transportées à grands frais, et placées les unes à côté des autres, sans goût et sans aucun ordre.
On ne nous apprend point que Pellegrino y ait fait d’autre chose, que le dessin de son pavé, qui passe pour un fort bel ouvrage, et le projet de sa façade qui fut approuvé par S. Charles Boromée. Elle est d’un goût qui tient une sorte de milieu entre ce qu’on appelle le gothique, et ce qu’il faut appeler te style antique.
Pellegrino eut pour associé et pour rival dans la construction de l’église de Milan, Martin Bassi, qui le combattit sur plusieurs points, entr’autres sur la disposition d’un certain bas-relief qui devoit être placé au-dessus de la porte du nord, sur le baptistère de l’église, etc. Ces controverses ont donné lieu à plus d’une consultation, où intervinrent Palladio, Vignola, Vasari et Bertani. Martin Bassi, qui paroît avoir eu l’avantage, publia à cette occasion un écrit intitulé Dispareri in materia d’architettura e di prospettiya, c’est-à-dire, dispute sur différens sujets d’architecture et de perspective.
On ne doit pas négliger de rapporter, à l’occasion de ces démêlés, la réponse de Vignole au sujet de la construction du baptistère dont on a fait mention, Pellegrino, très-prévenu en faveur de son plan, proposoit d’avoir recours dans les entre-colonnemens à des armatures de fer, qui devoient en prévenir l’écartement. Vignole lui répondit que les édifices ne devoient point être soutenus par des lisières.
Lorsque Pellegrino étoit occupé de ces débats, Philippe II, roi d’Espagne, l’appela pour peindre à l’Escurial, pour restaurer le vieux palais, et encore pour d’autres travaux. Notre artiste se rendit aux invitations du Roi, dont il remplit les intentions, avec un succès qui contribua à sa réputation autant qu’à sa fortune. Après un séjour assez long en Espagne, il retourna en Italie, où il rapporta plus de cent mille écus. Le Roi lui donna de plus la terre de Valsoda, où il étoit né, et érigea, pour le récompenser encore, ce fief en marquisat.
Pellegrino est l’auteur de beaucoup de monumens : on cite de lui à Milan l’église de Saint-Laurent, où l’on voit une coupole octogone, dont les côtés sont égaux, sur un soubassement octogone aussi, mais à côtés inégaux ; l’église des Jésuites offre dans sa nef une décoration peu ingénieuse : sa façade, qui a deux ordres l’un au-dessus de l’autre, participe des défauts de ce genre de composition. Ancône vante le beau portique dont Pellegrino fut l’architecte. Bologne cite parmi les monumens qu’elle lui doit, le palais et la chapelle bâtie pour la famille Poggi ; l’église de la Madone, près Saint-Celse, une autre dédiée à la Sainte-Vierge, et le cortile de l’Institut, d’ordre dorique, avec des métopes barlongs entre les pilastres accouplés.
On doit citer comme preuve du talent et de la rare intelligence de Pellegrino Tibaldi, la maison professe des Jésuites à Gênes. L’architecte eut à tirer parti d’un terrain des plus irréguliers, et bordé de rues étroites. Il ne paroissoit pas possible qu’un semblable espace pût suffire à tout ce qu’exigeoient les besoins et les convenances du programme proposé pour l’établissement. Toutefois Pellegrino mit tant d’art dans son plan, qu’après avoir trouvé à y faire entrer une fort belle église au lieu le plus apparent, il sut profiter de tout le reste du terrain, de façon que rien n’y fut oublié ; et l’on y admire comment il avoit pu y disposer, avec aisance, les parties si nombreuses d’un local, où il falloit réunir d’amples et spacieux réfectoires, de beaux corridors, des salles de récréation, une magnifique bibliothèque, une grande cour, et tant d’autres pièces d’usage, de nécessité et d’agrément.
Ce monument est encore aujourd’hui un des plus remarquables de la ville de Gênes, et par sa masse, et par sa richesse, et par la noblesse de son architecture. On ne citera point comme un mérite rare, dans une ville où abondent les plus beaux marbres, le luxe des matières. L’éloge qu’on doit ici à Pellegrino, c’est d’avoir su faire que l’admiration de la matière n’arrive qu’après celle de l’art.
Pellegrino eut pour élève son fils, qu’on appella Domenico Tibaldi, qui fut comme son père, peintre à la fois, et architecte également renommé dans l’un et l’autre art, et qui sut y ajouter encore le talent du graveur.
Il exécuta, dans la cathédrale de Bologne, une chapelle que Clément VIII, dit-on, déclara supérieure même aux plus belles de Rome.
Bologne compte de cet artiste plus d’un ouvrage et des plus recommandables. Tels sont celui de la douane, qui, dans son genre, n’a point son pareil ; celui de la Madona del Borgo su le mura, celui de la grande porte de l’hôtel-de-ville, où l’on plaça la statue de Grégoire XIII.
Mais ce qui mérite encore plus d’éloges, c’est le palais Magnani. Sa façade est décorée de deux ordres d’architecture, sans entablement qui les sépare : de-là un mérite d’unité harmonieuse. Ce palais est d’une dimension médiocre, mais la grande manière qui y domine, le fait paroître beaucoup plus étendu qu’il n’est. Il en est de même de sa cour qui, malgré sa petitesse, paroît très-spacieuse.
Cet habile architecte, né en 1541, mourut en 1588, et comme l’on voit, jeune encore, dans toute la force de son talent, et laissa beaucoup d’enfans. Il fut enterré dans l’église de l’Annonciade, à Bologne.
PELOUSE, s. f. Nom qu’on donne à un terrain couvert d’une herbe fine et menue : tels sont les tapis de gazon qu’on pratique dans les jardins et les parcs.
PENDANT. Ce mot se prend substantivement et adjectivement. On dit, en fait d’ouvrages d’art, faire un pendant, donner un pendant à un tableau, à une statue ; et l’on dit aussi qu’un objet fait pendant à un autre. Dans ce sens, un corps de bâtiment fait pendant à un autre corps de bâtiment, lorsqu’il est placé dans un rapport de distance, et composé dans un système de symétrie qui, soit en plan, soit en élévation, le répètent exactement.
PENDENTIF, s. m. C’est une portion de voûte entre les arcs d’un dôme, qu’on nomme aussi fourche ou panache, et dont l’espace se remplit par des figures sculptées, comme on le voit à l’église du Val-de-Grâce et à celle des Invalides à Paris. Dans d’autres coupoles, les pendentifs sont ornés de figures peintes, et tels sont, à Rome, ceux des églises de Saint-André della Valle et de Saint-Charles degli Catenari, ouvrage du Dominiquin. Les pendentifs du dôme de Saint-Pierre sont en mosaïque.
Pendentif de moderne. C’est la portion d’une voûte gothique, entre les formerets, arcs doubleaux, ogives, liernes et tiercerons.
Pendentif de valence. Espèce de voûte en manière de cul-de-four, rachetée par fourche. On les appelle de Valence, parce qu’on croit que le premier a été exécuté à Valence en Dauphiné.
PENDULE, s. f. On a donné ce nom à la boîte ou au cartel qui renferme le mouvement et le cadran d’une horloge à pendule. Parmi les formes sans nombre que le caprice de la mode a données aux pendules, il n’est pas rare d’eu trouver qui ont pris modèle sur le type des autels, des cippes, que les Anciens ornoient de profils, de moulures et d’accessoires divers. Cette forme, qui a l’avantage de se prêter commodément au mouvement du pendule, est encore susceptible de recevoir des allégories de tout genre, et comme elle présente aussi l’idée d’un piédestal, elle est très-propre à servir de support à tous les couronnemens qu’on peut imaginer.
PÊNE, s. m. (Terme de serrurerie.) C’est le morceau de fer qui, dans une serrure, ferme la porte, et que la clef fait aller et venir en tournant.
On dit pêne à ressort ou à demi-tour. C’est celui qui se lâche sans le secours de la clef.
Pêne dormant, celui qui ne se meut qu’avec le secours de la clef.
Pêne en bord, celui dont le bout est coudé en équerre ou en rond, pour faciliter la place des ressorts et des mouvemens de la serrure.
Pêne à pignon. Pêne qui se meut par le moyen d’un pignon fixé et tourné sur le palastre.
PENSÉE, s. f. Ce mot se dit, en architecture comme dans les autres arts, soit de la conception que fait l’artiste d’au plan ou d’une élévation d’édifice, et qui n’est encore que dans son imagination, soit du trait léger qu’il en trace sur le papier, pour en fixer les masses principales et l’ensemble, avant de mettre au net et de soigner, par un dessin plus formé, chacune des parties.
On dit, ouvrage qui manque de pensée, celui dans lequel l’auteur n’a reproduit que des réminiscences d’autres ouvrages, ou un parti commun et vulgaire.
On dit, ce fut une grande pensée à Bramante de placer sur les reins des voûtes du temple de la paix, la coupole du Panthéon.
PENTAGONE, s. m. Figure qui a cinq côtés et cinq angles. Le mot devient aussi adjectif, et l’on dit un bâtiment pentagone.
PENTE, s. f. Inclinaison peu sensible qu’on pratique sur divers genres de superficies, comme terrains, terrasses, pavés, pour faciliter l’écoulement des eaux, ou pour tout autre objet. Ainsi, on a vu plus haut que l’espace des théâtres que l’on nomme parterre (voyez ce mot) étoit disposé en pente, pour que les spectateurs placés les uns devant les autres ne se cachent point la vue de la scène.
Il y a des degrés de pente différemment fixés pour chaque genre de superficie, selon les besoins et les usages. La pente se règle à tant de lignes par toise courante, pour le pavé et les terres, pour les canaux des aqueducs, pour les conduits des égouts, pour les chéneaux et gouttières des combles.
On appelle contre-pente dans le canal d’un aqueduc ou du ruisseau d’une rue, l’interruption d’un niveau de pente causés par mal-façon ou par l’affoiblissement du terrain, en sorte que les eaux n’ayant pas leur libre cours, s’étendent ou restent dormantes.
Pente de chéneau. Plâtre de couverture, conduit en glacis, sous la longueur d’un chéneau, de part et d’autre, depuis son heurt.
Pente de comble. C’est l’inclinaison des côtés d’un comble, qui te rend plus ou moins roide sur la hauteur, par rapport à sa base.
PENTELIQUE (Marbre). Le marbre appelé ainsi a tiré son nom du mont Penteles près d’Athènes. Voyez Marbre.
PENTURE, s. f. (Terme de serrurerie.) Morceau de fer plat, replié en rond par un bout et creusé de manière à recevoir le mamelon d’un gond. On l’attache sur une porte ou sur un contrevent, avec clous rivés, pour les soutenir et les faire mouvoir sur leurs gonds, soit quand on veut les ouvrir, soit quand on les ferme.
Penture flamande. C’est une penture faite de deux barres de fer, soudées l’une contre l’autre, et repliées en rond, pour faire passer le gond. Après qu’elles sont soudées, on les ouvre, on les sépare l’une de l’autre, autant que la porte a d’épaisseur, et on les courbe ensuite carrément, pour les faire joindre des deux côtés de la porte.
On ornoit jadis les pentures de feuillages en tôle découpée ou ciselée ; aujourd’hui cela n’a guère lieu que pour les bâtimens communs.
PEONIUS, architecte grec qui eut l’honneur de terminer la construction du grand temple de Diane à Ephèse, et qui, avec Daphnis de Muet, construisit, dans la ville de ce nom, le temple d’Apollon Milésien, d’ordre ionique, et tout en marbre. Ce fut un des plus considérables ouvrages de l’architecture antique. Voyez Milet.
PEPERIN (Peperino). C’est le nom d’une pierre qu’on exploite dans les environs de Rome, et qui, de tout temps, a été employée dans les édifices anciens ou modernes de ce pays. Elle est d’un gris-noirâtre, et on la tire particulièrement des environs d’Albe (aujourd’hui Albano).
PÉPINIÈRE, s. f. (Jardinage.) Selon Ménage, ce mot vient de pepin. Cette étymologie paroît d’autant mieux fondée, que c’est souvent du pepin de certains fruits qu’on tire les jeunes plants qu’on élève.
Mais beaucoup d’arbres se plantent de plus d’une autre manière. Du reste la pépinière est un lieu ordinairement clos on de murs, ou de haies, qui sert à élever des plants d’arbres, d’arbrisseaux et de fleurs, sur plusieurs lignes, et on les sépare, selon leurs espèces, par des sentiers ou des rigoles.
Les grands jardins ont ordinairement des pépinières qui servent à l’éducation des jeunes plants dont on a toujours besoin pour remplacer les anciens. Ces pépinières forment des espèces de petits bois qui contribuent à l’agrément des jardins, en même temps qu’ils servent aux besoins de la culture.
PERCÉ, adj. et subst. masc. On applique, ou du moins on peut appliquer ce mot à toute ouverture qu’on pratique dans un mur, dans une devanture d’édifice. On dira d’un bâtiment, qu’il est bien ou mal percé, qu’il est trop ou trop peu percé, qu’il est percé régulièrement ou non. Cela ne signifie ordinairement rien autre chose, sinon qu’il y a une juste proportion, ou non, entre les pleins et les vides.
Percé devient aussi un substantif, et on emploie ainsi ce mot dans une multitude de cas. On dit, par exemple, dans la disposition d’un jardin, d’un paysage, qu’il faut y ménager ou pratiquer des percés.
Un percé, dans l’architecture, est une ouverture qui, pratiquée au bout d’une pièce, d’une galerie, d’une nef d’église, conduit les yeux au-delà du lieu où l’on est, fait découvrir un nouveau point de vue, et semble agrandir le local.
PERCEMENT, s. m. Nom général qu’on donne à toute ouverture faite après coup, pour la baie d’une porte ou d’une croisée, ou pour tout autre objet.
Les percemens ne doivent pas se faire dans un mur mitoyen, sans appeler les voisins intéressés a donner leur consentement. Voy. Mur mitoyen.
PERCHE, s. f. , signifie, dans son acception la plus ordinaire, un brin de bois long, de la grosseur à peu près du bras, et qui sert à toutes sortes d’usages.
Perche est une mesure qui, sans doute, aura reçu ce nom, dans l’arpentage des terrains, du morceau de bois primitivement employé pour arpenter.
Perches. On appelle de ce nom, au pluriel, dans l’architecture gothique, certains petits piliers ronds, menus et fort hauts, qui, joints ou rapprochés par trois ou cinq ensemble, portent de fond, et se courbent dans leur sommité, pour former les arcs et nerfs d’ogives, qui retiennent les peudentifs.
PERIBOLOS (Péribole). Enceinte bâtie autour des temples dans l’antiquité, et qui comprenoit la totalité du terrain sacré.
Les premiers temples consistèrent dans un espace de terrain consacré, qu’on appeloit hiéron. Ce terrain étoit plus ou moins étendu : il paroit qu’on dut souvent se contenter, à la naissance des sociétés, d’environner d’un mur l’espace au milieu duquel étoit placé l’autel où se faisoient les sacrifices. Voyez Temple.
La construction des édifices sacrés suivit bientôt ; et qui sait si ce qu’on appelle temple ou naos ne fut pas originairement la même chose que le peribolos, c’est-à-dire, l’enceinte plus ou moins étendue du lieu sacré où étoit l’autel.
Dans cette hypothèse, la grandeur et l’étendue des temples, auraient pu dépendre de la grandeur de l’espace originaire de terrain consacré, formant, à proprement parler, le lieu saint ou l’hiéron, qui ne signifie pas autre chose.
Ce qu’on doit croire, et ce qu’il est même permis d’affirmer, c’est que rien n’a jamais pu déterminer une mesure précise à l’étendue du lieu saint primitif. Une multitude de causes locales et morales dut établir et établit réellement, en ce genre, les plus grandes et les plus nombreuses différences. Tous les temples antiques témoignent de ces variétés, et elles dûrent avoir lieu particulièrement dans l’intérieur des villes.
On pourroit donc classer tous les temples de l’antiquité, d’après les données de cette théorie.
Dans la première classe auroient été ceux qui ne consistoient qu’en un espace de terrain vide, sans construction. C’étoit le terrain sacré, sur lequel on ne pouvoit empiéter sans sacrilège.
Bientôt l’on sentit la nécessité d’entourer de murs ces espaces, pour les défendre de toute violation, et l’on bâtit des murs à l’entour. Ce fut là l’origine du peribolos, architecturalement parlant, qui constitua dans la suite la plus grande el la plus magnifique espèce de temple.
Mais le peribolos proprement dit, fut lui-même quelque chose de très-variable, à entendre le mot et l’idée dans le sens simple.
Ainsi, lorsque l’espace sacré ou l’hiéron étoit fort circonscrit et qu’on eut bâit à l’entour un mur, on eut non plus un champ muré, mais un bâtiment qu’il fut naturel de couvrir, et de-là la troisième classe de temple formant un naos, qui n’étoit lui-même que la clôture de l’hiéron. Ce sont là les temples qu’on a pu comparer à une maison, avec une porte d’entrée, et si l’on veut avec un pronaos ou vestibule, et qui renferimoit le terrain sacré.
Si l’on veut supposer ce terrain sacré ou cet hiéron plus étendu, on aura une quatrième espèce de temple, celle des édifices, qu’on peut diviser en plusieurs classes d’ordonnances, qu’on connoît sous les noms de temples prostyles, amphiprostyles, pseudopériptères, périptères, diptères (voyez tous ces mots), où le peribolos est composé de murs soit lisses, soit avec des colonnes engagées, ou bien orné de colonnes isolées, c’est-à-dire, avec un ou deux rangs de galeries ambiantes.
Dans les données de ce système, et en supposant la terre sacrée, ou l’hieron, d’une plus vaste étendue, on aura une cinquième espèce de temples, celle où l’édifice, tel qu’on vient de le décrire, se trouve au milieu de l’espace, entouré lui-même d’un mur orné de colonnes, faisant un promenoir tout à l’entour, et qu’on appela proprement peribolos.
Nous savons que beaucoup de temples antiques, mais surtout les plus grands, furent ainsi environnés d’un péribole formant une très-vaste place.
Cette place étoit ordinairement ornée de statues, d’autels et de monumens de tout genre : quelquefois elle comprenoit de plus petils temples, et elle renfermoit encore des plantations et des bois sacrés.
Le péribole du temple de Jupiter Olympien à Athènes, qui fut terminé sous le règne d’Hadrien, avoit quatre stades de circonférence. On y comptoit un grand nombre de statues consacrées à cet Empereur, par les villes de la Grèce qui avoient été l’objet de ses libéralités. Là se trouvoient d’anciennes statues, telles qu’un Jupiter en bronze, un petit temple de Saturne et de Rhéa, un emplacement particulier qui portoit le nom d’Olympia, et qui probablement étoit planté d’arbres.
ll y avoit un semblable péribole autour des temples suivans ; savoir, le temple de Bacchus à Athènes, celui de Palaemon sur l’isthme de Corinthe, les temples d’Hercule et d’Esculape à Sicyone, celui de Cérès sur l’acropole à Phlius, celui de Despoina à Acacestium en Àrcadie, celui d’Esculape à Titane : il étoit environné de vieux cyprès.
Le temple d’Apollon Didyméen, près de Milet, avoit un péribole et un bois sacré.
Les temples circulaires avoient aussi quelquefois leur péribole, et tel se montre encore le temple qu’on appelle de Jupiter Serapis à Pouzzol.
Pausanias cite beaucoup de temples avec des bois sacrés. Il est à croire que ces bois avoient un mur d’enceinte ou péribole. Peut-être aussi l’usage n’en étoit pas impérieusement prescrit.
On voit encore aujourd’hui en toute réalité un péribole au temple d’Isis à Pompéii. La seule différence entre ce péribole, et ceux qu’on vient de citer, c’est que le petit naos, au lieu d’être dans le milieu de l’enceinte, est à une extrémité, c’est-à-dire, attenant à une des parties du carré formé par elle. On trouve de même dans cette enceinte des autels, et une œdicula parfaitement conservée.
Mais le plus notable exemple de péribole, est à Palmyre, où le grand temple periptère est environné d’une enceinte formée d’un mur avec deux rangs de colonnes intérieures. Chaque face de ce vaste carré a de 7 à 800 pieds de longueur. Voyez Palmyre.
PÉRIDROME, s. m. C’est le nom qu’on donne, dans un temple périptère, à l’espace ou à la galerie, et si on l’aime mieux, à l’allée qui règne entre le mur du naos et les colonnes qui en forment ce que les Grecs appeloient les ailes. Le mot péridrome peut également, d’après sa formation, s’appliquer à toute galerie servant de promenoir autour d’un édifice.
PÉRIPHÉRIE, s. f. signifie contour.
PÉRIPTÈRE (adj. des deux genres). Ce mot se compose de deux mots grecs, pteron, qui veut dire aile, et péri, qui signifie autour.
Périptère signifie donc qui a des ailes à l’entour, qui est entouré d’ailes. C’est que, comme on a eu déjà l’occasion de le dire, et comme on le redira au mot Pteron, le dessin d’un temple périptère grec, considéré soit en plan, soit en élévation, donnoit l’idée d’un corps ailé. Les galeries on colonnes qui l’entourioient, sembloient en être les ailes.
Le mot périptère caractérise une des espèces de temples grecs, dont le naos ou la cella étoit environné d’un seul rang de colonnes, pour le distinguer de celui qui en avoit deux, et qu’on appeloit diptère (voyez ce mot), ou de celui qui n’avoit que des colonnes engagées dans le mur, qu’on appeloit faux-périptère, pseudo-périptère, ou de celui qui avoit des colonnes engagées dans le mur, et un rang de colonnes engagées : c’étoit le pseudo-diptère. Voyez ces mots.
Rien de plus commun parmi les restes des temples grecs, que le temple périptère. Il suffira de citer ici ou de rappeler à la mémoire les temples de Minerve et de Thésée à Athènes, tous les temples de la Sicile et de la grande Grèce, qui sont d’ordre dorique. On voit, à Palmyre, un temple périptère d’ordre corinthien.
Les usages des temples chrétiens ayant fait adopter, comme on l’a dit plus d’une fois, la forme de la basilique antique, où les colonnes se trouvoient plus naturellement appliquées aux intérieurs, il n’a guère pu venir dans l’idée des architectes modernes d’imiter les temples des Anciens, où tout le luxe de l’architecture sembloit réservé pour l’extérieur. Aussi à peine trouveroit-on à citer jusqu’à cette époque un monument périptère moderne.
Cependant Paris voit en ce moment sur le point d’être terminés, dans cette configuration, deux édifices fort remarquables, et qui sont réellement périptères. L’un est l’église de la Madelaine, qui offre dans de très-grandes proportions un magnifique peripteron d’ordre corinthien ; l’autre est l’édifice de la Bourse, monument également périptère, et qui ne differe du temple que par l’absence de frontons. Son ordre est aussi corinthien.
Quelques critiques pourront trouver à redire que le même type d’architecture et d’ordonnance soit employé à deux édifices si divers dans leur destination, et qui sembleroient avoir dû exiger un caractère spécial. Ces critiques pourront avoir raison ; mais là où aucun système régulier et protégé par un pouvoir capable de le mainteuir, ne préside à la construction des édifices, l’architecte indépendant ne voit dans la conception d’un monument, que l’occasion de faire montre de son talent, et les ordonnateurs ne considérant dans une sorum ou l’autre à donner aux édifices, qu’un degré de luxe ou de richesse plus ou moins en rapport avec les sommes qu’on peut y employer, on ne doit guère s’étonner qu’il n’y ait pas de règle, là où il n’y a point de régulateur moral.
On peut dire encore, pour excuser ou faire approuver cette confusion de caractère, résultat de la confusion des types en architecture, que les raisons qui sont de telle ou elle disposition une application spéciale à tel ou tel édifice, n’ont jamais le pouvoir de soumettre le goût d’une manière absolue, et de le forcer à reconnoître des limites. Ainsi pourra-t-on prétendre que tout édifice qui est destiné à recevoir beaucoup de personnes, ayant le besoin de converser ensemble, exige naturellement de ces espaces, qui leur procurent la facilité de circuler à couvert, et que de ce genre est l’édifice de la Bourse.
PÉRISTYLE, s. m. Mot composé, comme le précédent, de deux mois grecs, péri (autour) et stulos (colonne). Ainsi il désigne aussi l’édifice qui a un entourage de colonnes.
La distinction que quelques-uns ont cherché à établir entre la signification du mot périptère et celle du mot péristyle, ne paroît pas trop fondée. Selon cette opinion, le péristyle ne se diroit que de l’édifice qui auroit des colonnes isolées dans son pourtour intérieur. De tout temps, ceux qui ont décrit des monumens ont plutôt suivi les usages du langage ordinaire, que les raisons d’une analyse systématique, à laquelle les mots eux-mêmes ne se sont jamais soumis.
Il nous paroit donc assez inutile de rechercher si les écrivains anciens ont réellement, ou non, observé la distinction dont on parle. Il suffit qu’aujourd’hui il soit certain qu’on applique le mot péristyle à des compositions, à des ensembles de colonnes placées tantôt au dehors, et tantôt au dedans d’un édifice.
Il y a plus : en prenant à la rigueur l’étymologie du mot qui signifie colonnes à l’entour, il seroit encore faux que beaucoup de ces réunions de colonnes qu’on appelle péristyles, selon l’usage, puissent se prendre pour des colonnes qui environnent un édifice.
On se sert effectivement du mot péristyle, et l’on appelle de ce nom, ce qu’on devroit appeler un prostyle. Tel seroit (si la grammaire et l’élymologie avoient le pouvoir de disposer de la formation des mots) le nom qu’il faudroit donner à cette partie des temples que les Grecs nommoient temples prostyles, qui n’avoient qu’un seul frontispice orné de colonnes. Cependant on dit lepéristyle du Panthéon à Rome, le péristyle de Saiute Geneviève à Paris. On dit aussi le péristyle du Louvre, en parlant du célèbre frontispice que Perrault a élevé à la façade antérieure de la cour et du palais du Louvre. On a deja parlé de cet ouvrage au mot Accouplement, et on en trouvera une nouvelle mention au mot Perrault.
Rien, comme on voit, ne conviendroit moins que cette dénomination à la colonnade qui sert de promenoir extérieur ou de galerie couverte à cette façade, s’il falloit la restreindre à toute disposition d’ordonnance intérieure de colonnes.
Nous devons dire toutefois que le mot péristyle, tel qu’on le trouve employé dans les description, faites par les anciens historiens, des monumens de l’antique Egypte, convient fort bien, d’après la formation du mot, à ces grandes cours qui se succèdent dans les temples égyptiens, et dont les murs intérieurs offrent en avant des files de colonnes faisant galeries ou promenades tout à l’entour. C’est que par le mot péri, autour, il ne faut pas seulement entendre le circuit extérieur d’un bâtiment. Des colonnes peuvent régner tout autour de l’intérieur d’une cour, ou d’un grand espace fermé par un mur.
Ainsi avons-nous vu les périboles des grands temples grecs (voyez Péribole) recevoir dans leur périphérie des rangées de colonnes, qu’on doit véritablement appeler péristyles ; et de ce nom, sans doute, nous pouvons aussi appeler dans les palais ou autres édifices publics, ces cours autour desquelles circulent des galeries couvertes, formées de colonnes isolées.
Comme l’usage qui fait les langues et assigne à chaque chose son nom, précède toujours l’analyse raisonnée de la signification que chaque mot devroit avoir, nous devons dire qu’il en a été ainsi à l’égard du mot péristyle. Certainement si l’on considère cette partie de la colonnade régnante autour d’un temple, et qui se trouve placée au frontispice antérieur et postérieur de ce temple, cette partie, disons-nous, appartenant à la colonnade appelée peristylium, dut aussi naturellement porter le nom du tout : de-là sera venu l’usage de lui continuer ce nom, même lorsque l’édifice n’aura plus eu de colonnes dans tout son pourtour.
Ainsi, il est établi qu’on peut appeler péristyle le frontispice en colonnes d’un temple, et peut-être ce mot vaut-il encore mieux que celui de portique dont on se sert assez souvent, quoique la composition du mot indique, ou simple-plement une entrée par une porte, ou ces arcades qui ont la forme de portes, et qui se composent de piédroits ornés de colonnes adossées ou engagées. Voyez Portique. PERLE, s. f. On donne ce nom à de petits grains ronds qui ressemblent à des perles, et qui forment, sur les petits membres d’architecture où on les taille, ce qu’on appelle aussi des chapelets. Voyez ce mot.
PERPENDICULAIRE (adj. des deux genres), se dit de ce qui pend à-plomb, de ce qui tombe à-plomb.
PERRAULT (Claude), né en 1613, et mort en 1688.
Il naquît à Paris ; son père, avocat au Parlement, l’avoit destiné à la médecine : il l’étudia, et reçut le titre de docteur de la Faculté de Paris, Faut-il attribuer ou à son peu dé goût, ou au manque de science et de succès, l’abandon qu’il fit de cette profession ? Il semble que ce fut une cause de ce genre qui donna lieu à l’épigramme de Boileau : on sait que ce poëte l’eut en vue, dans la peinture de celui qui d’ignorant médecin devint bon architecte. N’ayant ici à considérer Claude Perrault que sous le rapport de l’architecture, nous n’entrerons dans aucun des détails de sa vie et des controverse qui le mirent en rapport avec Boilean.
Il est certain qu’il eut des connoissances fort variées dans plus d’un genre, et ce fut comme littérateur qu’il s’initia aux études de l’art de bâtir.
La France ne faisoit que commencer à recevoir l’impulsion des grands ouvrages et des écoles de l’Italie. Déjà, sans doute, Pierre Lescot, Philibert Delorme, Ducerceau et plusieurs autres avoient fait revivre dans quelques édifices les méthodes et le goût de l’art des Anciens. Mais le goût ne pouvoit pas changer aussi promptement et aussi généralement en architecture, que dans les autres arts, et surtout ceux de la littérature. D’innombrables châteaux empreints à différens degrés de ce style du moyen âge, qu’on appelle gothique, et formés par et pour les mœurs du temps, opposoient une puissante résistance à l’introduction d’une manière inconciliable avec leurs plans, leurs dispositions et leurs élévations. Tous ces châteaux étoient une réunion de tours, de massifs, de tourelles, de parties sans liaison, découpées par des murs couronnées par des combles d’une hauteur démesurée ; toutes choses qui ne pouvoient s’allier avec le système des ordres et des ordonnances régulières des colonnes.
Tel avoit été le château des Tuileries, déjà fort modifié par Ducerceau et Delorme ; tel étoit le château du Louvre, auquel Pierre Lescot avoit aussi fait subir un changement de plan et d’élévation, du moins dans la quatrième partie du carré actuel de sa cour. Pour le dire en un mot, la connoissance de l’architecture antique étoit celle de quelques architectes, qui en avoient fait pour eux, en Italie, des études particulières, mais elle n’avoit pu agir encore sur les usages et sur l’opinion générale.
Colbert, occupé du soin d’éveiller sur tous les genres de connoissances et de recherches, la curiosité des Français, chargeoit les Académies qui venoient d’etre créées, de l’exploration des sources antiques, d’où devoient se répandre de toutes parts de nouvelles lumières. Perrault fut chargé de traduire en français Vitruve, dont il n’existoit encore que des commentaires incomplets. L’entreprise étoit alors des plus ardues, surtout pour un homme qui n’étoit pas sorti de France, et qui n’avoit pu confronter aux monumens même de l’antique architecture, les notions souvent obscures de l’architecte romain. Sans aucun doute la traduction de Perrault a été surpassée en bien des points, et ce n’est plus aujourd’hui chez lui, qu’on ira chercher les interprétations des passages les plus difficiles, et surtout les notions les plus précises sur l’esprit et les détails d’une multitude d’objets relatifs soit aux usages, soit aux matériaux, soit a la construction, soit au style et à la composition de beaucoup de monumens. Pour bien traduire Vitruve, il faut être en même temps capable de le bien commenter. Il faudroit donc réunir les tasen pratiques de l’artiste aux connoissances du philologue et aux recherches posititives de l’antiquaire. Depuis lui, et en profitant même de ses erreurs, plusieurs traducteurs de différens paya ont de beaucoup surpassé son travail, sans qu’on puisse dire qu’il ne reste pas encore a faire mieux et à faire plus.
Ce seroit à la France, qui a ouvert en quelque sorte la route, que sembleroit devoir être réservé l’honneur de poser le but. Mais il y faudra jours une condition assez difficile à obtenir ; celle d’une alliance bien rare de deux sciences, de deux talens chez le même homme, ou la réunion plus rare encore de deux hommes, l’un savant, érudit et versé dans les connoissances archéologiques ; l’autre artiste et dessinateur habile : car c’est autant par des dessins une par des notes, qu’il faut interpréter et Vitruve.
C’est là ce que Perrault avoit fait, et quoi-qu’on doive dire des planches et des dessins exécutés à grands frais, dont il accompagna sa traduction, qu’ils laissent beaucoup à desirer, il faut toutefois beaucoup plus admirer ce qu’ils offrent de vrai, de judicieux et d’applicable au texte, que s’étonner de ce qui leur manque, surtout quant au caractère, à la physionomie, au style précis des monomens décrits, et que Perrault n’avoit pu counoitre par lui-même.
Il falloit, sans doute, être déjà architecte, pour faire, sur Vitruve, le travail auquel il se livra : un peut croire cependant que ce grand ouvrage, qui dut être le fruit de beaucoup d’années, aura été ce qui fit de Perrault un architecte.
Naturellement de telles études dûrent le porter à voir l’architecture en grand, à concevoir des idées élevées, à s’occuper de cet art, sous les rapports qu’il doit avoir avec les monumens, avec la magnificence de la décoration, avec les qualités qui constituent le caractère de chaque édifice. Perrault n’étoit pas, dans le fait, architecte de profession ; il devoit passer plutôt pour théoricien que pour artiste.
A cette époque Louis XIV, voulant éveiller dans sa nation le génie de tous les arts, songeoit à s’illustrer par les plus hautes entreprises dans l’art qui amène tous les autres à sa suite, l’architecture ; il forma le projet, dirons-nous, de continuer, de terminer, et ne dirons-nous pas plutôt de refaire le Louvre, projeté trop en petit sous Henri III, qui n’avoit conçu, par le plan de Pierre Lescot, que le quart du projet actuel. C’étoit, comme on l’a fait entendre, un amas de masses discordantes dans leur proportion, leur forme, leur disposition, résultat d’entreprises partielles, et qui ne pouvoient être subordonnées a un raccordement régulier.
Il falloit prendre un grand parti, il falloit refondre dans un plan nouveau et soumettre à un dessin général, tout ce qui pouvoit se conserver ; et il ne s’agissoit pas seulement d’établir cette uniformité dans l’intérieur de la cour, il convenoit encore qu’une même ordonnance régnât à l’extérieur. Rien n’a mieux prouvé que ce monument, combien les grandes entreprises d’architecture ont de peine à parvenir à se compléter. Après trois siècles de travaux successifs, de projets, de reprises, etc. , le palais du Louvre, qu’il faut regarder aujourd’hui comme terminé, a encore un des côtés intérieurs de sa cour différent des trois autres, et de ses quatre faces extérieures, il n’en est pas deux qui se ressemblent.
Il n’y avoit point alors d’architecte en crédit à Paris, et il y avoit à Home un artiste d’un talent universel, dont la renommée avoit porté le nom dans toute l’Europe, le célèbre Bernin (voyez à l’article Bernin) le Roi le demanda, le reçut avec beaucoup de distinction : ou connoît le succès qu’ent cette démarche.
Il, n’est pas vrai, comme on l’a prouvé à l’article Bernin, que le péristyle du Louvre par Perrault eût existé en réalité, quand Bernin vint à Paris. A peine peut-on supposer que le projet eût été connu de l’artiste italien ; mais ce qui paroît constant, n’est que toutes les circonstances contribuèrent à exciter l’ambition et le génie de Perrault. Sollicité par son frère, il ne put résister au desir d’essayer ses forces sur un sujet dans lequel, libre des sujétions d’un programme donné, il put n’écouter que les inspirations de son goût.
Si Perrault eût été plus architecte de profession qu’il ne l’étoit, s’il eût rapporté ses conceptions aux besoins de son temps, aux sujétions de son pays, aux calculs pécuniaires, aux convenances locales, et aux usages d’un palais d’habitation, il est probable qu’il n’eût jamais projeté son péristyle ; mais il vit son sujet en homme habitué à saisir ce qu’on peut appeler le côté poétique d’un édifice. Le palais du grand Roi d’un grand empire lui parut demander, comme un temple, ce luxe extérieur de colonnes, de frontispices, qui saisir l’admiration du spectateur, et le porte à se former une grande idée du maître qui l’occupe.
Le péristyle du Louvre, tel surtout qu’il sortit des mains de Perrault (et avant qu’on y eût ouvert les fenêtres qui aujourd’hui sout percées sous la colonnade), n’est réellement qu’un modèle idéal de portail, de devanture sans emploi usuel, propre uniquement à annoncer la majesté du prince et de sa cour.
Après le départ de Bernin, l’attention se reporta sur le projet de Perrault. Pour mettre plus de maturité dans cet examen, ou forma un conseil des bâtimens, composé du premier architecte, de Lebrun et de Perrault ; Charles Perrault son frère en fut nommé secrétaire ; Colbert présidoit les séances, qui avoient lieu deux fois la semaine. C’étoit une nouveauté que des colonnes unies par des plates-bandes composées de claveaux, et l’on craignoit la poussée des plafonds sur les colonnes. Pour se rendre compte des moyens d’exécution, il fut résolu de construire en petit un modèle du péristyle, avec autant de petites pierres qu’il devoit en entrer de grandes dans l’édifice et de les retenir avec des barres de fer proportionnées à la mesure qu’elles auroient en grand. L’exécution de ce modèle rassura sur les difficultés qui avoient été le sujet de l’objection principale. On se convainquit que le fer employé à retenir la poussée des architraves, n’avoit pas, dans cet emploi, les inconvéniens qu’il a lorsqu’on lui donne celui de soutenir.
L’ouvrage enfin fut entrepris, et malgré ce qu’on peut y reprocher, c’est toujours, il faut le dire, une grande et magnifique conception.
Ajoutons qu’en le considérant sous le simple rapport d’architecture, on doit à Perrault la justice d’y avoir fait revivre avec une grande habileté, la justesse et la beauté des proportions antiques, d’y avoir porté la pureté des profils, l’élégance des formes et des ornemens, la correction des détails, le sini de l’exécution, à ce point auquel on ne sauroit dire qu’aucun grand édifice soit arrivé depuis.
Nous avons traité ailleurs (voyez Accouplement) des autres considérations, sous lesquelles on peut ou louer, ou blâmer, ou excuser plus d’un objet de cette composition, et nous renvoyons le lecteur à cet article. Du reste, il seroit à souhaiter que tout l’extérieur du Louvre ait été achevé dans la disposition et selon l’ordonnance de la façade de ce grand palais du côté de la rivière. Il y régneroit entre toutes les parties un accord qu’il faut aujourd’hui désespérer d’obtenir jamais.
Perrault, auquel ses connoissances variées avoient ouvert, l’Académie des sciences, devoit naturellement devenir l’architecte d’un monument que le Roi vouloit consacrer aux études astronomiques. Il dut en faire les plans, et en régler les dispositions sous la dictée de l’Académie. Nous voulons parler de l’Observatoire, dont on a déjà donné la description. Voyez Observatoire.
Il ne nous reste ici à en parler que sous le rapport du talent de l’architecte, et du style ou du caractère de l’architecture. Quant à ce qui regarde la construction, on en a déjà vanté la solidité, le bel appareil, et le soin apporté dans toute les parties qui peuvent en assurer la durée. Mais nous trouvons (à l’article Perrault de la Biographie universelle) une censure de ce monument qui nous paroît injuste. On l’accuse d’avoir un style lourd, et on parle de défauts qui frappent tous les yeux. Cette critique étant une critique de goût, nous croyons pouvoir en juger autrement.
Si Perrault, comme on l’a dit, eut en architecture un mérite, ce fut certainement de saisir dans la conception de ses ouvrages, cette qualité qui repose sur l’idée poétique ou morale, que l’imagination donne à chaque édifice, et qui en doit manifester la destination. C’est ce qu’on appelle donner le caractère. C’est ce qui fait qu’un genre d’édifice ne doit pas ressembler à un autre genre d’édifice ; de telle sorte que ce qui sera propre à l’un, deviendra impropre dans un autre, et que ce qui seroit ici lourdeur, là doit passer seulement pour simplicité et sévérité. Qu’est-ce que Perrault se proposa dans le caractère donné à son Observatoire ? de bien prononcer son emploi, en faisant d’abord qu’on ne puisse pas le prendre pour un bâtiment d’habitation, en faisant ensuite que l’on comprît, qu’il avoit pour objet d’offrir aux observateurs une grande plateforme dans son sommet. Toute apparence de comble ou de toit eût donné le démenti à cet objet. Or, sans aucun doute, tout manque de couronnement qui fait pyramider un édifice, doit lui donner une apparence qui est l’opposé de celle de la légèreté. Si, comme on n’en peut douter, cela contribue à donner à la masse de l’Observatoire, une apparence de lourdeur, ce prétendu défaut nous paroît y être un mérite.
Nous avons déjà remarqué que les très-grandes ouvertures dont l’édifice est percé, conviennent au moins pour l’apparence, seule chose dont il s’agit ici, à la destination positive d’un observatoire. Nous ne pouvons qu’y louer encore la simplicité de son extérieur, et il nous semble que tout luxe de colonnes ou d’ordonnances y eût été déplacé.
La gloire de Perrault, comme architecte, se fonde encore sur un autre monument, où certainement il eût fait preuve de beaucoup d’imagination, s’il lui eût été donné d’en suivre et d’en régulariser l’exécution. On veut parler du grand arc de triomphe élevé à Louis XIV, dont il nous a conservé le dessin, et dont il ne fit que jeter les fondemens. Ce monument qui devoit orner l’entrée de la grande rue du faubourg Saint-Antoine, fut comme par manière d’essai, et apparemment pour en faire mieux juger, ébauché en plâtre. Il arriva en cette occasion, ce qu’on a vu arriver plus d’une fois. La curiosité satisfaite éteignit le zèle des ordonnateurs. D’autres projets attirèrent ailleurs les ressources de l’Etat ; ou travailla avec moins d’ardeur, et bientôt on finit par abandonner cette entreprise, par détruire même ce qui avoit été déjà exécuté.
Ce fut sur les dessins de Perrault qu’on exécuta la grotte de Versailles, l’allée d’eau, et plusieurs ornemens des jardins. Il fit même un projet pour substituer un nouveau bâtiment, au petit château bâti par Louis XIII, que Louis XIV voulut absolument conserver.
Perrault composa plusieurs ouvrages qui attestent la variété de ses connoissances. Il publia quatre volumes d’essais de physique, qui ont aujourd’hui peu d’intérêt, et plusieurs mémoires pour servir à l’histoire naturelle. Outre sa traduction de Vitruve, on a de lui un abrégé du même auteur, pour l’instruction des jeunes architectes, ainsi qu’un traité de l’ordonnance des colonnes. Enfin on trouva après sa mort, parmi ses manuscrits, un recueil de machines imprimé depuis, et qu’on peut consulter avec fruit.
On prétend que Perrault mourut des effets de la putridité occasionnée par un chameau, à la dissection duquel il assistoit.
Indépendamment des hommages que l’Académie des sciences rendit à sa mémoire, la Faculté de médecine fit placer son portrait dans le lieu de ses séances, à la suite de ceux des médecins célèbres de tous les temps, qui avoient le mieux mérité de la science et de l’humanité. Non moins juste que les contemporains, la postérité a conservé à l’auteur de la colonnade du Louvre, au savant traducteur de Vitruve, un rang distingué parmi les hommes qui ont illustré le siècle de Louis XIV.
PERRON, s. m. Lieu élevé, à découvert, et en dehors d’une maison, d’un édifice quelconque, lequel est composé d’un petit nombre de marches, soit construit par encorbellement, de manière à former une sorte de voûte, soit établi sur un massif pour conduire à un étage exhaussé au-dessus du sol, ou pour communiquer à quelque terrasse dans un jardin.
Ou donne aux perrons différens noms, selon la forme de leur construction.
Perron a pans est celui dont les encoignures sout coupées.
Perron cintré. Perron dont les marches sont rondes ou ovales. Il y a de ces perrons qui ont une partie de leurs marches convexes, et l’autre partie est concave. Cela forme dans le milieu un palier circulaire.
Perron double. On appelle ainsi celui qui a deux rampes égales, qui tendent à un même palier, comme celui de la cour du Capitole à Rome ; ou celui qui a deux rampes opposées pour arriver à deux paliers, comme celui de la Cour des fontaines à Fontainebleau. Il y a des perrons doubles qui ont ces deux dispositions de rampes en sorte que par un perron carré, on monte sur un palier, d’où partent deux rampes opposées, qui conduisent chacune à un palier rectangulaire : de ce palier on monte par deux autres rampes à un palier commun. On voit de ces perrons au jardin des Tuileries, et ils sont du dessin de le Nôtre.
Perron carré. Perron qui est d’équerre, comme est celui qui est en avant du péristyle de l’église de la Sorbonne, dans la cour, à Paris, ou celui qui est établi au-devant du portail de Sainte-Geneviève. Tel est encore celui de l’église du Val-de-Grâce.
PERSE-PERSANNE (Architecture). On peut traiter de l’architecture d’un peuple, faire l’analyse de ses principes, de ses pratiques, de ses formes, et de ce qui constitua ou ses usages, ou les habitudes que diverses sortes de besoin lui firent prendre, lorsqu’un nombre de monumens élevés en différens temps, qui se sout succédé pendant des siècles, ou qui furent consacrés à plus d’une sorte d’emplois, mettent à portée d’y établir l’espèce de critique dont l’art de bâtir est susceptible.
Comment essayeroit-on de faire et de communiquer aux autres une idée de l’architecture persanne d’après le peu qu’on en connoît ? Qu’est-ce qu’un reste d’édifice unique, lorsqu’on ignore même l’époque précise à laquelle il fut construit, s’il ne le fut point par des artistes étrangers au pays, quelle fut sa destination, si son goût fut le goût natif du pays, ou ne fut pas un mélange d’idées, de styles, de manières étrangères à ce pays ?
« Ce qui nous reste de l’architecture des Persans (a dit Winckelmann dans son Histoire de l’art), prouve qu’ils étoient grands a mateurs d’ornemens. Il les prodiguoient outre mesure, défaut qui faisoit perdre beaucoup de la majestueuse grandeur de leurs bâtimens. Les grandes colonnes de Persepolis ont jusqu’à quarante cannelures, mais larges seulement de trois pouces. Les colonnes grecques au contraire n’en avoient que vingt-quatre, mais fort larges, et qui excédoient quelquefois la largeur d’un palme. Ce n’étoit pas assez au goût des Perses de multiplier ainsi les cannelures sur leurs colonnes. Cet ornement ne leur suffison pas ; y joignoient encore des figures en relief, dont ils ornoient le haut de ces colonnes. »
Ces détails, Winckelmann les tenoit des dessins faits d’après le fragment d’édifice de Tchelminar, l’antique Persepolis. C’est peut-être assez pour des conjectures générales sur le goût des Persans, qui très-surement dûrent porter dans leur art et dans l’architecture surtout cet instinct de caprice, cet amour de marveilleux commun à toute l’Asie, et que nous avons déjà caractérisé à l’article Asiatique (Architecture).
Mais s’il y en a assez des ruines de Persepolis pour montrer que les Perses, comme tous les autres peuples de l’Asie, furent dominés plutôt par cet instinct de l’imagination qui ne connoît point de règles, ou par celui de la routine qui obéit en esclave à ce qui a déjà été, que par l’esprit d’imitation qui cherche dans les œuvres de la nature ou des modèles, ou des principes, ou des raisons, on conviendra qu’il faut s’en tenir à une théorie générale à leur égard. Des applications plus particulières ne sauroient former qu’un système sans point d’appui.
On a pu raisonner sur l’architecture de l’Egypte, sur celle de l’Inde, sur celle de la Chine. On a pu de leurs nombreux ouvrages déduire pour conséquence, que telle fut leur manière de construire, de disposer, d’orner les édifices ; que telles ou telles formes, tels ou tels plans, tels ou tels détails, s’appliquoient d’une manière constante à un genre ou à un autre de monumens. On a pu chercher et peut-être indiquer avec quelque vraisemblance le principe originaire de leur manière de bâtir, c’est-à-dire, la cause première qui, selon le besoin du climat, d’après les habitudes sociales, en vertu des matériaux, et eu égard soit aux mœurs, soit aux constitutions politiques ou religieuses, aura donné aux travaux cette direction, d’où résulte ce qu’on peut appeler le caractère ou la physionomie d’une architecture.
Il n’en sauroit être ainsi par rapport à la Perse. On doit avouer qu’on manque des élémens nécessaires, pour généraliser une semblable théorie à son égard. Réduits à la connoissance d’un seul reste échappé à la destruction d’un seul de ses monumens, nous, nous contenterons de faire connoître ce fragment curicux d’après les descriptions des voyageurs, et nous laisserons à chacun le soin d’en déduire les conséquences relatives à ce qui put former le style habituel de ce pays dans l’art de bâtir. Voyez Persepolis.
PERSEPOLIS. Corneille Bruyn avoit déjà publié quelques détails sur les ruines célèbres de cette ville, auxquelles on donne le nom de Tchel-Minar, ainsi que Nieburg nous l’apprend. Or, ce nom signifie les quarante minarets ou colonnes.
Ces colonnes, continue Corneille Bruyn, sont toutes cannelées de la même manière. Le fût des unes est de trois, et celui des autres est de quatre pièces, sans compter le chapiteau qui est de cinq morceaux et d’un ordre qui diffère de tous les ordres d’architecture connus. Il y a des écrivains qui prétendent que quelques-uns de ces chapiteaux sont formés de figures de chevaux ailés d’une grandeur extraordinaire, et qu’ils couronnent les deux colonnes qui sont auprès des deux portiques, à côté de l’escalier de la façade de l’édifice. Il y en a même un qui soutient l’avoir vu de ses propres yeux, sans marquer en quelle année ; il ne fait cependant aucune mention des chameaux qui sont sur d’autres colonnes. C’est pourtant une cose que je puis affirmer, puisqu’on en voit un à genoux sur une des neuf colonnes sans chapiteaux qui sont à côté les unes des aues. A la ve, ce chameau est fort endommagé ; mais on ne laisse pas de voir une partie de son corps et les pieds de devant, avec plusieurs ornemens semblables à ceux des animaux qui sont dans les premiers portiques. On n’en sauroit douter en examinant les morceaux qui sont tombés du haut des colonnes. Un de ces chapiteaux semble avoir été ébranlé par un tremblement de terre, et être sorti de sa place ; il ne laisse pas toutefois de tenir son équilibre, quoiqu’il penche un peu d’un côté.
Nous avons aussi pris soin de marquer sur deux ou trois de ces colonnes, qui ont conservé leur chapiteau, un morceau de pierre informe, qui représentoit aussi quelqu’animal, sans qu’on en puisse distinguer l’espèce.
L’écrivain dont on vient de parler, dit qu’il a trouvé seize colonnes qui, avec les deux de l’escalier de la façade, en font dix-huit ; c’est ce que je ne saurois comprendre, puisque j’y en ai trouvé dix-neuf. Au reste, je ne trouve aucune différence entre ces colonnes, si ce n’est que les unes ont des chapiteaux, et que les autres n’en ont pas. Quant à leur élévation, elles ont toutes 70 à 72 pieds, et 17 pieds 7 pouces de circonférence. Les bases en sont rondes et ont 24 pieds 8 pouces de tour et 4 pieds 3 pouces de haut, et la moulure de dessous a 1 pied 8 pouces d’épaisseur. Elles ont trois sortes d’ornement ; mais les corniches des portes et des fenêtres ne diffèrent aucunement entr’elles.
Corneille Bruyn ajoute que rien n’étoit si solide que l’architecture de ce palais. Il admire la grosseur des pierres qui forment l’escalier et les colonnes, et il ne peut pas comprendre comment on avoit pu lever si haut d’aussi lourdes masses : ou s’étonne encore, dit-il, de voir des chambres entières, dont le plancher, les murailles, le plafond, sont d’une seule pierre très-noire et très-dure, sans pourtant être taillées dans le roc.
Citons maintenant, sur les monumens de Persepolis, un voyageur plus moderne et plus instruit, le célèbre Nieburg, dont nous abrégerons les récits.
Cette ville (dit l’écrivain voyageur) détruite depuis deux mille ans, n’offriroit, comme Memphis, que des doutes sur le lieu de son existence, sans les ruines célèbres de Tchel-Minar, qu’on croit être les restes de l’ancien palais des maîtres de l’Asie, auquel Alexandre fit mettre le feu dans un instant d’ivresse et de débauche.
Ces ruines, dont le nom moderne signifie quarante colonnes, sont adossées à une montagne ; leur nom toutefois ne leur convient plus aujourd’hui, que le nombre de colonnes se trouve réduit à vingt selon quelques voyageurs, à vingt-cinq selon d’autres. Le terrain qui forme l’immense esplanade couverte de ces ruines a des inégalités considérables dans sa superficie horizontale (que Nieburg a indiquées dans son plan). Il paroît dès lors que ces constructions étant établies sur des plans d’une hauteur inégale, elles indiquent plutôt un palais qu’un temple.
Les murs qui forment cette esplanade sont encore debout, et paroissent faits pour braver éternellement les injures du temps et celles de la barbarie. Ces murs suivent les inégalités de la superficie du terrain, et leurs contours extérieurs offrent des saillies qui ressemblent assez aux corps avancés et aux parties rentrantes des fortifications. Tout le terrain a été visiblement taillé dans la montagne de marbre, d’où l’on a tiré les pierres qui ont servi à la construction de l’édifice ; par conséquent le pavé se trouvoit être un massif de marbre, et comme le dit Nieburg, l’imagination auroit peine à s’en figurer un plus beau et plus durable. On n’observe dans toute cette construction ni chaux ni ciment, mais en certains endroits on a remarqué les places de crampons, dont l’enlèvement n’a pourtant apporté aucun dérangement aux assises de pierre, ni altéré leur jonction. Elles sont si bien unies entr’elles, qu’on a quelque peine à en apercevoir les joints, et l’on ne pourroit pas y introduire la lame la plus mince.
La place occidentale, qui s’offre aux yeux la première, s’élève de vingt-deux pieds au-dessus de la plaine, où étoit bâtie la ville ; elle a près de 600 pas communs (c’est-à-dire, de 22 à 23 pouces) de longueur. Celles qui regardent le midi et le nord, et qui sont inégales, ont à peu près 390 pas. Toutes les pierres ont 8, 9 et 10 pas de longueur, sur 6 de largeur. Un seul escalier, formé de deux rampes et placé vers une des extrémités de l’esplanade, conduisoit en haut. Ces marches ont 27 pieds de longueur, sur 14 pouces de profondeur et 4 de hauteur. Les pierres dont ces degrés sont formés, sont d’une telle épaisseur, que souvent dans une seule on a taillé un nombre de marches équivalent à, la hauteur totale de l’escalier. Les chevaux et les chameaux chargés y montent facilement.
Lorsqu’on est arrivé sur l’esplanade par le grand escalier, on aperçoit, à 42 pieds de distance du bord, deux grandes portes séparées par deux colonnes debout. Ces portes ont 22 pieds de profondeur, 13 de largeur, et la première a d’élévation 39 pieds, la seconde 29.
A la hauteur de 4 pieds 8 pouces du sol, sont sculptés, sur les montans des portes, des animaux dont les uns ressemblent à des chevaux caparaçonnés ; les deux autres sont ailés, et leur tête humaine et barbue est couverte de la coissure persanne. Leurs corps sont taillés de bas-relief dans le mur ; mais leurs têtes et leurs pieds de devant sont détachés du fond, et sont entièrement de ronde bosse. Les deux colonnes dont on a parlé, sont les mieux conservées de toutes celles qu’on voit à Persepolis.
Quand on a passé ce premier assemblage de ruines, on arrive au second, qui est placé à la droite de ces portes, a 172 pieds de distance, et sur un terrain plus élevé d’une toise et demie. On juge que ce local a formé autrefois une des plus nobles parties de tout le palais. Le mur qui en soutient le sol est de marbre sculpté dans une très-grande partie. On y monte par un escalier semblable à celui dont a parlé, mais plus petit. Les murs d’appui de cet escalier sont ornés d’inscriptions et de bas-reliefs représentant une longue suite de figures humaines. Les bases de trente-six colonnes occupent, avec quelques débris d’un autre édifice, ce vaste emplacement pavé en pierres de 28 pieds de longueur. Du grand nombre de colonnes qui existoient en cet endroit, dix-sept seulement sont debout, et quelques-unes de celles-ci, en trèspetit nombre, ont conservé leurs chapiteaux. Les restes de ces chapiteaux offrent des figures de chameaux accroupis. Ces colonnes ont toutes de 70 à 72 pieds de hauteur. Elles sont composées les unes de trois, les autres de quatre assises ; plusieurs assises entrent aussi dans la formation du chapiteau.
Non loin de là, se voient les débris de trois portes, et les bases de quelques colonnes. Ces portes ont 24 pieds d’élévation. Elles sont chargées de bas-reliefs, dont les figures de 2 pieds de haut, ont toutes les bras élevés, comme pour supporter les bas-reliefs sculptés au-dessus.
Entre les colonnes et la montagne, on trouve un espace carré de 85 pas de largeur, renfermé par des débris de portes, de murailles et de fenêtres. Quelques bases restées dans le milieu ont servi à porter des colonnes, sur lesquelles étoient des plafonds. Les portes ont 5 toises de hauteur et sont formées de huit pierres seulement, et quelquefois d’un moindre nombre : les jambages sont chargés de bas-reliefs très-riches.
Au-dessus et à côté de la colonnade s’élève un édifice, que sa position fait reconnoître pour le bâtiment principal. Il est divisé en plusieurs parties, et l’on n’en voit plus que les portes et les fenêtres. Celles-ci sont toutes taillées d’une seule pierre, et sont ornées d’inscriptions et de diverses matières. Ou y voit des restes d’aqueducs et des canaux souterrains qui, suivant Corneille Bruyn, n’ont pu servir qu’à la conduite des eaux. La partie méridionale de l’esplanade présente deux autres édifices absolument semblables pour la construction et la décoration, à ceux qu’on vient de décrire ; mais ils sont plus endommagés.
La montagne elle-même offre au spectateur des restes de tombeaux et des bas-reliefs semblables à, ceux de Naxi-Rustan, autre montagne située à deux lieues de Persepolis, et où il paroit qu’étoient situés les hypogées de cette grande ville.
Tous ces rochers sont taillés et offrent un grand nombre de salles remplies, les unes de tombes et d’urnes sépulcrales, les autres, de niches. Un de ces tombeaux a sa façade ornée de quatre colonnes qui soutiennent un vaste entablement, sur lequel est sculpté une espèce d’autel, orné de deux rangs de figures, dont les bras élevés supportent les profils. Une porte feinte est placée entre les colonnes. On en a ouvert une partie qui donne entrée dans les tombeaux, à ceux qui s’y laissent descendre avec des cordes.
On trouve à Naxi-Rustan des bas-reliefs qui indiquent un goût différent de celui des Perses, et qu’on croit être celui des Parthes, auxquels la Perse fut soumise du temps des premiers Césars. Ces bas-reliefs représentent des combats singuliers, et les héros sont montés sur des chevaux. Cet animal ne se trouve point sur les bas-reliefs de Persepolis, ni sur les monumens de l’Egypte.
Si l’on considère attentivement les ruines de Persepolis, on ne sauroit leur refuser une admiration que les restes de l’Egypte ne diminuent point. Elles offrent encore les débris de plus de deux cents colonnes et de plus de douze cents figures d’hommes et d’animaux.
PERSIENNE, s. f. Nom qu’on donne à des sortes de jalousies faites de châssis, qui se composent d’un assemblage de lattes ou tringles de bois plates et minces, qui sont abat-jour. Probablement cette manière de se garantir du soleil et de se procurer, sans être vu, la facilité de voir en dehors, sera une invention de la Perse, et aura pris le nom du pays qui la mit en usage.
PERSIQUE (Statue). On donne cette épithète à des statues viriles que l’on emploie, ainsi que les statues féminines, appelées caryatides, à supporter, en place de colonnes, les plates-bandes ou les entablemens des édifices.
Cependant les mots d’atlantes et de télamons, d’après leur étymologie seule, conviennent mieux à toute figure employée dans la décoration, soit à soutenir réellement, soit à paroître porter toutes les sortes d’objets, de formes ou de fardeaux que l’imagination de l’architecte et le goût de l’ornement lui imposent. Le nom de caryatide étant reçu, à cet égard, dans le langage ordinaire, et s’appliquant aussi plus volontiers aux statues on figures féminines, il nous semble que celui d’atlantes ou de télamons devroit appartenir, pour les distinguer, aux statues ou figures viriles.
Nous avons, à l’article Caryatides (voyez ce mot), embrassé l’universalité des notions, des exemples, des usages et des documens applicables à ce genre de supports, et nous y avons rapporté l’histoire des statues persiques (voyez Caryatide). Nous n’en redirons rien ici, et nous ne releverons pas de nouveau les erreurs auxquelles ont donné lieu, à cet égard, plusieurs statues antiques mal observées.
Persique (Ordre). On trouve dans plus d’un dictionnaire ces deux mots joints ensemble, comme nous avons fait voir que l’on avoit aussi imaginé un ordre caryatide. Toutes ces vaines dénominations proviennent de la méprise de ceux qui font consister l’ordre, non pas seulement dans la fonction matérielle de la colonne comme support, mais encore dans une de sas parties isolées telle que le chapiteau, ou telle que son fût, au lieu d’entendre par ordre, un système complet de formes, de proportions et d’ornemens mis en rapport dans un édifice, avec telle ou telle qualité, telle ou telle expression. Nous dirons donc qu’il n’y pas plus d’ordre persique que d’ordre caryatide.
PERSPECTIVE, s. f. La perspective linéaire, qu’on distingue de la perspective aérienne, est la seule qui soit du ressort de l’architecture.
Comme science, la perspective linéaire fait partie des mathématiques, et comme telle elle est soumise à des principes rigoureusement démontrés. Elle enseigne de quelle manière les lignes qui circonscrivent les objets, se présentent à l’œil du spectateur, suivant le point où l’œil est placé, et selon la distance de ces objets.
C’est fort injustement qu’on a prétendu que la science de la perspective avoit manqué aux Anciens. Ce qui a particulièrement accrédité cette erreur, est l’évidente violation des règles et des plus simples élémens, non pas même de la science, mais de toute apparence de la perspective, dans une multitude de bas-reliefs, et surtout dans ceux de la colonne Trajane, où il eût été impossible, et même déraisonnable de la mettre en pratique, quand la nature des choses ne s’y seroit pas opposée. (Voy. ce qui a été développé sur ce point à l’article Bas-reliefs. ) On s’est fondé encore sur l’ignorance de la plupart des décorateurs qui ont peint des arabesque a Herculanum et à Pompéii, où toutefois il se trouve certains sujets d’architecture qui pourroient déposer du contraire. Ce qu’on doit dire, à cet égard, c’est que beaucoup de peintres aujourd’hui même ignorent les procédés de la perspective linéaire, et qu’il y a un certain art d’en tracer les lignes par sentiment, à vue d’œil, plutôt que par principe et d’après les règles. Or, nous pensons que beaucoup de peintres dans l’antiquité se sont contentés de cet à peu près. Et c’est bien ce qu’il faut croire de tous ces peintres de décors qui, sur les enduits des murs et des intérieurs de maisons à Pompéii, tracèrent et colorèrent toutes les fantaisies du genre arabesque. Ces exemples d’ignorance pratique ne prouvent point que les Anciens aient méconnu les règles de laperspective et aient omis de s’y soumettre, dans les ouvrages plus importans, surtout dans les décorations de leurs théâtres, qui en exigeoient une sévère observance.
La vérité est que les Anciens pratiquoient avec beaucoup de succès l’art de peindre sur les murs des perspectives d’architecture, comme les Modernes l’ont fait, et qu’il est impossible de supposer que dans des emplacement tels que ceux des théâtres où ces perspectives avoient pour juges les yeux de la multitude, on y eût commis de ces erreurs qui auroient frappé les plus ignorans : car s’il faut du savoir pour tracer avec justesse les lignes de l’architecture feinte, il suffit de l’instinct pour être révolté de ses erreurs. Au théâtre de Claudius Pulcher, on vit une décoration peinte et exécutée avec tant de vérité et une telle illusion, que, selon Pline, les corbeaux, trompés par l’imitation des toitures et des tuiles, venoient s’y abatre pour s’y reposer. On sait ce qu’il faut penser de ces effets d’illusion sur les animaux. Quels qu’ils puissent être, il ne faut voir dans de tels récits, que l’expression, peut-être figurée, de la perfection du moyen imitateur.
Mais à quoi servent ces autorités, et d’autres exemples semblables rapportés par les écrivains, lorsque Vitruve lui-même nous raconte expressément, quand et par qui cet art de la perspective linéaire fut inventé ? Selon cet architecte, nécessairement instruit en cette partie, la pratique de la perspective remontoit au siècle d’Eschyle, et dès cette époque Agatarchus en avoit fait admirer les effets sur le théâtre d’Athènes. Vinrent ensuite Anaxagoras et Démocrite, ses deux élèves, qui rédigèrent ses exemples en préceptes et en publièrent la théorie. Ainsi il arriva à cet art ce qu’on a vu arriver à tous les autres : la pratique y devança la théorie. Le peintre, observateur attentif de la nature, imita d’abord les objets tels que leur position les présentoit à son œil. La géométrie vint ensuite démontrer la nécessité de ces effets, et la méthode à suivre pour les rendre sans avoir besoin du modèle.
La pratique et la science raisonnée de la perspective, ont donc une date antérieure à l’époque de Périclès, et elles étoient dès ce temps réduites en règles. Ce passage de Vitruve mérite d’être cité en entier.
La pratique raisonnée de la perspective ne resta point, chez les Grecs, confinée dans l’enceinte des théâtres, elle s’introduisit dans les écoles de peinture, comme aussi nécessaire aux tableaux qu’aux décorations. Le peintre Pamphile, qui ouvrit à Sicyone la plus célèbre école de dessin, enseignoit publiquement la perspective. Il prétendoit que sans la géometrie, la peinture ne pouvoit rien faire de parfait. Omnibus litteris eruditus prœcipuè arithmeticœ et geometriœ, sine qui-bus negabat artem perfisi-posse.
Ainsi avant Apelles qui fut élève de Pamphile, avant Protogenes, avant les peintres les plus renommés de la Grèce, la perspective étoit déjà enseignée et pratiquée ; comme dans les temps modernes, on la voit déjà connue et mise en œuvre, avant le seizième siècle, dans les compositions du cimetière de Pise, dans les tableaux de Perugin, de Masaccio, de Jean Bellin et autres.
Les documens relatifs à l’étude de la perspective ne sauroient trouver place dans cet article : ils dépendent de certaines démonstrations par figures, qu’il faut aller chercher dans les ouvrages qui traitent uniquement de cette méthode.
Perspective feinte. On donne ce nom à des peintures sur mur, qui représentent des décorations d’architecture, de monumens, de points de vue et de paysages, qu’on place quelquefois sur des pignons de mur ou de clôture, pour en cacher la difformité, pour y produire des aspects lointains.
Ce qu’on nomme ainsi rentre, comme on le voit, dans le domaine de ce que l’on appelle architecture feinte. Nous avons retracé sous cette dénomination, à laquelle nous renvoyons le lecteur, d’assez nombreux exemples de ce que la peinture en ce genre peut opérer d’ouvrages recommandables sous plus d’un rapport. C’est surtout à Bologne que ce goût de peinture, encouragé pendant un certain temps, et pratiqué par les hommes les plus habiles, a produit des modèles d’une perfection remarquable, autant pour l’excellence de la composition, que pour le charme de l’exécution et de l’illusion. On peut consulter, à cet égard, Algarotti, qui, sur ce genre d’ouvrages, a recueilli les notions les plus curieuses.
PERTUIS, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) On appelle ainsi un passage étroit, pratiqué dans une rivière, aux endroits où elle est basse, pour en augmenter l’eau de quelques pieds, afin de faciliter ainsi la navigation des bateaux qui montent et qui descendent. Cela se fait en laissant entre deux batardeaux une ouverture qu’on ferme avec des ailes ou avec des planches en travers, ou enfin avec des portes à vannes.
Pertuis de bassin. C’est un trou par lequel se perd l’eau d’un bassin de fontaine ou d’un réservoir, lorsque le plomb, le ciment ou le corroi se trouve fendu en quelqu’endroit. Si l’on veut connoître la dépense d’un pertuis carré, circulaire, rectangulaire, vertical ou horizontal, il faut lire les sections IX et X de l’Architecture hydraulique de Bélidor, tome I, part. 1.
Pertuis de clef. (Terme de serrurerie.) C’est l’ouverture qui est au panneau d’une clef. On la fait de différentes figures, en rond, en cœur, etc.
PERUZZI (Balthazar), né en 1481, mort en 1536.
Trois villes d’Italie se sont disputé l’honneur d’avoir produit ce célèbre architecte. Chacune des trois a en effet quelque droit de le revendiquer : Florence, pour avoir été la patrie de sa famille, Volterre, pour l’avoir vu naître, et Sienne, pour l’avoir fait artiste.
Antoine Peruzzi, noble florentin, voulant fuir les troubles des guerres civiles dont Florence étoit alors le foyer, s’étoit réfugié à Volterre. Il s’y maria et y eut une fille nommée Virginie, et un fils qu’il nomma Balthazar. Il étoit venu dans cette ville pour chercher la paix, mais la guerre sembloit le poursuivre. Volterre fut prise et saccagée. Il y perdit toute sa fortune, heureux d’avoir pu sauver sa famille, qu’il transporta à Sienne. Antoine y mourut peu de temps après, laissant son fils encore en bas âge et sans aucune ressource pour son éducation ; mais la nature et la nécessité sont deux grands maîtres : Balthazar Peruzzi sut profiter de leurs leçons.
La connoissance de quelques artistes avoit fait naître de bonne heure en lui le goût du dessin ; le dénuement dans lequel le laissoit la mort de son père, ne lui permettoit plus de le cultiver comme un goût. Il en fit une étude sérieuse. Il vit les peintures des meilleurs maîtres, les copia, fut bientôt maître lui-même et assez habile, non-seulement pour vivre du produit de ses tableaux, mais pour soutenir sa mère et sa sœur, et pouvoir encore se livrer à des études infructueuses. Ses premiers ouvrages se trouvent à Sienne et à Volterre. Là, il se lia d’amitié avec un peintre de cette ville, nommé Pierre, que le pape Alexandre VI employoit à peindre dans le Vatican. Ce peintre le conduisit à Rome dans l’intention de lui t’faire partager ses travaux. La mort du Pape rompit ce projet de société, et Balthazar se livra à divers ouvrages de fresque, tels que ceux qu’on voit à Saint-Roch, et qui commencèrent sa réputation dans Rome. Cet heureux début lui procura des travaux plus considérables à Ostia, où il peignit en clair-obscur une bataille dans le style antique. Le costume y fut observé avec soin ; les armures, les instrumens de guerre, les boucliers, les cuirasses, tout y est une répétition fidèle des bas-reliefs et des monumens de l’antiquité. Cesare da Sesto l’aida dans cette entreprise, qui acheva de le faire connoître pour ce qu’il valoit.
De retour à Rome, Balthazar Peruzzi contracta une étroite amitié avec le célèbre amateur Augustin Chigi de Sienne, qui croyant trouver en lui un compatriote à produire, vit aussi un grand talent à encourager. Cette liaison fut d’une grande utilité aux arts : on lui dut les beaux ouvrages que le goût de l’amateur commanda à l’artiste ; mais Peruzzi lui dut le loisir et les ressources qui lui permirent de se livrer à l’étude de l’architecture. Il en embrassa toutes les parties, et en devenant grand architecte, il voulut encore faire profiter l’art de bâtir, des rares connoissances qu’il avoit dans l’art de peindre. L’architecture seinte, qui exige un double talent, lui fut redevable en quelque sorte de son origine, et peut-être de sa perfection.
Jusqu’alors la science de la perspective n’étoit guère sortie des livres assez obscurs de quelques savans. Les peintres du quinzième siècle la mettoient en pratique dans les fonds de leurs tableaux. Mais les compositions du temps, pour la plupart, étoient si simples, que leurs fonds n’exigeoient aussi que les procédés élémentaires de la perspective linéaire. A l’époque de Peruzzi, les grands ouvrages de Raphaël, en étendant la sphère de la peinture, avoient à la vérité rendu indispensable l’union de la théorie et de la pratique en ce genre.
Toutefois pour que cette science produisit, comme on l’a vu depuis, un genre d’art particulier, celui qu’on connoît sous le nom d’architecture feinte, il falloit qu’elle reçût une nouvelle sorte d’application à un genre de peintures plus grandes encore, et qui en ont un plus grand besoin, je veux parler des décorations scéniques. Mais l’art dramatique étoit alors dans l’enfance, et restreint aux pieuses conceptions des solennités religienses ; il n’exigeoit guère plus de savoir chez les décorateurs que chez les auteurs. En se livrant, comme il le fit, a la théorie ainsi qu’à la pratique de la perspective, Balthazar Peruzzi sembloit pressentir qu’il étoit destiné à renouveler dans tout son éclat l’art de la décoration de théâtre.
La perfection où il porta du premier coup les ouvrages de cet art peut paroître difficile à croire, quand on sait combien de degrés l’esprit de l’homme parcourt ordinairement pour atteindre le but de l’imitation. Mais il y a tel genre d’imitation qui n’est autre chose qu’une combinaison nouvelle des élémens et des moyens de genres déjà formés et perfectionnés. Il ne faut alors qu’un homme exercé dans leurs procédés, et capable de les réunir en les dirigeant vers un objet nouveau. On voit alors paroître, comme par enchantement, un art dont on ne soupçonnoit pas l’existence.
Ces observations sont nécessaires pour s’expliquer comment Balthazar Peruzzi, le premier des Modernes qui, selon l’histoire, ait peint des décorations de théâtre, a peut-être été le plus habile peintre de ce genre. Il étoit peintre, architecte, grand perspectiviste, dessinateur et peintre d’architecture. Que falloit-il de plus pour faire de lui un grand décorateur scénique ? Une occasion. Elle se présenta bientôt dans les fêtes qui furent données à Julien de Médicis.
Vasari parle en deux endroits des décorations de Peruzzi, d’abord à l’occasion des fêtes en question, et ensuite au sujet de la comédie du cardinal Bibiena, appelée la Calandra, et que Léon X fit représenter devant lui ; ce qui fait croire que cet artiste eut plus d’une occasion de n’exercer dans ce genre ; mais partout il en parle avec cet enthousiasme que l’art porté à sa perfection pouvoit seul exciter chez un aussi bon juge.
« Balthazar (dit Vasari) s’acquit d’autant plus d’honneur, que ce genre de décoration n’étoit pas encore connu, vu la désuétude dans laquelle étoient tombés l’art de la poésie et celui de la représentation dramatique. Mais les décorations dont il s’agit, pour avoir été les premières, n’en furent pas moins la règle et le modèle de celles qu’on fit depuis. On a peine à concevoir avec quelle habileté décorateur, dans un espace si resserré, fut représenter un si grand nombre d’édifices, de palais, de loges, de profils et d’entablemens ; tout cela d’une telle vérité, qu’on croyoit voir des objets réels, et que le spectateur devant une toile peinte, se croyoit transporté au milieu d’une place véritable et matérielle, tant l’illusion étoit portée loin. Balthazar fut aussi disposer pour son effet, avec une admirable intelligence, les lumières, l’éclairage des châssis, ainsi que toutes les machines qui ont rapport au jeu de la scène. »
A part, si l’on veut, un peu d’excès d’admiration pour ce qui est nouveau, l’éloge de Vasari renfermoit l’idée de tous les genres de mérite que peut réunir l’art de la décoration de théâtre. Il en est un cependant dont il n’a pas fait mention, sans doute parce que ce fut celui qui, dans le temps, dut produire le moins d’étonnement, je veux dire le beau style de l’architecture, la correction et la pureté des formes que, pendant long-temps, certains préjugés avoient fait croire inconciliables avec les charmes de la composition et l’effet de la peinture scénique. En faisant dans les décorations de l’architecture antique, Peruzzi ne fit que ce qu’il n’auroit pu s’empêcher de faire. Si ce fut chez lui un mérite de plus, ce mérite est celui de l’architecte, plus encore que du décorateur. Il est malheureux qu’il ne nous reste de tout cela que de vains souvenirs. Tel est le sort de ce genre d’ouvrages, sort commun à beaucoup de choses qui durent d’autant moins, qu’elles brillent plus. Pour se former une idée de ce que l’exécution de ces peintures pouvoit être, c’est à la Farnesine qu’il est encore possible de se le figurer.
La décoration considérée sous le rapport d’architecture feinte ou d’imitation en grand des œuvres de l’art de bâtir par l’art de peindre, compte Balthazar Peruzzi au rang de ses plus grands maîtres, si elle ne le met à la tête de tous. Il ne paroît pas qu’on ait jamais porté plus loin l’illusion de cette sorte d’imitation, que dans la loggia de la Farnesina, qui donne sur le jardin, et où est peinte l’histoire de Méduse. On raconte dans l’histoire de ce genre de peinture, plusieurs traits d’animaux, d’oiseaux surtout, trompés par les prestiges de la perspective linéaire, et ceux de la couleur dans des vues d’architecture. L’ouvrage de Balthazar fit plus, il trompa non-seulement des hommes, mais les plus habiles peintres. Titien, conduit un jour pur Vasari dans cette salle, fut tellement induit eu erreur par le relief des ornemens et des profils peints, que déjà détrompé par son guide, il eut besoin encore que le tact désenchantât ses yeux. Telle est effectivement la perfection de ces détails, qu’encore aujourd’hui l’œil ne cesse pas d’être dupe, après que l’expérience en a rectifié le jugement.
Ce qu’on appelle actuellement la Farnesina ou le petit palais Farnèse, étoit celui d’Augustin Chigi. Son architecture est de Balthazar Peruzzi ; quoique l’extérieur ait perdu la plupart des agrémens de détail qui l’embellissoient, ce ne laisse pas que d’être encore un des plus charmans édifices de Rome. Sa façade principale, c’est-à-dire, celle d’entrée du côté de la cour, offre au rez-de-chaussée une belle loggia ou un portique qui se compose de cinq arcades. C’est dans ce portique que Raphaël a peint la fable de Psyché. Cette loggia, est en retraite, ainsi que le corps principal du bâtiment ; de deux ailes qui lui font avant-corps. Une ordonnance de pilastres doriques règne dans tout l’étage du rez-de-chaussée et dans sa circonférence, avec la plus grande régularité. Cette uniformité n’est interrompue que par les arcades dont on a parlé. Mais c’est toujours le même ordre de pilastres, et sans aucune inégalité d’entre-colonnemens, l’ouverture des arcs étant de la même mesure que l’entre-deux des pilastres, ce petit portique donne de la variété à la masse, sans rompre l’unité de la composition. L’étage qui s’élève au-dessus du rez-de-chaussée présente la même distribution et la même ordonnance de pilastres doriques, appliqués aux trumeaux des fenêtres dans tout le pourtour. On peut trouver quelque monotonie dans cette répétition du même ordre. Une chose y frappe encore, c’est que l’ordre inférieur est plus svelte que le supérieur. Quel que soit le défaut que la critique puisse remarquer en cela, il est toujours certain qu’il n’ôte rien à l’accord, à la grâce et à la symétrie de l’ensemble. La frise qui surmonte l’étage dont on vient de parler, est ornée de festons soutenus par des génies et des candélabres, qui font assez heureusement diversion au rang de petites fenêtres pratiquées entr’eux, dans cette espèce de mezzanino. Tous les détails des profils sont purs, de cette sorte de pureté, qu’on pourroit appeler attique, et qui donne à cette architecture un genre d’élégance qu’on ne peut bien définir, qu’en le comparant à celui d’une statue grecque.
Ce petit palais dut être, dans son temps, une merveille, par la réunion de la peinture et de l’architecture de Peruzzi. Tous les dehors en étoient ornés de sujets en grisaille, aujourd’hui effacés. On ne peut plus appeler que l’imagination à s’en figurer l’image. Quand on pense, en effet, au double talent de l’artiste qui en dirigea l’exécution et comme architecte et comme peintre, on peut comprendre tout ce que dut offrir d’harmonie, un ensemble né d’une telle conjonction de circonstances. Dès-lors s’explique facilement l’éloge que Vasari en a fait par ces deux mots : Si vede non murato, ma veramente nato. C’est ce qu’on peut dire de tout ouvrage produit par le sentiment qui crée, et non par le savoir qui façonne.
Balthazar Peruzzi excelloit dans ce genre d’ornemens que les Italiens nomment a teretta, et que nous appelons grisaille. On en usoit beaucoup alors dans l’embellissement extérieur des maisons. On se servoit, pour cela, d’une combinaison de terre argileuse, de charbon pilé et de poussière de travertin ou de pierre calcaire. Le dessin se faisoit en creux sur l’enduit, et les hachures se remplissoient ou de blanc ou de noir, pour produire les grands clairs ou les ombres. Rien ne jouoit mieux la sculpture, et c’étoit une manière économique de faire ou des bas-reliefs, ou des ornemens. Malheureusement pour les productions de quelques habiles maîtres en ce genre, le temps ne les a pas épargnés plus que d’autres, et l’on chercheroit on vain aujourd’hui celles de Balthazar à Rome ; il n’en existe plus que des souvenirs.
Etant allé à Bologne, il y fit deux dessins en grand avec leurs coupes, pour la façade de S. Petronio, dont l’un étoit dans le goût moderne et l’autre dans le style gothique. Il les accompagna de projets fort ingénieux pour approprier la nouvelle construction à l’ancienne, sans endommager celle-ci. Ces dessins furent admirés, mais restèrent sans exécution. On cite comme son ouvrage la porte de l’église de San-Michel in Bosco, beau couvent situé hors de Bologne, la cathédrale de Carpi, exécutée sur ses dessins, et l’église de Saint-Nicolas, dans la même ville, dont il commença les travaux el qu’il abandonna, forcé qu’il fut de se livrer à ceux des fortification de la ville de Sienne.
De retour à Rome, il fut employé par Léon X à la construction de l’église de Saint-Pierre. Bramante en avoit jeté les fondemens avec cette précipitation qu’il mettoit, ou si l’on veut, que Jules II lui faisoit mettre dans la plupart de ses ouvrages. Après la mort de l’un et de l’autre, on fut effrayé de la grandeur des masses et de la foiblesse des points d’appui. On n’avisa plus qu’aux moyens de diminuer les uns et d’augmenter les autres.
Balthazar Peruzzi fut chargé de faire un nouveau modèle ; Serlio nous l’a conservé. C’est une croix grecque, dont les quatre branches se terminent en hémicycle. Extérieurement et entre chacune des parties circulaires formées par les hémicycles, s’élève, sur un plan carré, une sacristie. Ces quatre masses devoient servir de soubassement à autant de campaniles. A l’extrémité de chaque hémicycle est une porte ouvrant sur un portique demi-circulaire qui donne entrée dans l’église, par trois ouvertures, ou si l’on veut, trois entre-colonnemens. Le grand autel est entre les quatre grands piliers, sur lesquels s’élève une coupole de 188 palmes de diamètre. Celle-ci est accompagnée de quatre petites coupoles de 65 palmes de diamètre, qui s’élèvent au point central du croisement des bas côtés entr’eux. Tout ce plan est conçu avec la plus grande intelligence. Quoiqu’il n’ait pas eu d’exécution, il n’a pas été inutile aux architectes qui ont remplacé Balthazar Peruzzi.
Cet artiste fit bien voir par la belle composition de ce plan, que son génie étoit de niveau avec les plus hautes idées de l’architecture, et que celui qui savoit ainsi rectifier Bramante, pouvoit bien lui succéder. Cependant, soit que la fortune des grands talens en architecture dépende d’un certain concours de circonstances, soit que les grands talens aient aussi besoin d’un certain art de faire fortune, art que le caractère timide et réservé de Peruzzi ne lui permit pas de pratiquer, la construction de Saint-Pierre ne fit que languir sous sa direction indécise. Malgré la protection de plusieurs grands personnages qui savoient apprécier son mérite, il continua d’être employé à de plus petits ouvrages, c’est-à-dire, à la construction de palais qui n’ont de petit que l’étendue de leur masse ou de leur superficie.
Mais il est, en architecture, une grandeur qui échappe aux mesures du compas. Produite par le génie de l’artiste, elle n’est appréciable qui par l’homme de goût. Celui-ci passera sans en recevoir aucune impression devant beaucoup de ces immenses palais qui renferment dans leur enceinte plusieurs arpens de terrain. Il se trouvera involontairement arrêté à l’aspect des charmantes façades dont Balthazar Peruzzi a orné divers palais plus modestes. Ces masses élégantes, vrais modèles du genre qui convient au plus grand nombre des propriétaires, seront toujours l’objet des études de celui qui desire mettre le goût de la bonne architecture, à la portée des classes moins opulentes de la société. C’est de semblables édifices que Poussin faisoit un recueil pour les fonds de ses tableaux, et l’on peut croire que les édifices bâtis par Peruzzi étoient le type de ceux dont ce grand peintre composoit les belies perspectives de villes antiques, qui, dans plus d’un de ses ouvrages, partagent avec leurs figures l’admiration du spectateur.
Du nombre du ces maisons sont celle que l’or voit près la place de Saint-Pierre, rue Borgo-Nuovo, et celle qui est à l’entrée de la rue qui aboutit en face du palais Farnèse. Toutes deux sont gravées dans le Recueil des palais de Rome, par Falda. C’est là que ceux qui ne les ont pas vues peuvent s’en former l’idée. Toute description orale est insuffisante à l’égard d’ouvrages, dont le principal mérite tient à une certaine grâce d’harmonie, que le sentiment seul peut comprendre, et qui n’offrent rien d’extraordinaire ou de saillant a quoi les sens puissent se prendre. Que dire, en effet, de ces maisons, si ce n’est qu’on y trouve un choix exquis des plus belles formes de croisées et de chambranles, qu’on y voit les profils les plus purs, que les rapports entre les pleins et les vides y sont d’un accord parfait, qu’il y règne un aspect de solidité sans lourdeur, de richesse sans luxe et de caractère sans affectation ?
Disons seulement que les ouvrages de ce genre ne sauroient être trop étudiés par les jeunes architectes, qui trop souvent frappés des grandeurs de tous les édifices de l’ancienne Rome, oublient que les villes se composent de maisons, et que la beauté des villes dépend plus du bon goût répandu par l’art dans les simples ordonnancés des maisons de particuliers, que de l’érection de quelques grands monumens que plusieurs siècles parviennent à peine à terminer. Les fabriques de Peruzzi, comme celles de Palladio, sont une sorte d’école pratique du genre d’architecture qui peut convenir aux besoins même des villes commerçantes. Il y a de Peruzzi telle maison avec boutiques et entresols, qui n’en est pas moins un chef-d’œuvre de bon goût en architecture.
Il est fort à regretter que ce beau style qui commençoit à devenir, dans Rome, le style dominant, et comme il arrive toujours, une sorte de mode, n’ait pas régné plus long-temps. Le projet de Léon X se seroit réalisé, et Rome antique auroit reparu dans les monumens de la Rome moderne. Mais lorsque tous les arts, d’un pas égal et rapide, sembloient devoir remonter à leur ancienne hauteur, trois événemens successifs en arrêtèrent la marche.
Le premier fut la mort si prématurée de Raphaël. La grande école dont il étoit l’ame perdit tout son ressort et commença à se dissoudre. Les hommes habiles qui la composoient, répandirent si l’on veut, en se dispersant sur plusieurs points, les lumières du bon goût. Mais ces rayons épars et divergens ne produisirent plus que de foibles clartés.
Le second fut la mort de Léon X, qui arriva peu de temps après, et produisit, pour les arts, une sorte d’éclipse totale pendant le pontificat d’Adrien VI, jusqu’à ce qu’un nouveau Médicis, Clément VII, élu en 1724, fit rentrer avec lui, dans Rome, le génie des beaux arts.
Mais le dernier et le plus fatal des événemens fut la prise et le sac de Rome par le connétable de Bourbon, en 1727. Alors disparut toute espérance de rassembler de nouveau les élémens de cette célebre génération d’artistes qu’avoit réunis Léon X. Un très-grand nombre périt dans cette catastrophe, le reste fut réduit à chercher son salut dans la suite.
Balthazar Peruzzi courut, dans cette crise, les plus grands dangers. Sa physionomie, tout à la fois noble, aimable et sérieuse, le fit prendre pour quelque prélat déguisé ou pour un homme bon à mettre à contribution. On le fit prisonnier, et il eut à essuyer toutes sortes d’outrages et de mauvais traitemens. Parvenu enfin à prouver qu’il n’étoit qu’un pauvre peintre, il fut forcé par les soldats de faire le portrait du connétable de Bourbon, qui avoit été tué à son entrée dans Rome. Il lui fallut acheter la liberté à ce prix. Echappé de leurs mains, il s’embarqua pour Porto Ercole, d’où il gagnoit Sienne, lorsque sur la route il fut pris de nouveau et dépouillé de tout. C’est dans cet état qu’il arriva dans la ville qui étoit sa patrie de prédilection.
Peruzzi y trouva des amis qui s’empressèrent de le secourir et lui procurèrent des travaux. Il y construisit plusieurs maisons particulières. Il donna le dessin de la décoration de l’orgue dans l’église del Carmine et fut employé à rachever les fortifications précédemment commencées sur ses dessins.
Ce fut à peu près vers ce temps que Clément VII, qui connoissoit sa capacité en ce genre et son talent d’ingénieur, voulut l’occuper comme tel au siége de Florence, qu’il faisoit avec l’armée impériale. MaisPeruzzi, sacrifiant les bonnes grâces du Pape à l’amour de sa première patrie, refusa la commission. Le Pape en conserva quelque ressentiment, et l’artiste, après la paix générale, eut besoin de faire aussi la sienne avec le pontife. Les cardinaux Salviati, Trivulzi et Césarino s’employèrent à cette petite négociation.
Balthazar Peruzzi reprit ses travaux ordinaires à Rome. Il donna aux princes Orsini différens dessins de palais qui furent bâtis, les uns près de Viterbe, les autres dans la Pouille. La cour du palais Altemps, à Rome, passe aussi pour être son ouvrage. On le croiroit assez au goût sage qui y règne. En tout cas, ce ne fut qu’une espèce de restauration.
Mais un édifice vraiment original, sous tous les rapports, qu’on peut appeler le chef-d’œuvre de Balthazar Peruzzi, et un des chefs-d’œuvre de l’architecture des palais à Rome, est le palais Massimi. L’art n’a rien produit de mieux conçu, de plus élégamment disposé pour l’emplacement, de plus sage et de plus neuf à la fois dans l’élévation.
Le premier mérite de l’architecte est d’avoir su tirer un parti aussi heureux d’un site ingrat, étroit et irrégulier. Ce parti est tel qu’on le croiroit inventé à plaisir, plutôt que dicté par le besoin. La façade circulaire du palais est ornée de refends dans toute son étendue. Une ordonnance dorique en pilastres et en colonnes, embrasse le contour du rez-de-chaussée, dont le milieu est un vestibule formé de colonnes isolées, et qu’on ne sauroit dire précisément accouplées, quoiqu’elles soient, ainsi que les pilastres du reste de l’ordonnance, disposées deux par deux. L’entre-colonnement de l’entrée est plus large que ses autres. Le petit portique ou vestibule dont on a parlé, donne réellement l’idée d’un atrium antique. On y monte par quelques degrés. Son plafond est décoré de compartimens en stuc très-élégans. A chacune des extrémités est une grande niche. La porte fait face à l’entre-colonnement de l’entrée, et l’ordonnance de l’extérieur règne dans tout cet intérieur.
Il n’y a pas de plus belle exécution que celle de toute cette architecture. Le même goût, la même pureté, brillent dans les deux portiques de la cour. Ce qui plaît surtout dans l’ensemble et dans les parties de ce charmant ouvrage, est précisément ce qui auroit pu être un désagrément pour tout autre. En effet, tout y est subordonné aux sujétions les plus gênantes ; cependant on diroit qu’au lieu d’obéir à l’emplacement, l’architecte l’auroit commandé lui-même. L’espace est étroit et petit ; tout ce qui le remplit est grand et y paroît à l’aise. Malheureusement il n’a pas été au pouvoir de l’architecte d’élargir la rue sur laquelle donne la façade du palais : aussi n’y jouit-on qu’imparfaitement des beaux chambranles des fenêtres au premier étage, et du riche entablement qui couronne toute la masse de l’édifice.
Ce fut le dernier ouvrage de Balthazar Peruzzi. Il n’eut pas même l’avantage d’en voir la fin. La mort le surprit avant qu’il eût pu le terminer entièrement, et lorsqu’il étoit encore dans la force de son talent. On a eu quelques soupçons que cette mort prématurée avoit pu être l’effet du poison, et les soupçons tombèrent sur un de ses envieux, qui ambitionnoit sa place d’architecte de Saint-Pierre. Cependant les médecins n’eurent des indices de cette cause que quand il n’y avoit plus de remède. Il mourut âgé de cinquante-six ans, regretté de ses amis et de sa famille, à laquelle il ne laissoit pour héritage, qu’un nom qui devoit devenir encore plus célèbre après lui. Les artistes lui firent d’honorables funérailles, et sa sépulture fut placée dans le Panthéon, à côté de celle de Raphaël.
Balthazar Peruzzi vécut et mourut pauvre. Son seul revenu consistoit en 250 écus que lui valoit la place d’architecte de Saint-Pierre. C’étoit sa seule ressource pour l’entretien de sa famille. Le pape Paul III n’eut connoissance du mauvais état de ses affaires que dans sa dernière maladie, et ce fit à la veille de le perdre qu’il parut sentir toute la perte que les arts alloient faire. Il lui fit compter cent écus, accompagnés d’offres de service et des témoignages flatteurs d’une tardive obligeance.
Le caractère timide de cet artiste avoit toujours nui à sa fortune. Une sorte de délicatesse qu’il portoit à l’excès, l’empêcha de se prévaloir autant qu’il auroit pu le faire, des occasions de mettre son talent à profit, et il arriva que ceux auxquels il avoit affaire, se prévaloient trop souvent de sa modestie et de sa réserve. Occupé pour des hommes riches et par de grands personnages, il ne put ni sortir de la détresse, ni se décider à en révéler le secret. Son amour pour l’étude conspiroit encore à l’y retenir. Tous les momens que lui laissoit la pratique de son art, il les donnoit à leur théorie et à des recherches savantes.
Sébastien Serlio fut héritier en partie de ses écrits et des dessins d’antiquités qu’il laissa. Il en a enrichi son Traité d’architecture, principalement ses troisième et quatrième livres, qui contiennent les monumens antiques de Rome.
PESÉE. Voyez Levier.
PEUPLER, v. act. C’est, en charpenterie, garnir un vide de pièces de bois, espacées à égale distance.
Ainsi on dit, peupler de poteaux une cloison, peupler de solives un plancher, peupler de chevrons un comble.
PHARE, s. m. On appelle ainsi une tour fort élevée, construite en pierres, en maçonnerie ou en bois, à l’entrée d’un port de mer, ou sur le bord d’une côte dangereuse, et au haut de laquelle on entretient un fanal ou soyer de lumières, pour éclairer pendant la nuit les navigateurs, et servir de signal aux vaisseaux.
Ces tours furent en usage dès les temps les plus anciens, et plus d’un passage d’écrivain en dépose. Les feux allumés sur des montagnes furent les premiers fanaux de ce genre. Depuis on fit, pour le même objet, des constructions d’un genre fort simple. Enfin, l’art de l’architecture s’en empara et en fit des monumens remarquables.
Le plus fameux de tous dans l’antiquité, et qui passa pour une des sept merveilles du monde, fut celui que Ptolémée Philadelphe fit construire de pierres blanches dans l’île de Pharos, lieu qui depuis a donné son nom aux monumens de ce genre. Il étoit à plusieurs étages qui, allant chacun en se rétrécissant, donnoient à l’ensemble la forme pyramidale. Chaque étage avoit une galerie extérieure. Si on en croit les écrivains arabes, ce monument auroit eu dans l’origine mille coudées de hauteur. Les tremblemens de terre le réduisirent à moins de quatre cents. On le répara dans la suite, et on ne lui laissa que deux cent trente-trois coudées. Son intérieur renfermoit plusieurs centaines de pièces et un grand nombre d’escaliers, ce qui formoit une espèce de labyrinthe. Les escaliers étoient faits de manière que les bêtes de somme pouvoient les monter facilement. Sur la fin du huitième siècle, le phare se trouva singulièrement dégradé. Dès avant le neuvième, il fut réparé par un gouverneur d’Egypte. Dans le siècle suivant, un tremblement de terre fit crouler une portion du sommet, dans une hauteur d’environ trente coudées. Vers 1182, la hauteur totale de l’édifice étoit encore de cinquante coudées. Il existoit alors une mosquée à son sommet. Une nouvelle secousse de tremblement de terre arriva en 1303, endommagea et détruisit ce qui restoit encore du phare. Depuis cette époque il n’en reste que d’assez légers vestiges. Le phare d’Alexandrie est figuré sur plusieurs médailles, mais de la manière abréviative, dont les monétaires représentoient les monumens d’Architecture sur les monnoies. Cependant quelques monnoies d’Alexandrie nous le sont voir surmonté d’une figure colossale tenant une haste. Aux quatre coins sont des tritons sonnant de la conque. Sur quelques revers on voit Isis, surnommée Pharia, que porte un vaisseau qui entre à pleines voiles dans le port. Sostrate Cnidien avoit été l’architecte du phare d’Alexandrie. Voyez Sostrate.
Les Romains ont construit un grand nombre de phares, et quelques-uns à l’imitation de celui d’Alexandrie. Tel auroit été, selon Suétone, celui que l’empereur Claude fit bâtir à Ostie. Le même historien parle du phare de l’île de Caprée, qu’un tremblement de terre fit écrouler peu de jours avant la mort de Tibère. Pline parle des phares de Ravennes et de Pouzzol. Denis de Byzance a décrit un phare célèbre, situé a l’embouchure du fleuve Chrysorrhoas, qui débouchoit dans le Bosphore de Thrace.
Un phare célèbre, bâti par les Romains, subsistoit encore en France vers l’an 1643. C’est celui de Boulogne-sur-Mer, Bononia. On a toujours cru qu’il étoit le même que celui dont parle Suétone dans la vie de Caligula qui le fit bâtir. Cette tour élevée sur le promontoire, ou sur la falaise qui commandoit au port de la ville, étoit octogone. Chacun des côtés avoit, selon Bocherius, vingt-quatre ou vingt-cinq pieds. Son circuit étoit d’environ deux cents pieds, et son diamètre de soixante-six. Elle avoit douze entablemens, ou espèces de galeries l’une sur l’autre. Chaque entablement porté sur l’épaisseur du mur de dessous, formoit un petit promenoir d’un pied et demi, et le tout alloit en se rétrécissant de manière à produire, comme ou l’a déjà dit, une forme pyramidale.
Suivant ce qu’en a recueilli Montfaucon, les rangs de pierres et de briques y étoient diversifiés en vue de l’effet agréable de ce mélange. On voyoit d’abord trois lits d’une pierre d’un gris de fer, tirée de la côte ; ensuite deux autres d’une pierre jaune plus molle, et par-dessus deux rangs de brique très-rouge et très-ferme, épaisse de deux doigts, longue d’un peu plus d’un pied. Telle étoit la construction dans toute la hauteur.
Ce phare étoit appelé depuis plusieurs siècles Turris ordens ou Turris ordensis. Les Boulonois le nommoient Tour d’ordre. Mais on croit, et avec beaucoup de fondement, que Turris ordens n’étoit que la corruption de Turris ardens, la Tour ardente, épithète qui convenoit parfaitement à une tour où le feu paroissoit toutes les nuits. Au reste, la tour et le fort qu’on y avoit adossé s’écroulèrent en 1644. Un Boulonois en a heureusement conservé le dessin qu’on peut voir dans Montfaucon, Suppl. à l’Antiq. expl., tom. IV, pl. 50.
Plusieurs ont pensé qu’il y avoit un autre phare sur la côte opposée, et que la vieille tour qui subsiste au milieu du chateau de Douvres étoit le phare des Romains. D’autres, au contraire, en ont vu les ruines dans ce grand amas de pierres calcaires qu’on trouve au pied du château.
Des fouilles faites par ordre de l’archevêque de Cantorbery, ont fait découvrir un phare à peu près semblable à celui de Boulogne, ce qui a fait penser que celui qui est debout a été construit sur les ruines de l’ancien. L’archevêque en avoit envoyé à Montfaucon le plan, le profil et la coupe, que celui-ci fit graver, tom. IV, pl. 51, Suppl. à l’Antiq. expl. Cette tour octogone, comme celle de Boulogne, étoit bâtie de pierres plus grosses, l’intérieur en étoit carré, et les dimensions de cet intérieur étoient égales de haut en bas, quoique l’extérieur allât toujours en diminuant de bas en haut.
Le même antiquaire a publié une médaille d’Apamée, sur laquelle on voit un phare ; il donne aussi le dessin d’un autre phare tiré d’un médaillon antique.
PHENGYTES, étoit le nom d’une sorte d’albâtre gypseux, transparent, et que les Anciens mettoient au nombre des pierres spéculaires, dont chez eux l’usage remplaçoit dans bien des cas celui du verre.
Au temps de Néron, dit Pline, on trouva en Cappadoce une qualité de pierre qu’on appela phengytes à cause du son éclat et de sa transparence. Lapis duritia marmoris, candidus, atque translucens…. ex argumento phengytes appellatus.
La qualité diaphane de cette pierre devoit être extraordinaire, puisqu’elle n’avoit pas même besoin d’être réduite en dalles plus ou moins minces, pour transmettre la lumière. Néron en avoit fait bâtir un temple à la Fortune dans l’enceinte de sa maison d’or, et même les portes fermées, foribus opertis, il y régnoit de la clarté. Interdiù claritas ibi diurna erat. Toutefois, ajoute-t-il, il n’y avoit point de spéculaires, alio quam specularium modo. La lumière paroissoit y être renfermée, et ne point y arriver du dehors, tamquàm inclusâ luce non transmissâ. Ainsi sans le secours des pierres spéculaires, le temple se trouvoit éclairé par le seul effet de la transparence des pierres dont il étoit bâti.
Il est fait encore d’autres mentions de cette pierre, et elles prouvent toutes que sa propriété étoit parfaitement égale à celle du verre. Par exemple, dit Pline, on en fabriquoit des ruches, afin de pouvoir observer le travail des abeilles. C’est pour le même objet qu’on fait aujourd’hui des ruches de verre.
Nous renvoyons le lecteur au mot Spéculaire, où l’on traite de toutes les matières qui furent jadis les équivalens du verre. Voyez Spéculaire.
PHIGALIE, ville antique de l’Arcadie, située à peu de distance du mont Cotylus, sur lequel étoit construit un des plus beaux temples du Péloponèse. Pausanias s’exprime ainsi, lib. VIII, cap. 41.
« Phigalie est environnée de montagnes…… Le mont Cotylus est à quarante stades de la ville. Il y a un temple d’Apollon Epicurius (libérateur), bâti en marbre, et doit la voûte est de la même matière. Il est, à l’exception de celui de Tégée, le plus beau du Péloponèse, et pour la matière et pour l’art…… L’architecte de ce temple fut Ictinus, qui vécut au temps de Péricles, et qui avoit bâti le Parthénon à Athènes. »
En 1812, la compagnie anglaise et allemande, occupée de recherches dans la Grèce, découvrit les restes encore bien conservés de ce temple, et y trouva une suite de bas-reliefs, qui avoient composé une frise dans son intérieur. Ces bas-reliefs, dont on ne donnera ici qu’une légère mention, sont aujourd’hui partie du Muséum des antiquités de Londres.
Le temple que nous appellerons de Phigalie, comme ayant été une dépendance de cette ville, n’est pas encore bien connu dans toutes ses particularités. Les dessins que nous en connoissons suffisent pour en donner une idée générale ; mais ils laissent à desirer les détails instructifs de ses mesures partielles, et les autorités positives, sur lesquelles doivent se fonder plusieurs notions relatives à ce que sa disposition intérieure offre de nouveau.
Quant à l’extérieur, nous dirons en peu de mots, qu’il est formé, comme presque tous les temples grecs qui nous sont parvenus, d’un ordre dorique sans base, que son ordonnance est exastyle, et que le rang de colonnes qui règne tout à l’entour, le place dans la classe des périptères. Il a deux portiques parfaitement semblables, l’un en devant, l’autre en arrière.
La partie la plus curieuse de ce temple, la plus neuve et la plus instructive pour l’histoire des temples antiques, est celle de son intérieur, et de la disposition de son naos. Il se divisoit en deux espace : l’un plus étendu et orné de colonnes, l’autre formant une pièce carrée, séparée de la précédente par une colonne d’ordre corinthien, lorsque les colonnes de la grande nef sont ioniques. Celles-ci, au lieu d’être isolées, comme elles l’étoient dans l’intérieur des temples de Minerve à Athènes, et de Jupiter à Olympie, se trouvoient adossées à un piédroit, lié au mur de la cella. Chaque entre-colonnement devoit ainsi former un renfoncement assez semblable à celui qui, dans nos églises, constitue ce que nous appelons des chapelles particulières.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur les détails de cette architecture qui, ainsi qu’on l’a déjà dit, attendent des dessins plus développés. Ceux que nous avons sous les yeux sout partie de la collection des bas-reliefs de ce temple, collection publiée à Rome, en 1814. Ils font toutefois assez bien connoître la distribution du naos intérieur dont on vient de parler, pour qu’il soit permis de s’en autoriser dans la manière d’entendre un certain passage de la mention faite par Pausanias.
C’est assez l’usage des critiques et des antiquaires (et on ne sauroit trop les en blâmer) de n’admettre, à l’égard des pratiques de l’art des Anciens, que ce dont on trouve des témoignages irrécusables dans les restes ou les ruines des monumens. Cependant, quand on pense au déluge de destruction qui a englouti les ouvrages de vingt siècles, et à ce peu de fragmens qui nous en reste, si l’on doit être sobre de conjectures pour restituer et pour affirmer, il faut aussi se défier de l’esprit absolu qui nie ce dont on n’a pu encore retrouver la preuve.
Lorsque surtout une multitude de vraisemblances et de considérations puisées dans la nature des choses, nous montre comme nécessaire tel ou tel usage, tel ou tel procédé d’une part, et que de l’autre toutes sortes d’invraisemblances se réunissent pour prouver, par une épreuve inverse, que l’usage en question ne put point ne pas être ; que d’ailleurs rien, dans les monumens, ne s’oppose à ce que l’on admette l’hypothèse donnée, et que même beaucoup d’inductions et d’analogies la renforcent, alors il nous semble qu’il est permis d’avancer certaines opinions, eu appelant toutefois à de plus amples renseignemens.
C’est ce que nous fimes il y a une quinzaine d’années, dans une dissertation qui fait partie des Mémoires de la classe de littérature ancienne de l’lnstitut, et où nous prétendîmes établir, contre l’opinion généralement reçue, que le naos intérieur des temples anciens, et surtout des grands temples périptères, devoit être éclairé, et ensuite que le temple appelé hypœtre ne devoit pas avoir son naos intérieurement découvert. Nous avons inséré une partie de ces notions au mot Fenêtre de ce Dictionnaire. Voyez Fenêtre.
En essayant de prouver ces diverses thèses, nous dûmes rechercher et dans les monumens existans, et dans les notions des écrivains anciens, des exemples propres à confirmer, nonseulement que plusieurs des temples périptères avoient des couvertures, en toitures et en plafonds, mais que quelques-uns même avaient été voûtés en pierre. La notion de Pausanias sur le temple de Phigalie nous parut renfermer sur ce dernier point au exemple irrecusable, et nous combattîmes l’opinion de Winckelmann qui, en expliquant les mots πιφου χαι αυτες οροφος, avoit pensé qu’il ne s’agissoit là que de tuiles de marbre. Il nous sembla qu’en disant que le temple étoit bâti en pierres ainsi que son comble, cela devoit signifier une voûte de pierre.
On ne doit pas se dissimuler, lorsqu’on connoît la disposition intérieure de la plupart des temples grecs, qu’il y eût eu beaucoup de difficulté, qu’il y eût eu même quelqu’impossibilité à les voûter, et à faire reposer une voûte en berceau sur les murs de leur cella, avec le peu d’épaisseur qu’on leur connoît et leur peu de contrefort ; qu’il eût été encore moins possible de l’établir sur les colonnes isolées des temples, dont l’intérieur avoit trois nefs et deux rangs de colonnes. Nous ignorions alors quelle étoit la disposition interne du temple de Phigalie, et quelles étoient ses dimensions. l’our accorder qu’il avoit une voûte eu pierre, il suffisoit de supposer une nef étroite et des murs fort épais.
Le plan bien connu maintenant de cet intérieur, vient lever toutes les difficultés, confirme la notion de Pausanias, et l’interprétation que nous en avions faite.
On y voit en effet : 1°. que la nef rétrécie par les deux rangées de colonnes adossées aux piédroits ne devoit guère avoir, ainsi que sa voûte, plus de quinze à vingt pieds de largeur ; 2°. que les colonnes avec les piédroits adossés aux murs présentoient un appui des plus solides ; 3°. que les murs, tels que le plan les présente, devoient avoir plus de trois pieds d’épaisseur.
Le temple de Phigalie ou d’Apollon épicurien renferme plusieurs autres particularités, qui deviendront d’un fort grand intérêt pour la critique de l’art et l’histoire et l’architecture, lorsque de nouveaux dessins mettront à portée d’en discuter les détails avec plus de précision.
La suite des bas-reliefs qu’on en a enlevés et qui sont aujourd’hui à Londres, se compose de tous sujets relatifs à la guerre des Centaures et à celle des Amazones. La composition et l’invention de la plupart de ces bas-reliefs offrent beaucoup d’action, une grande énergie de mouvemens, de la grandeur dans le style et souvent de la chaleur d’exécution. Le relief en est beaucoup plus saillant que celui de la frise du Parthénon, et l’on doit dire encore qu’il y règne moins de pureté, de correction et de fim. Plus d’un ciseau y a été employé, et à tout prendre, l’invention en est supéricure à l’exécution.
PHILÆ. C’est le nom d’une petite île située au milieu du Nil, ou dans un coude que fait ce fleuve, qui, dans cet endroit, a près d’une lieue de large. L’ile a 192 toises de long, 68 dans sa plus grande largeur, et 450 de circonférence. Le nom de Philæ, qui lui fut donné par les Grecs et les Romains, est tout-à-fait ignoré aujourd’hui dans le pays, où on lui donne un nom qui signifie l’île du Temple.
On y voit effectivement des restes assez considérables d’un grand temple, d’un autre plus petit, et de quelque autres constructions qui, sans doute, eu dépendoient.
L’ile étoit entourée jadis d’un mur de quai, dont on retrouve partout des vestiges, et dont plusieurs parties sont même encore bien conservées. Ce mur est en talus, bâti en grès. Les pierres en sont taillées avec soin, et en général il est d’une belle construction.
Plusieurs édifices servent d’avenue au grand temple. L’on peut consulter, sur leurs détails, la description de l’Egypte. Nous n’avons ici d’autre objet que d’indiquer les sources où l’on pourra puiser, sur ces ruines, des connoissances précises.
On sait assez que presque tous les temples de l’Egypte offrent une très-grande uniformité d’aspect, d’ordonnance extérieure et de ce qu’on appelle, en architecture, style et caractère. L’observateur y trouve toutefois dans leur disposition intérieure un assez grand nombre de variétés.
Ainsi le grand temple de Philæ présente dans la disposition de son portique une particularité remarquable, et qui ne se remarque une autre fois que dans un seul monument a Thèbes. Ce portique qui, comme tous les autres, est fermé latéralement, l’est encore antérieurement par un pylone, en sorte que la façade du temple n’est autre que celle de ce même pylone. Comme, par cette disposition, le portique, se trouveroit privé de lumière, on a laissé une grande ouverture dans le plafond, de manière que ce portique forme une espèce de cour environnée de colonnes de trois côtés.
Ce temple du reste est, comme tous les autres, une succession de pylones, de péristyles ou de cours formées par des colonnes.
Le portique dont on vient de parler a conservé assez fidèlement un exemple de la manière, dont la plupart des figures hiéroglyphiques étoient peintes. On y voit l’union de la peinture, de la sculpture et de l’architecture. Ce système de décoration fut beaucoup plus général qu’on ne pense dans toute l’antiquité.
L’île de Philæ renferme les restes d’un plus petit temple. La longueur totale de cet édifice est de treize toises. Les colonnes sous l’architrave n’ont que dix-sept pieds de haut. Les chapiteaux sont de formes et de décorations très variées. Ils sont distribués avec si peu de symétrie, qu’on seroit tenté de croire que l’architecte n’a pas été libre de faire autrement. Il y a de ces chapiteaux qui paroissent représenter des faisceaux de joncs ou de lotus ployés. Quant à la forme, il est difficile d’en trouver l’origine, et plus difficile encore de ne pas la trouver bizarre, et très-différente de celle de tous les autres chapiteaux.
Sur chaque face du dé qui surmonte ces chapiteaux, est sculptés en relief fort saillant une tête d’Isis, et au-dessus de cette tête, l’image de la façade d’un petit temple égyptien. Dans un petit renfoncement, qui figure la porte du temple, on voit un serpent portant un disque sur sa tête.
On remarque que le temple a deux façade : la première ou celle d’entrée offre deux colonnes ; la façade postérieure en a trois. Cette disposition, dit la description que nous abrégeons, semble manquer à toutes les règles, puisqu’elle présente une colonne dans son milieu. Mais si l’on réfléchit qu’il n’y a point d’entrée sur cette face, alors l’inconvenance disparoît. Nous renvoyons, pour tous les détails de ces monumens, à la description de l’Ouvrage sur l’Egypte.
PHOCICUM. C’est le nom (en grec φαχιχιε) que Pausanias, lib. 10, cap. 5, donne à un grand édifice qui renfermoit la salle d’assemblée des députés des villes de la Phocide.
« Voici le passage littéral de l’auteur grec…. On trouve un grand édifice appelé Phocicon, où se réunissent les Phocéens de chaque ville. Dans l’intérieur de l’édifice et sur sa longueur s’élèvent des colonnes. Des gradins contre (ou à partir de) ces colonnes vont s’adosser à chaque mur. C’est sur ces gradins que s’asseyent les députés des Phocéens. En face du passage ou au bout, il n’y a ni colonnes ni gradins, mais bien les statues de Jupiter, de Minerve et de Junon. La statue de Jupiter est sur un trône. Junon et Minerve sont debout de chaque côté, l’une à sa droite, l’autre à sa gauche. »
La traduction peut donner une idée de la disposition de cet intérieur, de laquelle il faudroit conclure, soit que l’édifice eût eu dans sa longueur un seul rang de colonnes, soit qu’il eu eût eu deux, que les gradins partant par eu bas, ou du seul rang, ou de chacun des deux rangs de colonnes, alloient dans la longueur méme de l’édifice, s’appuyant sur chaque mur. Ainsi dans cette manière d’entendre les mots du texte, il y auroit eu dans la longueur de la salle deux amphithéâtres, occupant l’espace entre les colonnes et le mur, de façon que les députés assis sur les gradins, de chaque côté, auroient été séparés soit par un rang, soit par deux rangs de colonnes.
L’hypothèse d’un seul rang de colonnes dans le milieu, séparant les deux amphithéâtres, nous paroît la moins soutenable.
L’hypothèse de deux rangs de colonnes divisant le local dans sa longueur, donneroit l’idée d’un intérieur semblable a celui des temples à trois nefs ; alors il est facile de s’en former une image, en admettant que chacune des nefs, que nous appellerions bas côtés, auroit été occupée dans sa longueur, par plusieurs rangs de gradins, commençant en bas à partir des colonnes, et allant s’appuyer sur chaque mur latéral en longueur. Les idées qu’on se forme d’une róunion d’hommes délibérant ensemble, pourroïent faïre naître quelque difficulté sur cette dïsposïtion des deux amphithéâtres.
Il resteroit une troisième hypothèse ; c’est que l’édifice auroit eu deux rangs de colonnes dans sa longueur, mais que les amphithéâtres se seroient trouvés établis, non dans cette longueur, mais sur la largeur ou le petit côté de la salle, en face l’un de l’autre. Chaque amphithéâtre partant aussi des colonnes, mais d’une autre manière, auroit été entre leurs deux rangs, et se seroit de même appuyé coutre chaque mur du petit côté de la salle. Dans cette supposition, l’entrée, ou la porte, au lieu d’être percée, comme celle d’un temple, sur la face étroite de l’édifice, l’auroit été dans le milieu de sa longueur. Il y auroit eu un entre-colonnement plus large dans le milieu de chaque rangée do colonnes, et en face de l’entrée auroit été placé le trône de Jupiter, avec les deux statues collatérales de Junon et de Minerve.
PICNOSTYLE. Voyez Pycnostyle.
PIÈCE, s. f. Ce mot nous paroît venir de l’italien pezzo, morceau. Il a dans les deux langues une multitude d’emplois.
Dans l’architecture proprement dite, et dans la distribution ou la disposition d’un intérieur de maison surtout, pièce signifie des’ parties constituantes d’un appartement, comme chambre, antichambre, cabinet, salon, etc. Ainsi l’on dit qu’un local, qu’un appartement est composé de tant de pièces.
Ce mot s’applique encore dans les arts à beaucoup d’autres choses ; on indiquera ici les principales. — On dit :
Pièce d’appui. C’est à un châssis de menuiserie, une grosse moulure en saillie, qui pose en recouvrement sur l’appui ou la tablette da pierre d’une fenêtre, pour empêcher l’eau d’entrer dans la feuillure.
Pièce de bois. C’est, selon l’usage, un bois dont la mesure est de 6 pieds de long, sur 72 pouces d’équarrissage. Ainsi une pièce de bois méplat de 12 a pouces de largeur, sur 6 ponces de grosseur, et 6 pieds de long, ou une solive de 6 pouces de gros, sur 12 pieds de long, fera ce qu’on appelle une pièce, à quoi un réduit toutes les pièces de bois de différentes grosseurs et longueurs, qui entrent dans la construction des bâtimens, pour les estimer par cent.
Pièce de charpente. C’est tout morceau de bois taillé, qui entre dans un assemblage de charpente, et qui, dans les bâtimens, s’applique à toutes sortes d’emplois. On appelle maîtresses pièces les plus grosses, comme les poutres, tirans, entraits, jambes de force, etc.
Pièces de rapport. Ce mot peut s’entendre de plus d’une manière.
D’abord on appelle ainsi les corps étrangers, appliqués, incrustés, ou enchassés comme les pierres fines, les pierres fausses, les cailloux, porcelaines, etc., sur un meuble ou un bijou. (Voyez Marqueterie, Mosaique. ) C’est dans ce sens qu’on dit d’un ouvrage quelconque, qui est composé de plusieurs morceaux, et qui n’ont pas été faits pour être rassemblés, qu’il est de pièces de rapport.
La même dénomination se donne ensuite à toutes les pièces de même métal qui sont ou appliquées ou soudées à un ouvrage d’orsèvrerie, de bijouterie, et comme ornemens de bas-reliefs, etc.
Enfin on peut appeler ainsi tout ouvrage métallique, statue ou autre, qui, au lieu d’être d’un seul morceau, en tant que résultat d’une seule fonte, se compose de beaucoup de pièces réunies les unes aux autres, soudées et rivées entr’elles. Les chevaux de bronze doré de Venise sont composés de plusieurs pièces de rapport.
Pièces de tuile. Ce sont tous les morceaux de tuile employés à différens endroits sur les couvertures. On nomme tiercines, les morceaux d’une tuile fendue en longueur, employée aux battellemens, et nigoteaux, ceux d’une tuile sendue en quatre, pour servir aux solins et ruillées. Pour l’intelligence de ceci, voyez Solin et Ruillée.
Pièce de verre. On appelle ainsi tous les petits carreaux on morceaux de verre de différentes figures et grandeurs, qui entrent dans les compartimens des formes et panneaux de vitre.
Dans le jardinage on donne le nom de pièce à beaucoup d’objets ; nous en citerons seulement deux.
Pièce d’eau. C’est, dans un jardin, un grand bassin de figure conforme à sa situation, comme, par exemple, la pièce d’eau appelée des Suisses, devant l’orangerie, à Versailles ; celle de l’Ile royale, dans le petit parc ; celle de Neptune, devant la Fontaine du Dragon. Voyez Bassin.
Pièces coupées. On donne ce nom, dans le jardinage, à un compartiment de plusieurs petites pièces figurées, ou formées de lignes parallèles et d’enroulemens, et séparées par des sentiers, pour faire un parterre de sleurs ou de gazon.
PIED (Considéré comme mesure linéaire). Son type originaire a dû être, comme celui de toutes les autres mesures, tiré d’une des parties du corps humain ; telles que brasse, palme, pouce, doigt.
Le pied de l’homme variant de dimension, selon les individus et les âges, ce modèle ne put jamais donner une dimension invariable, suffisante dans les premiers temps des sociétés pour l’évaluation approximative des transactions bornées aux plus simples rapports, il fallut bientôt en fixer l’étalon pour obvier aux fraudes, et en conservant son nom originaire, le pied varia de mesure selon les pays.
On appelle donc pied un instrument en forme de petite règle, qui a une longueur déterminée, laquelle se divise en plus ou moins de parties, telles que pouces ou lignes, qui y sont gravées.
Nous allons rapporter ici le tableau de ces principales variétés, telles que les lexiques les présentent. Cette connoissance est indispensable à l’architecte, dans les rapprochemens qu’il a souvent occasion de faire des descriptions de monumens élevés en divers pays, avec la mesure usitée dans le sien.
On considère les pieds comme antiques ou comme modernes, et c’est cette division que nous allons suivre, en rapportant les mesures des pieds les plus usités, selon qu’elles ont été déterminées par Suellius, Riccioli, Scamozzi, Petit, Picard, et autres géomètres et architectes. Les uns et les autres sont réduits au pied de roi. Ce pied est divisé en 12 pouces, le pouce en 12 lignes, et la ligne en 12 points. Ainsi il est divisible en 1728 parties. Six de ces pieds forment la toise.
Le mot pied s’emploie dans une multitude de cas, et s’applique à un très-grand nombre de choses dans l’architecture. Il suffit d’en faire simplement une courte mention. Tout le monde sait, en effet, qu’on dit le pied d’un mur, d’une colonne, d’une tour, etc.: pied alors ne signifie que l’extrémité inférieure, c’est-à-dire, cette partie de l’objet qui lui est ce que le pied est au corps de l’homme.
On donne le nom de pied à plus d’un genre de supports, que l’art de l’ornement sait embellir, et qui ajoutent un fort grand prix aux objets dont ils font partie. Ainsi les Anciens avoient appelé tripodes à trois pieds, trépieds, ces autels portatifs en bronze, qu’on imita depuis en marbre, et qui consistoient en un brasier soutenu par trois supports ou pieds, qu’on auroit pu appeler également jambes. Les pieds dont on parle formoient le principal mérite de ces ouvrages, parmi lesquels on peut citer de véritables chefs-d’œuvre d’invention, de composition, de goût et d’exécution. Ce fut jadis pour la sculpture d’ornement un sujet inépuisable, et où l’art des meubles modernes trouve à copier les pins agréables modèles pour la forme et les détails. Mais nous renvoyons, pour en traiter plus amplement, au mot Trepied.
Les Anciens portèrent aussi le goût du même genre de luxe dans les pieds des lits sur lesquels les convives se plaçoient pour leurs repas. Le plus souvent on les faisoit d’ivoire. C’étoit un grand objet de commerce que la fabrication des pieds de tout genre, dont on ornoit les siéges, les tables, les buffets. On y employoit les métaux et les matières les plus précieuses, et l’art de l’ornement y ajoutoit un prix infiniment plus grand.
Il suffira, pour en donner l’idée, de rappeler au lecteur les diversités de formes que l’artiste a su leur donner. Tantôt ce sont des pattes d’animaux, tantôt des figures de griffon, de sphinx, d’animaux symboliques ; tantôt des enroulemens capricieux, des contours en volutes, etc. ; tantôt des balustres, des colonnes, des pilastres, des montans d’arabesques.
La plupart de ces formes s’étant naturalisées aussi dans l’exécution et l’ornement des meubles, et des objets d’embellissemens que l’architecture des modernes s’est appropriés, nous n’alongerons pas cet article de la notion de tous les emplois qu’on fait du mot pied. On sait qu’il y a des pieds de siéges, de trônes, de tables, de consoles, de guéridons, et qu’on les adapte à ces usages, tantôt au nombre de quatre et même plus, tantôt au nombre de trois, tantôt en n’y en employant qu’un, comme dans ce qu’on appelle guéridon.
Cette dernière manière trouve une application assez fréquente dans certains bassins de fontaines jaillissantes, qu’on fait en marbre. La coupe du milieu de laquelle sort le jet ou le bouillon d’eau, est portée sur un balustre, ou rond ou à pans, qu’on orne de feuillages sculptés. Il y a ainsi, dans ce qu’on appelle la colonnade des jardins de Versailles, trente-un pieds de marbre qui soutiennent autant de bassins en marbre blanc.
En construction, on appelle :
Pied-de-biche, une barre de fer, dont un bout est attaché par un crampon dans un mur, et dont l’autre, en forme de crochet, s’avance ou recule dans les dents d’une crémillière, sur un guichet de porte enchère, pour empêcher qu’il ne soit forcé.
Pied-de-chèvre. C’est une troisième pièce de bois qu’on ajoute à une chèvre, pour lui servir de jambe, lorsqu’on ne peut l’appuyer contre un mur, pour enlever quelque fardeau de peu de hauteur, comme une poutre sur des tréteaux pour la débiter.
Pied de mur. C’est la partie inférieure d’un mur, laquelle (selon le langage de la construction) est comprise depuis l’empatement de la fondation, jusqu’au-dessus, ou à la hauteur de retraite.
PIÉDESTAL, s. m., est le mot français par lequel nous traduisons le mot grec et latin stylobata, que nous employons aussi dans la langue de l’architecture. Mais stylobate, par sa composition, signifie porte-colonne. Quelle que soit la composition du mot piédestal, piedestallo et piedistylo en italien, et quand on en conclurait qu’il est l’équivalent du mot grec, toujours seroit-il vrai qu’il a une signification plus générale, c’est-à-dire, qu’on applique ce mot à désigner le support de beaucoup de corps et d’objets différens d’une colonne.
Ce qu’on appelle piédestal, défini dans son acception générale, est un corps du matières, de formes et de proportions différentes, et diversement orné, qu’on donne pour support à des statues, à des bustes, à des vases, à des candélabres, à des cadrans solaires, à des tombeaux ou cénotaphes, etc.
Quant à la matiène, on fait des piédestaux en pierre, en marbre, en métal, en maçonnerie, en plâtre, en stuc, en bois, selon l’importance, la richesse ou la rareté des objets qu’on y impose.
Quant à la forme, on fait des piédestaux carrés, circulaires, ovales, et même quelquefois triangulaires.
La proportion des piédestaux, dans la diversité des emplois qu’on vient d’indiquer, ne sauroit avoir de règles déterminées, comme on l’a fait à l’égard de ceux qu’on emploie sous chaque ordre de colonnes. Il semble qu’en général il ne convient guère de donner au piédestal, en hauteur, plus du double de son épaisseur. Mais ces rapports varient beaucoup, selon la dimension de l’objet qu’il est destiné à supporter, selon le point de distance d’où on doit le considérer, selon l’effet qu’on veut faire produire à tout l’ensemble.
Le point de goût le plus important en cette matière, est celui qui regarde les piédestaux qu’on destine aux statues, en raison de leur nature, de leur objet, de leur dimension et de leur position.
Mais sous combien de rapports une statue ne peut-elle pas être considérée ? Si c’est un ouvrage d’art, objet d’étude pour les artistes, il conviendra que la figure soit le plus qu’il est possible rapprochée de l’œil, pour qu’on puisse en parcourir avec facilité les moindres détails.
Une statue assise, par exemple, ou couchée, comportera un piédestal plus élevé qu’une figure en pied.
Si la statue doit être placée dans une niche à cru, c’est-à-dire, qui prend naissance du sol, il conviendra de donner au piédestal une mesure combinée de la hauteur de la statue et de celle de la niche.
Quand une statue est destinée à figurer en plein air, dans un local spacieux, et comme point de décoration pour la vue, le piédestal, alors partie importante du monument, exige une proportion un peu plus indépendante de la statue.
On avoït peut-être un peu trop abusé de cette liberté dans les piédestaux des statues équestres des rois en France. Il y en eut dont la hauteur portoit la figure du héros à une telle distance de a vue, que l’œil en discernait avec peine les traits, Tel fut le piédestal de la statue équestre de Louis XV, par Bouchardon. Il semble que dans de pareils monumens, la mesure de la hauteur du piédestal ne devroit guère excéder la moitié de celle de la statue.
L’on a fait de toutes sortes de formes les piédestaux des statues équestres. On en a fait selon les goûts régnans dans chaque siècle, de quadrangulaires, de circulaires ou ovales ; on en a fait avec des ressauts, avec des angles arrondis ou chantournés. Mais après toutes sortes de variations, le bon goût qui, en architecture, n’est guère autre chose, que le bon sens appliqué à la manière d’être de toutes les compositions, a fait revenir à la forme naturelle, qui est la quadrangulaire. Un piédestal du genre de ceux dont on parle, doit d’abord offrir une idée de solidité dans sa masse, qui ne sauroit bien s’accorder qu’avec une certaine simplicité quant à la forme générale et à celle des détails. Des profils sages et suffisamment prononcés en font l’ornement nécessaire. A l’égard de sa décoration, la plus naturelle est celle des bas-reliefs dont ses faces seront ornées, et des inscriptions qu’on y gravera.
Le piédestal considéré architectoniquement, tel qu’on l’emploie dans beaucoup de cas, comme partie d’un ordre de colonnes, est un corps carré, avec base et corniche, qui porte la colonne et lui sert de soubassement.
Généralement parlant, et en stricte théorie, le piédestal est une chose tout-à-fait indépendante de la colonne, surtout isolée : aussi ne cite-t-on pas beaucoup d’exemples d’ordonnances isolées dont les colonnes posent sur cette sorte de supplément de base, qui doit passer pour une superfétation. On ne sauroit nier que le besoin d’employer des colonnes de marbre trop courtes pour l’élévation à laquelle on les destina, n’ait pu faire excuser, et ne puisse justifier encore, dans quelques occasions, l’addition du piédestal sous des colonnes ainsi données.
La même sévérité ne sauroit avoir lieu lorsqu’il s’agit de ces ordonnances, dont les colonnes sont engagées dans les piédroits, ou adossées à des murs, surtout lorsqu’un soubassement continu, ou en manière d’appui, comme dans certaines galeries, rend nécessaire de le profiler en saillie sous les colonnes. D’autres convenances ont encore engagé à pratiquer des piédestaux sous les colonnes qui servent d’ornemens aux arcs de triomphe. Ces monumens, comme on le sait, participent plus ou moins de la forme et du caractère des portiques en arcades et en piédroits. Les colonnes y sont plus de décoration que de nécessité, et les champs des piédestaux offroient à la sculpture des champs très-favourables aux figures qu’on y représentoit.
Une multitude de monumens et de grandes constructions à plusieurs étages de portiques, de piédroits et de colonnes engagées, tels que les théâtres, les cirques, les amphithéàtres, rendirent très-commun l’usage des piédestaux sous les colonnes, et les Modernes en ont usé dans presque tous leurs édifiées, dans l’intérieur des églises, dans leurs frontispices, dans les façades des palais, dans les galeries de leurs cours, etc.
En subordonnant ainsi à chaque ordre de colonnes un piédestal, il fut naturel d’en coordonner la proportion et les profils au caractère de l’ordre. Les Anciens l’avoient fait. Les Modernes, dans leurs traités, ont constamment réuni la règle des mesures et des profils propres de chaque ordre, à celle des mesures et des profils qui conviennent à son piédestal. Le piédestal, dans leurs théories, est devenu sinon une partie nécessaire, du moins l’accessoire obligé de l’ordre ; et comme presque toutes ces théories font partie des exemples de l’architecture des Romains, qui semblent avoir admis plus de variétés d’ordres que les Grecs, on s’est étudié a établir entre ce qu’on a appelé les cinq ordres, une progression de proportions et d’ornemens, qu’on a dû naturellement appliquer aux cinq genres de piédestaux, toscan, dorique, ionique, corinthien et composite. C’est pour nous conformer à l’usage des méthodes reçues dans les écoles, que nous allons rapporter les règles sur lesquelles elle s’accordent à cet égard.
Piédestal toscan. Ce piédestal est le plus simple de tous ; il n’a qu’une plinthe et un astragale, ou un talon couronné pour sa corniche. Le cavet de cette corniche a un cinquième et demi du petit module, et le cavet de la basa en a deux, à prendre du piédestal même. La base et la corniche out l’une et l’autre les moulures du piédestal corinthien dans la colonne Trajane. Le piédestal de Palladio n’a qu’une espèce de socle carré, sans base et sans corniche. Celui qu’on a le plus souvent adopté en France, d’après Scamozzi, tient un milieu entre les deux excès.
Piédestal dorique. Ce piédestal a des moulures, un cavet et un larmier dans sa corniche. Il est un peu plus haut que le piédestal toscan. Telle est sa proportion. On partage le tiers de toute sa base eu sept parties, dont on donne quatre au tore qui est sur le socle, et trois au cavet. La saillie du tore est celle de toute la base, et celle du cavet a deux cinquièmes du petit module au-delà du nu du dé. A l’égard de la corniche, elle a un cavet avec son filet au-dessus, et ce filet soutient un larmier couronné d’un filet. Pour proportionner ces membres, on les partage en six parties, dont cinq sont pour le larmier, et la sixième pour son filet. Un cinquième et demi du petit module au-delà du nu du dé, forme la sallie du cavet avec son filet. On en donne trois cinquièmes au larmier, et trois et demi à son filet. Selon Vignole, Serlio et Perrault, ces membres forment le caractère du piédestal dorique. Scamozzi y met un filet entre le tore et le filet du cavet, et Palladio y ajoute une doucine.
Piédestal ionique. On donne à ce piédestal orné de moulures presqu’en tout semblables a telles du piédestal dorique, deux diamètres de haut et denx tiers ou environ. Sa base a le quart de toute la hauteur ; la corniche a le demi-quart, & les moulures de la base ont le tiers de toute la base. La proportion de ces moulures se règle, en divisant le tiers de la base en huit parties, qu’on divise ainsi : quatre à la doucine et une à son filet, deux au cavet et une à son filet. La saillie de ce dernier membre est du cinquième du petit module, celle du filet de la doucine de trois ; reste la corniche dont les parties sont un cavet avec son filet au-dessous, et un larmier couronné d’un talon, avec son filet. Ces profils ou membres, étant partagés en dix parties, deux sont pour le cavet, une pour le filet, quatre pour le larmier, deux pour le talon et une pour son filet. Enfin, la saillie de ces membres de la corniche est la même que celle de la doucine et du cavet dont en vient de parler.
Piédestal corinthien. La quatrième partie de la hauteur de la colonne forme la hauteur de ce piédestal. On le divise en neuf parties, dont une est pour la cymaise, deux pour la base, et les autres pour le dé. Cette buse est composée de cinq membres ; savoir, un tore, une doucine avec son filet, et un talon avec son filet au-dessus. De neuf parties dont un tiers de la base est formé (les deux autres tiers sont pour le socle), le tore en a deux et demie, la doucine trois, une demie pour son filet, le talon deux et demie, et son filet une demie. Ce premier membre a la saillie de toute la base, la doucine a la sienne égale aux deux cinquièmes trois quarts du petit module, et la saillie du talon avec son filet est d’un cinquième.
Six membres composent la corniche du piédestal corinthien : un talon avec son filet, une doucine, un larmier et un talon avec son filet. On divise toute la hauteur de ces membres en onze parties, dont une et demie est pour le talon, une demie pour le filet, trois pour la doucine, trois pour le larmier, deux pour le talon, et une pour le filet. Pour les saillies, on donne au talon avec son filet, un cinquième du petit module, deux cinquièmes et demi-tiers de la doucine, trois au larmier, et un cinquième au talon supérieur avec non filet.
Piédestal composite. Ce piédestal est semblable, pour la proportion, au piédestal corinthien, mais les profils de sa base et de sa corniche sont différens. Sa base est composée d’un tore, d’un petit astragale, d’une doucine avec son filet, d’un gros astragale et d’un filet. De dix parties de cette base, le tore en a trois, le petit astragale une, le filet de la doucine une demie, la doucine trois et demie, le gros astragale une et demie, et le filet qui fait le congé, une demie. Les saillies de ocs membres sont égales à peu près a celles de ceux du piédestal corinthien.
Un filet avec son congé, un gros astragale, une doucine avec son filet, forment la corniche qui occupe la huitième partie du piédestal. Le filet a une douzième partie et demie de toute la corniche, l’astragale une demie, la doucine trois et demie, le filet une demie, le larmier trois, le talon deux et le filet une. Les saillies de ces membres sont à peu près les mêmes que celles de la corniche dupiédestal corinthien.
Le piédestal composite a de hauteur la troisième partie de la colonne.
On donne différens noms aux piédestaux, selon leurs formes et leurs emplois. On dit :
Piédestal composé. C’est un piédestal d’une forme extraordinaire, comme ronde, carrée-longue, arrondie ou avec plusieurs retours. Il sert pour porter les groupes de figures, les statues, vases, etc.
Piédestal continu. Piédestal qui, sans ressaut, porte un rang de colonnes. Tel est celui qui soutient les colonnes ioniques cannelées du palais des Tuileries, du côté du jardin.
Piédestal double. C’est le nom qu’on donne à celui qui porte deux colonnes et qui a plus de largeur que de hauteur. On trouve de ces piédestaux à plusieurs des portails d’église qui ont des colonnes adossées aux murs et accouplées.
Piédestal en adoucissement. Ainsi appelle-t-on le piédestal dont le corps ou le milieu est bombé. C’est là un de ces caprices que le bon sens et le bon goût réprouvent.
Piédestal en balustre. On en fait de cette façon pour supporter, en manière de guéridon, une coupe. Voyez plus haut.
Piédestal flanqué. Piédestal dont les encoignures sont flanquées on cantonnées de quelques corps, comme de pilastres attiques ou en consoles, etc.
Piédestal irrégulier. Celui dont les angles ne sont pas droits dans le plan, ni les faces égales ou parallèles, mais quelquefois cintrées, par la sujétion de quelque plan, comme d’une tour ronde ou creuse.
Piédestal orné. C’est celui qui, non-seulement a ses moulures taillées d’ornemens, mais qui encore a ses tables fouillées ou en saillies, ornées de bas-reliefs, de chiffres, d’armoiries, etc., soit que ces ornemens soient pris dans la matière même du piédestal, soit qu ils y soient rapportés en bronze, comme on le pratique à l’égard des piédestaux qui supportent les statues équestres, et d’autres monumens honorifiques.
Piédestal carré. On appelle ainsi celui qui est égal en hauteur et en largeur. Tels sont les piédestaux de l’Arc des lions, a Vérone, d’ordre corinthien, et que quelques-uns, comme Serlio et Philander, ont affecté à leur ordre toscan.
Piédestal triangulaire. On n’use guère de ce piédestal en architecture. On l’a quelquefois placé sous des groupes, et d’autres fois on le voit, en manière d’autel, servant de support à des candélabres.
PIÉDOUCHE, s. m. Ce mot est le même que le mot italien pieduccio, petit pied.
On applique ce nom à un très-petit piédestal qu’on donne pour support à de petits objets, à de petites figures, et, le plus ordinairement, à des têtes ou à des bustes. Sa forme la plus ordinaire, chez les Modernes, est celle d’un grand cavet avec des moulures en haut et en bas.
On fait le plus souvent les piédouches circulaires, mais il y en a aussi de carrés, avec le même adoucissement et les mêmes moulures. Du reste, la proportion de ces sortes de bases n’est déterminée que par la mesure du buste et par la masse qu’elles doivent supporter.
Il y a des personnes qui condamnent la forme habituelle du piédouche, comme étant molle, sans caractère, et semblant être, ainsi que le balustre, l’ouvrage du tourneur plutôt que celui de l’architecte. Nous ne trouvons point effectivement cette forme employée par les Anciens, qui nous ont transmis et de petites figures, et aussi des bustes sur des piédouches ; mais ils sont le plus souvent carrés : ils portent un petit cartel pour recevoir une inscription. Nous avouerons que cette forme carrée, sous un buste, a peu d’agrément, qu’elle est lourde et fait peu valoir ce qu’on y impose. On a trouvé dans l’antique, surtout pour de petites figures en bronze, des piédouches d’une forme plus agréable (on peut les voir dans le Recueil des bronzes du Muséum d’Herculanum). Ces piédouches circulaires ont une forme alongée et pyramidale ; au lieu de la gorge trop rentrée ou du cavet très-creusé du piédouches moderne, leur fût ne décrit qu’une courbe très-légère, et est susceptible de recevoir des ornemens.
PIÉDROIT, s. m. C’est le nom qu’on donne à cette partie de la construction d’une arcade, d’une porte ou d’une fenêtre, qu’on appelle aussi jambage ou trumeau, et qui comprend le bandeau ou chambranle, le tableau, la feuillure et l’écoinçon.
Dans l’architecture des grands édifices où l’on emploie les ordres des colonnes avec des arcades le piédroit reçoit ou des pilastres, ou des colonnes tantôt engagées, tantôt simplement adossées. Il participe alors au genre et à la nature d’ornemens propres à chaque ordre.
Si l’ordre y est appliqué sans piédestal, le piédroit ne reçoit aussi alors qu’un socle avec une simple moulure ; si l’on donne un piédestal à l’ordre, comme dans les arcs de triomphe, quelquefois la corniche de ce piédestal ou une partie de ses moulures se profile sur le piédroit. L’ornement principal de ce dernier consiste dans le bandeau qui le couronne, et sur lequel viennent reposer les bondes de l’archivolte.
Comme chaque archivolte reçoit, selon le caractère plus ou moins simple, plus ou moins riche de l’ordonnance générale, plus ou moins de profils dans ses bandes, et aussi plus ou moins d’ornemens, de même l’espèce de chapiteau ou ce qui sert de couronnement au piédroit, aura ou peu de profils et des profils tout lisses s’il s’agit d’un ordre sévère, ou des profils multipliés et taillés d’ornemens, dans l’ordre qui exprime la variété et la richesse.
Du reste, le piédroit fait une partie si essentielle de la plupart des constructions, que sa manière d’être taillé, façonné ou appareillé, contribue beaucoup au caractère général de l’édifice. On fait des piédroits rustiques, on en fait de taillés en bossages et en refends. En un mot, le piédroit entre dans le système d’appareil que l’architecte a cru devoir affecter à son monument.
PIERRE, s. f. Matière plus ou moins dure, plus ou moins solide, qu’on emploie le plus généralement à bâtir, et qu’on trouve soit en terre, à une plus ou moins grande profondeur, et par couches ou lits, soit en plein air, sur les sommets des montagnes, soit dans ces masses qu’on appelle des rochers.
Les diversités de pierres sont telles et si nombreuses, selon les pays et les contrées où il s’en rencontre, que l’enumération et de leurs variétés, et des noms qu’elles reçoivent, seroit la matière d’un ouvrage qu’il ne sera très-probablement jamais possible de rendre complet.
Comme il ne sauroit être ici question de considérer les pierres d’après les connoissances géologiques de l’histoire naturelle, el d’après l’analyse e leur substance ou de leur formation, nous ne nous assujettirons, dans leurs nomenclatures, qu’aux variétés des qualités qui les distinguent dans l’art de bâtir, aux différences des noms qui leur sont imposés par les emplois qu’on en fait, par les pays qui les produisent.
A l’égard de cette dernière nomenclature, nous n’avons pas besoin de prévenir le lecteur, qu’il eût été impossible de lui donner l’étendue qu’elle comporte. Déjà dans quelques articles particuliers, on a fait mention de certaines espèces de pierres et de marbres, qui, employées par les Anciens, ont acquis une certaine célébrité. On se contentera ici de relater la plus grande partie des qualités de pierres qu’on emploie à Paris dans les constructions.
Pierre d’Arcueil près Paris. Cette pierre porte de hauteur du banc, nette et taillée, depuis 14 pouces jusqu’à 24. Il y en a une espèce qu on appelle de bas appareil, qui ne porte que 9 à 10 pouces.
Pierre de belle hache. On la tire vers Arcueil, d’un endroit appelé la Carrière royale. Elle porte de hauteur 18 à 19 pouces. C’est une des pierres les plus dures, mais il s’y rencontre des cailloux.
Pierre de bon banc. Cette pierre, qui se tire près de Vaugirard, porte depuis 13 jusqu’à 24 pouces de hauteur.
Pierre de Caen en Normandie. Espèce de pierre noire qui tient de l’ardoise (voyez Ardoise), mais qui est beaucoup plus dure. Elle reçoit le poli et sert dans les compartimens des carrelages.
Pierre de la Chaussée, près Bougival, à côté de Saint-Germain-en-Laye. Cette pierre porte 15 à 16 pouces.
Pierre de Cliquart près d’Arcueil. On l’appelle aussi de bas appareil. Elle porte 6 à 7 pouces.
Pierre de Saint-Cloud. Pierre qu’on tire au lieu du même nom, près Paris, et qu’on trouve nette et taillée, depuis 18 jusqu’à 24 pouces de hauteur.
Pierre de Fécamp. On trouve cette pierre dans la vallée de ce nom, près Paris. Elle a 15 à 18 pouces de hauteur.
Pierre de lambourde. Cette pierre se trouve près d’Arcueil. Elle porte depuis 20 pouces jusqu’à 60 de hauteur, mais ou la délite. On trouve aussi de la lambourde hors du faubourg Saint-Jacques à Paris, qui a depuis 18 jusqu’à 24 pouces.
Pierre dure de Saint-Leu. On la tire aux côtes de la montagne d’Arcueil.
Pierre de Lais. On en distingue deux espèces qu’on appelle : l’une, franc liais, l’autre liais férant, qui est plus dur que le franc. On les tire tous deux de la même carrière, hors la porte Saint-Jacques près Paris. Il y a aussi le liais rose, qu’on tire près de Saint-Cloud. Il est plus doux et reçoit un beau poli au grès. Le banc de ces différentes espèces porte de 6 a 8 pouces de hauteur.
Pierre de Meudon près Paris. Cette pierre porte depuis 14 jusqu’à 18 pouces. Il y en a une sorte qu’on appelle rustique de Meudon, qui est plus dure et plus trouée, mais qui a la même hauteur.
Pierre de Montesson près Nanterre, à deux lieues de Paris. Elle porte de 9 à 10 pouces.
Pierre de Saint-Nom, au bout du parc de Versailles. Cette pierre a depuis 18 jusqu’à 22 pouces de hauteur.
Pierre de Senlis. On prend cette pierre à Saint-Nicolas-lès-Senlis, à dix lieues de Paris. Elle porte depuis 12 jusqu’à 16 pouces.
Pierre de Souchet. Se trouve hors du faubourg Saint-Jacques, près Paris, Elle porte depuis 12 jusqu’à 16 pouces.
Pierre de Tonnerre, en Bourgogne. Elle a denis 16 jusqu’à 18 ponces.
Pierre de Vaugirard, près Paris. Elle est dure c rie, et a 18 a 19 pouces.
Pierre de Vergeté. On tire cette pierre de Saint-Leu, à dix lieues de Paris. Elle porte 18 à 20 pouces.
Pierre de Vernon, à douze lieues de Paris. Son banc porte depuis 2 jusqu’à, 3 pieds de hauteur.
On désigne par les noms suivans quelques espèces de pierres plus tendres.
Pierre d’ardoise. Voyez Ardoise.
Pierre de craie. Voyez Craie.
Pierre de Saint-Leu, à dix lieues de Paris. Elle porte depuis 2 pieds jusqu’à 4.
Pierre de Maillet et de Trocy. On tire cette pierre de Saint-Leu. Celle de Trocy a cela de particulier, que son lit est fort difficile à connoître. On ne le découvre que par de petits trous.
Pierre de tuf. Voyez Tuf.
Pierre à chaux. Sorte de pierre grasse qu’on tire ordinairement des côtes des montagnes, et qu’on calcine pour faire de la chaux.
Pierre à plâtre. C’est une espèce de pierre de la nature des talcs et des albâtres, qu’on cuit dans des fours, et qu’on pulvérise ensuite pour faire du plâtre. Voyez Platre.
Pierre de couleur. On donne ce nom généralement à toute pierre qui n’est pas blanche. Il y en a ainsi de grisâtres, de noirâtres, de rougeâtres, de jaunâtres. L’emploi de ces pierres produit souvent des variétés agréables dans les bâtimens.
Pierre de taille. On appelle ainsi toute pierre dure ou tendre, qui peut être équarrie et taillée avec paremens, ou même avec détails d’archiecture, pour la solidité ou la décoration des édifices.
Pierre fine, se dit de toute pierre qui est difficile à travailler, à cause de sa dureté et de sa sécheresse.
Pierre franche. C’est ainsi qu’on appelle toute pierre qui est parfaite en son espèce, qui n’a ni la dureté de ce qu’on appelle ciel dans les carrières, ni le tendre de ce qu on nomme moellon.
Pierre fusilière. Espèce de pierre dure et sèche, qui tient de la nature d caillou. Elle est ordinairement grise et noirâtre.
Pierre gélisse ou verte. C’est celle qui, étant nouvellement tirée de la carrière, n’a point encore jeté son humidité.
Pierre pleine, se dit de toute pierre dans laquelle il ne se trouve ni coquillages, ni cailloux, ni moyes, ni trous.
Pierre poreuse ou trouée. Pierre qui a des trous, comme le rustique de Meudon, le tuf et toutes les pierres meulières. On l’appelle aussi choqueuse.
Pierre bien faite, se dit d’une pierre qui approche de la figure cubique, et que l’on équarrit presque sans déchet.
Pierre de haut appareil, est celle dont le banc porte une grande hauteur, comme celles de Vernon, de Saint-Cloud, de Saint-Nom, de Vaugirard, de Saint-Leu.
Pierre de bas appareil, est celle dont le banc perte peu de hauteur, par exemple moins d’un pied.
Pierre débitée. C’est une pierre qui est sciée. La pierre dure se débite à la scie sans dents, avec l’eau et le grès pilé ; la pierre tendre, comme le saint-Leu, le tuf, la craie, etc., avec la scie à dents.
Pierre d’échantillon. C’est un bloc de pierre d’une mesure déterminée, commandée exprès aux carriers.
Pierre d’encoignure. Pierre qui a deux faces ou paremens, et qui forme l’angle saillant ou rentrant d’un bâtiment.
Pierre ébousinée. Pierre dont on a enlevé le bousin ou le tendre.
Pierre en chantier, est celle qui est callée par le tailleur de pierre, et qui est disposée pour être taillée.
Pierre en débord, se dit des pierres que les carriers font voiturer sur les ateliers, sans ordre, et dont on n’a pas besoin.
Pierre esmillée. Pierre qui est équarrie et taillée grossièrement avec la pointe du marteau, pour être employée seulement dans les garnis des gros murs et dans le remplissage des piles et culées de pont.
Pierre faite, celle qui est entièrement taillée et prête à être enlevée pour être posée à sa place.
Pierre fusible, celle qui, par l’opération du feu, change, de nature et devient transparente.
Pierre hachée. Pierre dont les paremens sont dressés avec la hache du marteau bretelé, pour être ensuite layée ou rustiquée.
Pierre layée, est celle qui est travaillée à la laye, ou marteau avec bretelures.
Pierre louvée, est celle où l’on fait un trou pour recevoir la louve. Voyez Louve.
Pierre nette. Ainsi appelle-t-on celle qui est équarrie et atteinte jusqu’au vif.
Pierre parpaigne. C’est le nom qu’on donne à une pierre qui traverse toute l’épaisseur d’un mur, et qui en fait les deux paremens.
Pierre piquée. Pierre dont les paremens sont piqués à la pointe, et dont les ciselures sont relevées.
Pierre polie, est celle qu’on frotte avec le grès pour effacer les coups de ciseau et de marteau, et qui, par sa dureté, est susceptible de recevoir le poli.
Pierre ragréée au fer. Pierre qui est passée au riflard, espèce de ciseau large et dentelé.
Pierre retaillée. On appelle ainsi non-seule-ment une pierre qui, ayant été déjà taillée, l’est une seconde fois avec déchet, mais encore toute pierre tirée d’une démolition, et qu’on retaille pour être derechef mise en œuvre.
Pierre retournée, celle dont les paremens, opposés les uns aux autres, sont d’equerre et parallèles.
Pierre rustique, est celle dont le parement, après avoir été dressé, est piqué grossièrement à la pointe.
Pierre statuaire, se dit de tout bloc d’échantillon destiné à faire une statue.
Pierre tranchée, est celle où l’on fait une tranchée avec le marteau pour la débiter.
Pierre traversée, celle où les traits des bretelures sont croisés.
Pierre velue. Nom qu’on donne à toute pierre brute, telle qu’on l’amene de la carrière.
Pierres à bossage ou de refend. Pierres qui, étant mises en œuvre, sont séparées par des canaux, à égale distance, et qui représentent les assises des pierres. Les joints de lit doivent être cachés dans le haut des refends. Lorsque ces pierres sont en liaison, les joints montans sont dans l’un des angles du refend.
Pierres artificielles. Ce sont les matériaux propres à la bâtisse qui sont formés par l’art, comme sont les briques, le béton, etc.
Pierres feintes, se dit de tous ornemens des murs de face, dont les crépis et enduits de plâtre, stuc ou mortier, sont façonnés de manière à imiter, au moyen de refends et de bossages, les murs de pierre.
Pierres fichées, sont celles dont les joints sont remplis de coulis ou de mortier clair.
Pierres jontoyées. Ce sont des pierres qui ont le dehors de leurs joints bouché, et ragréé de mortier serré, de plâtre ou de ciment.
Pierre à laver. Pierre plate, dont la surface supérieure est creusée d’environ deux pouces, en conservant un rebord tout autour, et qui sert dans une cuisine à laver la vaisselle.
Pierre d’attente. Ainsi se nomme toute pierre à laquelle on laisse une saillie hors du mur, soit pour tailler quel qu’ornement de sculpture, soit, pour faire liaison avec ou autre bâtiment qui sera construit auprès dans la suite. Voyez Harpes.
Pierre de touche. Espèce de marbre noir que les Italiens appellent pietra di paragone, pierre de comparaison, parce qu’elle sert à éprouver les métaux.
Pierre incertaine, est celle qu’on emploie en lui laissant dans tous les pans et angles qu’elle offre, sa forme irrégulière.
Pierre levée. Voyez Levée.
Pierre lithographique. Pierre dont on use pour y dessiner avec un crayon gras, et qui, soumise à la pression, ‘produit une imitation de la gravure sur cuivre ou sur bois.
Pierre noire. Espèce de pierre tendre dont on se sert pour dessiner, et que les ouvriers emploient pour tracer les ouvrages.
Pierre percée. Dalle de pierre dans laquelle on fait des trous, et qu’on place dans un châssis de pierre à feuillure, soit sur une voûte, pour donner de l’air ou du jour à un souterrain, soit pour l’écoulement des eaux dans un puisard, soit dans un mur devant l’avant-bout d’une pièce de bois pour lui donner de l’air. De ce genre est à peu près ca qu’on appelle la pierre à châssis, qui sert a fermer un regard ou une fosse d’aisance.
Pierres précieuses. Nom général qu’on donne aux gemmes, telles que topaze, sardoine, agathe, etc. , et aussi à de certaines matières rares, comme le lapis lasuli, à des matières dures, telles que les porphyres, dont on fait des ouvrages précieux, des reyêtissemens dispendieux, etc. , a des devants d’autels, des tabernacles.
On appelle pierre de rapport, toutes ces pierres rares et précieuses qu’on emploie en compartimens pour former des pavés en mosaïque.
Pierre milliaire. Pierre qui, sur les chemins, indique un nombre de mille pas géométriques.
Chez les Romains, toute route avoit son espace ainsi divisé de mille en mille pas, par des bornes sur lesquelles on inscrivoit le nombre de chaque division, à partir du milliaire doré placé dans le Forum. On trouve encore aujourd’hui beaucoup de ces pierres avec leur chiffre indicateur. C’est aussi ce que nous apprennent ces mots des historiens latins, primus, secundus, tertius, etc., ab urbe lapis. Voyez Milliaire.
L’usage des pierres milliaires est devenu très-commun aujourd’hui chez la plupart des nations modernes.
Pierre perdue ou pierres perdues. On appelle ainsi les pierres qu’on jette soit dans la mer, soit dans un lac, pour servir de fondement à une jetée, ou à quelqu’autre ouvrage qui doit avoir sa base dans l’eau.
On donne le même nom aux pierres dites aussi de blocage, qu’on jette dans une fondation à bain de mortier.
On nomme pierres jectiles, celles qui peuvent être jetées avec la main, sommes les gros et menus cailloux qui servent à affermir les aires des grands chemins, et paver les grottes, fontaines et bassins.
Pierre-ponce, est une pierre qui est si légère qu’elle nage sur l’eau. On place dans celle catégorie certaines scories volcaniques qui sont perforées comme des éponges, et dont on fait des voûtes de la plus grande solidité.
Pierre sépulcrale, se dit de ces dalles de pierre ou de marbre, portant une épitaphe, et que, dans les cimetières, on place sur les lieux où les corps sont déposés.
Pierre spéculaire, est une pierre transparente qui se débite par feuilles plus ou moins épaisses, qui jadis servoit de carreaux du vitre. Voyez Fenetre et Spéculaire.
Pierre de sanguine, est une pierre tendre, d’un rouge brun, pesante, compacte, unie et douce au toucher, dont on se sert pour dessiner. A cet effet on la taille en crayons.
Il est une multitude d’autres dénominations de pierres, comme pierre à aiguiser, pierre à broyer, dont l’énumération seroit trop longue. Les usages de la pierre sont innombrables, et chaque jour en doit produire de nouveaux.
Pierre coquillière ou coquilleuse. Pierre dans laquelle il se rencontre de petites coquilles qui forment des trous dans ses paremens. Telle est pour Paris, la pierre de Saint-Cloud et celle de Saint-Nom.
Pierre coupée, est celle qui, ayant été mal taillée, ne peut servir à la place où elle étoit destinée.
Pierre délitée, celle qui est fendue à l’endroit d’un fil de lit, et qui, taillée avec déchet, ne peut servir qu’a faire des arrases.
Pierre de soupré. C’est, dans les carrières de Saint-Leu, la pierre du banc le plus bas, et dont on ne se sert point, parce qu’elle est trouée et défectueuse.
Pierre de souchet. On nomme ainsi, en quelques endroits, la pierre du banc le plus bas, qui, n’étant pas plus formée que le bouzin, est de nulle valeur.
Pierre en délit, est celle qui, dans un cours d’assises, n’est pus posée sur son lit de carrière.
Pierre fêlée. Pierre qui est traversée par un fil on veine courante. On dit pierre entière celle qui est le contraire. Le son que rend la pierre lorsqu’on la frappe avec le marteau, fait connoitre l’un et l’autre état de la matière.
Pierre feuilletée. Pierre qui se délite en feuillets ou écailles par l’effet de la gelée. La lambourde, entr’autres pierres, est sujette à cet inconvénient.
Pierre gauche, est celle dont les paremens et les côtés opposés ne se bornoyent pas, parce qu’ils ne sont point parallèles.
Pierre grasse, est celle qui est humide, et par conséquent sujette à se geler. Telle est, par exemple, la pierre appelée cliquart.
Pierre moyée. Pierre dont la moye, ou le tendre, est abattu avec perte, parce que son lit n’est pas également dur. Cela arrive très-souvent à la pierre de la Chaussée.
Pierre moulinée. Pierre qui est graveleuse et qui s’égraine à l’humidité. C’est un défaut particulier à la lambourde.
PIERRÉE, s. f. Canal souterrain, souvent construit à pierres sèches, et glaisé dans le fond, qui sert à conduire les eaux des fontaines, des cours et des combles.
PIEU, s. m. Grosse pièce de bois, qu’on aiguise par un bout, ou par les deux bouts, pour faire des barrières ou des palissades.
PIEUX, s. m. pl. (Terme d’architecture hydraulique.) Pièces de bois de chêne, qu’on emploie de leur grosseur, pour faire les palées des ponts de bois, nu qu’on équarrit pour former ce qu’on appelle les files de pieux, qui retiennent les berges de terre, les digues, etc., pour aider à construire les batardeaux. Les pieux sont pointus et ferrés comme les pilots. Ce qui en fait la différence, c’est qu’ils ne sont jamais enfoncés tout-à-fait dans la terre, et que ce qui en paroît au dehors est souvent équarri. Voyez Pilots.
Pieux de garde (Terme d’architecture hydraulique.) Ce sont des pieux qui sont au-devant d’un pilot, plus peuplés et plus hauts que les autres, et recouverts d’un chapeau. On en met ordinairement devant la pile d’un pont, et au pied d’un mur de quai ou de rempart, pour le garantir du heurt des bateaux et des glaçons, et pour empêcher le dégravoiement.
PIGEON. Voyez Epigeonner.
PIGNON, s. m., se dit de la partie supérieure, du mur de face d’un bâtiment ou d’une maison, qui se termine en pointe, et où aboutit la couverture d’un comble à deux égouts.
Telle étoit la forme de la devanture des anciennes maisons. Ce comble avoir ordinairement une assez grande saillie sur le mur de face, et formoit une sorte d’auvent qui mettoit à l’abri de la pluie. Cette forme est encore fort en usage dans les pays du Nord. De là vint le proverbe, avoir pignon sur rue, pour dire, être propriétaire d’une maison.
Ces sortes de pignons recevoient souvent des ornements, soit en consoles faites en bois, soit en découpures chantournées.
Pignon a redents. On appeloit ainsi, dans les anciennes constructions en pierre, certains murs se terminant en pointe à la tête d’un comble à deux égouts, et dont les côtés sont par retraites en manière de degrés. On les pratiquoit ainsi, pour qu’ils pussent servir d’escaliers propres à conduire sur le faîtage lorsqu’il falloit réparer la couverture.
Cette pratique a lieu encore dans les pays du Nord, où les combles sont fort pointus. De ce qui étoit un besoin, on a fait une espèce d’ornement.
Pignon entrapeté. C’est celui qui, au lieu de former un triangle, est pentagonal, comme le pignon qui termine un comble brisé, dit à la mansarde, ou qui a la forme d’un trapèze, comme celui qui termine un comble brisé dont la partie supérieure est en croupe.
PILASTRE, s. m., est le même mot que l’italien pilastro, lequel est formé du mot pila, pile, pilier, et signifie espèce de pile.
L’idée générale de ce qu’il faut entendre par pilastre, en architecture, s’exprimoit chez les Romains, selon les cas, ou par le mot anta, (voyez ce terme), ou par le mot parastata, qui est grec, et qui, par sa composition, nous indique un objet adossé à un autre ; et ce mot est, comme l’on voit, une fort bonne définition du pilastre, qui, dans le plus grand nombre de ses emplois, se trouve ou engagé, ou adossé à un mur.
L’origine du pilastre nous est suffisamment révélée par sa forme primitive, qui fut carrée, forme qu’il a toujours plus ou moins conservée dans les diverses modifications que l’usage lui a fait subir. Quelle qu’ait été l’origine de la colonne, qu’on la cherche dans les troncs des arbres, qui naturellement durent s’offrir comme supports des édifices, qu’on prétende qu’en d’autres pays ce fut la pierre qui fournit à la construction les soutiens des élévations, il est également vraisemblable qu’on dut, dès les premiers temps, faire des colonnes quadrangulaires aussi bien que des circulaires.
On a fait assez souvent remarquer qu’en supposant le bois, comme la matière première, sur laquelle se forma et se régularisa l’architecture grecque, il falloit se garder de croire que l’art eût eu en vue d’imiter les arbres dans leur état naturel. Nous avons plus d’une fois montré que dans celle imitation, il ne falloit considérer l’arbre que déjà façonné par la charpente, soit dans les poutres perpendiculaires, soit dans les sommiers horizontaux. Or, dès que c’est l’arbre façonné en état de poutres ou de solives, qu’il faut se figurer, comme élément de l’imitation dans les essais de l’art de bâtir, il doit passer pour constant, qu’on dut alors tout aussi naturellement employer pour supports, des bois équarris que des bois arrondis.
Voilà pourquoi il se fit aussi par la suite dans les édifices en pierre, des colonnes carrées.
Il faut appeler colonnes carrées, piliers ou pilastres, ce que l’on désigne dans les ordonnances des temples par le mot antes. C’est au front du mur de la cella du temple qui n’a point de colonnades en avant ou à l’entour, comme du temple prostyle ou du périptère ce montant quadrangulaire dont le chapiteau diffère de celui de l’ordonnance générale. Voyez Ante.
A plus forte raison doit-on appeler colonnes carrées, ces mêmes montans en façon de pilier lorsqu’ils sont isolés, comme nous montrerons qu’il y en eut jadis plus d’un exemple. Ce fut par suite de cette forme qu’on regarda encore comme colonnes carrées, ce que l’on nomme aujourd’hui spécialement pilastres. Ce n’est effectivement autre chose qu’une colonne quadrangulaire, supposée engagée à une plus ou moins grande épaisseur dans un mur, ce qui fait que la superficie apparente oie du pilastre est toujours plane.
On voit enfin que, comme il y eut des colonnes circulaires, dont la circonférence est censée plus ou moins engagée dans la construction d’un mur, il y eut de même des colonnes carrées, qui, engagées de la mène façon, produisirent ces ordonnances moins saillantes, qu’on désigne aujourd’hui par le nom général de pilastres. Voilà, sans aucun doute, l’origine du pilastre actuel, qu’on pourroit appeler colonne de bas-relief, et dont l’usage est devenu très-commun sous cette forme, et pour ainsi dire universel chez les Modernes.
Il y a, en effet, bien peu d’exemples que ceux-ci l’aient employé isolé, comme la colonne. Sans doute, on pourra le trouver a plus d’une ordonnance de portail ou de frontispice de portes, figurant dans toute son épaisseur, mais adossé au mur avec des colonnes également en appliquage. On auroit cru manquer d’autorité dans l’antique pour toute autre disposition. Aussi Perrault dit-il, que les pilastres carrés et isolés sont rares dans l’architecture antique. Selon lui, on n’en voit un exemple qu’au temple de Trévi (ou de Spolette), petit monument qui ne paroît point dater des beaux siècles de l’art.
Toutefois on s’est trop hâté de prononcer des arrêts absolus d’après ce qu’on trouve, et surtout d’après ce qu’on ne trouve point dans les restes de l’antiquité. On seroit plus réservé dans de tels jugemens, si l’on vouloit penser qu’il ne nous reste pas la millième partie de ses ouvrages. Aussi, chaque jour voit-il de nouvelles découvertes infirmer les opinions les plus accréditées, mais uniquement sur la foi des autorités négatives qu’on avoit tirées de l’absence des exemples.
Ainsi, la description du grand temple de Jupiter Olympien à Agrigente, par Diodore de Sicile, nous avoit appris que ce temple pseudo-périptère avoit ses colonnes engagées dans le mur à l’extérieur, et que, dans l’intérieur, elles étoient Carrées ; ce qui rendait certain que le mur de la cella étoit intérieurement orné de pilastres adossés ou engagés. Mais les découvertes qui sont ré-sultées des fouilles faites sur l’emplacement de ce temple détruit, nous ont appris que l’espace intérieur de la cella étoit divisé en trois nefs formées par deux rangs non de colonnes circulaires, mais de pilastres isolés, quadrangulaires, au-dessus desquels, s’élevoit un rang de colosses en manière de télamons ou d’atlantes, soutenant la corniche supérieure de la nef.
Voilà les principales diversités qu’on rencontre sur ce qui constitue la forme générale du pilastre.
Quant aux variétés de détail, il y a quatre choses principales à y observer : leur saillie sur le mur, leur diminution, la manière dont l’entablement doit poser dessus lorsqu’un même temps il pose sur une colonne, leurs cannelures et leurs chapiteaux.
A l’égard de la saillie du pilastre, Perrault observe que celui qui n’a qu’une face hors du mur, doit avoir sa saillie de toute la moitié, ou ne sortir tout au plus que de la sixième partie, comme au frontispice de Néron, lorsque rien n’oblige de lui donner plus d’épaisseur. Les pilastres extérieurs du Panthéon n’ont de saillie que la dixième partie de leur surface, et quelquefois on n’y donne au pilastre que la quatorzième partie, ainsi que cela est pratiqué au Forum de Nerva. Mais quand les pilastres doivent recevoir des impostes, qui viennent se profiler contre leurs côtés, on leur donne de saillie le quart de leur diamètre. Cette proportion est commode, en ce qu’elle n’oblige point à tronquer irrégulièrement le chapiteau corinthien ; car il arrive alors que la feuille inférieure et la tigette même du chapiteau se trouvent justement coupées par leur milieu. Par cette même raison de symétrie, lorsque les demi-pilastres sont à des angles rentrans, il leur faut donner plus que la moitié de leur diamètre.
La théorie de la diminution du pilastre tient essentiellement à celle de la forme. Il y a, sur ce point, quelques diversités d’opinions. Voici ce que Perrault prescrit à cet égard.
« On ne diminue point ordinairement les pilastres lorsqu’ils n’ont qu’une face hors du mur. Ceux du dehors du portique du Panthéon sont ainsi sans diminution. Mais quand ces pilastres étant sur une même ligne que des colonnes, on veut faire passer l’entablement sur les uns et sur les autres (sans faire un ressaut), ainsi qu’il y en a aux côtés du dehors du Panthéon, il faut alors donner au pilastre la même diminution qu’à la colonne (cela s’entend de la face de devant), le laissant par les côtés, sans diminution, ainsi qu’il se voit pratiqué au temple d’Antonin et Faustine. Quand le pilastres a deux faces hors du mur, étant à une encoignure, et qu’il a une de ses faces qui regarde une colonne, cette face est diminuée de même que la colonne, ainsi qu’on le voit au portique de Septimius, où la face qui ne regarde point la colonne n’est pas diminuée. Il y a pourtant des exemples dans l’antique, où les pilastres n’ont point de diminution, comme on le voit dans l’intérieur du Panthéon, ou n’en ont que fort peu, et moins que la colonne, comme au temple de Mars Vengeur, et à l’arc de Constantin. Dans ces cas, la pratique des Anciens est quelquefois de mettre l’architrave sur le nu des colonnes ; ce qui le fait retirer au dedans du nu du pilastre. Ainsi le voit-on au temple de Mars Vengeur, au dedans du Panthéon et au punique de Septique. Quelquefois ils partagent la chose par la moitié, en faisant saillir et porter à faux l’architrave par-delà le nu de la colonne, d’une moitié, et de le retirer de l’autre moitié sur le nu du pilastre, ainsi que cela se voit au Marché de Nerva. »
Le pilastre, lorsqu’il entre dans les ordonnances des colonnes, est, comme on le voit, soumis, pour sa forme et sa proportion, aux mêmes conditions que la colonne. Quant aux cannelures, il règne plus de liberté dans l’application qu’on peut en faire aux pilastres. Plus d’une diversité chez Les Anciens a lieu à cet égard. Quelquefois des pilastres cannelés se trouvent associés à des colonnes sans cannelures. Cela se voit au portique du Panthéon, et cela s’y explique, sans doute, par la différence des matières. Les pilastres y sont de marbre blanc, lorsque les colonnes y sont de granit, matière qui ne comporte point le travail de la cannelure, et dont le principal mérite tient au lisse comme au poli, qui en fait ressortir le prix. Il y a quelquefois aussi des colonnes cannelées qu’accompagnent des pilastres non cannelés. L’exemple s’en trouve au temple de Mars Vengeur et au portique de Septimius. Disons encore que, lorsque les pilastres ont en saillie moins de la moitié de leur diamètre, on ne pratique point de cannelures à cette partie qu’on appelle en retour.
Le nombre des cannelures n’a rien de fixe dans les pilastres, si l’on consulte l’autorité de l’antique. Par exemple, il n’y en a que sept aux pilastres du portique du Panthéon, à l’Arc de Septime Sévère et à celui de Constantin. Les pilastres de l’intérieur du Panthéon ont neuf cannelures, bien que, selon l’usage ordinaire, les colonnes n’en aient que vingt-quatre. Les cannelures, dans le pilastre, se pratiquent toujours en nombre impair, si ce n’est qu’aux demi-pilastres, qui font un angle rentrant, on met quatre cannelures au lieu de trois et demie, et cinq au lieu de quatre et de mie, lorsque, dans la même ordonnance, les pilastres entiers en ont sept ou neuf. Cela se fait ainsi pour éviter le mauvais effet du chapiteau, qui, étant replié dans l’angle, seroit trop rétréci par eu haut, et particulièrement eu égard au chapiteau orné de feuilles, qui, sans cet élargissement, n’y seroient pas suffisamment développées.
Les proportions des chapiteaux sont les mêmes aux pilastres qu’aux colonnes pour ce qui est des hauteurs ; mais les largeurs sont différence. Le développement de la forme da pilastre donnant un plus grand espace à chacune de ses faces, si on le suppose quadrangulaire ; un observe toutefois de ne lui donner que le même nombre de feuilles, qui doit être huit pour la circonférence. Il y a cependant aux thermes de Dioclétien et au frontispice de Néron, des exemples de douze feuilles au lieu de huit. La disposition ordinaire des feuilles an chapiteau ; du pilastre corinthien est telle, qu’au rang d’en bas ou en place deux, au rang d’en haut une au milieu, et deux et demie aux côtés, qui sont la moitié des grandes feuilles, placées sur l’angle. Ce qu’il faut encore remarquer, c’est que le haut du tambour n’a point sa superficie plane comme le bas, mais qu’il est relevé dans son milieu, c’est-à-dire, bombé. Il l’est ainsi de la huitième partie du diamètre inférieur de la colonne à la basilique d’Antonin ; mais il ne l’est que de la dixième au portique de Septimius, et de la douzième au portique du Panthéon. (La plus grande partie de ces observations sont tirées du Traité de l’ordonnance des colonnes, par Perrault.)
Ce qu’on vient de dire sur l’origine du pilastre a dû prouver que, selon la manière la plus ordinaire de l’employer aujourd’hui, il n’est autre chose qu’une colonne carrée, qu’on suppose engagée dans un mur, et qui par conséquent peut être, dans cet état, appliquée à l’ordonnauce des édifices, avec autant de raison et de vraisemblance que la colonne circulaire, lorsqu’on l’adosse à un massif ou qu’on l’y engage.
Voilà pour celui qui veut n’admettre dans l’architecture, que ce dont on peut rendre raison en en constatant l’origine.
Maintenant nous dirons que le pilastre peut être aussi considéré comme une représentation fictive de la colonne, et la remplacer avec convenance dans beaucoup de cas. Quelques-uns, je le sais, voudroient exclure l’emploi du pilastre des pratiques usuelles de l’architecture, fondés sur ce que les monuments qui nous restent de l’art des Grecs, ne nous montrent point cette sorte d’ordonnance, comme ayant eu cours généralement dans leurs édifices. Mais nous ferons, à ce sujet, une observation que nous avons déjà répétée plus d’une fois ; c’est que, d’une part, il ne nous est guère parvenu de l’architecture originale des Grecs, qu’un fort petit nombre d’ouvrages, et qu’il n’y a rien à en conclure de général ni d’absolu. D’autre part, nous dirons que les ouvrages d’où l’on voudrait tirer des conséquences péremptoires contre l’emploi des pilastres, étant presque tous des temples assez uniformes dans leurs plans et leurs élévations, il n’y a rien à en conclure, sinon que l’usage général de leurs ordonnances n’admettoit le plus souvent que des colonnades isolées, et toutefois l’on a vu que le grand temple de Jupiter à Agrigente avoit, dans son intérieur, des pilastres engagés dans le mur et despilastres isolés ou des colonnes carrées.
Cela Suffit pour rendre vraisemblable que dans beaucoup d’autres genres d’édifices et de constructions, que nous ne pouvons plus, connoître, les Grecs, aux meilleurs temps de l’art, ont pu appliquer le pilastre à la décoration de plus d’une sorte de monumens, avec plus de simplicité, de régularité et de réserve, si l’on veut, qu’on ne l’a fait depuis.
Nous ne nous arrêterons pas à prouver que l’architecture, romaine a fait un très-grand usage du pilastre dans les bâtisses. Il nous est, en effet, resté non-seulement plus de monumens de cette architecture, mais une bien plus grande diversité de ses ouvrages. Aussi en pourroit-on citer un grand nombre où le pilastre figure soit en ordonnance décorative sans aucune correspondance avec des colonnes, soit mis en rapport avec les colonnes isolées. Il est, en effet, une multitude de cas où les colonnes d’un portique, d’un avantcorps, se trouvent convenablement rappelées par des pilastres qui leur répondent, et lorsqu’une plate-bande d’architrave doit aboutir à un mur, qui est-ce qui n’approuveroit pas qu’an la fasse reposer sur le chapiteau d’un pilastre du même ordre, au lieu de reposer a cru sur le mur ?
Il seroit difficile d’énumérer toutes les circonstances locales qui déterminent à employer des pilastres, plutôt que des ordonnes isolées ou engagées. Dans des intérieurs étroits et d’une pente cimension, la colonne ou occuperoit trop d’espace, ou seroit d’un effet trop lourd, et rapetisseroit physiquement et moralement l’étendue du local. La nature différente des matériaux d’une construction induit encore souvent à l’emploi du pilastre, qui exige beaucoup moins de saillie daus les entablements. Le pilastre peut se pratiquer avec toute espère de batisse. Il est véritablement, comme on l’a déjà dit, une colonne de bas-relief ou sans saillie, et c’est cette grande diminution de matière, de travail el de saillie, qui en rend l’emploi facile et économique.
Mais c’est surtout aux devantures des maisons et des palais du second degré, que semble convenir la décoration des pilastres. L’architecture doit avoir et a réellement des degrés de richesse, qui suivent ceux des fortunes particulières et des rangs divers de la société. Les ordonnances de pilastres appliquées aux façades des bâtimens d’habitation, soit que chaque étage reçoive un ordre, soit que le même ordre occupe la hauteur du deux étages, forment un aspect élégant, et contribuent a donner au tout ensemble ce charme de proportions qui, sans cela, ou seroit bien moins exprimé, ou seroit plus difficilement saisi.
Nous n’alléguerons en faveur de ces considérations d’autres exemples, que ceux des palais construits par les Bramante, San-Gallo, Palladio et tant d’autres qui ont su tirer de l’emploi des pilastres aux façades de leurs édifices, des effets tour-à-tour simples, élégans, riches et variés. Ces édifices, sans aucun doute, plairoient moins, quoiqu’avec les mêmes masses et les mêmes proportions, si on leur enlevoit cette décoration.
De tout ceci, il résulte que le pilastre est quelquefois objet de nécessité, quelquefois de convenance, d’autres fois de décoration et de richesse proportionnée au caractère des édifices de la seconde classe.
Sans aucun doute, il n’est qu’un remplacement de la colonne, et cela seul, en indiquant l’emploi qu’on en peut faire, suffit pour montrer l’abus qu’on en fait, si on l’applique aux monuments dont la grandeur, la haute destination et le caractère spécial demandent à l’architecture l’emploi de ses pius riches moyens. L’inconvénient des ordonnances de pilastres mises en œuvre dans de semblables monuments est d’en diminuer l’effet, d’en rapetisser l’idée. Certainement l’effet produit par les masses de l’architecture est une des chums qui contribuent le plus à l’expression de son, caractère, el l’on ne sauroit disconvenir que le jeu de la lumière et des ombres dans les colonnades isolées, est une des principales causes de cet effet. Nous ne pouvons mieux faire que d’emprunter à M. Leroi (Monumens de la Grèce, tome II, pages 6 et 7) les observations que ce sujet lui a donné lieu de développer.
Rien, ce semble, ne sauroit rendre un compte plus sensible de la supériorité de l’emploi des colonnes isolées, sur celui des pilastres, et mieux faire connoître l’abus qu’on en a fait, dans la plupart des frontispices. d’églises, dont la théorie précédente explique l’insignifiance et la monotonie.
Pilastre attique. C’est un petit pilastre d’une proportion particulière et plus courte qu’aucun de ceux des cinq ordres. II y a deux sortes de pilastres attiques ; il y en a de simples et de ravalés.
Pilastre bandé. Pilastre qui, à l’imitation des colonnes bandées ou à bossages, a des bandes sur son fût. Tels sont les pilastres toscans de la galerie du Louvre, du côté de la rivière.
Pilastre cannelé. Celui dont le fût est orné de cannelures.
Pilastre cintré. C’est celui dont le plan est curviligne, parce qu’il suit le contour d un mur circulaire, convexe ou concave. Tels sont les pilastres d’un dôme ou du rond-point d’une église.
Pilastre cornier ou angulaire. Pilastre qui cantonne l’angle ou l’encoignure d’un bâtiment, comme au frontispice du Louvre.
Pilastre coupé, se dit de celui qui est traversé par une imposte qui passe par-dessus, ce qui fait un mauvais effet. On en peut juger par les pilastres ioniques des portiques du château des Tuileries.
Pilastre dans l’angle. Pilastre qui ne présente qu’une encoignure, et qui n’a de saillie de chaque côté que lu sixième ou le septième de son diamètre.
Pilastre de rampe. On appelle ainsi tous les pilastres à hauteur d’appui, qui ont quelquefois des bases et des chapiteaux, et qui servent à retenir les travées des balustres, des rampes d’escaliers et des balcons.
Pilastre diminué. C’est un pilastre qui, étant derrière une colonne ou à côté d’elle, en répète le même contour et est diminué par le haut, pour empêcher qu’il n’excède l’à-plomb de l’entablement. On le voit ainsi au portail de Saint Gervais à Paris, et à celui du Collège Mazarin.
Pilastre doublé. Pilastre formé de deux pilastres entiers, qui se joignent à angle droit et rentrant ou à angle obtus, et qui ont leurs bases et leurs chapiteaux confondus.
Pilastre ébrasé. Pilastre plié en angle obtus, par sujétion d’un pan coupé, comme on le pratique aux églises qui ont un dôme sur leur croisée.
Pilastre engagé. On donne ce nom au pilastre qui, bien que placé derrière une colonne qui lui est adossée, n’en suit cependant pas le contour, mais qui est continu entre deux lignes parallèles, et dont la base et le chapiteau se confondent avec la base et le chapiteau de la colonne. Tels sont, par exemple, les pilastres des quatre chapelles d’encoignures de l’église des Invalides.
Pilastre en gaîne de terme. Pilastre qui est plus étroit par le bas que par le haut. Ce genre de pilastre s’emploie uniquement dans ce qu’on appelle décoration, comme au support d’une corniche de terrasse, de balcon, etc.
Pilastre flanqué. Pilastre accompagné de deux demi-pilastres, avec une médiocre saillie. Tels sont les pilastres corinthiens de l’église de Saint-André della Valle à Rome.
Pilastre grêle. Pilastre placé derrière une colonne, et qui est plus étroit qu’il ne devroit l’être, s’il étoit proportionné à cette colonne, parce qu’il n’a de largeur parallèle que le diamètre de la diminution de la colonne, pour éviter un ressaut dans l’entablement. Il y a des pilastres grêles au grand portail de l’église de Saint-Louis, aux Invalides.
On nomme aussi pilastre grêle un pilastre qui a en hauteur plus de diamètres que n’en comporte la proportion ordinaire de son ordre. On voit ainsi à quelques portails des pilastres corinthiens ayant douze diamètres, au lieu qu’ils n’en devroient avoir que dix.
Pilastre lié. On peut appeler ainsi, non-seulement un pilastre qui est joint à une colonne par une languette, comme Bernin l’a pratiqué à la colonnade de Saint-Pierre, mais encore les pilastres qui ont quelques parties de leurs bases et de leurs chapiteaux jointes ensemble.
Pilastre plié. Celui qui est partagé en deux moitiés dans un angle rentrant, Il y a de ces pilastres dans un grand nombre d’édifices.
Pilastre rampant. Il y a deux sortes de pilastres qu’on nomme ainsi : le premier est celui qui, quoiqu’à- plomb, suit la rampe d’un escalier, se trouve d’équerre sur les paliers et sert à la décoration des murs de sa cage, ou de ce qu’on appelle l’échiffre. La seconde sorte de pilastre est assujettie á une autre espèce de pente. Tels sont ceux des ailes qui établissent la communication de la colonnade avec le portail de l’église de Saint-Pierre à Rome.
Pilastre ravalé. C’est un pilastre dont le parement est refouillé et incrusté d’une table de marbre bordée d’une moulure, ou avec des ornemens (comme on en voit, par exemple, aux pilastres de l’arc des orfévres), ou avec des compartimens en relief, ou de marbres de diverses couleurs. Il y a aux chapelles Sixte et pauline de Sainte-Marie-Majeure, à Rome, des pilastres ravalés de cette seconde espèce.
Pilastre rudenté. Pilastre dont les cannelures sont remplies jusqu’au tiers, d’une rudenture ronde, comme les pilastres de la grande galerie du Louvre, ou d’une rudenture plate, telle qu’on la voit a l’église du Val-de-Grâce, à Paris, ou enfin d’ornemens semblable à ceux des colonnes rudentées.
Pilastres accouplés. Pilastres qui sont deux à deux, comme ceux qui, sous le péristyle du Louvre, correspondent aux colonnes accouplées de ce monument.
On applique encore le nom de pilastre à plus d’une sorte d’ouvrages plus ou moins étrangers à l’architecture. Ainsi l’on dit :
Pilastre de fer. (Terme de serrurerie.) C’est le nom qu’on donne à certains montants à jour qu’on établit d’espace en espace, pour entretenir les travées des grilles. On y introduit des ornemens analogues. Tels sont les pilastres des grilles du château de Versailles et de ses écuries.
Pilastre de lambris. (Terme de menuiserie.) Espèce de montant ordinairement ravalé entre les panneaux de lambris, d’appui et de revêtement.
Pilastre de treillage. (Terme de jardinage.) Corps d’architecture long et étroit, fait d’échalas en compartimens, dont on décore les portiques et cabinets de treillage dans les jardins.
Pilastre de vitre. (Terme de vitrerie.) Espèce de montant de verre, qui a base et chapiteau, avec des ornemens peints, et qui termine les côtés de la forme d’un vitrail d’église.
PILE, s. f. Ce mot vient de pila, qui signifie en latin la même chose, c’est-a-dire, un amas, ou un montant de matériaux destines, dans l’art de bâtir, à supporter une masse quelconque. Au fond, le mot pile et le mot pilier sont synonymes, mais l’usage a spécialement affecté le premier à l’architecture hydraulique, et l’on s’en sert à l’égard des montans qui servent de supports aux arches des ponts.
Une pile de pont est donc un massif de forte maçonnerie et de pierres, dont le plan est le plus souvent un exagone alongé, qui sépare et porte les arches d’un pont de pierre, ou les travées d’un pont de bois.
On construit ce massif avec beaucoup de précaution. Le fondement qu’on lui donne est élevé ; en talus, par recoupemens, retraites et degrés, jusqu’au niveau de la terre, au fond de l’eau. La première assise d’une semblable construction est toute en pierres de taille, et se compose de carreaux et de boutisses. Les carreaux ont deux pieds de lit, les boutisses ont au moins trois pieds de queue. Ces pierres sont coulées, fichées jointoyées, et mêlées de chaux et ciment. On cramponne celles qu’on appelle pierres de parement, les unes aux autres, avec des crampons de fer scellés en plomb. Outre cela, ou met à chaque pierre de parement un crampon pour la lier avec des libages dont on entoure la première assise. Ces libages, de même hauteur que les pierres de parement, sont posées a bain de mortier, de chaux et de ciment, et on remplit les joints d’éclats de pierre dure. On bâtit de même les autres assises de pierres.
La construction d’une pile de pont, et les procédés qu’on y emploie, ne sont pas encore ce qu’il y a de plus difficile a régler. Un point, peut-être plus important, est de déterminer par la théorie la proportion qu’il convient de donner à sa masse.
Les anciens, selon Bergier, donnoient aux piles de leurs ponts la troisième partie et même la moitié de la grandeur des arches. Aujourd’hui on pense qu’elles doivent avoir moins, c’est-a-dire, un quart ou un cinquième. Mais on ne sauroit dire sur quoi se fondent ces règles, et l’on est porté à penser que l’expérience seule doit fixer les dimensions des piles. Or, le résultat de cette expérience est nécessairement variable. Il dépend, en effet, de la force et de la consistance des matériaux que l’architecte emploie à supporter la pesanteur du fardeau des arches.
Il y en a qui prétendent que la pile ne doit supporter que la moitié du poids de la maçonnerie des arches, à supputer cette moitié depuis le milieu de la clef de l’arcade. Cela étant, en connaissant la solidité de cette masse, on doit savoir quelle sera celle qu’il faudra donner à son support, et l’on trouvera là une base d’après laquelle on pourra déterminer la dimension de ce support.
Mais n’y a-t-il pas d’autre condition à examiner ? Ceci, comme on voit, est le sujet d’une discussion qui doit être traitée dans un autre ouvrage, et nous renvoyons le lecteur au Dictionnaire des ponts et chaussées.
Pile percée. C’est encore un terme dont la notion appartient à l’architecture hydraulique. On se bornera à dire ici que c’est une pile qui, au lieu d’avant-bec d’amont et d’aval, est ouverte par une petite arcade, au-dessus de la crèche, pour faciliter le courant rapide des grosses eaux d’une rivière ou d’un torrent. Il y a de ces piles à ce qu’on appelle le pont de César près d’Apt, et à celui du pont du Saint-Esprit sur le Rhône.
PILIER, s. m. Ce mot désigne tout corps élevé, debout, massif et sans ornement, qui sert à soutenir on à supporter, dans la construction des édifices, une charge quelconque de maçonnerie.
Les voûtes, les arcades, les plafonds des grandes salles, quelquefois aussi les toits de certains édifices, sont supportés par des piliers.
Avant que l’art en fût venu à embellir les formes des premiers supports, on se contenta d’employer pour le simple besoin, soit les bois, soit les pierres plus ou moins bien taillées, et assemblées, à supporter les masses, soutenues depuis par des colonnes agréablement arrondies, ou par des piliers équarris avec art, et soumis au caractère de chaque ordonnance. Le pilier grossièrement formé, fut donc la colonne primitive d’une architecture encore dans l’enfance. Aussi, comme lorsqu’on le considère isolément, il n’entre guère dans ce qu’on appelle la partie décorative de l’architecture, les architectes ne lui ont assigné dans leurs méthodes, ni forme, ni proportion, ni ornemens déterminés. On trouvera des piliers ronds, carrés et polygones.
On doit pourtant excepter ce qu’on appelle le piédroit (voyez ce mot) dans la formation des portiques en arcades, et auquel le nom de pilier semble véritablement convenir. Le piédroit entre dans le système de chacune des ordonnances de colonnes, auxquelles il se trouve associé par l’application très-ordinaire que l’on fait de la colonne qui s’y adosse. Alors cette sorte de pilier reçoit un couronnement et un socle qui participent dans leurs profils, et quelquefois dans leurs ornemens, au caractère des profila et des ornemens de l’ordre lui-même. Quoiqu’en général on ne lui donne aucune diminution, Scamozzi cependant lui en fait éprouver une, à la vérité fort légère.
Si l’on n’exige pas qu’un pilier soit élégant, néanmoins le goût veut qu’il puisse aussi plaire aux yeux, comme tout ce qui entre dans l’architecture. C’est pourquoi il peut emprunter aux différens ordres quelques parties de leurs ornemens mais surtout du système de leurs proportions. Il ne doit être ni trop mince ni trop épais ; son diamètre doit être subordonné à la masse qu’on lui impose ; et bien que souvent (la solidité du support pouvant résulter de la dureté et de la consistance de la pierre ) une masse considérable par son volume, puisse être portée sans danger sur un pilier fort mince, ce qu’ont quelquefois pratiqué les constructeurs gothiques, cependant il convient que l’œil soit toujours rassuré, par un rapport sensible entre là masse qui parte et celle qui est portée.
On donne généralement le nom de pilier aux supports des édifices gothiques. Effectivement, ce nom seul leur convient, depuis que celui de colonne appliqué aux supports, dans l’architecture grecque devenue celle de toute l’Europe, donne l’idée d’un corps soumis à une forme déterminée, á des proportions raisonnées, à des ornemens analogues, soit aux formes, soit aux proportions de chaque ordre. Or, il n’est rien de tout cela dans le gothique. L’énorme diamètre de ses supports, tous destinés à soutenir des arcades à angle aigu, ou les retombées des ogyves des voûtes, l’absence d’un rapport déterminé entre leur diamètre et leur élévation, le manque de système et de régularité dans leurs ornemens, tout cela dévot empêcher qu’on les appelât d’un nom qui eût exprimé tout autre chose que ce qu’ils sont. Que pourroient avoir de commun avec la colonne, des masses qui sont quelquefois des agroupemens de légers fuseaux, qui quelquefois ressemblent à des tours par leur circonférence, et d’autres fois ne paraissent être que des perches élancées ? Le pilier, ou pour mieux, dire, le nom de pilier appartient donc en propre à l’architecture gothique, et l’usage est ici d’accord avec le fait.
Autant doit-on en dire de l’architecture indienne (voyez ces mots), où l’on trouve encore, en guise de colonne, des masses plus écrasées, plus fantastiques, et plus éloignées de tout système raisonné ou raisonnable.
Le corps de bâtisse appelé pilier, trouve place, comme on l’a vu, dans les constructions où l’on emploie les portiques. Mais il a encore, considéré simplement comme masse, plus d’un emploi dans l’architecture, où il figure sous différens noms, ainsi qu’on va le dire. Pilier buttant. C’est un corps de maçonnerie ou de construction, qu’on élève en dehors d’une église, par exemple, ou contre un mur de terrasse, pour contenir la poussée des voûtes ou des terrains. Il y a des piliers buttans que l’on raccorde par leurs profils, avec l’ordonnance extérieure de l’édifice. Quelquefois on les termine en adoucissemens ou en enroulemens (ce qui est d’assez mauvais goût), quelquefois on les pratique en arcades.
Pilier buttant en console. C’est une espèce de pilastre attique, dont la pârtie insérieure se termine en enroulement, dans la forme d’une console renversée. On s’est servi de ce genre de pilier buttant à l’extérieur du dôme des Invalides et dans son attique, comme d’un moyen de butter contre la poussée de la voûte de la coupole, et aussi pour raccorder par la retraite que fait l’enroulement en console, le plan circulaire du diamètre supérieur avec le plan plus large du diamètre inférieur de la coupole.
Pilier de dôme. On appelle ainsi, dans une église dont la croisée est couronnée par un dôme, chacun des quatre corps do maçonnerie ou de construction isolés, qui ont un pan coupé à une de leurs encoignures, et servent de supports à la coupole.
Pilier de moulin a vent. C’est en massif de maçonnerie qui se termine en cône, et qui porte la cage d’un moulin à vent, laquelle tourne verticalement sur un pivot, pour qu’on ait la facilité d’en exposer a l’action variable du vent les ailes on volets.
Pilier carré. C’est le nom du massis dont on a parlé plus haut, qu’on peut appeler aussi jambage, et qui sert à porter les arcades, les platesbandes et les retombées des voûtes.
Pilier de carrière. Ce nom convient parfaitement à ces masses de pierres, qu’on laisse d’espace en espace, pour soutenir le ciel d’une carrière. Quelquefois, et selon les dangers d’éboulement qu’on peut y craindre, selon la nature de la pierre, on construit exprès des piliers pour retenir les gerçures qui se forment dans le lit du ciel de la carrière.
PILOTAGE, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) C'est dans l’eau, ou dans un terrain de mauvaise consistance, un espace peuplé de pilots, sur lequel on fonde. Voyez Pilot.
PILOTER, v. act. (Terme d’architecture hydraulique.) C'est enfoncer des pieux ou des pilots, pour supporter et pour affermir les fondemens d’un édifice qu’on bâtit dans l’eau, ou sur un terrain de mauvaise consistance. On ferre ordinairement le bout des pilotes, ou on le brûle, pour empêcher qu’il ne pourrisse, et on l’enfonce avec la sonnette ou l’engin, jusqu’au refus du mouton ou de la hie.
PILOTS ou PILOTIS, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) Pièce de bois de chêne, ronde, employée de sa grosseur, affilée par un bout, quelquefois armée d’un fer pointu, et à quatre branches, et dont l’autre extrémité est frettée d’une couronne de fer, pour recevoir les coups du mouton, qui doit l’enfoncer en terre.
On se sert, pour enfoncer les pilots, d’une machine appelée sonnette. (Voyez ce mot.) Voici comme on estime le temps et la dépense de l’enfoncement.
On commence à sonder le fond où l’on veut travailler. Cette opération fait connoître la densité du terrain dans lequel le pilot doit étre enfoncé. Si cette densité est uniforme, l’enfoncement croit à proportion du nombre des coups égaux que le pilot reçoit. Est-elle variable ? c’est par le nombre différent des coups, qu’on juge de la différent de densité. Si, par exemple, la densité d’une seconde couche est plus grande, il faudra un plus grand nombre de coups pour produire un enfoncement égal à celui de la première couche. Ce sera le contraire si la densité de cette couche est momdre que celle de l’autre.
Cela posé, on estime une minute vingt secondes pour chaque volée de trente percussions, et autant pour reprendre haleine. Ainsi, en ajoutant vingt secondes pour le temps qu’on perd, on aura trois minutes pour chaque volée.
On appelle
Pilots de bordage, ceux qui environnent le pilotage, et qui portent les patins et les racinaux.
Pilots de remplage, ceux qui garnissent l’espace pilote. Il en entre dix-huit à vingt dans une toise superficielle.
Pilots de retenue, ceux qui sont en dehors d’une fondation, et qui soutiennent le terrain de mauvaise consistance sur lequel une pile de pont est fondée.
Pilots de support, ceux sur la tête desquels la pile est supportée, comme ceux, par exemple, qu’on plante dans les chambres d’un grillage. Voyez Grillage.
PINTELLI (Baccio). Nous trouvons chez Vasari une courte notice sur les travaux de cet architecte, qui vécut dans la dernière moitié du quinzième siècle, et fut employé par le pape Sixte IV aux plus grands ouvrages de son règne. Pintelli est donc honorablement cité pour avoir construit à Rome le couvent de Santa Maria del Popolo, l’église qui en dépend, et dans cette église, plusieurs chapelles remarquables, entr’autres celle de Dominique de la Rovere, cardinal et neveu du pape de ce nom.
Pour avoir bâti dans Borgo vechio, un fort grand palais qui fut fort estimé dans son temps.
Pour avoir établi au Vatican les salles de la grande bibliothèque.
Pour avoir été l’architecte de la célèbre chapelle du Vatican, appelée la chapelle Sixtine, du nom du pape Sixte IV, qui la fit bâtir.
Pour avoir fondé et terminé avec la plus grande solidité, sous le pape Sixte IV, le pont qui porte son nom.
Pour avoir élevé l’église des Saints-Apôtres, remplacée depuis par une autre.
Mais l’ouvrage aujourd’hui le plus célèbre de Baccio Pintelli, est encore à Rome l’église de S. Pietro in Vimoli, dont la nef est formée par deux rangs de colonnes en cipolino d’ordre dorique, sans base, reste d’un monument de l’antique Rome, où ces colonnes, taillées en Grèce, avoient été faites dans le système de l’ancien dorique.
PIPI (Giulio), Jules Romain. Le surnom de Romano qu’il porta de son vivant, nous apprend qu’il étoit né à Rome. C’est tout ce que nous savons sur ce qui le concerne personnellement. La date de sa mort, qui est 1546, et l’âge de 54 ans auquel Vasari nous apprend qu’il mourut, font connoitre qu’il naquit en 1492.
Jules Romain est plus particulièrement connu comme peintre, comme ayant été élève de Raphaël, le plus habile de ses collaborateurs, son héritier et son successeur dans l’exécution de la bataille de Constantin et les autres peintures de cette salle du Vatican, à laquelle le premier empereur chrétien a donné son nom.
Raphaël ayant été lui-même habile architecte (voyez Sanzio), ayant été placé par Léon X à la tête de la construction de Saint-Pierre, ayant bâti plus d’un palais à Florence et à Rome, ayant montré, par la beauté des fonds d’édifices dont il orna ses tableaux, à quel point il possédoit le génie de l’architecture, il est fort naturel de penser que le plus habile de ses élèves, celui qui l’imita le mieux, dut recevoir aussi de lui le goût et les connoissances qui devoient en faire un grand architecte.
Vasari nous l’apprend d’une manière plus positive. « Après avoir appris de son maître, dit-il, les choses les plus difficiles dans l’art de peindre, il arriva bientôt à savoir mettre les édifices en perspective, à les mesurer, à en faire les plans. Quelquefois Raphaël, après avoir simplement donné l’esquisse de ses inventions, les faisoit rédiger en grand par Jules Romain, pour s’en servir dans les compositions d’architecture. Ainsi, peu à peu, Jules Romain y prenant goût, devint habile, et parvint à être un excellent architecte. »
Ceci nous explique comment il dut arriver alors, et encore plus depuis, que certains édifices aient passé pour avoir été l’ouvrage également de Raphaël et de Jules Romain. De ce nombre dut être la charmante villa qui s’appelle encore aujourd’hui Villa Madama, mais que fit construire le cardinal Jules de Médicis, qui fut depuis pape sous le nom de Clément VII. Vasari, dans la vie de Raphaël, lui eu attribue l’architecture, et dans la vie de Jules Romain, il donne également au maître la première idée de ce beau demi-cercle qui sert d’entrée au palais, mais il avoue que l’exécution en fut conduite parJules Romain.
La Villa Madama, qui paroît n’avoir point été terminée entièrement, est devenue une de ces ruines modernes, où les architectes et les décorateurs vont chercher des leçons et des exemples, comme dans les ruines antiques. Rien ne fut ni plus élégamment pensé, ni décoré avec plus de charme, C’est un de ces édifices conçus, comme il n’est plus permis d’espérer qu’il s’en reproduira, sous le charme des idées et des formes antiques, et dans lesquels le propriétaire mit avant tout, le plaisir de l’art, plaçant le luxe et la dépense dans ce qui doit être l’objet durable de l’admiration des gens de goût.
Le cardinal de Médicis avoit choisi sur le penchant de Monte Mario, un site en très-belle vue, dont le terrain boisé, avec des eaux vives, s’étendoit le long du Tibre, depuis Ponte Mole, jusqu’à la Porta Angelica. Ce fut là que Raphaël et Jules Romain établirent le charmant casino dont on admire, malgré sa dégradation, et l’aspect et la composition pittoresque.
La façade, ou l’a déjà dit, se présente par une grande partie demi-circulaire en forme de théâtre, divisée par des niches et des fenêtres, avec une ordonnance ionique : de- la on passe dans un vestibule qui conduit a une magnifique galerie ouverte sur le jardin, que Vasari appelle une Loggia bellissima, ornée de deux grandes niches, et de niches plus pentes, qui toutes, dans l’ortgine, étoient occupées par des statues antiques. C’est dans les voûtes de ce local que Jules Romain a peint cette suite charmante de compositions représentant les divinités de la Fable, el qui fort heureusement ont été gravées, avant qu’elles aient totalement disparu. La Villa Madama est, après les loges du Vatican, ce qu’on peut citer de plus élégant pour la décoration. Ce fut le même gout de stucs, d’arabesques ; ce furent très-certainement les mêmes artistes qui y travaillèrent. Malheureusement les événemens qui survinrent, empêchèrent que l’ouvrage parvînt à sa fin, et ce casin, depuis fort long-temps abandonné, n’a pu retrouver un propriétaire qui en connût la valeur, et qui fût en état de faire les frais de sa restauration.
Vasari nous dit encore qu’un charmant Ouvrage attribué à Jules Romain, passoit auprès de quelques-uns, pour être de la composition de Raphaël Il s’agit du petit palais Alberini (in Banchi), dont on voit la façade, n° 40 de la collection des palais de Rome. Rieu de plus inutile à discuter que ; le choix de l’un ou de l’autre des deux auteurs de ce palais ; d’abord, parce que tout renseignement historique manque à cet égard, ensuite parce que Jules Romain et Raphaël ayant eu le même style, il y a encore bien plus de difficultés à discerner des différences de mauière en architecture qu’en peinture. Ce qu’il faut dire, c’est qu’on peut donner en ce genre, indistinctement à l’un ou à l’autre, l’exécution de ces charmantes maisons, qui, comme on l’a vu à l’article de Peruzzi, semblent être des ouvrages échappés à la destruction de l’antique Rome.
Tel est le petit palais Cenci (alla Dogana), n° 34 de la même collection, qui joint à l’habitation de luxe dans son ordonnance supérieure, l’utilité d’une maison de commerce, par les quatre boutiques qui s’ouvrent dans le soubassement rustique, et accompagnent, au nombre de deux de chaque côté, la grande porte d’entrée, que couronne un fronton avec bossages. Les cinq croisées dont se compose la façade, sont séparées par de larges trumeaux ornés de pilastres doriques accouplés, et les fenêtres ont des chambranles surmontés de frontons alternativement angulaires et circulaires. La même distribution règne dans l’étage supérieur, et de simples montans sans base et sans chapiteau, encadrent les fenêtres de cet étage.
Avec plus de goût et d’élégance encore, se présente, dans le même genre d’ordonnance, le palais Alberini, dont on a parlé plus haut. Ici cinq arcades, dont celle du milieu forme la porte d’entrée, composent le soubassement, où l’on voit des compartimens de refends et de bossages distribués et exécutés avec tout l’art qu’il est possible d’y appliquer ; les cintres des quatre antres arcades dessinent l’emplacement de quatre boutiques, chacune avec l’espèce d’entresol qui lui appartient. Au-dessus d’une corniche ornée s’élève l’étage principal avec cinq fenêtres, dont les chambranles reçoivent un encadrement ; un ordre de pilastres isolés remplit les trumeaux. L’étage attique qui règne au-dessus, offre les mêmes compartimens et encadremens, et le tout est couronné par nu fort bel entablement.
On voit encore à la Lungara et sur le Janicule un joli casin bâti par Jules Romain, pour monseigneur Balthazar Turini da Pescia, qu’oa appela depuis la Villa Lente, possédée par le marquis de ce nom. On peut encore y voir les restes de toutes les inventions que le génie de Jules Romain y prodigua. Il paroît que ces diverses constructions l’occupèrent pendant les années qu’il passa à Rome, après la mort de Raphaël, lorsque, devenu l’héritier d’une partie de la fortune de son maître, et de ses entreprises, il rachevoit au Vatican la décoration de la grande salle de Constantin, et la célèbre bataille dont Raphaël n’avoit laissé que la composition.
Jules Romain, placé au second rang du vivant de son maître, devint, sans aucune contestation, après lui, le premier de l’école, autant dans l’art de la peinture, que par l’espèce d’universalité de talens et de connoissances qu’il possédoit. Il avoit hérité aussi de l’amitié de quelques-uns de ces littérateurs celèbres, que Raphaël avoit eu pour amis plus que pour protecteurs. De ce nombre étoit Balthazar Castiglione, chargé alors auprès du pape Clément VII, des affaires du duc de Mantoue Frédéric Gonzaga, amateur éclairé des arts, et qui cherchoit depuis long-temps à réaliser les grands projets d’embellissemens par lesquels il devoit illustrer son nom et sa ville. Castiglione ne pouvoit mieux servir sa louable ambition, qu’en lui procurant un géuie qui fût à son niveau. Rappelé à Mantoue pour aller de-là, en qualité de nonce apostolique, en Espagne, il engagea Jules Romain à le suivre : il le présenta au marquis Gonzaga, qui, par des bienfaits, et par tout ce qui peut flatter un artiste célèbre, parvint à se l’attacher, et le détermina à se fixer près de sa personne.
Après lui avoir donné son entière confiance, avec le litre de préfet des eaux et surintendant des bâtimens, il le chargea de la direction de tous les ouvrages d’art qui devoient embellir sa ville. Ce fut alors que Jules Romain, secondé par deux de ses élèves, qu’il avoit amenés de Rome, l’un desquels étoit Benedetto Pagni da Pescia, rétablit et changea presqu’entièrement la vie de Mantoue, la défendit par des digues et par des dispositions savantes, contre les fréquentes inondations du Pô et du Mincio. Il assainit les quartiers bas, en desséchant les marais et en donnant de l’écoulement aux eaux stagnantes. Il rétablit et décora plusieurs édifices anciens ; il en éleva de nouveaux, et faisant preuve d’habileté dans tous les genres, il sut, par des fêtes et des divertissemens ingénieux et de bon goût, mériter les éloges de l’empereur Charles-Quint, lorsqu’en 1520 ce souverain vint à Mantoue, et que, pour reconnoître les honneurs signalés que lui rendit Gonzaga, il érigea en duché le marquisat de Mantoue.
Il est probable qu’à l’époque de ce passage de Charles-Quint dans cette ville, Jules Romain avoit déjà fort avancé le palais qu’on appelle du TE, et qui fut l’ouvrage le plus mémorable de cet artiste, en fait d’architecture.
Le nom de TE, que l’on a donné à ce palais, ne vint pas, comme plusieurs l’ont dit et répété, de la forme de son plan qui, selon eux, seroit celle de la lettre T. Le plan de l’édifice dément déjà cette opinion. Il paroît, et c’est l’opinion d’historiens dignes de confiance, que le mot TE fut une abréviation, ou, si l’on veut, une mutilation de tajetto ou tejetto, qui signifie coupure ou passage fait pour l’écoulement des eaux, et que cette dénomination locale, appliquée au terrain sur lequel le palais fut bâti, lui aura, dans le langage vulgaire, communiqué son nom.
Il y avoit autrefois sur ce terrain, et au milieu d’une vaste prairie, un bâtiment assez rustique, servant d’écurie pour les chevaux du prince. L’agrément de la position lui avoit fait désirer d’y avoir une habitation de peu d’importance, et Jules Romain, en peu de mois, y éleva à peu de frais et en briques, une construction agréable et légère. Cela donna naissance au grand palais, dont nous allons faire une description abrégée.
Le corps principal du palais forme en plan un carré parfait, dont chaque face a près de 180 pieds de longueur en dehors. L’intérieur de la cour est de même un grand quadrangle de 120 pieds environ. Il y a deux entrées : la principale est une grande porte cintrée en bossages, qui donne accès dans un vestibule orné de colonnes ! L’autre entrée latérale se compose de trois arcades également formées de boisages.
L’élévation de ce palais, tant au dehors qu’au dedans de la cour, consiste dans un ordre dorique qui, élevé sur un stylobate, décore, avec une fort grande régularité, les trumeaux d’un rang de croisées à rez-de-chaussée et d’un rang supérieur de fenêtres plus petites. Seulement aux angles, les pilastres sont accouplés. Les bossages ont été employés, dans cette construction, avec beaucoup d’intelligence et de goût ; ils passent derrière les pilastres et vont d’une croisée à l’autre formant leurs bandeaux. Ces croisées (du moins celles de l’étage inférieur) sont surmontées par des claveaux saillans en bossages. Cet étage est séparé du supérieur par un bandeau orné de postes. Toute la masse est, dans son étendue, couronnée d’un bel entablement dorique, avec triglyphes et métopes, avec ornemens et mutules. Rien de plus sage et de plus régulier.
Du grand Cortile, dont l’ordonnance est la même, excepté qu’au lieu de pilastres, ce sont des colonnes engagées, on passe dans un superbe vestibule (que les Italiens appellent loggia) qui s’ouvre sur le jardin. La façade de cette loge, de ce côté, offre un péristyle do douze colonnes, dont huit, celles du milieu, font deux groupes de quatre. Là aboutit un pont qui sépare deux pièces d’eau. Au-delà est le parterre, bordé d’un côté et de l’autre par des bâtimens d’utilité, et terminé par une grande parlie circulaire en forme de théâtre divisé par des espaces qui figurent des niches. Le tout a 550 pieds de longueur.
L’intérieur du palais du TE seroit l’objet d’une immense description, dans tout ouvrage qui auroit pour but, de faire connoître quel parti un grand peintre peut tiret de son art, pour l’embellissement des édifices. Celui-ci doit être cité comme un modèle unique dans l’architecture moderne. Aucun autre n’a reçu en aucun temps l’avantage d’avoir été construit el peint par le mème artiste, en sorte qu’il eut ce mérite, que la construction et la décoration étant l’émanation d’un même génie, on ne sauroit dire si ce fut l’architecture qui commanda à la peinture, ou la peinture à l’architecture, tant il semble que le tout est né simultanément.
Nous ne ferons que parcourir rapidement cette suite d’inventions décoratives dont Jules Romain fut l’auteur.
La grande loge dont on a parlé, fait admirer sa voûte peinte à fresque par compartimens de cinq lunettes, où est représentée l’histoire de David.
On passe, à main droite, dans une salle dont le principal ornement se compose d’une frise à deux rangs l’un sur l’autre, travaillée en stuc sur les dessins de Jules Romain, par le Primatice et par Jean-Baptiste Mantouan. C’est une suite de figures qui présentent une imitation de celles de la colonne Trajane. On seroit tenté de croire qu’on ne s’y est proposé aucun sujet déterminé, ni surtout applicable aux temps modernes, quoique quelques - uns prétendent que l’intention fut de représenter avec le style de l’antique, le triomphe de l’empereur Sigismond. On y voit effectivement le personnage qui paroît être l’empereur, suivi d un écuyer portant un bouclier sur lequel est un aigle à deux têtes couronnées, Ce sont toutes scènes de batailles, de marches, de campemens, avec toute la vérité des costumes romains. Rien toutefois n’offre de copie formelle d’après l’antique. On voit que Jules Romain savoit son antiquité par cœur, et son crayon s’est plu à improviser d’imagination et à redire à sa manière ce que les monumens de Rome lui avoient appris. Qui ne te sauroit, croiroit que cette grande composition est un ouvrage de l’ancienne Rome, tant y est grande la fidélité des costumes, tant l’art du sculpteur a su aussi se modeler sur le goût d’exécution qui caractérise le bas-relief antique. Les stucs qui ornent la voûte de cette salle participent de la même habileté et du même goût.
La pièce d’après est celle dont la voûte est ornée d’un grand tableau peint par Primatice, sur les dessins de Jules Romain, qui l’a décorée encore dans six autres compartimens de figures peintes par lui-même.
La dernière pièce de ce côté est la plus célèbre de toutes, par l’invention extraordinaire de sa décoration. De quelle forme est cette pièce, c’est ce que l’œil ne sauroit apprendre, tant la peinture, en s’emparant de toutes les superficies, a réussi à faire disparoître les lignes qui en déterminoient la figure. Aussi quelques-uns ont-ils cru qu’elle formoit un cercle, quand elle n’est qu’un carré-long dont les angles sont légèrement arrondis. Cette salle est celle qu’on appelle la salle des géans, conception prodigieuse par la hardiesse de pensée comme d’exécution, et dont la, description a trop peu de rapport à l’architecture, pour que nous nous y arrêtions. La peinture, en effet, comme on l’a dit, a fait de cette pièce, moins éncore un tableau qu’un spectacle magique d’épouvante et d’illusion. Tout a été mis en œnvre pour la rendre complète : une fois entré, le spectateur ne voit plus d’issue ; il n’est environné que de rochers qui se précipitent sur les géans ou écrasés, ou se défendant en vain. Le sol même de la pièce est composé de débris le plafond, c’est l’Olympe, d’où Jupiter lance la foudre.
En revenant sur ses pas, et en repassant par le beau vestibule dont on a parlé, une autre suite d’appartemens offre au spectateur une sorte de poëme mythologique en peinture, dont chaque pièce est en quelque sorte un chant, où la muse de Jules Romain a retracé les aventures de, Phaéton, celles de Psyché, son mariage avec l’Amour, son banquet nuptial, riche et vaste composition, où sont mises à contribution toutes les richesses de l’antiquité.
Nulle part la poésie de la peinture ne s’est développée avec autant de charme et de grandeur. Tout paroit s’être assujetti aux heureuses fantaisies du peintre. S’il se trouve une cheminée, vous voyez Vulcain occupé sur sa forge enflammée à fabriquer les foudres de Jupiter. Ailleurs, c’est Polyphème assis sur un rocher. L’artiste a pris à tâche d’approprier à l’usage de chaque pièce les sujets qui lui sont analogues.
On ne sauroit se dispenser d’indiquer encore dans l’ensemble de ce palais, comme ouvrage classique, pour le goût de l’ornement, le charmant corps-de-Logis qu’on appelle de la Grotte, parce qu’effectivement il s’y en trouve une pratiquée pour l’usage du bain. C’est un ensemble de salles, les unes plus, les autres moins grandes, où l’on voit briller dans toute sa pureté le style d’arabesques et d’ornemens antiques, remis eu honneur par Raphaël, au Vatican, propagé depuis par quelques-uns de ses élèves, dans divers endroits de l’látalie, qu’un a malheureusement vu disparoître avec son école, et dont personne encore n’a fait revivre ni l’exécution, ni surtout le génie.
La ville de Mantoue est pleine de Jules Romain. Elle fut sa seconde patrie, et, par tous les travaux qu’il y fit, il passa pour en avoir été le second fondateur. Il y rebâtit des quartiers et des rues entières, lui redonna une forme nouvelle, et l’orna d’édifices qui en sont encore aujourd’hui la gloire. Il rebâtit à neuf le palais ou le château ducal, qu’il décora des plus excellentes peintures représentant la guerre de Troye. Nous manquons de renseignement sur un autre palais qu’il bâtit pour le duc à Marmiruolo, lieu situé à cinq milles de Mantoue ; mais Vasari nous apprend que cet édifice reçut aussi de la main deJules Romain de grandes peintures qui ne le cèdent ni à celles du château ducal, ni à celles du palais du TE.
On voit encore à Mantoue la maison qu’il avoit construite pour son habitation. Sa façade, jadis toute ornée de stucs colorés, est remarquable au dehors par une petite statue antique de Mercure. L’intérieur formoit autrefois une sorte de Muséum plein des richesses de l’antiquité et de celles que son génie s’étoit plu à y prodiguer.
Plusieurs églises furent redevables à Jules Romain ou de leur restauration, ou de leur embellissement. De ce nombre fut celle de Saint-Benoît, qui reçut de lui une formè nouvelle, et qu’il décora comme peintre, après l’avoir rétablie comme architecte.
Mais le plus grand de ses ouvrages, en ce genre, fut la cathédrale de Mantoue, que le cardinal de Gonzaga, après la mort du duc, confia à ses soins, pour être refaite en entier. Ce monument, dans lequelJules Romain fit revivre le style de l’antiquité, par la belle proportion des colonnes, le style noble et pur de tous les détails, doit se mettre au rang des plus beaux temples de l’Italie ; et il ne manque à sa renommée, comme à celle des principaux édifices de Mantoue, que d’être plus connu des artistes et des voyageurs qui visitent l’Italie. Malheureusement cette ville ne se trouve pas sur la roule la plus battue par les curieux. Il faut aller exprès à Mantoue. Aussi manquons-nous d’une description fidèle des beautés qu’elle renferme, et une multitude de dessinateurs qui s’en vont répétant chaque année, ce que tant d’autres ont répété avant eux, reviennent sans s’être douté que Mantoue leur eût présenté la matière la plus riche d’un ouvrage aussi précieux pour l’histoire, que pour l’élude des arts.
Le dessin que Jules Romain donna pour la façade de la grande église de Saint-Pétrone à Boulogne, passa, dans son temps, pour le plus beau de ceux que présentèrent les plus célèbres de ses contemporains. Il n’a qu’un seul ordre, mais colossal. On y admire le terme moyen tenu par l’artiste, entre le goût de l’architecture grecque et celui de l’édifice qui participe du goût gothique. Ce fut une preuve de jugement de la part de Jules Romain. Rien n’en manque plus que ces frontispices faits après coup qu’on applique à des monumens d’un autre âge, et qui n’y produisent d’autre effet que celui d’une dissonance.
Le duc Frédéric Gonzaga mourut en 1540. Il laissa Jules Romain comblé de biens et d’honneurs, mais tellement affligé de la perte d’un prince qui avoit honoré ses talens, et dont il étoit devenu l’ami, que le Cardinal, frère de son protecteur, eut beaucoup de peine à le détourner du projet qu’il avoit formé de revoir Rome. Ce fut en le comblant de bienfaits et en le chargeant d’ouvrages nouveaux, qu’il parvint à le retenir, et c’est à cette généreuse contrainte que Mantoue fut redevable de l’érection de sa cathédrale, qui ne fut toutefois terminée qu’après lui par Bertano son élève.
Une circonstance nouvelle vint bientôt réveiller chez Jules Romain le desir de se retrouver à Rome. En vain le bel établissement qu’il avoit à Mantoue, celui de sa famille, les honneurs dont il y jouissoit, la reconnoissance même, sembloient l’y devoir attacher pour la vie ; la mort de Sangallo, architecte de Saint-Pierre, ayant appelé tous les regards sur lui, il ne put résister à cet honorable appel : il se disposait à partir ; mais la Providence en avoit ordonné autrement. Une maladie fort courte l’enleva à l’âge de 54 ans.
Ainsi Jules Romain fut enlevé, on peut le dire, au milieu de sa carrière, et la chose seroit encore plus vraie, s’il fallait, sur la foi d’une date rapportée dans une courte Notice de sa vie, qui fait partie d’une petite description du palais du TE, imprimée à Mantoue en 1783, admettre qu’il mourut à 47 ans. L’autorité sur laquelle cette opinion se fonde, est, dit-on, que dans les archives de la Sanita, à Mantoue, on trouve sur le registre des morts du Ier. novembre 1546, cette note : Il sior Julio Romano di Pipi superior de le fabriche ducale, de febra infirmo giorni 15, morto d’anni 47.
On doit remarquer d’abord que cette note n’étant que ce que nous appellerions un extrait mortuaire, a beaucoup moins de valeur que n’en aurait ce que nous appelons l’extrait de baptême ou de naissance, ce que jamais l’acte mortuaire n’est tenu de rappeler, tant il arrive souvent qu’on n’a aucun moyen de le constater, à l’égard surtout du grand nombre d’hommes qui meurent hors de leur pays. Qui nous dira ensuite quel est le degré de fidélité à laquelle la note dont il s’agit étoit obligée, et si une simple méprise de la mémoire ou de la plume n’a pas pu changer un chiffre pour un autre.
Vasari dit positivement, dans la Vie de Jules Romain, qu’il mourut à 54 ans, et il est d’accord sur la date de sa mort, c’est-à-dire, sur l’an 1546. Or, Vasari connoissoit particulièrement Jules Romain et en nous racontant qu’il alla le visiter à Mantoue, il indique la date de cette visite comme postérieure à la mort du duc Frédéric, qui mourut en 1540, puisqu’il ne parle que du cardinal Gonzaga, et qu’à cette époque déjà Jules Romain avoit élevé la cathédrale de Mantoue, qui ne fut commencée qu’après le mort de Frédéric, c’est-à-dire, que Vasari vit Jules Romain deux ans avant qu’il mourût. Il n’est guère probable qu’il se soit trompé autant sur son âge.
Mais voici une dernière raison qui me paroît sans réplique. Si Jules Romain, comme l’a prétendu la note de la Sanita, ne vécut que 47 ans, et mourut en 1546, il sera né en 1599. Or, Raphaël mourut en 1520, et déjà, depuis longtemps, Jules Romain étoit parvenu à ce degré de talent qui, non-seulement lui avoit gagné toute la confiance de son maître, mais l’avoit rendu son principal collaborateur, au point qu’on distinguoit souvent à peine ce qui étoit du maître et ce qui étoit de l’élève, et cela fort long-temps avant 1520. Ainsi on connoît l’histoire de la copie du portrait de Léon X, par Raphaël, envoyée à Mantoue, et la surprise de Jules Romain, qui, ayant, comme il le dit lui-même à Vasari, travaillé à l’original, ne s’étoil point aperçn de l’échange fait de cet original contre la copie d’André del Sarto. On citeroit bien d’autres ouvrages de Raphaël, où Jules Romain fut associé, plusieurs années avant 1520. Comment peut-on supposer qu’un jeune homme de 15 à 16 ans seroit arrivé à un degré de capacité si éminent ?
Si, au contraire, on suppose, d’après l’âge où il mourut, que Jules Romain éloit né en 1491 ou 1492, il avoil 29 ans à la mort de Raphaël, et l’on trouvera fort naturel qu’il ait pu, depuis 20 ans jusqu’à 29, avoir acquis le talent dont il dut faire preuve pour avoir été ainsi adopté par son maître.
J’ajouterai que l’on trouve le portrait de Jules Romain, jeune vérité, mais avec un peu de barbe, faisant pendant avec celui de Marc-Antoine, dans le tableau d’Héliodore, dont on a la date. Jules Romain pouvoit alors avoir 22 ans.
PIQUER, v. act. On use de ce mot, dans la construction, pour désigner une opération qui consiste à donner aux pierres une apparence rustique, en piquant avec une pointe de fer leurs paremens. On le pratique ainsi dans les bâtisses en petites pierres ou moellons, et on appelle cette construction moellons piqués. S’il s’agit de pierres plus grandes et plus dures, dont on se sert dans les appareils en bossages, on ne taille au ciseau que les bords de la pierre ; on laisse le reste relevé en bosse plus moins saillante, et avec le marteau pointu, on donne à la partie saillante, en la piquant au hasard, l’air d’avoir été laissée brute.
En charpenterie, piquer, c’est marquer une pièce de bois avec le traceret, pour la tailler et la façonner.
PIQUETS, s. m. pl. On donne ce nom à de petits morceaux de bois pointus, qu’on enfonce en terre, pour tendre des cordeaux qui servent à marquer le plan d’un bâtiment, et la surface de terrain qu’il faudra fouiller pour y planter les fondations.
On se sert de piquets pour tracer les lignes et les contours des jardins qu’il s’agit de planter. C’est surtout dans l’exécution des plans du jardinage irrégulier que cette méthode est usuelle. On les multiplie à volonté, et en les rapprochant, on forme d’une manière très-sensible le trait des massifs ou des allées, et cette manière de le tracer, offre la plus grande facilité pour en changer ou corriger les contours particuliers, ou le dessin général.
On nomme taquets les piquets qu’on enfonce à tête perdue dans la terre, afin qu’on ne les arrache point, et pour qu’au besoin ils puissent servir de repaires.
PIQUEUR, s. m. On appelle ainsi, dans un atelier, l’homme préposé par l’entrepreneur pour recevoir par compte les matériaux, en garder les tailles, veiller à l’emploi du temps, marquer les journées des ouvriers, et piquer sur son rôle ceux qui s’absentent pendant les heures du travail, afin de retrancher leur salaire. C’est de-là que vient le nom de piqueur.
On appelle chassavans les piqueurs subalternes dont l’emploi se borne à hâter les ouvriers.
PIRAMIDE. Voyez Pyramide.
PIRRO LIGORIO. Voyez Ligorio.
PISCINE, s. f. , du mot latin piscina. Ce mot, formé de piscis, poisson, indique assez quel fut l’usage de la piscine. Quoique le mot, comme on le dira, ait été, dans le langa ordinaire, appliqué à exprimer d’autres emplois, il n’est pas douteux qu’on ne doive, avant tout, le donner à ces réservoirs d’eau que nous nommons vivier, et où les Romains nourrissoient et entretenoient avec beaucoup de dépense des poissons de toute espèce.
Les riches établissoient des piscines dans leurs maisons de campagne, C’étoit de vastes bassins d’eau vive, où, soit pour leur consommation, soit pour en tirer un revenu, ils se plaisoient à rassembler les poissons les plus chers et les plus rares. On cite, par-dessus tous les autres, l’établissement que Lucullus avoit fait en ce genre.
La piscine étant, comme on voit, un amas d’eau artificiel, on donna le même nom, dans les bains publics, à de grands bassins où l’on s’exerçoit à la nage. Il y en eut même une publique, destinée à cet usage, entre le Celius et le Celiolus à Rome. Elle n’existoit plus du temps de Festus, mais ce qu’il en dit prouve que jadis le peuple l’avoit fréquentée, et le nom de piscine publique étoit resté au lieu qu’elle avoit jadis occupé.
Dans les aqueducs on désignoit par le mot piscine, un réservoir par lequel la continuité des canaux de maçonnerie ou des tuyaux se trouvoit interrompue. On établissoit ces piscines ou réservoirs, pour que l’eau pût y déposer les parties terreuses et la vase qu’elle charrie. Par cette raison, on l’appeloit quelquefois piscina limaria. Aux aqueducs dont les tuyaux étoient de terre cuite, ces réservoirs ou piscines étoient encore nécessaires, pour qu’on pût trouver plus facilement les endroits qui avoient besoin de réparation. Quelquefois ces piscines étoient couvertes d’une voûte, mais le plus souvent elles étoient à découvert.
On peut donner aussi le nom de piscine à de vastes citernes que l’on bâtissoit dans certains endroits, et à ce qu’il paroît, pour l’usage des armées qui étoient cantonnées. Telle est du moins l’opinion la plus probable, sur l’usage de ce qu’on appelle encore à Pouzzol la piscina mirabile, construction véritablement admirable et par sa disposition, et par les détails de son exécution, et par sa belle conservation.
On y descend de deux côtés par deux escaliers de quarante marches. L’intérieur de ce local est soutenu par quarante-huit piliers qui, en plan, forment chacun une croix. Ils sont sur quatre rangs également espacés, et divisent l’espace en cinq espèces d’allées, les murs d’enceinte compris. La longueur totale est de 56 pas ordinaires, la largeur de 25, et la hauteur a 31 pieds. On remarque, dans le milieu de tout l’espace, une sorte de cavité destinée à recevoir les ordures. Les piliers dont on a parlé, supportent de petites voûtes, au-dessus desquelles est établie une plateforme régnant sur toute la bâtisse, et qui est percée de treize trous carrés, par lesquels on puisoit l’eau. Cette construction très-solide étoit revêtue d’un enduit de mortier auquel s’est attaché le dépôt de l’eau, qui a contribué à donner encore à ce revêtissement une dureté qui le dispute aux pierres les plus compactes.
PISÉ ou PISAY, s. m. On donne ce nom à une sorte de construction de murs faits avec une terre qu’on rend compacte. Dans plus d’un pays, on forme ainsi avec un mélange de terre et d’argile principalement, des constructions rurales, et cette méthode n’étoit pas inconnue aux Romains. Pour élever ainsi un mur, on placoit deux cloisons en planches, éloignées l’une de l’autre d’une distance égale à l’épaisseur de la construction qu’on vouloit faire. On remplissoit ensuite cet intervalle de terre ou d’argile, qu’on battoit et piloit fortement pour lui donner la consistance nécessaire, et on continuoit ainsi, jusqu’à ce que le mur fût arrivé à la hauteur déterminée, L’opération finie, et les planches formant l’espèce de moule qu’on a décrit, étant retirées, on avoit un mur qui, ensolidité, ne le cédoit point à beaucoup d’autres, et qui opposoit une résistance convenable aux rigueurs des saisons, aux dangers des incendies.
Les Romains avoient appris, dit-on, ce genre de construction des Carthaginois, et ils l’employoient particulièrement dans leurs campagnes, à des bâtisses rustiques.
Cette sorte d’architecture a été, depuis un certain nombre d’années, renouvelée en France, sous le nom de pisé, par M. Cointereau, qui en a propagé l’usage, et par la pratique et par les écrits qu’il a multipliés sur les procédés, dont il faut lire les descriptions. Voyez, à ce sujet, l’ouvrage intitulé : Ecole d’architecture rurale.
PITTORESQUE, adj. des deux genres. Ce mot, dans son acception littérale et la plus générale, devroit signifier simplement ce qui regarde la peinture, ce qui est du ressort de l’art du peintre. Les Italiens, dont ce mot est emprunté, ont deux expressions pour rendre les rapports de la peiuture avec les idées diverses qu’on y attache. Ils disent pittoresco et pittorico. Le premier de ces mots exprime, comme en français, un certain effet propre de la peinture ; le second s’entend de ce qui appartient au matériel ou à l’historique de l’art.
Pittoresque, en français, signifie, selon l’usage, tout ce qui, soit dans la nature, soit dans l’imitation, présente un aspect, des formes, des effets ou une disposition capables de surprendre et de plaire à l’esprit et aux yeux, par une combinaison accidentelle peu commune, et qui semble offrir de la singularité.
Il y auroit beaucoup à dire sur le pittoresque, dans les arts d’imitation, et cette théorie contiendroit des observations de goût fort utiles, pour préserver les artistes d’une recherche souvent périlleuse en ce genre, car lorsque l’art s’y montre trop, le bizarre vient à sa suite.
Le pittoresque entendu et défini, comme on vient de le faire, appartient donc ou peut appartenir à tout. Il n’est point d’objet, grand ou petit, production de la nature ou de l’art, qui n’offre ou ne puisse offrir l’impression de ce qu’on appelle pittoresque. On en trouve dans la formation d’une montagne, dans le spectacle des cieux, comme dans l’ajustement d’une coiffure ou d’une draperie.
Il y a donc aussi, ou il peut y avoir un pittoresque en architecture. Et d’abord on en trouvera dans le site occupé par un monument, dans la manière dont il se présente aux yeux, avec les oppositions d’objets accessoires qui ajoutent à son effet ; Il y avoit un grand effet pittoresque dans la manière dont Vitruve nous dit que le roi Mausole avoit, au fond du port d’Halicarnasse, disposé son palais, la citadelle et les principaux monumens de la ville, comme en amphithéàtre.
Il y a ou il peut y avoir du pittoresque dans la composition d’un monument : beaucoup d’édifices comprennent des masses partielles, qui toutefois doivent se réduire à un tout ensemble. C’est dans ce genre de monumens que l’architecte peut surtout produire un effet que la peinture aimeroit à s’approprier, dans les tableaux qu’on désigne par le nom de vues. Elle préférera le bâtiment dont les lignes sont variées, dont les masses produiront des ombres, à l’édifice, du reste supérieur par l’art, qui ne présenteroit qu’une seule ligne. Mais l’œil aussi donnera la préférence, dans les monumens qui en comportent l’emploi, à ces partis heureux de composition, dont les élévations naturelles, ou des variétés de plans font pyramider les masses et l’architecture. Ainsi, un très-grand nombre de palais à Gênes, d’un goût sage et pur, donnent une juste idée du pittoresque permis à l’art de bâtir, dans ces escaliers à plusieurs rampes, dans ces ouvertures de galeries en colonnes, qui se détachent sur le ciel. Ainsi, le nouvel escalier qui conduit au grand salon du Louvre est un modèle de pittoresque, et plus d’un dessinateur s’est plu à en rendre l’effet.
Il peut y avoir aussi du pittoresque en architecture, par l’emploi des matériaux divers dont l’artiste peut user, pour opérer des oppositions agréables, entre les murs et les pilastres qui les décorent, entre les trumeaux et les chambranles des croisées. Les plus habiles architectes ont employé avec beaucoup de goût ces moyens de diversifier l’aspect des élévations, et des masses de leurs édifices.
PITHEUS, architecte grec, qui paroît avoir réuni à une grande habileté en architecture, beaucoup d’autres connoissances, et la pratique de plus d’un art.
Selon Vitruve (lib. VII. Prœfat.), Pitheus auroit, conjointement avec Satyrus, bâti le célèbre tombeau de Mausole à Halicarnasse. On ne doit pas le révoquer en doute, parce qu’il ne parle de ces artistes, que dans le passage où il fait mention des architectes, qui ont écrit sur leur art, ou qui ont laissé des ouvrages de description des plus célèbres monumens. Nous voyons en effet, par les autres exemples qu’il cite, que ces descriptions de monumens furent faites par ceux mêmes qui les avoient bâtis. De ce nombre sont Théodore, Ctésiphon et Ictinus. Lors donc que Vitruve dit que Pitheus et Satyrus écrivirent sur le mausolée, il faut admettre qu’ils décrivirent leur propre ouvrage. La suite du passage le prouve. « Ils jouirent (continue l’écrivain) d’un très-grand bonheur ; leurs travaux, qu’accompagnera, l’admiration de tous les siècles, eurent encore l’avantage de procurer d’importans ouvrages à leurs contemporains. (Je lis coœtaneis au lieu de cogitatis.) Car chacun des quatre sculpteurs, Leochares, Briaxis, Scopas et Praxiteles, eut l’entreprise d’une des quatre faces du monument. » Quelques-uns y joignent Timothée. Pline, eu parlant de la partie pyramidale ajoutée, avec un quadrige, au sommet du monument, nomme pour sculpteur de cet ouvrage Pythis. Il est probable qu’il faut lire Pytheus.
C’est encore le nom de Pytheus qu’il faut substituer dans cette même préface du septième livre de Vitruve, au nom de Fileus que porte ordinairement le texte, et c’est Vitruve lui-même (lib. I cap. 1.) qui autorise cette correction. En effet, au livre VII, il cite Fileus, comme celui qui auroit donné la description du temple de Minerve à Prienne, et au livre I, chap, I, on lit : « Pitheus, celui qui, parmi les anciens architectes, construisit avec un grand succès à Prienne le temple de Minerve. » Indubitablement, dans les deux endroits, il est question du même architecte, puisque, outre la ressemblance de nom, c’est du même monument qu’il s’agit. De plus, les deux passages font mention de cet architecte, comme ayant été aussi écrivain. Vitruve, en effet, le cite encore ici, pour avoir dit dans ses Commentaires, que l’architecte devoit en savoir faire plus dans chaque art, et dans chaque partie des connoissances relatives à l’architecture, que les plus habiles en chacune de ces parties. Quelques lignes plus bas, Vitruve réfute l’opinion de Pitheus. Il s’est trompé, dit-il, faute d’avoir réfléchi que tout art se compose de deux choses, de la pratique et de la théorie. L’une de ces choses appartient à ceux qui exercent l’art, et c’est la pratique l’autre, savoir, la théorie, est le propre de tous les savans. C’est à la suite de cette discussion que Vitruve prétend que l’architecte doit avoir quelque connoissance de toutes les sciences qui ont du rapport avec l’architecture, sans être obligé d’en savoir autant que celui qui fait profession d’une seule de ces sciences.
Il résulte de ces notions, que Pitheus fut un fort habile architecte, et extrêmement instruit ; qu’il bâtit le tombeau de Mausole, le grand temple de Minerve à Prienne ; qu’il laissa des descriptions de ses propres monumens, et qu’écrivain également instruit, il composa des traités d’architecture, et de. savantes théories sur cet art.
PIVOT, s. m. Morceau de fer ou de bronze, qui, étant arrondi à son extrémité, et attaché au ventail d’une porte, entre par le bas dans une crapaudine, et en haut de la porte, dans ce qu’on appelle une semelle, et fait tourner la porte verticalement.
On ne parle ici de l’usage du pivot que par rapport à l’architecture, car on s’en sert dans beaucoup de machines pour les faire tourner.
A l’égard des portes, et de la manière de les suspendre, l’emploi du pivot est certainement ce qu’il y a tout à la fois de plus simple et de plus solide. On peut s’en convaincre aux portes du Panthéon à Rome, qui sont de bronze, et don ! les ventaux, chacun de vingt-trois pieds de haut sar sept de large, n’ont pas encore surplombé depuis le long espace de temps qu’ils subsistent. Ils s’ouvrent et se ferment encore avec la plus grande facilité.
PLACAGE, s. m. On appelle de ce nom tout ouvrage de menuiserie ou d’ébénisterie, qui consiste en morceaux de bois plaqués sur d’autres, soit pour y produire des moulures, soit pour leur servir de revêtissement
Souvent on forme des lambris, des portes, ou leurs ventaux, et beaucoup d’antres ouvrages en bois, dont les panneaux, au lieu de moulures poussées à même la pièce, ou taillées dans son épaisseur, reçoivent tous ces détails, au moyen de morceaux rapportés, qu’on y plaque, et qu’on y arrête de différentes manières.
Dans la fabrication des meubles en bois rares et précieux, on emploie le procédé du placage d’une façon encore plus générale. On scie ou l’on débite le bois qu’on veut plaquer, en lames extrêmement minces, par conséquent assez flexibles pour pouvoir s’adapter aux formes et aux contours du meuble, ou de l’objet d’un bois plus commun, qu’on veut en revêtir, et au moyen d’une colle très-forte, on attache la feuille de placage au corps solide dont elle épouse la figure. Ainsi se font aujourd’hui, c’est-à-dire, en placage, presque tous les meubles qu’on appelle d’acajou. Ce bois n’est, si l’on peut dire, que l’épiderme de l’ouvrage, et l’on prétend que plus cette espèce d’épiderme est mince, plus l’ouvrage est durable.
PLACARD, s. m. C’est une dénomination qu’on donne, dans le bâtiment, à une décoration de porte d’appartement, en bois, en pierre ou en marbre, laquelle se compose d’un chambranle couronné de sa frise ou gorge, et de sa corniche portée quelquefois sur des consoles.
On donne encore le nom de placard au revêtement d’une porte de menuiserie, garnie de seventaux.
Ce mot comme le précédent, vient de plaque ou plaquer, et il est évident par cette étymologie, que l’on considère ces objets comme des travaux d’appliquage qu’on fait à part, et qu’on ne met en place, qu’après que le travail de la bâtisse est terminé.
Placard cintré. C’est ainsi qu’on nomme un placard dont le plan est curviligne, comme une arcade, une porte arrondie, dont on use par conséquent dans toute pièce circulaire par son plan.
Placard double. Placard qui, dans un baie de porte, est répété des deux côtés du dedans et du dehors, avec embrasure entre-deux, sur l’épaisseur d’un mur ou bien d’une cloison.
Placard feint. Placard qui n’est autre chose qu’un lambris, et qui ne sert qu’a la symétrie, eu répétant une porte, soit parallèle, soit opposée.
PLACE, s. m. Ce mot, dans son rapport avec l’architecture et les édifices, exprime plusieurs choses : 1°. le lieu même, le terrain obligé ou choisi sur lequel on élève un bâtiment ; 2°. l’espace qu’on ménage à son aspect ; 3°. celui qu’on laisse vide ou qu’on pratique au milieu d’une ville pour l’agrément ou les besoins de ses habitans ; 4°. celui qui doit servir d’accompagnement à certains objets de décoration.
Selon la première de ces acceptions, place est synonyme d’emplacement, et à cet égard on ne sauroit dire combien le choix d’une place ou d’un emplacement convenable contribue à l’effet d’un monument et à la beauté des aspects d’une ville. Il faut remarquer cependant, que le choix de l’emplacement, en bien des cas, doit être déterminé par la nature même de l’édifice, c’est-à-dire, de sa destination usuelle. Il y a des monumens dont la place doit être au centre d’une ville : tels sont ceux qui correspondent aux affaires ou aux besoins journaliers du plus grand nombre. C’est ainsi que le Forum, qui étoit la place publique, dans les villes antiques, en occupoit toujours le centre. C’étoit le point qu’on établissoit en premier dans la fondation d’une ville, parce que ce Forum comprenoit le marché, les juridictions, les comptoirs d’échange, etc. , enfin tout ce qui se rapportoit aux besoins de la vie, aux affaires de commerce. C’étoit le rendez-vous universel, le lieu de réunion où, pour toutes sortes de motifs, le plus grand nombre passoit la journée entière. Lorsque les villes s’agrandissent, elles deviennent nécessairement des réunions de plusieurs villes ; dès-lors il faut que chaque quartier ait sa place publique. Ainsi Rome antique vit se former dans les diverses parties de ses nouvelles enceintes, de nouveaux Forum ; et nous voyons de même dans les grandes villes modernes, établir au centre de chacun de leurs quartiers, les bâtimens dont l’usage correspond à celui du Forum des Anciens.
Après l’utilité commune, qui décide, avant tout, de la place que doivent occuper les monumens, il faut prendre en considération la beauté que procure, soit aux villes, soit aux édifices, le choix d’une place qui mette en vue l’ouvrage de l’architecture. Rien ne contribue plus à la magnificence des aspects extérieurs dune ville, que la position élevée de certains monumens, dont les masses pyramidales dominent le reste des constructions ordinaires. Partout où le terrain occupé par les villes renfermoit quelques hauteurs, les Anciens ne manquèrent jamais de choisir une semblable place, pour y situer le temple principal ou tout autre édifice important.
Il n’est pas toujours donné de placer ainsi les monumens. Là où le terrain tout uni ne sauroit leur offrir de semblables expositions, il y a encore plus d’un moyen de leur ménager une place qui ajoute à leur effet, comme, par exemple, en face d’une grande rue, ou de quelque percée qui leur permette de s’annoncer de loin. Mais ceci nous conduit à l’autre acception du mot place, signifiant l’espace qu’on laisse ou qu’on pratique devant ou à l’entour d’un édifice.
Les villes, surtout dans les temps et chez les peuples modernes, ont fort rarement été construites et fondées sur des plans déterminés d’avance. Cet avantage fut plus fréquent chez les Anciens, qui eurent l’habitude de former des colonies, de transporter des populations entières, sur des terrains inhabités. Dès-lors rien ne mettoit d’obstacles à la distribution, aux alignemens des maisons et des rues, an choix des emplacemens que dévoient occuper les édifices principaux, et par suite à la disposition des places qu’on devoit pratiquer pour embellir leur aspect. Presque toutes les villes modernes, au contraire, nées, si l’on peut dire, d’elles-mêmes, formées par une agrégation successive de maisons, de rues, de quartiers, n’ont reçu que du hasard, et leur agrandissement et leur disposition. Il devient donc par la suite fort difficile, ou de donner des places aux monumens déjà faits, ou d’en faire de nouveaux, auxquels on puisse procurer des emplacemens extérieurs proportionnés à leur mesure ou à leur caractère.
Quelques villes ont dû à des causes particulières, l’avantage de pouvoir former autour et en face de leurs monumens des places dignes d’eux. Rome moderne peut être citée à cet égard. Mais on voit qu’elle eut un rare privilège, celui de s’élever sur les ruines de la plus immense ville qui ait existé, et de trouver dans ses restes, les modèles des plus vastes emplacemens, et les traditions d’une grandeur à laquelle nulle cite n’étoit parvenue. Rome moderne, capitale nouvelle du monde nouveau, le monde chrétien, eut aussi le besoin d’une grandeur inconnue avant elle. Siége de la religion de presque toute l’Europe, elle éleva dans sa basilique de Saint-Pierre un temple qui, pour l’immensité, n’eut jamais d’égal. Ce monument, élevé sur les débris d’un cirque antique, devoit encore proclamer sa supériorité sur les conceptions du paganisme, par une place qui répondît à ses élévations colossales, et la place environnée de colonnes, que Bernin fut avec tant d’habileté, réunir au frontispice du temple, est devenue la plus belle de l’Europe.
Les mêmes causes ont procuré à beaucoup d’églises de Rome, et à plusieurs autres monumens, des places dont on admire le rapport avec l’édifice qu’elles annoncent ou qu’elles environnent. Peu de villes lui sauroient disputer la supériorité eu ce genre, et beaucoup, au contraire, nous montrent de grands monumens qui manquent d’une place convenable.
On cite ordinairement l’église de Saint-Paul à Londres, comme celle qui, par son étendue et sa hauteur, tient le second rang après Saint-Pierre à Rome. Mais ce vaste édifice n’a d’aucun de ses côtés, ni même en avant de son frontispice, une place qui permette d’en embrasser les aspects, au point de distance nécessaire pour juger de l’effet du tout ensemble. La raison de ce défaut est dans le lieu même où le monument est situé c’est-à-dire, au milieu de la cité, quartier étroit, serré, et où la place pour bâtir coûte plus cher que la bâtisse.
C’est un autre défaut à un édifice, d’être accompagné on précédé par de trop vastes empla cemens. Une étendue démesurée d’espace, rapetisse et pour l’esprit et pour l’œil, la dimension et l’effet de l’architecture. Cet art ne consiste qu’en rapports, Nul ne demande plus d’être secondé par le parallèle des objets environnans. Deux très grands frontispices d’église, celui de Saint-Jean-de-Latran à Rome, et celui des Invalides à Paris, situés en quelque sorte hors de l’enceinte de ces villes, ont devant eux des espaces illimités, et leur valeur, sous le rapport de l’effet, s’en trouve singulièrement diminuée. Certainement le péristyle du panthéon de Rome paroitroit moins grand, et seroit moins imposant, si la place qui le précède se trouvoit agrandie.
Fixer des mesures en ce genre, seroit quelque chose de très-difficile, et l’on sent bien qu’une fort grande incertitude régneroit à cet égard, tant il y a de considérations diverses, relatives non-seulement à la dimension, mais au caractère même et au style de l’édifice, qui pourroient rendre la règle variable. On peut dire toutefois, qu’en prenant pour base la hauteur de l’édifice, il n’y auroit jamais d’inconvénient à donner en reculée à la place qui le précède, au moins deux fois cette mesure.
La troisième manière d’entendre le mot place, en architecture, s’applique à ces grands espaces qu’on laisse ou qu’on pratique au milieu des villes, avons-nous dit, pour l’agrément ou les besoins de leurs habitans.
Un de ces premiers besoins est la salubrité, et rien n’y contribue davantage, dans les villes populeuses, que ces vastes emplacemens qui donnent au vent les moyens de renouveler l’air, et où. les hommes longtemps entassés dans l’intérieur des maisons, peuvent venir respirer. Aucune ville n’a porté le luxe, si l’on peut dire, de ces sortes de places aussi loin que la ville de Londres. Ayant en l’avantage d’être rebâtie toute entière à neuf (la cité exeeptée), tous les quartiers ont été construits sur de grands alignemens, et on y a ménagé, d’espace en espace, de ces vastes places carrées, qu’on appelle squares. Leur milieu en est assez souvent occupé par de petites plantations, ordinairement enceintes d’une grille. il s’en pratique toujours de semblables dans les quartiers nouveaux, dont cette ville ne cesse point de s’agrandir, et ils en forment le principal embellissement.
Rome moderne a hérité de l’ancienne, plusieurs des places qu’on y admire. Telle est entr’autres la place Navone, qui a succédé à un grand cirque, et qui sert tout à la fois de marché, de promenade, et où les belles fontaines qui la décorent, procurent, dans les chaleurs de l’été, le moyen de la convertir en une espèce de grand lac.
Il est peu de villes qui n’aient ainsi, selon leur étendue, une on plusieurs places publiques, qui se convertissent tantôt en marché, tantôt en foires, tantôt en lieux de spectacles, de divertissement ou de promenade.
Une des plus belles places en ce genre, et qu’on ne doit pas oublier dans un Dictionnaire d’Architecture, est, sans contredit, la place de Saint-Marc à Venise, place d’autant plus remarquable par son étendue, qui est de 180 toises (en y comprenant la petite place en retour), que la ville, bâtie au milieu des eaux, n’a pu avoir que des terrains conquis par l’art sur l’élément liquide. Cette place, qui forme un grand carré-long, est environnée de magnifiques galeries dans tout son pourtour, et son architecture uniforme dans l’ensemble, quoique variée dans ses détails, offre les plus beaux modèles de la disposition, et du caractère qui conviennent aux monumens publics, et à ceux particulièrement que l’on comprend sous la dénomination de place de décoration.
C’est la quatrième acception qu’on donne au mot place dans ce sens, une place est elle-même un monument, en tant qu’on la construit sur un seul plan, avec une ordonnance régulière et symétrique, pour recevoir une statue, une colonne, une fontaine, etc.
Nous ne saurions dire, et il est peut-être douteux que les Anciens aient bâti exprès des places aussi étendues, que le sont les places modernes dont on veut parler, pour être l’encadrement, si l’on peut ainsi s’exprimer, d’une statue honorifique. Dans l’antiquité, d’après les usages, et vu l’extraordinaire multiplicité des statues, considérées comme témoignages d’honneur, de reconnoissance ou d’adulation, il est indubitable qu’il n’y auroit jamais eu assez de terrain dans aucune ville, s’il eût fallu faire des places, n’importe de quelle mesure, aux statues de tous ceux à qui on en élevoit. L’histoire grecque et romaine nous prouvent à chaque page, qu’on plaçoit les statues dans certains lieux, où elles se pressoient en quelque sorte. Les théâtres, les forum, les gymnases, les rues et les carrefours en étoient remplis. La différence des gouvernemens et des mœurs a rendu les statues honorifiques extrêmement rares. On en a fait, sous certaines formes colossales, le privilège des rois et des princes. Je veux parler des statues équestres en bronze, qui depuis la renaissance des arts, se sont multipliées dans presque toutes les grandes villes de l’Europe. Il s’en trouve à Venise, à Florence, à Modène, à Vienne, à Stockholm, à Pétersbourg, à Copenhague, à Londres.
Mais la France, surtout à partir du règne de Henri IV, a vu s’élever, tant à Paris que dans la plupart de ses plus grandes villes, les statues équestres en bronze de ses rois. Renversés par les fureurs de la révolution, ces monumens avoient péri. D’autres aujourd’hui leur succèdent, et avant peu, toutes les places qui leur furent jadis destinées auront retrouvé dans les statues déjà restituées ou en train de l’être, les objets qui les firent construire.
C’est, en effet, à ces statues, comme on l’a déjà dit, que Paris doit les places qui font un de ses principaux ornemens. Ainsi fut construite, pour recevoir la statue équestre de Louis XIII, la place qu’on appelle Royale. Elle forme un vaste carré de bâtimens uniformes, dont le rez-de-chaussée en portiques présente tout à l’entour une galerie couverte. Ainsi s’éleva, sous Louis XIV, la place Vendôme, au milieu de laquelle étoit placée la statue équestre en bronze du Roi. Le plan et le dessin de cette place ont une parfaite régularité. Une ordonnance de pilastres corinthiens orne la devanture des bâtimens qui l’entourent, et l’on n’y entre que par deux côtés.
Quelques-uns veulent que les places de ce genre, situées dans l’intérieur des villes, aient un peu moins de cet isolement qui semble en faire une cour ; ils désirent qu’on y ménage des percés plus nombreux, qui mettent le monument plus en communication avec les rues environnantes. Telle est, en effet, à Paris, la place qu’on appelle des Victoires au milieu de laquelle vient d’être érigée la nouvelle statue équestre de Louis XIV. Cette place, circulaire dans son plan, et dont les bâtimens uniformes ont une ordonnance symétrique, est percée par plusieurs rues, qui, sans nuire à l’unité décorative de l’architecture, donnent à l’ensemble plus de mouvement et de variété.
Si l’on doit éviter de faire d’une semblable place une sorte d’enceinte trop particulière, il faut se garder encore plus de choisir, pour y élever les monumens honorifiques dont on parle, de ces emplacemens vagues et trop étendus, qui, d’une part, offrent à la décoration architecturale trop de difficultés, et de l’autre, manquent de ce juste rapport de proportion nécessaire à l’effet de la statue sur le spectateur ; car tout ouvrage d’art a besoin d’être présenté à la vue dans de certaines limites, et avec un certain accord d’accompagnemens qui lui conviennent. Ainsi, l’emplacement jadis choisi pour la statue de Louis XV, à Paris, eut le double désavantage de n’avoir rien de circonscrit qui, en déterminât la mesure, et de ne donner à la statue équestre aucun point de parallèle qui fit juger de sa grandeur.
La place considérée comme étant elle-même un monument, c’est-à-dire, un ensemble d’architecture, peut servir aussi d’enceinte à quelqu’autre ouvrage d’art qu’une statue. Ce qu’on appelle, à Rome, la place Colonne, a, dans son milieu, la colonne triomphale de Marc Aurèle. Un obélisque sert de point de centre à plusieurs autres places de cette ville. Autant peut-on en dire de quelques fontaines.
Il est aussi bien des villes qui ont de grandes et magnifiques places dont l’enceinte est formée uniquement de bâtimens particuliers, seulement soumis à l’alignement. Mais ces sortes de places, qui contribuent, sans doute, à l’agrément et à la beauté des villes, ne devant rien à l’art en général, et surtout à celui de l’architecture, n’ont aucun droit d’être décrites ou citées dans ce Dictionnaire.
PLAFOND, s. m. C’est le nom général qu’on donne, en architecture et dans les édifices, à la surface de dessous, soit des plates-bandes et autres parties de la construction, soit des planchers dans les intérieurs des bâtimens, soit des couvertures dont sont couronnés les monumens, et qui sont tantôt horizontales, tantôt cintrées à différens degrés, en voûtes plus ou moins exhaussées.
Il y a là, comme on le voit, plus d’une manière d’envisager le plafond.
Et d’abord, nous dirons qu’en architecture, on donne encore le nom de soffitte, de l’italien soffitto, à cette partie du dessous des plates-bandes, larmiers, etc., qui, selon le caractère de chacun des ordres, reçoivent plus ou moins d’ornemens, ou des ornement plus ou moins simples. Nous renverrons, à cet égard, le lecteur au mot Soffite. Voyez ce mot.
Considérant ensuite le plafond, ou pour mieux dire, ses notions principales, dans leur premier rapport avec l’art de l’architecture, nous sommes encore obligés d’en attribuer l’origine aux procédés primitifs de l’art de bâtir, selon les besoins et les ressources locales des différent pays.
Si nous consultons ces causes premières en Egypte, nous voyons que la pierre, qui fut, pour l’architecture de ce pays, le seul principe générateur de ses conceptions, fut aussi, dans la mesure des matériaux, le seul module des plafonds. Ce qui nous reste de l’architecture égyptienne nous montre dans ses nombreux édifices, que la mesure des pierres, dont l’art pouvoit disposer, devint le régulateur uniforme et universel de la disposition des monumens. On ne sauroit se dissimuler que tout lui fut subordonné. Comment se fait-il qu’au milieu de tant de restes d’édifices et de temples, on ne découvre ni un plan, ni une élévation d’où résulte un intérieur de qnelquétendue ? Tout espace qu’on peut y appeler intérieur, n’est autre chose qu’une réunion de colonnes qui supportent une terrasse, et cette terrasse n’est autre chose qu’une réunion de dalles de pierres, qui s’étendent horizontalement d’une colonne à l’autre. Il n’y a rien dans toute l’Egypte, qui donne l’idée de ce que nous appelons une salle, une nef, un intérieur enfin, ayant une couverture, et dès-lors un dessous de couverture, ou un plafond d’une dimension tant soit peu remarquable.
Le plafond, en Egypte, ne fut donc que la surface de dessous des grandes pierres, qui formèrent les couvertures des péristyles, des, pronaos, des vestibules, et qui s’étendoient, dans une mesure constamment la même, ou du mur à la colonne, ou d’une colonne à une colonne.
On peut se former une juste idée des plafonds égyptiens, par l’ouvrage qu’on voit aujourd’hui au Cabinet des antiques de la bibliothèque du Roi, de ce célèbre zodiaque de Denderah, sur l’antiquité duquel on avoit hasardé tant de fausses conjectures. Il formoit le plafond d’une très-petite pièce carrée du temple, laquelle pouvoit avoir au plus vingt pieds. Deux pierres, l’une plus grande, l’autre plus petite, firent son plafond, sur lequel on sculpta une image quelconque du ciel, avec les signes du zodiaque, et les constellations ; le tout sculpté de bas-relief.
Le dessin général de ce plafond, formant un cercle, supporté par de grandes figures debout, et d’autres agenouillés, offre une composition décorative, qui seule auroit suffi, pour faire penser que l’ouvrage appartenoit à un autre génie que celui des Egyptiens, lesquels n’employèrent jamais leurs signes hiéroglyphiques, que sous le rapport et dans l’esprit de l’écriture.
C’étoit, en effet, avec ces sortes de caractères, que l’Egypte décoroit ses plafonds, y employant aussi les couleurs. On y en voit encore qui sont enduits de teintes diverses, et Diodore de Sicile nous parle d’un de ces plafonds qui étoit peint en bleu, et parsemé d’étoiles d’or. Voyez Egyptienne (Architecture).
Le plafond, partie si brillante de l’architecture, dut véritablement son origine à cet autre principe de l’art de bâtir, qui fut celui de l’art des Grecs, et ce principe fut la construction en bois. Comme on le trouve écrit en dehors des édifices (ainsi qu’on l’a développé tant de fois), sur toutes les parties constitutives des ordres, il n’est pas moins visible dans l’ensemble et les détails des plafonds. Ce fut des solives dont se composent les planchers, et du croisement de ces solives, que naquit cette heureuse décoration des plafonds, que l’on nommoit lacunar ou laquear (voyez ces deux mots). Ainsi, ce qui n’étoit qu’un effet nécessaire du besoin, devint, , par les additions de l’ornement, une des plus riches parties de l’architecture.
Comme, en Egypte, la pierre qui forme les plafonds des galeries ou autres intérieurs, n’avoit subi, dans aucune sorte de système imitatif, la moindre transformation d’idée ou de fait, on la voit rester ce qu’elle est, simple surface lisse, simple dalle jointe étroitement à la dalle qui l’avoisine, et ne produisant ainsi ni élévation, ni renfoncement, ni aucune, espèce de variété. Il n’en fut pas de même dans l’architecture grecque. On peut se convaincre déjà de cette différence, sous le seul rapport du procédé de construction, dans le plafond de la galerie périptère du temple de Théée à Athènes.
Rien ne montre mieux, comment l’art de bâtir en pierre, s’appropria les combinaisons et les procédés de l’art de bâtir en bois, qui régna longtemps en Grèce, et dont les ouvrages devinrent, plus positivement qu’on ne pense, les modèles des édifices plus solides qui les remplacèrent.
Qui est-ce, en effet, qui ne voit pas que les plafonds qui continuèrent d’être faits en bois, même dans les édifices en pierre, donnèrent lieu à des compartimens, que l’usage des dalles de pierres égyptiennes ne put jamais suggérer ? Lorsque les solives, en se croisant, eurent formé des vides quadrangulaires, il fallut, comme dans les petites tables des plafonds du temple de Thésée, fermer par-dessus ces sortes de trous, et voilà l’ornement des rosaces qui se présenta pour les remplir.
Le mot plafond, comme beaucoup d’autres, n’exprime qu’imparfaitement ce que l’usage lui a fait signifier. D’après sa composition, le mot sembleroit ne devoir s’appliquer qu’à des couvertures plates, et d’une surface plane. Cependant on en use également pour les couvertures cintrées, qu’on appelle voûtes. Par une conséquence fort naturelle, ces couvertures concaves empruntèrent aux couvertures plates, et leurs compartimens & leurs détails décoratifs, et l’on dit un plafond cintré.
Dès que l’on eut employé le bois et les solives, dans une direction horizontale, l’art de la charpente ne dut pas tarder à faire des voûtes en bois, et l’on ne seroit pas embarrassé d’en citer des exemples dans l’antiquité. Ainsi, le même procédé des caissons, lacunaria, fut appliqué à l’ornement des plafonds cintrés, et il suffit à cette simple excursion de notions historiques sur les plafonds, de rappeler au lecteur, ce grand nombre de voûtes antiques, décorées de caissons, qui, bien que différens de forme, n’en sont pas moins l’intervalle quadrangulaire, supposé formé par le croisement des solives, et rempli par la nécessité d’établir le plancher, qui n’est autre chose que la surface supérieure, opposée à la surface intérieure du plafond.
En architecture, tout procéda par analogie du simple an composé, du nécessaire à l’agréable. Ce fut ainsi que le caisson, forme simple et nécessaire des plafonds horizontaux, ayant été transporté, par la force de l’usage, dans les voûtes et les coupoles sphériques, comme ornement et décoration, le même esprit décoratif en varia les configurations, et de-là ces riches plafonds à compartimens de caissons octogones, et ornés de toutes sortes d’objets et de couleurs, dans leurs bandes, comme dans les renfoncemens à retraites ou à degrés.
Mais il dut arriver aussi que plusieurs convenances ayant porté à cacher les solives des plafonds, soit par des revêtemens en bois, soit par des enduits en superficie, offrirent à la peinture des champs favorables à l’ornement. Il en fut de même des voûtes construites en maçonnerie, c’est-à-dire, de matériaux propres à recevoir des couches plus ou moins épaisses de stuc, de plâtre, etc. Les plafonds, quelque forme qu’ils eussent, composés comme les murs de surface lisse, invitèrent le peintre à en faire les fonds habituels de ses dessins et des jeux de son pinceau.
Les plafonds furent donc décorés de peintures. Il n’entre point dans le sujet de cet article, de faire connoître en détail les diversités de compositions, que les restes de l’antiquité nous ont conservées. On trouve ces détails aux mots Décoration, Arabesque, etc. Ce qu’il importe seulement ici de faire observer, c’est le genre de décoration auquel la peinture des Anciens paroît s’être bornée dans les plafonds. On ne voit pas qu’elle soit sortie, à cet égard, des termes du genre qui nous appelons arabesque. Une multitude de chambres sépulcrales, les grandes salles qu’on appelle des thermes de Titus, et beaucoup d’autres, ont conservé des plafonds élégamment compartis en stucs, ou petits ornemens de bas-relief, en teintes plates, rehaussées de détails et de rinceaux d’autres couleurs, en figures légères, se dérachant sur des fonds lisses. L’art de la peinture en grand, si nous en croyons les espèces de tableaux sur mur, retrouvés sous les cendres du Vésuve, ne paroît pas s’être occupé des embellissemens des plafonds. Cet art, d’après le dire de Pline, et nous entendons l’art qu’exerçoient et professoient les grands peintres, dédaignoit, en Grèce, l’emploi de décorateur en bâtimens. Le peintre habile ne faisoit que des tableaux portatifs. Rien ne fait soupçonner que cela eût changé à Rome. On peut donc croire, sans crainte de se tromper, que l’antiquité ne connut point l’emploi de la peinture appliquée en grand, comme l’ont pratiquée les Modernes, à la décoration des voûtes et des plafonds.
La peinture de plafond, comme ornement de l’architecture, n’importe par quelle raison, s’agrandit dans les temps modernes. L’usage de la fresque, genre de peinture extrêmement approprié à la construction en briques, ou à la maçonnerie recouverte d’enduits composés de sable et de chaux, se prêta merveilleusement au nouveau genre de décoration.
Pour réduire ces notions, qui seroient le sujet d’un long ouvrage, mais plus particulier à la peinture qu’a l’architecture, nous ne remonterons pas ici au-delà du seizième siècle. Avant cette époque, au reste, on ne pourroit citer d’autres décorations de plafond, que celles qui se qui se combinoient avec les données de l’architecture.
Telle fut celle qu’adopta Michel Ange, dans la répartition des peintures dont il orna les voûtes et le plafond de la chapelle Sixtine. Adaptant ses compositions aux lunettes déjà pratiquées dans la voûte, il divisa toute sa superficie en grands espaces qui chacun ne donne d’autre idée, que celle de tableaux qui y seroient attachés.
Les plafonds des salles de Raphaël, au Vatican, n’ont pas d’autre système de décoration. Ce sont toujours des compartimens dont les espaces sont supposés renfermer des tableaux.
Nous voyons de même la vaste coupole de Saint-Pierre se diviser en un nombre quelconque de compartimens, dont les montans rappellent à l’œil et à l’esprit l’idée de l’architecture, et dont les vides reçoivent par étage des figures peintes en mosaïque, et qui semblent être une image de la hiérarchie céleste.
Les plafonds, dans les palais, furent alors exécutés selon le même esprit. Lorsque Raphaël, dans la loggia de la Farnesine, voulut orner de grandes compositions en figures le plafond de ce local, il le divisa en deux compartimens, où se trouvent représentés, comme on sait, d’un côté, l’assemblée ; de l’autre, le banquet des dieux pour les noces de l’Amour et Psyché. Le peintre, pour indiquer, de manière a ce que l’on ne pût pas s’y tromper, que c’étoit des peintures faites pour être vues verticalement, simula autour d’elles, en guise de cadres, des bordures de tapisserie, qui semblent fixées au plafond par des clous.
Jules Romain fit de même dans les décorations de ses plafonds du palais du TE à Mantoue, qu’il orna de peintures figurant des tableauk dans des compartimens, à l’exception de la salle des géans foudroyés, qui fut, de sa part, une sorte de caprice et un jeu hardi de son pinceau.
Annibal Carrache ne s’est point encore écarté de ce système, dans les décorations de la galerie du palais Farnèse ; les peintures de son plafond sont toutes en compartimens encadrés. Cependant Annibal Carrache a cru souvent devoir mettre des raccourcis dans ces sujets, par cela qu’ainsi devroient être vus, dans la nature, les objets réels, qui, de ce point de distance, se présenteroient au spectateur. Ainsi, peu à peu on perdit de vue la convention qui doit faire regarder de pareilles compositions, non comme faisant voir les objets eux-mêmes, mais uniquement comme des tableaux placés là par le décorateur.
A mesure que le génie de la peinture, aidé de la science de la perspective, des procédés de la décoration, de la pratique des raccourcis, ambitionna de plus vastes champs, le système des plafonds changea ; l’architecture ne présida plus ni au choix du genre de sujets analogues au local, ni à la disposition des espaces que le peintre devoit remplir ; le plafond ne fut plus même un espace réel pour la vue. La peinture en annula jusqu’à l’idée, en supposant une vaste ouverture, au travers de laquelle l’imagination du peintre fit voir dans les cieux et sur les nuages, tels spectacles, telles apparitions qu’il lui plut d’inventer.
Le premier grand modèle de ce genre de plafond fut, au palais Barberini, la composition de Pietro da Cortona, et au dire de tous les connoisseurs, elle n’a été égalée depuis par personne. Le peintre conserva toutefois dans les espaces de sa composition, des parties montantes d’une architecture feite.
L’usage des coupoles d’église qui, à cette époque, commençoient à se multiplier dans toutes les parties de l’Europe, ouvrit bientôt à la peinture des plafonds, des espaces encore plus indéfinis. Comme, par une sorte de réciprocité, chaque genre d’ouvrage produit les talens qui lui conviennent, et se reproduit aussi pur eux ; on vit, pendant plus d’un siècle, la peinture désertant les anciennes routes du simple, du naturel, du vrai, enfin de l’art des tableaux, se précipiter dans le genre de l’effet, de la magie, de la facilité ambitieuse du décorateur de théâtre, pour remplir ces cadres immenses où il ne s’agissoit plus que de masses, de groupes, de repoussoirs, destinés à heurter les yeux, à la distance de quelques centaines de pieds.
Les plafonds n’appartinrent donc plus à l’architecture ; le peintre en disposa à son gré, et bientôt ces espaces ne suffirent plus à l’immensité des scènes sans bornes que son esprit concevoit. Après avoir détruit la voûte de la coupole, pour nous introduire dans les cieux, il en vint à introduire les cieux eux-mêmes dans le local de l’église, et s’emparant de tous les espaces de l’architecture, les nuages et leurs groupes vinrent masquer jusqu’aux supports de la coupole, et toute une église devint bientôt une composition de peinture.
On voit de quel excès je veux parler, et à quels édifices cet abus s’applique. Ce n’est point à cet ouvrage qu’appartient la critique de ces abus, considérés dans leur rapport avec la peinture, qui gagne beaucoup moins qu’on ne pense à cette extension de cadre, de champ, de ressources et d’effets. Sans prétendre donc disputer à l’art de peindre les grandes compositions de plafonds et de coupoles, nous nous contenterons de répéter ici ce qui a déjà été dit dans un autre article (voyez Peinture), que l’architecte doit non-seulement présider au choix, au genre, et à la mesure des conceptions pittoresques du peintre, mais lui déterminer les emplacemens, et s’opposer à tout envahissement des effets de la couleur, sur les membres et les parties constituantes de l’édifice.
Il y a beaucoup de convenances dont on ne parle point ici, à observer pur le peintre, dans le choix des objets que traite un plafond, lorsque ce plafond est censé être une ouverture par laquelle, comme dans un dôme, le spectateur ne peut, vu l’élévation, s’attendre à voir autre chose que le ciel, et par conséquent des objets aériens. Cependant quelques peintres de plafond, perdant de vue la convention, non-seulement morale, mais même, si l’on peut dire, matérielle de leur composition, ont regardé l’espace livré à leur pinceau, comme un champ libre et tout-à-fait indépendant du local, et ont placé à ces hauteurs des arbres, des montagnes, et des sujets purement terrestres. Ce sont là de ces contradictions auxquelles l’architecte doit s’opposer, autant pour l’intérêt de la peinture, que pour celui de l’architecture.
On donne différens noms aux plafonds, soit à raison du genre de leur décoration, soit à raison de la matière dont ils sont composés, ou de leur forme.
Ainsi on dit :
Plafond cintré. Plafond fait en voûte plus ou moins exhaussée, plus ou moins surbaissée, par opposition au plafond proprement dit, ou horizontal.
Plafond de corniche. C’est le dessous du larmier d’une corniche. Il est ou simple, ou orné de sculpture. On l’appelle aussi soffite. Voyez ce mot.
Plafond en compartimens, est celui qui est divisé par l’architecte en espaces réservés à la peinture ou à d’autres ornemens, mais de manière que les séparations de ces espaces soient ou des encadremens ou des parties, soit feintes, soit réelles, qui fassent que la disposition entière du plafond appartienne ou semble appartenir à l’architecture du local.
PLAFOND EN PERSPECTIVE. Ce nom se donne à certains plafonds, dont l’ornement consiste en une composition d’architecture feinte.
PLAFOND EN PIERRE. C’est le dessous d’un plancher fait, ou de dalles de pierre dure, ou de pierres de haut appareil. Ces plafonds peuvent être simples et sans ornements, ou avec compartiments et sculpture, comme ceux de la colonnade du Louvre.
PLAFONNER, v. act. C’est revêtir le dessous d’un plancher, ou d’un cintre de charpente, avec des ais, ou de petites planches, etc.
PLAIN-PIED, s. m. Ce mot porte avec soi son explication par les deux mots dont il se compose. Plain vient du latin planus, uni, plat, et réuni au mot pied, il indique que, l’action du pied, en marchant sur le terrain qu’on appelle ainsi, ne rencontre aucune inégalité, ou autrement que le pied reste à plat.
Plain-pied signifie par conséquent, dans les édifices et les maisons, ou les terrains, soit un niveau parfait, soit un niveau de pente, sans pas, sans aucun ressaut.
On appelle chambres de plain-pied, des chambres d’un même étage, et toutes établies sur un même niveau.
On dit qu’il y a beaucoup de plain-pied dans une maison, pour dire que cette maison offre beaucoup d’étendue en longueur, et qu’on peut y parcourir de niveau une grande suite de pièces.
On dit dans ce sens un beau plain-pied.
PLAN, s. m. Ce qu’on appelle plan en architecture, ou plutôt dans l’art d’en dessiner les projets ou les ouvrages, les Anciens l’appeloient ichnographie. Or, le mot ichnos signifie l’empreinte de la plante du pied. Cette empreinte est véritablement à l’homme, ce que le plan est a un bâtiment.
Le plan dans le dessin de l’architecture, est la représentation de tous les corps solides qui composent les supports d’un bâtiment, qu’on suppose coupé horizontalement au-dessus du niveau du terrain qu’il occupe. Si l’on veut se figurer un édifice ainsi coupé, son plan est réellement l’empreinte qu’il laisseroit sur le terrain.
Il y a deux choses à considérer dans l’art de faire les plans.
L’une est purement technique, lorsqu’il ne s’agit que de lever le plan d’un édifice existant, et l’on y procède en relevant exactement les mesures des vides et des pleins. Si l’on entend encore par cet art, celui de réaliser la représentation des solides et de leur espace, par le moyen des lignes et des couleurs, cette sorte de procédé fort simple mérite à peine qu’on s’occupe de le décrire.
L’autre manière d’entendre et de considérer l’art de faire un plan, est beaucoup plus importante, car elle comprend la conception fondamentale d’un édifice, et ce qui, de la part de l’architecte, doit s’appeler la pensée, l’invention et le principe de la beauté des monuments.
C’est d’abord de la composition du plan que dépend le mérite, qui doit être, dans un édifice, le premier de tous, celui de l’utilité ; savoir : qu’il soit disposé en raison des besoins et des convenances qu’exige son usage. A cet égard, l’architecte habile est celui qui sait le mieux unir la commodité des services intérieurs, des dégagemens nécessaires, à une régularité toujours desirable ; cependant il y a un plaisir de symétrie, de correspondance uniforme entre toutes les parties d’un plan, auquel on doit se garder de tout sacrifier. Très-souvent cette symétrie, qui est un agrément pour l’œil, quand on regarde un plan, sera de nul effet dans l’élévation. Autant on doit y rester fidèle quand rien ne s’y oppose, autant il est du devoir d’y renoncer, pour satisfaire à l’obligation première de toute composition, celle d’être en rapport avec les besoins et l’emploi de l’édifice.
Il y a dans la composition du plan d’un monument, un mérite d’un autre genre, et qui s’adresse surtout à l’esprit et au goût, c’est celui du parti général, d’où dépendront la forme de l’édifice, son caractère, et ce qu’on doit appeler sa physionomie particulière.
Ce mérite dépendra, avant tout, de la forme que l’architecte adoptera dans son plan. Une figure circulaire donnera une toute autre idée d’un édifice, que ne le fera la figure quadrangulaire. Il y a quelque chose de contradictoire dans certains plans qui présentent pour l’entrée principale d’un monument, et eu avant de la façade, une partie convexe. Celle forme repousse au lieu d’inviter. Il dépend encore des données principales du plan, de l’emploi plus ou moins multiplié des colonnes, des masses plus ou moins solides, de caractériser l’édifice, en faisant connoitre que de semblables dispositions sont en rapport avec tels ou usages.
Le plan d’un édifice est ce qui détermine son élévation, et lorsque ce plan a été bien conçu, il doit en résulter aussi dans les masses qui s’élèveront dessus, un aspect agréable, par la seule corrélation que l’esprit y aperçoit.
Généralement, c’est la simplicité du plan qui donne de la simplicité à l’élévation, et du simple naît toujours le grand. Un plan découpé, contourné, produit une multiplicité de ressauts, de formes fausses, de lignes interrompues, qui rapetissent par trop de détails l’effet de l’architecture.
Le grand effet des temples des Grecs, provient de l’extrême simplicité de leurs plans.
Dans la partie didactique de l’architecture, on donne aux plans différences noms, selon les diverses manières de les tracer.
On appelle plan géométral, celui qui représente dans leurs proportions naturelles, tous les corps et tous les vides ; tels que les murs principaux et de refend la largeur des portes et des fenêtres, la distribution des escaliers, enfin de toutes les parties dont se compose un édifiée.
On appelle plan relevé, celui où l’élévation est dessinée sur le géométral, en sorte que la distribution en reste cachée.
On appelle plan perspectif, un plan qui est levé par des gradations, selon les règles du la perspective.
Lorsqu’on dessine ces plans, on marque les massifs d’un lavis noir. Les objets qui posent à terre se tracent avec des lignes ponctuées. On distingue les augmentations ou les réparations à faire, d’une couleur différente de ce qui est construit, et les teintes ou lavis de chaque plan se font plus claires, selon la hauteur des étagea qu’on représente.
On appelle plan en grand, celui qu’on trace dans la grandeur même de l’ouvrage, soit sur le terrain, avec, des lignes ou cordeaux attachés par des piquets, pour marquer les encoignures, les retours, les centres, à dessin de faire l’ouverture des fondations, soit sur une aire, pour servir d’épuré aux appareilleurs, et planter le bâtiment avec exactitude.
On appelle plan régulier, le plan qui se compose de figures régulières, c’est-à-dire, dont les côtés et les angles sont égaux ; et on appelle plan irrégulier, celui qui est biais ou de travers, en tout ou en partie, à cause de quelque sujétion.
Plan. (Jardinage.) On dira du plan d’un jardin, ce qu’on a dit de celui d’un bâtiment, On entend ce mot de deux manières, et il exprime deux choses.
L’une, la conception générale de l’ensemble d’un jardin, du genre régulier comme du genre irrégulier. Sous ce rapport, le plan est une chose qui dépend de l’imagination ou de l’intelligence de l’artiste. La carrière en ce genre est immense et indéfinie, tant sont variés les éléments et les matériaux de l’art du jardinage. Les exemples sont aussi innombrables, et les règles qu’on en peut déduire out trop de vague, pour qu’aucune théorie puisse les fixer.
La seconde manière d’entendre le mot plan, quant au jardinage, s’applique au procédé graphique du dessinateur. Sous ce point de vue, un plan de jardin est ordinairement relevé sur le plan géométral. Les arbres, les treillages et massifs y sont colorés én vert ; les eaux y sont teintes en bleu ; la terre est figurée de couleur grise ou rougeâtre.
PLANCHE, s. m. , se dit de toute pièce de bois refendue de peu d’épaisseur, de toute longueur et largeur, dont on se sert dans les ouvrages de menuiserie, et qui a de tres-nombreux emplois dans les bâtimens. Voyez Ais.
Planche (Jardinage.) C’est un espace de terre plus long que large, en manière de plate-bande isolée où l’on cultive des fleurs, et qu’on occupe encore par des arbustes fleuris. Ces planches, qui régnent ordinairement le long des parteries (voyez ce mot), sont ordinairement accompagnées par des sentiers, et ont des bordures formées de gazon, de buis ou d’autres plantes. Voyez Plate-bande.
PLANCHEΪER, v. act. C’est couvrir une aire quelconque de planches jointes à rainures ou languettes, arrêtées et clouées sur des lambourdes. C’est aussi revêtir un plafond d’ais minces, de panneaux de menuiserie, que l’on cloue aux solives.
PLANCHER, s. m. Ce mot vient de planche, comme sa formation l’annonce, et comme la composition même des planchers va le montrer encore mieux.
Un plancher est un bâtis ou un assemblage de solives, qui sépare les étages d’une maison. Cependant l’usage, qui se joue de l’étymologie et de la formation des mots, emploie le mot plancher à signifier l’aire d’un rez-de-chaussée, aussi bien que celle d’un étage voûté ou porté sur des solives. Il y a plus, on emploie indistinctement aussi le mot plancher pour synonyme de plafond ; et l’on dit d’un lustre, qu’il est suspendu au plancher d’une pièce, etc. Pour éviter cette confusion, il auroit été convenable de se servir du mot aire, area, qui désigne tout sol de niveau, soit à rez-de-chaussée, soit sur voûtes, soit sur solives. C’est aussi a ce mot (voyez Aire) que nous renvoyons le lecteur, pour toutes les notions relatives surtout à l’antiquité.
Le mot plancher, nous l’avons déjà dit, nous apprend qu’originairement les aires que l’on appeloit ainsi, étoient formées et recouvertes de planches, et le mot latin tabulatum, qui dit la même chose que le mot français, est une nouvelle preuve de l’ancien usage des planches employées a former les superficies des planchers ou des plafonds. Cet usage est encore général dans bien des pays, où le bois seul fait les frais de cette partie de la construction des maisons.
Cependant les étages dont les planchers ne sont formés que de solives et de planches, s’ils ont l’avantage de l’économie et de la légèreté, ont aussi l’inconvénient d’être incommodes à ceux qui habitent les logemens inférieurs, à cause du bruit que font les habitans du logement supérieur. Aussi, la où est établi l’usage de ces planchers (comme en Angleterre), est-on obligé d’étendre des tapis qui amortissent le bruit.
Les planchers se construisent de diverses manières, selon que les maisons elles-mêmes sont destinées à recevoir dans leur hauteur, et le nombre de leurs étages, plus ou moins de solidité.
Il y a des pays (comme à Naples), où les maisons, formées d’un grand nombre d’étages, ont des planchers dont les solives reçoivent une couche fort épaisse de maçonnerie revêtue d’un enduit susceptible d’un beau poli. On en dira autant des planchers de Venise, où l’on emploie encore dans le massif de l’aire qui recouvre les solives, une composition de mortier mêlé d’éclats de marbre, qui donne à toute la superficie l’apparence d’être entièrement de marbre.
Les planchers, dans le plus grand nombre des pays, se composent d’un massif, soit de mortier, soit de plâtre, qu’on recouvre, soit avec des briques, soit avec des carreaux de terre cuite.
Tel est à Paris l’usage le plus général dans les maisons et pour les logemens ordinaires. On y emploie aussi le bois, soit en planches, dans beaucoup de rez-de-chaussée, de salles basses et de boutiques, soit dans les appartemens plus importans, en compartimens de parquet ou de marqueterie. (Voyez ces deux mots. ) On a parlé aussi au mot Pavé, de toutes les matières plus précieuses dont on réserve l’emploi aux édifices publics ou particuliers, qui comportent et plus de luxe et une plus grande solidité. Voyez Pavé.
A l’égard du plancher considéré, ainsi que l’a voulu l’usage, comme synonyme de plafond, nous avons montré à son article, qu’il se composa originairement des solives et des intervalles qu’elles laissent entr’elles, lorsqu’elles se croisent ; de- la forme des caissons. Dans quelques pays, à Rome surtout, c’est encore des compartimens des solives que résultent les ornemens des planchers. L’art ensuite, ajoutant des compartimens plus variés à ceux de la construction naturelle, se plut à revêtir en bois de menuiserie sculptée, peinte ou dorée, les solives auxquelles ces ornemens furent cloués.
Mais à Paris, dans le plus grand nombre des bâtimens et des maisons, les planchers se font en plâtre qui s’attache aux lattes clouées sur les solives, et qui forme des enduits superficiels fort unis et assez durables.
On donne aux planchers différens noms, selon la diversité de leurs formes ou de leur, construction. L’on dit :
Plancher affaissé ou arêné. C’est un plancher qui, n’étant plus de niveau, penche d’un côté ou d’un autre, ou qui se courbe vers le milieu, parce que sa charge est trop pesante, que ses bois sont trop foibles.
Plancher creux, est celui dont la charpente est lattée par-dessus à lattes jointives, recouvertes d’une fausse aire de deux ou trois pouces d’épaisseur, sur laquelle on pose le carreau, et qui est lattée de même par-dessous, et enduite en plâtre ou mortier de bourre, pour former le plafond de l’étage inférieur.
Plancher enfoncé. Plancher dont les entrevoux sont couverts d’ais, ou d’un enduit sur lattis, par en haut, et dont les bois restent apparens en bas ou par-dessous.
Plancher hourdé, est celui dont les bois de charpente ont leurs entrevoux couverts par-dessus avec ais ou lattes, et maçonnés grossièrement pour recevoir la charge et le carreau, ou les lambourdes d’un parquet.
Plancher plein, celui dont les entrevoux sont remplis de maçonnerie et enduits à fleur de solive, dont les bois de solives restent apparens ou sont recouverts de plâtre, comme cela se pratiquoit autrefois. Cette sorte de planchers n’est plus en usage, à cause de leur trop grande pesanteur.
Plancher ruiné et tamponné. Plancher dont les entrevoux sont remplis de plâtre et de plâtras, retenus par des tampons ou fentons de bois, avec des rainures (voyez ce mot) hachées aux côtes des solives.
Plancher de plate-forme. (Architecture hydraulique.) C’est, sur un espace peuplé de pilots, une aire faite de plates-formes, ou madriers posés en chevauchure sur des patins et racineaux, pour recevoir les premières assises de pierre de la culée ou de la pile d’un pont, d’un môle, d’une digue, etc.
PLANT, s. m. (Jardinage.) Ce mot s’applique dans le jardinage, et s’entend de deux manières.
On appelle plant d’arbres, ce qu’on désigne aussi par le nom de pépinière, c’est-à-dire, un lieu où l’on élève, du jeunes arbres, où l’on a planté des arbrisseaux. Les grands jardins ont ordinairement de ces plants, où l’on prend les sujets qui doivent remplacer ceux qui manquent par vétusté, ou pour toute autre cause. Ces plants utiles, ne laissent pas d’être encore un agrément dans les jardins, surtout ceux qui sont d’une grande entendue.
On appelle plant d’arbres, un, espace, planté d’arbres avec symétrie ou dans un ordre quelconque, comme sont les avenues qui conduisent à un, château, les quinconces, d’un, jardin, régulier, les bosquets, et assez généralement toutes les dispositions d’arbres, qu’on destine à servir de promenade publique.
PLANTER, v. act. (Jardinage.) Ce mot se dit généralement de l’action de mettre en terre une plante, soit en germe, soit déjà lavée, pour qu’elle prenne racine et qu’elle croisse. Ceci regarde la science du jardinage, et est étranger à l’art des jardins d’agrément, ou du moins à la théorie, qui ne les considère que sous le rapport du goût.
On ne dira donc ici que deux mots sur l’action de planter les arbres dans les jardins. Ordinairement on y plante l’arbre déjà grand et élevé dans la pépinière, on en rafraîchit les racines, en les raccourcissant, on l’enterre ensuite dans le trou préparé pour le recevoir, et on comble ce trou au niveau du terrain. Une autre méthode de planter les arbres déjà grands, est de les enlever en motte du terrain qu’ils occupoient, c’est-à-dire, en cernant l’arbre tout à l’entour, avec la terre à une certaine distance, et de l’enlever avec la terre environnante, pour le transporter ainsi dans le trou qu’on lui a préparé, Cette méthode à l’avantage de ne déranger en rien les racines de l’arbre, qui, en changeant de place, ne change point de terre.
On dit, planter un parterre. C’est former avec du buis nain ou de petites fleurs, des compartimens de broderie, sur un terrain bien dressé, en suivant exactement le tracé du dessin. Voyez Parterre.
Planter. On emploie métaphoriquement ce mot en architecture, pour exprimer les premiers travaux de la construction d’un édifice, comme, par exemple, le tracé de toutes les parties dont il doit se composer, sur le terrain qu’il occupera, pour faire les fouilles des fondations ; comme la bâtisse et la maçonnerie des fondemens ; comme encore la disposition des premières assises de pierre dure qu’on établit sur ces fondemens.
On dit planter, pour dire, dans l’architecture hydraulique, enfoncer des pieux avec la sonnette, au refus du mouton ou de la hie.
On dit planter les piquets qui servant à prendre des alignemens.
On dit de même au figuré, planter une croix, planter des bornes, planter des piliers, planter des jallons, etc.
On dit d’une maison qu’elle est bien plantée, pour dire qu’elle est bien située, qu’elle est bâtie dans une situation agréable.
PLAQUE, s. f. Ce nom s’applique de préférence aux travaux de métal. On dit une planche de bois, une table de marbre, une plaque de bronze.
On se sert du mot plaque surtout, pour désigner ces garnitures du fond des cheminées, qu’on fait en fer fondu. On dit plaque de fonte. Voyez Atre et Contre-cœur.
PLAQUER, v. act. En terme d’art, plaquer signifie généralement, appliquer un corps plat sur un autre, une feuille de bois, de métal, sur un autre bois, un autre métal, et surtout un bois plus précieux, un métal plus rare, sur ce qui est moins rare ou moins précieux. Voyez Placage.
On dit plaquer du mortier, du plâtre. C’est l’employer avec la main, ce qu’on appelle en gobetage.
Plaquer du gazon, c’est étendre sur une terre preparée, des planches de gazon enlevé avec sa terre, et qu’on bat pour l’incorporer au nouveau terrain.
PLASTRON, s. m. Ornement de sculpture, en manière d’anse de panier, avec deux enroulemens.
PLATEAU, s. m. Vient du mot plat, et signifie une sorte de meuble plat sur lequel on pose, soit des vases, soit d’autres objets. L’idée de plateau se joint toujours a celle de support plat. C’est pourquoi on appelle
Plateau, une butte, une élévation dont le terrain est uni, et dont la surface supérieure est assez plate, pour qu’on puisse y bâtir ou y élever quelque monument.
PLATE-BANDE, s. f. Ce terme, composé des deux mots plat et bande, exprime, dans l’architecture, certains membres qui réunissent ces deux idées.
On donne ordinairement le nom de plate-bande aux pierres dont se compose l’architrave, dans la construction des ordonnances, des péristyles, des colonnades.
Les Anciens eurent l’usage de faire d’un seul bloc les plates-bandes qui posoient sur les axes de deux colonnes, et formoient l’entre-colonnement ; mais ils y employoient ou des marbres, ou des pierres d’une dureté équivalente, et l’on ne voit pas dans les restes nombreux de leurs temples, que jamais ces espèces de poutres eu pierre se soient fendues dans leur milieu. Cependant il faut dire qu’en général, leurs plates-bandes en pierres, surtout dans leurs temples encore si nombreux aujourd’hui, d’ordre dorique, n’avoient pas une portée extraordinaire. L’ordre dorique tel qu’ils le pratiquoient, ne comportoit guère d’autre largeur dans son entre-colonnement, que celle du diamètre inférieur de la colonne, ou d’un diamètre et demi de sa partie supérieure au-dessous du chapiteau. Cette largeur étoit encore diminuée par la très-grande saillie de l’échine et de l’abaque du chapiteau.
La nature des pierres que l’architecte trouve à employer, doit entrer dans les calculs qui commandent au choix, de son ordonnance, à ses proportions, à la mesure de l’ensemble et au parti de sa composition.
Nous en voyons un exemple remarquable dans la disposition et la construction du grand temple de Jupiter Olympien à Agrigente. Plusieurs temples encore existans dans les ruines de cette ville, ont leurs plates-bandes d’entre-colonnement faites d’un seul morceau. Cependant la pierre dont étoient bâtis tous ces temples, ne donnant ni des blocs d’une dimension indéfinie, ni une consistance suffisante pour une grande étendue de plates-bandes, l’architecte qui eut à élever dans une dimension double des autres monumens de cette ville, le temple colossal de Jupiter, prit la parti de supprimer les colonnades isolées du genre des périptères, et eut recours au pseudopériptère, c’est-à-dire, à une ordonnance de colonnes engagées dans le mur, parce qua la pierre du pays n’auroit pu supporter l’étendue des plates-bandes que le périptère auroit exigée. Par la même raison, il ne fit point de péristyle ou de pronaos saillant en avant, et porté sur des colonnes isolées. Dès-lors les plates-bandes de l’architrave se trouvant également engagées dans le mur, il put les composer dans chaque entre-colonnement d’un nombre de pièces plus ou moins grand.
Les Anciens n’ont point connu, du moins en grand, la méthode des plates-bandes d’entre-colonnemens à claveaux, c’est-à-dire, taillées de façon à former une voûte plate. (Voyez Claveau. ) Là où l’on veut introduire les colonnes isolées dansles péristyles, et où la nature ne fournit pas de pierres assez étendues et assez, consistantes pour faire l’architrave ou la plate-bande de l’entre-colonnement d’un seul bloc, on use de plates-bandes à claveaux. Ainsi sont construites, à Paris, les colonnades du frontispice du Louvre, celles de la place Louis XV. Ainsi sont formées les architraves du grand péristyle de l’église de Sainte-Geneviève. Le plus grand inconvénient de ce genre de construction, est l’emploi du fer qu’on est obligé de mettre en œuvre pour retenir les claveaux de la plate-bande dans son niveau, et empêcher la poussée de cette voûte plate.
Plate-bande. C’est le nom d’une moulure carrée, plus haute que saillante.
Dans l’ordre dorique, on appelle ainsi la face qui passe immédiatement sous le triglyphe. Elle est à cet ordre ce que la cymaise est aux autres ordres.
On dit :
Plate-bande arrasée. C’est une plate-bande dont les claveaux sont d’une hauteur égale et ne font pas liaison avec les assises supérieures.
Plate-bande bouchée. Un appelle ainsi la fermeture ou le linteau d’une porte ou d’une croisée, qui est bombée dans l’embrasure ou dans le tableau, et qui est droite par son profil.
Plate-bande circulaire, est celle qui forme l’architrave d’un édifice circulaire, comme sont les temples dits de Vesta et de la Sibylle, ou comme sont les porches de quelques monumens. Tel est celui de l’église de Saint-André, bâtie par Bernin, sur le mont Quirinal, dont la plate-bande, quoiqu’avec beaucoup de portée, a été rendue solide par l’artifice de son appareil.
Plate-bande de baie. C’est la pierre qui sert de linteau à une porte et à une fenêtre, ou bien l’assemblage de claveaux qui tiennent lieu d’un bloc unique. Dans ce dernier cas, leur nombre doit être impair, afin qu’il y en ait un qui serve de clef. Ces claveaux sont ordinairement traversés par des barres de fer, quand la plate-bande a une grande portée ; mais il vaut mieux les soulager par des arcs de charge, bâtis en dessus.
Plate-bande de compartiment, se dit de toute face plate, qui occupe l’intervalle entre deux moulures, dans les compartimens des lambris et des plafonds.
Plate-bande de fer. Barre de fer encastrée sous les claveaux d’une plate-bande de pierres, dont elle soulage la portée.
— se dit aussi de toute Barre de fer plat, ornée de moulures aux deux bords, dont on garnit les barres d’appui des balcons et des rampes d’escalier.
Plate-bande de parquet. C’est un assemblage long et étroit, avec compartiment en losange, qui sert de bordure au parquet d’une pièce d’appartement.
Plate-bande de pavé. Nom général qu’on donne à toute dalle de pierre, ou tranche de marbre, qui, dans les compartimens d’un pavé, sert d’encadrement à un dessin de figures ou d’ornemens quelconques. On nomme de même, dans les pavemens intérieurs d’un édifice, ces larges bandes qui répondent par terre à la surface des arcs doubleaux des voûtes.
Plate-bande. (Terme de jardinage.) Espèce de planche garnie d’arbrisseaux, de fleurs, et bordée de buis nain ou d’autres plantes, qui forme un des principaux ornemens des parterres dans les jardins du genre régulier.
Ceux qui ont écrit sur la théorie et sur la pratique de ce genre de jardinage, distinguent quatre sortes de plates-bandes.
Les premières renferment une espèce de broderie dans un parterre. On les laboure en dos-d’àne, et on les garnit de fleurs, d’arbrisseaux et d’ifs.
La seconde espèce de plate-bande est coupée en compartimens, d’espace en espace, par de petits passages, et elle est en dôme ; on l’orne de fleurs et d’arbrisseaux.
Les plates-bandes de la troisième espèce sont unies et plates, sans fleurs, avec un simple massif de gazon au milieu, bordé de deux petits sentiers ratissés et sablés. On les orne quelquefois d’ifs et d’arbrisseaux, ou bien de vases, de pots de fleurs, posés sur des dés de pierre, et placés par symétrie au milieu du massif du gazon.
Enfin les plates-bandes de la quatrième classe sont toutes nues, et simplement sablées ; telles sont celles des parterres d’orangers. On les pratique aussi le long des murs et des palissades de jardins.
La proportion ordinaire des plates-bandes est de quatre pieds de large pour les petites, et de cinq ou six pour les grandes. Celles-ci sont toujours tenues bombées ou en dos-d’âne.
PLATÉE, s. f. , Se dit d’un massif de maçonnerie qu’on établit dans toute l’étendue des fondemens d’une maison quelconque. Lorsque ce massif est arrasé de niveau, à une hauteur convenable, on trace sur sa surface les differentes parties de l’édifice qu’il s’agit d’élever.
PLATE-FORME, s. f. Ce mot, dans les ouvrages de la nature, comme dans ceux de l’art, signifie tout terrain élevé, offrant une superficie plane et unie.
Ainsi, on dit qu’une montagne se termine par une plate-forme ; qu’une maison, une terrasse, occupent une plate-forme ; qu’un édifice est couronné par une plate-forme, d’où l’on a une belle vue.
Dans l’architecture, on donne le nom de plate-forme à la couverture d’une maison, d’un édifice, qui n’ont point de comble, et qui ont pour couverture une terrasse, soit voûtée, soit pavée en dalles de pierres, soit formée de ciment, soit revêtue en plomb. Voyez Terrasse.
Dans le Levant, tous les édifices sont surmontés de plates formes. Toutes les maisons de la ville de Naples ont de semblables couvertures, formant, au haut des maisons, une terrasse avec un petit mur d’appui sur la rue.
Le bâtiment de l’Observatoire, à Paris, se termine par une très-grande plate-forme, destinée à porter les instrumens astronomiques, et à faire des observations dans le ciel. Voyez Observatoire.
Plate-forme, dans l’art de la charpente, se dit de pièces de bois plates, assemblées par des entretoises, en sorte qu’elles forment deux cours, ou deux rangs, dont celui de devant reçoit, dans des pans entaillés par un embrèvement, les chevrons d’un mur, et qui portent sur l’épaisseur des murs. Quand ces plates-formes sont étroites, comme pour de foibles murs, on les nomme sablières.
Plates-formes. (Terme d’architecture hydraulique.) On les appelle plates-formes de fondation. C’est un assemblage de pièces de bois plates, arrêtées avec des chevilles de fer sur un pilotage, pour asseoir dessus la maçonnerie, ou bien en pièces de bois posées sur des racineaux, dans le fond d’un réservoir, pour y élever un mur de douve.
Voici comme on construit une plate-forme sur pilotage :
On enfonce, le plus qu’il est possible, des pieux de bon bois de chêne rond, ou d’aulne, ou d’orme ; on remplit tout le vide avec des charbons ; par-dessus les pierres, on place, d’espace en espace, des poutres de huit à neuf pouces, que l’on cloue sur la tête des pieux coupés d’égale hauteur. On attache ensuite sur ces poutres de grosses planches de cinq pouces d’épaisseur, et l’on a une espèce de plancher, qui est ce qu’on appelle la plate-forme.
PLATINE, s. f. C’est Une petite plaque de fer sur Laquelle est attaché un verrou ou une targette. On appelle platine à panaches celle qui est chantournée en manière de feuillages, et platine ciselée, celle qui est amboutie ous relevée de ciselures.
Platine de loquet. Sorte de plaque de fer plate et déliée, qu’on attache à la porte, au-dessus de la serrure. On l’appelle aussi entrée.
PLATRAS, s. m. pl. Morceaux de plâtre qu’on tire des démolitions, et dont les plus gros servent pour faire les hauts des murs de pignon, les panneaux des pans de bois et cloisons, les jambages de cheminée, etc.
PLATRE, s. m. Pierre qu’on tire des entrailles de la terre, qu’on fait cuire dans un four, à feu égal et modéré, qu’on réduit ensuite en poudre, et qui, étant gâché avec de l’eau, sert de liaison aux ouvrages de maçonnerie.
On distingue plusieurs sortes de plâtres : celui qu’on trouve aux environs de Paris, en forme de pierre, et celui qui se trouve sous la forme de feuilles de talc, que les Anciens appeloient gypsum, et qu’on appelle encore de même. On s’en sert pour les ouvrages plus précieux, et pour faire ce qu’on nomme du stuc.
Le plâtre peut être considéré comme une espèce de chaux, mais il n’a besoin d’aucun autre mélange que celui de l’eau, pour former un corps solide, d’une dureté moyenne. Par cette seule raison, il seroit préférable au mortier, s’il pouvoit résister plus long-temps aux intempéries de l’air et à l’humidité. Malgré cet inconvénient, le plâtre est une matière fort commode pour la construction des maisons ordinaires, surtout à Paris, où il est de bonne qualité, et lorsqu’il est employé convenablement. Comme cette matière s’attache également aux pierres et aux bois, on s’en sert avec avantage pour la construction des murs, des voûtes, et pour les enduits. Le plâtre résiste encore à l’action du feu dans les âtres et les cheminées. Ses emplois sont très-nombreux. On en recouvre les cloisons de tout genre, les pans de bois, les planchers, etc. ; en sorte que depuis le rez-de-chaussée jusqu’au toit, une maison peut être toute revêtue en plâtre, et paroître non-seulement d’une seule matière, mais, on peut le dire, d’une seule pièce.
Il y a une différence essentielle à connoître entre le plâtre et le mortier, c’est que le plâtre gâché augmente de volume en faisant corps, au lieu que le mortier diminue, surtout lorsqu’il n’a pas été massivé. C’est pourquoi il y a des précautions à prendre lorqu’on se sert du plâtre pour certains ouvrages, tels que les voûtes, les cheminées qu’on adosse aux murs isolés, les plafonds et autres objets.
Les Anciens firent peu d’usage du plâtre dans leurs constructions ; il paroît qu’ils ne s’en sont servis que pour les enduits intérieurs, encore ne l’employoient-ils pas pur. Vitruve en blâme l’usage, parce que le plâtre faisant corps plus promptement que le mortier avec lequel on le mêle, l’enduit est sujet à gercer. Peut-être, là où il étoit abondant, l’employoient-ils, comme nous, dans la construction des maisons ordinaires. Comme cette matière dure peu, en comparaison du mortier, il peut se faire que ses enduits soient détruits depuis long-temps.
Le meilleur procédé pour cuire la pierre à plâtre, consiste à lui communiquer d’abord une chaleur modérée, pour dessécher l’humidité qu’elle contient. On augmente ensuite graduellement le feu, pour lui donner le degré de cuisson convenable, ce qui exige environ vingt-quatre heures. Lorsque le plâtre n’est pas assez cuit, il est aride et ne forme pas un corps assez solide. Lorsqu’il a éié trop cuit, il perd, quand on le gâche, ce que les maçons appellent amour, c’est-à-dire, qu’il n’est pas assez gras. Si le plâtre est cuit à propos, l’ouvrier sent, eu le maniant, qu’il a de la douceur sous les doigts, et qu’il s’y attache. C’est à cette propriété qu’il distingue la bonne qualité du plâtre.
Aussitôt qu’il est cuit, il doit être réduit en poudre, ce qu’on fait, soit en le battant, soit en l’écrasant avec des meules ou des cylindres de pierre. Pour peu qu’il soit exposé à l’air, il perd de sa qualité. Le soleil, en échaussant, le fait fermenter, l’humidité diminue sa force, et l’air emporte la plus grande partie de ses sels. C’est ce qui lui fait perdre son onctuosité, et la faculté de durcir promptement, comme de former un corps solide. Dans cet étal, le plâtre ne s’unit que foiblement aux matières qu’il doit lier, et l’on voit bientôt gercer les enduits auxquels il a été employé.
Lorsqu’on ne peut pas employer le plâtre aussitôt qu’il est cuit ou battu, ce qui arrive dans les pays où il est rare, et où l’on est obligé de le tirer de loin, il faut le faire venir en pierre avant qu’il cuit, ou bien il faut le renfermer dans des tonneaux, et le placer dans des endroits, où il soit également à l’abri et de l’humidité et de l’ardeur du soleil.
Quand on a des ouvrages précieux à faire, on choisit les pierres les mieux cuites, et on les fait écraser à part, avant que ceux qui préparent le plâtre aient fait le mélange des unes et des autres.
Pour gâcher le plâtre, à Paris, il faut autant d’eau que de plâtre ou environ. On commence par mettre l’eau dans l’auge ; on ajoute ensuite le plâtre en le semant avec la main ou avec la pelle, jusqu’à ce qu’il atteigne, ou à peu près, la surface de l’eau. Alors, on le remue avec une truelle, jusqu’à ce qu’il forme une pâle d’une consistance égale. Plus le plâtre est fort, plus il faut que cette opération se fasse vîte, afin que le maçon ait le temps de l’employer avant qu’il commence à se durcir.
On met plus ou moins d’eau pour gâcher le plâtre, en raison des ouvrages qu’on a à faire. Si l’on a besoin que le plâtre ait toute sa force, on n’y met que la quantité d’eau nécessaire pour l’employer tout de suite. C’est ce que les maçons appellent gâcher serré. Lorsqu’on y met plus d’eau, ils disent gâcher clair ; dans ce dernier cas, le plâtre donne plus de temps pour l’employer.
Il y a des ouvrages pour lesquels on est forcé de gâcher encore plus clair, comme, par exemple, lorsqu’il s’agit de l’étendre sur de grandes surfaces, pour faire des enduits.
Enfin, lorsqu’on doit remplir des vides, où la truelle et la main ne peuvent pas atteindre, comme pour sceller quelques dalles de revêtement, ou des marches, on emploie le plâtre, ce qu’on appelle par coulis. Ce plâtre extrêmement clair se verse par des godets placés de manière à ce qu’il puisse, en coulant, s’introduire dans toutes les cavités. On ne doit pas s’attendre qu’ainsi délayé, le plâtre puisse former un corps bien solide. Aussi ne l’emploie-t-on le plus souvent ainsi, que lorsque les corps qu’il faut sceller n’ont pas besoin d’une forte liaison, et tels sont les joints verticaux ou d’à-plomb. Il ne faut point user de ce procédé pour les lits horizontaux.
Les emplois du plâtre dans les bâtimens sont innombrables, on l’a déjdit. Un des plus usuels, et pour lequel cette matière est très-propre, est l’emploi des scellemens de gonds et de serrures.
Depuis quelques années, on a imaginé d’employer encore le plâtre à former des murs de cloison d’une nouvelle manière. On en fait de grands carreaux d’un pied et demi de long, sur un pied de large et deux pouces d’épaisseur. On les pose de champ, les joints se scellent en creusant dans l’épaisseur un espace qu’on remplit de plâtre gâché. Il ne faut employer ces carreaux que quand ils sont bien secs. Généralement on n’en use que pour faire très-promptement des cloisons de petite distribution, dans les appartemens qu’on veut habiter de suite, et afin d’éviter les effets dangereux, qui résultent de l’évaporation de l’humidité dans les plâtres frais.
Quoiqu’on puisse employer le plâtre pour bâtir dans toutes les saisons, il est cependant d’une bonne économie de ne le faire, surtout à l’extérieur, que dans les saisons où il peut avoir le temps de sécher, ou, comme le disent les ouvriers, de se ressuyer. Les ouvrages en plâtre, faits à la fin de l’automne et dans l’hiver, sont de peu de durée, et sujets à se fendre ou à tomber par éclats. Le froid condensant l’humidité de l’eau avec laquelle il a été gâché, amortit les sels du plâtre, qui reste alors sans liaison.
On donne au plâtre différens noms, suivant la nature de ses qualités ou celle de ses emplois.
Ainsi l’on dit :
Plâtre blanc. C’est celui qui a été ce qu’on appelle tablé. Cela veut dire qu’on l’a purgé du charbon en le tirant du four.
Plâtre clair, est le plâtre au sas, qui est gâché avec beaucoup d’eau, et dont les maçons se servent pour ragréer les moulures traînées.
Plâtre cru. C’est la pierre à plâtre, qui est propre à cuire. On s’en sert aussi quelquefois, au lieu de moellons, dans les fondations. Le meilleur est celui qu’on laisse à l’air avant de l’employer.
Plâtre éventé. On appelle ainsi le plâtre qui, après avoir été cuit et réduit en poudre, a été quelque temps exposé au grand air, au soleil ou à l’humidité, qui dès-lors a perdu ses bonnes qualités, et ne peut produire que de mauvais ouvrages.
Plâtre gras. Plâtre qui, ayant été bien cuit, est le plus aisé à manier, est onctueux entre les doigts, et le meilleur à l’emploi, parce qu’il se prend aisément, se durcit de même et fait bonne liaison.
Plâtre gris. C’est la deuxième qualité de la pierre à plâtre. Elle est plus tendre et plus facile à cuire.
Plâtre gros, ou gros plâtre. C’est le plâtre qu’on emploie tel qu’il est sorti du four, sans avoir été battu ni passé. On s’en sert aussi pour épigeonner. — On appelle encore gros plâtre les gravois qui restent dans le panier, après qu’on l’a passé ou criblé ; on s’en sert pour les renformis et hourdis.
Plâtre mouillé, est celui qui a été exposé à l’humidité ou à la pluie, et n’est plus bon à être employé.
Plâtre noyé, celui qui est gâché avec une grande quantité d’eau, pour le rendre coulant. On l’emploie pour ficher les joints de pierre.
Plâtre au panier, est celui qu’on a criblé à travers un panier, et dont on se sert pour faire les crépis.
Plâtre au sas, est celui qu’on a passé à travers un tamis, et dont on se sert pour les enduits et moulures, et pour les ornemens de sculpture.
Plâtre serré. Plâtre qui est gâché avec peu d’eau, et qu’on emploie ainsi pour remplir des crevasses, et former les soudures des enduits.
Plâtre tablé. Voyez Plâtre blanc.
PLATRES, s. m. pl. On nomme ainsi généralement tous les légers ouvrages en plâtre d’un bâtiment, comme les enduits, ravalemens, lambris, corniches, languettes de cheminée, plinthes, scellemens, etc.
On marchande ces ouvrages séparément des autres, à des compagnons maçons.
On appelle encore au pluriel, plâtres de couvertures, les mêmes ouvrages faits en plâtre par les couvreurs, pour arrêter les tuiles ou les ardoises sur les entablemens, ou le long des murs et des lucarnes. Tels sont les arêtiers, crossettes, cueillies, filets, paremens, ruellées, solins, etc.
Plâtres, au pluriel, se dit encore des ouvrages de sculpture, moulés et coulés en plâtre, dans des creux, comme frises, rosaces de plafond, coins de corniches, masques, festons, bas-reliefs, etc.
PLATRER, v. act. Employeur du plâtre à quelque ouvrage.
PLATRIER, s. m. C’est le nom de celui ou qui tire du plâtre de la terre, ou le fait cuire, le bat, et le vend aux maçons.
PLÂTRIÈRE, s. f. Nom qui est commun et à la carrière d’où on tire la pierre à plâtre, et au lieu où on la cuit dans les fours.
Les meilleures plâtrières sont celles de Montmartre près Paris.
PLEIN, adj. m. Ce mot, en architecture, exprime les parties construites et massives, dans l’élévation d’un édifice, comme piédroits, trumeaux, murs, colonnes, piliers, etc. , par opposition aux parties vides, comme fenêtres, arcades, ouvertures de portes, entre-piliers, entre-colonnemens, etc.
L’accord entre les vides et les pleins est un des mérites de l’architeure, et une des qualités que l’artiste doit s’étudier à rendre sensibles. Le plein, comme on l’a vu, étant tout ce qu’on appelle massif dans un bâtiment, est ce qui, non-seulement en produit la solidité, mais en produit aussi et l’idée et la conviction, à l’œil du spectateur. Or, cette idée est aussi nécessaire au plaisir, que la réalité l’est au besoin. Les trop grandes légèretés peuvent étonner l’œil, mais elles importunent bientôt l’esprit ; et comme jamais l’architecture ne peut, dans ses ouvrages, se séparer du principe qui les commande, savoir, un besoin quelconque, le premier de tous les besoins étant la sécurité de ceux, pour qui l’édifice est fait, c’est une nécessité, pour nous plaire, que cet édifice ne nous donne aucune inquiétude.
C’est là une des raisons de l’accord du vide et du plein dans toute construction. La nature seule des moyens de bâtir et des matériaux, met des bornes à l’abus du merveilleux, qu’on peut chercher à produire, par l’économie des pleins. Cependant on a vu quelquefois l’art de bâtir avoir recours à des moyens artificiels, pour se procurer le plus de vides possibles. Mais ces tours de force, lors même qu’on est rassuré sur l’effet de la solidité, ont toujours l’inconvénient de laisser dans l’esprit un sentiment d’inquiétude.
On peut se convaincre de la réalité de ce sentiment dans certaines constructions, telles que celles des ponts, où plus d’une sorte de raison, soit celle des crues d’eau, soit celle du peu de hauteur des berges, obligent ou de donner plus d’évasure aux arches, ou d’en surbaisser le cintre, par conséquent d’y augmenter le vide et d’y diminner le plein, autant qu’il est possible. Comme, soit dans la réalité, soit surtout pour les yeux, la ligne des arcs surbaissés offre une moindre idée de durée et de solidité, il est certain que l’on préfère la forme de voûte plein-cintre, où le plein et le vide sont dans un meilleur accord.
Dans les façades de maison, il faut également observer un rapport entre le vide des fenêtres, et le plein de leurs trumeaux. On ne parle ici que des maisons qui permettent de s’occuper du bon goût. Rien à prescrire pour toutes celles que des projets de location, de commerce, de convenances locatives, font élever, partout où on ne s’occupe d’autre intérêt que de celui de l’argent. Les maisons dont on parle n’appartiennent plus à l’architecture. Ce sont des espèces de cages, où l’on voudroit que les pleins n’eussent d’épaisseur que celle des grilles. En général, la moindre largeur des pleins qui forment les trumeaux, devroit être égale à celle des vides qui forment les fenêtres. En Italie, les pleins, dans les façades des palais, ont ordinairement beaucoup plus, et rien ne donne un plus bel aspect à la masse générale. Il est toutefois quelques palais, où les trumeaux ont tant de largeur, que l’idée de tristesse pour l’intérieur, et de pesanteur à l’extérieur, vient dénoncer à l’œil et à l’esprit cette sorte d’excès, et en fait sentir aussi l’abus.
C’est dans les intérieurs d’églises, que l’harmonie entre le plein et le vide, contribue particulièrement au bon effet que l’œil en attend. Généralement, et on doit le dire, l’excès du vide dans ces intérieurs, a l’avantage de les faire paroître plus spacieux qu’ils ne sont ; et comme la grandeur est une des qualités que nous desirons trouver aux œuvres de l’architecture, nous sommes portés à pardonner le vice même, auquel nous devons le sentiment du l’admiration, ou plutôt de l’étonnement.
Dans plus d’un article de ce Dictionnaire, mais surtout au mot Nef (voyez ce mot), l’on a fait sentir la supériorité des intérieurs formés de colonnes, sur ceux qui se composent d’arcades, de piédroits et de portiques. Ce dernier genre de construction ou de disposition nécessite des massifs, qui empêchent l’œil de parcourir toute l’étendue de l’espace, lorsque les percés, bien plus multipliés par les vides nombreux des entre-colonnemens, donnent à la vue la liberté de parcourir sans obstacle, toutes les superficies du terrain. Ajoutons que cette multiplicité même de supports légers, que l’on ne sauroit en quelque sorte dénombrer, donne l’idée et fait naître la sensation de l’indéfini, lorsqu’au contraire, le petit nombre des piédroits des arcades, dans une nef, et dont on fait l’addition en un clin d’œil, produit une impression bornée. Ceci est une affaire d’instinct, mais l’instinct qui est le premier juge de ces sortes d’impressions, doit être aussi consulté, par celui qui recherche les principes de la théorie du beau dans les arts.
A l’article Nef, nous avons toutefois rendu compte aussi des raisons qui s’opposent, dans le système des grandes églises voûtées, soit à l’emploi des colonnes, à la manière des Anciens, qui ne voûtèrent point les intérieurs des grands temples, soit à la pratique des piliers, selon la manière des Gothiques, qui ne se permirent de grands vides, dans les intérieurs de leurs églises, que par le moyen des voûtes d’arête et des arcs-boutans extérieurs.
Lorsque dans une église, comme celle de Saint-Pierre à Rome, en se plaignant que le plein dans les supports semble l’emporter sur le vide, on regrette le système des colonnes, on ne fait pas attention, que si l’on y perd l’espèce de grandeur qui résulte d’un dégagement des entre-colonnemens, on a, eu remplacement, une autre sorte de grandeur, qu’il faut seulement évaluer, non en détail, mais en masse. Effectivement, l’accord du plein avec le vide n’y est pas moins sensible ; mais il existe entre les masses des piédroits des arcades, et l’extraordinaire ouverture de ces arcades, entre les massifs énormes, si l’on veut, des piliers de la coupole, et le vide immense de cette coupole.
PLI, s. m. On appelle ainsi, dans la construction, l’angle rentrant, comme on appelle coude, ce qui produit un angle saillant dans la continuité, par exemple, d’un mur.
PLINTHE, s. f. Ce mot est dérivé du grec plinthos, qui signifie une brique, soit qu’on ait ainsi appelé une plinthe par simple analogie de ressemblance, soit parce qu’anciennement on auroit placé sous les colonnes, peut-être lorsqu’on les faisoit en bois, ou des briques ou de grandes dalles de terre cuite.
Il est assez reçu que tout corps qu’on place perpendiculairement, doit avoir un empatement, un corps qui le reçoit, et qui en forme le pied. Les monumens, les maisons, ont des soubassemens qui leur servent en quelque sorte de plinthe. Les colonnes ont des bases et des piédestaux, les piédestaux et les bases ont des plinthes.
La plinthe, dans le langage technique on didactique de l’architecture, est aussi ce que les Italiens appelent zoccolo, et qu’on nomme en français socle ; elle représente en quelque sorte la semelle de l’ensemble qui s’élève dessus. C’est sur elle que posent les moulures dont se compose la base.
On appelle :
Plinthe arrondie, celle dont le plan est circulaire, ainsi que le tore. Telle est celle que Vitruve donne au Toscan. Il y a plus d’un exemple de plinthe circulaire, et on comprend qu’il peut y avoir aussi plus d’une raison de la faire ainsi, selon les endroits où il peut être expédient de supprimer les angles quelquefois incommodes d’un plateau quadrangulaire.
Plinthe de figure. Plinthe qui n’est qu’une base plate, ronde ou carrée, pour porter une statue.
Plinthe de mur. Moulure plate et haute, qui, dans les murs de face, marque les planchers, et sert à porter l’égout d’un chaperon de mur de clôture, et le larmier d’une souche de cheminée.
Plinthe ravalée, celle qui a une petite table refouillée, quelquefois avec des ornemens, comme postes, guillochis, entrelas, etc. Il y a de ces plinthes à beaucoup de palais de Rome, entr’autres au palais Farnèse.
PLOMB, s. m. Métal d’un blanc bleuâtre, mou de sa nature, et le plus pesant après l’or.
Le plomb est brillant lorsqu’il est fraîchement coupé, mais il devient d’un gris mat lorsqu’il a été quelque temps exposé à l’air. Il se fond aisément ; il est ductile, malléable, flexible, et dès-lors susceptible de se prêter à toutes sortes de formes.
Le plomb a dans les bâtimens un très-grand nombre d’emplois. Il sert sous toutes sortes d’épaisseurs, pour les enfaitemens des combles et des lucarnes, pour les noquets, les revêtemens des lucarnes et œils-de-bœuf, et de beaucoup d’autres ouvrages de charpente. On en fait les chénaux, bavettes, descentes, canons ou gouttières, arêtiers, amortissemens. Il forme, par la facilité des soudures, les superficies les plus étendues, et on en couvre les terrasses.
Le plomb sert, dans l’hydraulique, à faire les conduits et les tuyaux, à revêtir l’intérieur des réservoirs et conserves d’eau.
On façonne le plomb de deux manières. La première consiste à le couler sur le sable, mais avec ce procédé on ne peut jamais être certain de donner à ces tables une épaisseur parfaitement égale. L’autre manière est de le laminer ; le plomb ainsi réduit en table, acquiert la plus grande égalité d’épaisseur.
Les plus grandes tables de plomb laminé, ont 4 pieds 8 pouces de large, sur 30 pieds de long, ce qui, dans l’emploi qu’on en fait, épargne beaucoup de soudures.
Les différentes manières de façonner le plomb, et les nombreux usages auxquels on l’emploie, lui ont fait donner diverses dénominations.
On dit :
Plomb blanchi. C’est celui qui est étamé ou coloré avec de l’étain, comme le fer-blanc.
Plomb d’enfaîtement, est un bout de table de plomb, qui surmonte le faîte d’un comble couvert d’ardoise. Il doit avoir une ligne d’épaisseur au moins, et une ligne et demie au plus, sur 18 à 24 pouces de large.
Plomb coulé sur toile, est celui qui est coulé en table trés-mince sur une toile de coutil.
Plomb en culot, est le vieux plomb refondu, qu’on laisse refroidir dans la cuillère, d’où lui vient cette dénomination.
Plomb en saumon ou navette. C’est le plomb neuf tel qu’il vient des mines, en masses d’environ 2 pieds de long, qui pèsent depuis 120 jusqu’à 200 livres.
Plomb de revêtement, celui qui est façonné en table d’une ligne d’épaisseur, et dont on couvre la charpente des dômes, des lanternes, des lucarnes, des œils-de-bœuf.
Plomb de vitres. On nomme ainsi le plomb qui est façonné par petites bandes, dans une lingotière, et qu’on fait ensuite passer par le tire-plomb, d’où il sort en verge a deux rainures. Il sert aux vitriers, pour contenir les vitres de différentes formes, qui, principalement dans les grands vitraux des anciennes églises, composent les panneaux de leurs compartimens.
PLOMB-D’OUVRIER. C’est le nom qu’on donne à un petit cylindre, d’un mêtal quelconque, percé suivant son axe, à travers lequel on passe une ficelle, ou cordelette, pour le tenir suspendu. On y joint une petite plaque, que l’on appelle chas, du même métal, et de même diamètre que le cylindre, et percé dans son centre, par où passe aussi cette ficelle. Tous les ouvriers qui sont obligés de poser leur ouvrage perpendiculairement à l’horizon, se servent à cet effet du plomb qu’on vient de décrire. Toutefois le plomb des charpentiers n’a point de chas. Il est plat et en forme de rose à jour.
On nomme plomb cet instrument, parce qu’il est fait ordinairement de ce métal, plutôt que de tout autre.
PLOMBÉE, s. f. On donne quelquefois ce nom à une ligne qui est à-plomb.
PLOMBER, v. act. C’est poser le plomb sur la face d’un mur, ou d’un lambris, pour juger de sa position, soit verticale, soit inclinée.
Plomber (Jardinage.) On dit plomber un arbre. C’est, après qu’il est planté d’alignement, et comblé jusqu’au niveau du terrain, peser du pied sur la terre qu’on a jetée autour de sa souche, pour l‘affermir dans sa position.
PLOMBERIE, s. f. , est, ou l’art d’employer le plomb, de le fondre, de le travailler, ou le lieu dans Lequel ce métal se travaille.
PLOMBIER, s. m. Nom qu’on donne à celui qui emploie le plomb, le coule, le façonne et le met en œuvre.
PLUMÉE, s. f. , est l’action de dresser les bords du parement d’une pierre, avec la règle et le marteau, pour la dégauchir. On dit faire une plumée.
PLUTEUS. Vitruve Appelle ainsi une espèce de petit mur d’appui, ou de balustrade, qu’on plaçoit en avant des portiques des temples et entre les colonnes. Ces petites défenses d’enceinte se faisoient, à ce qu’il paroît, en bois ou en menuiserie, si on peut le conjecturer d’après une des peintures d’architecture arabesque, pl. 41 des Peintures d’Herculanum, où il semble que le pluteus qu’on y voit, offre une porte d’entrée mobile.
PNIX. On appeloit ainsi, à Athènes, le lieu ou les citoyens s’assembloient pour choisir leurs magistrats. Il étoit situé près de l’Acropole, sur la pente d’une colline, presqu’en face de l’Aréopage. Sa disposition étoit fort simple. Le devant consistoit en un mur qui formoit la courbe d’un ovale, et du côté opposé, le pnix étoit taillé dans le roc, de sorte que les trois côtés, ou murs naturels, s’unissoient en angle obtus. Dans les plus anciens temps, Le pnix étoit sans ornemens. Par la suite on le décora se statues, et l’on s’en servit en place d’Odéon.
PODIUM. Ce mot signifie généralement un piédestal continu, et en particulier, la saillie du petit mur qui entouroit l’arêne de l’amphithéâtre, qui formoit une espèce de galerie ou d’allée, et qui, à partir de l’orchestre, ressembloit à un piédestal continu, à cause de la plinthe, et de l’espèce de corniche dont il étoit orné.
Dans l’amphithâtre et dans le cirque, on donnoit le nom de podium à une certaine place qui avoit assez de largeur pour contenir plusieurs rangées de siéges placés les uns derrière les autres. C’étoit là que se plaçoient les premiers sénateurs, et les principaux magistrats, sur leurs chaises curules.
PŒCILE, du mot grec poikilos. Ce fut, à Athènes, le nom d’un portique célèbre, qui ne fut ainsi appelé, que depuis qu’il eut été orné des peintures de Polygnote et de Micon ; car le mot grec exprime l’idée de variété de couleurs et d’ornemens. A ce portique on avoit suspendu les boucliers que les Athéniens avoient pris à ceux de Scio et à leurs auxiliaires. On y voyoit aussi ceux qu’on avait enlevés aux Spartiates.
Le pœcile d’Athènes ne fut pas le seul portique ainsi nommé. A Sparte il y en avoit un décoré de même ; et un portique ainsi orné et appelé du même nom, étoit à Olympie, dans le bois sacré de l’Altis.
POÊLE, s. m. Les Romains connoissoient des sortes de poêles pour échauffer leurs chambres et les autres appartemens de leurs maisons. C’étoient des fourneaux bâtis sous terre, dans la longueur des gros murs, ayant des tuyaux qui répondoient à chaque étage, et aux chambres qu’on vouloit échauffer. Voyez Hypocauste et Cheminée.
C’est encore ainsi que, dans les pays du Nord, se pratiquent les poêles des grandes maisons. Un seul foyer souterrain distribue la chaleur dans toutes les parties du bâtiment. De pareils poêles doivent être bâtis et distribués, en vue des communications des tuyaux de chaleur.
Plus ordinairement, dans les pays moins froids, le poêle est un fourneau de terre cuite ou de métal, monté à demeure dans une pièce, ou placé de manière à être mobile, sur des pieds de fer, qui l’isolent, par en bas, du plancher ou du sol au-dessus duquel il s’élève, ayant vers sa partie supérieure, un tuyau par lequel s’échappe la fumée du feu qu’on y fait.
Il y a des poêles construits de façon que la bouche par laquelle on introduit le bois, est dans la pièce voisine, c’est-à-dire, que le poêle peut échauffer les deux pièces à la fois. Cela a lieu en bâtissant le poêle contre une cloison que l’on perce. Du reste, toutes sortes de diversités de construction ont lieu à cet égard, soit pour la distribution des bouches de chaleur, soit pour la conduite de la fumée, ou, pour mieux dire, du tuyau par où elle s’échappe.
On peut en dire autant des formes et de la décoration des poêles. Il s’en fait en forme de piédestaux, surmontés de colonnes qui renferment le tuyau ; d’autres s’élèvent sous la forme d’obélisques. Le fer fondu, ou la terre cuite ou émaillée qu’on emploie en carreaux à leur fabrication, reçoivent aussi des ornemens de tout geure, qu’il est inutile de décrire.
POINÇON, s. m., ou AIGUILLE, s. f. On appelle de l’un ou de l’autre de ces noms, la pièce de bois debout, assemblée avec les arbalêtriers ou les jambes de force, dans une ferme de comble. C’est aussi, dans les vieilles églises, qui ne sont pas voûtées, une pièce de bois à-plomb, de la hauteur de la montée du cintre, qui étant retenue avec des étriers et des boulons, sert à lier l’entrait avec le tirant.
On nomme encore poinçon l’arbre d’une machine, sur lequel elle tourne verticalement, comme dans une grue, un gruau, etc.
Poinçon est aussi un outil fait d’un morceau de fer carré, de vingt-quatre à trente pouces de longueur, diminué en pointe carrée, par une extrémité qui est acérée, et dont se servent les tailleurs de pierre ou les maçons, pour faire des trous.
POINT, s. m. Est et se définit mathématiquement, ce qui n’a ni longueur, ni largeur, ni épaisseur.
Comme la science mathématique ne trouve de place ici, qu’autant qu’elle est liée à l’architecture, nous ne parlerons du point, que relativement à cet art.
Dans les dessins d’architecture, le point est ou un petit trou qu’on fait avec la pointe du compas, sur le papier, ou l’impression qu’y laisse la pointe d’un crayon ou d’une plume.
On se sert de points, dans les plans, pour marquer les alignemens, les objets qui ne sont pas dans le même niveau, comme les corniches d’appartement, etc.
On appelle points longs ou courans les petites lignes, en manière de hachures, qui, sur les plans, servent à marquer les plans, les sillons des terres labourées, et les couches de potager.
Point d’aspect. C’est le lieu d’où l’on voit avec le plus d’avantage un édifice, une ville, un site quelconque. Toutes ces choses se présentent autrement à l’œil, lorsqu’on les voit d’un côté ou d’un autre, de bas ou d’en haut, en rapport avec un objet ou avec un autre, de près ou de loin.
Un édifice ne sauroit, dans son ensemble et dans ses détails, correspondre à un seul point d’aspect, qui leur soit également favorable. Là est l’erreur de ceux qui se plaignent souvent de certains détails, qui ne sauroient faire leur effet du point de distance où il faut se placer pour jouir de l’effet du tout.
Par exemple, on vous donnera pour règle assez générale, de prendre le point d’aspect d’un monument, ou de vous placer à une distance qui soit égale à la hauteur de ce monument.
Ainsi, si l’on veut juger de l’ensemble de l’église des Invalides, comme sa hauteur est de trente-cinq toises, il conviendra d’abord de se placer à un point distant de la même étendue. Venant ensuite a l’ordonnance de sa façade et de son portail, on restera à une distance de cette partie de l’édifice qui sera égale à sa hauteur, laquelle est d’environ seize toises. Enfin, si l’on veut examiner les profils et le goût de sculpture de cette ordonnance, on ne doit plus s’éloigner que d’une distance dont la mesure sot égale à l’élévation de l’ordre dorique, laquelle est de sept toises et demie. Si l’on s’approchoit davantage, ou ne verroit plus le développement naturel des objets qui se moniroient en raccourci.
Le point d’aspect, dont on parle ici, n’a rien de commun avec ce qu’on appelle, dans la perspective des objets peints d’un tableau, le point de vue, qui doit y être déterminé d’après des principes et par des procédés qui sont étrangers à l’architecture. On appelle ici point d’aspect celui qu’on oppose au point vague, d’où regardant un bâtiment dans une distance indéterminée, on ne peut que se former une idée relative de la grandeur de sa masse, par comparaison aux. autres édifices qui lui sont contigus.
Point de vue. Ce n’est autre chose, par rapport à l’architecture, qu’un point fixe dans la ligne horizontale d’un bàtiment, où se termine le principal rayon visuel, et auquel tous les autres qui lui sant parallèles, vont aboutir.
Le mot point s’applique encore à beaucoup de notions plus o moins dépendantes de l’architecture. On appelle, par exemple, points perdus trois points qui, n’étant pas donnés sur une même ligne, peuvent être compris dans une portion de cercle, dont le centre se trouve par une opération géométrique ; ce qui sert pour les cherches ralongées.
On dit encore points perdus, des centres de cercle, par lesquels ou trace des portions d’arc de cercle, qui, étant recroisées, forment des losanges curvilignes, qu’on distingue dans les compartimens de pavés, par les couleurs des marbres et par la variété des ornemens. Le pavé qui est sous la coupole, et dans les chapelles du Val-de-Grâce, à Paris, est fait de cette manière.
Le mot point entre dans beaucoup de locutions, comme lorsqu’on dit point de centre, qui porte sa définition, point d’appui, point d’équilibre, qui signifient le lieu précis où un corps trouve a être supporté, à se tenir sans tomber, et hors duquel il tomberoit.
POINTAL, s. m. Ce mot vient de l’italien puntale, poinçon. C’est toute pièce de bois qui, posée debout, sert d’étai pour soutenir une poutre, ou quelqu’autre partie d’un bâtiment.
C’est aussi particuliérement une pièce de bois, posée verticalement sur des verreins, pour relever quelque ferme de charpente, ou une travée de plancher.
POINTE, s. f. , se dit, en général, de l’extrémité aiguë d’un corps quelconque ; c’est l’angle ou l’encoignure d’un bâtiment, d’une île, d’un môle, d’un quai.
C’est le sommet de l’angle d’un fronton ; c’est l’extrémité supérieur d’un comble, d’un clocher, d’une pyramide, d’un obélisque, etc.
On appelle pointe de pavé la jonction, en manière de fourche, des deux ruisseaux d’une chaussée en un ruisseau, entre deux revers de pavé.
Pointe, est un outil de fer aigu, dont on se sert dans beaucoup d’ouvrages en pierre, marbre, etc.
Pointe de compas. C’est la partie inférieure des jambes d’un compas, et il y en a de plus d’une sorte. La pointe simple est celle qui est ordinairement d’acier. La pointe au crayon est celle qui doit, à son extrémité, recevoir un bout de crayon. La pointe à l’encre est faite en manière de plume. La pointe courbe est celle qui forme une portion de cercle dans les compas des appareilleurs et des ouvriers, pour prendre des épaisseurs et mesurer des diamètres.
Pointe de diamant, se dit des pierres qui, dans les paremens à bossage, sont taillées à facettes, comme des diamans.
POINTER, v. act. On dit pointer une pièce de trait. C’est, sur un dessin de coupe de pierre, rapporter avec le compas, le plan ou le profil au développement des panneaux. C’est aussi faire la même opération en grand, avec la fausse équerre, sur des cartons séparés, pour en tracer les pierres.
POINTES, s. f. pl. Ce sont des clous longs et déliés, avec une petite tête ronde, qui servent à attacher les targettes, les verroux, etc. , et dont on ferre les grandes fiches.
POITRAIL, s. m. Grosse pièce de bois, comme une poutre, destinée à porter, sur des piédroits, ou jambes étrières, un mur de face, les trumeaux d’une maison, ou un pan de bois.
POLA, ville antique, et autrefois une des plus considérables de l’Istrie, a conservé beaucoup de vestiges de son ancienne splendeur. Elle fut jadis le centre d’une république, comme l’atteste l’inscriptition respublica polensis, gravée sur la base d’une statue élevée à l’empereur Septime-Sévère, inscription que l’on voit encore à l’entrée de l’église de Pola.
Le monument qu’on aperçoit de plus loin en arrivant par la mer, sur le bord de laquelle il paroît situé, est l’amphitéâtre, dont les murailles extérieures sont encore entières. Sa forme est semblable à celle de tous les monumens de ce genre. Il a trois étages, dont chacun est percé de soixante-douze arcades, en tout deux cent seize. Il ne reste que la cage de l’édifice, Il est flanqué de quatre contre-forts, c’est-à-dire, de quatre montans en saillie et de la même ordonnance, dont nous avons rendu compte à l’article Amphithéatre, et que nous avons expliqués par la supposition qu’ils étoient la cage de quatre escaliers de bois qui conduisoient par-dehors aux divers étages des gradins, qu’on croit aussi avoir été faits en bois. On pense généralement que les pierres dont ce monument est bâti, ont été tirées des carrières de l’Istrie ; quoiqu’elles soient fort belles, et encore très-saines, elles ne paroissent pas être du genre de celles qu’on nomme pierres d’Istrie, espèce de marbre assez rare, et dont on fait des colonnes précieuses.
La ville de Pola a conservé l’ensemble de deux temples qui étoient placés parallèlement et en pendant l’un avec l’autre. De ces deux temples, l’un a perdu les colonnes de son péristyle ; l’autre est encore entier, et son inscription apprend qu’il étoit dédié à Rome et à Auguste. Il a douze pieds de large, sur à peu près vingtquatre de longueur. L’intérieur de la cella fait la moitié de la longueur ; l’autre moitié est pour le pronaos et le péristyle, lequel se compose de quatre colonnes en avant, de deux en retour, en comptant deux fois celles des angles, sans compter les pilastres des autres. C’est précisément ce que Vitruve appelle un temple prostyle.
L’ordre est corinthien ; les chapiteaux sont ornés de feuilles d’olivier, et leurs caulicoles sont recouvertes de feuilles de chêne. Les faces de l’architrave vont en diminuant de largeur du bas en haut ; elles ne sont point d’à-plomb, mais elles vont per retraite en montant. On voit, dans le fronton de devant, une sorte de médaillon, et le fronton de derrière en a un semblable. Cette dernière face est beaucoup plus simple que celle de devant. Dans le pourtour de l’édifice règne une frise très-belle, sculptée en enroulemens de feuillages, et l’on pense que cette architecture est digne du siècle d’Auguste. Les colonnes de cet édifice sont, autant qu’on en peut juger, d’une espèce de brocatelle, qui ressemble à la brèche d’Egypte. Le reste du temple est de marbre blanc. Au frontispice, et de chaque côté de l’inscription, est sculptée une Victoire ailée, tenant une colonne.
Quelques ruines, auxquelles l’opinion populaire donne le nom de palais de Julie, présenteroient une obscurité difficile à percer, s’il falloit deviner à quelle Julie cet édifice auroit appartenu. Quoi qu’il en soit, il n’en reste plus que quelques pierres éparses, auxquelles on auroit fait peu d’attention, sans la tradition qu’on a rapportée sur l’ancienne destination de ces ruines ; l’architecture d’ailleurs en est tellement effacée, que l’on ne sauroit tirer de son style la moindre conjecture, sur l’âge qui la vit élever.
Il y avoit encore à Pola un théâtre dont il reste peu de vestiges. On le détruisit presqu’entièrement pour en construire la forteresse actuelle, dont les murailles sont formées de ses matériaux, et d’où Serlio a tiré les détails qu’il a donnés de ce monument. Il fut, comme la plupart des théâtres antiques, construit sur le penchant d’une montagne.
Mais un reste d’une belle conservation, est l’arc de triomphe qu’on appelle Porta aurea, et que l’on met aujourd’hui au nombre des portes d’entrée de la moderne Pola.
Ce beau monument a une seule arcade en plein cintre, accompagnée, de chaque côté, par deux colonnes corinthiennes, portant un entablement qui fait ressaut. C’est dans l’espace compris en retraite au-dessus du cintre, qu’est placée l’inscription qui annonce que c’est une Salvia Posthuma qui, à ses frais, fit ériger cet arc à Sergius Lépidus, édile et tribun militaire de la vingt-unième légion.
Nous avons appelé, selon l’usage, ce monument arc de triomphe ; tout cependant porteroit à croire qu’il ne fut, comme plusieurs autres, qu’une sorte de monument honorifique, sous une forme déjà consacrée ; mais cette discussion alongeroit par trop cet article.
Au-dessus de l’entablement s’élève un attique, avec trois socles, qui ont dû servir à porter des statues. A en juger par les inscriptions, sur celui du milieu devoit être la figure du Romain pour qui le monument fut fait. A droite, étoit celle de son père Lucius Sergius, édile et décemvir ; à gauche, celle de son oncle Cneius, également édile et décemvir pour cinq ans. C’est sur la face qui regarde la ville qu’on lit ces inscriptions : de ce côté, l’architecture est entièrement à découvert, et l’on en jouit parfaitement. La façade extérieure, celle du côte de la campagne, étoit semblable ; mais elle est obstruée par les vieilles murailles de l’enceinte moderne, en sorte que l’on n’aperçoit que les chapiteaux des colonnes et une partie du cintre de l’arcade.
Généralement le style de cette architecture est pur, noble et de bon goût ; les ornemens, au lieu d’y être prodigués, comme on l’a remarqué à l’arc d’Orange, y sont au contraire ménagés avec beaucoup de goût. L’entablement est d’un fort beau profil, et la sculpture est répartie dans la frise avec discrétion. Le dessous du cintre de l’arc est orné de caissons en losanges, et les montans des piédroits offrent une disposition très-élégante d’ornemens en rinceaux.
On a déjà fait observer, à l’article Arc de triomphe, qu’il falloit se garder de croire, comme quelques-uns l’ont fait, que les colonnes adossées de l’arc de Pola soient accouplées. Le dessin de Serlio a pu, sur ce point, induire en erreur ; mais les dessins des nouveaux voyageurs démontrent que les colonnes de face sont séparées entr’elles par un espace de prés d’un entre-colonnement. Leurs bases sont également éloignées, au lieu d’être contiguës. Quant aux colonnes latérales, il ne peut y avoir lieu, sur ce point, à aucune incertitude.
POLI, POLIMENT, s. m. Le poli, dans les matières, est Le résultat du poliment qu’on leur fait subir, lequel donne le lustre et l’éclat aux marbres, aux pierres rares et dures qu’emploient la sculpture et l’architecture.
POLIR, v. act. En général, c’est enlever, par le frottement, les inégalités que le travail de l’outil laisse nécessairement sur les matières.
Chaque sorte de matière se polit avec des substances différentes. Le fer se polit avec l’émeril, le bois se polit avec la peau de chien, la pierre ponce ; la pierre se polit avec le grès pulvérisé et le sablon. On polit les marbres et les pierres dures avec la pierre ponce, la peau de chien, l’émeril, la cire, et d’antres procédés plus ou moins lents.
Le poli, qui ajoute aux belles matières une beauté nouvelle, contribue encore à leur conservation. Il est certain qu’un marbre qui a reçule poli, non-seulement garde plus long-temps l’agrément de ses couleurs, mais oppose à l’humidité, à la poussière et à d’autres causes de destruction, beaucoup plus d’obstacles. L’effet naturel du poli est de resserrer les pores de la matière, et si, pour opérer ce poli, ou pour l’achever, on a mis en œuvre le frottement de cire, par exemple, alors l’action des causes atmosphériques a moins de prise sur elle, l’eau et la poussière y glissent, et sa superficie se trouve préservée dé tous les inconvéniens qu’éprouve la pierre mal polie. On sait que ce qu’on prend souvent pour de simples ordures sur les marbres noircis et exposés aux intempéries de l’air, n’est autre chose que la germination d’un lichen très-fin, qui prend racine dans les pores de la matière, que l’humidité y entretient, qui s’y propage, et finit par l’altérer de plus d’une manière.
Les Anciens, dans les ouvrages de tous leurs arts, furent très-exacts à leur donner tout le poli dont ils sont susceptibles. Lorsque la pierre, par sa nature, ne comportoit pas un poli qui lui fût propre, ils y passoient des couleurs, ou ils la revêtoient d’enduits fort minces de stuc, qu’ils polissoient avec le plus grand soin, et qu’ils colorœint ensuite.
On ne sauroit dire aussi combien le poli qu’on donne aux pierres, dans les édifices, ajoute de précieux à l’architecture, de pureté à tous les détails, et contribue à en rendre l’aspect agréable.
POLLAIOLO (Simon), surnommé le Cronaca, architecte florentin, né en 1454, mort en 1509.
Obligé fort jeune encore de quitter Florence, il alla à Rome, où un goût naturel, qu’il avoit pour l’architecture, lui fit embrasser les études de cet art. Il y eut pour maître l’antiquité qui, à cette époque, se montroit encore dans une multitude de restes et de fragmens d’édifices bien conserves. Il se mit à les mesurer, les dessiner, et devint, par ses recherches et par des travaux continus ou ce genre, un digne imitateur des Anciens.
De retour à Florence, il ne s’entretenoit que de monumens antiques, il en faisoit l’objet de toutes ses conversations. De là lui vint le sobriquet de Cronaca, sous lequel il est beaucoup plus connu.
Sa réputation le fit bientôt choisir par Philippe Strozzi pour continuer le magnifique palais commencé par Benedetto da Mayano, qui avoit quitté Florence lorsque le Cronaca y arrivoit. C’est à lui qu’on doit la façade de ce palais, une des plus grandioses de toute la ville, et particulièrement le superbe entablement qui le couronne, le plus beau qu’on eût vu jusqu’alors, et qui peut-être n’a encore été surpassé par aucun autre. Aussi passe-t-il pour être un ouvrage classique en son genre, et on ne lui oppose guère que celui du palais Farnèse, à Rome, par Michel Ange. Ce ne fut pas une chose facile que d’imposer à une masse colossale, comme celle du palais Strozzi, un entablement qui joignit, à un juste accord dans les proportions, la noblesse des formes et la pureté des détails. Cronaca, il est vrai, en avoit emprunté le dessin et l’idée à un des plus beaux fragmens d’entablement antiques, dont Rome lui avoit offert le modèle. Mais, comme le remarque judicieusement Vasari, si rien n’est plus facile, en architecture, que de copier l’antique, rien n’est plus difficile que de l’imiter. Or, il ne se trouve presque jamais que l’ordonnance et la composition d’une partie d’édifice puissent se transporter identiquement sur un autre. Mille raisons, mille circonstances rendent donc toute copie moralement impossible.
Pour le prouver, le même Vasari cite l’exemple de Baccio d’Agnolo, qui voulut, a l’instar de Cronaca, placer, sur une façade de palais, le bal entablement antique, qu’on appelle, à Rome, du frontispice de Néron ; mais le palais étoit petit, et l’entablement se trouva colossal ; ce qui fit l’effet d’une énorme coiffure sur une petite tête : sopra un capo piccino una gran beretta. Il ne sert de rien, continue l’écrivain florentin, de s’excuser en disant qu’on a copié l’antique, parce qu’il y a dans toutes ces choses des rapports qu’on ne saisit point avec le compas, et dont l’œil, conduit par le goût, est le seul juge.
Cronaca travailloit à Florence dans un temps où l’ambition, des Grands étoit de faire vivre leur nom par des constructions capables de braver les siècles. Plus de trois siècles ont effectivement passé sur le palais Strozzi, et cet espace de temps semble avoir déjà prouvé que le temps n’a presque point de prise sur de semblables masses. Les faces extérieures de ce palais sont en bossages, énormes et de la pierre la plus dure ; sur un soubassement de trente-quatre pieds de haut, percé de haut, percé de huit petites fenêtres, quatre de chaque côté de la porte, s’élèvent deux étages séparés par un bandeau orné de denticules, ayant chacun de vingt-huit à vingt neus pieds de hauteur, et percés de neuf grandes arcades, formant les fenêtres dont le vide, occupé par une colonne, sépare chaque fenêtre en deux. Pour mieux laisser briller son entre-colonnement, Cronaca eut l’attention de ménager entre lui et les rangs de bossages, deux assises lisses, qui offrent à l’œil un repos, et aux ornemens des profils une opposition. L’entablement a six pieds dix pouces de hauteur.
Vasari se plaît à vanter le soin que l’architecte apporta dans sa construction, pour en lier les pierres, en pondérer les masses et en rendre l’assemblage indestructible. Le même soin, dit-il, régna dans l’appareil et l’exécution de toutes les pierres. Tout y fut traite avec une telle perfection d’assises et de joints, qu’on croiroit que le palais est d’un seul bloc.
La cour et l’intérieur de cc palais ne paroissent pas répondre à la grandeur de la masse extérieure ; mais ce manque d’accord ne doit point s’attribuer à Cronaca. Quoiqu’il puisse passer pour avoir été l’architecte de toute l’élévation, cependant il fut forcé de s’accommoder aux premières dispositions de Benedetto da Mayano. S’il en fut ainsi, comme Vasari nous l’apprend, ce ne sera peut-être point à Cronaca que s’adressera le reproche d’avoir introduit dans les trois rangs de portiques qui environnent le cortile, un ordre dorique entre deux corinthiens. Du reste, pour être peu spacieuse, cette cour est bien dégagée, et l’on y admire surtout la loggia en colonnes qui forment la galerie d’en haut, et soutiennent l’espèce d’impluvium, au-dessus duquel règne en retraite un attique de petites fenêtres quadrangulaires. D’autres critiques ont encore été faites, tant des escaliers qu’on trouva trop roides, que des appartemens qui, pour le temps, parurent au-dessous de ce qu’annonçoit et devoit promettre la masse imposante de l’extérieur. Nonobstant cela, ajoute Vasari, le palais Strozzi n’en sera pas moins réputé une des plus magnifiques constructions particulières qu’on ait vues jusqu’à nos jours en Italie. Il est encore plus certain (pouvons-nous le dire) que depuis il ne s’en est fait, ni en Italie, ni ailleurs, qui puisse seulement en approcher.
Cronaca bâtit, a Florence, la sacristie de l’église du Saint-Esprit sur un plan octogone. L’ouvrage fut exécute avec une extrême élégance, et l’on y admire la sculpture des chapiteaux, due au ciseau d’André Coutucci. Dans le même temps il éleva, sur la hauteur de San Miniato, l’église de Saint-François de l’Observance, charmant édifice que Michel Ange appeloit, dit-on, sa belle Villageoise. Le couvent des Servites, bâti tout à coté, fut encore de son architecture, et fut très-vanté. Il n’en reste presque plus rien aujourd’hui, par l’effet des changemens et augmentations qui survinrent dans la suite.
Il s’agissoit alors de faire la grande salle du Conseil dans le palais de la Seigneurie de Florence. Les plus habiles architectes du temps, Michel Ange, Julien de San Gallo, Baccio d’Agnolo, furent admis avec Cronaca, pour en donner les plans, et décider des moyens de sa construction. Savonarole, alors en crédit, favorisa Cronaca, qui fut chargé de l’exécution. Cette salle passe pour être la plus grande de l’Italie. Il fallut y employer, pour sa couverture, des moyens de charpente extraordinaires. Depuis, elle a été restaurée et changée dans sa disposition, comme dans ses ornemens, par Vasari, qui a décrit fort en détail les améliorations qu’il y fit.
Cronaca, dans ses dernières années, s’étoit fort attaché au parti de Savonarole, et il avoit embrassé toutes les opinions de ce fanatique prédicateur. Il n’eut bientôt plus d’autres pensées ni d’autres entretiens : la mort vint l’enlever dans cet état, après une maladie assez longue.
POLLION. Voyez Vitruve.
POLYCLÈTE. Le célèbre statuaire de ce nom, auquel l’antiquité, pour sa Junon colossale d’Argos, en or et ivoire, avoit donné le premier rang après Phidias, fut aussi un très-habile architecte.
Pausanias le cite comme auteur de deux monumens fort remarquables ; l’un à Epidaure, étoit un édifice circulaire qu’on appeloit Tholos, comme nous dirions aujourd’hui la coupole ou le dôme. Il étoit construit en marbre blanc, et dans son intérieur on voyoit des peintures de Pausias. En rapprochant les détails qu’en donne Pausanias, il étoit environné d’un péribole, où s’élevoient autrefois un grand nombre de stèles (cippes ou petites colonnes), sur lesquelles étoient écrits les noms de ceux que le dieu avoit guéris, la maladie que chacun d’eux avoit eue, et la manière dont il avoit été guéri. Au temps de Pausanias, il ne restoit plus que six de ces stèles.
Mais un édifice encore plus renommé de Polyclète, dans la même ville d’Epidaure, étoit le théâtre bâti sur la grande enceinte qui environnoit le temple d’Esculape. Ce théâtre, dit Pausanias, est d’une beauté très-particulière. Les théâtres des Romains (continue-t-il) surpassent véritablement tous les autres pour la magnificence des ornemens, et même pour la grandeur, sans en excepter celui de Mégalopolis, chez les Arcad?ens. Mais, pour l’harmonie des parties et pour l’élégance, aucun n’approche de celui de Polyclète, qui fut aussi l’architecte de la rotonde dont on vient de parler.
POLYGONE (adj. des deux genres); qui a plusieurs angles et plusieurs côtés. Ce mot est plus particulièrement appliqué à la fortification des places, et est un terme d’architecture militaire.
On l’applique aussi aux figures de dessins à compartimens, et l’on dit polygone régulier ou polygone irrégulier.
Quant à l’architecture, on a, surtout depuis quelques années, employé le mot polygone irrégulier pour définir la taille de pierres employées dans des constructions d’une plus ou moins grande antiquité, à former des murs d’enceinte, de fortifications et autres, à paver les grandes routes, à faire des ponts, etc.
On trouve dans Vitruve l’emploi des pierres polygones irrégulières, sous le nom d’opus incertum. Cet écrivain le décrit comme un genre de maçonnerie, dans lequel de petits moellons de formes irrégulières se rapportoient à joints irréguliers, par le mortier, et formoient les paremens des massifs de maçonnerie bâtis en blocage ou à la rinfusa. Cet appareil de maçonnerie, Vitruve le compare à un autre qu’on appeloit reticulatum, ou à réseau, formé de petits cubes, faisant des compartimens beaucoup plus agréables à la vue, mais moins solides que les paremens de l’opus incertum, qui, dans le fait, n’avoit, contre lui, qu’un aspect de désordre et d’irrégularité.
Il en fut de même de l’opus incertum, ou appareil en grand de blocs de pierres polygones irrégulières. Cette sorte de construction avoit, comme celle qu’on vient de décrire, certains avantages sur l’appareil en pierres de taille régulières (saxum quadratum).
Le premier étoit l’économie de matière, de temps et de travail. Les pierres qu’on employoit ainsi pouvoient servir, quelles que fussent leur forme et leur dimension, rien n’obligeant à une mesure égale dans la disposition qu’on leur donnoit et dans leur liaison à d’autres pierres. Ces pierres, formées ordinairement du délitement des montagnes, avoient leurs paremens tout dressés. Il ne s’agissoit que d’ajuster leurs côtés aux angles déjà donnés par les pierres auxquelles on vouloit les associer ; et comme, dans cette sorte de bâtisse, il n’y avoit ni lits, ni assises, il suffisoit de prendre, avec la règle de plomb, les angles rentrans des pierres déja posées, et d’en porter les lignes ou les traits sur la pierre qu’on devoit leur joindre. Ainsi toute pierre étant bonne, toute forme étant indifférente, ainsi que toute mesure, de semblables appareils ne demandoient aucun art.
Le second avantage de ce genre de construction, surtout dans les murs de fortification des villes, fut que, n’y ayant ni lits ni assises, toute brèche qu’on y pouvoit faire en enlevant quelques pierres, ne devoit pas produire un éboulement considérable ; les pierres s’accrochant les unes aux autres dans toutes sortes de directions, formaient des espèces de voûtes irrégulières elles-mêmes, et dont les points d’appui étoient divers et multipliés.
Mais cette sorte de construction en polygones irréguliers, étoit d’un aspect désagréable a l’œil, qui dans l’architecture, aime précisément qu’on lui montre une certaine régularité, compagne de l’art.
On a essayé de faire, d’une telle façon de bâtisse, le caractère diagnostique d’un peuple, d’une époque de l’art, ou d’une classe de monumens en particulier. Mais tout système, à cet égard, est aussi difficile à soutenir qu’à recevoir. S’il s’agit de peuple, on voit une pareille méthode indiquée souvent par la nature même des matériaux et par l’instinct le plus vulgaire, se produire presque par toute la terre, avec quelques différences sans doute, mais telles que toute méthode, même la plus uniforme, en comporte. Si l’on prétend que la construction en polygones irréguliers fut presqu’uniquement d’un certain âge, et des siècles reculés de l’art de bâtir en Grèce et ailleurs, la chose ne peut guère être douteuse, tant il entre, dans cette méthode, de cet art sans art, que l’instinct dut inspirer de tout temps aux peuples à qui la nature eu fournit les moyens et les matériaux. Mais que jamais depuis, et dans des temps postérieurs, un n’ait employé cette construction ; c’est ce qui, d’une part, ne sauroit être prouvé, et de l’autre, ne paroîtra point probable, surtout si l’on réfléchit que cette manière d’assembler les pierres fut constamment celle que l’on pratiqua pour la confection des voies romaines. Quelle raison auroit donc empêché de s’en servir dans des constructions verticales ? Eu accordant que la construction par assises régulières est plus belle et plus convenable aux édifices dans lesquels on doit rechercher la beauté de l’appareil, n’y auroit-il pas eu toujours un grand nombre de cas où la recherche de cette beauté eût été inutile ?
On ne sauroit encore prétendre que la construction par blocs polygones irréguliers n’aura été affectée qu’à un certain genre de bâtisses vulgaires, ou simplement de solidité, comme des murs de villa ou de citadelle. Un temple dit de Thémis, à Rhamnus, près Athènes (Voy. Unedited Atiquities of Attica, chap. 7, pl. II) a son pronaos formé d’un ordre dorique du même style que celui du Parthénon, et ses murs sont construits en blocs polygones irréguliers.
POLYSPASTOS. Nom d’une machine employée par les Anciens, et qui ue consistoit qu’en un seul mât incliné. C’est ce qui lui donnoit l’avantage de pouvoir être dirigée du côté où l’on vouloit porter le fardeau, L’extrémité inférieure du mât étoit fixée en terre. Pour maintenir l’extrémité supérieure, on y attachoit quatre câbles, qu’on fixoit à autant de forts pieux enfoncés dans la terre. A la partie supérieure du mât, au-dessous de l’endroit où étoient attachés les câbles, on plaçoit un moufle ; un second moufle étoit lié au fardeau qu’on se proposoit d’élever, et un troisième se trouvoit au pied du mât. Les deux premiers de ces moufles avoient trois rangées, chacune de trois poulies, et celui qui étoit fixé au pied du mât avoit encore trois poulies. C’est ce grand nombre de poulies qui a fait donner à cette machine le nom de polyspastos.
POLYSTYLE, mot grec, composé de polus, plusieurs, et de stulos, colonne, Cet adjectif, donné à une pièce quelconque, ou à un édifice, signifie, non pas que cette pièce ou cet édifice a plusieurs colonnes, ce qui seroit commun à presque toutes les pièces, à presque tous les édifices, tant il est rare qu’il ne s’y trouve qu’une seule colonne, mais que les colonnes y sont extraordinairement multipliées.
Ainsi trouvons-nous le nom de polystyle donné par les anciens écrivains à ces parties des temples égyptiens, qui étoient toutes remplies de colonnes. Il eût, dans le fait, été difficile aux architectes de l’Egypte de ne pas multiplier les colonnes, dans un local sur lequel ils vouloient établir une plate-forme. N’usant, pour leurs intérieurs, ni de voûtes, ni de plafonds de charpente (voyez Plafond), et n’ayant d’autre ressource de couverture, que celle des dalles de pierre, que leurs carrières ne pourvoient leur donner que dans une dimension bornée, ils devoient quant aux intérieurs, en remplir l’espace par des colonnes, dout les intervalles se mesuroient sur la longueur et la largeur des dalles de pierre.
Nous retrouvons encore dans les ruines de l’Egypte, ces salles polystyles, qui offrent comme une plantation d’arbres également espacés.
C’est aussi aux édifices arabes, à leurs plans, et surtout à celui de la mosquée de Cordoue, qu’on peut donner le nom de polystyle (voyez Moresque (Architecture). Là, il se trouve, non des espèces de plantations, mais de véritables forêts de colonnes, dont l’œil ne peut apprécier le nombre.
POMME DE PIN, s. f. Fruit de l’arbre qu’on nomme pin. La sculpture antique fit des imitations nombreuses de ce fruit, qu’on voit sur un nombre infini de bas-reliefs, orner l’extrémité des thyrses, dont la représentation forme souvent l’ornement des frises.
La pomme de pin toute seule fut employée comme ornement, dans les angles de plafond des corniches dorique et ionique.
La pomme de pin servit à couronner les couvercles des vases, et on en fit aussi l’amortissement des édifices circulaires, qui se terminoint par une couverture voûtée.
Le plus notable exemple de l’emploi de la pomme de pin, comme ornement et couronnement des édifices, est celui du mausolée de l’empereur Adrien. On peut voir la restitution entière de ce monument dans l’ouvrage des Sepolcri antichi, par Pietro Sante Bartoli. D’après les meilleurs témoignages, et de sa masse qui est encore entière, et des restes nombreux de ses colonnes transportées dans ta basilique de Saint-Paul, ce mausolée devoit se terminer par une coupole applatie que surmontoit la pomme de pin colossale en bronze, qui est placée au bout d’une cour du Vatican, sur le haut de la double rampe, qui est au bas de la grande niche du belvédère.
POMPE, s. f. Machine composée de tuyaux cylindriques de bois ou de métal, d’un piston et d’une soupape. On s’en sert pour puiser l’eau et l’élever.
La construction de ces machines n’est point du ressort de ce Dictionnaire. Quel que soit leur moteur, cet article ne peut faire partie que du Dictionnaire de Mécanique. Il n’en est question ici, que parce que les pompes, considérées et employées en grand, pour fournir de l’eau avec abondance, dans les grandes villes où il y a une rivière, exigent des bâtimens, où s’établit le mécanisme qui amène l’eau, et le bassin qui doit la recevoir.
Paris avoit ainsi, sur deux de ses ponts, un édifice construit pour recevoir le jeu d’une pompe, dont le moteur se trouvoit naturellement dans l’action du courant de la rivière, sur une roue à aubes, qui faisoit agir le piston de la pompe. De ces deux pompes, celle qui étoit à la seconde arcade du Pont-Neuf, dans le grand bras de la rivière, a disparu. Il ne reste plus que la pompe du pont Notre-Dame.
On a, depuis quelques années, remplacé ce genre de pompes, qui embarrassoit la rivière, par les pompes à feu, et dont le moteur est la vapeur d’eau. Plusieurs pompes semblables sont établies sur les bords de la rivière, dont l’eau, par un canal, est introduite dans un grand bassin, où elle s’épure, et d’où le jeu de la pompe l’élève dans un autre bassin. De là elle est répartie en divers tuyaux qu’on dirige selon les besoins des différens quartiers.
Ces nouvelles machines hydrauliques ont donné lieu à quelques édifices de peu d’étendue, mais d’une construction simple et de bon goût. Tel est celui qu’on apelle la pompe à feu de Chaillot, situé sur le quai de ce nom. Le style de ces bâtimens, qui n’exige ni fenêtres, ni ouvertures, doit tenir de celui qu’on affecte aux réservoirs, ou à ce qu’on appelle des châteaux d’eau.
POMPEIA. Ville antique de la Campanie, voisine d’Herculanum, et qui fut ensevelie sons les cendres du Vésuve.
A l’article HERCULANUM, nous avons déjà dit que l’éruption de l’an 79 ne fut pas la seule cause de la destruction de Pompeia. Un tremblement de terre avoit précédemment renversé ses édifices, et il paroît qu’entre cet événement et celui de la grande éruption, il s’étoit écoulé un espace de temps pendant lequel les habitans, rentrés dans leur ville, avoient pu en restaurer plusieurs édifices. Il est également prouvé que Pompeia ne fut pas entièrement couverte, en 79, par les cendres du volcan, et que dans la suite de nouvelles éruptions la dérobèrent entièrement. Mais beaucoup de ses édifices, restés plus ou moins enterrés, eurent à subir, dans tous ces intervalles, plus d’un genre de destruction, indépendant des causes naturelles.
On a besoin de quelques-unes de ces considérations pour s’expliquer les différens états de conservation ou de ruine dans lesquels se retrouvent aujourd’hui les restes de cette ville antique, restes toutefois des plus curieux et des plus instructifs. Nulle autre ville de l’antiquité ne nous a été conservée dans un tel état d’intégrité, et tel surtout quant aux plans, que l’architecte n’a souvent autre chose à foire que de relever on de rachever ses élévations, sur les témoignages incontestables des parties inférieures qui en subsistent.
Les monumens de Pompeia appartiennent à l’architecture grecque ; cependant on est forcé de convenir qu’elle ne s’y montre point dans toute sa pureté primitive, quoique d’ailleurs les édifices de cette ville ne manquent ni de simplicité, ni de noblesse, ni de grâce. Les peuples divers qui l’ont habitée tour à tour, ont dû y laisser des traces de leur passage. Mais on y sent particulièrement l’influence que dut y exercer la longue domination des Romains, chez lesquels le goût de l’architecture grecque avoit reçu plus d’une altération. Ajoutons encore que Pompeia ne dut être qu’une ville du troisième ordre. Or, on comprend que jadis, comme cela a lieu de nos jours, les plus célèbres artistes ne dévoient travailler que pour les grandes villes. Pompeia n’auroit eu ni les moyens, ni les occasions d’élever de ces grands monumens où l’art peut déployer ses ressources. On y trouve bien à peu près tous les établissemens dont se composoient les grandes cités ; mais on les y voit, si l’on peut dire, en diminutif, et réduits, soit pour l’étendue, soit pour la composition, soit même pour le genre ou la mesure des matériaux.
En examinant les ruines de Pompeia sous le point de vue de la construction, on y trouve cependant l’emploi des différens modes de bâtir, dont parle Vitruve ; mais le plus ordinaire est l’opus incertum et la maçonnerie en briques.
Les pierres sont celles qu’un appelle la pierre de lave dure, les scories volcaniques, le tuf plus ou moins blanc, la pierre ponce blanche, le piperno, pierre grise d’un grain rude, et quelques pierres calcaires, le travertin.
Le mortier qui lie les matériaux, quoiqu’assez abondant dans certains endroits, est cependant loin d’avoir la solidité qu’on lui trouve ailleurs ; il paroît qu’il ne faut en accuser que la négligence des ouvriers.
Le cuivre, le fer et le plomb sont mis en œuvre dans les constructions, à peu près comme on le fait aujourd’hui ; mais, contre la pratique la plus ordinaire chez les Anciens, l’emploi du fer est plus commun que celui du cuivre.
Le bois, outre d’autres usages, servit à faire, ainsi qu’on le pratique encore à Naples, des terrasses fort solides, quoique supportées par des pièces d’un foible diamètre et d’une grande portée. La charpente y étoit d’une grande simplicité, les bois y étoient quelquefois à peine équarris. C’étoit le plus souvent du sapin ; on l’employoit de préférence, et particulièrement pour les toits qui recouvroient les cours des maisons.
Les édifices sont décorés à peu de frais, et, à l’exception de quelques pavés et des mosaïques, on ne trouve guère de marbre qu’aux théâtres.
Le stuc est employé, ou pour les ornemens, ou comme revêtement sur les enduits, et fait conformément aux procédés indiqués par Vitruve, de plusieurs couches de mortier avec de la chaux et de la pouzzolane. Le stuc, qui étoit appelé, par les Anciens, opus albarium, à cause de sa blancheur, ou marmoratum parce qu’il imitoit le marbre, et qu’il en entroit dans sa préparation, se mettoit sur la dernière couche d’enduit. Tous les stucs n’étoient pas de la même finesse. Dans les endroits les moine apparens, et chez les particuliers pauvres, ils étaient d’une espèce inférieure.
On faisoit encore usage, à Pompeia, d’une composition à peu près semblable, pour former des aires sur les terrasses, dans les cours et les appartemens. Avant qu’elle fût sèche, on y incrustoit de petits morceaux de marbre de couleur, pour l’embellir ; d’autres fois on mêloit seulement à cet enduit, du tuileau pilé, ce qui lui donnoit l’apparence d’une espèce de granit rouge. C’est ce qu’on appeloit opus signinum.
Les édifices sont aussi presque tous ornés, même avec profusion, de ces pavés du mosaïque, nommés lithostrotos par les Grecs, qui en furent les inventeurs, et que les Romains paroissent n’avoir connus que vers la fin de la république, puisque Sylla, dit Pline, fut le premier qui en introduisit l’usage.
Les peintures étoient d’un usage si général dans cette ville, qu’an peut dire qu’elle est entièrement peinte. Elles sont dans le goût do ces arabesques qui commencèrent à devenir de mode sous Auguste, et contre lesquelles Vitruve s’est élevé avec peut-être plus de raison que de goût.
Les murailles de la ville de Pompeia n’ont été découvertes qu’en quelques endroits, cependant on en voit assez pour prendre une idée juste de leur construction ; elles sont bâties de grosses pierres taillées et posées avec beaucoup de soin. Près de la porte, on aperçoit des contre-forts intérieurs, qui soutiennent la poussée du terre-plein du rempart, auquel on monte par dix marches rapides et peu commodes. Dans quelques endroits on aperçoit que ces murailles ont été réparées par des constructions en briques et de blocage.
De toutes les portes, il n’en reste plus que trois visibles, dont une seule est assez conservé. Elle consiste en trois ouvertures ; savoir, une grande et deux petites latérales, qui se répètent aux deux bouts d’un long passage. Les petites portes se ferminent avec des ventaux ; celle du milieu, du côté de la ville, étoit close de même, ainsi que le témoignent les trous dans lesquels tournoient les pivots ; mais, du côté extérieur, elle étoit fermée par une herse. Elle est construite en briques et moellons posés par assises alternatives, et revêtue d’un beau stuc blanc.
Cette porte donne entrée sur une rue dont le pavé est formé, comme celui des voies romaines, de gros blocs polygones irréguliers, avec un petit trotoir de chaque côté ; elle a, entre les trotoirs, de douze à quatorze pieds, ce qui suffisoit au passage de doux voilures, dont les roues ont laissé dans la pierre une trace assez profonde.
On trouve, avant l’entrée de cette rue, divers tombeaux, une petite œdicula ; de chaque côté, intérieurement et extérieurement, sont placés de petits bancs de pierre. Après est un banc demi-circulaire, dont les deux extrémités sont terminées par une griffe de lion ailé. Au milieu de son cintre est placé, sur l’appui du banc, un encadrement qui contenoit autrefois une inscription. Ce banc est suivi d’un reste de tombeau, dont le soubassement est construit en grosses pierres. Plus loin s’élève le tombeau do la prêtresse Mammia. Cet édifice est décoré de colonnes engagées ; il est entouré d’un appui formé de petites arcades. L’intérieur est orné de niches et de peintures. Au milieu est un massif qui sans doute portait l’urne où étoient renfermées les cendres de Mammia. Ce tombeau est construit en moellons, les colonnes sont en briques, le tout revêtu d’un stuc assez épais.
De nouvelles fouilles ont fait découvrir, sur la voie qui conduit à la ville, de nouveaux tombeaux, mieux conservés encore que celui de Mammia. La description détaillée de ces monumens seroit la matière d’un ouvrage. Nous nous contenterons, dans cet article, d’en donner la simple énumération. On voit ainsi se succéder, sur le bord de la voie, deux tombeaux, dont aucune inscription ne désigne les personnages auxquels ils appartenoient. Le tombeau de Lucius Libella et de son fils ; un tombeau sans nom ; un triclinium funèbre ; le tombeau de Nevolia Tychè et de Numatius ; le sepulcretum de la famille Nistacidia ; le tombeau de Calventius Quietus ; un tombeau circulaire, sans nom ; le tombeau de Scaurus.
S’il s’agissoit maintenant de rendre compte, en entrant dans la ville et en parcourant les rues qu’on y a déblayées, de chaque maison, dont les plans, les rez-de-chaussée, et les élévations plus ou moins conservés, permettent de retrouver les distributions et les formes, nous entrerions dans un détail auquel le discours seul ne sauroit suffire. Nous renvoyons donc le lecteur a l’ouvrage des Ruines de Pompei, par M. Mazois.
Quelques idées générales sur les maisons de cette ville suffiront à la courte notice que comporte cet article.
On remarque à Pompeia, comme dans toutes les villes, trois ordres de maisons, les unes petites, les autres moyennes, d’autres grandes et étendues.
Les maisons, à quelque classe qu’elles aient appartenu, ne paraissent avoir eu presque toutes qu’un étage à rez-de-chaussée, du munis sur la rue. Dans quelques-unes on voit, ou des restes d’escaliers, ou dans les murs, les trous qui indiquent les pièces de charpente, ou les marches de certaines montées conduisant à un petit étage, dont les fenêtres donnent sur le cavœdium. Cette disposition des maisons, et leur manque d’élévation, pourroit s’expliquer ici par la situation d’une ville bâtie sur un terrain qui, de temps immémorial, fut sujet aux tremblement de terre, occasionnés par le voisinage du Vésuve. Mais on voit qu’elle correspond assez bien à celle que Vitruve nous a donnée de la maison des Grecs, en général, car, d’après sa description, on ne remarque point qu’il y ait eu des étages les uns sur les autres. Cela tenoit jadis aux mœurs. Chaque famille avoit sa maison, et cette maison avoit en étendue de place, ce que, dans les usages modernes, on met un hauteur.
Cependant on remarque que beaucoup de grandes maisons, à Pompeia, avoient sur la rue des boutiques qui souvent ne communiquoient pas à la maison dont elles dépendoient. Ces boutiques formoient un revenu de location fort important.
On a facilement reconnu dans les moyennes et dans les grandes maisons de Pompeia, dont les rez-de-chaussée, quoiqu’à demi détruits en élévation, sont encore tout-à-fait entiers quant au plan, la plus grande similitude avec les parties qui, d’après Vitruve, composoient les maisons grecques. On y retrouve le protyron, le vestibulum, l’atrium, le tablinum, les différentes sortes de cavœdium, dont Vitruve nous a laissé les descriptions.
Quelques-unes des principales maisons de Pompeia offrent encore, lorsqu’on en considère les plans, la preuve d’une fort grande intelligence dans leurs distributions, et dans l’art de faire accorder une disposition de bâtimens réguliers avec les élémens discordans d’un terrain irrégulier.
Les maisons particulières de Pompeia ont donné lieu, dans leurs plans, et par les restes de leur élévation, à des rapprochemens faciles à faire de leur disposition intérieure, avec les descriptions que Vitruve nous a laissées des maisons de son temps. Le texte de cet auteur, privé des figures ou dessins qui en rendoient l’intelligence facile, est demeuré en quelques endroits d’une telle obscurité, qu’on seroit parvenu difficilement à l’éclaircir, sans les découvertes de la ville de Pompeia.
Vitruve, par exemple, a distingué, dans la construction intérieure des maisons, cinq espèces de cavœdia ou d’atria ; savoir : le toscan, et le tétrastyle, le corinthien, le dipluviatum et le testudiné. En rétablissant, d’après leurs plans et des vestiges de murs ou de colonnes, le plus grand nombre des maisons de Pompeia, on retrouve toutes les variétés que Vitruve a établies dans cette partie de l’art des distributions intérieures.
Presque toutes les pièces d’usage, décrites ou mentionnées par les auteurs dans les maisons d’habitation, ont été retrouvées et restituées en dessin et en théorie par l’auteur des Ruines de Pompei. On y voit le tablinum, qui étoit une pièce attenante au cavœdium. Cette pièce, à Pompeia, est ouverte du côté du cavadium, et on y trouve encore des portraits peints.
Les ailes étoient des pièces semblables, mais plus petites, placées à droite et à gauche de l’atrium. Elles étoient aussi ornées de portraits. On en voit dans presque toutes les maisons.
Dans les maisons de peu d’étendue, on logeoit les étrangers autour de l’atrium ; mais les grandes maisons avoient un local qu’on appeloit hospitium.
Le péristyle, ainsi qu’on le voit à beaucoup de maisons de Pompeia, étoit un portique qui entouroit une cour plus grande que le cavœdium, et entièrement découverte. On ornoit quelquefois l’intérieur de cette cour avec des fleurs et des arbustes.
Les chambres à coucher ou cubicula étoient presque toujours précédées d’une antichambre, appelée procœton. Elles n’étoient point aussi spacieuses que les nôtres, parce qu’elles ne servoient que pour dormir. On y ménageoit quelquefois une alcove pour y placer le lit.
Le triclinium étoit la salle à manger, qu’on appela d’abord diœta ou cœnaculum. Parmi les triclinia qu’on voit à Pompeia, il en est qui n’ont jamais pu recevoir la lumière du jour nécessaire pour les éclairer suffisamment ; ce qui ne doit pas étonner ; puisque le principal repas se faisoit le soir, et par conséquent à la lumière des lampes.
Les cœci correspondoient à nos salons. Il y en avoit de plusieurs sortes : les corinthiens, voûtés et environnés de colonnes ; les tétrastyles, qui avoient deux ordres, et un balcon ou terrasse extérieure ; enfin, les cyzicènes, ordinairement situés sur le jardin, et dont les fenêtres s’ouvroient du haut en bas.
On trouvoit encore dans les maisons l’exèdre, lieu de conversation, la pinacotheca, ou galerie de tableaux ; les bains, l’ergastulum, ou logement des esclaves, et dans le lieu le plus secret de la maison, une petite pièce que nous dirions la chapelle, et qu’on nommoit sacrarium.
Nous avons rapporté ici cette énumération, uniquement dans la vue d’engager le lecteur à en vérifier les élémens, sur les monumens mêmes de Pompeia dans l’ouvrage déjà cité.
Avant de passer à la mention des monumens pl considérables que renferment les ruines de Pompeia, nous dirons encore un mot d’une habitation plus étendue ; c’est celle que l’on connoît et qu’on désigne ordinairement sous le nom de maison de campagne, comme étant située à quelque distance de la ville. Elle avoit deux divisions, l’une plus élevée que l’autre. Des colonnes, ou plutôt des piliers carrés, formoient une galerie couverte autour de la cour, qui avoit quatre-vingt-quatorze pieds en carré. En y entrant on apercevoit un portique ouvert, soutenu par six colonnes. Des deux côtés il étoit entouré d’arbres, dont on a découvert encore des troncs et beaucoup de branches. L’autre division de la maison étoit la plus élégante. Les peintures dont elle étoit décorée étoient faites avec beaucoup de soin ; celles surtout de la pièce principale étoient très-bien exécutées.
Le temple d’Isis est un des monumens tout à la fois les plus remarquables et les mieux conservés entre les ruines de Pompeia. C’est, en petit, une image assez ressemblante de ces grands temples de l’antiquité qu’entouroit une grande enceinte. Celui d’Isis étoit formé par un péribole en colonnes, presque toutes bien conservées. Au milieu de l’area, entourée par ce péribole, étoient des autels, et il y existe encore une petite ædicula ornée de bas-reliefs en stuc. A l’extrémité de cette area s’élevoit le temple, construction d’une petite étendue, à laquelle conduisoient plusieurs marches : c’étoit là sans doute le sanctuaire obscur de la déesse.
Près de là s’est conservé un édifice spacieux, qui, selon toute apparence, a servi de logement et de place d’armes aux soldats romains ; c’est pourquoi on l’a appelé le quartier des soldats. Les colonnes de la galerie qui forme cet édifice sont d’ordre dorique sans base : elles sont hautes de onze pieds, et leur diamètre est de dix-huit pouces. Cette galerie donne entrée dans un grand nombre de chambres.
De nouvelles fouilles, exécutées dans ces dernières années, ont fait reparoître un fort grand nombre de monumens, dont la plus courte description excéderoit de beaucoup l’étendue d’un simple article de Dictionnaire. Nous terminerons celui-ci par une mention fort abrégée sur l’ensemble du forum de Pompeia.
Il étoit conforme, par sa disposition et dans ses détails, à la description qu’a faite Vitruve de cette partie des villes antiques.
On croit y reconnoître, 1°. les restes d’un temple de Jupiter ; quelques fragmens de sa statue justifient cette hypothèse.
2° Un temple qu’on appelle de Vénus, dont l’ensemble est complet et se compose d’une enceinte, d’un portique, d’un naos, etc. Quoique ce monument touche au forum par un de ses côtés, sa disposition toutefois ne t’y rattache pas.
3°. Une curie : ainsi interprète-t-on, d’après les restes de cet édifice, la destination qu’on lui suppose, et de là le nom qu’on lui donne.
4°. Un hospitium public. Il paroît que ce nom convient mieux au monument dont il s’agit, que celui de panthéon qu’on lui donne actuellement. Sa disposition, son plan et ses détails semblent indiquer un lieu de réunion pour les étrangers.
5°. Un chalcidicum. Selon Vitruve, ce qu’on appelle ainsi devoit être placé aux deux bouts de la basilique, lorsque le terrain le permettoit. Une inscription apprend que ce chalcidicum fut construit par une certaine Eutychia.
6°. La basilique. Sa construction est en blocage lié par un ciment de chaux et de pouzzolane recouvert de stuc. Les colonnes du grand ordre et de l’ordre engagé étoient de briques de différentes grandeurs, taillées en angle. Il ne reste que la base du grand ordre ; elle est en peperino. Le petit ordre corinthien est tout entier de la même pierre. Tous les ordres sont couverts de stuc, et ce stuc étoit peint de diverses couleurs.
POMPEION. Edifice d’Athènes, dans lequel les ustensiles sacrés, et les choses nécessaires pour la célébration des fêtes, étoient en dépôt. On l’avoit construit à l’entrée de l’ancienne cité, du côté du port de Phalère, et il étoit embelli par un grand nombre de statues de héros. Ce bâtiment avoit été ainsi appelé, parce qu’on y conservoit ce qui se rapportoit aux pompes ou processions solennelles.
PONCE (Pierre de). Lave vitreuse qu’on emploie à unir et à polir differentes matières. Les Anciens en usèrent, soit pour polir le parchemin et le papyrus sur lequel ils écrivoient, soit pour aiguiser les roseaux qui leur tenoient lieu de plumes.
On polit encore aujourd’hui avec la pierre de ponce le parchemin et beaucoup d’autres substances molles ; mais elle sert surtout à polir les bois et les marbres. Les sculpteurs n’emploient guère autre chose pour donner à leurs statues ce dernier poli qui fait disparoître toutes les traces de l’outil, et souvent aussi les aspérités du la matière.
PONCEAU, subs. mas. Nom qu’on donne à un petit pont d’une seule arche, pour passer un ruisseau ou un petit canal.
PONCER, v. act. C'est employeur de la pierre ponce à polir les matières sur lesquelles elle a prise.
Poncer se dit encore d’une pratique de l’art du dessin, dans laquelle probablement on emploie d’abord la poussière de la pierre-ponce. Cette pratique consiste dans l’opération de piquer le contour d’un dessin avec la pointe d’une aiguille, et de faire passer une poussière très fine et colorée par ces trous, qui marquent ainsi les traits et les contours du dessin qu'on veut calquer. On se sert de cette pratique très-volontiers pour la broderie.
PONCIS, s. m. On appelle ainsi le dessin ou l’estampe dont les traits et les contours sont piqués à jour avec l’aiguille, et qui sert de patron pour en faire de semblables.
PONCTUER, v. act. C’est marquer ou exprimer par des points, dans la délinéation de l’architecture, certaines parties saillantes, comme les voûtes, les saillies des corniches, et beaucoup d’autres choses, que l’on veut tout à la fois faire concevoir, ou faire supposer, sans en donner le détail.
PONT, sub. m. Si on définit un pont sous le rapport de son emploi, c’est un chemin suspendu, porté sur divers genres de supports, et élevé par l’art pour faire traverser une rivière, un canal, un fossé, un intervalle quelconque entre des terres ou des montagnes, etc.
Si on définit un pont sous le point de vue de son exécution, c’est un ouvrage de construction fait de différentes matières, par des procédés divers, dont l’objet est d’offrir un chemin sûr, solide el approprié aux convenances et aux besoins des temps, des lieux et des peuples.
Cette double définition fait déjà connoître quelle multiplicité de notions un pareil sujet pourroit embrasser, si l’on prétendoit réunir sous ce titre les travaux en ce genre de tous les peuples et de tous les temps, tracer l’esquisse de l’origine et des progrès de l’industrie appliquée à cette sorte d’ouvrages, faire connoître en détail les moyens que la nature et l’art ont suggérés aux hommes pour construire de tels édifices, donner une idée des variétés de formes appliquées par l’architecture à leur embellissement, décrire les ouvrages les plus remarquables par lent étendue ou leur masse, et entrer dans les procédés de leur construction.
Nous nous croyons dispensés de donner à cet article un semblable degré d’importance. D’abord, le Dictionnaire des Ponts et Chaussées ayant pour objet d’embrasser tout ce qui a rapport a la science de la construction, et le Dictionnaire d’antiquités, ce qui concerne les plus anciennes notions en cette matière, nous ne pourrions qu’offrir ici le tableau raccourci et par trop incomplet d’un sujet si étendu. Ensuite, un grand nombre d’articles de notre Dictionnaire a déjà parcouru plus d’une de ces notions, qui, appartenant à la construction en général, sont communes à celle des ponts, et d’autres simplement descriptives, qui font partie de la biographie des plus célèbres, architectes. C’est pourquoi cet article se bornera à un résumé succinct de l’historique des ponts dans les temps anciens et modernes, et des principaux systèmes ou moyens de construction employés jusqu’à nos jours dans ces ouvrages.
Ceux qui se plaisent à remonter, en chaque genre d’inventions, aux premiers essais que le besoin des sociétés naissantes dut inspirer à l’instinct de l’art de bâtir, trouvent avec beaucoup de vraisemblance l’origine des ponts dans les radeaux. On abattoit, disent-ils, des arbres au bord des rivières qu’on vouloit traverser, et on les couchoit en travers sur leur courant. Ces arbres couverts de fascines, de terre et de gazon, ont pu former un chemin sur lequel il bit possible de passer des ruisseaux ou de petites rivières.
En effet, dans tous les temps, l’art de se créer des passages sur des courans d’eau, a dû être proportionné à la largeur, à la rapidité de ces courans. Ce que des peuplades à demi sauvages ont pu essayer de la manière qu’on vient de décrire, n’a pu avoir lieu sur des rivières plus larges et plus profondes.
Si l’on recherche en spéculation l’espèce de pont qui, dans l’ordre des premières inventions, a dû succéder aux radeaux, il paroîtra vraisemblable que la seconde sorte d’essais dut consister à assembler des bateaux liés entr’eux dans le travers du courant d’une rivière. Cette manière de traverser les fleuves, usitée dans les opérations militaires, s’est perpétuée jusqu’à nos jours au milieu de quelques villes.
Les ponts de charpente nous offrent ensuite le premier système de ce qu’il faut appeler construction en ce genre, et on peut encore, selon l’ordre naturel des inventions humaines, diviser en deux temps ces sortes d’ouvrages. D’abord, on se contenta de planter des pieux dans le terrain recouvert par l’eau, et d’établir dessus, les travées de bois qui doivent constituer le chemin. Par la suite, et lorsqu’on eut trouvé l’art de construire sous le courant même, au moyen des batardeaux, on bâtit des piles de maçonnerie qui servirent de support au chemin formé en bois de charpente, et élevé quelquefois sur des arcades également de bois.
Cette construction économique, mais sujette aussi à de fréquentes réparations, dut être bientôt suivie de la construction toute de maçonnerie ou de pierres, qui présente à la fois le plus de solidité et de durée.
Dans l’histoire qu’on pourroit faire de la construction des ponts chez les différens peuples, il faut avoir égard aussi aux causes locales qui dûrent y favoriser plus ou moins un genre de construction ou un autre.
Ainsi, tel peuple peut avoir élevé ou construit avec beaucoup d’industrie de grands édifices, et n’avoir rien produit dans l’architecture des ponts, si la nature ne lui en imposa point le besoin. Il semble que le degré d’habileté, de hardiesse et d’exercice en ce genre de construction, a toujours dû se mesurer sur le nombr et la grandeur des rivières ou des fleuves qui traversent chaque pays. En Egypte, par exemple, qu’un seul fleuve traverse avec une largeur si considérable, et où le débordement périodique des eaux inonde tous les ans les terrains qui l’environnent, la construction des ponts eût été aussi difficile qu’inutile. Les communications que le commerce rendoit nécessaires d’une rive du fleuve à l’autre, quand le débordement le faisoit rentrer dans son lit, ne pouvoient avoir lieu que par le secours des barques ; et quant aux nombreux canaux dont étoit coupé, tout le pays, on sait que, vu leur peu de largeur et de profondeur, ils ne dévoient exiger, pour être facilement et sûrement traversés, que les moyens les plus simples, savoir, des piles de pierre sans fondation et des dales de même matière, d’une pile à l’autre, ce qui n’exigeoit ni art ni science. Ce fut peut-être celle simplicité de moyens qui contribua encore à rendre inutile dans ce pays, sur des eaux dormantes, la pratique des voûtes et des arcades, qu’exigent en d’autres lieux la traversée des eaux courantes, sur les plus petites rivières et les torrens, dans des terrains inégaux et montueux.
On n’a cité aucun exemple, et l’on ne rencontre aujourd’hui aucun reste de pont remarquable dans la Grèce. Par une raison contraire à celle que nous venons de faire observer en Egypte, les Grecs n’auroient pu avoir de grandes constructions à exécuter en ce genre : la Grèce proprement dite n’a que de fort petits fleuves, et plusieurs de ceux qu’on appelle ainsi, ressemblent plutôt à des torrens, grossis par intervalles, qu’à ces grandes masses d’eau qui, parcourant d’immenses étendues de terrain, s’augmentent dans leur cours, du tribut d’un grand nombre de ruisseaux et de rivières, et dès-lors exigent, pour être traversées, d’énormes et dispendieus constructions. Il dut suffire le plus souvent, dans ce pays, d’une seule arche de pont, dont les points d’appui se trouvoient d’un côté et de l’autre d’une berge ordinairement fort élevée.
Si nous suivons, avec l’histoire des autres arts celle des ponts en Italie sous l’empire des Romains, nous voyons un pays coupé par de beaucoup plus grands fleuves, offrir à l’architecture de bien plus nombreuses occasions de construire des ponts dans de bien autres dimensions, autant pour le service intérieur des villes, que pour celui des expéditions militaires dans des pays lointains.
Rome, dès ses premiers temps, fut obligée de se livrer à d’assez grands travaux en ce genre sur le Tibre, fleuve dont le volume d’eaux et les crues subites exigèrent dans la suite de fortes constructions. Il paroît toutefois que les premiers ponts furent en bois ; tel étoit celui qui servoit à joindre le Janicule au Mont-Aventin. On l’appela Sublicius, parce qu’il reposoit sur des pieux et des poutres, et sa charpente étoit assemblée sans fer ni chevilles, pour qu’on pût aisément la démonter en cas de besoin.
Rome compta jusqu’à huit ponts. Celui dont on vient de parler, qui dans la suite prit le nom d’Æmilius, pour avoir été rebâti en pierre par Æmilius Lepidus ; ruiné de nouveau, il fut reconstruit par Antonin-le-Pieux, en marbre, d’où on l’appela Pons marmoratus. On n’en voit aujourd’hui presque plus rien. Le pont triomphal, près du Vatican, ce qui le fit nommer aussi Pons Vaticanus, conduisoit du Champ-de-Mars au Vatican. On croit en reconnoître encore les vestiges auprès de l’hôpital du Saint-Esprit. Le pont Palatin ou Sénatorius, étoit placé entre le Forum et le Janicule, Marcus Fulvius en fit faire les piles ; les arches en furent achevées et cintrées par Lucius Mummius. En 1598, un débordement du Tibre en emporta plusieurs arches ; il n’a point été rétabli depuis. C’est celui qu’on appelle aujourd’hui Ponte Rotto. Deux ponts établissoient jadis la communication entre la ville et l’île dite du Tibre. L’un, appelé du nom de Fabricius, qui le fit construire étant curator viarum, intendant des chemins. On l’appelle aujourd’hui Ponte di quatro Capi, à cause d’une figure à quatre têtes placée à l’issue du pont dans l’île. L’autre pont, qui faisoit communiquer l’île avec le Janicule, fut nommé Pons Cestinus, parce qu’il fut bâti par Cestius Gallus du temps de Tibère. Il fut réparé par les empereurs Valentinien, Valens et Gratien, ainsi que le prouve une longue inscription. Aujourd’hui il porte le nom de pont Saint-Barthélemi, de l’église de ce nom qui se trouve près de là dans l’île. Le pont Janiculensis ou Aurelius, conduisoit du Champ-de-Mars au Janicule : il fut rebâti sous le règne d’Antonin-le-Pieux. Rétabli par le pape Sixte-Quint, il en retint le nom qu’on lui donne aujourd’hui de Ponte Sisto. Le pont Ælius ou Adrianus, ainsi appelé du nom de l’empereur qui le fit construire, subsiste encore dans son entier. C’étoit, en suivant le cours du fleuve, le second dans la ville ; il y réunissoit le mausolée superbe qui porte encore aujourd’hui le nom de Mole Adrienne. Les papes Nicolas V et Clément IX l’ont fait restaurer et l’ont orné de statues ; c’est celui qu’on désigne par le nom de ponte Sant Angelo. On appelle à présent Ponte Mole celui que l’on appeloit Pons Milvius. Il est à un mille de Rome. Ce fut près de ce pont que Constantin défit le tyran Maxence, qui se noya dans le Tibre. Nicolas V l’a fait rétablir, mais il ne conserve presque plus rien de son antique structure. On peut joindre encore aux ponts antiques de Rome, quelques petits ouvrages qui sont sur l’Anio ou le Teverone, tout près de la ville ; le pont Salarius, ponte Salaro, parce qu’il étoit sur la Via Salara ; le pont Lucanus, ponte Lugano, construit probablement sous l’empereur Claude ; le pont Mammœus ou Mammolus, bâti par Alexandre Sévère, et le pont Nomentanus, qui conduisoit sur la voie Nomentana, et qu’on appelle aujourd’hui ponte della Montana.
Il existe encore en Italie d’autres restes de ponts bâtis par les anciens Romains, quelques-uns restaurés et rétablis dans les temps modernes, comme celui de Capone sur le Vulturne ; comme celui de Narui sur la Néra, qui dut établir la communication entre deux montagnes fort élevées, ce qui obligea de donner une très-grande hauteur aux arches. Une seule des quatre arches subsiste encore (voyez la description de cet ouvrage au mot Narni). A Rimini on admire encore ùn très-beau pont qu’Auguste fil bâtir pour joindre la voie Flaminienne à la voie Emilienne. Il a deux cents pieds de longueur, et est porté sur cinq arches.
L’art de bâtir les ponts prit de l’accroissement avec l’Empire romain, et aussi à mesure que les conquêtes dans les régions lointaines, et les opérations militanes s’étendirent sur des pays traversés par des fleuves considérables, tels que le Rhône, le Rhin, le Danube. Ainsi les écrivains nous ont conservé des notions sur le pont que Trajan avoit bâti sur le Danube pour faciliter les irruptions dans la Dacie. Selon Dion Cassius, ce pont avoit vingt piles en pierre de taille, qui, sans compter les fondations, avoient cent cinquante pieds de haut, soixante de largeur, et qui étoient jointes par des arches de cent soixante-dix pieds d’ouverture. Hadrien le fit détruire depuis, parce qu’après avoir servi les projets d’invasion des Romains dans la Dacie, il favorisa réciproquement les excursions des Daces hors de leur pays.
Trajan fut encore celui sous le règne duquel l’Espagne vit s’élever le célèbre pont de la Norba Cesarea, appelé depuis par les Maures, et encore aujourd’hui, Alcantara. Nous en avons déjà parlé à ce mot (voyez Alcantara). Ce pont a six cent soixante-dix pieds de longueur : il se compose de six arches, dont chacune a quatre-vingts pieds d’une pile à l’autre ; les piles sont carrées, et ont de vingt-sept à vingt-huit pieds de face de chaque côté. La hauteur du pont, depuis la surface de l’eau, est de deux cents pieds. Voyez encore, au mot Lacer, ce qu’on a dit de l’architecte ainsi nommé, qui fut l’auteur de cet ouvrage.
C’est par erreur que la plupart des lexiques mettent au nombre des grands travaux antiques, en fait de pont, ce qu’on appelle improprement le pont du Gard. Le nom d’aqueduc est celui qui lui convient. (Voyez Aqueduc.) Il est bien vrai que le rang inférieur d’arcades sur lequel s’élèvent les deux autres rangs beaucoup plus nombreux, donne passage, dans une ou deux arcades, à la petite rivière du Gardon ; mais cela seul ne constitue pas un pont, ouvrage qui, d’après sa définition, doit offrir un chemin au-dessus de ses arches : or, les arcades inférieures de l’aqueduc antique du Gard n’offroient point de passage au voyageur. C’est dans les temps modernes qu’on a ajouté, et si l’on peut dire accolé, une nouvelle construction en saillie au rang des arcades d’en bas ; cette addition en a fait un pont dans toute l’étendue du terme, mais ce supplément ne doit pas se mettre sur le compte de l’antiquité.
Si l’on faisoit une histoire générale des ponts et de l’art de les construire, il faudroit sans doute rechercher ce qui doit ou peut avoir été exécuté dans se genre, après la chute de l’Empire romain, et chez les peuples modernes au milieu des siècles d’ignorance ; mais de telles recherches n’appartiennent point et conviendroient mal à cet essai. Il est fort à croire qu’avant que les nations modernes eussent acquis, par des gouvernemens réguliers et le perfectionnement de la civilisation, la puissance et les ressources nécessaires à l’exécution des grands travaux de l’art de bâtir, les parties isolées et incohérentes de ces états furent réduites à l’économie des ponts de bois. Ainsi voyons-nous, et par l’histoire, et par des ouvrages parvenus jusqu’à nos jours, que l’on en usa dans les plus grandes villes ; et il n’y a pas long-temps qu’on a vu disparoître, à Paris et dans ses environs, les derniers ponts bâtis en charpente, et à Rouen, le pont de bateaux qui servoit encore naguère de communication aux habitans de cette grande ville.
Nous passerons donc tout de suite, selon l’ordre des temps, à un très-grand ouvrage qui date du treizième siècle, et qui est encore de nos jours un objet d’admiration ; je parle du pont du Saint-Esprit, qui a donné son nom à la ville qu’on appelle ainsi. Ce pont, construit sur le Rhône, fut commencé en 1265, et fut achevé environ l’an 1309. Il a quatre cent vingt toises de long, sur deux toises quatre pieds quatre pouces de large ; cette seule disproportion montre assez quel étoit, à cette époque, l’état du commerce et des moyens de voiturage. Il n’y a pas aujourd’hui si petit pont sur si petite route que ce soit, qui n’offre une voie beaucoup plus large. Le pont Saint-Esprit, au reste, a dû beaucoup de sa célébrité au temps reculé qui le vit construire, à la largeur, à la profondeur et à la rapidité du fleuve qu’il traverse, et, il faut le dire aussi, à sa solidité. Il est soutenu par vingt-six arches, dix-neuf grandes et sept petites, qui sont aux extrémités et forment les rampes ; ces petites arches sont souvent à sec, et ne servent au passage de l’eau que dans les débordemens. Sans doute il dut passer pour une merveille, dans un temps où l’on ne construisoit les ponts qu’en bois.
Ce fut également au commencement du seizième siècle que fut bâti le pont en pierres qu’on appelle à Londres le pont de Londres. Il remplaça le pont de bois qui avoit été construit sur la Tamise, au même endroit, dans les premières années du onzième siècle. Le pont de Londres a neuf cent quinze pieds de long et soixante-treize de large. Excepté l’arche du milieu, toutes les autres sont beaucoup trop étroites ; mais cet ouvrage devoit être prodigieusement surpassé dans la suite.
Paris, nous l’avons déjà dit, n’eut dans ses commencemens que des ponts de bois. L’histoire des temps anciens de cette ville nous apprend que deux ponts de bois, appelés l’un, Pont-aux-Changeurs, l’autre, Pont-aux-Meûniers, construits dans le voisinage de la tour de l’horloge du palais, ayant été brûlés en 1621, le roi Louis XIII ordonna qu’à leur lieu et place on établiroit un seul pont, sous le nom de Pont-au-Change, et ce pont fut bâti en pierres. Il est composé de cinq arches.
Toutefois, plus d’un siècle auparavant, Louis XII avoit appelé d’Italie à Paris Fra Giocondo (voy. ce nom) pour la construction en pierres du pont Notre-Dame, qui fut commencé en 1500, et terminé en 1507.
Le seizième siècle vit élever aussi en Italie plus d’un ouvrage de construction remarquable en fait de ponts. Florence a conservé, sous le nom de Ponte Vechio, un ouvrage dont la date est 1345 ; mais, en 1557, Ammanati bâtit, dans le système des arcs surbaissés, le pont de la Trinité, dont nous aurons occasion de reparler (voyez Ammanati). Nous avons aussi, à l’article de Palladio, cité plusieurs de ses entreprises et de ses projets en ce genre.
L’état actuel des principaux Etats de l’Europe nous montre, comment et pourquoi la hardiesse et l’étendue des travaux que demande l’art des ponts, dut aller en croissant. L’augmentation du commerce dut contribuer à les multiplier ; la grandeur, la largeur et la profondeur des rivières exigèrent la plus grande solidité. Les changemens survenus dans les voitures dans le transport des marchandises et des personnes, firent chercher encore les moyens de donner à la voie publique des ponts beaucoup moins de pente, ce qui obligea de surbaisser leurs arcs lorsque les berges du fleuve ont peu d’élévation.
Les entreprises modernes, en fait de pont, sont donc devenues beaucoup plus considérables, et bien autrement nombreuses que dans les temps anciens.
Ainsi Paris, en moins de deux siècles, a vu s’élever sur la rivière qui le traverse, dix ponts en pierre de taille. De plus grands ouvrages ont encore été exécutés hors de la capitale ; tels sont les ponts de Neuilly, de Sainte-Maxence, de Mantes, d’Orléans, de Bordeaux, etc.
La vaste étendue en largeur de la Tamise, dans la ville de Londres, à donné Lieu à des travaux qui surpassent en grandeur et en magnificence de construction ce qui avoit été fait. On ne citera ici que les noms desponts de Westminster, de Black-Friars et de Waterloo ; ce dernier bâti en granit. Nous reviendrons sur ces travaux dans la seconde partie de cet article, ainsi que sur les ponts de fer, dont on trouve à Londres les plus prodigieux modèles, et dont la ville de Paris a tiré l’imitation de deux de ses ponts.
L’art de bâtir, comme tous les travaux de l’homme, procéda toujours du simple au composé. Des besoins plus variés et plus multipliés appellent des moyens plus compliqués. Ce que le simple instinct de la solidité fit d’abord imaginer, ne suffit plus lorsque la science vient le remplacer. Alors naissent de nouvelles combinaisons appropriées aux services qu’exigent tantôt les localités différentes, tantôt la diversité des matériaux, tantôt les progrès du commerce et de la civilisation ; c’est ce qui est arrivé à l’art de construire les ponts. Peu de constructions présentent un plus grand nombre de variétés dans leurs élémens, dans leurs matériaux et dans le système de leur emploi.
Après les constructions toutes en charpente, on a fait voir que bientôt on dut établir les bois dont se composèrent les arches, sur des piles en pierre : de là il n’y eut qu’un pas aux constructions des voûtes ou des arches, soit en briques, soit en pierres.
Lorsqu’on voulut établir en matériaux solides de semblables ponts, le premier et le plus naturel de tous les systèmes de construction fut celui des arcs en voûte plein-cintre, ou en demi-cercle régulier. Nul système de construction n’a plus de solidité et n’offre plus de garantie de la durée des édifices. Il existe encore des restes de monumens romains, où des arcades de plein cintre, détachées de la suite des portiques dont elles faisoient partie, sont restées, depuis des siècles, isolées et sans autre appui que celui de leurs piédroits. On a vu qu’au pont antique de Narni (voyez Narni) il ne subsiste plus depuis fort long-temps qu’une seule arche, des quatre dont l’ensemble se composoit jadis, et cette arches est assise encore sur ses deux piles de plus de quatre-vingts pieds de haut, et de soixante de large.
Mais ce pont sous lequel coule la Néra est construit entre deux montagnes dont il falloit établir la communication, et la rivière qui coule au fond de ce ravin n’eût pas exigé une telle élévation.
Cependant, selon la nature des terrains, la grandeur des rivières, et l’exhaussement des eaux qui en produit le renslement et l’impétuosité, mais surtout lorsqu’il s’agit de construire des ponts au milieu des villes, dont on ne sauroit à volonté exhausser les terrains, et lorsque les rivières encaissées par des quais, par des levées et des constructions, sont sujettes à s’élever prodigieusement, le système des arches plein-cintre a dû offrir plus d’un inconvénient.
1º. Si un fleuve ainsi encaissé est sujet à de grandes crues d’eau, la hauteur des berges prescrivant celle qu’on doit donner aux arches, et la voûte plein-cintre prescrivant aussi la largeur qu’elles doivent avoir, on comprend que l’architecte ne pourra s’empêcher de multiplier le nombre des arches, et par suite le nombre des piles, et par conséquent le nombre ou la quantité des obstacles qui s’opposeront au cours de l’eau.
2º. Si on suppose les berges du fleuve peu élevées, l’architecte, qui n’est pas le maître, selon les localités, d’élever son terrain à volonté et au gré de la hauteur que demanderoient les voûtes en plein-cintre de ses arches, ne pourroit le faire qu’en pratiquant de l’un et de l’autre côté du pont, des montées qui en rendroient l’accès très-difficile aux voitures.
De-là dut naitre le système des voûtes à cintre surbaissé, dont il paroît qui les Modernes ont usé les premiers.
Les premiers exemples de ce genre de construction des ponts nous paroissent être ceux de Florence, pratiqués sur l’Arno, par suite de la nécessité d’ouvrir de plus grandes issues aux débordemens de ce fleuve. On y voit deux ponts composés chacun de trois arches à cintre surbaissé ; mais le plus beau des deux, et sans aucun doute un des plus remarquables ouvrages dans ce nouveau système, est celui de la Trinité, que Côme Ier, fit construire par Ammanati, lorsque la grande inondation de 1557 eut renversé celui qui étoit à la même place. Ce pont, dans une longueur de trois cent dix-neuf pieds, n’a que trois arches ; celle du milieu a quatre-vingt-dix pieds d’ouverture. Les arcs fort surbaissés offrent une construction des plus légères, et la voie de ce pont n’éprouve ni montée ni descente d’aucun côté.
Cet exemple n’eut point d’imitation en Europe pendant un siècle et demi ; mais vers le milieu du dix-huitième siècle, le système de construction d’Ammanati fat remis en vigueur dans plus d’une contrée de la France par M. Perronnet. Dès 1751, fut commencé par cet architecte, ingénieur des ponts et chaussées, le vaste pont d’Orléans, composé de neus arches à cintre surbaissé, sur la Loire. La largeur de chaque arche est de quatre-vingt-seize pieds.
En 1765, fut achevé par le même, sur un bras de la Seine, à Mantes, et toujours en cintre surbaissé, un pont à trois arches, dont celle du milieu a cent vingt pieds d’ouverture ; les deux autres n’ont que cent huit pieds.
En 1774, fut commencé par le même M. Perronnet, le pont bâti à Pont-Sainte-Maxence, sur la rivière d’Oise. Il a trois arches surbaissées ; chacune a soixante-douze pieds d’ouverture, et trente-neuf pieds de largeur d’une tête à l’autre.
Ce fut en 1768 que fut commencé, par M. Perronnet, le grand pont de Neuilly, près Paris ; il fut achevé en 1774. Il est formé par cinq arches surbaissées, dont celle du milieu a cent vingt pieds d’ouverture ; les quatre autres ont quelque chose de moins.
On doit au même ingénieur les plans et les projets du pont de Louis XVI, à Paris, lequel est composé de cinq arches, dont celle du milieu a quatre-vingt-huit pieds ; les autres en ont soixante-douze.
Cesystème de construction est devenu général en France. L’on peut citer encore le pont du Champ-de-Mars, en face de l’Ecole militaire, à Paris, composé aussi de cinq arcades surbaissées, et, pour parler du dernier ouvrage fait dans ces dernières années en France, le pont de Bordeaux, composé de dix-sept arches à cintre surbaissé, qui a été terminé en 1822.
De grands ouvrages, en fait de ponts s’élevèrent aussi dans le cours du dix-huitième siècle, à Londres ; tels furent les ponts de Westminster et de Black-Friars, sur la Tamise.
Le premier fut commencé en 1739, et achevé en 1750. Il a douze cent vingt-trois pieds de long, quarante-quatre de large ; il se compose de quinze arches, dont celle du milieu a soixante-seize pieds d’ouverture. Ce pont est bâti dans le système des arcs plein-cintre.
Le pont de Black-Friars est composé de neuf arches ; celle du milieu a cent pieds d’ouverture ; les autres ont quatre-vingt-dix-huit, quatre-vingt-treize, quatre-vingt-trois et soixante-dix pieds : la longueur totale est de neus cent quatre-vingt-quinze pieds ; la largeur de quarante-deux. Commencé en 1760, il fut terminé en 1770. Le système de construction des arches de ce pont tient le milieu entre celui des voûtes surbaissées, ou plus ou moins plates, et le système des voûtes en plein-cintre. Ici la courbe des arches est elliptique.
Nous ne voyons pas que, jusqu’ici, la construction en cintres surbaissés ait été pratiquée en Angleterre. Le dernier pont, appelé de Waterloo, qui vient d’être construit à Londres, tout en granit, et qui est certainement le plus grand et le plus remarquable monument de l’Europe en ce genre, participe, pour la courbe de ses voûtes, du pont de Black-Friars.
On ne sauroit douter que le système des voûtes aplaties, système commandé, ainsi qu’on l’a dit, par certaines localités et pour certaines convenances, ne porte en soi-même, dans l’exécution en pierres, cet inconvénient que toute la solidité des claveaux dépend uniquement de la résistance des culées, en sorte que l’écartement dans une seule arche, si le confrefort venoit à céder, produiroit la chute de toutes les voûtes. Les ponts de Londres, bâtis sur la Tamise, ayant exigé pour la navigation et le passage des vaisseaux marchands une grande élévation dans les arches, le système des voûtes surbaissées ne dut point y être applicable, et c’est probablement la raison pour laquelle les architectes anglais n’ont point adopté cette nouveauté.
Mais on doit à l’Angleterre l’introduction d’un nouveau système dans l’art de construire les ponts ; et il faut faire observer avant tout, que c’est encore ici la nature qui dut en suggérer l’emploi, dans un pays où les pierres propres à la construction sont rares, ou d’un transport dispendieux, et où les métaux rendus usuels par l’abondance du combustible qu’on appelle charbon de terre, vinrent, avec les ressources de la mécanique, suppléer au défaut des autres matériaux.
On veut parler des ponts construits en fer. Les premiers essais de ce genre de bâtir ne datent guère que du commencement du dix-huitième siècle. En 1722, il fut proposé d’en faire un à Lyon sur la Saône. Il devoit se composer de trois arches, chacune de soixante-dix-huit pieds d’ouverture ; il y eut même un commencement d’exécution, mais l’économie fit préférer un pont en charpente.
En 1779 fut construit, en Angleterre, le pont en fer fondu de Coolbroockdale, sur la rivière de Saverne, à 180 milles de Londres. Il est formé d’une seule arche, dont le diamètre est de cent pieds six pouces anglais.
Le pont de Sunderland, situé dans le comté de Burham, est composé aussi d’une seule arche, dont la largeur est de deux cent trente-six pieds anglais. Il a été commencé en 1793, et terminé en 1796 ; il est situé entre deux rochers escarpés, et élevés de quatre-vingt-quatorze pieds au dessus de la rivière de Wear. Les vaisseaux passent dessous à pleines voiles.
Le pont de Stains, sur la Tamise, à 17 milles de Londres, a été construit en 1802, également en fer fondu ; il a une seule arche de cent quatre-vingts pieds d’ouverture. Jusqu’ici ces sortes de ponts consistent en une seule et unique arcade d’une plus ou moins grande ouverture.
Vers la même époque furent construits sur la Seine, à Paris, deux ponts en fer fondu, l’un vis-à-vis le Louvre, l’autre vis-à-vis le Jardin royal des Plantes.
Le premier, qu’on nomme le Pont-des-Arts, destiné uniquement au passage des gens de pied, est composé de neus arches, chacune de cinquante-neus pieds six pouces d’ouverture, en sorte que sa longueur entre les culées est de cinq cent trente-cinq pieds. Chacune des arches est formée de cinq armatures semblables, en fer fondu, qui offrent une combinaison de courbes en arc de cercle, dont les unes forment le cintre des arches, et les autres servent à le contre-butter vers le milieu des reins de cette sorte de voûte. Au-dessus de chacune de ces armatures sont fixées, à des distances égalés, des espèces de potelets aussi en fer, qui soutienneut les pieux de bois de charpente sur lesquels pose le plancher du pont recouvert en madriers.
Le second pont dont on a parlé est composé de cinq arches, chacune de cent pieds d’ouverture. On peut en voir les détails dans le texte et les figures du tome IV, 2e. partie, du Traité de l’art de bâtir, par M. Rondelet.
Cette méthode et procédé acquirent donc une plus grande étendue, et un plus hardi développement, depuis qu’on eut osé multiplier les arches en les faisant supporter par des piles. Deux ponts de ce genre ont été construits depuis à Londres même, sur la Tamise, et le dernier qu’on vient d’y élever semble avoir porté cette pratique, au plus haut degré de force, de hardiesse et de grandeur qu’elle puisse atteindre.
Il resteroit à faire encore mention des ponts suspendus par des chaînes de fer, si ces sortes d’ouvrages n’étoient, dans le fond, beaucoup plutôt des travaux de mécanique que des monumens d’architecture. Les modèles de ponts ainsi suspendus se trouvent en Chine ; on cite surtout celui qui est situé près la ville de Kingtung, et dont la charpente est attachée à vingt chaînes de fer qui joignent les extrémités de deux montagnes. Il y a déjà en Angleterre quelques imitations de ces sortes de ponts, et on est en train d’en établir un semblable à Paris, vis-à-vis les Invalides.
Il y auroit peu d’articles plus fécond en notions de tout genre que celui-ci : toutefois, comme beaucoup de ces notions correspondent à un grand nombre d’articles de ce Dictionnaire qui traitent de la taille des pierres, de la formation des voûtes, des travaux hydrauliques, nous avons dû encore devoir ici nous restreindre, d’autant plus que les connoissances spéciales et pratiques de l’art des ponts font le sujet d’un Dictionnaire à part.
Nous terminerons cet article en donnant une simple nomenclature des variétés, par lesquelles on désigne les divers ouvrages de l’art de bâtir en ce genre.
Ainsi l’on dit :
Pont a bascule. C’est un pont fait en charpente, qui se lève d’un côté et se baisse de l’autre, étant porté et arrêté dans son milïeu par un essieu.
Pont a coulisse. Petit pont qui se glisse dans œuvre pour traverser un fossé. Il y a des ponts ainsi pratiqués dans d’anciens châteaux.
Pont a flèche. C’est un pont qui n’a qu’une flèche avec une anse de fer, qui porte deux chaînes pour élever un petit pont au-devant d’un guichet.
Pont a quatre branches. Pont d’invention moderne, formé par quatre culées on branches assujetties au plan d’un cercle sur lequel s’élève une voûte qui est pénétrée par quatre lunettes pour le passage des bateaux. On doit l’idée de ce pont à M. Barbier, ingénieur des ponts et chausaées, et il a été exécuté en 1750 par M. Beffara, aussi ingénieur dans le même corps. Ce pont est situé à la section que font les canaux de Calais et d’Ardres, sur la nouvell route de la première de ces villes à Saint-Omer. Il réunit dans un seul point la navigation de quatre canaux, le passage d’une grande roule et la communication des quatre principales parties du pays, qui étoient séparées avant sa construction, et qu’on n’auroit pu joindre sans faire plusieurs ponts auxquels celuici seul supplée. M. Belidor a donné la figure et la construction de ce pont dans son Architecture hydraulique, tome IV, section 2.
Pont-aqueduc. Pont qui porte un conduit d’eau, ou qui est accolé à un aqueduc, comme à celui du Gard.
Pont de bois ou de charpente. Voy. ci-dessus.
Pont de pierre ou de maçonnerie. Voyez ci-dessus.
Pont flottant. Voyez Pont volant.
Pont-levis. C’est un pont fait en manière de plancher, qui se hausse et qui se baisse devant la porte d’une ville, par le moyen de flèches, de chaînes et d’une bascule.
Pont tournant. Pont qui tourne sur un pivot pour laisser passer les bateaux. La mécanique de ce genre de pont est quelquefois assez ingénieuse, mais il est difficile de la faire comprendre sans le secours des figures. Nous renvoyons à l’Architecture hydraulique de Belidor.
Pont volant. C’est un pont fait de bateaux joints ensemble par un plancher entouré d’une balustrade ou garde-fous, avec un ou plusieurs mâts, où est attaché, par un bout, un long câble porté de distance en distance sur des petits bateaux, jusqu’à une anse, où l’autre bout est arrêté au milieu de l’eau, en sorte que ce pont se meut comme une pendule d’un côté de la rivière à l’autre, au moyen d’un gouvernail, seulement.
On appelle encore pont volant un pont fait avec des pontons de cuivre, des bateaux de cuir, des tonneaux ou des poutres creuses, qu’on jette sur une rivière, et qu’on couvre de planches, pour faire passer promptement une armée.
Pont de bateau. Est celui qui est formé de plusieurs bateaux placés les uns près des autres, dans toute la largeur d’une rivière, liés ensemble par des cordages, et fixés dans leur place par plusieurs ancres. On pose ensuite sur ces bateaux des poutrelles qu’on y arrête, et qu’on couvre de grosses planches ou madriers.
Pont de vaisseau. Se dit du plancher qui, dans la carcasse d’un vaisseau, forme les différens étages. Il y a des vaisseaux à deux et à trois ponts.
PONTE (Giovanni da Ponte), Vénitien, né en 1512, mort en 1597.
Cet architecte fut beaucoup occupé de la restauration et du rétablissement d’édifices publics à Venise.
Ce fut lui qui rebâtit, après un incendie dans le palais ducal, ce qu’on appeloit il Collegio et l’Anticollegio. Un nouvel incendie ayant consumé dans le même palais d’autres salles, il répara encore ces dommages avec beaucoup d’art, et cela contre l’avis de Palladio, qui, ayant jugé le dommage irréparable, croyoit qu’il étoit nécessaire de faire un bâtiment tout-à-fait nouveau : toutefois, la restauration de Giovanni da Ponte fut si bien exécutée, que le tout s’est conservé jusqu’à présent en très-bon état.
Cet artiste paroît avoir en un talent particulier pour la restauration des édifices. C’est de lui cependant, dans l’arsenal de Venise, cette grande salle de 910 pieds de longueur, qu’il orna de deux rangs de colonnes qui ne sont, à proprement parler, d’aucun ordre. On ne trouve guère aussi d’autre mérite que celui de la solidité, dans l’architecture de l’église qu’il construisit pour les religieuses de Sainte-Croix, sur le grand canal. Même caractère dans la porte qu’il fit à l’église de l’hôpital des Incurables, qu’il termina.
Mais l’ouvrage qui a rendu son nom plus célèbre, est celui du pont de Rialto, à Venise, et où il eut l’avantage de l’emporter et sur Palladio et sur Scamozzi, qui en avoient donné déjà les plus magnifiques projets. L’avantage paroît s’être réduit, dans le choix qu’on en fit, au mérite de l’économie, qui ne laisse pas d’en être un, quand on y joint, dans un pareil projet, la beauté, la commodité, et surtout la solidité.
Cette qualité étoit la principale chose dans un pont qui, jeté sur le grand canal, ne devoit offrir qu’une seule arche ; aussi l’ouvrage resta-t-il pendant quelque temps suspendu. Il s’étoit élevé des soupçons sur sa solidité ; mais l’examen qu’on fit du projet de l’architecte et des moyens de sa construction, rassura bientôt. Le tout fut terminé avec snccès, et cette musse est restée jusqu’ici inébranlable, tans que lu moindre désunion s’y soit jamais manifestée.
L’ouverture de ce pont est de soixante-six pieds, l’épaisseur de l’arc est de quatre pieds, et sa hauteur au-dessus du niveau de l’eau est de vingt-un pieds. Sa largeur est égale à son ouverture. Cette largeur se divise en cinq parties, c’est-à-dire en trois rues, avec deux rangs de boutiques sur chaque rue. La rue du milieu a vingt pieds de large ; les deux latérales ont chacune dix pieds. On y compte vingt-quatre boutiques. Au milieu du pont sont deux arcades qui joignent les boutiques, avec des frontispices ornés de colonnes doriques. Une corniche avec balustrade règne tout à l’entour du pont, dont toute la masse est construite en pierre d’lstrie.
Le dernier ouvrage de Giovanni da Ponte fut la construction des prisons qu’on transféra hors du palais ducal. L’édifice est un quadrilatère avec un portique en avant de sept arcades. Au-dessus s’élève un étage percé de sept grandes fenêtres avec frontons, et entremêlées de colonnes doriques. Une arcade joint la prison au palais, et cette arcade s’appelle il ponte de Sospiri. Toute cette construction offre une masse des plus solides, et qui, en ce genre, n’a peut-être point d’égale. Elle fut terminée après la mort de cet artiste par Contino son neveu.
On croit que ce nom da Ponte est un sobriquet qui lui resta pour avoir construit le célèbre pont de Rialto. Du reste, quoiqu’il ait vécu quatrevingt-huit ans, et qu’il eût beaucoup travaillé, sa fortune fut loin d’égaler ses travaux. Il paroît avoir été toujours pauvre et nécessiteux.
PONZIO (Flaminio). Cet architecte étoit de la Lombardie.
Il construisit pour la famille Borghèse, dans l’église de Sainte-Marie-Majeure, la chapelle Pauline, en pendant avec la chapelle Sixtine qui est vis-à-vis ; l’on trouve que si l’ouvrage nouveau l’emporta sur l’ancien, c’est en richesse de matières, en magnificence d’ornemens plutôt qu’en beauté réelle. La même église lui doit sa sacristie actuelle.
Au palais Quirinal (ou de Monte Cavallo), Ponzio construisit le grand escalier à deux lampes, qu’on y admire, quoiqu’on les trouve longues. L’une conduit à la salle royale et à la chapelle, l’autre aux appartemens. On ne sauroit encore y approuver le rétrécissement que leur font éprouver, dans leur milieu, les deux pilastres, qui soutiennent des arcades, et l’effet de ces pilastres sur les marches.
Ponzio commença la reconstruction de la basilique de Saint-Sébastien hors des murs, et la conduisit jusqu’à la corniche.
Mais le plus bel ouvrage de cet architecte, et celui qui mérite le plus d’éloges, sous le rapport spécial de bon goût et de pureté de style en fait d’architecture, est le palais Sciara Colonna, dans la rue du Cours à Rome. On y admire la belle division des étages d’appartemens, le judicieux et noble espacement des fenêtres, l’emploi raisonné des ornemèns et leur distribution simple à la fois et majestueuse. Nul abus dans les détails, partout unité et correction. Ponzio n’a employé ni corniche ni séparation entre les étages, nu seul bel entablement couronne cette masse. La grande porte est la seule chose qui s’y détache. Elle se compose de colonnes doriques cannelées, auxquelles on ne peut reprocher que d’avoir des piédestaux très-élevés.
Ponzio mourut sous le pontificat de Paul V, âgé de quarante-cinq ans.
PORCELAINE, s. f. Nous avons réservé de parler, dans cet article, de l’usage que l’on a fait, et que-l’on peut faire encore en architecture, c’est-à-dire, dans la décoration des édifiées, de la matière artificielle qu’on appelle faïence, et de celle à laquelle on a donné le nom de porcelaine.
La faïence n’est autre chose que de la terre cuite, recouverte d’une couche de vernis vitrifié, ou couverte ordinirement blanche, et parfois teinte de diverses couleurs.
La porcelaine se fait avec une terre beaucoup plus fine, et réduite, au moyeu du feu, à un état mitoyen entre le verre et la poterie, et dont la cassure est blanche.
L’origine de la faïence, qui a dû conduire à la découverte de la porcelaine, remonte à une très-haute antiquité. Les Egyptiens cohnoissoient l’art de recouvrir la terre cuite d’émaux colorés. On trouve beaucoup de petites idoles égyptiennes couvertes d’un émail souvent d’un beau bleu plus ou moins foncé, quelquefois d’un vert-clair, mais dont la pâte est intérieurement blanche comme celle de la plus belle porcelaine.
Il n’y n aucun doute que dès les temps les plus anciens, les procédés de la faïence et de la porcelaine furent connus et très-perfectionnés dans l’Asie. L’Inde, le Japon et la Chine en firent usage dans une multitude d’objets.
La Chine appliqua surtout la porcelaine à la décoration des monumens de son architecture, On se contentera de citer ici le plus célèbre de tous, la tour de porcelaine élevée dans une vaste plaine voisine de la ville de Nanking. Elle est octogone, a neuf étages voûtés, et son revêtissement extérieur est tout en carreaux de porcelaine. Chaque étage a son espèce de toit recourbé, coloré en vert et soutenu par des bouts de soliveaux durés, d’où pendent dos clochettes de cuivre. La flèche est surmontée d’une pomme de pin qu’on dit être d’or. massif. Voyez Chinoise (Architecture).
Tous les peuples de l’Asie employèrent de même la porcelaine ou la faïence. On en trouve les preuves les plus anciennes dans un grand nombre d’édifices, qui remontent au temps des califes et des premiers sultans, c’est-à-dire, long-temps avant la prise de Constantinople. En effet, les kiosques, les bains, les mosquées et les tombeaux que les Turcs ont fait construire en Asiė mineure, et dans l’ancienne capitale du l’Empire Ottoman, sont presque tous décorés, et avec profusion, de carreaux de majolica ou faïence peinte et vernissée au feu. A l’exception des figures humaines, dont la représentation est proscrite par le Koran, cette faïence offre en fruits, en fleurs et autres objets, les dessins les plus variés, et tous remarquables par la vivacité de leurs couleurs.
Dès le quatorzième siècle, et peut-être fort antérieurement à cette époque, la Perse avoit des fabriques de faïence que Chardin compare à la porcelaine de la Chine : « Les potiers persans, dit le même voyageur, réussissent particulièrement à fabriquer des carreaux d’émail peints et taillés de moresques. Il ne peut se rien voir de plus vif et de plus éclatant, en cette sorte d’ouvrage, ni d’un dessin plus égal et plus fini. » Chardin entend par ces mots taillės de moresques, des dessins découpés à jour, ou bien sċulptés en relief, et revêtus ensuite de couleurs émaillées. Ce seroit encore un trait de ressemblance avec les coupes, les vases, les corbeilles de faïence, qu’on fabriqua bien plus tard en Italie, dans les manufactures d’Urbin, de Gubbio et de Faënza.
La faïence moderne, comme l’on sait, tire son nom de celui de la ville de Faënza, où étoit, an quatozième siècle, la principale fabrique de cette matière qu’on appelle aussï majolica ou terra incetriata. C’est à un artiste de Florence, Luca della Robbia, qu’on dut, vers le milieu du quatorzième siècle, bien moins l’invention, que la rénovation d’un art jadis perfectionné, et dont on avoit presqu’oublié les élémens. Son procédé consistoit à revêtir la terre d’un vernis ou couverte, sorte d’émail blanc qui bientôt prit en effet, soùs ses maiùs intelligents, l’apparence du marbre, du bronze et d’autres métaux.
Luca della Robbia réussit au-delà de ses espérances, dans un cabinet de Cosme de Médicis, qu’il orna d’un pavé et d’une voûte offrant des dessins arabesques, où les couleurs les plus vives brilloient d’un éclat bien plus durable, que ne peut être celui de la peinture. Ce revêtement étoit formé d’un grand nombre de pièces de rapport si bien jointes, que le pavé, la voûte et les murs sembloient être d’une seule pièce. Parmi les églises qui sont ornées des ouvrages de Luca della Robbia, on doit citer San-Miniato al Monte à Florence, où l’on admire encore, dans la chapelle de Saint-Jacques, les quatre pendentifs avec les figures des Evangélistes, au centre le Saint-Esprit resplendissant de lumière. Le reste de l’espace est rempli par des écailles qui suivent la courbe de la voûte, et dont la grandeur va en diminuant jusqu’au centre.
La célèbre chapelle des Pazzi à Sainte-Croix, dans la même ville, est aussi ornée d’une grande quantité de figures et autres objets en faïence, et sur le tabernacle d’Or Saint-Michele, autre église de Florence, on voit un grand médaillon de la même matière.
Les frères de Luca della Robbia, Ottaviano et Agostino, travaillèrent par le même procédé. Andrea son neveu, bon sculpteur, exécuta une infinité d’ouvrages en terre émaillée pendant sa longue carrière qu’il termina on 1528. C’est à l’un de ses enfans, nommé Giovane, qu’on attribue le pavé de faïence des loges du Vatican, dont il existe encore quelques parties intactes.
Un autre de ses fils, Jeronimo della Robbia, fut appelé en France par François Ier.; il y apporta le secret de son aïeul, et orna de terres cuites colorées, le château de Madrid dans le bois de Boulogne. On se rappelle encore d’avoir vu les pavés et jusqu’aux murs extérieurs de cet édifice, revêtus de carreaux de faïence, qui offroient des dessins d’arabesques d’un fort bon goût. Plusieurs cheminées étoient ornées de figures, de bas-reliefs, d’accessoires et de devises en terre cuite émaillée. D’autres ornemens de la même matière étoient employés à la décoration architectonique de ce château, l’un des plus curieux monumens dont on ait à se reprocher la destruction.
Le secret de l’invetriatura, quant aux figures de ronde bosse, concentré dans la famille de la Robbia, ne fut entièrement perdu qu’en 1565, à la mort du dernier rejeton de cette famille.
Cent ans après, Antoine Novelli essaya de faire revivre cette branche de l’art, mais n’ayant pas complétement réussi, il renonça à son entreprise, et depuis personne n’a tenté d’en renouveler les procédés, et le goût de ce genre de décoration est tombé en désuétude.
Il reste plus qu’a examiner si l’on doit beaucoup de regrets a l’abandon de ce genre. Sans doute on ne proposeroit point d’employer cette matière en statues ni même en bas-reliefs d’une certaine étendue ; l’addition d’une épaisseur quelconque d’émail sur les œuvres de la sculpture, n’est propre qu’à en altérer le travail et en corrompre les formes ; mais on ne sauroit nier que l’emploi de la terre cuite émaillée, dans une multitude d’objets de décoration, ne joigne à l’agrément des couleurs et à la variété des figures, l’avantage d’un éclat supérieur à celui de la peinture, et d’une durée, qu’aucune autre matière ne sauroit égaler.
Cet art, intimement lié à celui de la plastique, fouruiroit des élémens d’une autre nature pour la décoration des édifices, et multiplieroit les occasions, aujourd’hui trop rares, d’y introduire de la sculpture, dont on considère l’emploi comme un luxe dispendieux. Les ouvrages de la plastique, que l’usage des moules reproduit avec beaucoup d’économie, seroient à la portée des fortunes médiocres.
Ils remplaceroient surtout, avec un immense avantage, ces décorations fragiles qu’on exécute en plâtre, matière qui a aussi peu de valeur que de durée. Les princes et les riches peuvent seuls se procurer, soit en originaux, soit en copie, les productions de la sculpture en marbre, pour décorer leurs habitations au dedans et au dehors. Les ouvrages en terra invetriata se conserveroient encore dans beaucoup d’endroits, où toutes les autres matières se détériorent. C’est surtout dans les lieux bas et humides, que leur emploi en revêtement auroit un grand avantage.
Quoique l’art et le goût d’ornement qui firent jadis le grand mérite des travaux dont on parle, n’entrent plus aujourd’uhi dans les pratiques et les habitudes de nos décorateurs, on ne laisse pas cependant d’employer encore les carreaux de faïence, soit en pavement ou en carrelage, dans des pièces basses, dans les cuisines, offices ou rez-de-chaussée, soit en lambris et revêtemens, et rien n’offre mieux cet aspect de propreté et même d’élégance, que la boiserie et les enduits ne sauroient ni donner, ni surtout conserver longtemps. (A. L. C.)
PORCHE, s. m. Ce mot paroît dérivé et formé du latin porticus, portique.
Le plus habituellement, porche se dit de ce local servant de vestibule ou de pièce d’entrée aux églises, et que l’on retrouve encore à la plupart des premières basiliques chrétiennes. On sait que, dans les premiers temps du Christianisme, un espace particulier, et qui précédoit le lieu d’assemblée des fidèles, étoit réservé pour séparer les nouveaux convertis ou les catéchumènes. Cet usage religieux ayant cessé d’avoir son objet, le porche ne fut plus, dans les églises, une pièce d’obligation, mais on le retrouve encore, sous la simple forme de portique, à un grand nombre d’églises plus ou moins anciennes.
L’idée de porche ainsi que sa signification, ont fini, dans l’architecture moderne, par se confondre avec celles de portique, de vestibule, et même de ces frontispices en colonnes qu’on élève en avant des édifices, soit civils, soit religieux.
Ainsi, l’on peut donner le nom de porche, dans l’église de Saint-Pierre de Rome, à ce beau vestibule sous lequel sont les portes d’entrée du temple, comme on le donnera, si l’on veut, à ce portique circulaire qui sert de vestibule au palais Massimi. On appellera porche, à Paris, l’espace clos qui précède l’église gothique de Saint-Germain-l’Auxerrois, et cet espace formé en avant de l’église de Saint-Sulpice, par les colonnes doriques de l’ordre inférieur, qui entre dans la composition du frontispice de ce monument.
On donne aux porches différens noms, comme aux péristyles, selon le nombre de colonnes qu’on y emploie, et on les appelle tétrastyle, exastyle, octostyle, etc.
On dit aussi :
Porche cintré, celui dont le plan est sur une ligne courbe. Tel est celui du palais Massimi à Rome, qu’on a cité plus haut.
Porche circulaire. Porche dont le plan forme un cercle ou une partie d’un cercle régulier. Tel est celui que Pierre de Cortone a construit en avant du portail de l’église de Notre-Dame de la Paix, à Rome.
Porche fermé. Espèce de vestibule fermé au devant d’une église par des grilles.
Porche en tambour. C’est en dedans de la porte d’une église, un bâtis de menuiserie avec plafond, qui sert à garantir l’intérieur de la nef, soit de la vue des passans, soit des inconvéniens de l’air extérieur.
PORINUS. C’est le nom d’un des quatre architectes qui, selon Vitruve, jetèrent, au temps de Pisistrate, les fondemens de ce grand temple de Jupiter Olympien à Athènes, Qui ne fut terminé que sous le règne de l’empereur Adrien, et dont les restes subsistent encore.
Les associés de Porinus furent Antistates, Calleschros et Antimachides.
PORINUS ou PORUS. Nom qu’on donnoit à une pierre qui paroît avoir servi à l’architecture comme à la sculpture : lapis porinus.
Selon Théophraste et Pline, c’étoit une sorte de marbre. Le porinus, soit par sa belle couleur blanche, soit par sa densité, ressembloit beaucoup au marbre de Paros, avec lequel quelques interprètes l’ont mal-à-propos confondu.
Le porus, dit Théophraste, a la légèreté du tophus. Cette pierre qu’on ne connoît plus aujourd’hui, se trouvoit dans l’Elide, et Pansanias nous apprend que le temple de Jupiter d’Olympie en étoit bâti. Le bois sacré de l’Altis étoit environné d’une enceinte, en manière de balustrade ou mur d’appui bâti de porinus.
Quelques auteurs ont parlé de statues exécutées avec cette pierre, et entr’autres d’un Silène, vis-à-vis duquel Andocides plaça le trépied qu’il avoit gagné au concours du Dithyrambe.
PORPHYRE, s. m. Sorte de pierre extrêmement dure, dont le fond est communément rouge ou brun, quelquefois vert et marqué de petits points blancs. La finesse de son grain permet de lui donner le plus beau poli. Cette substance comporte toutefois des variétés de nuances assez nombreuses. On les distingue en noires, grises, vertes, rouges, brunes et violettes, Il faut mettre au rang des porphyres le serpentin, appelé jadis ophytes, à cause de la couleur de ses taches qui le font ressembler à la peau de certains serpens.
Le plus beau porphyre, celui qu’employèrent de préférence les anciens Romains, venoit d’Egypte. On ignore aujourd’hui de quelles carrières on le tiroit. On croit en avoir depuis peu retrouvé quelques indications, dans les déserte qui sont entre la Mer-Rouge et le Nil, comme aussi dans ceux qui avoisinent le mont Sinaï.
On ne sauroit dire ni à quelle époque les Egyptiens exploitèrent les carrières de porphyre, ni précisément à quels ouvrages ils l’employèrent. Très-certainement il n’entra jamais dans leurs constructions. D’abord on n’en trouve, aucun vestige parmi les ruines si nombreuses de leurs monumens, et ensuite la dureté de la matière seroit devenue le plus grand obstacle à un emploi de ce genre. C’est uniquement en sarcophages qu’on suppose assez généralement, que cette matière fut travaillée en Egypte, Beaucoup de ces monumens sont effectivement passés d’Egypte en Italie, et l’on en peut citer plusieurs d’un travail assez peu fini, qu’on a cru, à cause de cela, pouvoir atlribuer à la sculpture égyptienne. Tel est, au Musée royal, ce sarcophage de porphyre qui appartint jadis à M. de Caylus, et qu’on a jugé depuis ne pouvoir être qu’un ouvrage de temps fort postérieurs à ceux de l’antique Egypte. Il est constant d’ailleurs par la nature même de ce monument, ainsi que de quelques autres sarcophages (de ce nombre est celui du mausolée de la chapelle Corsini à Saint-Jean de Latran), que les anciens Egyptiens n’admirent point dans leurs inhumations et dans leurs usages de conserver les corps morts, la forme de sarcophage dont il s’agit ici. Ce fut sous la figure de momie qu’ils firent en matières dures les enveloppes des corps embaumés, à la ressemblance des caisses en bois peints dont l’usage étoit général.
Si l’on en croyoit cependant un passage de Pline (liv. 36, chap. l3), il y auroit eu dans le le célèbre labyrinthe de l’Egypte des colonnes de porphyre, intùs columnœ de porphyrite lapide. Malheureusement cette autorité a fort peu de
poids, si l’on considère, que d’abord tout ce qui regarde la description de ce monument repose sur les notions les plus incertaines, qu’ensuite beaucoup de colonnes jadis, comme il arrive encore aujourd’hui, purent passer pour être de porphyre, uniquement à cause de leur couleur rouge, Beaucoup de matières, telles que le granit rouge, les marbres de même couleur, ont induit en erreur un très-grand nombre de voyageurs.
On ne sauroit nier cependant que l’architecture ait exploité, surtout au temps des Romains, le porphyre en Egypte, et qu’on en ait fait des colonnes, qui furent, à des âges divers, transportées en Italie surtout, et d’Italie probablement dans d’autres pays, comme ; à Constantinople, qui s’embellit aux dépens de Rome et de beaucoup de villes de l’Asie mineure.
A en croire les relations des voyageurs, il y auroit dans Sainte-Sophie dix colonnes da porphyre, dont on porte la dimension à quarante pieds en hauteur. On croit être de la même matière la colonne triomphale de cette ville, qu’on appelle la colonne brûlée, et l’on estime que ce seroit le plus grand morceau de ce genre, s’il fut jadis d’une seule pièce. Mais il est permis d’en douter, parce que cette colonne est reliée à différentes hauteurs par des cercles de bronze.
L’église de Saint-Marc à Venise est ornée de beaucoup de colonnes de porphyre, et on en voit un grand nombre dans les églises de Rome, entr’autres celles qui supportent le baldaquin de Sainte-Marie-Majeure. Des tronçons de colonnes en porphyre servent de bornes dans plus d’un endroit de la ville.
A en juger par d’autres grands ouvrages de cette matière, c’est-à-dire par le goût de leur sculpture et par la nature des sujets, on auroit exploité le porphyre en Egypte plus particulièrement dans les bas siècles de l’Empire romain. Ainsi un des plus grands ouvrages de ce genre, ce qu’on appelle le tombeau de Bacchus à Saint-Etienne-le-Rond, et qui représente des Amours faisant vendange, ne semble pouvoir s’attribuer qu’aux temps d’un art fort dégénéré. On en doit dire autant du tombeau encore plus considérable qu’on admire au Muséum du Vatican, et qui fut restauré à très-grands frais par le Pape PIE VI.
C’est aux travaux de cette restauration, à la longueur du temps qu’elle exigea, qu’on fut à même de se convaincre, que les Anciens dûrent avoir, pour travailler le porphyre, ou une trempe d’outils, ou des procédés qui se sont perdus.
Dès que le porphyre fut connu à Rome, la dureté de la matiere, son beau poli, et sans doute aussi sa rareté et la clierté qui s’ensuit, le firent rechercher par cette classe de gens riches, qui n’aiment à posséder que ce que les autres ne sauroient se procurer. Pline nous apprend que ce fut sous le règne de Claude, qu’un certain Vitrasius Pollio, gouverneur de l’Egypte, fit voir pour la première fois, à Rome, des statues de porphyre rouge, de celui qu’on appeloit leptopsephos (marqué de petits points blancs). Cette nouveauté, ajoute l’historien, n’eut point de succès, et sans doute personne depuis n’a imité cet exemple.
Ple eut raison pour son siècle, et il est possible que jusqu’à son temps, ce genre de matière, à la vérité peu favorable à la sculpture, n’ait plus été employé ; mais il est certain que depuis lui, le porphyrerouge fut mis en œuvre pour les portraits et les statues. Plus d’une figure des bas siècles le prouve.
Au reste, il est également démontré par un grand nombre de restes et de fragmens de statues de porphyre, que l’habileté dans le travail de cette matière, fut porté à un point qu’on a de la peine à concevoir aujourd’hui. Le seul fragment de statue drapée en porphyre rouge, qu’on voit sur la montée du Capitole, a Rome, présente des parties fouillées, et ce qu’on appelle en sculpture des noirs, qui eussent été déjà des difficultés dans l’exécution des marbres ordinaires. Il fallut donc pour les vaincre sur une matière aussi réfractaire que le porphyre, des procédés mécaniques dont les ressources nous sont inconnues.
Aujourd’hui, en effet, nos outils coupans et la trempe du ciseau ne sauroient parvenir à l’entamer. On n’y parvient qu’en employant le martelet, qui n’agit qu’en piquant. Aussi a-t-on renoncé a en faire autre chose que des ouvrages de simple curiosité, comme vases, soucoupes, etc.
Nous croyons devoir consigner ici, sur le travail du porphyre, la particularité suivante.
Au temps des Médicis, époque à laquelle se rapportent tant d’inventions modernes, on trouva le secret de tremper l’acier, et de lui donner une telle dureté, qu’on parvint à fabriquer des outils qui tailloient avec facilité le porphyre. Cette découverte, qui date de 1555, parut si importante, qu’on l’attribua au grand-duc de Toscane Côme Ier, qui aimoit à se délasser de ses grandes occupations, par des expériences de physique et de chimie. Ne pouvant opérer lui-même en sculpture, il communiqua le secret de la trempe de l’acier à François del Tadda Ferrucci, sculpteur de Fiesole, pour le mettre en œuvre, et il fit exécuter d’abord sous ses yeux de petits bas-reliefs sur porphyre, dont il se plaisoit à faire des cadeaux.
Cependant, si on s’en rapporte aux expressions de quelques actes publics, et de l’épitaphe de Ferrucci, dans lesquels on le nomme inventeur ou rénovateur de l’art de tailler le porphyre, on seroit tenté de croire qu’il auroit été- lui-même auteur de la découverte du secret, qui s’est longtemps encore conservé dans sa famille.
Quoi qu’il en soit, François del Tadda tira d’un bloc énorme de porphyre la grande Vasque avec son piédouche, qu’on admire au palais Pitti. Il fit aussi le buste de Côme Ier. et celui de la grande-duchesse son épouse.
En 1563, le Pape avoit envoyê au grand-duc une belle colonne de granit, qu’on érigea sur la place de la Sainte-Trinité, dans le lieu même où Côme avoit reçu la nouvelle d’une victoire. Ce prince voulut y faire élever une figure de la justice. Il chargea Ferrucci de la sculpter dans un bloc de porphyre : ce que le statuaire exécuta. Le peu d’épaisseur de la matière l’obligea d’y faire par-derrière une draperie de rapport en bronze, accessoire mis en rapport avec certains détails d’attributs aussi de métal.
Après avoir fait beaucoup d’autres ouvrages de porphyre, ce qui prouve, par la célérité de l’exécution, la facilité même du travail, il transmit son secret à son fils, qui ne se distingua que par l’imitation fidèle de figures d’animaux.
Le secret passa à plusieurs autres artistes, du nombre desquels fut Raphael Curradi, qui fit en porphyre le buste de Côme II, qu’on voit dans la galerie à Florence.
Baldinucci cite encore Cosimo Salvestrini connu par d’autres ouvrages, comme ayant possédé l’art de tailler le porphyre.
C’est le dernier dont il soit fait mention, et nous croyons que si l’on visoit à retrouver ce secret, ce seroit à Florence qu’il faudroit aller suivre sur les traces des ouvrages cités, les notions qui pourroient indiquer la route à prendre dans cette recherche.PORT, s. m. C’est, pour la mer, un espace en forme d’anse, un petit golfe, un bassin donné par la nature des terrains et des rivages, ou crensé par l’art, et disposé de manière à y recevoir les vaisseaux, à les mettre en sûreté, et à pouvoir les charger et les décharger avec facilité.
C’est, pour une rivière, un espace choisi sur-la rive, qui soit commode à l’approche des bateaux, et d’un accès facile pour le transport des marchandises qu’on doit charger ou décharger.
Le Dictionnaire d’Architecture n’a guère à s’occuper des ports que sous le point de vue des travaux de construction que leur situation peut exiger, ou des embellissemens dont les villes peuvent environner leur enceinte.
En général les ports de mer sont fermés par des môles, des digues ou des jetées à l’entrée desquelles on élève un fanal. (Voyez ce mot.) On construit aussi sur leurs bords, des quais, ou des plates-formes exhaussées, d’où l’on commnique plus facilement avec les vaisseaux qui s’en approchent. Les grandes enceintes ordinairement circulaires des ports se trouvent bordées d’édifices, et peuvent recevoir des monumens qui contribuent à leur célébrité, comme à la beauté de leur aspect. Rien, en effet, ne leur donne plus de magnificence que la perspective de la ville qui, selon la diversité des terrains, s’élève au-dessus d’eux par amphithéâtre, ou des grandes constructions auxquelles les seuls magasins, bâtimens d’usine ou ateliers peuvent donner lieu.
Ainsi le port de Phalère à Athènes ne se trouvant ni assez grand, ni assez commode pour la splendeur de la ville, on fit, d’après l’avis de Thémistocle, un triple port qu’on entoura de murailles. Suivait Cornelius Nepos, il égaloit la ville en beauté et la surpassoit en dignité. C’étoit là qu’avoit été construit par Philon, ce célèbre armamentarium ou arsenal de marine, qu’on a vanté comme un des grands ouvrages d’Athènes. On y avoit bâti cinq portiques superbes et trois magnifiques temples consacrés à Jupiter, à Minerve et à Vénus. C’étoit là que se trouvoit la fameuse bibliothèque d’Apellicon, dont Diogène Laerce a donné le dénombrement. Plus d’un débris d’antique construction atteste encore aujourd’hui, les grands travaux qui embellirent jadis le port du Pirée, et c’est de la que furent enlevés par les Vénitiens, les lions de marbre qui décorent l’entrée de l’arsenal de Venise.
Vitruve nous a laissé sur la ville d’Halicarnasse en Carie quelques notions, qui peuvent nous donner une idée de ce que l’aspect de son port devoit offrir de pittoresque. Sa configuration étoit circulaire, et le terrain qui le surmontoit se déployait en forme de théâtre. Dans la partie basse qui se rapprochoit du port, Mausole avoit établi le forum ou la place publique. Des rues circulaires, comme les gradins d’un théâtre, divisoient, à ce qu’il paroît, toute la montée sur laquelle la ville étoit bâtie, et au milieu étoit pratiquée une rue semblable, mais beaucoup plus large ; et au centre de la vaste place qui s’y trouvoit, fut bâti le célèbre tombeau qu’on appela Mausolée. A la droite du château de la citadelle s’élevoit le temple de Vénus, auquel correspondoit de l’autre côté le palais du Roi. Ce peu de détails peut donner à entendre quelle fut la richesse et la variété d’aspects que présentoit le port d’Halicarnasse.
Les ports les plus célèbres de l’antiquité grecque furent ceux d’Alexandrie, de Rhodes, de Messine, et nous voyons par l’histoire que les arts se plurent à les embellir des plus dispendieux moumens, témoin le phare célèbre qui immortalisa le nom de Sostrate à Alexandrie, et le fameux colosse de bronze planté à l’entrée du port de Rhodes.
Les Romains, beaucoup moins navigateurs et commerçans que les Grecs, dûrent mettre, d’après leur politique, d’autant moins d’importance à la construction et à l’embellissement des ports, que d’une part le commerce ne constitua jamais leur richesse, et que, d’autre part, ce fut à leurs armées de terre qu’ils dûrent l’agrandissement et la continuité de leur Empire.
Rome d’ailleurs située à quatre ou cinq lieues de la mer, ne connut long-temps d’autres ports, que ceux que son approvisionnement lui avoit rendus nécessaires sur les bords du Tibre. Si l’on en croit Suétone, ce fut sous Claude que le port d’Ostie vint en quelque sorte faire de Rome une ville maritime. Cet Empereur y fit deux levées à droite & à gauche, et un môle à l’entrée. Il étoit situé a l’embouchure du Tibre et avoit deux entrées, au milieu desquelles s’élevoit une tour à l’instar du célèbre phare d’Alexandrie, pour éclairer la marche et l’entrée des vaisseaux, L’empereur Trajan restaura ce port, l’agrandit, le doubla même, en y ajoutant un pareil espace qui se trouva renfermé dans les pans d’un hexagone. Cet ensemble, qui offroit aux bâtimens un abri sûr et commode, présentoit encore aux yeux toute la grandeur, tout le luxe de l’architecture, dans la décoration des édifices dont il étoit environné, lesquels avoient des destinations différentes, et toutefois communiquoient entr’eux par de larges galeries. Ainsi, on y voyoit des greniers, des magasins, de vastes fabriques et dépôts, des hôtelleries pour les étrangers de toutes classes, et jusqu’à des palais pour y recevoir des ambassadeurs qui y abordaient pour se rendre à Rome. Les médailles de Néron représentent ce port presque rond. Il est hexagone sur une médaille de Trajan, avec l’inscription : Port. Ost.
La grande extension de la navigation chez les peuples et dans les temps modernes, l’accroissement en nombre et en dimension des vaisseaux, surtout des bâtimens de guerre, n’ont pu que multiplier les ports de mer, en augmenter l’étendue, et sans aucun doute, la marine des Anciens ne fut qu’un foible essai de celle des Modernes. On alongeroit donc considérablement cet article, quand on se borneroit à ne faire qu’une courte mention des célèbres ports de mer, qui existent chez toutes les nations de l’Europe.
D’ailleurs nous l’avons dit au commencement, nous n’avons à considérer les ports de mer, que sous le rapport de l’art de la construction et de l’architecture. Ce qui regarde la construction est commun à beaucoup d’autres travaux, dont les notions se trouvent à un grand nombre d’articles. Quant à l’art proprement dit de l’architecture qui embellit les ports, peut-être l’esprit de commerce qui a fait creuser tant de ports et construire tant de vaisseaux chez les peuples modernes, s’est-il trouvé moins favorable à ces entreprises de magnificence et de luxe, qui furent un des caractères du génie de l’antiquité.
Plus d’un port moderne offre sans doute des aspects intéressans, mais peut-être ne trouveroiton à citer comme entreprise de magnificence en fait de bâtimens, que le port de Messine, avant le dernier tremblement de terre. Son contour étoit formé, dans la longueur d’un mille, par une façade fort riche de bâtimens uniformes et symétriques, percés d’autant d’arcades qu’il y a de rues aboutissant à la mer.
PORTAIL, s. m. Nous trouvons dans quelques lexiques, que le mot portail signifie la principale porte d’une église avec les ornemens qui l’accompagnent. On trouve dans d’autres, que le nom de portail se donne à l’entrée des palais et d’autres édifices.
Sans aucun doute, ce mot qui n’est qu’un augmentatif du mot porte, dut être employé fort anciennement à signifier les entrées principales des églises, des palais et des monumens publics. Comme laporte de tout édifice se présente ordinairement à sa façade principale, il a toujours été naturel d’y appliquer des accessoires qui la distinguent des portes ordinaires, dans les maisons des particuliers. Ainsi, la porte donna, chez les Anciens, son nom à l’ensemble dans lequel elle se trouva comprise. De-la le mot portique. De même dans les édifices sacrés ou profanes du moyen âge, qu’on connaît sous le nom de gothiques les entrées des monumens sirent partie de ces grands arcs aigus qui en composoient les frontispices, et qui recevoieut cette multitude de sculptures, de petites colonnes et ’emblêmes divers que chacun connoît. Il arriva donc que la porte donna aussi son nom à cet ensemble, et de proche en proche à la totalité de la composition architecturale et décorative du monument.
Depuis lors le mot portail, dans l’usage ordinaire, est resté affecté aux frontispices des églises. Quoiqu’il soit possible de l’appliquer encore aux façades des palais et des monumens civils, dont l’architecture se plaît à décorer les entrées avec plus de luxe et de magnificence, nous renverrons les notions de ce genre au mot PORTE (voyez ce mot). Nous ne prendrons ici le mot portail que sans l’acception de frontispice d’église.
On a déjà, en plus d’un endroit, fait remarquer la très-grande différence que la religion dut mettre entre les temples du paganisme, et les églises du christianisme. Le mot église seul l’indique et en donne la raison. Ecclesia, église, veut dire assemblée. Le culte payen ne réunissoit point ses adorateurs dans lintérieur des temples, par des pratiques et des cérémonies obligatoires. Le temple intérieur n’étoit que la demeure du dieu, c’est-à-dire, de sa statue ; le plus grand nombre des cérémonies et des sacrifices se pratiquoit en dehors. La société chrétienne demanda, dès l’origine, de grands espaces clos et intérieurs. La basilique fut l’édifice antique qui convint le mieux à ses usages. Ce fut à l’instar des basiliques que les premières églises furent construites, soit pour la forme, soit pour l’étendue.
Mais la basilique, ainsi qu’on peut s’en convaincre, et par les monumens et par les notions de Vitruve, exigeoit un intérieur très spacieux et une fort grande élévation, puisqu’il y avoit deux rangs de colonnes l’un au-dessus de l’autre, et ce que nous appellerions des travées tout à l’entour. La basilique d’ailleurs, faisant partie du forum, entroit dans un ensemble de bâtimens, qui ne permettoit pas d’en faire toujours un édifice entière-
ment isolé. L’ordonnance extérieure des temples, surtout des temples périptères, ne pouvoit point s’y appliquer, et leur hauteur comparée à leur largeur, n’eût pas permis de donner à leur entrée ces portiques, ou péristyles en colonnes, qui portoient le fronton à la hauteur du comble de l’édifice.
Telles se montrent à nous ces premières basiliques chrétiennes, formées à l’instar des basiliques profanes, d une nef très-élevée, et de bas côtés, ce qui au dehors repoussa le système d’unité d’ordonnance des temples antiques.
Aussi voyons-nous que l’architecture ne pouvant appliquer à de telles élévations une ordonnance simple et régulière, laissa subsister en dehors les masses de la construction sans les orner. On se contenta de placer en avant de l’entrée, un petit portique qui ne tient en rien à la masse générale. Cette disposition se trouve être assez uniformément la même à toutes les anciennes basiliques chrétiennes de Rome. Quelquefois la peinture ou la mosaïque furent employées à orner la façade antérieure du corps de bâtiment, lequel, formant la nef, s’élève au-dessus de la masse subordonnée des bas côtés.
En un mot, nous ne voyans point que l’architecture ait alors tenté d’appliquer à l’incohérence des masses d’un tel ensemble, aucune composition, soit en se raccordant à chacune des parties, soit en les masquant par ces devantures qu’on appelle aujourd’hui portails.
Ce qu’il importe de faire remarquer dans l’historique de cette partie de l’architecture moderne, c’est que les premiers monumens religieux du christianisme à Rome, se composent tous d’une nef extrêmement élevée, et des bas côtés qui furent ainsi appelés, comme étant toujours de moitié moins hauts que la nef.
Ce fut donc là le modèle des temples chrétiens ; et nous ne saurions douter qu’on l’ait imité, dans toutes les églises, auxquelles succédèrent, vers le douzième siècle, eu Europe, ces grands monumens de l’architecture qu’on nomma gothique. (Voyez ce mot. ) A cela près du goût de construction et de décoration, qui donne à ces édifices, au dehors surtout, un caractère si différent de celui des premières basiliques, et en général de celui qui s’étoit perpétué en Italie dans les ouvrage contemporains, l’aspect, l’ensemble et l’ordonnance des intérieurs de presque toutes les grandes églises gothiques, ne nous présentent autre chose, que l’imitation des plans et des élévations des primitives églises ; c’est-à-dire une très-grande et très-haute nef, accompagnée d’un ou deux rangs de bas côtés, de beaucoup inférieurs. Ce sont les plans et les élévations des basiliques de l’ancien Saint-Pierre et de Saint-Paul à Rome, ainsi que de Sainte-Marie-Majeure. La seule différence est dans l’emploi des piliers au lieu de colonnes.
Les gothiques n’ayant point ce qu’on doit appeler un système d’architecture ou, ce qu’on voudroit appeler ainsi, n’étant, quant à la décoration et à l’ordonnance des parties, qu’un mélange arbitraire de formes nées de toutes sortes de débris, sans convenances tatives, sans aucun principe de ce goût qui demande que chaque chose ait sa raison, que chaque détail explique le motif le son emploi, les constructeurs des églises n’éprouvèrent aucun embarras pour en décorer les frontispices. Avec les tours qu’ils élevœnt à l’entrée des églises, avec les arcades aiguës, aveu les grandes roses, les clochetons, les pyramides, et à l’aide d’une quantité innombrable de figures, de reliefs, de sculptures, d’ornemens mille fois répétés, ils sirent de leurs portails, des recueils indigestes de tout ce que l’art peut créer de plus difforme.
Quelques-uns cependant présentent des masses et des lignes qui, vues de très-loin, offrent quelque chose d’assez imposant. C’est tout ce qu’on doit dire des frontispices d’églises gothiques. Ils perdent à mesure qu’on en approche, et qu’on en voit les détails. La multiplicité, l’incohérence, le goût maussade de l’ornement, l’ignorance de toute imitation, la barbarie du dessin, révoltent les yeux et rebutent l’esprit.
En Italie toutefois, ce qu’on appelle le goût gothique, appliqué aux portails des églises, fut préservé de cette barbarie, par certaines traditions de l’antiquité qui ne manquèrent, en aucun temps, de réfléchir quelques lueurs sur tous les ouvrages de l’art. Mais telle étoit la disposition, telle étoit la conformation extérieure de ces grandes bâtisses, toujours composées de deux parties, savoir, d’une nef très-exhaussée et de bas côtés, que jamais il fut possible d’adapter une ordonnance unique, selon le principe des anciens temples, à des constructions qui, au lieu d’offrir un seul corps, en présentoient deux, et de mesures si différentes.
La décoration des frontispices d’églises fut donc, dès l’origine, tout-a-fait arbitraire, parce que le fond de la construction ne lui presentoit ni un tout simple, ni des parties concordantes. Il ne fut plus question d’y pratiquer des colonnades isolées, ni de ces péristyles à l’antique, dont les frontons s’élevant jusqu’à la toiture, en étoient la continuation, et s’adaptoient avec autant d’harmonie que de symétrie, au corps principal de l’édifice. On a vu que la hauteur des nefs fut un obstacle invincible a l’imitation de l’architecture antique. Le frontispice de l’église se présentoit comme un mur, dont il falloit se contenter d’orner la surface, en la ravetissant de marbres, de matières précieuses et d’ornemens de sculpture, auxquels nul type donné ne pouvoit servir de régulateur.
A quelques unes des plus anciennes cathédrales de l’Italie, telles que celle de Pise et celle de Milan, l’architecture semble s’être occupée du soin
de conserver dans ses compositions décoratives de frontispices, l’idée et la forme de la masse donnée par la construction.
La grande église de Milan nous offre, entre les deux tours qui flanquent son frontispice, une masse dont l’ensemble rappelant, par sa forme pyramidale, l’idée de fronton ou de toiture, paroît être revenu à l’unité du type de la construction. On n’y voit point la masse subordonnée des bas côtés. Toutefois la hauteur de la grande nef n’auroit pu permettre d’appliquer à sa façade une ordonnance de colonnes isolées, en manière de péristyle. Cette grande superficie devint donc, comme on l’a vu depuis à tant d’autres églises, la matière d’une décoration tout-à-fait arbitraire, et consistant en appliquages de toutes sortes de parties d’ornemens. C’est ce qu’on a depuis appelé portail de bas-relief. Celui de l’église de Milan ne sauroit être décrit par le simple discours ; et cela seul y découvre le vice produit par la multiplicité d’objets, qui furent l’ouvrage de plus d’un siècle et l’amalgame de styles fort divers.
La cathédrale de Pise, dont la construction date du onzième siècle, est remarquable dans son frontispice, par l’absence des pratiques gothiques, et le retour aux détails d’architecture antique, dont plus d’un reste s’étoit conserveé dans cette ville, ou y avoit été apporté du dehors. La façade de cette église se trouva aussi subordonnée aux deux masses inégales de la nef du milieu et des nefs collatérales ou inférieures. L’architecte divisa son frontispice en deux parties, l’une qui, composée dans le bas d’un portique en colonnes adosses, et de deux rangs supérieurs de petites colonnes appliquées a la construction, s’élève jusqu’à la hauteur des bas côtés ; l’autre qui se rétrécit dans le haut selon la largeur de la nef, et offre une rangée de petites colonnes surmontées d’un frenton, lequel arrive jusqu’à la hauteur du pignon de la nef, et s’y coordonne exactement.
Les grandes églises d’Italie qui furent élevées dans les deux siècles suivans, selon le système d’une grande nef et de bas côtés, ne semblent avoir offert a tous les architectes qui tentèrent d’en décorer les frontispices, qu’une sorte de problème décoratif, dont aucun talent ne donna de solution. Aussi voyons-nous que la plupart de ces grands vaisseaux sont restés, sans avoir été terminés dans leursportails.
On ne sauroit lire l’histoire des architectes de ce temps, sans y remarquer que le plus grand nombre d’entr’eux, soit volontairement, soit sur les demandes qui leur furent faites, proposèrent des projets de décoration pour les portails, par exemple, de Saint-Laurent et de Sainte-Marie-des-Fleurs à Florence, de Saint-Pétrone à Bologne, et de diverses basiliques du même genre. Ce qu’il faut remarquer encore, c’est qu’aucun de ces projets ne fut ni adopté, ni réalisé, et ces vastes bâtimens sont restés jusqu’à nos jours incomplets dans leur état extérieur. A Florence, la marbrerie en revêtissement, par bandes de marbre de deux couleurs alternatives, a. fait seule les frais de décoration de quelques portails.
Il n’est pas étonnant que l’architecture n’ait pu réussir à, faire adopter, même par les plus habiles artistes, aucun projet pour ces vastes frontispices d’église. Quand cet art manque d’un type régulateur de ses compositions pour opérer, on manque aussi, pour en juger, d’un principe fixe. Les idées des plus célèbres architectes ne pouvoient consister qu’en plucages d’ordonnances à plusieurs étages, de niches, de sculptures, de bas-reliefs et d’objets tout-à-fait arbitraires, c’est-à-dire, qu’aucune raison, aucun emploi nécessaire, ne commandoient. De là l’incertitude dans les jugemens. Enfin, il est probable que la dépense de pareils revêtissemens en fit de plus en plus ajourner l’exécution.
Palladio, dans le seizième siècle, eut l’occasion de construire à neuf quelque églises, toujours dans le système d’une nef double en hauteur de ses bas côtés, et il eut aussi l’avantage de pouvoir élever tout ensemble, et le corps de l’église et le portail qui devoit en annoncer l’entrée, en décorer le frontispice. Ce savant et judicieux architecte (comme on l’a dit à son article, voyez Palladio) eut, mieux que tout autre, le secret d’accommoder les formes de l’art antique aux besoins des Modernes. Il est encore celui qui fut le mieux suivre les Anciens, non pas en copiste, en faisant ou refaisant ce qu’ils avoient fait, mais en imitateur, homme de génie, c’est-à-dire en faisant comme auroient fait ces mêmes Anciens, si, revenant au monde, ils avoient eu à travailler pour d’autres convenances. Prenant donc, comme type voulu par le besoin du culte chrétien, la forme de construction extérieure des églises, au lieu de ces frontispices, où l’extérieur se trouve sans aucun rapport avec l’intérieur, il voulut que le dehors accusât le dedans, et qu’on pût apprendre par le portail, ce qu’étoient les parties du local interne. En cela consistent beaucoup le mérite et le plaisir de l’unité dans les monumens.
Palladio, dans presque toutes les églises qu’il projeta, et dans celles qu’il construisit a Venise, telles que les églises du Rédempteur et de Saint-Georges-Majeur, imagina, en se conformant aux deux masses extérieures, l’une de la nef, l’autre des bas cotés, d’orner la première d’un grand ordre couronné d’un fronton qui se raccordât avec le comble de la toiture. Figurant ensuite les masses rampantes de chaque bas côté, par une partie de fronton, qu’interrompt le grand ordre, il fit régner en arrière de cet ordre, la base des deux frontons interrompus par le grand ordre, et il fit volontiers supporter ce fronton, par un ordre plus petit de colonnes adossées ou de pilastres.
Le système des portails de Palladio, outre l’avantage qu’il a de se conformer à la disposition élémentaire des élévations, a encore pour la vraisemblance et la raison, celui de ne pas tromper sur l’intérieur du local. Tout ordre d’architecture indique un étage, et rien de plus contradictoire avec la réalité d’un intérieur sans étage, que cette apparence d’une pluralité d’étages, que donnent à l’extérieur, lesportails composés de plusieurs ordres, l’un au dessus de l’’outre.
Cependant il ne paroît point que l’exemple de Palladio ait été suivi par ses successeurs.
Le dix-septième siècle vit élever un très-grand nombre d’églises en Italie, et dans le reste l’Europe catholique. Presque toutes, à l’exception de quelques-unes, construites en rotonde, furent bâties, selon l’usage devenu général, d’une nef exhaussée avec des bas côtés. Alors devint aussi générale la mode des portails, ou devantures à plusieurs ordres l’un au-dessus de l’autre, pour masquer, autant qu’il seroit possible, le comble des toitures de la grande nef. La siècle qui vit bâtir ces églises, fut aussi celui ou l’esprit d’innovation acquit son plus haut degré, dans l’architecture. Alors disparut entièrement de la décoration des édifices, le principe qui tend à fonder l’agréable sur l’utile. Alors on ne visa plus (ainsi que l’a dit Fénélon) à tourner an profit de l’ornement les parties nécessaires de la construction, mais à mêler les détails de la construction, avec les détails inutiles d’une décoration arbitraire. L’accessoire devint principal, et l’on regarda tout ce qui constitue un édifice, comme la matière sur laquelle l’imagination pouvoit improviser, en se jouant, toutes les formes que le crayon savoit produire. Il n’y eut plus lieu du demander ā aucune forme sa raison, à aucune ordonnance le principe de sa disposition. Les portails ne tenant plus au type de la conformation intérieure des églises, ne furent plus que des espèces de cadres, où l’architecte étoit libre de renfermer tous les genres de caprices.
Dans les pays où se répandit le goût dominant alors en Italie, on eut moins d’occasions de bâtir des églises nouvelles, mais beaucoup plus de substituer aux frontispices des églises gothiques des portailsdans le goût moderne. Au défaut inhérent à ce manque si révoltant d’unité, se joignit celui de ne pouvoir appliquer les nouveaux frontispices, aux corps tout-à-fait disparates de la construction précédente, sans multiplier les ordres de colonnes l’un au-dessus de l’autre, sans faire d’un portail une masse en quelque sorte isolée, destinée plutôt à cacher qu’à orner l’édifice du côté de son entrée, c’est-à-dire, d’un seul point de vue.
Les églises modernes qui furent construites, à Paris dans le cours de ce siècle, virent se reproduire le genre des portails à placard ou de bas-reliefs, dont l’Italie avoit multiplié les exemples. On doit dire cependant qu’en héritant de ce goût, les architectes français surent se garantir de l’excès de la bizarrerie de Buoromini, et de ses imitateurs. Ces sortes de devanture se prêtant, on ne peut pas moins, à la grandeur des inventions, et l’art s’y trouvant comme resserré dans une espèce de protocole de formes et de lignes stériles pour la composition et pour l’effet, l’artiste dut se borner à une sage exécution des parties de la modénature de chaque ordre. Quelques uns de ces portails ont acquis de la célébrité, comme offrant de bonnes proportions, de la pureté dans les détails, de la sagesse, et le caractère classique affecté a chaque mode de colonnes. De ce nombre fut, et par-dessus tous, le portail de l’église de Saint-Gervais par Jacques Debrosse.
Cependant la froideur de ces frontispices d’églises, la monotonie de leur composition, le peu d’effet des pilastres, des colonnes engagées ou adossées, qu’on est tenu d’y employer, sinirent par en amener le discrédit.
Vers le milieu du dernier siècle, les deux anciennes basiliques de Saint-Jean de Latran et de Sainte-Marie-Mujeure, à Rome, ayant été restaurées, la première par Clément XII et la seconde par Benoît XIV, les architectes Alessandro Galilei et Ferdinando Fuga composèrent leurs frontispices dans un tout autre système. Le besoin de ménager à ces portails une loge pour la bénédiction pontisicale, leur suggérèrent des masses nouvelles, qui se composèrent de deux, portiques à arcades l’un au-dessus de l’autre, et ils y déployèrent plus de richesse d’architecture. Quel que soit le genre du portail de Saint-Jean de Latran, et bien qu’on puisse le regarder comme tenant d’un goût plus théâtral que religieux, on ne sauroit nier que ce soit une masse des plus imposantes et des plus riches, et supérieure encore dan son ensemble à celle de Sainte-Marie-Ma-jeure.
On seroit tenté de croire que ce exemples ont pu influer sur l’idée et la composition du portail de la grande église de Saint-Sulpice à Paris, également formé de deux étages de portiques l’un andessus de l’autre ; mais celui-ci a l’avantage d’une ordonnance plus sage et d’un meilleur goût dans son portique inférieur.
Plus le goût et le style de l’antiquité reprirent d’autorité dans le dernier siècle, plus on vit, en France surtout, les architectes viser à se rapprocher des ornemens des temples antiques, dans les péristyles à colounes de leurs frontispices.
Ce n’est pas qu’il manque, antérieurement à cette époque, d’exemples de péristyle, en colonnes isolées au-devant de quelques églises. Ainsi à Rome, l’église de Sainte-Marie des Miracle (architecture de Rainaldi) et cette qui lui fait pendant, sur la place du Peuple, offrent chacune un portique de quatre colonnes corinthiennes. A Paris, l église de la Sorbonne, dans l’intérieur de la cour, et celle de l’Assomption ont aussi un péristyle formé de colonnes isolées ; mais ces sortes de portails s’adossent non à des nefs, mais à des coupoles, imitations plus ou moins heureuses du Panthéon de Rome. A la même époque, plu d’une église fut bâtie à Londres avec des péristyles saillans en colonnes isolées, et d’une heureuse proportion. Toutefois on doit dire que ces frontispices d’un fort bon style, ne présentèrent aucune difficulté pour se raccorder à leurs églises, presque toutes d’une assez petite dimension, d’un plan fort simple et d’une modique élévation.
C’est vers le milieu du dix-huitième siècle qu’on vit en France l’architecture, après avoir renoncé aux placages des portails d’église à plusieurs ordres, s’efforcer de se rapprocher des types et des élévations des temples de l’antiquité. L’église de Saint-Philippe du Roule à Paris, en est un des premier exemple. L’architecte (Chalgrin) visa à réunir la disposition des basiliques dans l’intérieur, à l’ordonnance des péristyles au dehors. A cette époque plusieurs autres églises, dont les événemens arrêtèrent l’exécution, avoient été projetées dans le même système et avec le même goût.
Mais alors deux monumens des plus remarquables dans la même ville, l’église de Sainte-Geneviève et celle de la Madeleine, sembloient avoir rivalisé à qui résolveroit le mieux le, problème d’unité entre une grande nef fort élevée et un péristyle à l’antique en colonnes isolées. L’église de la Madeleine, après avoir subi trois changemens successifs, n’est pas encore terminée ; mais celle de Sainte-Geneviève, achevée depuis long-temps, permet d’y considérer les difficultés attachées a cette sorte de solution.
Son péristyle en colonnes corinthiennes, le plus élevé qu’on connoisse, fait déjà voir par l’adjonction des colonnes latérales placées comme contrefort à la poussée de cette construction, la difficulté que les matériaux dans certains pays peuvent apporter à l’imitation des pratiques les plus usuelles chez les Anciens. On connoit ensuite l’artifice employé dans la construction des plates-bandes, ou des architraves formées de claveaux enchaîné par des armature de fer, ressource difficultueuse déja pratiquée et avec moins de danger dans la colonnade du Louvre, et dont la pratique n’a point encore été légitimée par la durée d’un espace de temps assez long pour en rendre l’emploi usuel. Enfin, les voûtes en pierre de cette église sont loin d’offrir dans leur construction cette simplicité toujours compagne de la solidité, et il est encore notoire qu’elles sont arc-boutées par des contre-forts, que cachent les murs extérieurs.
De tout ceci, il semble que l’on peut conclure que le système des péristyles (comme frontispices des temples) antiques n’a pu encore être adapté de la même manière, avec la même solidité, avec le même degré de simplicité, aux façades des églises chrétiennes, de celles surtout dont la vaste étendue intérieure exige dans ses nefs une hauteur proportionnée.
Ce qu’on dit, au reste, des grandes églises, objet de la difficulté qu’on vient de faire remarquer, ne s’applique point aux églises d’une plus petite dimension. Si quelques exemples modernes ont déjà reproduit une imitation assez satisfaisante des formes de l’antiquité dans les frontispices de ses temples, il y a lieu de croire que les nouveaux édifices qui se projettent dans de modiques dimensions, enhardiront les architectes à se rapprocher encore plus du système d’unité, qui peut seul mettre l’élévation extérieure d’une église, d’accord avec l’ensemble de sa construction intérieure.
PORTE, s. f. Ce mot, en architecture et dans l’emploi que le langage en fait, exprime deux idées, deux objets qui toutefois se rapportent le plus souvent au même usage, celui d’entrée dans un lieu quelconque.
Sous un de ces rapports, la porte, de quelque forme qu’elle soit, est une ouverture pratiquée, n’importe dans quelle sorte de construction, pour servir d’entrée quelque part et aussi pour en sortir.
Sous l’autre rapport, la porte est un ouvrage mobile diversement établi, formé de toutes sortes de matières, et qui sert à fermer plus ou moins l’ouverture dont on vient de parler, soit par raison, de sureté, soit pour tout autre motif.
Considérée suivant la première acception, la porte appartient, selon le degré de son importance, ou à la simple bâtisse, ou à l’art de l’architecture.
Considérée selon la seconde acception, la porte est, en raison de la matière dont elle est formée, du travail qu’on y applique, des détails qu’elle reçoit, un ouvrage qui appartient à divers procédés mécaniques, et aussi au goût de l’ornement et de la décoration.
La porte, comme simple objet de nécessité, soit au dehors, soit dans l’intérieur des constructions, ne sauroit comporter ni beaucoup de variétés, ni d’autres formes que celles dont la nature des choses donne l’indication. Naturellement la configuration et la stature de l’homme dûrent être les élémens primitifs, qui décidèrent de ce qui regarde la forme et les proportions des ouvertures pratiquées dans les habitations. Ainsi la forme carrée en hauteur, fut généralement celle que l’on adopta partout. Si quelques dessins des maisons chinoises nous présentent des portes dont les ouvertures consistent en un cercle parfait, nous ne regarderons cela que comme une de ces exceptions qui, loin de rien prouver contre la règle, prouvent seulement qu’en architecture il n’y a rien de fondé sur le principe du bon sens, qui ne puisse être contredit quelquefois par des faits contraires à la raison des convenances.
La forme quadrangulaire en hauteur fut encore un résultat naturel de l’emploi des matériaux dans les premières constructions, soit en bois, soit en pierre. L’emploi d’une pièce de bois posée horizontalement sur ce qu’on appelle les jambages d’une porte, fut le procédé le plus naturel de tous, et l’on voit encore dans de fort antiques constructions de murs en pierre, un bloc unique former, en manière de poutre, le linteau des portes.
Cependant, dès que la pratique des voûtes eut lieu, il fut également très-naturel de faire les portes cintrées dans le haut, et c’est entre les portes à linteau et les portes en cintre qu’a dû se partager l’usage on la pratique de l’architecture, selon la nature des édifices et des matériaux.
Les premières portes où l’art de bâtir dut être employé avec le luxe de la solidité, furent sans doute les portes de ville. Nous n’en trouvons guère de vestiges remarquables que dans l’Italie, et dans les restes de l’architecture romaine ; et nous voyons qu’elles faisoient partie des murailles et participoient au genre de leur fortification.
Sans doute, une des plus anciennes de ces portes est celle de Voltera, ville d’Etrurie. On la trouve figurée sur un bas-relief étrusque dont elle fait le fond. Le bas-relief représente un combat, et un guerrier est vu précipite et tombant du haut de cette porte qu’on reconnoît aux trois têtes, qui existent encore en relief conservées sur la porte elle-même. Une de ces fêtes fait la clef de la voûte, les deux autres ornent les deux jambages. La construction est en très-belle pierre de taille, et son cintre est formé de claveaux parfaitement joints. Le bas-relief nous apprend qu’elle étoit couronnée par une plate forme avec des créneaux. La profondeur actuelle de la porte peut donner la mesure de l’épaisseur du mur dans lequel elle se trouvoit enclavée.
Les enceintes de quelques villes, romaines ont conservé des portes du même genre, mais plus riches d’architecture. Ce que nous avons peut-être à citer de mieux, comme exemple de ces compositions, est la porte qu’on appelle d’Arroux, à Autun. (Voyez Autun, Augustodunum. ) Elle se compose de deux grandes arcades que deux plus petites accompagnoient. Au-dessus de ces arcades régné encore une galerie formée par huit ou dix petites arcades dont, les piédroits ont de petits pilastres corinthiens. Nous avons déjà remarqué que cette porte ressemble beaucoup à celle de Vérone, et que la preuve qu’elle n’étoit point un arc de triomphe, résulte des rainures ou coulisses pratiquées du haut en bas, dans lesquelles se haussoient et se baissoient les ventaux de la porte.
Ce qui distingue, en général, dans les restes de l’antiquité, les portes de ville, des arcs de triomphe avec lesquels leur masse a de la ressemblance, c’est le nombre de deux ouvertures ou arcades égales. Les monumens triomphaux nous présentent ou une seule arcade destinée au passage du triomphateur et de son cortège, ou une arcade plus grande, avec deux plus petites collatérales. Les entrées des villes dûrent exiger deux passages égaux, l’un destiné à l’entrée, l’autre à la sortie, et c’est là une de ces dispositions dictées par le besoin, qui établissent une distinction certaine entre des monumens qui, du reste, dûrent se ressembler. La porte qui subsiste encore à l’entrée de la ville de Pompeia ne fait point exception à cette règle, quoi qu’en disent quelques descriptions. Cette porte n’a, dans le fait, rien de monumental, et les deux ouvertures qui l’accompagnent, ne sont que de petites issues qui aboutissent à deux couloirs.
La distinction que l’on vient d’établir entre les portes de ville et les arcs de triomphe, n’empêche pas, sans doute, de croire que jadis aussi deux monumens aussi semblables, n’aient pu se confondre dans les emplois variés qu’une multitude de circonstances locales leur auront assignés. La cause la plus probable de cette confusion, aura été l’usage d’affecter la forme des arcs de triomphe, à certains monumens honorifiques érigés pour toute autre chose que des victoires. C’est ce que nous a prouvé l’arc de Pola (voyez Pola), servant aujourd’hui, et peut-être aussi jadis, de porte à cette ville.
L’idée d’arc, monument triomphal servant de porte, et de porte pouvant recevoir le même emploi honorifique, dut prêter encore plus à cette réciprocité d’usage chez les Modernes, où le mot triomphen’exprime plus que le résultat de la victoire, sans emporter l’idée d’aucune des pratiques usitées chez les Romains. Des monumens en forme d’arcs de triomphe se sont donc élevés dans presque toutes les contrées, et en l’honneur des princes ou des événemens les plus pacifiques. On citeroit ainsi beaucoup de portes de ville en divers pays, construites, disposées et ornées en manière d’arc de triomphe. Une des plus magnifiques est celle qu’on appelle, à Berlin, la porte de Brandebourg. A Florence, la porta a San Gallo est un très-bel arc de triomphe tout-à-fait dans le goût des Anciens, élevé au grand-duc François Ier., à l’occasion de son entrée dans sa capitale en 1739.
Paris eut pendant long-temps quelques-unes de ses portes formées en arcs de triomphe : telles étoient celles qu’on appeloit de Saint-Antoine et de Saint-Bernard, qui ont été détruites depuis quelques années. (Voyez Arc de triomphe. ) On appelle encore portes, comme ayant été situées à l’extrémité des rues Saint-Denis et Saint-Martin, et à la rencontre des boulevards, autrefois limites de la ville, des monumens dont nous avons donné la description à l’article qu’on vient de citer.
En général, toute porte de ville suppose une ville environnée de murs, et la plupart des villes murées l’ayant été en vue de la défense militaire, le plus grand nombre des portes dut être assujetti à des besoins qui s’accordèrent rarement avec ceux de l’art de l’architecture. Aussi, parmi les portes de villes antiques qui nous sont parvenues, citeroit-on peu d’ouvrages qu’on puisse proposer pour modèles. Des trente-sept portes que l’on comptoit à Rome, au temps de Pline, le plus grand nombre a disparu, et parmi celles que présente la Rome moderne, il y en a peu d’antiques, et peu encore de celles-ci, se font remarquer pour l’architecture.
On exceptera, cependant celle qu’on appelle aujourd’hui porta maggiore, jadis porta Nœvia et Labicana. Cette porte étoit le point où aboutissoient jadis et aboutissent encore aujourd’hui les aqueducs qui conduisoient à Rome l’eau Curtia et l’eau Cœrulea. Aussi se compose-t-elle d’un attique extrêmement haut, divisé en trois bandes, qui portent chacune l’inscription de chacun des Empereurs qui concoururent à ce grand travail. Deux grandes arcades supportent cet attique ; leur construction est en bossages, et leurs massifs ou piédroits sont occupés par des niches accompagnées de deux colonnes qui soutiennent un fronton.
Les portes des villes modernes dans le moyen âge et jusqu’au renouvellement des arts, soumises aux différens systèmes de fortification, ne nous présentent d’ailleurs d’autres formes que celles dont l’architecture appelée gothique avoit accrédité l’emploi, celle de l’arc aigu.
Lorsque le goût de l’architecture antique reparut, il n’y eut guère dans l’embellissement des portes de ville, d’autre style et d’autre système que ceux des portes appliquées jadis aux monumens publics. Telle fut cette porte qui sert d’entrée à Rome, sous le nom de porta del Popolo. Ornée de colonnes et de statues en dehors, sa façade intérieure a reçu une décoration nouvelle an temps de Bernin, et de son dessin à ce qu’on croit, pour l’entrée de la reine Christine à Rome. L’inscription qui pourroit se placer sur beaucoup d’autres entrées de ville est : Felici fausto q. ingressu.
Le genre de décoration, la proportion et le goût des portes qui donnent entrée dans les monumens publics, les temples, les palais, se coordonnent naturellement an goût, à la proportion et au style de décoration des divers ordres d’architecture.
Vitruve n’a eu en vue, en fixant la forme et l’ordonnance des portes, que celles des temples. Il en reconnoît trois genres : la porte dorique, la porte ionique et la porte qu’il nomme atticurge, et par ce mot, selon les commentateurs, on doit entendre un synonyme de corinthienne. (Voyez Atticurge.) Ces trois genres de portes sont toutes ce qu’on appelle à linteau. Leurs différences consistent dans quelques variétés de mesures et de détails qu’il faut lire dans cet auteur, et qui sont aujourd’hui de peu d’importance, parce que ces portes il les considère dans leurs rapports avec les colonnes des péristyles des temples. Mais ce qui tient à une théorie plus générale et plus usuelle, c’est qu’il prescrit de se conformer dans les profils, les encadremens et les couronnemens des portes, au caractère plus ou moins simple, plus ou moins élégant de chacun des ordres.
Ainsi la porte dorique a ses montans et son linteau formés d’un bandeau fort simple. La porte ionique a ces deux parties plus nombreuses en moulures, et elle a un couronnement. La porte attique ou atticurge participe presqu’en tout de la précédente ; seulement les jambages sont un peu inclinés et tendent à la figure pyramidale. Il y en a plus d’un exemple dans les restes de l’antiquité.
Ces règles de Vitruve, comme on l’a déjà dit, étoient spéciales pour les temples, mais le principe de ces règles étoit fondé sur l’harmonie que chaque mode ou type d’architecture, rendu sensible dans chaque ordre, doit prescrire aux parties qui entrent dans l’ensemble, dont l’ordre est le régulateur.
Aussi les architectes modernes ont-ils presque tous, dans leurs Traités d’architecture, cherché à fixer d’après les proportions et le goût de chacun des ordres, ce que doivent être et la forme, et les dimensions des portes, dans les monumens qu’on élève selon les principes de l’architecture.
Admettant, comme on l’a fait, dans les premiers temps du renouvellement de cet art, cinq ordres, que la saine critique a réduits à trois, presque tous les architectes sout convenus d’un moyen terme de mesure pour les portes.
D’après le résultat de leurs observations, on est convenu :
Que dans l’ordre qu’on appelle toscan, les portes en plein cintre devoient avoir de hauteur deux fois leur largeur ;
Que les portes en plein cintre, dans l’ordre dorique, doivent avoir en hauteur deux fois et un sixième de leur largeur ;
Que les portes de la même forme, dans l’ordre ionique, auront en hauteur deux fois et un quart leur largeur ;
Que, dans le corinthien, elles auront deux fois et demie, et dans ce qu’on appelle le composite, deux fois et un tiers la mesure de leur largeur en hauteur.
A l’égard des portes à plate-bande, leur proportion a été déterminée, en divisant leur largeur en douze parties, dont on a donné vingt-trois à la hauteur de la porte appelée toscane, vingt-quatre à la porte dorique, vingt-cinq à la porte ionique, vingt-six à la porte corinthienne, et vingt-cinq et demie à la porte appelée composite.
On voit donc que toute cette théorie relative aux dimensions des portes, n’a d’autre point de vue, que de faire participer les ouvertures des édifices à la graduation des mesures affectées au caractère propre de chaque ordre. D’où il résulte que de pareilles mesures n’ont rien de géométriquement fixe. Aussi est-ce an goût à en faire les applications convenables aux différens rapports des portes avec le local où elles se trouvent.
Ce que nous connoissons de plus remarquable en fait de portes dans l’architecture antique, appartient aux entrées des temples. Plus d un édifice sacré nous est parvenu avec sa porte principale.
Nous pouvons citer comme une des plus belles et des mieux conservées, celle du temple de Nîmes, appelé vulgairement la maison carrée. Cette porte est à plate-bande ; elle a en hauteur plus de deux fois sa largeur ; son chambranle et les consoles qui supportent la corniche de la plate-bande sont d’une exécution fort pure. (Voyez l’ouvrage des Antiquités de la France, par Clérisseau.) Le dessus de la porteest occupé par une inscription.
La porte du Panthéon, à Rome, s’est conservée intègre dans tous ses détails et jusque dans ses venteux de bronze, dont on fera mention plus bas. Cette porte, surmontée d’un grillage en bronze, destiné peut-être à diminuer sa hauteur, au lieu des jambages ordinaires du chambranle, est accompagnée de deux pilastres cannelés dont on ne sauroit définir l’ordonnance, d’après l’espèce de chapiteau qui les surmonte, lequel se raccorde à la cymaise dont est couronée la plate-bande intermédiaire entre la porte et le grillage dont on a parlé.
On voit ici un exemple de ces portes, qui depuis furent si souvent accompagnées d’ordres en pilastres ou en colonnes. Presque tous les monumens civils et les palais des Anciens ayant disparu, il seroit difficile de dire jusqu’à quel point ils appliquèrent aux portes de ces édifices les richesses accessoires des colonnes.
Dans les temples anciens, la porte paroît avoir été généralement quadrangulaire, c’est-à-dire, terminée dans le haut par ce qu’on appelle linteau ou plate-bande. On conclut cette forme de la description même de quelques temples célèbres, tels que ceux de Minerve à Athènes, et de Jupiter à Olympie. Mais outre les portes encore existantes du Panthéon à Rome, et du temple de Nîmes, on peut citer celles des temples de Pola ; des monumens de Spalatro, de Palmyre, de Baalbeck, et beaucoup d’autres. Il est sensible que cette terminaison de la porte en ligne horizontale, devoit être commandée par le local, et par l’espèce d’accord que suggéroit naturellement la ligne horizontale des péristyles en colonnes, sous lesquels ces portes étoient abritées.
Chez les Modernes, la différence de construction dans les églises, et la hauteur considérable de leurs nefs, n’ayant guère permis de placer à leurs frontispices des péristyles en colonnes (voyez Portail), et l’usage des devantures de décoration en appliquage ayant prévalu dans les portails à plusieurs ordres, l’un au-dessus de l’autre, les portes cintrées, dont la forme exige plus de hauteur, y furent plus généralement employées. Dans certains pays, la nature des matériaux en favorisa l’emploi. Là où l’on ne trouve point à faire les linteaux d’un seul bloc de pierre, on doit avoir volontiers recours à la forme cintrée, c’est-à-dire, à la forme d’arcade.
Cette forme d’arcade rappelle naturellement celle des portiques, composés de piédroits, dont les massifs reçoivent des colonnes ou des pilastres, qui supportent ou un entablement courant ou des frontons. Et tel fut l’ajustement d’un très-grand nombre de portes dans les grands bâtimens modernes.
Les plus grands et les plus magnifiques palais en Italie nous offrent peu de luxe et de variété dans leurs portes. Le style simple et sévère de leur disposition extérieure, et l’habitude de faire dominer dans leurs façades les pleins sur les vides, nous expliquent pourquoi les entrées de ces édifices ne consistent le plus souvent que dans une arcade, dont quelquefois les refends ou les bossages viennent interrompre le chambranle, et dont le sommet n’a d’autre ornement qu’une clef très-saillante, tantôt fort simple, et tantôt taillée en console. Ainsi voyons-nous encore à Paris trois des portes du Louvre consister en une arcade ornée de fort peu de profils. Celle qui fait partie de là face antérieure où règne la colonnade, offre une porte à plate-bande inscrite dans un grand arc. Les portes du palais du Luxembourg, imitation du palais Pitti, à Florence, ne sont aussi que des arcades, dont les piédroits sont taillés en bossage.
Cependant le luxe des colonnes, des plates-bandes sculptées et des frontons, devint assez général dans la composition des portes de palais.
On en compte quelques-unes à Rome, qu’on cite en ce genre comme modèles de bon goût et de belle proportion.
A Paris, l’on doit dire que le plus grand nombre des portes d’hôtels un peu remaquables, a sa porte ornée de colonnes et quelquefois accouplées. Le luxe des portes de palais en est venu, dans le dernier siècle, au point qu’elles pourroient passer avec leurs accompagnemens pour être des monumens. On en a fait dont les piédroits recoivent des trophées, dont le dessus est orné de bas-reliefs. Quelques-unes, avec les colonnades qui les accompagnent, sembleroient être des portiques plutôt que des portes d’entrée.
Ce qui a contribué surtout à donner aux portes des palais, une ampleur d’ornement et d’architecture inusitée auparavant, ce fut l’usage de placer les corps d’habitation au fond d’une cour. Les portes ne firent plus dès-lors partie intégrante du palais proprement dit, et n’eurent plus le besoin de se soumettre à l’ordonnance générale de sa façade. L’architecte dut chercher par la composition de la porte, devenue celle de la cour, à donner une idée de l’importance de l’édifice placé en reculée, et hors de la vue du public.
Il est assez inutile de dire que les portes, dans les intérieurs, offrent et les mêmes formes et les mêmes degrés de décoration.
Dans les maisons ordinaires, les portes qui donnent entrée aux différentes pièces de leur distribution, ont une simple baie, ouverture quadrangulaire, percée dans les murs ou les cloisons, sans ornemens, chambranles, profils ou accompagnemens.
Les maisons d’un degré plus élevé, ont les portes de leurs appartemens revêtues de chambranles ou de bordures, avec plus ou moins de moulures faites soit en plâtre, soit le plus souvent en menuiserie, qui reçoit volontiers des couleurs ou simples ou en manière de marbres. L’usage est assez volontiers de pratiquer au-dessus un panneau avec ornemens, ou un tableau appelé dessus de porte.
Les palais, selon leur grandeur ou leur importance, présentent dans leurs vastes intérieurs, des portes qui peuvent égaler en richesses d’architecture, celles des extérieurs. a hauteur des étages et les grandes dimensions des pièces permettent d’y pratiquer des portes cintrées, et de leur appliquer le style et les proportions des portes attiques, ioniques ou doriques. Dans les grands palais, on voit lesportes, surtout des grandes pièces, des salles de réception ou des galeries, accompagnées ou de pilastres ou de colonnes, recevoir soit des frontons, soit des plates-bandes soutenues par des consoles ; et dans leurs couronnemens, des figures, des allégories, et des symboles divers en sculpture de bas-reliefs ou ronde-bosse.
Les revêtemens de marbre de toutes sortes de couleurs, contribuent souvent à la décoration de ces portes. Leurs jambages, leurs linteaux sont surtout les membres que la marbrerie est appelée à décorer, et ces espaces reçoivent encore sur leurs champs des accessoires en bronze doré, comme entrelas, enroulemens, etc.
On comprend que la décoration des baies, ou ouvertures de portes, dans les édifices, doit se trouver en accord avec celle des battans ou ventaux, destinés à ouvrir ou à clore ces ouvertures, et par conséquent à figurer aussi dans cet ensemble composé de deux parties, dont nous avons séparé les notions dans cet article, mais qui, selon l’usage de les considérer, forment un tout dont l’harmonie doit entrer dans les combinaisons de l’architecture. Les battans, comme on va le voir, reçoivent quelquefois une telle richesse de décoration, que le chambranle, qui en devient, si l’on peut dire, le cadre, ne sauroit sans inconvenance n’y point participer.Les Romains avoient plus d’un mot pour exprimer ce que nous n’exprimons que par un seul, puisque nous usons, du mot porte pour signifier l’ouverture d’un local et ce qui sert à la fermer.
Le mot porta, dans le latin, si l’on en croit l’étymologie que lui donne un passage de Caton, se seroit appliqué surtout aux portes de ville. Lorsqu’on bâtissoit une ville, on en tracoit l’enceinte avec la charrue, et dans l’endroit où devoit être une entrée, on soulevoit la charrue et on la portoit. De-là le mot porta. Qui urbem novam condit…… ubi portam vull esse arartrum sustollat, et portam voct.
Est-ce là une de ces étymologies souvent fort arbitraires, qu’on trouve chez les grammairiens anciens ? C’est ce que nous ne déciderons point. Il est mieux démontré que le mot janua, comme synonyme de porte, tire son nom du dieu Janus, qui présidoit aux entrées des maisons. Le mot limen exprimoit ce que nous entendons dans les maisons par seuil de la porte. Il est à remarquer que ces différens mots se prennent au singulier, ce qui semble bien indiquer, qu’ils ne s’appliquoient qu’à la porte considérée comme ouverture et comme ouvrage de construction. Quant à celle que nous désignons par les mots battant de porte ou vantaux, nous trouvons dans le latin deux mots qui n’ont point de singulier, valvœ et fores. Il nous semble que ces mots qui ne pouvoient pas convenir au pluriel à la porte (ouvrage de construction), dûrent signifier exclusivement la porte, ouvrage mobile, composé fort souvent de deux parties ou de deux ventaux.
C’est sous ce dernier rapport que nous allons considérer la porte.
Les battans de porte, que la clôture se compose soit d’un, soit de deux ventaux, se sont faits et se font encore de plus d’une matière. Il paroît assez constant qu’il y eut dans l’antiquité de ces portes mobiles faites en marbre. Je trouve dans le Dictionnaire d’Antiquités, qu’on a trouvé dans quelques bâtisses d’Herculanum des portes dont les battans étoient tout entiers de marbre. On se figure difficilement que de semblables portes aient pu être usuelles, c’est-à-dire, employées dans les maisons, et qu’elles aient été d’une grande dimension. Mais nous en trouvons un exemple dans un dea plus beaux tombeaux antiques que Pausanias ait vus, et qu’il compare à celui de Mausole. « On voit, dit-il (Arcadiq., lib. 10, cap. 16), dans le pays des Hébreux, à Jérusalem, ville que l’empereur Adrien a détruite de fond en comble, le tombeau d’Hélène, femme du pays ; il est tout en marbre. On y a pratiqué une porte aussi de marbre, qui s’ouvre tous les ans, à pareil jour et à pareille heure. Elle s’ouvre par le seul effet d’une mécanique, et, après être restée peu de temps ouverte, elle se referme. Dans tout autre temps, on tenteroit vainement de l’ouvrir, on la briseroit plutôt. »
Mais le bois et le métal furent et seront toujours les deux matières propres à faire les portes mobiles.
On y emploie le bois par assemblage, et les montans sout ou arrasés, ou par compartimens. Rien à dire sur les portes arrasées, sinon qu’il faut y prendre encore plus de soin d’en bien assembler les joints, dont les désunions sur une surface lisse, seroient plus apparentes.
Les portes à compartimens en bois, sont susceptibles de tous les degrés et de tous les genres d’ornemens. Quelquefois ces ornemens ne consistent qu’en placages de bois précieux, appliqués sur les bois plus communs que la menuiserie emploie. Mais ces ornemens en bois de couleurs variées, comme l’acajou, le citronier, etc. ne peuvent guère être d’usage que dans les intérieurs des maisons et des appartemens.
Dans les portes de grande dimension, telles que celles qu’on appelle portes cochères, à l’extérieur des maisons, ou celles qui servent de clôture aux églises, les battans sont formés par de forts assemblages de bois de charpente, et l’on y pratique le plus souvent des panneaux de diverses figures, quelquefois avec de simples moulures, et quelquefois avec des listels taillés d’oves, de perles, de feuilles d’eau. Autant pour la propreté que pour la conservation même des bois, on les enduit de couleurs à l’huile, et dans toutes sortes de nuances.
Les portes en bois ont souvent offert à le sculpture, des champs propres à récevoir un plus grand luxe décoratif de bas-reliefs. Les exemples de semblables portes sont nombreux. On citera, en ce genre, au Vatican, certaines portes en bois à la galerie des Loges de Raphaël, et sculptées sur ses dessins, ou ceux de son école, par Jean Barile[illisible]. Le goût et le mérite d’exécution n’ont jamais été plus loin. Le Louvre, à Paris, a conservé des portes du même genre, sculptées en ornemens sur les dessins de Lebrun. Les battans de la porte principale de la cathédrale, dans la même ville, ont été refaits, en bois il y a un demi-siècle, sous la direction de M. Soufflot. Sur chacun de ces battans sont sculptées, dans la proportion de six pieds, en bas-relief, les figures dû Sauveur et de la Sainte-Vierge.
Les portes en bois ont si souvent besoin de l’enduit des couleurs, comme on l’a déjà dit, pour leur conservation, que la peinture dut aussi s’emparer des champs de ces compartimens, pour en faire l’objet des inventions décoratives qui peuvent leur convenir. Les idées légères et les sujets de l’arabesque, ont donc trouvé d’agréables places sur les panneaux des portes, et l’on ne seroit embarrassé que du choix des exemples de ce goût de décorer, dans tous les pays où la peinture s’est occupée de l’embellissement des intérieurs des maisons.
On comprend aisément pourquoi nous ne pouvons citer sur les portes en bois et leurs ornemens, aucune autorité dans l’antique. Généralement les portes qui appartiennent à l’antiquité ont dû périr ; les unes, telles que les ouvrages en bois, vu le peu de durée de la matière, et les autres en métal, dont on fera mention plus bas, à cause de la valeur et du prix, qui finissent par causer la perte de ces sortes d’ouvrages.
Nous sommes portés à croire que le bois devoit faire jadis le fond de ces portes célèbres des temples que l’on revêtissoit d’ornemens plaqués et incrustés. Si, comme nous l’avons démontré en traitant de la statuaire en or et ivoire, et des colosses de ce genre (voyez le Jupiter olympien), le fond de ces grands simulacres sur lesquels s’appliquoient l’ivoire et l’or étoit de bois, le même genre de travail de l’or et de l’ivoire, en bas-relief, sur les surfaces des compartimens de portes, doit faire supposer que le bois fut la matière qu’on y employa.
Cicéron nous a appris quel cas on faisoit des portes d’or et d’ivoire du temple de Minerve à Syracuse : « Nulle part(dit-il), je puis l’affirmer, aucun temple n’eut, en or et en ivoire, des portes d’une plus grande magnificence ni d’une perfection plus grande. » Valvas magnificentiores ex auro atque ebore perfectiores nullas unquam ulli templo fuisse. « On ne sauroit dire combien les Grecs ont laissé d’écrits sur la beauté de ces portes. Il y avoit dessus, les sujets les plus habilement sculptés en or et ivoire. Verrès les fit tous enlever ; il en arracha une superbe tête de Gorgone avec sa chevelure en serpens, et pour montrer que le prix et la valeur de la matière le touchoient autant que le mérite de l’art, il n’hésita point à dépouiller ces portes de tous les clous d’or d’un grand poids qui s’y trouvoient en grand nombre. » Incredibile dictu est quam multi Graeci de harum valvarum pulchritudine soriptum reliquerint…… Ex ebore diligentissimè perfecto argumenta erant in valvis. Ea detrahenda curavit omnia. Gorgonis os pulcherrimum crinitum anguibus revellit atque abstulit, et tamen indicavit se non solùm artisicio, sed etiam pretio questuque duci. Nam bullas omnes aureas ex his valvis quœ erant multœ et graves, non dubitavit auserre, quarum iste non opere delectabatur sed pondere.
En lisant, dans Pausanias, la description des détails du temple de Jupiter à Olympie, on ne sait si l’on doit, d’après les mots υωερ των θυρων, placer au-dessus des portes du naos et de l’opisthodome, dans le mur même, ou sur les battans des portes, les bas-reliefs dont parle l’écrivain. Le doute résulte de la préposition υωιρ, qui veut dire aussi bien sur la porte, qu’au-dessus de la porte. Le dernier traducteur, par l’emploi en français de la préposition sur, donne à entendre qu’il croit ces sujets sculptés sur les battans même (qui au reste étoient de bronze, ainsi que le dit Pausanias, τας ζυρας τας χαλχας). Tous ces sujets représentoient les travaux d’Hercule.
L’usage des battans de porte ornés de sculptures en bas-reliefs, dut être fréquent dans l’antique. La description purement imaginaire que fait Virgile des portes sculptées par Dédale, comme beaucoup de descriptions d’ouvrages d’art, dont les poëtes enrichissent leurs récits, est la preuve que la pratique de ces travaux n’étoit pas rare, et l’on peut conclure encore des détails du poëte, que l’or entroit souvent dans l’exécution de ces sculptures. Dédale avoit aussi essayé de sculpter en or la chute de son fils Icare : Bis conatus erat casus essingere in auro.
C’est aussi en or et en ivoire qu’il figure, dans une autre description idéale, les bas-reliefs (ex auro solidoque elephanto) qu’il place sur les portes (in foribus) du temple de marbre qu’il veut élever à Auguste, sur les bords du Mincius.
Beaucoup de battans de portes ont été appelés de bronze, qui ne furent aussi qu’en métal plaqué sur un fond ou sur une ame de bois. Telle est celle qui est parvenue jusqu’à nous, et qui sert encore aujourd’hui de fermeture au Panthéon de Rome. L’usage des clous qui sont devenus depuis un simple motif d’ornement dans beaucoup de portes, indiqueroit peut-être la pratique originaire de ces revêtemens de métal, qu’on devoit fixer avec des rivés qui les identifioient au fond de bois.
Les portes de bronze du Panthéon sont dans toute la longueur de leurs montans, et dans la largeur de leurs traverses, remplies d’un très-grand nombre de têtes de clous, artistement travaillés en forme de culots, ou ce que l’on appelleroit culs-de-lampe, variés de trois manières différentes, et ornés de feuilles à un ou deux rangs. Du reste, chaque battant se compose de deux seuls panneaux lisses, et rien ne semble indiquer qu’autrefois on y ait appliqué aucun objet de décoration.
Nous n’aurions plus à citer d’ouvrages antiques de ce genre que d’après de simples mentions des écrivains, mentions dont le recueil ne serviroit qu’à confirmer ce qu’on a déjà dit du grand nombre de ces travaux, et à mieux faire sentir l’étendue des pertes que l’art a éprouvées.
Il nous faut, en fait de portes en bronze, arriver chez les Modernes aux onzième et douzième siècles.
Constantinople avoit conservé dans l’art de la fonte les traditions pratiques qui, à ce qu’il paroît, s’étoient perdues en Italie. Ce fut dans cette ville que Pantaléon, consul romain vers le milieu du onzième siècle, alla lui-même faire fondre les portes de la basilique de Saint-Paul à Rome. L’inscription qu’on y lit, apprend qu’elles furent l’ouvrage de Staurakios Tuchitos, de l’île de Chio. Ces portes ont quinze pieds de haut et dix pieds de large, Le fond en est de bois recouvert de métal. On y compte cinquante-quatre compartimens qui renferment les figures isolées des Apôtres, des Evangélistes, des prophètes, et divers traits de la vie de Jésus-Christ, de la Sainte-Vierge et des premiers Martyrs. Le bronze étoit revêtu ou orné de niello, et de filets d’argent qui ont disparu en grande partie.
C’est de Constantinople aussi que furent apportées, vers le milieu du treizième siècle, les portes de bronze de Saint-Marc à Venise.
Cependant nous voyons à la fin du douzième siècle (1180) Bonano, artiste de Pise, fondre, pour la cathédrale de cette ville, des portes de bronze, qui furent en partie endommagées par le feu, mais dont il reste encore une portion considérable de douze compartimens.
C’est dans le même style que sont travaillées les portes de bronze de la cathédrale de Novogorod, et plus d’un motif tiré des bas-reliefs de ces portes engage à croire que ce fut un ouvrage contemporain de celui de Pise (1192). Chacun de ses deux battans offre quatorze compartimens où se trouvent représentés des sujets de la Bible, du Nouveau-Testament, etc. , avec des légendes et ces inscriptions en caractères russes. Cet ouvrage a été savamment commenté à Berlin par M. Friederich Adelung.
Comme nous comptons placer à la fin de cet article, d’après le savant que nous venons de nommer, la nomenclature de toutes les portes de bronze qui existent aujourd’hui en Europe, nous allons nous contenter de donner ici les notices abrégées des trois plus célèbres de ces ouvrages, et dans l’ordre de leurs dates.
Les deux premiers sont au baptistère de Florence.
L’an 1330, comme en fait soi l’inscription qu’on y lit, gravée sur le bronze, André Ugolino exécuta les portes de ce monument qu’on voit à droite en entrant dans cette rotonde ; on prétend que ce fut sur les dessins donnés par Giotto. Ces portes se composent de vingt-huit champs ou compartimens ; vingt de ces espaces sont remplis par des traits de l’historie de Jean-Baptiste, les huit autres contiennent des figures de Vertus. Ce travail, beaucoup moins sec que celui des ouvrages précédens, se fait distinguer par une certaine délicatesse d’expression et d’exécution.
Mais les plus célèbres portes de ce monument, et de beaucoup les plus belles de toutes celles que l’on condoît, sont celles qui s’ouvrent en face de la cathédrale, ci qui ont rendu à jamais fameux le nom de Laurent Ghiberti. On sait que ce qu’il y eut alors de plus habiles artistes, et de ce nombre étoient Bruneleschi et Donatello, se disputèrent, dans un concours ouvert par le grand Conseil de Florence, l’honneur de ce bel ouvrage, et que les concurrens eux-mêmes proclamèrent Ghiberti leur vainqueur. On compte sur ces portes vingt compartimens qui renferment l’histoire du Nouveau-Testament ; les espaces inférieurs sont occupés par les Evangélistes et les Pères de l’Eglise. Nous ne dirons rien ici de ces beaux bas-reliefs, dans le travail et le goût desquels Ghiberti devança tous ses successeurs, et n’a été égalé par aucun. C’est de ces portes que Michel Ange avoit coutume de dire, qu’elles seroient dignes d’être celles du Paradis.
Elles furent terminées en 1424.
C’est en 1445 que furent exécutées, sous le pape Eugène IV, les portes en bronze de l’ancienne basilique de Saint-Pierre, transportées depuis à l’entrée principale de la nouvelle église. Celles qu’elles remplacèrent à cette époque avoient été revêtues en argent ; on disoît qu’elles étoient venues de Jérusalem. La vétusté et les différens pillages que Rome avoit essuyés, en avoient opéré la dégradation. Antoine Filarête, fort habile architecte, et Simon, frère du célèbre Donatello, furent chargés de ce grand ouvrage qui, postérieur, comme on le voit, de vingt années à celui de Ghiberti, lui resta prodigieusement intérieur sous tous les rapports. Les bas-reliefs représentent les yres de saint Pierre et de saint Paul, et quelques particularités de la vie d’Eugène IV. On y a souvent remarqué comme une assez grave inconvenance, les petits sujets mythologiques, qui entrent dans les enroulemens et encadremens des bas-reliefs. Ceci ne doit s’expliquer que par l’habitude de considérer ces sujets comme de simples objets de décor, devenus tout-à-fait insignifians pour l’esprit.
Nous avons vu l’argent entrer comme incrustation, dans certains détails des portes de bronze modernes, et l’or mêlé à l’ivoire nous a paru être entré dans quelques-uns de ces ouvrages antiques.
On trouve cependant plus d’une mention faite de portes appelées d’or, porta aurea. Loin qu’on puisse se permettre de croire que ce métal précieux soit jamais entré en masse, ou en revêtement massif, sur des portes semblables à celles qu’on vient de citer, il faut croire, au contraire, ou qu’on aura donné le nom de porte d’or à des portes de métal simplement doré, ou peut-être ornées de clous dorés.
On appeloit et on nomme encore porta aurea, à Pola en Dalmatie, cet arc dont nous avons parlé à l’article de celle ville, et qui ne fut point un arc de triomphe. On appeloit de même, à Constantinople, l’arc élevé par Théodore-le-Grand, en mémoire de la défaite de Maxime. Dans plus d’une ville moderne, on a donné le nom de porte d’or à plus d’un ouvrage de ce genre, sur lequel on ne découvre pas la moindre trace d’or.
Nos temps modernes n’ont guère vu se renouveler le luxe des grandes portes de bronze, et Paris auroit à peine un ouvrage de ce genre à citer, sans l’emploi très-remarquable qui a été fait du bronze à la nouvelle porte d’entrée du Louvre, par le côté de la colonnade. Il est vrai qu’on pourroît donner aussi le nom de grille à cette magnifique clôture, parce que le bronze y est employé en ornemens dans trois compartimens à jour, et que la partie inférieure est en bois. Cependant il faut dire qu’il entre certainement dans ces ornamens de ronde bosse, plus de métal qu’il n’en auroit fallu pour revêtir le fond d’une porte en bois, ci si ces ornemens, au lieu d’être de plein relief, eussent été placés ou appliqués de bas-relief sur des compartimens de bois, on eût appelé très-certainement ces portes, portes de bronze.
A Venise. Dans l’église de Saint-Marc. — Les portes du milieu de l’édifice. Elles sont fondues de bronze massif et de travail grec. Après la prise de Constantinople, on les enleva de l’église de Sainte-Sophie pour les transporter à Venise.
Dans la même église. — Porte du côté droit toute de bronze, enrichie de figures en manière de Niello, avec filets d’argent. On la croît du treizième siècle.
Dans la même église. — Portes de la troisième entrée, avec inscription latine contenant le nom de l’artiste vénitien.
Dans la sacristie de la même église. — Très-belle porte, ouvrage de Sansovino, terminée en 1556, composée de deux compartimens, représentant, celui d’en bas, la déposition au tombeau, celui d’en haut, la résurrection de Jésus-Christ.
Dans l’église de Saint-Dominique. — La maîtresse porte, par Jacobello et Pietro Paolo (vénitiens). On y voit trois figures ; Dieu le père, saint Jean-Baptiste et saint Marc.
A Padoue. Dans l’église de Saint-Antoine. — Portes de bronze, en face du cercueil du saint, faites en 1594. — Autres portes en pendant, faites, comme les précédentes, par Tiziano Aspetti.
A Vérone. Dans la basilique de Saint-Zénon. — Portes recouvertes de bronze, où sont représentés des traits de l’Aucien-Testament et des iniracles du saint. On les cript du onzième siècle.
A Bologne. Dans l’église de Saint-Pierre. — Un battant de porte, ouvrage de Marchione, au commencement du treizième siècle.
Dans l’église de Saint-Petronio. — La porte d’entrée, ornée de quinze bas-reliefs, de rinceaux et d’autres détails, par Jacobo della Quercia, au commencement du quinzième siècle.
A Florence. Dans la cathédrale. — Une porte de sacristie, par Luca della Robbia, avec bas-reliefs représentant les Evangélistes, les Pères de l’Eglise, etc. C’est un des plus beaux ouvrages en ce genre. Il date du commencement du quinzième siècle.
Au baptistère de Saint-Jean. — Portes de bronze, faites par Andréa Ugolino (voyez plus haut ce qui en a été dit), en 1330.
Au même baptistère. — Portes célèbres, faites par Lorenzo Ghiberti (voyez plus haut ce qu’on en a dit), en 1424.
Dans l’église de Saint-Laurent. — Petite porte en bronze, par Donatello.
A Pise. Dans la cathédrale. — Un battant de porte, par Bonnano (voyez plus haut la mention qu’on en a faite), en 1180.
Dans la même cathédrale. — Les maîtresses portes d’entrée, ouvrage de Jean de Bologne, où sont représentés en bas-relief les traits de l’histoire de la Passion, fait dans le cours du seizième siècle.
Au baptistère de Saint-Jean. — Portes fort remarquables, faites par Andrea Ugolino (dit) Pisano, vers l’an 1300.
A Lucques. Dans l’église de Saint-Martin. — Portes avec bas-reliefs, par Nicolas de Pise, en 1233.
A Loretto. Dans la basilique de cette ville. — Au chevet de l’église, trois belles portes de bronze, dont celle du milieu est plus grande ; les deux autres ont quelque chose de moins. Elles furent exécutées sous Sixte IV, ou sous Jules II.
A la même église. — La porte d’entrée, composée de deux battans de bronze fort riches en compartimens, les uns plus grands, les autres plus petits. Les grands contiennent les traits de l’Ancien-Testament ; les petits, ceux du Nouveau, et particulièrement ceux qui se rapportent à la Sainte-Vierge, Les encadremens sont des enroulemens arabesques où l’on voit (comme aux portes de Saint-Pierre à Rome) plus d’un objet de la Mythologie payenne. Ce grand ouvrage est dû à Jacques et Antoine Lombardo, fils et élèves du célèbre Girolamo Lombardo.
A la même église. — Du côté droit, porte à deux battans, chacun contenant cinq sujets de l’Ancien-Testament, par Antonio Bernardini.
A la même église. — Du côté gauche, porte semblable à la précédente pour les sujets, avec des détails d’ornemens fort riches, par Tiburzio Verzelli.
A Ancône. Dans l’église de Saint-Augustin. — Portes en bronze, exécutées par Moccio, vers 1348.
A Rome. Au Panthéon. — Portes de bronze antiques. Voyez ci-dessus ce qu’on en a dit.
A Saint-Pierre. — Portes du milieu et d’entrée de la basilique, ouvrage d’Antonio Filareii et de Simon Donatello (voyez ci-dessus), en 1445.
A Saint-Paul hors des murs. — Portes d’entrée de basilique. Voyez ci-dessus.
A Saint-Jean de Latran. — Porte de la chapelle orientale de Saint-Jean, ouvrage des frères Uberto et Pietro de Plaisance, exécuté par l’ordre du pape Cèlestin III, en 1195.
Dans la même église. — A la chapelle de Saint-Jean-Baptiste, en face de la précédente. Porte de bronze dont l’inscription parle du pape Hilarins.
Dans la même église. — A la chapelle du pape Corsini, Clément XII, des portes de bronze toutes lisses, qui, vers 1655, avoient été enlevées par Alexandre VII, à l’église de Saint-Adrien du Capitole, et qui autrefois doivent avoit appartenu au temple de Saturne.
Dans l’église de Saint-Côme et Saint-Damien (au Campo-Vaccino). — La porte de bronze qu’on y voit, doit y avoir été donnée, vers l’an 780, par le pape Hadrien Ier.
A Bénévent. Dans la cathédrale. — Portes en bois, recouvertes de plaques de bronze, où se voient soixante-douze sujets tirés de la Bible et du Nouveau-Testament, et plusieurs portraits des évêques de Bénévent, jusqu’à l’année 1151.
A Naples. — Dans le Castello nuovo se trouvent des portes de bronze qui, d’après l’inscription qu’on y lit, furent fondues à la fin du quinzième siècle par Guglielmo Monaco. La sculpture fort mauvaise des bas-reliefs y a représenté les exploits de Ferdinand d’Arragon.
A Amalfi. — Dans l’église épiscopale, sont des portes, dont le style sec annonce un âge fort ancien. Le fond en est de bois et est revêtu de bronze : tout, jusqu’à l’inscription, semble annoncer un travail tout-à-fait semblable à celui des portes de Saint-Paul à Rome.
A Montréal (près Palerme). — Dans la cathédrale sont de grandes portes en bronze, avec un nombre infini de figures d’un travail assez grossier, qui appartient au douzième siècle. On le croit du célèbre Bonnano de Pise.
A Hildesheim. Dans la cathédrale. — A une chapelle qu’on appelle le paradis, de grandes portes en bronze fondues d’un seul jet, avec un grand nombre de figures prises dans l’histoire de l’Ancien-Testament.
A Mayence. Dans l’église collégiale. — Grandes et solides portes de bronze exécuées vers le commencement du onzième siècle.
A Ausbourg. — Dans la principale église, à gauche du grand portail et au côté droit de la tour, une grande porte revêtue de bronze, exécutée en 1088 par les artistes Augsbourgeois de la communauté des orsévres. Ces portes représentoient des sujets du Nouveau-Testament. Elles sont aujourd’hui fort endommagées.
A Aix-la-chapelle. — Dans l’église bâtie par Charlemagne, l’entrée occidentale a une porte fondue en bronze.
A Moscou. — Très-anciennes portes de métal, dont on ne connoît avec certitude ni l’âge ni le pays où elles furent faites, mais qu’on croit, sans aucun fondement, avoir été apportées de Grèce par Wladimir-le-Grand.
Une porte de bronze, avec inscription latine, exécutée par l’artiste italien Aristoteles, sous Wassili Iwanowitsch.
A Nowogorod. — Dans l’église cathédrale de Sainte-Sophie, les portes de bronze appelées vulgairement portes chersonèses. Voyez plus haut la mention qu’on en a faite.
Dans la même église. — Les portes de bronze appelées portes suédoises, sans figures, avec des compartimens d’ornemens.
A Susdal. Dans l’église cathédrale. — Trois belles portes de bronze. Les figures n’y sont point en relief, mais elles sont gravées avec incrustation en or, seul ouvrage que l’on connoisse de ce genre. L’opinion est que ces portes ont été apportées de Grèce par Wladimir-le-Grand, avec beaucoup d’autres objets précieux, vers l’an 997.
A Alexandrowa sloboda. — Dans l’église de la Trinité on trouve des portes de bronze, où sont représentées les figures de plusieurs saints. Elles offrent deux inscriptions en langue russe. Une de ces portes fut exécutée en 1355 par les ordres de l’archevêque de Nowogorod, Wassili. Il paroît qu’elles furent faites pour cette ville, et depuis transportées à Alexandrowa Slohoda.
Cinq portes de la mosquée de Cordoue, revêtues de plaques de bronze. Il y en avoit jadis vingt-une semblables. Il n’en reste plus que cinq.
A l’église de Saint-Denis. — Porte de métal, à l’entrée principale de l’église. — Dans l’église souterraine, porte en bronze qui ferme le caveau de la sépulture des Rois.
A Strasbourg. — Un battant de porte en bronze, avec bas-reliefs, dans la cathédrale, exécuté vers le milieu du quatorzième siècle.
Si, à toutes les portes de bronze dont on vient de faire l’énumération, on ajoute celles qui se trouvent à Sainte Sophie de Constantinople, et sans, doute quelques autres encore dont les notions ne nous sont point parvenues, on trouvera qu’il existe encore en Europe une soixantaine de ces grands ouvrages, tous produits du moyeu âge, genre de monument qui ne s’est plus reproduit dans les temps modernes.
Il y auroit à recueillir beaucoup de détails relatifs à la manière dont les portes furent gondées chez les Anciens, aux différens procédés employés pour leur clôture, aux usages divers de les faire ouvrir en dedans ou en dehors, à tous les services intérieurs, domestiques ou publics qu’elles comportent. Mais de ces détails, les uns sont plus particulièrement du ressort du Dictionnaire d’Antiquités, où on les trouvera ; quelques autres font la matière de plus d’un article de ce Dictionnaire (voyez Gond, Serrure). Le reste va trouver des notions suffisantes, dans les articles suivans.
On divisera aussi cette énumération par ordre alphabétique, selon les deux sortes d’acception affectées au mot porte, comme ouvrage de construction, ou comme ouvrage mobile.
Selon la première acception, on appelle :
Porte a pans, une porte dont la fermeture, au lieu d’être en ligne droite ou en arcade, se forme de trois parties, dont l’une est de niveau, et dont les deux autres sont rampantes. Telle est, à Rome, la porta pia, par Michel Ange.
Porte attique ou atticurge, est celle dont le seuil, selon Vitruve, est plus long que le linteau, ses piédroits étant inclinés. Voyez plus haut.
Porte avec ordre. Porte qui, étant ornée de colonnes ou de pilastres, prend son nom de l’ordre de ces colonnes ou de ces pilastres. Voyez ce qui en a été dit plus haut.
Porte batarde. Porte qui n’est guère que la moitié en dimension de ce que l’on appelle porte cochère. On lui donne cinq à six pieds de large.
Porte biaise. Porte dont les tableaux ne sont pas d’équerre avec le mur.
Porte bombée. Porte dont la fermeture est en portion de cercle.
Porte bourgeoise. Ainsi appelle-t-on les petites portes d’allée des maisons, pour les distinguer des portes bâtardes et des portes cochères. Elles n’ont ordinairement que quatre pieds de large.
Porte charretière. Simple porte qui n’est autre chose, qu’une ouverture dans un mur pour le passage des charrois.
Porte cochère. C’est, dans les grandes maisons, une porte par laquelle les carrosses peuvent passer. Sa largeur doit être d’au moins sept à huit pieds, et elle doit avoir au moins en hauteur deux fois sa largeur.
Porte crénelée. Porte de ville ou d’ancienne forteresse, qui a des créneaux comme les murs dont elle est la continuité.
Porte-croisée. On appelle ainsi une ouverture qui est à la fois une fenêtre et une porte. C’est, si l’on veut, une fenêtre sans appui, qui conduit à une terrasse ou à un balcon.
Porte dans l’angle. Porte qui est à pan coupé dans l’angle rentrant d’un bâtiments.
Porte de clôture. Moyenne porte dans un mur de clôture.
Porte de croisée. C’est la porte à droite ou à gauche de la croisée d’une grande église.
Porte de dégagement. Petite porte qui sert pour sortir des appartemens, sans passer par les principales pièces.
Porte d’enfilade. On nomme ainsi toutes les portes qui se rencontrent d’alignement dans les appartemens.
Porte de faubourg ou fausse porte. Porte qui est à l’entrée d’un faubourg.
Porte de ville. C’est une porte publique, à l’entrée d’une grande rue, et qui prend son nom, ou de la ville, soit la plus voisine, soit la plus célèbre, à laquelle conduit la voie sur laquelle elle s’ouvre, ou bien de quelque fait, de quelque monument, de quelque usage particulier. Voyez ci-dessus ce qui a été dit sur cet article.
Porte ébrasée. Porte dont les tableaux sont à pans coupés en dehors. Telles sont les portes de la plupart des églises gothiques.
Porte en niche. Porte dont le plan est circulaire, et dont l’élévation a l’apparence d’une niche.
Porte en tour ronde. On appelle ainsi celle qui est percée dans la partie convexe d’un mur circulaire, et l’on dit porte en tour creuse, de celle qui est pratiquée dans la partie concave d’un mur circulaire.
Porte rampante. C’est celle dont la partie cintrée ou la plate-bande est rampante, comme dans un mur d’échiffre.
Porte rustique. Porte dont les jambages ou paremens et la fermeture sout de pierres taillées en bossages rustiques.
Porte secrète. C’est une petite porte pratiquée dans une partie peu apparente d’un bâtiment, pour pouvoir y entrer et en sortir sans être vu.
Porte surbaissée. Ainsi nomme-t-on la porte dont la fermeture, au lieu d’être en arc plein cintre, est en arc surbaissé ou elliptique.
Porte sur le coin. Porte qui, ayant une trompe au dessus, est un pan coupé sous l’encoignure d’un bâtiment.
Porte mobile. On appelle mobile toute clôture de bois ou de brunie qui remplit la baie d’une porte, et qui s’ouvre à un ou deux ventaux.
Porte a deux ventaux. Porte qui se compose de deux parties mobiles ou battans attachés aux deux piédroits de la baie.
Porte a jour. C’est une porte faite de grilles de fer ou de barreaux de bois. On la nomme aussi porte à claire voie. Le plus bel ouvrage que l’on connaisse en ce genre, se voit au Louvre dans une porte-grille, faite en acier poli, d’un goût exquis d’ornement et d’une rare perfection de travail. Elle est au Muséum, au bout de la galerie d’Apollon.
Porte a placard. Porte qui est d’assemblage de menuiserie, aveu cadres, chambranle, corniche, et quelquefois un fronton.
Porte abrasée : est une porte de menuiserie, dont l’assemblage n’a point de saillie, et est tout uni.
Porte brisée : se dit d’une porte dont la moitié se double sur l’autre. Ou donne aussi quelquefois ce nom à une porte qui a deux ventaux.
Porte cochère. C’est un grand assemblage de menuiserie, qui sert à fermer la baie d’une porte où peuvent passer les voitures. Il se compose de deux ventaux, dont deux montans et trois traverses forment le bâtis, et où se trouvent renfermés des cadres et des panneaux, avec un guichet dans l’un des deux ventaux. Les plus belles portes cochères, à Paris, sont ornées de corniches, de consoles, de bas-reliefs, d’armoiries, de chiffres et d’autres objets de sculpture, avec ferrures en fer poli ou revêtu de bronze doré. Quelquefois ces ornemens sont appliqués sur le bois en placage. La forme générale de la porte cochère est soumise à la forme de la baie. Si celle-ci est à linteau, la forme de la porte cochère sera quadrangulaire ; elle sera circulaire par en haut si la baie est cintrée. Souvent encore, dans ce dernier cas, on pratique dans le cintre de la baie un dormant d’assemblages, qui remet la porte en ligne horizontale par en haut, et reçoit des ventaux de forme quadrangulaire.
Porte collée et emboîtée. C’est une porte faite d’ais debout, collés et chevillés, avec emboîtures qui les traversent par le haut et par le bas.
Porte coupée. Porte à deux ou à quatre ventaux, attachés à un ou à deux piédroits de la baie. Ces ventaux sont, ou coupés à hauteur d’appui, comme aux boutiques, ou à hauteur de passage, comme aux portes-croisées, dont quelquefois la partie supérieure reste dormante.
Porte d’assemblage. C’est tout ventail de porte, dont le bâtis renferme des cadres et des panneaux à un ou à deux paremens.
Porte de bronze. On donne ce nom à des ventaux de portes qui, au lieu d’être en bois, sont fondus en bronze, soit solide, soit appliqué sur un fond de bois. Ces sortes de portes sont tantôt en surfaces unies, seulement avec moulures et ornemens de clous, tantôt enrichies d’encadremens en rinceaux, et de compartimens arabesques, tantôt distribuées en champs plus ou moins nombreux, qui reçoivent des bas-reliefs, des figures et des compositions de tout genre. Voyez ci-dessus l’énumération qu’on a donnée, de toutes les portes de bronze qui existent aujourd’hui en Europe.
Porte de fer. Porte composée d’un châssis de fer, qui retient des barreaux et des traverses, ou des panneaux avec des enroulemens de fer plat et de tôle ciselée. Il y a à Versailles une semblable ported’un très-beau travail.
On appelle encore porte de fer, une porte, dont les châssis et les barreaux sont recouverts de plaques de tôle, et qui sert aux lieux qui renferment des choses précieuses, et où l’on craint le feu. C’est ainsi que sont les portes des trésors et des archives.
Porte double. Porte opposée à une autre, dans une même baie, soit pour la sûreté ou le secret du lieu, soit pour mieux préserver la pièce du froid ou de l’air extérieur.
Porte en décharge. Porte composée d’un bâtis de grosses membrures, dont les unes sont de niveau, et les autres inclinées en décharge, toutes assemblées par entailles de leur demi-épaisseur, et chevillées ; en sorte qu’elles forment une grille recouverte par dehors de gros ais en rainures et languettes, clouées dessus, avec ornemens de bronze ou de fer fondu. Telles sont les portes de l’église de Notre-Dame de Paris.
Porte feinte. On appelle ainsi toute imitation plus ou moins factice d’une porte réelle, soit qu’on se contente de la peinture pour en figurer l’apparence, soit qu’on y emploie la pierre pour en faire des chambranles qui n’auront que des ventaux simulés, soit qu’on fasse en bois plaqué sur le mur, les mêmes compartimens qu’aux portes ouvrantes. Les portes feintes n’ont ordinairement d’autre objet que le plaisir de la symétrie, dans les intérieurs des appartemens ou à l’extérieur des édifices.
Porte traversée. Porte qui, étant sans emboîture, est faite d’ais debout, croisés carrément par d’autres ais retenus avec des clous disposés en compartimens losangés. Les portes traversées les plus propres ont, près du cadre, une moulure rapportée, pour former une feuillure sur l’arête de la baie qu’elles forment. Dans les lieux où le bois de chêne est rare, ces portes se font de bois tendres, tels que le sapin, l’aube, le tilleul, etc.
Porte vitrée. On appelle ainsi celle qui est partagée, soit en tout, soit en partie, avec des croisillons de petits bois, dont les vides sont remplis de carreaux de verre ou de glaces.
PORTE-A-FAUX. On appelle de ce terme, dans la construction, tout corps de bâtisse qui est hors d’à-plomb, et en général toute partie qui artificiellement suspendue ne permet pas de voir quels sont ses supports. Beaucoup de balcons, qui ne reposent point sur des consoles, et dont les pierres n’ont de consistance, que parce que leurs queues sont engagées et liées dans l’appareil, ou dans la maçonnerie, sont des porte-à-faux. On en peut dire autant dans nos théâtres, du plus grand nombre des rangs de loges qui les environnent. Ces loges ne sont portées que par les extrémités des solives engagées dans la construction. Elles sont pour l’œil de véritables porte-à-faux.
PORTE-CRAYON, s. m. Est un petit cylindre creux, de métal, refendu par ses deux extrémités, jusqu’au tiers de sa longueur, et qui a deux petits anneaux ou coulans pour serrer le crayon qu’on y insère. Les architectes s’en servent pour faire leurs dessins.
PORTE-FEUILLE. On donne ce nom à un assemblage de deux feuilles plus ou moins grandes de carton réunies par un dos, et qui servent à renfermer les dessins. On appelle aussi de ce nom ce qui est contenu dans le porte-feuille, soit les études faites par l’architecte, soit les dessins qu’il aura faits d’après les monumens : on dit, dans ce sens, qu’il a un beau ou un grand porte-feuille.
PORTÉE, s. f. Se dit en général, dans la construction, de l’étendue qu’on peut donner à l’espace vide, que doit occuper un corps solide, en dehors du point ou des points, où il est supporté horizontalement par des soutiens perpendiculaires.
Ainsi, dans les plates-bandes des architraves, certaines pierres ont plus de portée que d’autres, c’est-à-dire, qu’on peut, avec ces pierres, faite des entre-colonnemens plus larges. Certains bois fournissent des poutres ou des solives susceptibles d’une plus grande portée que d’autres. On appelle du nom de portée la longueur d’un poitrail entre les jambages, d’une poutre entre deux murs, d’une travée entre deux poutres.
Les corbeaux soulagent la portée des poutres. Les solives n’ont pas cet avantage, aussi doit-on les proportionner à leurs portées dans les travées.
On appelle aussi portée le sommier d’une plate-bande, d’un arrachement de retombée, ou du bout d’une pièce de bois qui entre dans un mur, on qui porte sur une sablière (voyez ce mot). C’est pourquoi on dit qu’une poutre doit avoir sa portée dans un mur mitoyen, jusqu’à deux pouces près du parpain de ce mur. Portée signifie alors, dans cette poutre, la partie de son étendue qui est portée.
Portée signifie aussi toute saillie d’un corps au-delà d’un mur de face, comme seroit celle d’une gouttière, d’un auvent, d’un balcon, d’une cage de croisée, etc.
PORTER, v. act. Ce verbe a plusieurs significations dans l’art de bâtir.
On dit qu’une pièce de bois porte tant de long et de gros, pour dire qu’elle a tant de longueur et de grosseur. Par exemple, les deux pierres servant de cymaise au fronton de la colonnade du Louvre, portent chacune cinquante - deux pieds de long, sur huit de large, et sur dix-huit pouces d’épaisseur.
On dit porter de fond : c’est porter à-plomb, et par empattement, dès le rez-de-chaussée.
Porter à crû, se dit d’un corps qui est sans empattement ou retraite, comme est la colonne de l’ordre dorique grec.
Porter à faux, se dit d’un corps qui porte en saillie, et par encorbellement, comme certains balcons, comme le retour d’angle d’un entablement. On dit qu’une colonne ou un pilastre portent à faux, lorsqu’ils sont hors de leur à-plomb.
PORTEREAU, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) C'est la construction de bois, qu’on fait sur de certaines rivières, pour les rendre plus hautes, en retenant l’eau, ce qui facilite la navigation. Cette construction forme une espèce de bonde d’étang. Elle consiste en une grande pâle de bois qui barre la rivière, et qui se lève par le moyen d’Un grand manche tourné en vis, quand quelque bateau arrive. Ce manche est dans un écrou et placé au milieu d’un fort chevalet.
On appelle encore portereau, en charpenterie, un bâton court de brin, qui sert pour porter des pièces au chantier, et de-là au bâtiment.
PORTIÈRE, s. f. On appelle portière, tantôt une sorte de porte double, composée d’une étoffe quelconque, fixée par des clous sur un châssis mobile, qui ordinairement ne se ferme qu’avec un verrou ou un loquet, tantôt un simple rideau avec tringle et anneaux, qu’on met au-devant d’une porte, et qu’on tire à volonté. L’objet de la portière est le plus souvent de garantir une pièce du vent ou du froid. Quelquefois ce n’est qu’un ornement. Chez les Anciens, les portières étoient souvent les seules clôtures des portes dans les intérieurs, et cet usage est encore général dans l’Orient.
PORTIQUE, s. m. Ce mot, comme porticus, en latin, vient de porta, porte, d’où, comme nous l’avons dit à son article, s’est formé portail, mot qui exprime toute construction et décoration qui précède ou embellit les portes des édifices.
Le portique, sans doute, dut la formation de son nom à une semblable destination. Il commença, chez les Anciens, par être, comme ce que nous appelons porche (voyez ce mot), une construction plus ou moins étendue, placée en avant des maisons, pour mettre leurs portes ou leur entrée à l’abri des diverses incommodités des saisons.
On doit croire que ces constructions eurent plus ou moins d’importance, selon celle des bâtimens eux-mêmes, plus la richesse et le luxe augmentèrent l’étendue des maisons, plus leurs portiquesacquirent de grandeur et d’élévation. L’objet principal, celui de la commodité, une fois obtenu, on passa bientôt à la recherche de la superfluité, et le portique, partie d’abord nécessaire des maisons, y sera devenu, dans les palais des riches, un accessoire de pur agrément, destiné à la promenade et à d’autres convenances.
Ainsi le portique, en conservant seulement dans son nom l’origine de ce qu’il avoit été, devint un bâtiment sans rapport avec une porte, et les Romains continuèrent d’en donner le nom à ces édifices ou lieux de réunion, que les Grecs appeloient stoa.
Nous ne considérerons donc plus le portique comme borné uniquement à la devanture des maisons, nous le définirons selon variété de ses emplois, soit qu’il se lie à la disposition des édifices, soit qu’il fasse un édifice isolé lui-même, comme un composé plus ou moins étendu, plus ou moins nombreux, tantôt de piliers, piédroits ou arcades, tantôt de colonnes, formant un lieu couvert spacieux, propre au dégagement des cours intérieures, ou des façades extérieures des palais, ainsi qu’à une multitude d’autres usages de nécessité ou de décoration.
Nous ne pourrions faire connoître avec beaucoup de précision en quoi consistoit bien particulièrement, et à quoi se restreignoit, chez, les Grecs, l’idée de portique désignée par le mot stoa. Ils avoient plus d’une expression pour signifier les galeries et les colonnades, tant celles qui s’élevoient au front des temples, que celles qui accompagnoient leurs flancs, et généralement le mot stulos, colonne, entroit dans la composition des mots qui désignoient ces ordonnances. Nous trouvons toutefois le mot stoa appliqué à sa désignation d’ordonnances en colonnes, et Pausanias s’en sert à l’égard des colonnes de l’ordre supérieur qui régnoit dans le naos du temple de Jupiter à Olympie. Si le nom qui correspond, en grec, au mot portique, se donnoit aussi aux galeries en colonnes, il doit être permis de croire qu’on aura appelé de même, ce que nous nommons portiques ces grandes galeries qui formoient, par une ou deux rangées de colonnes, les périboles ou enceintes élevées autour de l’area des grands temples. C’étoit, dans le fait, ce que nous appellerions de vastes cours, de très-grands cloîtres, offrant une continuité de galeries couvertes.
Il semble qu’on peut se figurer à peu près sous la même forme, et dans le même plan, ces célèbres stoa (porticus) où, chez les Grecs, se tenoient les diverses écoles, soit de gymnastique, soit de philosophie. Les gymnases, tels que quelques descriptions nous les font concevoir (voyez Gymnase), étoient environnés de galeries couvertes qui donnoient entrée dans des chambres. Tel étoit celui d’Olympie. Tels dûrent être ceux qu’on appela l’Académie, le Lycée, le Cynosarges. C’est du mot stoa, portique, que tirèrent leur nom les célèbres sectateurs de Zénon, qu’on appela stoïciens.
Les mêmes usages doivent produire à peu près les mêmes résultats. Lorsqu’à la chute du paganisme, l’enseignement religieux eut succédé à celui des gymnases, il est fort probable que les communautés qui se formèrent, et qui construisirent ces grands monastères que nous voyons encore de nos jours, imitèrent dans les spacieuses galeries de leurs cloîtres les portiques du paganisme : et seroit-il improbable que le célèbre, pœcile ou portique, décoré de peintures, auroit ressemblé à ces cloîtres, dont tous les murs d’enceinte occupèrent pendant long-temps le pinceau des artistes modernes ?
Au reste, les portiques, comme constructions de galeries couvertes, purent s’appliquer à une multitude d’usages, et dûrent faire partie d’un très-grand nombre d’édifices. Ainsi les agora ou marchés publics, eurent des portiques autour de leurs enceintes. Les théâtres et les stades ne furent autre chose que des composés de portiques.
A Rome, il paroît que le portique, tel qu’on l’a fait voir, comme lieu de promenade couverte, non-seulement trouva place dans les bâtimens des particuliers, mais devint, eu suivant les progrès du luxe, une partie nécessaire de l’habitation des grands et des riches.
Un peu avant Caton, les particuliers n’avoient point encore de portiques qui regardassent le septentrion, pour prendre le frais en été ; mais bientôt on ne vit plus, à Rome, de maison qui n’eût un promenoir en portiques. On en fit de diverses façons et dans toutes sortes d’expositions, pour changer de température. Ainsi nous avons vu au mot Crypto portique (voyez ce mot), qu’il y avoit de ces promenoirs pratiqués originairement sous terre, puis en forme de ce que nous appellerions grottes, et qu’enfin on donnoit simplement ce nom, comme Pline-le-Jeune le fait entendre, à un portique voûté et percé de fenêtres aux deux expositions contraires.
Vitruve et Columelle prescrivent la manière dont il falloit tourner les portiques, afin qu’ils pussent être fréquentés dans toutes les saisons. Voyez la description du Laurentum de Pline-le-Jeune, au mot Maison de campagne.
Il se construisit à Rome un nombre considérable de portiques, non plus comme objet d’agrément particulier, mais comme monumens publics, comme lieux de rendez-vous, ouverts à tous, comme dépôts d’ouvrages d’art, de livres, de curiosités, etc. On donne encore aujourd’hui à quelques ruines, à quelques restes de constructions et de colonnes, les noms de quelques-uns de ces édifices. Ainsi l’on croit que ce qui est maintenant à Rome le marché au poisson, est tu débris du portique de Mercure. On voit encore quelques restes des colonnes corinthiennes du célèbre portique d’Octavius, et l’on a employé dans la nef de l’église de Sainte-Marie, plusieurs belles colonnes de l’ancien portique d’Octavia, dont il existe quelques restes, entre l’église qu’on vient de nommer et celle de Saint-Nicolas. Sur l’emplacement du portique d’Antonin-le-Pieux, est à présent une maison d’orphelins. Il reste de l’ancien ouvrage onze belles colonnes cannelées. Le portique de Faustine, femme d’Antonin-le-Pieux, en face du Mont-Palatin, présente encore dix colonnes et une inscription sur son architrave.
On peut parcourir dans les Dictionnaires d’antiquité, les notions nombreuses qui constatent quel fut le nombre des portiques à Rome. Malheureusement ces notions, et il faut le dire aussi, les restes de constructions ou de colonnes qu’en croit avoir appartenu aux portiques, ne sauroient nous instruire ni de la disposition et du pian de ces édifices, ni de l’ensemble de leur élévation, ni du caractère qui en constituoit le genre. Il paroît en effet qu’on y employoit indifféremment les piédroits et les colonnes, et tous les ordres de colonnes.
Le mot portique, chez les Modernes, n’exprime pas aussi spécialement qu’il semble l’avoir fait souvent chez les Anciens, un genre d’édifice ou de monument à part, détaché de toute autre construction, ayant ses usages, ses propriétés et une destination particulière.
Il nous semble aussi que dans la langue actuelle de l’architecture, le mot portique représente à l’esprit une composition architecturale, plus particulièrement en arcades et en piédroits. On dira d’un bâtiment avant au dehors ou dans l’intérieur de sa cour de semblables arcades, qu’il est en portiques, et on opposera volontiers à ce mot, le mot colonnade, lorsque les galeries intérieures ou extérieures sont en colonnes. Ainsi, pour citer à Paris un exemple qui rende compte de l’emploi de ces deux mots, dans leur rapport avec les choses qu’ils expriment, on appelle colonnades, à la place Louis XV, les galeries supérieures des deux édifices qui décorent cette place, et l’on dit que ers colonnades s’élèvent sur un rang de portiques inférieurs, formant à rez-de-chaussée une galerie percée en arcades.
Considérant donc sous ce rapport le portique dans l’architecture moderne, nous dirons qu’on lui a affecté les mêmes variétés de proportion et d’ornement qu’aux portes (voyez ci-dessus Porte). En le composant d’une arcade de piédroits ornés de pilastres ou de colonnes, soit adossées, soit engagées, on distingue le portique dorique, le portique ionique et le portique corinthien.
L’usage du portique, dans l’architecture moderne, a dû devenir fréquent selon les pays, en raison de la nature dus matériaux. La difficulté de trouver des architraves d’un seul morceau de colonne à colonne, ou d’y suppléer par l’artifice des claveaux ou plates-bandes, avoit déjà, dans les bas temps de l’architecture antique, suggéré l’idée d’élever en briques des cintres sur les colonnes isolées. De là sans doute l’emploi des arcades, devenu depuis si général dans tous édifices, et surtout dans les constructions des vastes églises chrétiennes, qui exigent des supports solides pour lies masses des voûtes en matériaux destinées à leur servir de couverture.
Le plus grand nombre des églises modernes est ainsi construit en portiques, c’est-à-dire en arcades formées par des piédroits ornés de pilastres.
L’emploi des portiques, considérés comme galeries ou promenoirs, devint presque général dans les cours des grands palais. Rome moderne nous fait voir de ces portiques, tantôt en arcades supportées par une ou deux colonnes en place de piédroits, tantôt en arcades reposant sur des piédroits, et formant autour des cortiles un promenoir abrité. Les exemples en sont trop nombreux et trop connus, pour qu’on se permette d’en citer. Tel est, si l’on peut dire, le type de l’intérieur de tous les grands palais d’Italie.
C’est uniquement sous le rapport de la belle architecture, que nous ferons mention ici de quelques-uns de ces monumens à deux rangs de portiques l’un sur l’autre. Telle avoit été originairement la vaste enceinte de la cour du Vatican, par Bramante, et dont on a été, depuis lui, obligé de remplir les arcades, pour remédier à la légèreté de la construction. Telle est, du même architecte, la belle cour du palais de la Chancellerie à deux rangs de portiques en arcades plus élégantes, portées sur des colonnes de marbre. En tête de ces exemples, il ne faut point oublier la cour des Loges au Vatican, architecture de Raphaël, à trois rangs de galeries ouvertes les unes au-dessus des autres.
On met au rang des ouvrages classiques en ce genre, l’intérieur de la cour du palais Farnèse, où la beauté des proportions, des formes et de la construction, rivalise avec ce qu’on connoît de plus achevé eu ce genre dans l’antiquité.
A Rome, les beaux restes du théâtre de Marcellus, dont une assez belle suite de portiques existe encore, servirent sans doute de modèle aux architectes du seizième siècle ; et c’est sur ce style et dans ces proportions, que le plus grand nombre des palais fut construit tant au dehors qu’au dedans. Il saudroit citer presque tous ces édifices, connus d’ailleurs de tous les architectes, et dont on trouve les dessins dans plus d’un recueil.
L’usage des portiques fut moins commun à Paris dans les habitations particulières. Les habitudes du climat, et aussi la cherté du terrain, ne permirent pas de mettre autant de dépense, et d’employer autant d’espace, soit pour le plaisir de prendre l’air, soit pour la magnificence des intérieurs.
Cependant quelques monumens et certains édifices qui exigent des promenoirs publics furent construits dans ce système. Telle est la grande et magnifique cour de l’hôtel des Invalides, à deux rangs deportiques l’un sur l’autre, qui dégagent toutes les parties du corps de bâtiment.
L’usage des portiques dans beaucoup de places d’Italie, comme celle de Saint-Marc à Venise, ouvrage des plus célèbres architectes, et même à toutes les maisons d’une ville, comme à Bologne, s’introduisit aussi en France, et la place Louis XIII, dite la place Royale, en est une imitation fort remarquable.
La ville de Turin, comme l’on sait, est construite d’une manière uniforme, en maisons dont le rez-de-chaussée consiste sur la rue en portiques continus, qui forment pour les gens de pied un marcher toujours couvert.
Les nouvelles constructions de la rue de Rivoli à Paris, nous en donnent l’idée, et formeront une promenade très-commode, surtout dans les mauvais temps. L’aspect, quoique simple, de cette bâtisse, ne laisse pas d’offrir un coup d’œil fort agréable.
On multiplieroit inutilement les notions et les exemples sur ce qu’on appelle portique, considéré soit dans son élément, soit dans les emplois que l’architecture en fait. Ces notions et ces exemples se retrouvent d’ailleurs à une multitude d’articles de ce Dictionnaire. On peut dire en effet que le portique non pas étendu jusqu’aux péristyles et aux colonnades, mais seulement restreint aux arcades sur piliers, fait une partie si considérable des édifices, qu’il en est fort peu où on ne le retrouve.
On a appliqué ce mot à quelques objets même qui sont étrangers à l’architecture, ou qui n’en sont que des imitations fictives.
Ainsi l’on appelle :
Portique de treillage, Un ouvrage composé d’échalas maillés, dans la forme que l’architecture donne aux constructions solides.
Portique d’arbres. (Jardinage.) C’est un jeu dans l’art de dresser et de conformer les arbres, au moyen duquel on parvient à leur faire prendre les contours des arcades dont se composent les portiques.
PORTOR (marbre portor). Voyez Marbre.
POSE, s. f. Se dit de l’action de poser une pierre au lieu qu’elle doit occuper, ou de l’endroit même dans lequel on la place à demeure. On dit la pose de la première pierre d’un monument, pour exprimer la cérémonie qui a lieu à cette occasion. Tel roi a fait en telle année la pose de la première pierre de tel édifice. Voyez Poser.
POSER, v. act. C’est, dans la construction de l’édifice, mettre une pierre en place et à demeure.
Déposer. C’est ôter une pierre de sa place, soit parce qu’elle la remplit mal, étant trop forte, trop maigre ou défectueuse, soit parce qu’elle est en délit.
Poser à sec. C’est construire sans mortier. On pose à sec, en frottant la pierre supérieure sur l’inférieure avec du grès pilé et de l’eau, par leurs joints de lit bien dressés, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’il ne reste plus entr’elles le moindre vide. De cette manière ont été appareillés le plus grand nombre des édifices antiques, et plusieurs aussi chez les Modernes.
Poser à crû. C’est dresser sans fondation toute bâtisse légère, qui consiste seulement en un bâtis de charpente. On pose à crû un pilier, une étaie ou un pointal, pour soutenir quelque chose.
Poser de champ. C’est mettre, par exemple, une brique sur son côté le plus mince, une pièce de bois sur front, c’est-à-dire, sur sa face la plus étroite.
Poser de plat. C’est faire le contraire.
Poser en décharge. C’est poser obliquement une pièce de bois, pour empêcher la charge, pour arc-bouter et pour contreventer.
POSEUR, s. m. C’est le nom qu’on donne à l’ouvrier qui recoit la pierre de la grue, ou élevée par elle, et qui la met en place de niveau, d’alignement et à demeure.
Le contre-poseur est celui qui aide le poseur.
POSITION, s. f. Se dit de la situation dans laquelle se trouve une maison, un édifice. Voyez Exposition.
POSTES, s. f. pl. On donne ce nom à un ornement qu’on trouve très-fréquemment employé par la sculpture dans les édifices, sur les piédestaux, les cippes, etc. , et par la peinture sur les vases grecs (vulgairement appelés étrusques). C’est une sorte d’enroulement courant, c’est-à-dire, qui se répète et qui donne l’idée d’un objet qui court après un autre. Voilà ce qui lui a fait donner le nom de postes.
D’après une sorte d’analogie imitative, on a cru que cet ornement représentoit des flots qui se succèdent. Ce qui est certain, c’est que sur la plinthe d’un groupe du soleil, sortant avec les chevaux de son char, des eaux de la mer figurée sur la surface de la plinthe par des traits ondulés, groupe qui occupoit un des angles du fronton oriental du temple de Minerve à Athènes, on voit derrière les épaules d’Apollon, s’élevant au-dessus des flots, plusieurs figures de postes très-nettement figurées.
Quelle que soit l’origine de cet ornement, elle est d’une légère importance dans l’emploi qu’on peut eu faire. On le place volontiers sur des plinthes et dans des bandeaux, et on le traite avec plus ou moins de simplicité, selon le caractère général de l’édifice. Tantôt on le laisse tout uni, tantôt on le fleuronne avec des rosettes.
Cet ornement est du nombre de ceux qui entrent volontiers, et fort naturellement dans les ouvrages, de serrurerie, et on le trouve à beaucoup de grilles.
POSTICHE, adjectif des deux genres. Ce mot vient de l’italien posticio, qui signifie ajouté, ou fait après coup.
Au sens simple, on donne cette épithète, dans beaucoup d’ouvrages, à un morceau rapporté, soit pour compléter, soit pour, alonger l’ensemble ; comme, par exemple, à une table de marbre ou de toute autre matière, que l’on incrustera dans une décoration d’architecture. On appellera aussi de ce nom toute addition faite dans un monument, d’un corps de bâtisse qui lui est étranger. On ne sauroit en donner un meilleur exemple, qu’en citant, dans beaucoup de nos églises, ces compositions décoratives qu’on y introduit après coup, pour supporter des buffets d’orgue. Telle est, dans l’église de Saint-Sulpice, la tribune en colonnes au-dessus de la porte d’entrée, composition faite pour les orgues, et qui, ne tenant en rien au système d’ordonnance du reste de l’église, sembleroit y avoir été amenée plutôt que bâtie, et introduite postérieurement à son entier achèvement.
Au sens figuré, le mot postiche a un grand nombre d’applications, et il n’y a point d’art où l’abus du postiche ne puisse se faire sentir. Combien n’en trouve-t-ou pas dans les ouvrages de la poésie, et non-seulement dans les grandes compositions, mais jusque dans la facture des vers ! Combien d’idées superflues ne viennent-elles point remplir les hémistiches, pour amener au poëte la rime dont il a besoin ! Dans le fond, ce qu’on appelle remplissage, n’est autre chose que du postiche. Combien de morceaux épisodiques sans liaison avec le sujet du poëme, qui n’y figurent que pour grossir le volume d’un chant ! Combien même de chants postiches qu’on enleveroit sans nuire à l’effet principal ! Combien, dans les drames, de scènes intercalées, de rôles parasites, de morceaux ajoutés pour un intérêt tout-à-fait étranger à celui de l’action !
Il y a, dans les tableaux, tant de figures inutiles et postiches, qu’on auroit bien plutôt fait de citer ceux qui sont exempts de ce vice, que ceux où il se fait remarquer avec plus ou moins d’évidence.
En architecture, on l’a déjà dit, il se trouve bien des parties de bâtimens qui y sont surajoutées, et que diverses sujétions introduisent après coup dans les plans et les élévations. Mais c’est surtout la décoration ou l’ornement qui donne lieu à une multitude d’inventions postiches, de formes parasites, qui sont comme autant de lieux communs ou de remplissages, auxquels l’architecte a recours, soit lorsqu’il manqua de génie, soit lorsqu’il se laisse, par routine, entraîner à l’esprit de mode. Nous ne citerons ici aucun de ces détails particuliers, qu’on a déjà passés en revue à plusieurs des articles de ce Dictionnaire. Nous nous contenterons de dire que ces vices de détail procèdent du faux esprit qui prend le luxe pour la richesse, et la superfluité pour l’abondance, excès dans lequel on tombe, dès qu’on perd de vue que l’agréable, en architecture, doit toujours être soumis à l’utile, qui lui a donné naissance.
POSTICUM : est le mot latin qui traduisoit le mot grec opistodome ou opistion, dont il paroît formé, et c’est le mot que Vitruve emploie pour désigner cette partie postérieure des temples amphiprostyles, qui répondoit à la partie de la face antérieure qu’on appeloit pronaos. Voyez Pronaos et Opistodome.
POTAGER, s. m. (Jardinage) C’est, ou un enclos séparé par ; par dus murs, dans un grand jardin, et destiné à la culture des légumes, ou, dans les jardins de moindre étendue, une partie de terrain divisée seulement par des plates-bandes, où l’on trace les carrés qu’on garnit de légumes.
Potager, C’est, dans une cuisine, une table de maçonnerie, à hauteur d’appui, où il y a des réchauds scellés. Les fourneaux ou potagers sont faits par arcades de deux pieds de large, posées sur de petits murs de huit à neuf pouces d’épaisseur, et dont l’aire est retenue par les bords, avec une bande de fer sur le champ, recourbée d’équerre, et scellée dans le mur.
POTEAU, s. m. Est toute pièce de bois posée debout, de quelque grosseur ou longueur qu’elle soit.
Poteau cornier. Maîtresse pièce qui forme le côté d’un pan de bois, ou l’encoignure de deux pans de bois, dans lequel sont assemblés les sablières de chaque étage. Ce poteau est quelquefois d’une seule pièce, quelquefois de plusieurs, entées solidement l’une à l’extrémité de l’autre.
Poteau de cloison. On appelle ainsi celui qui est posé à-plomb, retenu à tenons et mortaises dans les sablières d’une cloison. Ces poteaux sont de quatre à six pouces, dans les étages de dix à douze pieds ; de cinq à sept, dans ceux de quatorze à seize ; de six à huit, dans ceux de dix-huit à vingt. Les sablières sur lesquelles ils posent doivent avoir en plus un pouce de gros.
Poteau de décharge. Poteau incliné en manière de guette, pour soulager la charge dans une cloison ou pan de bois.
Poteau de membrure. . Pièce de bois de douze à quinze pouces de gros, réduite à sept ou huit pouces d’épaisseur, jusqu’à la console ou corbeau qui la couronne, et qui est pris dans la pièce même, laquelle sert à porter de fond les poutres dans les cloisons et panade bois.
Poteau de remplace. Poteau qui sert à garnir un pan de bois, et qui est de la hauteur de l’étage.
Poteau d'huisserie ou de croisée. Poteau qui fait le côté d’une porte ou d’une fenêtre. Ces poteaux doivent avoir six à huit pouces de gros. Quand on veut qu’ils soient apparens dans une cloison recouverte des deux côtés, il faut qu’ils aient au moins deux pouces de gros plus que les autres.
Poteau montant. C’est, dans la construction d’un pont de bois, une pièce retenue â-plomb par deux contre-fiches, au-dessous du lit, et par deux décharges au-dessus du pavé, pour en entretenir les lices ou garde-fous.
Poteaux d'écurie, s. m. Morceaux de bois tournés, enfoncés et scellés dans le sol, au-dessus duquel ils s’élèvent d’environ quatre pieds, et qui ont quatre pouces de gros. Ils servent, dans les écuries, à séparer, pur des barrières qui s’étendent jusqu’au mur, les chevaux entr’eux.
Poteau de lucarne. Ce sont des poteaux placés à côté d’une lucarne, pour en porter le chapeau.
POTELETS, s. m. pl. Petits poteaux qui garnissent les casseroles de bois sous les appuis des croisés, sous les décharges, dans les fermes des combles et les échiffres des escaliers.
POTENCE, s. f. Pièce de bois debout, comme un pointal, couverte d’un chapeau ou semelle par-dessus, et assemblé avec un ou deux liens, ou contre-fiches, qui sert pour soulager une poutre d’une trop longue portée, ou pour en soutenir une qui est éclatée.
POTENCE DE FER. Sorte de grande console en saillie, ornée d’enroulemens, ou de feuillages en tôle, pour porter des balcons, des enseignes de marchands, des poulies à puits, des lanternes, etc.
POTERIE, s. f. C’est le nom général que l’on donne aux ouvrages de plastique qui, sous toutes les formes de vases, ou de pots, entrent dans une multitude de besoins domestiques et autres.
On a reconnu depuis quelques années, que les poteries avoient été souvent employées par les Romains dans les massifs de leurs constructions.
Lorsqu’on avoit à faire soit de grandes masses de maçonnerie, soit même des voûtes d’une certaines épaisseur, selon le système de blocages, qu’on appelle aujourd’hui alla rinfusa, où de petits fragment de pierre sont employés pêle-mêle avec le mortier de chaux et de pouzzolane, les constructeurs, pour économiser autant la matière que le temps, la charge et la dépense, plaçaient d’espace en espace dans le massif, des pots de terre du genre de nos cruches, c’est-à-dire, ayant ce qu’on appelle beaucoup de ventre. Chacun de ces pots, environné de la maçonnerie, formoit naturellement et sans art une petite voûte qui devenoit comme une voûte de décharge. Ainsi s’allégissoit la construction, et s’économisioient les frais de matériaux et de main-d’œuvre.
C’est particulièrement au cirque de Caracalla à Rome, qu’on voit de nombreux vestiges de cette méthode économique de construction, et l’on a retiré de ces massifs de maçonnerie, plus d’une Hydria entièrement conservée.
Il y a déjà trente ou quarante ans, que d’après cet exemple, l’idée est venue à un architecte des hôpitaux (M. de Saint-Fart), d’employer ce qu’on a appelé des briques creuses, pour en former des voûtes et des planchers. Il existe un rapport de l’Académie des sciences sur l’application des poteries à la construction des plafonds, ce rapport, d’après les expériences faites sur la résistance de ces pots contre la pression, et sur la consistance des planchers ainsi construits, a rendu un compte avantageux de ce procédé.
Précédemment, l’Académie d’architecture avoit, dans un rapport daté de 1786, parlé ainsi de cette application moderne de la poterie à nos constructions.
Il existe au Palais-Royal quelques galeries dont les plafonds, fort étendus, sont ainsi construits depuis une trentaine d’années, et n’ont fait aucun effet qui puisse prédire la moindre désunion.
POUCE, s. m. Est la douzième partie du pied de roi, et se divise en douze parties qu’on appelle lignes.
Pouce superficiel ou carré. Est une étendue d’un pouce en longueur et largeur, qui contient 144 lignes carrées, et qui est la 144e partie d’un pied carré.
Pouce cube. Est un solide d’un pouce en longueur largeur et hauteur, qui est la 1728e partie d’un pied cube, et qui confient 1728 lignes cubes.
Pouce d’eau. C’est une quantité d’eau courante, qui passe continuellement par une ouverture ronde d’un pouce de diamètre (en sorte que la superficie de l’eau demeure toujours dans le réservoir, plus haute que la partie supérieure de cette ouverture), et qui fournit dans une minute 13 pintes d’eau, et dans une heure 800 pintes, ou 2 muids 224 pintes de Paris.
POUF. Terme indéclinable dont on se sert pour indiquer le vice d’une pierre dont les élémens n’ont point de concrétion, et qui, sous les coups de l’outil, se dissout et tombe en poussière. Tel est le grès, par exemple ; tels sont certains marbres, qu’on appelle pouf, que le ciseau ne sauroit tailler, et qui s’engrènent au moindre coup.
POULAILLER, s. m. Est un petit appentis servant de retraite aux poules dans une basse-cour ou dans une ferme.
Nous trouvons que les Anciens avoient porté beaucoup de soins à celle petite construction. Dans leurs villa ou maisons de campagne, on exposoit le gallinarium vers le sud-est, et on le plaçoit à côté de la cuisine, pour qu’il en reçût la chaleur. Lorsqu’on ne pouvoit point lui donner celle disposition, on y pratiquoit trois divisions. L’entrée se trouvoit dans celle du milieu, qui étoit la plus petite, et qui avoit sept pieds en hauteur, en longueur et en largeur. De cette division on passoit dans les deux autres, situées à gauche et à droite, où se trouvoient les loges des poules. Dans la division du milieu, il y avoit en face de l’entrée, contre le mur de fond, un foyer sur lequel on entretenoit du feu, dont la fumée, salutaire aux poules, se répandoit dans les divisions latérales. Chacune de celles-ci avoit sept pieds de largeur, douze pieds de longueur et autant d’élévation. Chaque division étoit séparée en trois étages, et du coté de l’est, il y avoit à chaque étage des petites ouvertures, par lesquelles les poules pouvoient sortir le matin et rentrer le soir. En bas on y pratiquait des ouvertures plus grandes, afin d’y faire pénétrer la clarté, et pour observer si les poules avoient pondu. Devant ces dernières on plaçoit une grille, pour empêcher les animaux malfaisans d’y pénétrer. Ou donnoit taux murs assez d’épaisseur pour y pratiquer des niches dans lesquelles on pouvoit placer les nids des poules. On préféroit cette méthode à celle d’enfoncer des pieux dans le mur pour y suspendre les paniers. Les murs éloient revêtus d’un enduit bien lisse en dehors et en dedans, afin d’empêcher d’y grimper tous les insectes ou animaux malfaisans.
POULIE, s. f. Petite roue massive, de bois dur ou de métal, avec un canal pratiqué dans son épaisseur, et dont la largeur comme la cavité sont proportionnées à l’épaisseur de la corde qui doit y jouer. Cette roue tourne sur un goujon qui la traverse, c’est-à-dire, qu’au centre est encastré carrément un axe dont les extrémités sont arrondies et tournent dans les yeux d’une chape ou écharpe.
On se sert aussi de poulie sans chape, en l’appliquant aux chèvres, engins, grues, machines à battre les pilotis et autres, pour empêcher que les cordages ne s’usent pur le frottement.
Poulie double. Est celle où il y a deux roues sur un essieu, l’une à côté de l’autre.
Poulie de palan. Est celle où il y a deux poulies l’une sur l’autre, quelquefois trois et même quatre. Voyez Moufle.
POURTOUR, s. m. Mot dont on use vulgairement, pour exprimer ce qu’on entend dans toute surface par circuit. C’est donc l’étendue du contour d’un espace quelconque.
On dit dans le toisé des batimens, qu’une souche, par exemple, une corniche de chambre, un lambris, etc., ont tant de pourtour, c’est-à-dire, tant de longueur ou d’étendue, dedans ou dehors œuvre.
POUSSÉE, s. f. On appelle ainsi l’effort que fait une masse quelconque, contre la masse destinée à lui servir de résistance.
On dit que les terres d’un quai, d’une terrasse, font poussée contre les murs qui les retiennent.
Mais cela se dit beaucoup plus souvent de l’effort que fait le poids d’une voûte, ou d’une arche de pont, contre les murs, piédroits, piliers ou massifs des culées sur lesquels, ou contre lesquels leurs cintres s’appuient. Voyez au mot Culée les notions relatives à la poussée des arches de pont.
Dans les voûtes, l’action de la poussée est celle que font les voussoirs à droite et à gauche de la clef contre les piédroits.
Il est de la dernière importance de connoître et de savoir apprécier le degré de cette poussée, afin d’y ménager une résistance convenable qui prévienne l’écartement des claveaux. Les mathématiques donnent, en théorie, des règles générales pour déterminer le degré des deux sortes de puissances qui doivent se balancer, selon la nature des cintres et la courbure qu’on donne aux arcs. Mais la pratique doit entier aussi dans une détermination qui repose sur des élémens fort variables.
La poussée, dans un cintre d’arcades, ou dans une plate-bande à claveaux, dépend beaucoup de la direction des voussoirs, c’est-à-dire, du plus ou moins de tendance au centre des joints qui les séparent.
Dans une arcade, il est sensible encore que plus elle aura de convexité, plus les voussoirs des deux côtés du demi-cercle approcheront par leurs lits de la ligne horizontale, moins l’action latérale de la poussée aura de force. Au contraire, plus l’arc sera surbaissé, plus il y aura de voussoirs dont les joints approcheront de la ligne perpendiculaire, et auront besoin, par conséquent, pour être retenus en place (abstraction faite des armatures artificielles), d’une résistance latérale plus forte.
Il faut encore mettre en compte plusieurs autres considérations.
1°. Dans une voûte où l’on suppose que les voussoirs ne sont entretenus par aucun ciment, on doit faire observer que plus la tête des voussoirs sera petite, plus la voûte aura de poussée.
2°. Il est constant que plus la voûte aura d’épaisseur, plus grand sera l’effort de la poussée.
3°. Plus les piédroits qui soutiennent une voûte seront élevés, plus il leur faudra d’épaisseur pour résister à la portée de la poussée. Voyez le mot Voute.
On dit faire le trait des poussées des voûtes. C’est chercher et marquer les épaisseurs que doivent avoir les murs et les piliers battans, qui sont des corps saillans, lesquels portent et appuient les voûtes.
POUSSER, v. act. Se dit d’un mur qui fait ventre, ou est ce qu’on appelle bouclé. On dit qu’il pousse au vide.
Pousser. Se dit encore de quelques opérations de la sculpture dans l’ornement, comme de tailler des moulures dans la pierre, de couper les ouvrages de plâtre faits à la main, et qui ne sont pas traînés.
Pousser. Est, dans la menuiserie, former des moulures, avec des rabots à moulures, ou les faire à la main dans les parties cintrées.
POUSSIER, s. m. On appelle ainsi la poudre des recoupes de pierres passées à la claie, qu’on mêle avec du plâtre pour l’empécher de bouffer, c'est-à-dire, pour en amortir la force, dans plus d’un emploi, comme, par exemple, dans le carrelage.
On Emploie aussi le poussier pour faire du badigeon.
On met du poussier de charbon entre les lambourdes d’un parquet, pour intercepter l’humidité.
POUTRE, s. m. On nomme de ce nom, dans la charpente et le bâtiment, la plus grosse des pièces de bois que la construction met en œuvre, et qu’on emploie ordinairement à supporter les travées des planchers, et aussi dans un grand nombre de boutiques, la charge des trumeaux de la façade des maisons.
On emploie des poutres de différentes longueurs et grosseurs. Celles qui sont en mur mitoyen, selon les règles des bâtimens, doivent porter plutôt sur toute épaisseur du mur, à deux ou trois pouces près, qu’à moitié, à moins qu’elles ne partagent cette épaisseur par moitié avec celles du voisin : en ce cas, elles peuvent porter que sur la moitié. Alors on soulage leur portée, de chaque côté, par des corbeaux de pierre, et l’on met une table de plomb entre les bouts des deux poutres qui se rencontrent, pour empêcher qu’elles ne s’échauffent et se pourrissent. Dans les planchers, on ne se sert guère de ces poutres, mais de solives passantes qui se posent sur les murs.
Les connoissances les plus importantes dans l’emploi des poutres, sont celles qui concernent l’effort dont elles sont capables, selon leurs différentes longueurs.
Il a été avéré par les physiciens qui se sont occupés de ces recherches, que,
dimension des poutres. | expression de la force ou résistance. | expression de la solidité. | ||||
largeur. | hauteur. | |||||
12 | pouces. | 12 | pouces. | 1728 |
144 | |
12 | 13 | 1852 |
143 | |||
10 | 14 | 1960 |
140 | |||
9 | 15 | 2025 |
135 | |||
8 | 16 | 2048 |
128 | |||
7 | 17 | 2023 |
119 | |||
6 | 18 | 1944 |
108 | |||
5 | 19 | 1805 |
95 | |||
4 | 20 | 1600 |
80 | |||
3 | 21 | 1323 |
63 | |||
2 | 22 | 968 |
44 | |||
1 | 23 | 529 |
23 |
Poutre armée. C’est une poutre sur laquelle sont assemblées deux décharges en abouts, avec un chef, retenues par des liens de fer. Cela se pratique quand on veut porter à faux un mur de refend, on lorsqu’un plancher est d’une si grande étendue, qu’on est obligé de se servir de cet expédient pour soulager la portée de la poutre, en faisant un faux-plancher par-dessus l’armature.
Poutre feuillée. Poutre qui a des feuillures ou des entailles, pour porter dans cet encastrement le bout des solives.
Poutre quarderonnée. Poutre sur les arêtes de laquelle on a poussé un quart de rond, une doucine, on quelqu’autre moulure entre deux filets, ce qui se fait quelquefois pour l’orner, plus souvent pour faire disparoitre ce qu’on appelle la flasche, c’est-à-dire, l’empreinte de l’écorce, ou tout autre défaut.
POUTRELLE, s. f. Petite poutre de dix à douze pouces d’équarrissage, qui sert à porter un plancher d’une médiocre étendue.
POUZZOL, en latin Puteoli, ville voisine de Naples, située sur le golfe de Baies, en face de celle ville, et qui se réunissant à elle dans le vaste contour de ce golfe, contribua à former ce magnifique ensemble d’aspects et de monumens, qui fit croire jadis à un ambassadeur étranger, qu’il étoit entré dans la capitale du Monde.
Quoique la mer ait gagné sur la plage de Pouzzol, et submergé quelques terrains de la partie basse, malgré tous les ravages du temps et aussi les catastrophes de la nature, si fréquentes en celle contrée, celle ville a conservé encore beaucoup de témoignages de sa grandeur et de sa richesse passée.
Presqu’attenant a l’église de Saint-Jacques, on trouve les ruines d’un amphithéâtre bâti en pierres de taille, dont l’arène avoit 172 pieds de long, sur 88 de large. Cet amphithéâtre, que l’on appelle aussi Colisée, à l’instar de celui de Rome, étoit au milieu de l’ancienne ville. Les portiques qui servaient d’entrée, et qui régnoient sous les gradins, existent presqu’en entier, ainsi que les caveaux destinés à renfermer les bêtes destinées aux combats de l’arène. Cet édifice avoit deux étages ou deux ordres de portiques, dont l’inférieur étoit bâti en grosses pierres de lave, et le supérieur en briques. Les massifs de ces constructions étoient formés de scories de volcan, revêtues d’enduits en stuc. Il y a encore quelques caissons dans des voussures, et qui sont d’un très-ban goût. La forme de cet amphithéâtre est un ovale alongé. Il y avait quatre entrées principales. Toutes les voûtes rampantes qui soutenoient les gradins dans une direction oblique et tendante au centre, existent encore, mais on ne distingue plus les gradins, qui sont entièrement détruits.
Près de là sont des ruines presque toutes enterrées, qu’on vous dit être les restes d’un labyrinthe, mais qui paroissent, avec beaucoup de vraisemblances, avoir appartenu à une conserve d’eau.
La cathédrale est bâtie sur les ruines d’un temple qu’on dit de Jupiter, et en partie des matériaux de ce temple, au nombre desquels se trouve une inscription qui prouve que le temple avoit été bâti par Calphurnius, chevalier romain, en l’honneur d’Auguste.
Vers la fin de l’année 1698, en creusant sous la maison de la famille Migliaresi, on trouva un bloc de marbre très-fin, plus long que large, et dont la largeur est égale à la hauteur. On a supposé qu’il avoit pu être le piédestal d’une statue équestre de Tibère, auquel le monument est consacré. Sur une des faces étroites est l’inscription, accompagnée d’une figure de femme de chaque côté, qui indique que ce fut un collège des Augustales, ou prêtres consacrés à Auguste, qui fit élever ce monument à Tibère, et qu’ayant été endommagé, la ville de Pouzzot le fit rétablir. On sait que du temps de Tibère, il y eut dans l’Asie mineure un tremblement de terre considérable, qui renversa et détruisit beaucoup de villes, que Tibère fit rétablir à ses frais. Ce fut probablement en reconnoissance de ce bienfait, que les villes qu’on voit personnifiées en bas-relief sur les faces de ce piédestal, érigèrent à l’empereur le monument dont ce piédestal est le seul reste. Elles y sont figurées au nombre de quatorze, chacune avec leurs symboles. On lit le nom de chacune au bas. Quelques-unes de ces noms offrent des lacunes qui en rendeut l’interprétation douteuse. Mais on y lit clairement les noms de Cyme, Tmolus, Philadelphia, Magnesia, Hiero Cœsarea, Hircania, Apollonidea, Ephesos, Myrina, Cibyra, Temnos. La sculpture de cet ouvrage, quoique fruste en beaucoup d’endroits, annonce une fort belle manière et une bonne exécution.
Lorsqu’on a passé l’amphithéâtre, on trouve, proche du lieu appelé Campana, une multitude de ruines d’anciens sépulcres ou hypogées. C’étoit là, à ce qu’il paroît, ce que nous appellerions le cimetière de la ville. Beaucoup de ces sépulcres, aujourd’hui ouverts, montrent encore des niches ornées de stucs et de peintures, d’un travail assez précieux. Il y a de ces intérieurs faits en forme de columbarium. C’étoit des tombeaux de famille, et on y voit toujours la niche principale, et richement décorée pour le propriétaire du tombeau. Plusieurs de ces monumens ont été recueillit par plus d’un dessinateur, et on en trouvera quelques vues dans l’ouvrage des Sepolcri antichi de Fietro Santi Bartoli.
Au bas de Pouzzol, dans la mer, on voit les restes d’une grande construction, qu’on appelle vulgairement le pont de Caligula. Mais celle dénomination n’est due qu’à sa forme, qui présente des piliers jadis joints par des arcades. Ces piliers sont au nombre de quatorze, et leur construction, liée par le mortier fait avec la pouzzolane, que l’eau de la mer durcit, s’est conservée jusqu’à ce jour, de manière à faire croire qu’elle se conservera encore long-temps.
L’objet de cette construction avoit été d’être un môle, un rempart contre l’impétuosité des flots pour mettre les vaisseaux à l’abri dans le port de Pouzzol. Ce môle, il est vrai, étoit fait en arcades, ce qui ne fait aucune difficulté contre l’opinion de cette destination. Une semblable construction devoît d’abord être plus solide, ensuite plus économique ; enfin il est certain qu’elle devoit suffire pour rompre l’impétuosité des vagues et abattre les grands coups de mer.
Outre la ressemblance de cette construction avec la figure d’un pont, on doit ajouter encore, pour rendre compte de la dénomination qu’on lui a donnée jusqu’à ce jour, que dans le fait elle fit une fois l’office de pont pour la traversée du golfe. Il ne faut pas croire cependant que le projet de Caligula ait jamais été de continuer cette levée dans la mer, pendant l’espace de quatre milles qui séparent en ligne droite la ville de Pouzzol, de celle de Baies. Suétone a si positivement raconté l’histoire du pont de Caligula, qui étoit un pont de vaisseaux, et non de matériaux solides en pierres, briques ou maçonnerie, qu’il n’est point permis de s’en faire une autre idée. Cet écrivain dit très-positivement que Caligula, dans une cérémonie, voulut traverser le golfe, un jour à cheval, et le lendemain dans un char ; qu’à cet effet, avec des vaisseaux chargés, arrêtés par des ancres et rapprochés les uns des autres, il fit établir une route sur le golfe dans la longueur de trois mille six cents pas environ, depuis Baies jusqu’au môle de Pouzzol. (Putelanas ad moles.)
Ces derniers mots indiquent bien que cette construction, indépendante du pont de vaisseaux, existoit auparavant et étoit un môle. Qui dira que ce môle ainsi avancé dans la mer, n’aura pas suggéré à Caligula l’idée de sa folle traversée ? Mais en même temps, qui ne voit que ce pont de vaisseaux très-constant, et qui n’eut rien que de fort praticable, s’alignant au môle en forme d’arcades de Pouzzol le fit réellement, dans cette marche de Caligula, servir de pont, et que le nom de pont de Caligula lui en sera resté ?
Le monument de Pouzzol le plus curieux pour l’architecture, est certainement le temple qu’on appelle, on ne sait pas pourquoi, de Serapis. Malheureusement ce temple fut, par l’effet de quelques-unes des catastrophes volcaniques qui se sont multipliées sur ces parages, presqu’entièrement comblé sous des cendres et des scories. Il ne fut découvert que vers la moitié du dernier siècle, et les colonnes et les débris qu’on en fit alors enlever, l’ont encore dénaturé de manière à en rendre la restitution difficile.
Au milieu d’une area quadrangulaire entourée de colonnes dont on retrouve encore les bases en place, et qui formoient un promenoir également carré, s’élevoit une partie circulaire ou colonnade à jour, formée par seize colonnes de marbre africain, au-devant de chacune desquelles il y avoit une statue. Les piédestaux de ces statues existent et sont encore à leur place. Au milieu du pavement de cette rotonde, on aperçoit un trou, sur lequel il y a une rosette de marbre à jour, par ou vraisemblablement s’écouloit le sang des victimes. Vis-à-vis l’entrée, et à la partie postérieure du quadrangle, sur lequel est inscrit le cercle du temple rond, s’élevoient quatre grandes colonnes, qui peut-être formèrent un péristyle en avant du sanctuaire. Il en reste encore trois sur pied.
On découvre sur ces trois grandes colonnes, et vers le milieu de leur fût, une particularité qu’on a quelque peine à expliquer. A la distance de dix pieds au-dessus de leur base, leur fût se trouve rongé dans une hauteur de quelques pouces par des pholades et dact lites, espèces de coquillages qu’on trouve encore dans les petits trous que l’animal a pratiqués. Au-dessus et au-dessous on n’en découvre plus le moindre vestige, dans toute la circonférence des trois colonnes. Comme les pholades se tiennent à la surface de la mer, qu’ils ne demeurent ni dans le fond ni dans les pierres au-dessus du niveau de l’eau, il s’ensuit que les parties corrodées et trouées de ces colonnes, ont dû se trouver pendant du temps au niveau de l’eau de la mer, qui aujourd’hui est de dix pieds plus basse que l’endroit de ces colonnes. Il faut donc supposer que ces colonnes, avant d’être employées et dressées dans ce temple, auront pu être enfouies à cette hauteur, et les nombreuses convulsions qui ont tant de fois bouleversé cette plage, si elles s’opposent à la recherche d’une explication positive, permettent toutes les conjectures qu’on voudra hasarder.
Autour de la colonnade quadrangulaire dont on a parlé, se voient encore un fort grand nombre de chambres carrées, qui étoient revêtues de marbre. Dans un des angles, il y en a une plus grande que les autres. Des bancs de marbre sont disposés alentour de chaque chambre : ils sont percés d’espace en espace, et ont une seconde ouverture dans la partie du devant et sous chacun des sièges. Tout porte à croire que ce temple (faussement dit de Serapis) aura été comme les temples d’Esculape, un de ces lieux mis sous la protection du dieu de la médecine, où des bains sulfureux, des eaux purgatives, réunissoient un grand nombre de malades.
Il seroit à désirer que des recherches faites avec soin dans toutes les parties du local de ce temple, si curieux à tant d’égards, nous missent à même d’en former, par une restitution bien autorises, une idée complète.
POUZZOLANE, s. f. C’est du nom de la ville de Pouzzol qu’a pris son nom une terre volcanique rougeâtre, dont on se sert dans une grande partie de l’Italie, et qu’on mêle, au lieu de sable, avec la chaux, pour en faire un mortier supérieur à tous ceux qu’on connoît, et qui a surtout la propriété de se durcir dans l’eau.
Quoiqu’on trouve de cette terre volcanique dans beaucoup d’autres parties de l’Italie, et surtout auprès de Rome, cependant nous voyons que Vitruve lui donnoit déjà le nom qu’elle porte aujourd’hui ; ce qui pourroit faire croire, ou qu’on l’employa d’abord dans les environs de Naples, ou qu’on avoit trouvé quelque supériorité à celle de Pouzzol.
La carrière d’où on la tire encore aujourd’hui à Pouzzol, est une des plus abondantes qu’il y ait aux environs de Naples ; et quant au débit qu’on peut en faire, elle a l’avantage de pouvoir être facilement exportée, se trouvant sur le bord de la mer.
Elle a été produite par une lave d’une étendue considérable, que quelques personnes croient être sortie du volcan de la Solfatura dans des temps inconnus. Cette lave a, dans quelques parties, quatre-vingts pieds de hauteur sur un quart de mille d’étendue. Dans le fond ou à sa base, on voit plusieurs lits de cendres, de pierres ponces, de terres volcanisées et un amas de toutes les pierres jetées avant l’écoulement de la lave ; vient ensuite cette énorme lave dont on a parlé, recouverte de nouveau d’une cendre rouge, semblable au ciment pilé et calciné, qui est la pouzzolane par excellence, laquelle a donné le nom à toutes les terres volcanisées, dont on se sert avec tant d’avantage pour construire à l’air et dans l’eau.
Ce ciment, aux yeux du naturaliste, n’est autre chose qu’un mélange de scories volcaniques plus ou moins friables, poreuses ou calcinées, et passant à un état terreux par l’intermède des vapeurs acides sulfureuses. Est genus pulveris, écrivoit Vitruve du temps d’Auguste, quod efficit naturalité res admirandas. La qualité de ce ciment étoit tellement reconnue par les Romains, que Sénèque ne craignait pas de dire, puteolanus pulvis, si aquam attigit saxum fit.
Vitruve, dont on vient de citer l’opinion, croit que les vapeurs brûlâmes et sulfureuses qui exhalent au travers des terres, eurent un effet sur cette cendre appelée pouzzolane. Pour justifier cette opinion, il faudroit imaginer sous tous les terrains où elle se trouve, dans une très-grande étendue de pays, des gouffres immenses, d’où se seroient exhalées des vapeurs assez fortes, pour décomposer les terres les es pierres de tous ces pays. Il paroît que Vitruve ne connoissoît que par des traditions vagues, les effets des volcans et la propriété qu’ils ont de porter à des distances considérables, par l’action du veut qui les enlève, des flots de cendre et de poussière, qui finissent par s’accumuler en de certains endroits ; et il attribuait, dans les environs de Pouzzol, la vertu de la pouzzolane à une sorte de coction opérée sur les terres, par les feux souterrains, dont tout ce pays offroit de son temps les symptômes les plus incontestables. Cependant on trouve, et il auroit pu remarquer dans les environs même de Rome, qui furent jadis volcanisés, sous des couches de pouzzolane, d’autres couches de matières, qui ne paraissent avoir jamais éprouvé l’action du feu.
Il y a plusieurs espèces de pouzzolane dans les environs de Naples. On en trouve de grise, de jaune, de brune et de noire. Elles forment une poussière très-fine, mêlée de parties graveleuses qui s’écrasent facilement, et produisent, quand on les écrase, un petit bruit comme la pierre ponce. Ces parties paroissent être un mélange de débits de laves poreuses, de tuf et de pierre ponce. Ce mélange fait un peu effervescence avec les acides.
La pouzzolane de Rome est d’un rouge brun, mêlé de particules brillantes d’un jaune métallique. Elle ne fait aucune effervescence avec les acides ; elle peut être employée seule avec la chaux, et elle fait aussi un excellent mortier, tandis que celle de Naples a besoin d’être mêlée avec du sable et des pierrailles, surtout la jaune, qui est douce au toucher comme le sable argileux.
On fait encore un excellent mortier, en mêlant plusieurs espèces de pouzzolane ensemble, les plus terreuses avec les plus graveleuses.
Mais lorsqu’il s’agit de bâtir dans l’eau, si l’on mêle de la pouzzolane grise de Naples avec du sable, du rapillo et des recoupes de pierre, le mélange de ces différentes matières, broyé à plusieurs reprises avec de la chaux de bonne qualité et fraîchement éteints, forme une excellence maçonnerie, qui durait dans l’eau de la mer, où elle acquiert une plus grande consistance que lu pierre. On rencontre des masses énormes de cette espèce de construction le long des côtes de la mer, entre Naples et Gaète. Les flots de la mer ont poli ces masses à force de rouler dessus, sans avoir pu les décomposer.
Généralement on découvre de la pouzzolane dans presque tous les pays où il y a eu des volcans. On en a trouvé en France, dans les départements de l’Ardèche, de la Haute-Loire, du Puy-de-Dôme, de la Haute-Vienne. Il y eu a dans l’Isle-de-fiance, à la Guadeloupe, en Ecosse, etc.
POZZO (ANDRÉ, dit le Père Pozzo), né en 1642, et mort en 1690. Ce seroit plutôt dans un ouvrage sur la peinture que devroit trouver place l’article biographique du P. Pozzo. L’extraordinaire habileté dont il a fait preuve comme peintre de décoration, à l’aide de la profonde science qu’il avoit de la perspective, a rendu son nom célèbre, dans l’art des plafonds surtout. Cependant, comme de son temps il étoit établi que tout peintre de voit être, ou devoit pouvoir être architecte, il est aussi juste de mettre Pozzo au nombre des architectes, qu’il est curieux et peut-être utile de remarquer, à quel point ces deux arts se sont trouvés toujours réunis dans une ressemblance de goût, de manière et de principe. C’est sous ce point de vue que nous avons donné ici une place au peintre, qui fut encore mettre à l’enchère dans la composition de l’architecture, sur la bizarrerie de Boromini.
André Pozzo naquit a Trente, et entra chez les Jésuites l’âge de vingt-trois ans. On rapporte que n étant encore que simple novice, il étoit employé aux détails de la cuisine, lorsque quelques jeunes seigneurs allemands, qui faisoient leurs études au collège des Jésuites, aperçurent chez lui des dispositions merveilleuses pour la peinture, qui avoient échappé aux supérieurs du collège : chose difficile à croire, tant on sait qu’étoit particulier aux membres de cet Ordre célèbre le talent de démêler les dispositions de leurs élèves, et de les diriger vers ce qui s’annonçoit pour être leur véritable vocation.
Quoi qu’il en soit, on ne sauroit nier qu’ils n’aient su faire tourner les rares dispositions d’André Pozzo à la décoration de leur église. Jamais aucun peintre n’a étendu avec autant d’audace les limites de l’art des plafonds. Dans les voûtes de l’église de Jésus, non-seulement l’architecture, ses formes et ses membres ont disparu, sous la vaste composition imaginée par le peintre, mais on y voit encore une nouvelle architecture feinte s’élever sur la réelle, et d’énormes groupes de colonnes semblent de toutes parts, excepté d’un seul point de vue, prêts à s’écrouler sur la tête du spectateur. On cite (voyez Plafond) l’ouvrage de Pozzo au Jésus comme le plus notable exemple des abus où peut tomber, dans les édifices, le génie de la peinture décorative, quand il n’est ni comprimé ni réglé les lois sévères de l’harmonie architecturale.
Mais à l’époque de Pozzo, l’anarchie régnoit, et s’étoit incorporée dans toutes les parties de l’architecture.
L’autel de Saint-Ignace, dans la même église, fut élevé sur ses dessins. C’est le plus riche de tous ceux qui sont à Route, et on peut le dire, dans toute l’Europe. Mais cette prodigieuse richesse, flatteuse, si l’on veut, pour les yeux qui ne voient dans l’architecture que la matière, ne fait que mieux ressortir les vices qui en altèrent le plan, l’élévation, les formes et tous les détails ; et l’on en doit dire autant de l’autel de Saint-Louis de Gonzague, qui lui sert de pendant.
Si l’on veut prendre l’idée du goût et de la manière de Pozzo, et de tous les caprices qu’il dut à cette pratique de la perspective, dont il semble avoir plutôt fait un jeu qu’un art, il suffit de feuilleter les deux gros volumes de sa Perspective à l’usage des peintres et des architectes (Perspettiva de pittori ed architetti). C’est là qu’on voit porté au dernier point, ce qu’on pourroit appeler la caricature de la bizarrerie. C’est une congeries de piédestaux sur piédestaux, de colonnes portées sur des consoles, de formes en ondulations, de frontons écrasés, de figures baroques, de colonnes torses transformées en serpens, de colonnes supposées assises, etc.
Le même ouvrage renferme, du même auteur, deux dessins pour la façade de Saint-Jean de Latran, dont l’un est orné de pilastres corinthiens repliés et faisant des ressauts désagréables. Au milieu est une partie concave, terminée par deux demi-frontons contournés, qui ressemblent à des cornes. L’autre dessin n’est qu’une sorte de zigzag des plus bizarres, avec un portique ondulé dans toute son étendue.
Le P. Pozzo mourut à Vienne, où il avoit été appelé par l’empereur, pour peindre quelques plafonds. Il y répara quelques églises. entr’autres celle de la Maison professe des Jésuites. l’église de la Miséricorde, celles de lu Rédemption et de la Merci.
POZZO (del). Le comte Jérôme del Pozzo fut un des plus distingués dans cette classe d’architectes, qu’on pourroit appeler amateurs, si l’on considère que sa position et sa naissance ne lui avoient imposé ni le besoin de pratiquai l’architecture, ni la nécessité de ces études qu’exige la profession expresse de cet art.
Il faut dire que l’on a toujours compté dans les Etats vénitiens, parmi les plus hauts rangs de la société, de ces architectes par goût, qui se firent un plaisir et un devoir de propager, en construisant eux-mêmes, les bons principes de l’art, les traditions de l’antiquité, et ce goût classique qu’une suite de grands artistes semble avoir rendu héréditaire dans ce pays.
De ce nombre on doit mettre le comte Pompéi de Vérone, chez lequel une éducation soignée avoir développé le goût des sciences et des arts qui occupèrent sa vie toute entière. En 1731, ayant été obligé de faire rebâtir entièrement le palais qu’il avoir dans sa terre d’Illagi, et ne trouvant à Vérone aucun architecte digue de sa confiance, il se mit à étudier l’architecture. Vérone et l’Italie eurent acquis en peu de temps un architecte également versé dans la théorie et la pratique de l’ail. En 1735, il publia un ouvrage intitulé : Les cinq ordres d’architecture civile selon Michel San Micheli. On cite de lui deux palais très-bien entendus, où l’on voit des arcades ornées de bossages et de refends, l’un pour le marquis Piedémonti, dans sa terre, l’autre dans la terre de Pessino, pour le comte Giuliari. De lui est encore l’église qu’on voit hors du village de Sanguinetto, qui est circulaire en dehors et octogone en dedans. Le comte Pompéi a travaillé de prédilection à Vérone. Il avoir bâti la Douane, vaste édifice, dont la cour a deux cent vingt palmes de long sur une longueur proportionnée, avec deux rangs de galeries en colonnes. C’est encore lui qui est l’auteur du portique dans lequel Scipion Maffei voulut recueillir les monuments et les inscriptions antiques dont il avoir fait la collection. Beaucoup d’autres édifices furent construits à Vérone de son vivant, et sur ses dessins après sa mort.
Nous devions cette notice, omise en son lieu, et nous n’avons pu la mieux placer qu’en têté de celle qui a pour sujet un homme également distingué par sa naissance, son rang et sa passion pour l’architecture.
Jérôme del Pozzo naquit à Vérone en 1718. Comme son célèbre concitoyen dont nous venons de parler, il n’eut d’autre maître que Vitruve, Palladio, Scamozzi et les anciens monuments, dont il étudia particulièrement les principes et le goût. Ennemi déclaré du mauvais goût qui depuis un demi-siècle avoit fait intrusion dans tous les ouvrages moderne, il se donna pour tâche de le combattre, et de faire revivre les doctrines de l’antiquité. Mais ce fut surtout par ses exemples qu’il prétendit un propager les principes.
On doit dire que chacun des édifices qu’il se plut à construire, est une leçon pratique de la manière dont l’imitation de ces principes, anciens sans doute, mais anciens comme la vérité, peut être appliquée aux usages de nos sociétés modernes.
La charmante maison de campagne des comtes Trissino, dans le territoire de Vicence, a été bâtie sur les dessins du comte del Pozzo. Elle est située au sommet d’une colline que l’on a aplanie pour y tracer les jardins. L’irrégularité du sol n’a servi qu’à faire mieux briller l’intelligence de l’architecte, et l’harmonieuse symétrie qu’il fut établir dans toutes les parties, comme dans l’ensemble de son bâtiment.
Le comte del Pozzo construisit dans le marquisat de Castellaro, une grande et belle église, qui parut être quelque chose de tout-à-fait nouveau, par cela seul qu’elle ressembloit à de l’antique.
Une réunion d’amateurs, qui avoit pour objet de jouer lu comédie, lui donna l’occasion de projeter une salle de spectacle conforme au système des théâtres antiques. Le dessin et le plan de ce monument reçurent une approbation universelle. Le comte del Pozzo profita des études et des recherches que ce travail avoir exigées de lui, pour réduire en théorie l’application de la méthode des Anciens aux usages modernes, ce qu’il fit dans un ouvrage ayant pour titre : Degli teatri degli antichi, e sulla idea d’un teatro adattato all uso moderno.
Un autre ouvrage de lui est un Traité intitulé : Degli ornamenti dell’ architettura civile, seconda gli antichi ; c’est-à-dire, des ornemens de l’architecture civile selon les Anciens. L’auteur explique en premier lieu tous les noms des différents de l’architecture, et il rapporte leur étymologie. Il passe ensuite aux ornemens mêmes ; il fait connoître leur origine et l’usage qu’en faisoient les Anciens. Enfin il parle des abus qui se sont introduits dans cette partie de l’architecture moderne.
POZZOLANE. Voyez Pouzzolane.
PRÆNESTE. Ville antique, située à vingt-trois milles de Rome, dont il subsiste encore des débris assez considérables, dans la ville moderne de Palestrina, bâtie sur une partie de son aucien emplacement.
Præneste, ville grecque d’origine, selon Strabon, avoit été située sur des hauteurs qui dûrent donner l’aspect d’un amphithéàtre et en faire aussi une place très forte. Aussi joue-t-elle un assez grand rôle dans l’histoire des guerres de Rome.
Lorsqu’elle fut soumise à la république, elle dut sa célébrité à son temple de la Fortune. Ce temple, nous trouvons qu’il est appelé par les écrivains, tantôt Fanum, tantôt Delubrum, tantôt Ædes, tantôt Templum. Ceci nous prouve, ou que tous ces noms se donnoient indistinctement aux temples, ou qu’il y avoit de ces grands temples, réunion d’un grand nombre de parties, qui peut-être avoient eu, ou pouvoient avoir chacun une dénomination particulière, dans la langue de la religion, et qu’un pareil ensemble recevoit quelquefois un nom général, du l’une ou de l’autre de ses divisions particulières.
Il paroît que le temple de Præneste fut de ce genre. D’après les restes de constructions qui existent encore et très-reconnoissables aujourd’hui, il y auroit eu sur la montagne, et disposés en amphithéâtre, un grand nombre d’édifices distincts, consacrés à divers usages religieux. Cette enceinte inférieure aurait renfermé quelques ædicules, des périboles, des logements destinés ou à ceux qui desservoient le temple, ou à ceux qui venoient consulter l’oracle de la fortune.
C’est sur la terrasse supérieure qu’étoit établi, à ce qu’il paroît, ce qui constituoit plus particulièrement le véritable temple, dont on croit reconnoître l’adytum dans une partie circulaire, où se trouve aujourd’hui la célèbre mosaique appelée de Palestrine. On voit encore en avant un demi-cercle, sur lequel a été construit le palais Barberini. Cet espace forme une vaste terrasse, où des restes de fondations et de constructions donnent lieu de restituer l’ensemble d’une grande esplanade environnée de portiques, qui devoit servir aux cérémonies religieuses.
Toute cette montagne, sur laquelle étoit bâtie l’ancienne Præneste, est couverte encore d’indications de bâtimens, dans lesquels l’ou peut imaginer qu’étoit jadis le fonum, une basilique, des piscines, etc. Des eaux abondantes y étoient conduites et proveuoient des sources qui se trouvent dans la partie de la montagne qui domine la ville.
Le morceau d’antiquité le plus curieux qu’ait conservé l’ancienne Præneste, est cette mosaïque dont on a parlé plus haut, et dont on a donné une notion plus étendue à l’article Mosaique. Voyez ce mot.
PRAIRIE. (Terme de jardinage.) Le système du jardinage irrégulier, étant une imitation (on peut le dire) identique du modèle dont il prétend donner, non l’image, mais la réalité, les noms de gazon, de tapis vert, qui supposent une étendue quelconque de terrain en forme régulière, placé sous les yeux de ceux qui habitent la maison de campagne, ne pouvoient plus convenir au plan, aux dispositions et aux idées que ce système adopte.
Le mot prairie est, dans le fait, celui que réclame l’esprit de l’art nouveau, qui prétend à l’illusion complète du ce qu’on y appelle la nature agreste.
Il entre, comme on l’a dit au mot Jardinage (voyez cet article), dans le système du jardin irrégulier, en grand surtout, que l’agréable y soit de l’utile, c’est-à-dire, que tout puisse tourner, par la culture, au profit d’une exploitation rurale. C’est pourquoi on veut que les espaces de verdure en tapis soient en toute réalité des prés, où l’on mène paître des troupeaux, et dont on récolte la fenaison, etc. Ainsi, il fallut substituer aux mots qui n’expriment qu’un détail d’agrément dans un jardin, un mot qui signifie la chose même, au lieu d’en être une légère représentation, et le gazon s’est appelé prairie.
PRATIQUE, s. f. Dans le cercle des idées didactiques de l’enseignement des arts, le mot de pratique exprime ou la connoissance ou l’emploi usuel des moyens, des instruments, des procédés que l’artiste met en œuvre dans les opérations de son art, et qui sont du ressort de l’exécution.
C’est dans ce sens que l’on oppose le mot et l’idée de pratique au mot et à l’idée de théorie. Ce dernier mot exprime, en effet, la connoissance des raisons des principes sur lesquels se fondent les règles qui doivent diriger la pratique.
Tout art a donc une pratique qui lui est particulière, puisque chacun produit ses inventions, par des moyens qui doivent être aussi distincts ou aussi divers entr’eux, que le sont les éléments de leur nature, c’est-à-dire, du modèle qu’ils imitent, les propriétés des organes et des sens auxquels s’adresse leur imitation, et les procédés par lesquels cette imitation rend ses effets sensibles.
Ainsi aux mots Art, Architecture (voyez ces mots), on a cherché à définir et à rendre clair le principe tout à la fois abstrait et matériel sur lequel repose l’architecture. Là est la théorie de cet art.
Quant à sa pratique, nous devons dire avant tout, que ce mot et son idée comprennent deux notions, c’est-à-dire, qu’en architecture, comme dans tout art, il y a deux degrés de pratique, ou deux sortes de pratique faciles à distinguer, par la division toute naturelle des objets, auxquels chacune s’applique.
En effet, toute théorie considérée, en tant qu’enseignement et connaissance spéculative, comporte plus d’un degré et embrasse deux classes de notions, dont les unes se rapportent au moral de chaque art, ou à ce que désignent les mots génie, invention, goût, raisonnement, etc., et les autres s’attachent particulièrement au matériel de l’art, à ses instruments, à ses moyens mécaniques, à son exécution.
Il en est de même de la pratique : on la divise aussi en deux, et surtout à l’égard de l’architecture. Une de ces parties est du domaine de la science ; l’autre se peut classer dans la région purement ouvrière.
Ce que j’appellerai la pratique savante de l’architecture, Vitruve nous l’a fort bien défini, comme on peut le voir à l’article Architecte (voyez ce mot). Selon lui, « la pratique consiste dans une application continuelle à l’exécution des dessins qu’on s’est proposés, et suivant lesquels on donne la forme convenable à la matière dont on fait toutes sortes d’ouvrages. » Ainsi la mise en œuvre des matériaux qui donneront un corps à l’invention de l’architecte, exige de profondes connoissances pratiques, résultat d’une science très-étendue.
Par exemple, il s’agira d’abord de bien connoître, en chaque pays, la nature des matières qui s’offrent à l’aride bâtir, les variétés toujours très-nombreuses qu’une multitude de causes locales leur impriment, les rapports que chaque matière doit avoir avec la solidité requise, avec les positions où elle se trouvera placée, avec la charge qu’elle aura à supporter, avec le genre de travail qui devra la façonner, et la dépende que ce travail comportera.
Ensuite, à ce savoir fondamental doit se joindre la pratique plus savante encore de l’emploi des matières, qui doivent obéir en quelque sorte, et se plier aux formes, aux configurations sans nombre de toutes les parties des bâtimens, dans les voûtes surtout, dans les cintres, dans les escaliers, et qui doivent se prêter à une multitude de sujétions locales, de besoins particuliers. C’est la connoissance de cette sorte de pratique, qui forme la science qu’on appelle du trait, ou de la coupe des pierres. Cette science, comme l’on sait, lorsque l’architecture appliquée à des usages fort divers, sort des éléments des lignes droites, des plans, des élévations simples, des formes rectilignes, appelle nécessairement à son secours la géométrie, la science des calculs, soit pour s’assurer des forces respectives de la poussée et de la résistance, soit pour évaluer les pesanteurs, les effets des diverses tendances des corps solides, selon les coupes des traits ou des joints qui les unissent, etc., soit pour la composition ou l’emploi des machines.
On ne fait ici qu’indiquer les sommaires de cette science pratique, dont on trouve les développements à tous les articles de construction dans ce Dictionnaire.
Vitruve, ainsi qu’on l’a pu voir au mot Architecte, comprend encore au nombre des connoissances pratiques de son artiste, plus d’une science dont nous ne rappellerons pas ici les titres, parce qu’elles n’ont qu’un rapport très détourné avec ce qui fait le fond de l’architecture. Il ne faut pas croire, en effet, que l’architecte, lorsqu’il conduit un bâtiment pour les divers usages des professions sociales, doive être même initié dans leurs connoissances. Le seul bon sens avec le secours des hommes de chacune de ces professions, lui indiquera les convenances auxquelles il doit assujettir ses conceptions, et nous ne croirons pas qu’il ait besoin d’étudier la médecine, pour connoître les différences d’expositions et de situations saines ou malsaines des bâtimens.
Nous pensons toutefois que la connoissance pratique de la perspective, est encore une de celles que l’architecte ne sauroit se dispenser de faire entrer, dans le cercle des objets qui peuvent donner à comprendre ce qu’est la pratique savante de l’architecture.
La seconde partie de la pratique en architecture qui tient à une exécution manuelle ou mécanique, peut s’appeler la pratique ouvrière. Une telle dénomination porte avec soi sa définition. Cette pratique est sans doute fort importante, et comme de la connaissance intime de ce qui constitue, dans l’emploi des matériaux, la bonne façon ou la malfaçon, dépendent la durée de l’édifice, l’économie des dépenses, il est nécessaire que l’architecte ait, dans sa jeunesse, opéré par lui-même, assez, pour savoir les causes des abus, et les moyens de les prévenir ou de les réprimer.
Pratique : se prend souvent dans le discours, moins comme opposé à théorie, que comme indiquant, dans l’exercice des arts, une habitude de les considérer, de les étudier, de les professer uniquement par ce côté que chacun présente a l’artiste, et qui est celui de l’exécution.
C’est ainsi qu’on dit de beaucoup d’ouvrages, qu’ils ne sont faits que de pratique. Par-là, on exprime un défaut fort ordinaire, et qu’on peut définir de plus d’une manière.
Il y a, en effet, dans toute imitation, des procédés d’exécution qu’une certaine routine fait assez promptement apprendre ; le maître et l’habitude de le voir opérer, les transmettent beaucoup plus facilement, que cet esprit qui doit diriger les opérations de la main. Il y a une tendance trop commune à suivre quelques maîtres, quelques modèles, à copier leurs œuvres, à calquer leur manière et à emprunter leurs défauts. Il y a enfin une confusion d’idées trop ordinaire, qui fait confondre l’opération de copiste avec l’action libre de l’originalité. De-là résulte, que le maître, ou le modèle de l’art qu’on prend pour maître, fait oublier de prendre les leçons du véritable maître qui est la nature, ou le premier principe de l’imitation. Insensiblement les ouvrages dégénèrent, faute par l’artiste d’aller puiser à la source de la vérité. La partie exécutive de l’art devient l’esprit de l’ouvrage, dont elle devroit n’être que le corps. C’est alors qu’on voit en tout genre, de ces ouvrages que l’on appelle faits de pratique, parce qu’on n’y découvre plus une transmission immédiate des vérités, des beautés, des qualités émanées du grand modèle, mais une simple réminiscence de la manière des ouvrage d’autrui, et la trace d’une opération que la routine seule a guidée.
Le mot pratique change donc d’acception sans changer précisément de sens. Il signifie toujours exécution plus ou moins mécanique, plus ou moins dépendante du sens extérieur, et du secours de la main, et toujours on en recommandera l’exercice à l’artiste ; car celui qui manqueroit de pratique, manqueroit aussi, dans chaque art, de ce qui est le moyen d’en exprimer les idées, de leur donner un corps, et d’en rendre l’impression sensible. Il faut donc que l’artiste ait de la pratique, c’est-à-dire, il faut qu’il s’exerce à toutes les parties plus ou moins mécaniques et matérielles, sur lesquelles repose l’exécution des images, des formes, des compositions que son génie lui fait concevoir.
Mais de cette nécessité de la pratique résulte aussi bien souvent une fâcheuse méprise et dans les études de l’artiste et dans le goût du public. Au fond, ce qu’on appelle exécution dans les beaux arts, est la seule chose qui puisse s’enseigner d’une manière positive, parce qu’elle participe à la nature et aux propriétés des procédés des arts mécaniques, dont la transmission s’opère par le seul secours des exemples, et de la répétition des copies qu’on en fait. Hors de cette partie, qu’on nomme exécutive, rien ne peut être soumis à une méthode régulière d’enseignement. Tout ce qui procède du sentiment, tout ce qui tient à la faculté d’imaginer, ne sauroit se communiquer. Aussi voyons-nous généralement dans toutes les écoles des maîtres les plus célèbres, leurs élèves habiles à recueillir ce qu’on appelle leurs manières, ou les qualités extérieures de leur talent, devenir copistes plutôt qu’imitateurs.
Dans les écoles publiques d’enseignement des beaux-arts, il est encore plus naturel, que ce soit la partie pratique ou exécutive qui l’emporte sur la partie morale, de goût, de sentiment ou de génie. Ce qui a besoin de l’action concurrente de l’esprit et de la main, nous dit assez que s’il est facile de diriger la main par le secours des yeux, il ne l’est pas autant de cultiver les qualités morales, d’où doit dépendre le succès de l’imitation.
Ajoutons à cela que l’effet naturel de ce grand nombre d’ouvrages et de chefs-d’œuvre proposés pour modèles aux étudians, est d’opposer à l’action libre du génie de chacun, autrement dit à l’originalité, une sorte d’obligation de suivre des routes déjà tracées, et de se régler, pour réussir, sur des exemples qui sont devenus des lois. De là l’habitude de ne plus penser que par les pensées d’autrui, de ne plus voir par ses propres yeux, et de subordonner la sphère de ses mouvemens à l’étendue des espaces déjà parcourus. La pratique devient dès-lors, comme une sorte de grande route où tous se rencontrent, et dans laquelle toutes les générations se suivent l’une après l’autre.
Pratique, adjectif des deux genres. Ce mot s’emploie encore adjectivement. On en use souvent l’associant au mot de science. On distingue la science pratique de la science spéculative. On dit traité de géométrie pratique. On dit d’un artiste ou de son ouvrage, qu’il n’a de l’art que les qualités pratiques. On dit également d’une théorie, qu’elle est une théorie pratique, pour dire qu’elle n’enseigne que cette partie qui se rapporte au mécanisme ou à l’exécution. Ainsi en architecture, on appellera traité pratique de l’art de bâtir, celui qui s’occupera uniquement de ce qui se rapporte à la construction, considérée sous le rapport des matériaux et de leur emploi, de la science du trair el des lois de la mécauique, etc.
PRATIQUER, v. actif. Signifie généralement mettre en pratique. Plus particulièrement il signifie exercer une profession, une fonction, un art, une science.
Pratiquer. Ce mot a, en architecture, une signification plus spéciale. On s’en sert pour exprimer l’art de ménager soit dans la disposition générale d’un plan, soit après coup, dans quelques-unes de ses parties, certains détails accessoires, certains dégagements, certaines pièces d’utilité ou d’agrément.
On sait gré à l’architecte de pratiquer dans ses distributions, des couloirs, des issues, qui permettent d’entrer dans les différentes pièces, ou d’en sortir sans être obligé de les traverser toutes. voyez Dégagement.
Il se fait peu de grands édifices où l’on ne soit obligé de pratiquer, lorsqu’ils sont terminés, des changement pour des besoins, ou qui n’ont pas été prévus, ou qui n’ont pas pu l’être. On prétend que ce fut après coup que furent pratiqués dans les quatre piliers de la coupole de Saint-Pierre, les escaliers qui conduisent aux quatre tribunes pratiquées dans les mêmes piliers.
PRÉAU, s. m. Ce mot signifié petit pré. On a appelé ainsi dans plus d’un lieu, cet espace enclos et couvert de gazon qui, à cause de cela, est dans la réalité un petit pré. C’est particulièrement aux grandes cours des couvens, lorsqu’elles sont gazonnées et environnées de portiques faisant cloître, qu’on a donné ce nom. On l’a donné aussi à de semblables espaces dans les prisons.
PRÉCIEUX, adj. Généralement, dans l’exécution des ouvrages de l’art, on appelle précieux tout travail extrêmement terminé, et où l’artiste a apporté tous ses soins à rendre les dernières finesses de l’objet imité.
L’épithète de précieux convient particulièrement à la peinture et à la sculpture, et surtout au rendu de leurs ouvrages. On applique beaucoup moins ce mot à l’architecture, quoique, sous quelques rapports, on puisse dire aussi du goût d’un architecte qu’il est précieux, lorsque surtout ou voudra l’opposer au goût libre, incorrect d’un autre. Mais comme l’exécution des œuvres de l’architecture dépend en grande partie du travail des matières qu’emploie l’architecte, il est sensible que chacune de ces matières peut être soumise à une élaboration plus ou moins précise, à un fini plus ou moins exact, el l’on comprend dès-lors que les formes, les contours, les traits rendus par chaque sorte de matière, peuvent acquérir, pour les yeux, plus ou moins de cette qualité qu’exprime le mot précieux.
Si ensuite on considère que la partie de décoration et d’ornement, si importante à l’effet des détails dont se composent les édifices, est due nécessairement au ciseau du sculpteur, on conviendra que le fini plus ou moins précieux des objets sculptés, doit aussi communiquer sa valeur et son impression à l’ensemble architectural.
De tout ceci on doit conclure, qu’il peut égaiement y avoir en architecture un mérite, auquel l’épithète de précieux est applicable.
PRÉCINCTION, s. f. On appeloit ainsi un espace entre les gradins d’un amphithéâtre, plus large que celui des gradins. Voyez Balteus.
PRÉCISION, s. f. Ce mot, dans le travail de l’imitation et des matières que l’art emploie, indique une grande exactitude à se conformer au modèle, à en rendre avec fidélité les proportions, les formes, les moindres mesures et les plus légers détails.
PRESBYTÈRE, s. m. C’est le nom qu’on donne au bâtiment qui sert à loger le curé d’une paroisse.
Ce bâtiment est situé ordinairement tout près de l’église paroissiale. Dans les campagnes, le presbytère, moins spacieux, quant au local, a le plus souvent un jardin potager, et doit réunir quelques-unes de ces constructions qui font partie des habitations rurales.
Dans les villes, le presbytère est un bâtiment plus considérable. Originairement, il servoit à loger tous les prêtres desservans ou habitués de l’église. Il y avoit pour les registres de baptême, un local affecté à leur conservation. Il entre encore dans les convenances et les besoins du presbytère, que le vicaire puisse y être logé, qu’il y ait des salles pour les assemblées de la communauté des prêtres. Souvent même l’école, qui n’a pas d’autre maître que le curé, ne trouve point aussi de local ailleurs que dans le presbytère.
PRÉSENTER, v. actif. C'est, dans le langage des ouvriers, poser une pièce de bois, une bande de fer ou toute autre chose, pour connoître si elle conviendra à la place qu’elle doit occuper, afin de la réformer et de la rendre juste, avant de la poser à demeure.
PRÉTOIRE (prœtorium). Ce mot désigna, chez les Romains, plus d’une sorte de bâtimens destinés à divers usages.
Dans les camps, le prétoire étoit la tente du général, parce que tout général s’appeloit préteur.
Prétoire étoit, dans les villes, le palais où demeuroit le préteur de la province. C’étoit aussi le lieu où les magistrats rendoient la justice.
Prétoire étoit encore, à Rome, une place où étoient logées les gardes prétoriennes.
On donnoit aussi, à ce qu’il paroît, le nom de prétoire aux maisons de campagne somptueuses des grands de Rome.
PRIÈNE. Ville antique de l’Asie mineure, dont il reste encore d’assez vastes ruines, qui confirment ce que l’histoire nous apprend de sa richesse aucienne et de son étendue.
On reconnoit parfaitement l’enceinte de ses murailles. Trois de ses portes existent encore, ainsi qu’une partie de la citadelle. On y distingue les vestiges d un théâtre, ceux d’un stade, et surtout les ruines magnifiques du temple de Minerve Polias, déesse tutélaire de Priène.
On lit encore sur une des antes du temple, une inscription qui porte qu’Alexandre a consacré ce monument à Minerve.
Chandler nous l’a décrit, et l’a représenté comme étant un monceau de tronçons de colonnes et de pierres, dont l’accumulation semble prouver qu’un grand tremblement de terre fut seul capable de le réduire à un tel état de ruine. La façade du temple, lorsqu’il étoit entier, regardoit la ville, qui, assise par degrés sur les flancs de la montagne, s’étendoit comme par étages jusqu’au bord de la plaine.
Au-dessous du temple sont des colonnes brisées et des fragmens de marbre, tristes débris d’édifices d’ordre ionique et d’ordre dorique.
Plus bas encore, et près de la muraille de la ville, est le terrain qu’occupoit le stade. Il étoit assez étroit, et il n’avoit qu’un rang de sièges placés sur le côté qui faisoit face à la plaine.
Dans la montagne à gauche, en parlant du temple, on voit un enfoncement aveu quelques vestiges de théâtre.
Les murailles de la ville subsistent encore dans leur pourtour, ainsi que plusieurs parties de murs dans l’enceinte de la cïté. Toutes ces murailles sont dignes d’admiration, tant par leur solidité que par la beauté de leur construction.
Priène, sans y comprendre la citadelle, avoit trois portes. L’entrée d’une de ces portes avoit peu de largeur, comme on en pent juger par une portion de l’arcade qui subsiste encore, et qui se compose d’un seul rang de pierres massives. Mais (ajoute Chandler), le tems a tellement miné les pierres sur lesquelles cette arcade est appuyée, elles sont tellement brisées et dérangées de leurs qu’elles semblent à chaque instant être sur le point de laisser s’écrouler le fardeau, dont on diroit qu’elles veulent se débarrasser.
Un chemin inégal conduit à la seconde porte pratiquée dans la partie de la muraille opposée à la première. La distance qui les sépare semble être celle d’un mille. On trouve en dehors de celle-ci des voûtes de sépulcres.
Entre les deux portes, il y en avoit une autre qui donnait sur la plaine.
Il n’est guère résulté des recherches de Chandler dans les ruines de Priène, que quelques dessins de chapiteaux ioniques, de fragment dé frises, avec leurs ornemens ; et les voyageurs qui ont visité depuis l’Asie mineure, n’y ont rien recueilli de plus instructif sur le célèbre temple dont les énormes débris ne peuvent servir qu’à attester son existence. Il faudroit qu’on pût parvenir à remuer et à déblayer ces masses, jusqu’à ce qu’on retrouvât l’aire et le plan de ce grand édifice. De curieuses découvertes indemniseroient sans doute de la dépense et de la peine d’un semblable travail.
PRINCIPAL, adj. m. Ce mot se prend aussi substantivement ; comme lorsqu’on dit, le principal dans tout ouvrage est d’en conuoitre le but. Il est clair qu’alors et dans toutes les locutions semblables, on sous-entend l’objet, le point.
L’idée de principal dans la théorie des beaux-arts, et surtout de l’architecture, se laisse facilement définir et comprendre par l’idée opposée, celle d’accessoire.
Tout au physique, ainsi qu’au moral, dans quelque région, dans quelque sphère d’objets que ce soit, se compose de parties. Ces parties ont toujours un lien qui les rassemble, un centre auquel elles aboutissent. Ces parties ne sauraient jamais avoir entr’elles une égalité parfaite. C’est au contraire de leur inégalité que naît leur harmonie, et cette harmonie, principe du plaisir que nos yeux ou notre esprit y trouvent, procède de la loi générale qui subordonne les uns aux autres tous les détails de ce qui forme un ensemble.
Oui, telle est une des causes du plaisir que nous trouvons à voir les objets sensibles, à comprendre les choses de l’intelligence. C’est qu’effectivement ce que nos yeux et notre esprit veulent avant tout, c’est d’apercevoir sans fatigue et de comprendre facilement. Or, rien ne donne plus de facilité à l’une et à l’autre opération, soit des sens dans les choses matérielles, soit de l’esprit dans les matières intellectuelles que ce qu’on appelle l’ordre ; et l’ordre par excellence se rencontre dans cette disposition que la nature a partout établie, de ce classement des parties d’un tout, qui, par une subordination constante (qu’on pourroit appeler une sorte d’hiérarchie), conduit facilement à discerner ce qui, sans cela, domeureroit confus.
Dans l’ordre politique, nous concevons d’un seul aperçu, et du premier coup, toute organisation sociale, où les rangs sont disposés de manière, à ce que notre esprit monte aisément du dernier au premier, et en redescende de même. Supprimez cet ordre, vous ne trouvez plus que confusion. C’est la différence d’une multitude rangée en amphithéâtre, ou d’une foule où tous les individus se cachent et se confondent.
Qu’on parcoure tous les domaines de la nature et de l’intelligence, on verra que dans tous, l’ordre est fondé sur cette progression, et les rapports gradués de la plus petite partie avec son tout. Comme l’arbre a son tronc, d’où partent les maîtresses branches, qui donnent naissance à de plus petites en se ramifiant jusqu’aux moindres, en sorte que chacune est dépendante du tronc qui est le principal, vous trouverez de même dans la conformation des montagnes, ainsi que des pierres, des plantes, ainsi que des animaux, un point de centre, lien de l’organisation générale, d’où de proche en proche dépend chaque partie. Or, ce point de centre, ce principal, est ce qu’en tout genre il faut d’abord saisir, soit qu’on veuille se rendre compte de l’objet à connoitre, soit qu’on veuille l’imiter.
Il y a de même dans tout ouvrage de l’esprit, une idée primaire, une pensée capitale, un raisonnement principal qui sert de base aux idées, aux pensées, aux raisons, qu’on appelle accessoires, par cela, qu’elles semblent ne faire que s’ajouter à ce qui est comme le noyau autour duquel elles se groupent.
Si l’on reconnoît cette loi générale de la nature physique dans la production de tous les êtres, et si l’on est forcé d’avouer qu’il est aussi dans la nature morale ou dans la constitution de notre esprit, de procéder en vertu de la même loi, nous ne pouvoir nous empêcher de la regarder comme formant un des principes fondamentaux de l’architecture.
Plus d’une fois nous avons fait voir que l’imitation de la nature par cet art, étoit beaucoup moins positive et matérielle que dans les autres, et qu’elle consistoit particulièrement en ce que l’architecture imite moins les ouvrages de la nature, extérieurement considérés, que l’esprit de ces ouvrages, que la manière dont la nature a procédé en les formant.
Si c’est à faire dans ses ouvrages, comme la nature fait dons les siens, que l’architecture doit tendre, l’artiste doit donc s’étudier à appliquer aux productions de son génie cette loi fondamentale, que nous venons de voir être celle de la nature, et d’où résulte le mérite de l’unité, mérite essentiellement lié à cette disposition, qui admet un point principal auquel se coordonnent les parties.
Quand on cherche à s’expliquer les nombreuses variations du goût chez les Modernes, en fait d’architecture, on ne tarde point à voir qu’elles sont provenues d’une confusion produite par plus d’une cause, entre ce qui, dans la composition d’un édifice, ou dans le système général de l’art, est le principal et ce qui est l’accessoire. Les Grecs, inventeurs de leur système architectural, voient dû à cela même que ce système étoit né, chez eux de quelques causes qu’on peut appeler naturelles, puis à l’élude des arts imitateurs plus directs de la nature, enfin à l’influence des lois de la proportion, de pouvoir fixer dans leur art de bâtir un type constant, qui ne fut autre chose que l’établissement et la mise en action de la loi d’unité, laquelle subordonne au principal toutes les parties accessoires. La puissance de cette loi empêcha la variété d’outrepasser les limites que le goût lui assigne, c’est-à-dire, empêcha ce qui n’est qu’accessoire, d’envahir et d’usurper la place et le rang de ce qui fait le principal.
D’autres climats, d’autres besoins, d’autres usages chez les peuples modernes, lorsque les arts de l’antiquité y reparurent, rendirent nécessaires plus d’une modification à la sévérité du système antique. Les quinzième et seizième siècles produisirent de célèbres architectes, qui surent encore rester fidèles aux lois fondamentales de la nature, tout en se permettant de sacrifier aux besoins nouveaux, ou par quelques suppressions, ou par quelques additions dans les parties accessoires.
Mais bientôt ces variétés amenèrent des nouveautés, et d’innovations en innovations, on vit l’architecture, secouant le joug de toute espèce de raison, prétendre qu’elle n’étoit faite que pour parler aux yeux, et les amuser par une sorte de spectacle de lignes, de formes, de contours, d’ornemens tout-à-fait arbitraires. On prétendit que tout ce qui pouvoit s’exécuter sans compromettre la solidité effective, étoit admissible. Dès-lors aucune ligne ne fut tracée en vertu d’une raison, aucune forme ne représenta aucune origine, aucun contour dans un plan ne fut l’expression d’aucun usage, aucun ornement n’émana d’aucun caractère significatif, il n’y eut plus rien de principal dans aucune ordonnance. Tout accessoire put eu usurper le semblant. Nul système régulateur de l’emploi et de la place de chaque détail, n’eut le pouvoir d’y établir ni rang ni accord, et l’on eut l’entière confusion : l’on n’eut ni tout ni parties.
En tout et dans tout ouvrage, il doit donc y avoir un point principal, qui domine et s’assujettit les parties dont il se compose. Si ce qui de sa nature est accessoire tend à devenir principal, l’ordre naturel des choses est violé, la raison fondamentale disparoît, et il ne reste plus que le caprice.
Dans l’art de l’architecture, considéré abstractivement, il faut bien se demander quelle est la qualité principale qui doit dominer toutes les autres. Le simple bon sens répondra partout que c’est l’utile. Sans aucun doute, l’art qui a pour objet de satisfaire aux besoins de l’homme en société, doit mettre en tête de ses obligations, celle de l’utilité. Cette utilité ne doit pas cependant se réduire au pur matériel. Les besoins de l’homme en société ne reposent pas uniquement sur ce qui se rapporte au corps ; il y a aussi le besoin de satisfaire la raison, l’esprit et le goût ; ce qui établit plus d’une sorte d’utile. Ainsi la solidité, condition première de toute construction et inséparable de l’utile, doit être le principal. Mais cette même solidité sera encore la source la plus féconde d’une autre qualité, l’agréable, qui cesseroit de l’être, s’il cessoit d’émaner de l’utile, et de s’y subordonner. C’est précisément de cette subordination que résulte l’effet qu’il produit. Si l’agréable (et par là j’entends les ornemens accessoires) n’étoit soumis à aucune loi, qui ne voit que ce seroit chose si facile, et dès-lors si vulgaire, que l’on n’en seroit plus affecté ? Ce qui nous plaît en ce genre, nous plaît précisément parce qu’il nous semble qu’il y a quelque chose de rare et de difficile, à faire sortir l’agrément d’un principe qui paroît lui être opposé. Supprimez cette condition de la suprématie de la qualité principale de l’utile ou de la solidité, et vous dissolvez le lien d’unité morale, dans ce qui compose l’essence de l’architecture comme art.
Si l’on considère l’architecture sous un rapport moins abstrait, c’est-à-dire, dans l’ouvrage positif de l’artiste, ou dans chaque genre d’édifice, on trouvera de même que le mérite de chacun résultera, quant à sa composition et à son exécution, de ce même principe d’unité, d’ou naît l’obligation de bien reconnoître, et de faire bien distinguer ce qui doit être le point principal, auquel se coordonnent les accessoires.
Ainsi il y aura, pour chaque genre d’édifice, une forme générale, indiquée par la nature de sa destination, qui en est, si l’on peut dire, la forme typique. Là résidera, pour la conception de l’ensemble, leprincipal point auquel devront correspondre et s’assortir tous les détails.
Tout édifice a, selon la nature de son emploi, une manière d’être, condition première imposée par le besoin qui le fait être. C’est ce qui devient le régulateur, et de la masse générale et des accessoires qu’elle comportera.
Pour descendre aux notions plus pratiques de la disposition des édifices, on dira que dans chacun, il doit se trouver un corps principal qui en indique le véritable emploi. Dans le plan d’un palais, ce sera une cour d’honneur, et dans son élévation, la partie occupée par le propriétaire.
Il y a dans toute maison, dans toute devanture, ou un étage principal, qui se distingue par plus de grandeur, ou une ordonnance qui le caractérise d’une manière particulière.
L’idée de principal et les notions qui en dérivent, se liant, comme on l’a vu, au principe d’unité dans tous les arts, et surtout dans, l’architecture, elles pourroient donner lieu à des développemens qui en contiendroient la théorie, tout à la fois la plus abstraite et la plus pratique. Mais ces notions trouvant leur place séparée à un trèsgrand nombre d’articles de ce Dictionnaire, nous nous contenterons dans celui-ci, d’avoit fait sentir et toute son importance, et tout ce qu’il renferme d’applications.
PRINCIPE, s. m. On lit dans la plupart des lexiques que l’on appelle ainsi, les règles ou les lois qu’on doit observer dans chaque art.
Il nous semble que le mot principe comporte une autre définition, qui ne permet pas, ni grammaticalement ni théoriquement parlant, d’en faire un pur synonyme de règle ou loi.
Principe (en latin principium) indique, par la formation même du mot, quelque chose ou qui est, ou qui doit être mis en tête, et selon une de ses acceptions, on le prend comme signifiant origine, cause primaire.
Nous croyons donc que dans toute théorie, et surtout dans celle des beaux-arts, il faut appeler principe, non toute règle et toute loi, mais toute vérité générale et fondamentale, d’où découlent d’autres vérités secondaires, toute notion primaire et élémentaire, de laquelle on déduit des notions d’un ordre inférieur, qui lui doivent leur force, leur évidence, et deviennent les règles.
Ainsi, Ne pas faire à autrui ce que l’on ne voudroit pas qu’on nous fit (en morale), Rien n’est venu de rien, rien ne retourne à rien (en physique), ne sont point des règles, mais des principes féconds en conséquences, d’où l’on fait sortir les règles qui régissent la jurisprudence, les notions par lesquelles s’expliquent les opérations de la nature.
Chaque art a sa théorie particulière, laquelle est l’ensemble de ses règles. Or ces règles, pour avoir de l’autorité, ont besoin de reposer sur quelques vérités qui, reconnues de tout le monde, et devenues incontestables, forcent le bon sens de se soumettre aux conséquences qu’une saine logique en tire.
L’architecture, plus que tout autre art, a besoin d’appuyer ses règles sur des principes tels qu’on vient de les définir. Cet art manquant d’un modèle réel et sensible qui force les yeux à faire le rapprochement de l’objet imité avec l’objet imitant, il est tenu d’opérer dans ses œuvres par analogie, plutôt que par action imitative ; c’est-à-dire, comme on l’a répété bien des fois, qu’il imite la nature, non dans son ouvrage, mais dans les raisons de son ouvrage, et en s’appliquant les principes d’après lesquels la nature semble s’être dirigée.
Il résulte de là, que la vertu imitative de l’architecture repose sur le sentiment, en vertu duquel l’artiste interrogeant les ouvrages de la nature, et scrutant les raisons et les causes de ses effets sur notre ame, tâche de reproduire les mêmes effets, dans les combinaisons par lesquelles il veut nous affecter.
Par exemple, on aperçoit que la nature ne fait rien d’inutile, rien qui n’ait sa fin et des moyens nécessaires à l’accomplissement de la fin qu’elle se propose. Dès-lors on en a déduit ce principe, que dans l’architecture, tout doit tendre à une fin utile.
Mais en étudiant les œuvres de la nature, on s’est aperçu que cet utile auquel tout doit tendre, a pour accompagnement ou pour véhicule l’agréable ou le plaisir, de telle sorte qu’ils ne sont souvent séparables que par la pensée, tant il semble qu’elle ait pris soin de les unir et de les identifier.
De là ce principe, que l’utile et l’agréable doivent s’unir, mais de manière que le dernier dérive du premier.
Nous avons, à un grand nombre d’articles, fait connoître les divers principes des effets, des beautés, et des impressions de l’architecture, et nous y renvoyons le lecteur. L’article Principe n’aura donc pas pour objet de faire l’énumération, ou de donner l’analyse de toutes les notions primaires, dont la théorie a fait la base de ses règles. Cet article n’a d’autre objet que de faire comprendre ce que c’est qu’un principe en architecture.
De ce qu’on vient de dire, on peut inférer déjà, qu’il doit y avoir aussi plus d’un ordre de principes : ce qui signifie, qu’en ce genre aussi, il y a des vérités plus simples, qui donnent naissance à des vérités plus composées.
On voit effectivement que ce rapport réciproque de forme, de disposition et de goût, est la condition de l’effet que doit produire l’unité.
Il est facile de voir, que ce qu’on appelle principe, de quelque degré qu’il soit, est comme l’énoncé d’un fait reconnu et avoué par l’expérience, ou, si l’on veut, d’une vérité rationnelle, intellectuelle ou sensible, sur laquelle on ne controverse point, parce qu’elle a l’assentiment universel.
Maintenant les règles qu’on dérive de ces principes, étant applicables à beaucoup de détails et de circonstances, elles n’ont plus sur la raison et sur le sentiment cette même autorité. Les principes sont incontestables, les règles sont soumises à beaucoup d’exceptions. Il y a même une multitude de causes locales, qui empêchent qu’on en fasse l’application rigoureuse. Le goût, cet agent du sentiment, a aussi, dans une région toute différente, et ses principes, et son tribunal et ses jugemens, qui tendent à modifier les arrêts de la raison. De là cette partie d’arbitraire qui se mêle dans beaucoup de règles (voyez Gout), soit pour en atténuer la sévérité, soit pour en interpréter l’esprit. Or, c’est à la faveur des exceptions, que les abus et les licences s’introduisent dans le système de l’architecture. Ces abus consistent ordinairement à confondre les exceptions avec les règles, et à tirer une conséquence absolue, non plus des principes, non plus des règles qui en dérivent, mais de ces déviations conventionnelles, que l’esprit de la règle admet dans de certains détails.
Un grand principe en architecture, veut que chaque chose porte écrite la raison de sa manière d’être, et que le raisonnement qui dispose tout, soit partout évident.
De là cette maxime qui prescrit, non pas seulement la solidité, condition première, mais que cette solidité soit apparente, et que l’œil n’en puisse point douter. Rien ne contribue ni plus efficacement, ni plus évidemment à l’effet et à l’apparence de la solidité que la forme pyramidale : c’est que nulle part ne se trouve réalisée avec plus de clarté, l’application de la règle qui veut, que le fort porte le foible.
Cependant on trouve, dans certaines formes adoptées par l’architecture, une exception à cette règle. Ainsi la forme des consoles et la forme des termes suivent une direction contraire. Mais les consoles, considérées soit dans leur type originaire, soit dans leur emploi, ne servent de support qu’à des parties légères ; et il faut les voir plutôt sous le rapport d’ornement, que comme membre de la construction, et comme tel encore, on peut dire qu’elle tient au système de l’encorbellement. C’est sous cet aspect aussi que le terme (qu’on appelle gaîne) se présente à nous ; il n’a guère d’autre emploi positif que celui de porter des bustes, et s’il trouve place dans les édifices, ce ne sera qu’en décoration et de bas-relief. L’œil et la raison n’éprouvent donc aucune contradiction, d’un emploi où l’idée comme la réalité de la solidité ne sont pas compromises. Toutefois on a vu tirer de ces légères exceptions, la conséquence qu’on pouvoit employer des termes à supporter, en place de colonnes isolées, le poids des entablemens et des frontons. Or, rien de plus contraire au principe de la solidité réelle, et à la maxime, qui veut qu’elle soit apparente.
Comme on le voit, l’architecture, de même que chaque art, repose sur un petit nombre de principes, qui sont des vérités évidentes et incontestables. Toutes les règles doivent dériver de ces principes, et plus elles en émanent directement, plus elles sont obligatoires. Nous dirons encore que plusieurs de ces principes trouvent leur application dans toutes les architectures. Ce sont ceux qu’on peut appeler principes sensibles, c’est-à-dire, renfermant de ces vérités qui frappent les sens, et dont la démonstration est tout-à-fait matérielle.
C’est sur les principes que j’appellerai moraux, comme étant l’expression de verités qui s’adressent au sens moral, que regne le plus grand nombre des variations dans l’art, et des controverses entre les artiste. A cet égard, on doit dire qu’il n’y a là, rien de particulier à l’art de l’architecture. Les vérités qui appartiennent au règne de l’intelligence, et celles qui dépendent du goût, cet organe du sentiment, n’ont pas la propriété de pouvoir forcer la conviction par l’évidence physique.
Toutes sortes de causes empêchent ces principes d’être toujours et partout suivis, et de régner sans opposition. L’ignorance, la prévention, le joug de la routine, l’esprit paradoxal, l’amour des nouveautés, tendent sans cesse à mettre en question, ce qui tant de fois a été jugé. Que, conclure de là ? Rien, si ce n’est qu’il en est ainsi dans tout ce qui est du domaine moral. C’est la guerre entre le principe du bien et celui du mal, entre l’ordre et le désordre, entre la vérité et l’erreur. Cette guerre existe dans toutes les sociétés politiques, dans toutes les conditions, dans toutes les productions de l’esprit, du goût et du génie. Ce n’est pas toutefois qu’on nie les principes. Il en est de la vérité comme de la lumière. On la reconnoît, mais toutes sortes de passions, d’intérêts et de travers concourent à l’obscurcir. Qu’importe au fond, l’obscurité elle-même témoigne en saveur de la lumière, et les erreurs ne servent qu’à faire mieux briller la vérité.
PRINTANIER, adject. m. (Jardinage.) On donne ce nom, ou à un jardin particulier, ou à une des parties d’un grand jardin qu’on dispose, et qu’on plante exprès, pour être fréquenté dans la saison du printemps.
Comme on fait des jardins d’hiver qu’on abrite contre les influences du nord, et où l’on rassemble les arbres toujours verts, le arbustes qui conservent leurs feuilles, et certaines plantes qui ne redoutent point la froidure, on fait aussi des jardins printaniers, qui réunissent les arbres, les plantes et les sleurs qui ont l’avantage de la précocité.
Dans le jardinage irrégulier, le jardin printanier se forme d’une portion de terrain, que son exposition met à même de profiter des premiers rayons du soleil, et qu’on garnit de plantes dont la verdure ou la floraison sont hâtives.
PRISON, s. f. Lieu clos et muré, bâtiment solidement construit, où l’on renferme ceux qui, par différentes raisons, et pour plus ou moins de temps, sont privés de leur liberté.
Dès qu’il y eut des sociétés, il y eut aussi des hommes ennemis de la société et des lois. La conservation de la société exigea des lois répressives de tout ce qui peut troubler l’ordre. La répression la plus active fut la crainte des peines. Leur application exigea des jugemens, et il fut nécessuire de s’assurer de la personne du prévenu, De-là, le besoin des prisons pour y enfermer les prévenus de délits, et encore pour y retenir ceux, contre qui la peine de détention est portée.
Chez les Anciens, il y eut des prisons publiques, carceres, et des prisons privées, ergastula. Un état de société différent de celui de nos siècles modernes rendit, sans doute, les établissemens des prisons publiques moins nombreux et moins considérables. Deux causes, à Rome surtout, rendent compte de cette différence : la première fut le pouvoir absolu des pères ; la seconde, l’état d’esclavage.
Une grande partie de la société se trouvoit ainsi comme placée en dehors, de ce que nous appelons la vindicte publique. Chaque maison avoit en quelque sorte sa juridiction, et l’esclave, selon la volonté du maître, subissoit des peines correctionnelles, au nombre desquelles on comptoit la prison. L’ergastulum n’étoit autre chose que la prison des esclaves, et l’origine grecque de ce mot semble désigner que c’étoit un lieu destiné à un travail pénible, sans doute, auquel le prisonnier étoit condamné.
Il ne nous est resté aucun vestige de construction antique auquel on puisse, avec connoissance de cause, donner le nom de prison. Le seul monument encore existant, si toutefois on peut lui donner ce nom, est la grande excavation des Latomies, à Syracuse, prison célèbre dans l’antiquité, et qui, par la nature des choses, est aujourd’hui la même que ce qu’elle fut autrefois. Sa vaste étendue avoit permis d’y renfermer tous les prisonniers, que la défaite complète des Athéniens avoit livrés aux Syracusains. Il n’y a aucun doute que ces vastes intérieurs, percés dans la montagne de pierre, qui servit de carrière à cette grande ville, dûrent fournir plus d’un genre de clôture, et appropriée aux différens degré de détenus. Probablement aussi les condamnés l’étoient aux travaux forcés de l’extraction des pierres, sorte de peine qui correspondoit à celle de ce qu’on appelle aujourd’hui des galériens de terre.
Des mœurs différentes, les changemens survenus dans l’état des personnes, dans la police des villes, la jurisprudence et les lois, ont introduit chez les Modernes, avec la nécessité d’un plus grand nombre de prisons, des régimes fort divers pour leur disposition et pour leur construction.
Cette partie d’ordre, de bonne police et de distribution intérieure des prisons, seroit la matière d’un ouvrage, où l’architecte trouveroit des notions propres à le diriger dans les ouvrages de ce genre qu’on lui demanderoit.
Il suffira à cet article d’indiquer par quelques notions générales, les diverses manières de pratiquer les prisons, selon la variété de leur destination. Nous dirons ensuite ce que doit être à l’extérieur une prison, considérée architectoniquement, sous le rapport du caractère qui doit la distinguer.
Jusqu’ici, généralement il a été construit fort peu d’édifices, destinés à être spécialement et exclusivement des prisons. Tant qu’on ne vit dans une prison qu’un local propre à séquestrer les individus, sans distinction des causes de détention, du genre de délit, et de la nature des reclus, beaucoup de bâtimens tout faits, quoique pour d’autres usages, dûrent paroître propres à leur nouvelle destination. Ainsi une multitude de constructions élevées dans le moyen âge, beaucoup de vieux châteaux, de forteresses désormais inutiles à la guerre, furent et devinrent des prisons toutes faites. Ainsi nous avons vu Paris jusqu’à un demi-siècle en arrière, n’avoir guère d’autres prisons que d’anciens castels, qu’on appeloit châtelets, quelques forts placés jadis comme défenses, et faisant partie de la circonvallation de ses murs.
De ce genre furent surtout, et sont encore, dans beaucoup de pays, les prisons qu’on appelle prisons d’état. Aucune n’exige plus de sûreté, plus de facilité pour empêcher toute communication ou correspondance avec les prisonniers. Les délits dont ils sont prévenus, le caractère de ceux qui le plus souvent sont sous le poids d’une accusation politique, et qui tiennent à quelque parti, veulent qu’ils soient entièrement isolés et mis au secret, dans l’intérieur, et que rien du dehors ne leur parvienne. Les forteresses du moyen âge, devenues des défenses aujourd’hui inutiles, par les changemens survenus dans l’attaque des places, ont tout ce qu’exige une prison d’état ; des murs fort épais, peu de fenêtres et de petites ouvertures, des fossés pleins d’eau qui les isolent, des ponts-levis, des guichets, etc. On citeroit, je pense, peu de prisons d’état en Europe, qui ne soient placées dans de semblables constructions, et s’il en falloit faire exprès, il seroit peut-être difficile d’y réunir plus de convenances.
Mais les prisons, dans leur rapport avec la saine police des villes et les institutions sociales, doivent être, soit pour leur distribution intérieure, soit pour leur emplacement et leur construction, l’objet d’une classification spéciale qui déterminera le genre de chacune.
On a déjà fait observer combien sont diverses entr’elles, les causes qui décident dé l’arrestation et de la détention des individus. Le pire de tous les régimes en ce genre, est celui qui tend à confondre et à réunir entr’eux, dans le même local, non-seulement les prévenus avec les condamnés, mais les prévenus d’un certain genre de délit, avec ceux d’un autre genre.
Il semble donc qu’il devroit y avoir une prison particulière, ou si l’on veut, dans la même enceinte, un espace séparé, pour tous ceux qui sont détenus par simple prévention, par mesure de prévoyance, comme impliqués dans une affaire criminelle, et qu’il importe d’isoler de l’accusé principal. Or, rien ne seroit plus facile à réaliser dans le plan bien entendu d’une prison. Jusqu’ici, l’économie de gardiens et la facilité dessoins de la surveillance, ont porté à réunir le plus possible de prisonniers dans un même local. Il est certain que cette réunion tend à diminuer le nombre des surveillans. Mais il est peut-être vrai aussi, que des divisions bien faites seroient un grand moyen d’ordre et de tranquillité.
Sans aucun doute il faut une prison particulière pour ceux qui sont condamnés à la peine de détention. C’est ici que doit avoir lieu une distribution intérieure, qui permette de classer les détenus selon la gravité du délit et la durée de la peine, selon les âges, et aussi selon l’état des personnes. On ne sait que trop, combien Ia fréquentation d’hommes très-diversement coupables, peut être dangereuse, et combien une peine faite pour corriger des inclinations vicieuses, loin de produire cet effet, enhardira, par de funestes leçons, à s’enfoncer dans le vice.
On est parvenu depuis du temps, d’après l’exemple de quelques pays, à introduire dans les prisons de correction, un régime de travail proportionné à l’âge, aux facultés, à l’industrie des prisonniers. Cet établissement, outre l’avantage d’obvier aux dangers de l’oisiveté, mère de tous les vices, a pour objet d’offrir des ressources utiles à ceux qui, après le temps de leur réclusion, sont rendus à la société. La vente des objets fabriqués tourne à la fois au profit de l’établissement et des prisonniers, auxquels on rend, lorsqu’ils sortent, les épargnes qu’on a faites pour eux.
Une semblable prison demandera de grandes et belles dispositions, pour les différentes salles de travail, pour les magasins et dépôts d’objets fabriqués, pour les logemens des inspecteurs, gardiens, concierges, etc.
Il est une sorte de prison qui semble demander dans son intérieur des dispositions toutes particulières, et qui s’éloigneront de la sévérité du régime que les autres nécessitent. On veut parler des prisons pour dettes. La réclusion est moins ici l’effet d’une peine prononcée par la loi, qu’un moyen de contrainte légale, exercée par le créancier contre son débiteur, pour en obtenir le paiement. S’il y a des débiteurs qui frustrent leurs créanciers par fraude, il s’en trouve aussi que des accidens imprévus rendent insolvables. La loi, pour l’intérêt du commerce, permet la contrainte, mais l’équité veut qu’on ne confonde pas de semblables détenus, avec les criminels ou les prévenus de crime. Une prison pour dettes n’aura donc ni à l’extérieur, ni dans son interieur, l’aspect d’une maison de force ; où tout doit annoncer ou inspirer une sorte de terreur. Cette prison tiendra plutôt du caractère des hospices ; elle offrira des logemens sans luxe, mais pourtant commodes, des lieux de réunion, des cours, des promenoirs, etc. Le détenu pour dettes est souvent obligé, pour l’arrangement de ses affaires, de recevoir du monde, et rien n’oblige de le priver des communications du dehors.
Nous en avons dit assez, pour faire sentir les variétés que l’architecte est tenu d’apporter, dans les dispositions intérieures des prisons.
Quant à l’extérieur, on voit qu’à peu d’exceptions près, une prison étant un lieu de sûreté et de force, doit, autant qu’il sera possible, être isolée, environnée même d’un mur, pour rendre la garde du bâtiment principal plus facile. Sa construction doit être de matériaux les plus solides, de pierres les plus dures. Les étages seront voûtés, pour qu’il ne puisse y avoir de moyen d’intelligence entre ceux qui les habitent ; des terrasses occuperont le comble, et seront encore, par les sentinelles qu’on y placera, un point de surveillance important.
Quant au style et au caractère de l’édifice, on doit dire que toute application d’ordres et de colonnes, si elle n’y est un défaut, y passeroit pour une inconvenance. Quoique l’on puisse trouver dans la gravité et la sévérité de l’ordre, dorique, plus d’une nuance propre à exprimer l’idée de force, qui appartient au caractère d’une prison, il nous semble cependant qu’un semblable édifice doit se considérer, comme en dehors de l’échelle des tons architectoniques. L’idée seule de la destination du local, doit commander à l’extérieur l’absence de tout luxe et de tout ornement. Or, toute ordonnance de colonnes comporte, pour sévère qu’elle soit, des détails, des profils, des accords du ligne, d’intervalles, de proportions, d’où naît pour les yeux un agrément, dont il semble que l’esprit préfère l’absence, dans le frontispice d’un lieu de peine et de correction.
L’harmonie qui doit unir eutr’eux le dedans d’un, édifice, avec son dehors, nous semble encore une raison qui doit tendre à priver l’extérieur de tout agrément, que l’on trouveroit en contradiction avec l’aspect de l’intérieur. Toutes les parties de cet intérieur devant être massives, simples et sans détails, le style de l’extérieur devra s’y conformer.
Nous avons indiqué, dans l’emploi qu’on fit en beaucoup de lieux, des châteaux-forts et donjons du moyen âge, pour servir de prisons, la cause qui dispensa pendant long-temps de construire des édifices exprès pour cette destination. Cependant il ne manque pas d’exemples modernes à citer, qui peuvent guider l’architecte soit dans
la disposition intérieure, soit dans le caractère extérieur des prisons.
Pour ce qui est de la distribution et du plan d’une prison de correction, on ne connoît pas d’ensemble mieux combiné, que celui de la maison correctionnelle de Gand. Il seroit difficile d’imaginer un plan qui, dans un espacé donné, contienne autant de corps de bâtimens, séparés entr’eux, tous isolés, suffisamment aérés, et liés plus heureusement à un centre commun. Ces avantages sont dus à la forme octogone du plan. Chacun des rayons qui répondent aux angles, est un corps-de-logis, ce qui donne entre chacun d’eux l’espace d’une cour. Une grande cour, octogone elle-même, occupe le centre, auquel aboutit chacun des corps de bâtiment, en se rattachant au bâtiment qui forme cette cour. C’est une sorte de réseau, dont les fils correspondent au centre. L’on comprend comment cette grande division de bâtimens séparés, est favorable à l’ordre et à la tranquillité, et combien la surveillance y devient facile.
Palladio, liv. 3, ch. 16 de son Traité d’architecture, a donné en peu de mots les idées les plus justes sur l’établissement des prisons. « Elles doivent être (dit-il) placées dans un lieu sûr, et entourées de hautes murailles qui les garantis sent de l’attaque des séditieux. Il faut les faire saines et commodes, parce que leur objet est non de punir, mais seulement de retenir ceux qu’on y enferme. On devra donc construire les murailles de grandes pierres, cramponnées avec du fer au du bronze, et ensuite on les revêtira, tant eu dedans qu’en dehors, de briques, I’ar ce moyen on préservera leur intérieur de l’humidité, sans diminuer la solidité de la construction. On placera les logemens des gardiens à portée des chambres des prisonniers, pour qu’on puisse facilement les surveiller. »
On trouveroit à citer, en Italie, plus d’une prison ou maison de correction conçue et disposée avec beaucoup d’intelligence. Telles sont à Rome les carcere nuove. Telle est à Milan la maison de correction, dont le plan offre une distribution intérieure conçue avec beaucoup de symétrie et d’intelligence.
Mais s’il nous faut citer quelque prison qui, par sa masse extérieure, pour le style et le caractère de son architecture, réponde à l’idée que le goût et l’esprit des convenances se sont d’un semblable édifice, nous sommes obligés de prendre nos exemples dans les ouvrages en ce genre les plus récens.
En France, nous ferons mention de la prison de la ville d’Aix, construite sur les dessins de Ledoux. Sa masse offre un grand caractère de simplicité. C’est un quadrangle dont les quatre façades sont pareilles ; chacune se compose d’une grande ligne que terminent deux espèces d’avant-corps, qui toutefois sont sans saillie, mais que distinguent leurs couronnemens formés non par des frontons, mais par des massifs triangulaires sans aucune mouline. Tel est aussi celui qui tient la place de fronton sur le péristyle de colonnes très-courtes, qui occupe le milieu de chaque face et en désigne l’entrée. Les quatre façades sont toutes lisses, et ne sont percées que par des ouvertures rares et fort petites ; l’entablement le plus simple règne tout alentour.
L’Angleterre nous paroît avoir en ce genre le monument le mieux caractérisé, le plus solide, le mieux construit et le plus propre à servir de modèle quant au goût. On veut parler de la prison de Newgate, bâtie a Londres par M. Dance, il y a une cinquantaine d’années. L’architecte a fort judicieusement appliqué à la façade de son édifice le style de certains palais de Florence, bâtis vers les quinzième et seizième siècles, et dont l’extérieur, comme on l’a dit (voyez Bossage), offre l’emploi le plus colossal des énormes matériaux que la Toscane fournit à l’art de bâtir.
La prison de Newgate est un édifice ainsi bâti avec la pierre de Portland. Sa longueur est de trois cents pieds, sa hauteur de quarante-six pieds, mais les fondations ont encore en terre trente pieds de profondeur.
La façade, des plus régulières ; ‘offre une grande ligne, mais ingénieusement interrompue par quelques masses de hauteur différente, qui, sans rompre l’unité, y offrent une variété qui plaît d’autant plus, que l’n en aperçoit sans peine la raison.
Ainsi le corps du milieu, qui est l’habitation du concierge, comporte deux étages, sans comprendre le rez-de-chaussée, et chacun de ces étages est percé de six fenêtres en arcades, formées, ainsi que les trumeaux, de bossages moins prononcés que ceux du reste de la masse. Cette nuance contribue à faire valoir le caractère de tout le reste. Le fronton qui couronne ce corps du milieu, est propre encore à le distinguer, et à le faire reconnoître pour ce qu’il est.
De chaque côté de ce corps de bâtiment, est une autre masse subordonnée et beaucoup plus petite. Ce sont deux portes qui conduisent à chacune des deux division de la prison. Leur masse, toute en bossages, se termine par une arcade grillée, et occupe le renfoncement produit par le corps du milieu.
Deux grands corps de bâtiment, entièrement taillés en bossages, forment le principal de cette masse. Ils n’ont ni portes, ni fenêtres, ni ouverture quelconque. Seulement des niches rustiques, incluses dans des parties cintrées, qu’on a pratiquées sur les deux avant-corps de bâtiment dont on a parlé, reçoivent des statues dout les sujets sont en rapport avec l’édifice.
L’un de ces deux corps de bâtiment fait retour avec une rue. L’autre retourne sur une cour, qui est celle du Tribunal criminel, lequel fait suite de ce côté avec la prison, dont il est une prolongation. Il y a un conduit par lequel les prisonniers arrivent de la prison au Tribunal.
Il faut dire, en définitif, de ce monument, sous le rapport de l’architecture, que c’est un des plus remarquables qu’il y ait à Londres, et qu’aucun autre de ce genre ne sauroit, dans toute l’Europe, lui être comparé.
PRIVÉ ou Cabinet d’aisances. Voyez Latrines.
PROFESSEUR, s. m. On appelle ainsi celui qui, versé dans une science ou dans un art, en enseigne les élémens et les règles dans les écoles publiques.
PROFIL, s. m. L’acception simple et la plus ordinaire de ce mot, est celle qui, dans la peinture, se rapporte à la délinéation du visage. On en use, par opposition au dessin qu’on appelle vu de face ou de trois quarts. Le profil, dans un portrait, est ce qui fait connoître avec le plus de précision la conformation des parties principales, leur saillie, leur renfoncement, et ce qui en forme le caractère essentiel, résultat de la charpente osseuse dont on juge mieux les formes lorsqu’on la considère de côté.
En architecture, on a donné, par analogie, le nom de profil à ce qu’on appelle aussi la coupe d’un bâtiment. On suppose qu’une section perpendiculaire en représenté et en découvre les dedans. L’on use de cette convention graphique pour faire connoître les hauteurs et largeurs, les épaisseurs des voûtes, murs et planchers. Cette opération donne très-véritablement les profils de chaque partie, comme le dessin de côté d’un visage en montre les contours.
On a donné, par la même raison le nom de profils aux membres et moulures, dont se composent les corniches, les entablemens, les buses et les socles des soubassemens. Effectivement, si l’on considère en face un entablement, il sera très-difficile et peut-être impossible d’assigner à chaque partie saillante ou rentrante, sa mesure exacte en rondeur ou en profondeur. Ce sera au contraire, comme chacun en peut juger, à l’angle d’une corniche, ou au retour qu’elle fait dans un piédestal isolé, par exemple, qu’il est facile de compter, d’apprécier non-seulement le nombre et les formes de ses moulures, mais particulièrement la mesure de leur saillie les unes sur les autres.
Les saillies des parties de la modénature et les renfoncemens qu’on y produit, sont la cause principale de l’effet qu’on peut attendre d’un, entablement. Aussi l’architecte, pour s’en rendre compte, ne manque-t-il jamais, dans ses dessins, de tracer le profil de l’ensemble de moulures qui doit couronner son édifice.
Par suite de cet usage, après avoir donné le nom de profil au dessin pris ainsi d’angle, d’un ensemble de moulures, on l’a donné aussi aux détails ainsi représentés, et l’on a appelé profils les objets séparés qu’on trace de profil.
Nous ne croyons pas nécessaire de donner ici la nomenclature de tous les objets auxquels on donne habituellement le nom de profils, tels qu’astragale, quart-de-rond, douane, congé, etc. Chacun de ces mots a son article à part, auquel nous renvoyons le lecteur.
PROFILER, v. act. Défini sous son rapport purement technique, ce mot signifie tracer de côté et vus d’angle les membres, les parties et les moulures qui entreat dans la composition d’un entablement, d’une corniche, d’un socle, d’un soubassement, etc.
Mais profiler, en théorie, comporte une idée plus étendue. Ce mot signifie non pas seulement le petit artifice de délinéation, dont l’article précédent a défini la notion, non pas uniquement l’art de tracer de profil ou d’angle, les membres de l’architecture, mais bien l’art de les composer, de les distribuer, de les ménager, de les faire exécuter salon les convenances générales du bon goût, selon le caractère exigé par la destination des édifices, selon la grandeur de leur, masse, selon la distance d’où ils doivent être vus, et par conséquent selon l’effet qu’ils doivent produire.
Il y a, sous le rapport le plus général, et à part de toutes les convenances, un art de profiler qui puise ses règles dans un certain sentiment qu’on appelle le goût en fait de décoration. Or, les profils d’un édifice sont une partie essentielle de la décoration. Les monumens antiques, et surtout ceux des Grecs, présentent des modèles de goût en ce genre. Ce goût tient au choix des membres qu’on emploie ; il tient à leur disposition et à leur proportion. Les profils des chapiteaux, des bases de colonnes, des entablemens dans les monumens grecs, sont remarquables par une justesse de rapports, par une précision d’exécution, par une délicatesse qui communique au tout, un je ne sais quoi qui ressemble à ce qu’on appelle esprit et expression dans les statues. On ne voit point que les Grecs aient surchargé leur architecture de membres multipliés, comme trop souvent cela fut pratiqué dans les derniers âges de l’architecture romaine. Généralement ils n’employoient qu’un petit nombre de moulures, et chacune avoit son intention particulière. Ils les disposoient conformément à leur destination, car il n’est aucun membre, qui, mis à sa place, n’ait un office particulier. Il y a surtout, quant à leur proportion, quelques principes régulateurs qu’il faut connoître. Ainsi Les entablemens se composent, non de détails arbitraires, mais de parties qui, superposées les unes au-dessus des autres, sont tour à tour destinées à être soutenues et à soutenir. Il est à remarquer que, dans l’esprit de ces différentes fonctions, toujours on trouve un membre principal, auquel les autres sont subordonnés, et qui en est ou soutenu ou renforcé. Si la forme du principal membre est rectangulaire, la forme de ceux qui le soutiennent ou l’appuient, sera tracée par une ligne courbe. La bonne apparence de l’ensemble dépendra beaucoup de la saillie de chaque membre. Si cette saillie est trop petite, l’effet en sera froid et maigre ; si elle est trop forte, l’impression de lourdeur s’ensuivra. Les Anciens ont su éviter fort heureusement ces deux excès. Leur méthode, selon Vitruve, consistoit en cela, qu’ils donnoient volontiers à chaque membre, autant de saillie que de hauteur. Les meilleurs édifices qui nous sont restés de l’antiquité, confirment, à cet égard, la doctrine de Vitruve. Quelquefois aussi l’on prenoit l’ensemble de la hauteur de plusieurs membres, pour en faire la mesure de la saillie du membre le plus élevé, et qui devoit couvrir les autres membres plus petits, qui lui étoient subordonnés.
De ce peu de notions sur les principes de l’art de profiler, et le goût qui le dirige, on peut facilement conclure que les variétés dont cet art est susceptible, sont autant de moyens qui contribuent à donner à chaque genre d’édifice, le caictère que réclame sa destination. Les profils d’un édifice en constituent, si l’on peut dire, la physionomie. Il est, en effet, impossible que ce qui exprime aux yeux et par suite à l’esprit, les idées opposées ou différentes de pesanteur ou de légèreté, de force ou de délicatesse, de simplicité ou de richesse, de grandeur, de puissance, de plaisir, de finesse, de précision, de correction ou de négligence, n’influe pas sur l’opinion qu’on se formera, en général, du genre de l’édifice, c’est-à-dire, de son emploi ou des usages auxquels il est consacré. Comme on voit, dans l’ordre de la société, que la manière d’être vêtu, logé, accompagné, désigne fort clairement aux yeux, le rang, l’état, la profession, les fonctions des personnes, comme le luxe, les formes et le plus ou le moins de richesse des costumes fait juger de l’importance ou de la dignité de ceux qui les portent, de même il est impossible que la mesurè, le degré on le genre des accompagnemens ne soient pas pour un édifice une manière de le caractériser, du moins aux yeux de ceux qui ont le sentiment, sinon la connoissance des causes d’où procède en grande partie, sur nous, l’action des beaux ails. Or, le moindre sentiment de ce principe force de reconnoître que la décoration en architecture est une partie considérable du langage de cet art, et l’on a cru que l’art et le goût de profiler entroient pour beaucoup dans le domaine de la décoration.
Le moindre sentiment de l’harmonie enseigne à l’architecte et fait comprendre à tout le monde, combien il importe, que ce qu’on appelle l’ensemble des profils, dans un édifice, réponde à la grandeur de sa masse. Un grand tout doit avoir de grandes parties. C’est, comme on l’a dit au mot Principe, un axiôme en architecture ; et l’inverse de cette proposition n’est pas une vérité moins évidente. L’entablement, dans toute masse d’architecture, est nécessairement ce qui forme l’ensemble de profils le plus nombreux. Or, cette partie peut être considérée, par rapport au corps de l’édifice, comme la tête par rapport au corps de l’homme : rien de plus choquant qu’une tête exiguë sur une stature colossale, et vice versa. Si l’entablement, ainsi que la tète d’une statue, doit se conformer à la proportion du bâtiment, il faut aussi que les détails, comme les parties du visage dans une tête, participent aux données de l’ensemble, et cela non-seulement pour ce qui est des mesures, mais pour ce qui régarde l’effet. L’effet des profils dépendant non-seulement de leurs rapports entr’eux, de l’accord comme de l’opposition de leurs formes et de leurs contours, mais aussi de leurs saillies et de leurs renfoncemens, if importe que l’architecte proportionne, à l’effet de ta masse générale l’effet des profils. Or, cet effet peut se varier infiniment. Le plus ou le moins de fouillé, l’âpreté plus ou moins grande, le plus ou le moins de douceur dans le prononcé des montures, contribueront produire ce plaisir qui résulte du bon accord des parties avec l’ensemble de chaque monument.
Ce qu’on vient de dire de l’effet des profils, relativement à la dimension des édifices, on le dira également de la manière de profiler, eu égard à la distance de laquelle les profils doivent être vus. La diversité des distances entre dans les considération les plus importantes sur la composition et l’exécution de toute architecture. Entre les monumens, il en est qui, n’ayant point d’intérieur, doivent figurer seulement par leur effet extérieur, comme les arcs de triomphe, les colonnes monumentales, etc. Ces sortes d’édifices ne sauroient prescrire aux spectateurs le point précis d’où ils doivent être vus. Nous avons dit ailleurs (voyez Point d’aspect) qu’il est, à cet égard, une mesure de distance, indiquée par la grandeur du monument même, au-delà de laquelle ou ne sauroit exiger des détails ou des profils, de faire le même effet que si on les voyoit de près. C’est donc pour leur vrai point d’aspect, que doit être calculé l’effet des profils, dans ces sortes d’ouvrages.
Mais les édifices qui se composent d’un local intérieur, présentent, à l’art de profiler les entablemens et autres objets, des points beaucoup plus fixes. Généralement on peut dire qu’il importe à l’effet de la grandeur, dans les intérieurs, que les profils soient tracés avec moins de sevérité, et traités avec moins de saillie. Ces détails d’exécution, qui tendent à rapprocher des yeux l’objet sculpté, tendent aussi à anémier l’effet général de l’espace, c’est-a-dire, l’idée qu’on se fait de la dimension d’un local.
Il résulte de toutes ces considérations, que l’art de profiler est en quelque sorte, pour l’architecture, ce qu’est l’art de moduler, pour la musique ; ce que sont les genres de style, pour l’art d’écrire ; c’est un moyen de rendre sensible le caractère plus ou moins grave, plus ou moins léger, qui appartient à l’édifice, considéré sous le rapport de son emploi.
Les différens ordres sont, en quelque sorte, un résumé sensible et de la doctrine générale et des moyens de l’art de profiler. On sait assez que chaque ordre est l’expression aussi claire, qu’il soit possible que des lignes et des contours la donnent, des principales qualités morales et des propriétés qui appartiennent à chaque genre d édifice. Or, chaque ordre diffère d’un autre, et par le nombre et par le goût des profils qui entrent dans ses combinaisons. L’ordre qui exprime la force et la solidité, a un petit nombre de profils, et chacune de set moulures se distingue par la plus grande saillie possible, par les formes les plus prononcées, par des passages brusques, et par l’absencede presque toutes les découpures, ou des ornemens dont la sculpture se plaît, dans les autres ordres, à entailler les parties de la modénature. Qu’on oppose a l’aspect de cet ordre, celui de l’ordre qui exprime la légèreté et la richesse. Qu’y, voit-on ? Des membres multipliés, des transitions plus douces d’une forme à l’autre, des saillies plus ménagées, des moulures, dont l’ornement qu’on y taille atténue la sévérité. Il n’y a personne qui, en recevant de chacun de ces deux ordres, une impression tout-à-fait contraire, ou au moins différente, selon le degré d’évidence que l’artiste aura donné à l’expression de chacun, ne puisse se rendre compte du pouvoir qui appartient à l’art de profiler.
L’ordre doit bien une partie de son effet sur nos sens, dans l’emploi qui lui est donné, à la nature de sa forme générale, à sa constitution spéciale et à ses proportions ; mais si on le dénuoit de la parure, en quelque sorte accessoire de ses profils, qui en sont comme le dévelopment et l’explication, il perdroit une grande partie de sa valeur. Chaque ordre, si l’on veut, s’est approprié les profils qui lui conviennent, et semble, en se les associant, leur avoir donné une signification incontestable. Mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a ici réciprocité, el que les profils contribuent aussi à fixer l’expression et le sens propre de chacun des ordres.
Tout ceci, au reste, a eu pour but de faire bien comprendre quelle est, dans le langage de l’architecture, la vertu des profils et l’importance de l’art de profiler. C’est à cela surtout que se reconnoît l’habileté de l’architecte. Cet art est en quelque sorte pour lui, ce qu’est la diction pour l’écrivain, et, comme il est rare que ce qui fait le mérite du style, ne se trouve pas chez les auteurs, que recommande aussi celui de l’invention et du génie, de même on verra rarement les ouvrages d’architecture les plus célèbres ne pas briller également par l’art de profiler.
PROJECTION, s. f. On appelle ainsi, dans le dessin, la représentation d’un objet quelconque en perspective, c’est-à-dire, tel qu’il paroîtroit si on le regardoit d’un certain point.
PROJECTURE, s. f. Se dit de toute avance qu’ont les membres d’une architecture, ses moulures ou ses ornamens, soit avec encorbellement, comme les corniches, les balcons, les trompes, les galeries de charpente, soit sans encorbellement, comme les pilastres, les tables, les chambranles, les cadres, les architraves, etc.
PROJET, s. m. On donne ce nom, dans l’architecture, au dessin plus ou moins rendu, par lequel on représente en plan, en coupe et en élévation, soit le bâtiment qu’il s’agira d’exécuter conformément aux intentions de celui qui fait bâtir, soit l’ensemble d’un édifice non commandé, mais dont les élèves principalement doivent, pour s’exercer, figurer à leur gré tous les détails d’après un programme donné.
On appelle aussi projet, le mémoire en gros de la dépense à laquelle peut monter la construction du bâtiment projeté.
Depuis que les grands ouvrages d’architecture sont devenus rares, par reflet d’une nouvelle direction des mœurs, et par les diverses causes qui changent l’esprit et le goût des nations, les projets de grands monumens se sont singulièrement multipliés. Beaucoup d’architectes habiles ont à peine, dans le cours d’une longue carrière, pu réaliser l’exécution d’un monument durable, mais ils ont cru devoir faire part aux âges suivans des projets qu’ils avoient conçus, et les ouvrages qu’ils ont publiés par le secours de la gravure, ne sont guère remplis que des monumens qu’ils avoient projetés.
A mesure aussi que s’est fait sentir la disette d’occasions propres à exercer le talent des architectes par de grandes constructions, on diroit que le génie des vastes entreprises auroit pris un singulier accroissement sur le papier : à peine reste-t-il des plus célèbres architectes, qui ont le plus construit dans les quinzième, seizième et dix-septième siècles, et le plus en grand, quelques légers dessins de leurs conceptions ; et ces dessins sont fort loin d’avoir l’étendue, le fini d’exécution et l’importance qu’on voit mettre aujourd’hui dans les écoles, aux études des moindres élèves. Ainsi, toujours et dans tous les arts, il y a un mécanisme de travail, qui semble s’accroître et se perfectionner à mesure que l’art et son génie décroissent.
C’est particulièrement dans Les écoles, que l’on exerce les jeunes gens sur ce qu’on appelle des projets. Ces sortes d’ouvrages, ou pour mieux dire leurs sujets, n’ont aucune destination. Ils sont, dans leur genre, ce que sont dans les collèges les sujets oratoires, qu’on appelle amplifications, et sur lesquels on exerce l’imagination des écoliers.
Il en est ainsi de lu plupart des programmes de monumens qu’on propose à ceux qui veulent courir la carrière de l’architecture. La manière dont chacun rend ces sortes de projets, fait connoître le degré d’intelligence et d’imagination qu’il portera par la suite, dans les édifices qui pourront lui être confiés ; et l’on pense que la grandeur des compositions exigeant une plus grande difficulté, celui qui se sera montré habite dans des sujets vastes et compliqués, saura se jouer des projets plus simples et plus assortis aux besoins ordinaires.
D’autre part, on a quelquefois pensé que le talent de l’architecte devant, selon les temps, se conformer aux besoius et aux proportions que les mœurs demandent à l’architecture, il pourroit convenir de proposer plus souvent aux élèves, de ces projets usuels, et qui forcent à se soumettre aux sujétions si variées que les localités imposent, et dont le talent doit apprendre à triompher.
PROJETTER, v. act. C’est ou concevoir l’idée générale d’un monument, d’un édifice quelconque, ou en fixer l’idée par le dessin.
PROMENADE, s. f. Ce mot, comme l’on sait, exprime et l’action de se promener, et le lieu où l’on se promène. C’est sous cette dernière acception que le mot promenade peut trouver sa place dans ce Dictionnaire ; encore doit-il être entendu, que c’est, en tant qu’une promenade, par sa disposition, par la distribution de son ensemble, et par ses accessoires, demande l’intelligence ou le goût d’un architecte, et ce genre de combinaisons qui entrent naturellement dans les attributions de l’art.
La nature toute seule peut offrir, et elle offre le plus souvent aux plaisirs de la promenade, tout ce que désire celui qui veut mêler à ce que l’exercice a de salutaire, les douces impressions du spectacle de la vie champêtre. Ainsi les habitans des villes qui vont chercher à la campagne les images de la simple nature, trouvent dans les champs des promenades illimitées, des points de vue toujours changeans, et toutes les variétés que donnent les bois, les prairies, les champs cultivés, et même les sites agrestes. Les promenades faites par art, ne sauroient réunir au même degré ces sortes d’agrémens ; car il ne faut pas mettre au nombre de ces promenades, celles des jardins du genre irrégulier, qui, faits dans de vastes espaces, et avec l’intention de paroître la nature elle-même, rentrent dans l’ordre des promenades sans art, ou ce qu’on appelle promenades dans les champs.
C’est donc dans des espaces limités, sur un terrain donné, et avec des dispositions combinées pour l’usage auquel on la destine, que doit se faire reconoître une promenade.
Il résulte de là, que l’idée ainsi définie de promenade se lie à celle de jardin, considéré en grand. Effectivement, nous voyons que les plus célèbres promenades devenues publiques, ont dû leur origine aux jardins des plus grands palais ; aussi les désigne-t-on sous le nom de promenade, et sous celui de jardin public.
Ces lieux de réunion qu’on appelle ainsi, sont devenus, dans les temps modernes, el surtout chez les habitans zônes tempérées, une espèce de besoin. Il seroit aujourd’hui assez difficile de citer une ville de quelqu’ importance, qui n’eût pas dans son enceinte, ou dans son voisinage, une place destinée aux promenades du public, ne fût-ce que, ou de simples avenues ordinairement plantées d’arbres, ou d’anciens remparts devenus inutiles.
Plus les villes se sont étendues et peuplées, plus le besoin de respirer un air pur, et de jouir de la vue du ciel ou de la verdure, s’est fait sentir. L’esprit de société, le goût des divertissemens qui penvent avoir lieu en plein air, ont suggéré de pratiquer de grandes enceintes où la multitude pût se rassembler.
Naturellement les grands jardins qui accompagoient les anciens châteaux, devinrent des promenades publiques. Le goût selon lequel ces jardins avoient été disposés et plantés, se trouva si conforme à ce nouvel objet, que c’est encore sur leur modèle, qu’on peut le mieux tracer les règles à suivre dans la disposition d’une promenade publique.
Sans doute, si l’on pouvoit toujours disposer à son gré de l’emplacement qu’on destine à devenir une promenade publique, on choisiront un site entouré de lointains rians, et offrant des aspects variés ; mais on ne peut faire de cet agrément extérieur qu’un conseil, et non un précepte.
Ce qu’exige sa disposition, c’est un emplacement étendu, qui réunisse pour les saisons différentes, pour les diverses températures, des positions où les promeneurs puissent se mettre à l’abri des influences nuisibles. Il est essentiel encore qu’un lieu qui rassemblera en grand nombre toutes les sortes d’âges, de professions, de goûts et d’inclinations, présente dans la variété de ses localités, tantôt de vastes parties découvertes, de grandes allées où la multitude circulera sans embarras, tantôt des endroits plus retirés, des ombrages solitaires propices à l’élude ou à la méditation.
La bonne distribution d’une promenade publique demande un grand plan, composé lui-même de grandes parties. Ce plan doit être régulièrement planté d’arbres dont le feuillage produise un ombrage que le soleil ne perce point. On y pratique des allées droites, larges, commodes et assez multipliées pour que l’un ait la liberté de choisir celles où l’on aime à se retrouver, et celles où l’on peut s’éviter. Les allées en ligne droite sont le caractère essentiel d’une promenade publique. On conçoit combien, indépendamment des autres raisons, il importe au bon ordre qui doit régner en de pareils lieux, que des sentiers tortueux, des massifs sinueux ne viennent point prêter leurs détours à des rendez-vous on à des rencontres, dont la décence doit éloigner la possibilité.
La distribution d’une promenade publique, bien qu’elle demande de grandes ouvertures, des partis largement tracés, des plantations symétriques, n’exclut point une multitude d’idées ingénieuses dans tous les accessoires qu’admet un pareil ensemble. Les gazons et les tapis verts, les parterres et les plates-bandes de fleurs peuvent interrompre l’uniformité des lignes droites, el se mêler agréablement aux massifs des plantations. Des bassins, des fontaines et des pièces d’eau en font une sorte d’ornement nécessaire. Il n’y a point d’objet de décoration qui ne puisse trouver place dans une tellepromenade. On y admettra, des statues, pourvu qu’on ne les y multiplie pas trop, et qu’on les dispose dans un ordre qui indique un projet arrêté et combiné avec les mœurs générales.
Une promenade publique, ainsi qu’on le voit, demande un terrain uni. Les inégalités d’un sol montueux et pittoresque s’accorderaient mal avec des allées droites et symétriques. Cependant on y peut pratiquer des élévations artificielles, telles que des terrasses, où l’un monte par des pentes ménagées avec art, on par des rampes construites, et ces terrasses, plantées d’arbres et décorées de vases de fleurs ou de statues, forment un coup d’œil qui paroît agrandir l’espace en multipliant ses plans.
Il est facile de voir qu’en parcourant quelques-unes des règles à suivre pour la formation d’une promenade publique à l’usage d’une grande ville, cet essai de théorie n’a rien de nouveau ni d’imaginaire ; et sans doute on s’est aperçu, que le précepte ici, n’iroit pas loin pour trouver l’exemple qui l’autoriserait. La ville de Paris, qui réunit plus qu’aucune autre ville de célèbres promenades publiques, les doit aux grands jardins qui accompagnent les plus grands de ses palais. Ces jardins ne furent pas, dans l’origine, destinés à la réunion du public ; mais ils se sont trouvés tellement propres à cet usage, qu’on les doit citer comme les vrais modèles de ce genre.
Ce n’est pas qu’une promenade publique demande absolument le luxe des statues, des ornemens, et de tous les embellissemens que présentent les jardins devenus publics, dont on vient de faire mention. Ce fut sans doute comme faisant partie de maisons royales, qu’ils furent autrefois ornés avec cette somptuosité. Sans aucun doute, une promenade publique peut remplir son objet, et peut plaire à moins de frais. Le plus grand nombre de ceux qu’elle rassemble, ou est indifférent à ce luxe, ou peut-être même y desireroit un aspect, sinon tout-à-fait champêtre, du moins propre à faire oublier les idées ou les impressions de la ville.
La ville de Paris offre encore, sous ce rapport, un autre genre de promenade publique, celle qu’on nomme des Champs-Elysées, où, sur de plus vastes espaces, la multitude trouve des ombrages frais, des allées spacieuses, de grandes places découvertes pour toutes les sortes de jeux et d’exercices, des routes où les chevaux et les voitures circulent, et toutes sortes de lieux de retraite ou de divertissement.
Aucune ville, plus que Paris, ne nous semble avoir multiplié les promenades publiques, ou les lieux qui invitent à se distraire du bruit et de l’embarras des affaires. On pourroit en effet joindre aux promenades déjà citées, ces avenues et ces allées d’arbres continus qui conduisent aux deux bois de Boulogne d’un côté et de Vincennes de l’autre. Mais ce qui est dans Paris, une promenade encore plus publique et toujours fréquentée, c’est ce qu’on appelle les Boulevards, qui jadis, terminant l’enceinte de la ville par une ligne de plantations continues, sont devenus pour la plus grande partie, et par l’extension de plusieurs quartiers au-delà de cette ligne, des promenades intérieures, en même temps qu’ils sont des rues très-fréquentées.
Beaucoup de villes ont des promenades publiques, formées de plantations fuites à dessein d’y réunir les différentes sortes d’agrément qu’on peut y chercher. Le détail en seroit trop nombreux, et leur description u’ajouteroit rien ni aux notions de cet article, ni aux exemples qu’on a produits.
PROMENOIR, s. m. Lieu où l’on se promène.
Le mot promenoir auroit dû être le mot propre, pour signifier, ce que nous avons vu qu’on exprime en français par le mot promenade, au moyen du double emploi qu’on lui donne. L’usage, ce tyran des langues, ayant affecté au lieu où l’on se promène, le mot qui exprime l’action de se promener, le mot promenoir seroit entièrement déplacé aujourd’hui, et tout-à-fait impropre pour caractériser les endroits publics, surtout, qui sont destinés à la promenade du grand nombre. On l’emploieroit encore fort improprement á désigner un jardin.
Il nous semble dès-lors que promenoir sera resté dans la langue, comme un synonyme, qui exprime une espèce de lieu propre â se promener, mais différent dans sa situation, et par son emploi beaucoup plus restreint, de ceux dont il a été question dans l’article précédent.
Le goût et l’exercice de la promenade ne sauroient être les mêmes, sous tous les climats. Les mœurs et les usages des peuples doivent encore apporter beaucoup de différences en ce genre. Par exemple, le plaisir que les hommes ont à se réunir, à se rassembler en grand nombre, doit être plus ou moins vif, selon, par exemple, que le sexe fait ou ne fait pas partie de ces rassemblemens. Mais chez les peuples anciens, et j’entends ne parler que des Grecs et des Romains, une autre cause encore rendit moins nécessaires les promenades publiques, considérées sous le rapport de réunions. C’est que les réunions de citoyens, soit pour affaires, soit par désœuvrement, avoient lieu tous les jours dans le forum ou la place publique, et l’on sait assez que, soit pour une raison, soit pour une autre, l’usage étoit d’y passer la plus grande partie de la journée.
Cependant la promenade, comme exercice utile à la santé, n’y étoit ni méconnue, ni négligée. Mais des institutions particulières, telles que celles des gymnases, des xistes, des portiques, des thermes, offroient des promenoirs couverts à ceux qui n’avoient pas de maisons assez spacieuses pour s’y procurer de pareils locaux.
Le mot péripatéticiens, qui, en grec, signifie promeneurs, nous prouve qu’il y avoit dans les gymnases de ces espaces fort étendus, disposés pour la promenade, soit en plein air (voyez Vitruve, liv. 5, ch. 9), soit sous des galeries. C’étoit en se promenant avec ses disciples, que Zénon leur donnoit ses leçons.
L’usage des galeries couvertes, tantôt en portiques, tantôt en colonnes, étoit général dans tous les édifices, et dans toutes les constructions publiques et particulières des villes et des maisons de campagne.
La description que Pline-le-Jeune nous a faite de ses maisons de campagne, voyez Campagne (maison de), contient celle de plusieurs galeries destinées à servir de promenoirs. Il est à remarquer qu’en latin le mot ambulatio signifie tout à la fois, comme en français, l’action de se promener et le lieu où l’on se promène ; mais le mot ambulacrum nous paroît tout-à-fait répondre au mot promenoir, et il indiquoit de préférence un lieu couvert.
S’il est donc reconnu qu’il seroit contraire à l’usage d’appeler promenoir un de ces grands espaces ou jardins publics, destinés à la promenade de tout le monde, il faut convenir qu’il seroit impropre d’appeler promenade les galeries qui forment les dehors d’un bâtiment, les intérieurs d’une cour, ou le cloître d’un couvent, parce qu’elles servent aussi à s’y promener à couvert.
Les grands portiques de la cour des Invalides, à Paris, servent de promenoir aux soldats, que leurs infirmités empêchent d’aller chercher de l’exercice, dans les promenades plantées en avant de ce grand édifice.
La nouvelle Bourse, qui est en train de se terminer, dans la même ville, offrira un promenoir aussi commode que magnifique aux gens d’affaires, qui ont le besoin de se réunir et de discuter leurs intérêts.
On admire, à Paris, cette vaste pièce intérieure, divisée en deux nefs, qui est un des principaux ornemens du Palais de Justice, et dont on a parlé à l’article De Brosses, qui en fut l’architecte. Le nom de salle des pas perdus, qu’on lui donne, ne signifie rien autre chose que promenoir. C’est là, en effet, que se réunissent tous ceux que leurs affaires y appellent, et c’est encore pour beaucoup de désœuvrés, un local favorable à la promenade dans les mauvais temps.
Nous croyons donc que promenoir doit se dire de tout local construit et abrité plus ou moins, où l’on peut se promener à couvert. Il est indispensable d’en pratiquer ainsi dans un grand nombre d’édifices, tels que colléges, hospices, couvens, séminaires, etc.
PRONAOS : signifie, par la composition des deux mots pro et naos, qui est en avant du naos.
Naos est un de ces mots synonymes, en grec, de ce que nous appelons généralement temple. Nous n’avons consacré d’article, dans ce Dictionnaire, ni au mot naos, ni au mot hiéron, ni à quelques autres des noms que l’on donnoit aux temples. Nous avons réservé la critique des notions que ces mots comportent, au mot Temple, mot générique chez les Modernes.
Toutefois, pour l’explication grammaticale du mot pronaos, nous dirons, en deux mots, que naos navis, nef, expriment, dans les trois langues, le corps principal ou la bâtisse du temple, autrement dit le temple, considéré moins dans toutes les parties qui pouvoient former son ensemble, que dans la masse de son architecture.
Pour remonter à la notion élémentaire du pronaos, il faut considérer le temple, chez les Anciens, dans sa disposition la plus simple, qui est celle du temple à Antes ou in Antis (comme l’appelle Vitruve, liv. 3, ch. 1). Ce temple n’avoit point de colonnes autour de sa cella. Ses murs, prolongés au-delà de la porte, se terminoient par les antes ou pilastres, qui, de chaque côté, n’étoient rien autre chose que la tête de chaque mur. Entre ces deux têtes de murs, s’élevoient deux colonnes : c’étoit là évidemment ce qui constituoit l’avant-temple ou le pronaos.
Lorsqu’en agrandissant les temples, on voulut augmenter la magnificence extérieure de leur disposition ou de leur ordonnance, on le fît, en environnant le naos, autrement le mur de la cella, y compris lepronaos, par un ou deux rangs de colonnes. De-là les temples périptères, diptères, etc. ; mais cela ne dérangea rien à la disposition comme à l’emploi du pronaos ; il ne changea ni de forme, ni de destination, ni de dénomination.
Vitruve, dans son chapitre de interiore cellarum et pronai distributione, nous montre avec beaucoup d’évidence ce qu’étoit le pronaos. Après avoir établi la division proportionnelle de tout l’espace occupé par le temple : Reliquœ tres partes (dit-il) pronai ad antas parietum procurrant. Quœ antœ crassitudinem columnarum habere debent. « Les trois parties restantes seront pour l’espace qui s’étend jusqu’aux restes des murs du pronaos. Les antes doivent avoir en grosseur celle des colonnes ; si (continue-t-il) le temple, c’est-à-dire la cella, a plus de vingt pieds de large, on élevera, entre les deux antes, deux colonnes qui sépareront l’espace du pronaos, de l’espace du pteroma. » Si œdes erit latitudine major quam pedes viginti, duœ Columnœ inter duas antas interponantur, quœ disjungant pteromatos et pronai spatium.
Dans les temples environnés de colonnes, en dehors, le pronaos étoit un espace qui, formé par les colonnes placées entre les antes, et en retraite du pteroma, c’est-à-dire, des colonnes extérieures, en étoit séparé par l’intervalle qui formoit le promenoir circulant tout autour de la cella. C’étoit un espace circonscrit entre les antes ou murs avancés de la cella, les colonnes qui alloient d’une ante à l’autre, et le mur où étoit la porte du temple (qui paries valvarum habuerit collocationem).
Tous les plans des temples périptères nous montrent cet espace si conforme à la description de Vitruve, qu’il est impossible de s’y méprendre. Il est bien vrai que dans plusieurs de ces édifices amphiprostyles, on voit le même local ou espace répété, avec une parfaite symétrie, à chacune des deux façades ; de sorte qu’on pourroit, s’il n’y avoit pas eu un côté principal, celui de l’entrée du temple, lui supposer un double pronaos. Cependant, comme tout le monde reconnoissoit à chaque temple, un côté antérieur et un côté postérieur, l’espace semblable à celui du pronaos, qui se trouvoit au côté postérieur, étoit, et s’appeloit l’opisthodome (opisthodomos), mot tout-à-fait correspondant à celui de pronaos, qui avoit pour synonyme le mot prodomos. Voy. Opisthodome.
Une particularité à laquelle on a fait peu d’attention, et que Vitruve nous a conservée, fait croire que le pronaos pouvoit encore être distingué par une sorte de clôture qui lui étoit propre. Les trois entre-colonnemens produits par les colonnes placées entre les antes, devoient être fermées par une cloison, ou un petit mur d’appui (pluteum), soit de marbre, soit de menuiserie, de manière toutefois que des portes y étoient pratiquées pour donner entrée dans le pronaos. Item itercolumnia tria quœ erunt inter antas et columnas pluteis marmoreis, sive ex intestino opere factis intercludantur, ita uti fores habeant, per quas itinera pronao fiant.
Le pronaos du temple de Minerve, à Athènes, avoit toutefois une disposition différente de celle qu’on suivoit ordinairement. Il est assez précieux que Vitruve nous ait transmis la mention expresse et positive de cette exception. Effectivement on voit dans le plan encore subsistant de ce temple, que l’espace du pronaos ne se trouve pas, comme à tous les autres temples connus, renfermé entre le mur de la porte, les antes et les colonnes placées entre les antes. Celles-ci n’y forment point l’avance ordinaire. Elles ont en tête une colonne : columnis adjectis dexterâ ac sinistrâ ad humeros pronai. C’est de cette manière (continue Vitruve) qu’a été fait, pour la première fois, à Rome, le temple de Castor, dans le Cirque : Hoc autem genere primafacta œdes uti est Castoris in Circo ; et il ajoute : « tels sont le temple de Minerve, dans la citadelle d’Athènes, et celui de la même déesse, à Sunium dans l’Attique » : Athenis in arce Minervœ, et in Atticâ Sunio Palladis.
Stuart, d’après le rapprochement de ce texte avec les restes du Parthenon d’Athènes, a proposé de remplacer, dans la phrase suivante de Vitruve, les mots jusqu’à présent inintelligibles, et uti reliqua exisona par ceux-ci : et uti reliquet εισωδοι quœ Solent esse in frontibus ad latera sunt translata. Ce changement, suggéré par la notion précédente, sur la clôture et les entrées du pronaos, reçoit la plus grande autorité, de l’application qu’on est forcé d’en faire, à la disposition du temple de Minerve.
D’où il paraît certain, que l’usage étoit de fermer par en bas, les entre-colonnemens du pronaos avec un pluteum, ou, comme nous le dirions, un petit mur d’appui, dans lequel on pratiquoit de petites portes d’entrée : Fores per quas itinera ou εισυδοι. Alors il est sensible que deux entrées semblables ont pu être pratiquées au temple de Minerve, de manière qu’au lieu de se trouver à la face antérieure de cette sorte de pronaos, elles occupoient l’entre-colonnement latéral en retour, entre l’ante raccourcie et la colonne d’angle : Quœ solent esse in frontibus ad latera sunt translata.
On avoit emprunté (dit encore Vitruve) aux usages toscans, une disposition semblable à la précédente, et on l’avoit transportée aux pronaos des temples formés de colonnes ioniques et corinthiennes. Elle consistoit à substituer des colonnes aux pilastres que donne l’avance des antes sur le pronaos : Quibus enim locis pronao procurrunt antœ, in iisdem, è regione cellœ parietum columnas binas collocantes.
PRONONCER, v. act. On se sert de ce mot dans les arts du dessin et aussi en architecture, pour exprimer, surtout, ce qui a rapport au caractère, soit d’un ordre, soit d’un édifice.
Ainsi l’ordre dorique des Grecs a un caractère beaucoup plus prononcé que celui dont les Romains ont fait usage, et dont les Modernes ont hérité. Tout le monde sait qu’en architecture, le caractère de force ne peut se prononcer aux yeux que par des formes, qui annoncent une grande solidité mêlée à beaucoup de simplicité. Tel est le caractère, et de la proportion, et de la forme de l’ordre dorique, et ce caractère se prononce surtout dans son chapiteau, et dans la mâle saillie soit de son tailloir, soit de toutes les parties de son entablement.
L’élégance, la légèreté et la variété compagne de la richesse, se trouvent prononcées aussi clairement qu’il soit possible, dans les ordres ionique et corinthien, c’est-à-dire, que l’ensemble et les détails de ces ordres, expriment un caractère en tout opposé à celui de l’ordre dorique, des proportions plus sveltes, des membres plus multipliés, moins saillans, des détails beaucoup plus variés, des profils découpés par toutes sortes d’ornemens : voilà ce qui prononce les qualités qui sont propres de ces deux modes.
Il appartient a l’architecte, par le choix qu’il fait dans son édifice, d’un ordre ou d’un autre, par le plus ou le moins de détails ou d’ornemens, et par leur emploi judicieux, de prononcer le caractère, autrement dit, de rendre sensible la destination de cet édifice.
Lorsque l’on considère les masses imposantes et colossales des palais de Florence, on ne sauroit s’empêcher de reconnoître, quel’architecture de ce temps leur donna un caractère trop prononcé. L’emploi exorbitant qu’on fit alors des bossages dans leurs façades, produit une impression sur les sens, qui tend a en dénaturer la destination. A moins de raisons particulières, un palais ne doit avoir l’apparence ni d’une forteresse, ni d’un lieu qu’on veut faire paroître inexpugnable. Or, rien ne porte plus naturellement l’esprit à de telles idées, que ces masses de pierres rustiquement taillées qu’on appelle bossages. Nous avons vu que cet emploi, dans la prison de Newgate, à Londres, en a prononcé le caractère avec beaucoup de raison et de goût. Le bossage se trouvera également bien placé dans le soubassement, parce qu’il prononce avec énergie le caractère de solidité que doit avoir cette partie des édifices.
On se sert aussi du mot prononcer dans l’exécution des détails ou des ornemens d’un édifice. On demandera que telle ou telle moulure soit plus clairement, plus énergiquement prononcée. L’art de prononcer les ornemens consiste, soit dans le souillé qu’on leur donne, et qui les fait mieux ressortir, soit dans la vivacité des arêtes que le ciseau y ménage.
PROPNIGEUM. Ce mot, grec d’origine, doit, par sa composition, signifier four en avant. C’étoit un local, dans les bains des Anciens, qui paroît, Comme l‘hypocauste, avoir servi de brasier, d’où la chaleur sortoit, Pour Etre distribuée Dans differentes pièces.
PROPORTION, s. f. On entend généralement par ce mot, le rapport des grandeurs ou des poids, des quantités ou des nombres entr’eux, etc.
Le mot que les Grecs employaient pour exprimer le plus souvent cette idée, le mot Sun-metria, qui désigne très-bien la vertu de la proportion, laquelle est pour chaque chose, dans son ensemble, une correspondance de rapports qui fixe à chaque partie sa mesure.
De l’idée positive de proportion dans les œuvres de la nature, résulte, pour les ouvrages des arts, une idée de proportion morale, si l’on peut dire, plutôt que physique. Cette idée emporte avec soi celle de beauté de convenance etc. ; ce qui signifie que dans ces ouvrages, proportion exprime, non un simple rapport de grandeurs ou de quantités, mais le rapport le plus parfait, le plus agréabe de ces grandeurs et de leurs mesures entr’elles.
En effet, on se trompe fort souvent sur la véritable acception du mot proportion, dans les œuvres de l’architecture, mais surtout à l’égard des architectures étrangères au système de l’art des Grecs.
Si l’on se borne à entendre la proportion dans les ouvrages de l’homme, comme un simple rapport arithmétique de grandeurs, de distances, de quantités, il se trouvera toujours de cette proportion-là, même dans les objets, que l’idée ou la notion morale de proportion, nous fera être les plus disproportionnés.
Toute chose, quelle qu’elle soit, tout objet produit par le hasard, toute délinéation, même fortuite, a ses rapports, et il nous est impossible de concevoir quoi que ce soit de matériel, qui n’existe avec des rapports entre ses parties, rapports que le calcul ou le compas pourra déterminer. Chacun de ces objets, tels, par exemple, que des rochers, des montagnes, des escrescences produites par des causes inconnues, a certainement des rapports, mais ce sont plutôt des rapports de dimension, que des rapports de proportion.
L’idée de proportion renferme l’idée de rapports fixes, nécessaires, constamment les mêmes entre des parties qui ont une fin déterminée.
C’est particulièrement dans les êtres organisés, que nous découvrons la véritable proportion celle dont nous venons de définir l’idée ; et la proportion ou son principe acquiert de l’évidence dans chaque classe d’ètres, à mesure que chacune s’élève, selon l’ordre où la nature l’a placée, jusqu’à l’organisation du corps humain.
Aussi est-ce dans le corps de l’homme, que tous les arts vont puiser les leçons et les exemples, qui peuvent constituer, à des degrés différens, les lois de leurs proportions.
Il ne se pouvoit pas, en effet, que l’homme, chef-d’œuvre de la création, ne se servît pas de modèle à lui-même, dans les ouvrages qu’il veut assimiler à ceux du créateur. Cette vérité, ou si on l’aime mieux, ce fait, a été de tout temps la base de toutes les théories de l’architecture, partout où l’esprit de l’homme, arrivé par l’élude de la nature, au degré de culture qu’il comporte, a tenté de donner a ses productions l’empreinte de la raison universelle, et de l’ordre dont le créateur a placé le type dans ses œuvres.
On trouve chez tous les philosophes de l’antiquité, d’innombrables répétitions de cette vérité, et Vitruve, en la développant dans son Traité, n’a fait que reproduire une notion devenue déjà banale. Après avoir donné le détail de tous les rapports proportionnels qui existent entre toutes les parties du corps humain (lib. 3, cap. l) : « De même, dit-il, dans un édifice sacré, les membres dont se compose son architecture, doivent avoir leurs mesures en rapport avec la mesure de la totalité et avec celle de chacune des parties. Si la nature a composé le corps de l’homme, de manière que par leur proportion les membres correspondent à l’ensemble, les Anciens ont donc eu raison d’établir dans la confection de leurs ouvrages, la même correspondance, entre chaque partie et le tout. C’est pourquoi, comme dans tous leurs bâtimens ils employoient les ordres, ce fut principalement dans les temples des dieux qu’ils s’attachèrent à l’application de ce principe d’imitation. C’est encore du corps humain, qu’ils tirèrent les divisions et les noms des mesures, comme doigt, palme, coudée, etc. »
Vitruve, ainsi qu’on le voit par ce passage, n’est point l’auteur d’un système qui étoit bien antérieur à lui ; il n’a fait que le remarquer et en constater l’existence, comme un fait reconnu de tout le monde, et dont le principe étoit écrit dans tous les ouvrages de l’architecture grecque.
C’est encore ce fait, c’est le principe dont il se déduit, c’est l’application de ses conséquences, qui font la théorie, non pas seulement des proportions dans l’architecture grecque, mais de ce qu’est laproportion eu elle-même, relativement à cet art. Nous n’avons pas dessein, en effet, d’exposer ici minutieusement les rapports proportionnels de chacun des membres de chaque ordre, ni de chaque ordre dans son emploi, avec tout ce qui en dépend. Ces rapports sont l’objet particulier de tons les traités d’architecture, et bien qu’il se trouve plus d’une variété de mesure dans les règles partielles, dont chacun a pu former sa théorie, ces variétés n’infirment en rien la valeur du principe.
On sait que, même à l’égard de l’imitation du corps humain, les peintres et les sculpteurs, tant anciens que modernes, n’ont jamais regardé la règle des proportions, comme soumise à une exactitude rigoureuse et géométrique. La nature elle-même ne s’y est pas soumise dans le détail des créatures. Beaucoup de modifications tendent à produite, en ce genre, des exceptions à la loi générale, et cette loi, on ne la découvre que par l’élude des parallèles, qui nous font connoître dans les individus, quelle fut la volonté de la nature, quant à l’espèce.
Si les individus nous présentent tout à la fois, dans leur conformation considérée en général, un système constant de proportions, et dans leur conformation particulière, des variétés qui empêchent de les considérer comme jetés dans un moule uniforme, il en sera de même pour l’art qui, empruntant à la nature son système de rapports entre le tout et les parties d’un corps, doit aussi le modifier, selon une multitude de cas particuliers.
Ceci s’adresse à ceux qui, refusant tout principe régulateur à l’architecture, se prévalent, pour y nier l’existence de la proportions, des petites irrégularités et des diversités qui s’y rencontrent. On voit, au contraire, qu’en s’appropriant l’esprit et les lois de la nature, dans l’imitation des proportions du corps humain, cet art y est encore fidèle, par le défaut même d’uniformité géométrique.
Ce qu’il nous faut maintenant faire voir, c’est que la proportion n’y est pas un simple rapport de dimensions, mais bien un système lié et combiné de mesures réciproques, entre le tout et ses parties.
Je dis système lié et combiné. Or, c’est à cet égard que beaucoup de personnes se font une fausse idée de la science des proportions. En effet, il ne suffit pas à une architecture, pour être douée de la vertu proportionnelle, de produire des édifices dont les parties se trouvent dans un rapport quelconque avec le tout, et dont le tout, réciproquement, ait une corrélation quelconque avec les parties. L’architecture n’offre un système de proportions, qu’autant que chacune des ses parties constitutives, est dans une dépendance nécessaire de mesure avec son tout, dépendance telle, que chaque partie ayant sa mesure constamment ordonnée par la mesure générale de l’ensemble, auquel elle est coordonnée, puisse faire connoître la dimension réelle de cet ensemble, comme celui-ci fait connoître la mesure positive de chacun des détails qui lui sont subordonnés. Or, nous avons déjà fait voir dans plus d’un article, que c’est là la propriété de l’architecture grecque ; et nous voulons encore montrer ici, que l’architecture grecque est la seule qui soit douée de cette propriété.
On confond ordinairement, dans les productions de l’art de bâtir, certaines qualités abstraites on générales, qui peuvent être propres de tous les ouvrages des hommes, en tout genre et dans tous pays. Nous portons en nous-mêmes une sorte d’instinct, qui nous fait juger dans bien des cas, de la juste correspondance que certaines choses doivent avoir entre elles, particulièrement des rapports de grandeur, de grosseur, de hauteur ou d’étendue. Ainsi tout le monde sait juger de la proportion générale, qui veut que la grosseur d’un corps réponde à son élévation, et l’on sera frappé d’une disproportion de ce genre, dans la statue d’un homme, comme dans le fût d’une colonne. On sera d’accord sur la nécessité que la largeur d’une salle, d’une nef d’église, réponde à sa hauteur. On ne saurait approuver d’énormes supports sous une charge légère, ni une grande pesanteur de voûte, qui semble écraser de frêles soutiens. Dans les plus grandes, comme dans les moindres choses, dans la composition d’un palais, comme dans la fabrication d’un meuble ou d’un vase, il y a de ces rapports que chacun saisit, et ces rapports appartiennent à un accord de proportion simples qui ne forment point un système.
Or, dans tous les ouvrages de toutes les architectures, il peut se donner de ces proportions-là.
Pour en citer un exemple, les intérieurs des églises gothiques ont quelquefois, non pas seulement de ces rapports de dimension qui, comme ou l’a dit plus haut, existent dans tous les objets, et qui, dus au hasard, n’ont non de fixe, et ne sauraient s’appeler proportions. Mais il faut y reconnoître de ces rapports de grandeur, de largeur, de hauteur, qui ont été déterminés par un sentiment assez juste, des impressions agréables que font sur nous les dimensions relatives des objets, considérés dans leur généralité. C’est là ce que j’appelle des proportions simples.
La nature, sans doute, en fournit aussi les exemples, et les leçons, soit dans ses ouvrages, pour celui qui sait y lire, soit dans la constitution de nos sens, et noire faculté de percevoir, pour ceux qui savent ou suivre l’impulsion des uns, ou analyser les lois et les moyens de l’autre.
Il est certain encore qu’on trouve de ces rapports heureux, dans certaines des masses de l’architecture égyptienne, telles que ses frontispices de temples, ses pylones, ses propylées, ses pyramides, et dans plusieurs de celles-ci, on admire de justes proportions entre l’étendue de la base et la hauteur totale du monument. Il est même permis de croire, quand on a bien scruté ; l’esprit des arts de l’Egypte, et la méthode de confection de ses monumens, que tout s’y faisoit en vertu démesures fixées par l’usage, et par la routine religieuse ; et toutefois nous avons vu que des mesures fixes et uniformes, peuvent n’être rien moins qu’un système vrai de proportions, fondé sur une initiation raisonnée de la nature, dans la conformation des corps organisés, et surtout du corps humain. C’est que ce système repose, non pas seulement sur des rapports de mesures générales, comme seroient ceux de la hauteur du corps avec son diamètre, mais sur une liaison réciproque des parties principales, des parties subordonnées, et des moindres parties, qui, chacune consultée en particulier, soit propre à enseigner par sa mesure, quelle est la mesure de chacune des autres, quelle est celle du tout, et de faire connoître, par la mesure du tout, quelle doit être celle de chaque partie.
Or, voila ce qu’on ne trouve dans l’architecture égyptienne, ni dans celle qu’on appelle gothique, et inutilement le chercheroit-on dans toutes les autres.
Nous avons déjà montré, à l’article général de l’Architecture (voyez Architecture), comment et par quel concours de causes, l’art des Grecs, devenu depuis l’art universel, étoit parvenu à se donner un tel système. Nous ne retraçons ici en peu de mots, quelques-unes de ces notions, que pour bien faire comprendre et saisir l’idée de la vraie proportion, dans les œuvres de l’architecture, et comment d’un principe fécond, dûrent sortir des résultats toujours susceptibles d’applications nouvelles, et de développemens indéfinis.
Le principe matériel d’où sortit, comme tout concourt à le prouver, l’architecture grecque, fut la construction en bois, et un ensemble de construction simple à la fois et solide, dont toutes les parties se trouvèrent liées et combinées entr’elles, de la manière la plus propre à réunir l’unité avec la variété. Nous ne voulons pas nier que le bois ne put être employé dans les constructions primitives des sociétés naissantes, de beaucoup d’autres façons, et nous sommes loin de prétendre que ce qu’on appelle la nature, ait prescrit aux hommes un seul assemblage de charpente, et qu’il n’y en ait eu qu’un seul, qu’on puisse nommer l’ouvrage de la nature. La nature ne prescrit rien en détail sur ce point. Elle inspire seulement, selon les différents causes physiques des divers pays, des formes plus ou moins propices aux combinaisons, d’où les arts peuvent faire sortir, dans la suite, les impressions du plaisir que produit un ensemble harmonieux. La nature, qui n’eut jamais en vue de donner des modèles aux arts, se borne, dans les temps dont on parle, à conduire l’instinct de l’homme vers ce qui lui est utile. Si ensuite cet utile, dans les formes d’habitation, suggérées par l’instinct du besoin, s’accommode aux formes que plus tard l’instinct du plaisir y voudra associer, nous ne dirons point que cela soit venu par l’effet de la volonté de la nature, nous nous contenterons de reconnoître ce fait, comme un accident du hasard si l’on veut ; mais nous reconnaitrons que ce hasard a eu lieu en Grèce, dans les constructions primitives en bois. Nous avons établi déjà, cette preuve dans plus d’un article (Voy. Architecture, Bois, Cabane), et on y a vu que l’emploi de la pierre, par exemple, comme élément primitif de construction, n’auroit pu suggérer, ni les combinaisons diverses, ni les formes variées du bois, ni surtout ces rapports nombreux et nécessaires des parties constituantes d’un ensemble, qui forcent chacune ù se coordonner à un principe régulateur, d’où naît un commencement de proportion dans le sens où nous entendons ici ce mot.
Il y a une sorte de synonymie entre cette idée de proportion et l’idée d’harmonie. Or, harmonie signifie liaison, et l’idée de liaison emporte avec soi, dans quelque genre que ce soit, celle de rapports nécessaires. Mais dans la construction, les rapports les plus nécessaires sont ceux qui sont ordonnés par la nature des choses, qui est ici la matière. Or, il n’y a point de matière qui exige plus de ces rapports que le bois, où ils soient plus multipliés à la fois et plus évidens, et où la connexion des parties produise un enchaînement plus sensible avec le tout.
Voilà la cause première du système de proportions, qui, naissant en Grèce avec l’art de bâtir, s’y développa peu à peu, sous l’influence d’un mode de construction soumis à des rapports nécessaires, s’y modifia avec les progrès de cet art encore simple, et eu vint jusqu’à fournir à la construction eu pierre, lorsque la richesse et le luxe en eurent amené l’emploi, un modèle déjà si bien fixé, que le génie de l’architecture n’eut plus besoin que d’y appliquer, en le perfectionnant au gré du plaisir et de la raison, les lois des proportions, que l’étude des arts avoit rendues familières, par l’imitation du corps humain.
Cette étude, et l’habitude d’en voir et d’en saisir les résultats, dans les images de la sculpture surtout, ne pouvoit pas ne point exercer son influence sur les œuvres de l’architecture. Remarquons, en effet, que si tous les arts ont entr’eux un lien commun, c’est bien surtout dans cette imitation dont la nature fournit à chacun le modèle, selon le point de vue dont chacun la considère. Mais, quant à l’architecture, cette faculté imitative qui lui est propre, elle ne sauroit l’acquérir, qu’autant que les autres arts, en lui en montrant l’exemple, lui en font un devoir. Aussi observe-t-on que, dans tous les pays et dans tous les temps, où l’imitation vraie du corps humain, de ses formes et de ses proportions fut inconnue, l’architecture fut privée de tout système de proportions.
Dès que cette imitation fut perfectionnée en Grèce, il fut sensible à tous, que sa perfection consistoit dans l’observation de tous les rapports nécessaires des membres, et de chacune de leurs parties avec le tout. Dès-lors il se forma une science, en vertu de laquelle, tous les rapports étant fixés dans l’art, comme ils le sont dans la nature, on put déterminer par un ongle, la grandeur d’un doigt, par un doigt, celle de la main, et ainsi de suite, par la main, le visage ou la tête, par celle-ci le corps, et réciproquement. La mesure totale du corps fit connoître la mesure de la plus petite partie. On sut combien chacune devoit se trouver de fois dans le tout. Un module général put servir, par ses divisions et ses subdivisions, à établir dans l’imitation le même principe d’harmonie, que la nature a établi dans l’organisation des corps.
Comment l’art de l’architecture ne se seroit-il pas approprié cette science, et ne l’auroit-il pas appliquée à des constructions déjà si propres par la nature de leur matière, à recevoir cette perfection ? Comment, associé dans les édifices aux œuvres de la sculpture, auroit-il pu rester étranger au principe si évident de la beauté de ces ouvrages ?
Mais pourquoi mettroit-on cela en doute ? La chose n’est-elle pas aussi certaine, aussi évidente dans la formation des ordonnances des Grecs, qu’elle l’est dans la conformation de leurs statues ? Un édifice construit selon le principe de cette architecture, n’est-il pas doué de la même vertu d’organisation que celle des corps créés par la nature ?
Qu’on interroge toutes les autres architectures, on n’y trouvera point ce que nous donne celle des Grecs. Hors ces grands rapports de proportion simple, dont nous avons parlé, dans les masses générales des édifices, vous demanderez en vain à l’architecture de l’Egypte, qui nous est aujourd’hui bien connue, de nous prouver que les parties qui constituent ses colonnes et ses entablemens, sent dans un rapport constant de mesures réciproques. Ainsi la même colonne égale en diamètre, soit dans le même édifice, soit dans deux édifices, aura un chapiteau tantôt plus haut, tantôt plus bas. Ce chapiteau, sur le même genre de colonne, sera tantôt simple, tantôt composé de deux, tantôt de trois chapiteaux l’un sur l’autre ; et les rapports du même chapiteau avec la mène colonne, seront si arbitraires, que ni la colonne seule ne pourroit nous faire deviner quel fut son chapiteau, ni le chapiteau à quelle colonne il appartint. La même colonne aura, selon les hasards de la construction, plus ou moins de ses diamètres en hautenr ; la distance des entre-co-lonnemens n’y est réglée par aucune autre mesure, que celle des dalles de pierres destinées à servir de plafonds. Du reste, à peine y a-t-il lieu à rapports des parties entr’elles, dans une architecture qui se compose d’aussi peu de parties, dont l’uniformité semble être le principe élémentaire et constitutif, dont tous les couronnemens ne consistent que dans un seul et unique membre, toujours le même, à tous les édifices, de quelque dimension qu’ils soient, et quel qu’ait, été leur emploi.
Plus inutilement encore chercheroit-on un système de proportion dans l’architecture gothique, qui n’eût rien en propre à elle, qui, quant a ce qu’on peut appeler formes, ordonnances, détails, ornemens, ne fit qu’une compilation sans cohérence aucune, de tous les débris de l’architecture que lui transmit le Bas-Empire. Sa construction d’ailleurs, ou le genre de bâtir, en quoi consistent sur-tout et le caractère de ses conceptions, et le genre de sa décoration, semblent avoir rendu impossible cette liaison des membres et des parties, d’où résulte la proportion. Le gothique, placé par son goût, à l’extrême opposé de l’architecture de l’Egypte, eut une telle multiplicité de détails répartis sur une telle étendue, et à de telles distances les uns des autres, que la diversité, qui fait son caractère, dut empêcher l’esprit d’y chercher de ces combinaisons de rapports réciproques, qu’on peut réduire en système. En vain, par conséquent, voudroit-on conclure d’une des parties d’un chapiteau à la mesure du chapiteau, de celui-ci à la hauteur d’une colonne, et du diamètre de la colonne à la distance de l’entre-colonnement. Un assez petit édifice vous offrira de très-gros piliers, et un beaucoup plus grand en aura de beaucoup plus petits.
Il faut dire encore que la proportion dans le sens où on doit l’entendre, c’est-à-dire, comme imitation de celle des corps organisés, n’est pas une chose qui doive résulter nécessairement de l’art de bâtir en tout pays. L’esprit de l’homme ne s’y trouve pas conduit nécessairement, C’est que la proportion dans les corps organisés, n’est pas un simple objet de plaisir pour les yeux ; elle est liée au contraire au besoin. Tous ces rapports si justes et si bien combinés que nous y admirons, le sont ainsi, pour remplir une fonction nécessaire.
N’en doutons pas, si l’architecture n’avoit dû avoir des rapports proportionnels, entre toutes ses parties, que pour plaire aux yeux, de la manière dont nous plaisent certains jeux, il est fort probable que jamais on ne les eût inventés ; et ce qui est plus que probable, c’est que nous aurions su peu de gré à l’inventeur d’un badinage inutile.
Or, tel est le privilège du système proportionnel de l’architecture grecque, que ce ne fut ni le hasard, ni le caprice, qui en furent les auteurs, mais, ainsi qu’on l’a dit bien des fois, une raison fondée sur la nature même des choses, et qui donna naissance à cet art. Sitôt, en effet, que toutes les parties d’assemblage, dont la charpente composa les premières constructions, furent devenues le modèle de la construction en pierre, l’architecte trouva dans chacune de ces parties, une raison sensible d’être ce qu’elle étoit, quant à la forme, et une autre raison tout aussi évidente dans les mesures de ces formes, et dans leurs rapports entr’elles. L’art se donnant pour règle, d’imiter ces premiers types, eut d’abord un point fixe qui le garantit du vague indéfini de la fantaisie. Il trouva dans l’emploi des soutiens primitifs, formés par les tiges d’arbres façonnées en poutres, une sorte de modèle, qui fixa naturellement les rapports de hauteur et d’épaisseur pour le fût de la colonne. Les chapiteaux, les tores, les tailloirs, les architraves, les triglyphes, les métopes, les mutules, les modillons les frontons représentant les rapports nécessaires de toutes les parties, et de tous les membres de la charpente, perpétuèrent les raisons de toutes ces formes. De cette imitation naquit l’avantage qu’aucune autre architecture ne put avoir, celui d’asseoir l’ensemble, les détails et les rapports de tous les objets entr’eux, sur quelque chose qui rappeloit ou indiquoit un besoin, une nécessité d’être ainsi. Pareille chose peut se dire du plus grand nombre des ornemens, où l’on trouve, comme dans les œuvres de la nature, le plaisir produit par le besoin.
L’art donc trouvant à s’emparer d’un tout constitué a l’instar des corps organisés, n’eut plus qu’à régulariser, par un système proportionnel, ce que l’instinct imitatif avoit déjà produit ; et rien alors ne fut ni plus simple ni plus naturel, que d’y appliquer un module, dont les divisions et les subdivisions devinrent, ainsi que le sont dans le corps humain, soit le pied, soit la tête, le régulateur de toutes les parties, et de leurs mesures respectives.
L’effet d’un tel système, fut de produire dans les ordonnances des édifices, le même résultat que dans la nature. Chaque membre, chaque fraction de membre d’une statue bien proportionnée, nous permet de déterminer avec la plus grande précision la hauteur, la grosseur, non-seulement de foute la statue, mais encore de tous les membres, de toutes les parties même les plus petites de cette statue, dont l’ensemble nous seroit inconnu. De même, si l’ensemble nous est connu par le seul récit, nous serons en état de dire ce que doit être chacun de ces fragmens. Or, il en est ainsi d’une ordonnance d’architecture grecque. Le simple triglyphe du temple dit des Geans à Agrigente, nous a fait retrouver aussi certainement sa masse générale, que sa masse nous eût enseigné la dimension du triglyphe. Un seul denticule d’une corniche, va nous dire la grandeur de l’entablement, l’entablement nous dira le genre de l’ordre, et par conséquent la dimension des colonnes, et ainsi de suite.
La voilà cette véritable imitation de la nature, qu’il faut reconnoître dans le système’ de l’architecture grecque, et qu’on ne sauroit reconnoitre dans aucune autre architecture. C’est cette assimilation à la constitution des corps organisés, qui lui a donné une supériorité incontestable sur toutes les autres méthodes de bâtir.
Tel est en effet le pouvoir d’un principe d’harmonie, une fois introduit dans l’art de bâtir, que tout doit en éprouver l’influence. Ce système d’imitation de la proportion des corps, porta de plus en plus les hommes, à puiser à la même source de nouvelles analogies. De ce nombre furent celles des trois modes appelés ordres, qui représentent les trois termes, dans lesquels se renferme ordinairement l’action de la nature, savoir, le plus et le moins, et le moyen terme. Lorsque Vitruve a voulu voir dans l’imitation du corps de l’homme et de celui de la femme, le type de l’ordre dorique et celui de l’ionique, il faut prendre cette idée comme l’abus métaphorique d’une vérité abstraite. Il seroit plus probable, si l’on vouloit réduire cette notion à une explication naturelle, que la science des proportions du corps humain auroit pu enseigner à l’architecture, l’art de varier les caractères et la physionomie des ordonnances, dans la mesure, et de la même manière, que le fait la nature, selon les degrés de force et de légèreté, qu’on distingue dans la stature du corps humain.
Ceci, au reste, nous feroit par trop sortir de l’objet qui a été celui de cet article.
Nous ne nous sommes point proposé, comme on l’a dit au commencement, de donner ici les nombreux détails des proportions de chacune des parties de l’architecture. Notre seul but a été de traiter de la proportion en général, d’en définir l’idée élémentaire, d’en développer la notion théorique pour l’artiste, de montrer qu’on confond trop souvent les rapports de dimension avec les rapports de proportion ; que certaines proportions simples, comme celles de grandeur, de hauteur dans les masses, peuvent appartenir aux édifices de toutes les architectures ; mais que la proportion en tant que système de rapports nécessaires et réciproques entre le tout et les parties, n’appartient et n’a pu appartenir qu’à l’architecture grocque ; qu’elle a dû ce privilège au principe originaire de sa construction en bois, et à l’étude du corps humain, développée ct perfectionnée par les arts, qui ont pour but son imitation.
PROPYLÉES : est le mot grec au pluriel (propulaia), et il signifie avant-portes, ou portes en avant. On l’a employé au pluriel, en l’appliquant à certains vestibules somptueux, composés en effet de plusieurs portes.
Le plus célèbre de ces vestibules fut celui qui, construit au haut de l’Acropole d’Athènes, en étoit l’entrée, et faisoit un de ses principaux ornemens. Il fut exécuté, sous le gouvernement de Périclès, d’après les dessins de Mnesicles, un des plus habiles architectes de cette époque. Commencé sous l’archontat d’Euthymèmes, l’an 437 avant notre ère, il ne fut achevé que cinq ans après, sous l’archonte Pythodore. Il coula (dit-on) 2012 talens, somme considérable pour le temps, car elle s’élève à celle de 10 864 800 liv. Pausanias vante surtout la beauté de sa couverture ou de ses plafonds, tous formés de vastes dalles de marbre blanc, qui, pour la grandeur des morceaux et la richesse de leurs ornemens, surpassoient tout ce qu’il avoit vu ailleurs de plus magnifique.
Ce monument, aujourd’hui fort dégradé, a pourtant conservé, tant dans son plan, dont on retrouve toute la disposition, que dans de très-grands fragmens de son élévation, des témoignages propres à justifier l’opinion de Pausanias.
Placé, comme on l’a dit, au haut de la seule montée qui conduisoit à l’Acropole, il s’élevoit sur deux étages de degrés. Le premier, composé de huit marches et flanqué de chaque côté par un massif, qui paroît avoir été le piédestal d’une statue équestre, conduisoit à une petite place, d’où, par une autre montée de cinq degrés, on arrivoit au corps principal de bâtiment, décoré à l’extérieur par une rangée de six colonnes de l’ordre dorique, dont l’entre-colonnement du milieu étoit sensiblement plus large que les autres.
La largeur de cet entre-colonnement étoit égale à celle qui séparoit les deux lignes de trois colonnes, lesquelles divisoient comme en trois allées l’espace du vestibule, et cette largeur étoit aussi la même que celle de la porte du milieu, au-delà de laquelle on trouvoit un autre péristyle, formé aussi de six colonnes en tout semblables à celles du péristyle extérieur déjà décrit.
L’espace interne du vestibule divisé en trois, comme on l’a dit, avoit ses plafonds soutenus par des colonnes doriques, d’une proportion moindre que celle des colonnes du dehors Ces colonnes non-seulement ont des bases, mais elles reposent sur des piédestaux. De grandes dalles de marbre, posant d’une colonne à l’autre, et de celle-ci sur les murs, constituoient le plafond de cet intérieur.
Du sol de ce vestibule, on montoit encore cinq degrés jusqu’aux portes dont on a déjà fait mention. Elles étoient au nombre de cinq. La plus grande étoit celle du milieu, qui, comme on l’a dit, avoit la largeur de l’entre-colonnement du milieu tant des deux péristyles, que de l’allée principale, dans l’intérieur du vestibule. Cette porte étoit également plus haute que ses portes collatétérales, lesquelles alloient de chaque côté en diminuant tant de hauteur que de largeur. Quelle fut la raison et de ce nombre de portes, et de leur décroissance ? C’est ce que rien, je pense, ne sauroit aujourd’hui nous apprendre. Toutefois il faut croire que ce ne fut pas une disposition arbitraire, car nous allons voir, dans la description des propylées d’Eleusis, la répétition exacte de cette particularité.
A l’entrée des propylées de l’Acropole d’Athènes, et du côté qui regardoit la ville, se trouvoient deux édifices plus petits, qui se raccordoient avec l’ensemble du plan et la masse de l’élévation. A gauche, c’étoit un petit temple consacré à la Victoire ; à droite, un bâtiment semblable, dont les murs étoient décorés de peintures, la plupart de la main de Polygnote.
Nous avons tiré ces détails sur les propylées d’Athènes, de l’ouvrage des Antiquités de cette ville, par Stuart, tome II, ch. 5. L’ouvrage des Antiquités inédites de l’Attique, par la Société des Dilettanti, à Londres, va nous sournir en parallèle, un monument tout semblable, celui des propylées d’Eleusis.
Lorsque l’on compare ces deux monumens, soit dans la disposition de leurs plans, soit dans celle de leur élévation et de leurs détails, on seroit tenté de croire que l’un des deux a été une imitation de l’autre, à moins qu’on ne doive penser que ce genre d’édifice, ainsi que presque tous ceux des Anciens, avoit reçu de certains usages une sorte de type consacré par le temps, sur lequel devoient se régler les compositions de l’architecture.
Les propylées d’Eleusis présentent le même plan que ceux d’Athènes, et ce qu’il faut appeler la même masse. C’est un péristyle dorique de chaque côté, formé de six colonnes, dont l’entre-colonnement du milieu plus large que les autres, est déterminé par la largeur qui sépare les deux rangs des trois colonnes intérieures du vestibule.
Ce vestibule interne est également divisé par ses deux rangs de colonnes en trois allées, qui conduisent aux portes.
Les portes aussi sont au nombre de cinq. Celle du milieu est de beaucoup la plus large et la plus haute. Ses quatre portes collatérales vont de la même manière qu’à Athènes, diminuant progressivement de largeur et de hauteur. On voit ici que les portes sont toutes les cinq ornées d’un chambranle.
Une variété remarquable existe toutefois dans l’intérieur du vestibule. C’est celle des colonnes qui en soutiennent les plafonds. Elles sont d’ordre ionique, et au lieu de s’élever comme les colonnes doriques du même local, à Athènes, sur un piédestal, elles posent à terre avec leur simple base. Lè chapiteau de cet ordre est le même que celui du temple d’Erechtée a Athènes, quant à la spirale qui forme les volutes.
Généralement il se trouve plus d’unité dans l’élévation des propylées d’Eleusis. Probablement la disposition montreuse du terrain à l’Acropole d’Athènes, disposition que nous ont prouvée les trois plans, et par conséquent les trois rangs de degrés successifs, sur lesquels l’édifice s’élève, ont empêché de seumettre la hauteur des constructions à une même ligne de niveau. A Eleusis, au contraire, les trois corps dont les propylées se composent, assis sur un terrain plus égal, sont tous de la même hauteur, et leurs trois plafonds se raccordent sous un seul niveau.
Ces plafonds sont distribués avec la plus grande élégance. Ils figurent des rangs de solives en marbre, entre lesquelles se trouvent sculptés des caissons à deux rangs d’ornemens en renfoncement, et dont le fond est occupé uniformément par une étoile. Tout cet édifice, si l’on en croit les dessins qu’on en a, avoit une toiture formée de grandes dalles de marbre en manière de tuiles, encastrées avec un art extrême, et produisant au dehors un effet des plus agréables.
PROPYLON : est un mot qui signifie avant-porte. C’est par le mot vestibule qu’on le traduit ordinairement, et cette traduction donne à entendre un espace qui précède la porte. Cependant, par sa composition, le mot propylon peut aussi signifier porte en avant, ce qui produit une toute autre idée. Dirons-nous, en effet, que dans les monumens appelés propylées, qui ont fait le sujet de l’article précédent, la préposition pro, avant, se rapporte à l’espace du bâtiment qui précède les portes, ou aux portes mêmes, comme placées en avant de l’Acropole ? Il est probable qu’il y eut autrefois, dans le langage, certaines ambiguités de sens, produites par le double emploi des mots. L’usage, tant qu’une langue est vivante, est un correctif à la confusion. Mais lorsqu’aujourd’hui nous rencontrons de ces mots à double entente, dans les descriptions des écrivains grecs, il est difficile d’en fixer toujours le sens, selon les applications diverses que l’on en fit autrefois.
La chose est encore plus douteuse, lorsque des Grecs, décrivant des monumens étrangers à leur architecture et à leurs usages, ont été forcés d’employer les mots de leur langue, à des objets qui pouvoient n’avoir que des rapports de similitude assez éloignés.
Ainsi Strabon, décrivant la disposition des temples égyptiens de la ville d’Héliopolis, se sert du mot propylon, pour désigner très-probablement ces grandes portes (voyez Pylone) qui se succédoient, dans un nombre à ce qu’il paroît indéterminé, et formoient, par des additions qu’on multiplioit plus ou moins, ces grands ensembles de construction, dont les restes subsistent encore au milieu des débris de l’antique Egypte.
Mais ces portes (comme nous le voyons par les plans nombreux que nous avons des temples égyptiens) étoient toujours accompagnées de galeries en colonnes, qui formoient des cours ou des vestibules allant d’une porte à l’autre. Hérodote et Diodore de Sicile, dans les mentions qu’ils ont faites des temples de l’Egypte, nous parlent des divers propylons ajoutés à des époques différentes au corps principal d’un temple. Ainsi, au temple dit de Vulcain à Memphis, Mœris avoit bâti les propylées du nord. Plusieurs siècles après, Psammitique ajouta au même temple les propylées du midi et ceux de l’orient. C’étoit, disoit-on, Dédale qui avoit élevé les plus beaux propylées du même temple de Vulcain.
De tout cela on peut conjecturer que le propylon de ces temples doit être entendu de cet ensemble de bâtimens qui réunissoit et les portes dont on a parlé, et les galeries en colonnes qui s’y appuyoient, et en faisoient l’accompagnement plus ou moins somptueux.
Pen importe donc l’explication ambiguë du mot propylon, qui par sa composition peut signifier ce qui précède la porte, ou la porte comme précédant le temple.
De cette interprétation du propylon égyptien, d’après les notions des écrivains grecs, et d’après les restes bien conservés des monumens de l’Egypte, nous pouvons tirer la conséquence que ce mot, en grec, pouvoit et devoit tout aussi bien signifier ce que nous nommons aujourd’hui portique, mot dérivé et jusqu’à un certain point synonyme de porte. Si l’on veut maintenant appeler avant-portique ce que les Grecs appeloient propylon ou propylaion, propylaia, nous trouverons la traduction de ces mots parfaitement conforme aux propylées d’Athènes ou d’Eleusis et à ceux des temples égyptiens, qui furent très-véritablement des portiques en avant des lieux pour lesquels on les fit.
PROSCENIUM. Ce mot se trouve très-fidèlement traduit en français par le mot avant-scène.
Toutefois comme le mot scène, dans les usages modernes, n’exprime pas ce qu’il exprimoit dans l’usage, au théâtre des Anciens, cette traduction est plutôt celle du mot, que celle de l’idée, ou de la chose que le mot signifioit.
Dans l’usage du théâtre moderne, on appelle scène tout l’espace compris entre ce qu’on nomme la rampe et la toile de fond, d’une part, et de l’autre les coulisses de droite et de gauche. L’on nomme avant-scène, la partie de cet espace, la plus voisine de la rampe, et où se tiennent le plus souvent les acteurs, comme étant-celle qui les rapproche le plus des auditeurs.
Scène (scena), comme on le dira avec plus d’étendue au mot Théatre (voyez ce mot), répondoit, quant à son apparence, à ce que nous appelons, dans nos usages, la toile du fond. C’étoit une construction solide, d’une riche architecture, avec plusieurs ordres de colonnes, et décorée de niches, de statues, etc.
Le proscenium ou l’avant-scène étoit l’espace compris entre cette grande devanture et ce qu’on appeloit l’orchestre. Cet espace, au contraire de celui où se passe l’action, sur les théâtres modernes, et qui est en profondeur, s’étendoit dans toute la largeur du théâtre, et avoit fort peu d’enfoncement. Il faut excepter toutefois ce que les yeux apercevoient au travers des trois grandes ouvertures pratiquées dans la scène.
C’étoit donc sur cet espace ainsi rapproché des spectateurs, que se tenoient les acteurs, et que se passoit l’action.
On donnoit aussi le nom de pulpitum au proscenium, c’est-à-dire, que l’on considéroit alors cet espace, non plus dans son rapport avec la scena qu’il précédoit, mais sous le rapport de l’échafaudage en bois, qui formoit le sol sur lequel les acteurs récitoient.
Ainsi Vitruve se sert de l’expression proscenii pulpitum.
Le nom de logeion, formé de logos, parole, fut donné aussi, par les Grecs, à cette partie du théâtre, probablement parce que c’étoit l’endroit où l’on parloit.
Le nom Latin de pulpitum fut affecté, par les Romains, à cette partie de leur théâtre appelée proscenium, parce que c’étoit un lieu élevé, construit en bois. Cela se prouve par les ruines d’un fort grand nombre de théâtres antiques. Il en est beaucoup où la construction, et même des parties de décoration de la scène se sont conservées, on ne trouve plus la moindre trace du proscenium.
Vitruve nous apprend que les Romains ne donnoient au proscenium que cinq pieds d’élévation, tandis que, chez les Grecs, on lui en donnoit le double. Sur le devant, du côté de l’orchestre, le proscenium se terminoit ordinairement en une ligne droite, déterminée par le diamètre du cercle qui composoit l’amphithéâtre, ou ces rangs de gradins circulaires qui étoient le théâtre proprement dit.
PROSTYLE (prostylon). Ce nom se donnoit, dans l’architecture des temples chez les Anciens, grecs ou romains, à ceux de ces édifices qui n’avoient de colonnes qu’à une de leurs faces, c’est-à-dire, à la principale ou celle d’entrée.
« Le prostyle (dit Vitruve) est dans toutes ses parties, comme le temple in antis ; seulement il a en face et en avant des pilastres ou des antes de l’angle, deux colonnes, couronnées du même entablement que le temple in antis, mais cet entablement fait retour à droite et à gauche. »
Nous avons vu au mot Amphiprostyle (voyez ce mot) que le temple de ce nom étoit celui qui, à ses deux faces antérieure et postérieure, avoit un prostylon.
De la notion de Vitruve et selon son système de progression, depuis le temple in antis, jusqu’à l’hypæthros, le temple prostyle occupoit le second rang. Il différoit du premier en deux points ; premièrement, parce qu’il avoit à sa façade des colonnes d’angle, au lieu de pilastres Carrés ; secondement, en ce qu’il offroit deux ouvertures, ou, si l’on veut, deux entre-colonnemens latéraux, et en retour, lorsque le premier avoit les flancs de son porche totalement murés.
Quoique le mot prostylon désigne, comme on le voit d’après Vitruve, un porche composé de quatre colonnes, à la face antérieure d’un temple, il est évident toutefois, que le mot entendu à part de toute théorie classique en fait d’architecture, signifioit simplement, à l’égard d’un temple, qu’il avoit des colonnes en avant, ou bien, qu’il n’avoit des colonnes en avant que d’un seul côté. Il ne faudroit donc pas conclure des paroles de Vitruve, qu’on n’eût pas pu user de ce mot à l’égard de tout autre temple, que celui dont le porche se seroit composé uniquement de quatre colonnes.
Rien n’auroit empêché, dans le langage ordinaire, d’appeler temple prostyle celui qui auroit présenté sur une seule de ses faces, sur un seul de ses frontispices, une rangée composée d’un plus grand nombre de colonnes. Vitruve lui-même nous en fournit la preuve (lib. 7, præfat.) dans le passage où il parle de l’augmentation faite au temple d’Eleusis par l’architecte Philon. Ictinus (dit-il) avoit fait d’une grandeur immense la cella du temple de Cérès et Proserpine, à Eleusis. Elle étoit d’ordre dorique, mais sans colonnes extérieures, propres à donner une plus grande étendue pour l’usage des sacrifices. Mais dans la suite, sous Démétrius de Phalère, l’architecte Philon ayant établi des colonnes au front de l’édifice, ante templum in fronte columnis constitutis, il en fit un prostyle : prostylon fecit.
On ne sauroit supposer que Philon se seroit contenté d’un porche à quatre colonnes. Il est évident que ce petit nombre de colonnes au front d’un temple, ne pouvoit convenir qu’à un édifice d’une fort modique dimension. Celui d’Eleusis, au contraire, fut une des plus grandes constructions de l’antiquité. Strabon nous le représente comme capable de contenir une multitude égale à celle que contenoient les théâtres : ὄχλον θεάτρου δέξασθαι δυνάμενον ; et Vitruve, en parlant de sa dimension, se sert des mots immani magnitudine. Cela se conçoit quand on sait que les temples ordinaires n’avoient point de cérémonies dans leur intérieur, qui fussent de nature à y appeler la multitude. Au contraire, dans les temples à initiation, comme celui d’Eleusis, il falloit un vaste espace capable de contenir la foule des initiés.
Si l’on vouloit ajouter foi au projet de restitution du plan de cet édifice qu’on trouve dans les Unedited antiquities of Attica, il auroit formé un vaste carré de 180 pieds à peu près en tout sens, et son prostylon n’auroit pas eu moins de douze colonnes sur une seule ligne. Voyez Temple.
PROSTYRIDE. Nom que Vignole a donné à la clef d’une arcade, faite d’un rouleau de feuilles d’eau, entre deux règles et deux filets, et couronnée d’une cymaise dorique. C’est ainsi qu’il l’a adaptée à son arcade dans l’ordre ionique. Sa figure est presque pareille à celle des modillons.
PROTHYRUM, du grec prothyron. Vitruve nous apprend qu’on appeloit ainsi les vestibules qui étoient en avant des portes dans les maisons des Grecs. A Rome, on appeloit ainsi, c’est-à-dire, prothyra, ce que les Grecs exprimoient par le mot diathyra. Ce dernier mot en grec, et le premier en latin (dit Galiani), signifiant ce qu’on Appelle cancello, ou balustrade placée devant une porte. Il se pourroit que ce ne fût autre chose qu’une double porte, ou ce qu’on appelle en français porte battante.
PRYTANÉE. C’étoit, dans beaucoup de villes de la Grèce, un fort grand bâtiment destiné aux assemblées des prytanes, aux repas publics et à d’autres usages. Le prytanée de Cyzique passoit, après celui d’Athènes, pour être le plus magnifique de la Grèce. Il renfermoit dans son enceinte quantité de portiques, dans lesquels e’toient placées les tables des festins publics. On y élevoit des statues aux hommes célèbres. Spon a rapporté un décret du sénat et du peuple de Cyzique, lequel ordonnoit que la statue d’Apollodore de Paros seroit placée près des tables du premier portique dorique.
PSEUDODIPTÈRE, c’est-à-dire, faux diptère. Nous avons vu au mot Diptère (voyez ce mot), que le temple auquel on donnoit cette dénomination, étoit celui qui à chacun de ses deux flancs, et dans toute leur longueur, avoit deux rangs de colonnes isolées formant double galerie, allée ou promenoir tout alentour.
Le faux diptère étoït celui dans la disposition duquel on conservoit l’espace propre à recevoir les deux files de colonnes des ailes, en en supprimant toutefois une. La condition du pseudodiptère, comme celle du diptère, étoit d’avoir à ses deux fronts antérieur et postérieur, une rangée de huit colonnes : les flancs en comprenoient quinze, en y comptant œlles des angles. On ne sauroit décrire cette disposition d’une manière plus précise que l’a fait Vitruve. Les murs de la cella (dit-il) s’aligneront de chaque côté à la quatrième colonne du milieu du frontispice ; de sorte que du mur de la cella à la rangée des colonnes extérieures sur les flancs, il y ait l’espace de deux entre-colonnemens, plus celui du diamètre de la colonne dans la rangée supprimée.
A Rome, ajoute Vitruve, il n’y a point d’exemple de pseudodiptère ; mais on en voit à Magnésie, dans le temple de Diane, construit par Hermogènes d’Alabande, et dans le temple d’Apollon, ouvrage Mnestes.
Selon le même auteur, Hermogènes fut l’inventeur de la disposition du pseudodiptère. L’effet de cette innovation (dit-il encore) fut de supprimer tant dans les flancs que sur les fronts du temple, trente-huit colonnes formant le second rang intérieur, ce qui d’abord fut une grande économie de dépense, ce qui ensuite laissa autour de la cella un promenoir beaucoup plus large, et n’enleva rien à la beauté de l’aspect, parce que du dehors on n’aperçoit point le manque des colonnes supprimées.
PSEUDOISODOME. Ce mot, composé en grec de pseudo (faux) et isodome (régulier ou égal), est opposé par Vitruve à la construction en pierre qu’il appelle isodome, laquelle, comme il l’explique, se composoit d’assises régulièrement dressèes, et dont les pierres étoient toutes d’une égale grosseur.
La construction pseudoisodome, au contraire, se composoit d’assises alternativement inégales en hauteur, parce que les pierres dont ces assises étoient formées, avoient une épaisseur différente. Vitruve assure que l’un et l’autre genre d’appareil donnoit une construction également solide.
PSEUDOPÉRIPTÈRE ou faux Périptère. On a vu à ce dernier mot, que c’étoit le nom d’un temple ayant un pteron ou une allée de colonnes tout alentour. Le faux périptère étoit celui qui, au lieu d’avoir sur ses flancs une rangée de colonnes isolées, présentoit ces colonnes engagées dans les murs latéraux de la cella. On usoit (dit Vitruve) de la disposition du pseudopériptère, pour donner plus de largeur à l’intérieur de la cella, qui s’agrandissoit ainsi aux dépens du promenoir formé dans le périptère, par l’espace qui existoit entre les murs latéraux et lés colonnes.
Le grand temple de Jupiter Olympien à Agrigente, étoit un pseudopériptère. Le temple de Nîmes est aussi de ce genre.
PTEROMA. Mot grec formé de pteron (aile). Vitruve appelle ainsi (lib. 3, cap. 2) les fichiers ou rangées de colonnes, qui régnoient autour des temples dans l’antiquité.
La disposition du pteroma (dit-il), et l’ordonnance des Colonnes autour du temple, were inventées, pteromatos enim ratio et columnarum circa œdem dispositio ideò est inventa, pour donner à l’aspect de l’édifice, plus de majesté ; par l’effet des entre-colonnemens multipliés, ensuite pour présenter dans la galerie du pteroma un abri à la multitude, etc.
PTERON. Mot grec qui signifie aile, employé aussi en latin, comme Pline va nous le prouver, pour exprimer les rangées de colonnes qui semblent former les ailes d’un bâtiment. Tous les mots périptère, monoptère, diptère, etc., expriment par leur composition, l’idée empruntée des ailes de l’oiseau, pour désigner les files de colonnes qui se trouvoient placées sur les flancs des temples.
Pline a employé le même mot à la description de la colonnade quadrangulaire, dont étoit environné le tombeau de Mausole. C’est (dit-il) au-dessus que fut érigée une masse pyramidale formée de vingt-quatre gradins, dont la hauteur égaloit la partie inférieure du monument. Namque suprà pteron, pyranes altitudine inferiorem œquavit.
PUGET (Pierre), né à Mareille en 1622, mort en 1694.
Cet artiste célèbre, surtout en France, fut, comme c’étoit encore assez l’usage dans le siècle où il vécut, à la fois peintre, sculpteur et architecte.
A cette époque, les établissemens d’instruction ou d’enseignement méthodique pour les arts du dessin n’existoient point. L’instinct seul, ou ce qu’on appelle autrement la vocation naturelle, produisoit dans les jeunes gens certains signes d’aptitude à l’imitation, et lorsqu’ils rencontroient un œil assez exercé pour faire augurer de ces pronostics, la volonté de la nature, le jeune homme étoit placé chez un maître dont il suivoit la manière, ou dont son génie l’apprenoit à s’affranchir.
Ainsi Puget, ayant donné de très-bonne heure à reconnoître, que la nature vouloit faire de lui un artiste, il fut placé dès l’âge de quatorze ans auprès d’un constructeur de galères, qui étoit aussi sculpteur en bois. L’usage d’orner les vaisseaux de figures et d’emblêmes divers, commença donc à initier le jeune Puget aux arts du dessin. Mais le maître sous lequel il travailloit, n’ayant plus rien à lui apprendre, et lé travail borné du sculpteur de marine ne suffisant plus à son habileté, il partit pour l’Italie, s’arrêta quelque temps à Florence, où, recueilli par un sculpteur de cette ville, et recommandé ensuite par lui au célèbre peintre Pierre de Cortone, à Rome, il ne tarda point à changer le travail du ciseau contre celui du pinceau.
Pierre de Cortone avoit découvert dans Puget des dispositions extraordinaires, un goût de dessin qui avoit beaucoup d’analogie avec sa manière. Il l’employa dans plus d’une de ses entreprises, et notamment (dit-on) dans quelques parties d’exécution de son fameux plafond du palais Barberini. On y remarque en effet deux figures de tritons, qu’on prétend être de la main de Puget.
Ainsi le hasard des circonstances sembloit avoir pris a tâche de le détourner de l’art, sur lequel devoit se fonder sa plus grande célébrité. L’on doit observer toutefois que le goût d’école de Pierre de Cortone, influa sur cette manière hardie, facile et incorrecte qu’il porta dans la sculpture ; et sous ce rapport, on ne sauroit dire s’il faut, ou non, regretter l’effet de cette influence ; car, qui oseroit dire que les beautés de la sculpture de Puget, ne tiennent pas à ses défauts ?
Pierre de Cortone cherchoit à se l’attacher de plus en plus ; mais l’amour de la patrie l’emporta : Puget étoit de retour à Marseille en 1643. Il passa encore quelques années de sa vie, ou pour mieux dire, il les perdit à des travaux pour la marine de Toulon. Une nouvelle rencontre le conduisit une seconde fois en Italie. Un religieux de l’ordre des Feuillans, chargé par Anne d’Autriche d’aller faire exécuter à Rome, une suite de dessins d’après les monumens antiques les plus renommés, le prit avec lui pour l’aider dans ce travail.
L’observation attentive des édifices de l’antiquité, développa chez Puget un goût et une disposition, dont il ne s’étoit pas encore rendu compte. Sa passion pour l’architecture devint si vive, qu’il voulut en faire son art favori.
Voilà donc Puget devenu sculpteur, peintre et architecte, sans avoir en véritablement ce qu’on appelle un maître dans chacun des trois arts. C’est avec cette triple vocation qu’il retourna se fixer à Marseille en 1653.
N’ayant à montrer ici Puget que comme architecte, nous ne ferons point mention des ouvrages de peinture et de sculpture, qui depuis cette époque ont occupé la plus grande partie de son temps.
Son premier ouvrage d’architecture fut toutefois aussi, celui qui lui donna l’occasion de se montrer comme sculpteur, dans un monument public. Je veux parler de la porte et du balcon de l’hôtel-de-ville de Toulon. Il en fut l’architecte et le sculpteur. Le balcon qui sert de couronnement à la porte, est soutenu par deux termes en forme d’atlantes, dans lesquels l’artiste se plut à exprimer, par la contraction de la musculature, l’effort d’un corps résistant à la charge qui lui est imposée.
A peine arrivé à Marseille, Puget dessina, pour l’hôtel-de-ville qu’on se proposoit de rebâtir, un projet de façade sans comparaison plus beau que celui qui a été exécuté. Il n’y a de lui, dans tout l’êdifice, que l’écusson aux armes de France placé au-dessus de la porte.
Dans le temps qu’on bâtissoit à Marseille l’hôtel-de-ville, on s’occupoit aussi de l’établissement de la rue d’Aix, du Cours et de la rue de Rome, sur des terrains qui se trouvoient auparavant hors de la ville. Puget fut consulté. Il dessina des projets de façade pour les maisons du milieu, et pour celles des angles de chacune des façades du Cours, et quelques-uns de cet projets reçurent leur exécution. Du côté gauche du Cours, en allant du nord au midi, à partir de la rue dite de l’Arbre, les maisons qui portent les numéros 1, 3, 5, 7, 9, sont regardées comme son ouvrage : ces façades de maison offrent une décoration grandiose. Les cinq maisons particulièrement qui viennent après la rue de Noailles, du n°. 1 au n°. 9, forment une continuité d’ordonnance et d’architecture qui semble ne faire qu’un seul édifice. L’élévation de cette façade se compose, aux extrémités latérales, de deux ordres de pilastres ioniques et corinthiens, l’un au-dessus de l’autre. Un balcon en saillie, soutenu par des tritons ou des syrènes, couronne la porte principale, et une belle corniche règne dans toute l’étendue de cette masse.
Dans la rue de Rome, à l’angle de cette rue et de celle qu’on appelle de la Palun, on montre une maison que Puget avoit bâtie pour lui-même. Sa façade est décorée par deux pilastres composites, surmontés d’un fronton qui forme le faîte de l’édifice.
Un ouvrage d’architecture plus important occupoit Puget à la même époque. On veut parler de la Halle au poisson, qu’on appelle aujourd’hui de son nom. Cet édifice se compose de vingt colonnes isolées d’ordre ionique, disposées sur un carré long, au nombre de cinq sur deux côtés, et de sept sur chacun des deux autres. Les colonnes sont élevées, sur des piédestaux, entre lesquels règnent trois rangs de marches. Elles supportent des arcades, au-dessus desquelles la saillie du toit tient lieu de corniche.
Sur des terrains à celle époque hors de Marseille, et formant aujourd’hui une rue de la ville, Puget se bâtit une maison de campagne, ou plutôt un casin, dont un pavillon subsiste encore, et qu’on montre comme une sorte de débris d’antiquité, au milieu de constructions modernes. C’est dans cette habitation qu’il passa les dernières années d’une vie très-agitée, et c’est là, qu’oubliant toutes les traverses qui accompagnent trop souvent la réputation et le talent, il se livroit à des travaux qui n’étoient pour lui que des délassemens.
C’est de 1689 à 1694 qu’il construisit l’église de l’hospice de la Charité. Une nef ovale, environnée de douze colonnes d’ordre corinthien qui soutiennent un tambour et une coupole également ovale, un vestibule et trois chapelles disposées autour de cette nef et se faisant pendant, telles sont les parties principales dont se compose l’intérieur de cet édifice. Le dehors, isolé de toutes parts, est décoré dans tout son pourtour de pilastres corinthiens. Le tambour et la coupole qui s’élèvent au-dessus, offrent une masse parfaitement en rapport avec le style de cette architecture. Puget ne vit point terminer ce monument. Son fils, après lui, en dirigea l’exécution, et ne parvint point cependant à le compléter. Le portique extérieur, qui devoit être orné de quatre colonnes, n’a point été achevé.
PUISARD, s. m. En général, on entend par ce mot toute issue ou tout réceptacle, soit par où les eaux s’écoulent, soit où elles vont se perdre.
Ainsi, sous la première acception, le puisard sera un conduit pratiqué ou dans le corps d’un mur, ou dans le noyau d’un escalier à vis, ou partout ailleurs, et aboutissant dans un chéneau, a un orifice ordinairement grillé, auquel viennent se rendre des différentes pentes des combles, les eaux pluviales. Ces tuyaux ou conduits sont ou de plomb ou de fonte. Il vaut mieux toutefois les pratiquer en dehors des constructions, pour la facilité des réparations qu’ils peuvent exiger.
Le puisard, dans la seconde acception du mot, est au milieu d’une cour, d’un espace quelconque, une sorte de puits bâti à pierres sèches, qu’on recouvre d’une pierre trouée, où se rendent les eaux pluviales qui, n’ayant point d’autre direction, finissent par se perdre dans les terres, ou peut-être répondront à quelque aqueduc souterrain.
Puisards d’aqueduc (terme d’architecture hydraulique). Ce sont des trous qu’on pratique dans certains endroits des aqueducs, et qu’on ouvre pour pouvoir vider l’eau du canal, lorsqu’il y a des réparations à y faire.
Puisards de sources. Ce sont certains puits qu’on creuse d’espace en espace, pour la recherche des sources, et qui se communiquent par des pierrées, qui portent toutes leurs eaux dans un regard ou réceptacle, d’où elles entreront dans un aqueduc.
PUITS, s. m. On donne ce nom à toute excavation profondément fouillée en terre, le plus souvent pour se procurer de l’eau, quelquefois pour pénétrer jusqu’à une couche de pierres, de charbon de terre, etc.; d’autres fois pour conduire aux travaux souterrains, nécessaires à l’extraction des métaux.
Mais, comme on l’a dit, l’usage le plus habituel des puits a lieu dans tous les endroits habités des villes et des campagnes, et l’objet qui les fait creuser, est le besoin d’eau, là surtout où elle ne sauroit arriver par des aqueducs.
Le puits creusé à cet effet, est un trou plus où moins profond, qu’on fouille au-dessous de la surface de l’eau ; on le pratique le plus souvent en forme circulaire, et on le revêt de maçonnerie.
Voici comme se fait cette construction. Lorsqu’en creusant on est parvenu à l’eau, et qu’on en a cinq ou six pieds de profondeur, on place dans le fond un rouet de bois de chêne (voyez Rouet) d’un diamètre proportionné à la grandeur du puits, et formé de fortes plates-bandes. Sur ce rouet on pose un plus ou moins grand nombre d’assises en pierres de taille, maçonnées avec mortier de ciment, et liées entr’elles par des crampons de fer coulés en plomb. Sur cette sorte de soubassement on élève le reste de la hauteur du puits en maçonnerie de briques ou de moellons, jusqu’à quelques pouces au-dessous du rez-de-chaussée. Au-dessus on place la mardelle, qui peut n’être que d’une seule pierre, creusée a la mesure du diamètre donné au puits ; mais le plus souvent on la construit d’un assemblage de pierres dures, cramponnées comme celles du fond. On équipe ensuite le puits de tout ce qui est nécessaire pour en tirer l’eau.
On doit observer, dans la manière de placer les puits, pour les maisons de ville et de campagne, qu’ils soient éloignés des fumiers, des étables, des fosses d’aisance, et d’autres lieux qui peuvent communiquer à l’eau un goût désagréable. La meilleure situation est ordinairement dans les cours. On doit, autant qu’il est possible, les laisser à découvert, nonobstant quelques inconvéniens qui peuvent en résulter, parce que l’eau en est meilleure, les vapeurs de l’intérieur s’échappent plus facilement, et il est avantageux que l’air y puisse circuler.
Un puits, adapté aux besoins des particuliers, est une construction de pure utilité, qui ne demande que du coin, de l’intelligence, et ne réclame qu’une habileté ordinaire. Il s’en construit pourtant quelquefois, et il en existe, qu’on peut regarder et citer comme des espèces de monumens, et qui méritent d’être décrits.
Tel est, par exemple, celui qu’on voit dans le château du Caire, et que l’on nomme vulgairement le puits de Joseph, non pas, comme l’ont cru certains voyageurs, et le répètent encore les naturels du pays, parce que cet ouvrage, ainsi que le château où il se trouve, sont des monumens du patriarche Joseph. Ce nom leur vient d’un monarque qui les fit exécuter, et qui étoit fils d’un prince appelé Joseph.
Ce puits, taillé dans le roc, a 280 pieds de profondeur, sur 42 de circonférence ; il se compose de deux coupes qui ne sont point perpendiculaires l’une à l’autre. On y descend par un escalier circulaire de 300 marches, dont la pente est extrêmement douce. La cloison qui le sépare du mur du puits est formée d’une portion de rocher, à laquelle on n’a laissé que six pouces d’épaisseur. De petites fenêtres, qui y sont pratiquées de distance en distance, éclairent cette rampe.
Quand on est arrivé au bas de la première coupe, on trouve une esplanade avec un bassin. C’est là que des bœufs tournent la roue qui fait monter l’eau de la partie inférieure du puits. D’autres bœufs placés en haut, l’y élèvent de ce réservoir par le même mécanisme.
Nous ne pouvons encore nous empêcher de citer et de faire connoître avec quelques détails, l’ouvrage moderne le plus remarquable que l’on ait fait en ce genre, savoir, le puits de l’hospice de Bicêtre, près Paris, commercé en 1733 et achevé en 1735, sur les dessins de Boffrand, et qui depuis a servi de modèle à quelques autres dans les pays étrangers.
Ce puits, qui a vingt-huit toises et demie de profondeur (cent soixante-onze pieds), fut creusé dans quinze toises de différentes terres et roches, dix toises de masses de pierre par banc, et plus bas trois toises de hauteur de glaise. Au-dessous de cette glaise, est un sable gris, très-fin, mêlé de marcassites.
Il y a neuf pieds de hauteur d’eau intarissable. A douze pieds au-dessus du niveau de l’eau, on a pratique, dans la masse, une retraite pour la circulation des ouvriers qui auroient occasion de travailler à quelque réparation.
Le diamètre du puits, dans œuvre, est de quinze pieds, la circonférence est d’environ quarante-sept pieds.
Un manège de forma octogone de trente-six pieds de diamètre dans œuvre, renferme une charpente tournante, adaptée à un gros arbre servant de pivot. Huit chevaux en deux relais sont occupés à faire mouvoir cette charpente tournante.
A deux cables attachés au pivot et qui filent en sens contraire, sont suspendus deux seaux, contenant trois muids d’eau. Chaque seau, armé de fer dans sa hauteur et sa circonférence, pèse 1200 livres. De ces deux seaux, l’un monte et l’autre descend. Il y a, au fond de chaque seau, quatre soupapes de cuivre, par le moyen desquelles l’eau entre par le fond du seau, qui n’a point besoin d’être incliné pour recevoir l’eau, et cela évite ce mouvement de vibration dans les cordes, et d’oscillation des seaux eux-mêmes contre les parois des murs du puits.
Les seaux arrivés en haut versent d’eux-mêmes, dans une espèce de cuve, au moyen d’un crochet qui y est attaché, et qui, prenant le rebord du seau, le fait incliner, son anse mobile étant attachée vers le milieu de sa hauteur.
Chaque seau monte et descend en cinq minutes. Les chevaux allant au pas, on tire environ cinq cents muids par jour, le travail de chaque jour étant de douze à quinze heures. En cas de besoins extraordinaires, on peut atteler huit chevaux à la machine, pour en accélérer le mouvement, et augmenter dès-lors la quantité d’eau.
La machine ayant été faite avant le puits, elle a servi à épuiser les eaux de source, à monter les terres, et à descendre les pierres avec autant de sûreté que de promptitude.
On a vu que chaque seau plein se vide dans une espèce de cuve. De-là elle est conduite à un grand réservoir, bâtiment construit derrière celui du puits ; et qui a plus de soixante pieds en carré. Un trotoir règne tout à l’entour. Il a huit pieds huit pouces de profondeur, et contient environ quatre mille muids d’eau, ce qui peut suffire à la maison pendant sept à huit jours. Il faut à peu près le même espace de temps pour le remplir. Ce local est couvert par plusieurs voûtes faites avec beaucoup d’art.
On met ce réservoir à sec tous les trois ans pour, le curer à fond.
Puits commun. C’est un puits qui, destiné dans un lieu public, comme une rue, une place, à l’usage de chacun, doit être construit dans une plus grande circonférence et avec un orifice plus large.
Puits de carrière. Ouverture ordinairement circulaire, de douze à quinze pieds de diamètre, creusée perpendiculairement, qui permet de descendre dans une carrière, au moyen d’un escalier ou ranchet, et par laquelle on tire avec une roue les pierres détachées de la carrière.
Puits décoré. C’est celui dont la mardelle sera contournée en forme de vase ou de cuve, et dont la traverse qui porte la poulie, posera sur des montans ornés et façonnés en forme de colonnes ou de termes. On cite comme étant du dessin de Michel Ange un puits de ce genre dans la cour de Saint-Pierre-aux-liens, à Rome.
Puits de mine. C’est l’ouverture par laquelle les ouvriers mineurs descendent dans les souterrains d’une mine.
Puits foré. On nomme ainsi une espèce de puits où l’eau monte d’elle-même jusqu’à une certaine hauteur, de sorte qu’on n’a d’autre peine, que celle de puiser l’eau dans un bassin où elle se rend, sans qu’on soit obligé de la tirer.
Puits perdu. Puits dont le fond est d’un sable si mouvant, qu’il ne retient pas son eau, et n’en a pas deux pieds en été, qui est la moindre hauteur nécessaire pour puiser.
PULPITUM. Voyez Proscenium.
PULVINUS. C’est le nom que Vitruve donne à cette partie du chapiteau ionique, que nous nommons balustre, à cause de sa ressemblance avec la forme d’un balustre. En latin, on l’appeloit pulvinus, à raison de la ressemblance qu’on lui trouvoit avec un oreiller ; car c’est ce que le mot latin, au sens simple, signifie.
PUR, PURETÉ, adj. f. La qualité qu’on désigne, en architecture, par les mots pur et pureté, est une qualité commune à tous les arts, à tous les ouvrages de l’esprit et du dessin.
Quand on cherche à se définir cette qualité par les caractères qui la rendent sensible, on est obligé d’en diviser la notion en deux ; l’une générale qui se rapporte à l’effet de la pureté considérée en elle-même, l’autre plus restreinte, qui se rapporte a l’absence ou à la privation d’un défaut qui fut plus particulièrement propre de l’architecture moderne, et que la langue ne permet pas d’exprimer par le privatif du mot pureté.
A considérer en elle-même l’idée morale qu’on attache au mot pureté, dans les ouvrages de l’architecture, il semble qu’on peut se l’expliquer avec plus de précision, en se rendant compte de ce qui la produit et de ce qui la fait reconnoître, par exemple, dans les œuvres de l’esprit ou dans l’art d’écrire, et dans ce qu’on appelle le style.
Ainsi, il nous semble que le talent de bien exprimer ses idées par le discours, de développer avec netteté tous les rapports d’un sujet, d’en exposer les parties dans l’ordre le plus naturel, de les présenter avec les formes et les expressions les plus propres, est précisément ce qui produit la pureté de la composition. Or, cette pureté, jointe à celle du langage ou du style, nous fait reconnoître en elle le principe même du plaisir que nous en recevons, parce que ce plaisir résulte en grande partie de la facilité que nous avons à saisir et l’ensemble, et chacune de ses parties.
La qualité qu’on appelle pureté, dans l’art de composer, de dessiner et de colorer chez le peintre, présente, ce nous semble, les mêmes effets. Qui ne sait que, selon le génie, le goût et le style de chaque peintre, l’ouvrage acquiert une clarté de composition, une justesse de forme, une vérité de coloris, qui font que l’esprit et les yeux se trouvent comme forcés à bien concevoir le sujet du tableau, à en bien saisir les rapports, et à bien apprécier la justesse de toutes les parties de l’imitation ?
Mais l’idée générale de pureté n’est pas moins sensible dans les œuvres de l’architecture, et l’effet de cette qualité n’est pas moins nécessaire aux impressions que nous devons recevoir de cet art.
On peut y reconnoître la pureté sous trois rapports, sous le rapport de conception dans l’ordonnance du plan, sous le rapport de disposition dans l’ensemble de l’élévation, sous le rapport d’exécution dans le choix et le rendu des parties et des détails.
La pureté de conception ou d’ordonnance d’un plan, consiste dans une combinaison ingénieuse, et qui paroît n’être que toute simple, des différentes parties d’un local, grandes ou petites, nécessaires ou agréables, naturellement liées entre elles, et assorties aux besoins comme aux agrémens de l’édifice. Cette qualité se fait reconnoître par une distribution facile à concevoir, variée sans confusion, où tout est si bien coordonné, que chaque besoin, chaque emploi trouve avec convenance la place qui lui est propre, sans qu’il semble que cet arrangement ait coûté le moindre travail, tellement que chacun s’imaginera qu’il en auroit sur-le-champ fait autant.
C’est ainsi (pour revenir à la comparaison déjà employée) que les bons écrivains donnent à la marche de leurs idées, et à leur liaison, quelque chose de si facile et de si clair, que beaucoup se persuadent qu’il n’y avoit pas manière de procéder autrement. Cependant le don de cette sorte de pureté de composition est ce qu’il y a de plus rare dans l’art d’écrire. Rien ne l’est plus aussi en architecture, que cette pureté d’idée qui donne tant d’aisance à la marche d’un plan, et d’où dépend aussi, beaucoup plus qu’on ne sauroit le dire, le bon effet de l’élévation dont chacun est plus facilement juge.
Ce qu’on peut appeler pureté, sous le rapport de disposition dans l’ensemble extérieur d’un édifice, tient beaucoup à ce qu’on appelle pureté de goût.
Une élévation d’un goût pur consistera dans une distribution sage et régulière des différens ordres, dans l’application judicieuse de chacun, au caractère propre de l’édifice, dans un juste accord entre les pleins et les vides, dans un heureux équilibre entre les parties lisses et les parties ornées, dans une succession bien graduée des richesses de la décoration, proportionnées aux convenances de chaque local. On juge volontiers de la pureté du goût de l’architecte en ce genre, par ce qu’on appelle l’art des profils (voyez Profils, Profiler), par cette distribution judicieuse et élégante des membres qui les composent, et qui est à l’architecture, en quelque sorte, ce que sont la prosodie à la poésie, la diction à l’éloquence, ou ce qu’on appelle le style à l’art d’écrire.
Nous avons dit qu’il y avoit aussi, pour l’architecture, une pureté d’exécution. C’est celle qui consiste, après le choix fait des détails et des ornemens, dans la manière de les exécuter, d’en rendre l’effet clair, harmonieux et élégant. La pureté d’exécution en ce genre, quoiqu’elle doive résulter en grande partie d’un travail plus ou moins mécanique, indépendant de l’architecte, n’en est pas moins due à son goût et à sa direction. C’est d’abord sur ses dessins et d’après les modèles qu’il donne, que les ouvriers travaillent. Il lui appartient ensuite d’eu surveiller la copie et d’exiger ce fini précieux, qui doit rendre toute sa pensée. Rien de plus important que cette pureté d’exécution, et toutefois rien de plus difficile que de l’obtenir, tant sont nombreuses les causes et les circonstances qui s’y opposent. Ainsi, il suffit d’une matière ingrate, d’une-pierre molle ou réfractaire, pour ôter aux arêtes des profils, aux contours des ornemens, leur finesse et la justesse de leur galbe. De mauvaises pratiques chez les ouvriers, l’économie du temps, et par conséquent de la dépense, amènent des procédés expéditifs, d’où résulté un travail grossier et imparfait, soit dans la manière de dresser les paremens, d’aviver les arêtes, soit dans l’art de fouiller les dessous des ornemens, des feuillages, des rinceaux. Ce manque de soin est seul capable, en dépit du projet et des dessins de l’architecte, d’enlever à son édifice, avec la pureté d’exécution, le charme qui devoit appeler les yeux à jouir de son effet. On ne sauroit trop faire observer, combien généralement le poli des matières, soit pierres, soit briques, soit enduits, contribue, par l’espèce de pureté matérielle ou mécanique qu’il produit, à augmenter l’impression de la pureté d’exécution, qui dépend du goût de L’architecte.
Nous avons dit, au commencement de cet article, que le mot pureté comportoit, dans le langage des arts modernes surtout, et spécialement de l’architecture, une acception particulière qui méritoit d’être développée à part.
De tout temps, sans doute, dans l’architecture grecque, et chez tous les peuples qui l’ont professée, il y a eu, en opposition avec la qualité qu’on vient de définir, un défaut qui s’est fait plus ou moins reconnoître par des effets contraires à ceux que produit la pureté. Cependant il paroît qu’il en fut de cet art comme de tous les autres. Plus près de son origine, mieux approprié aux besoins moins multiplies des sociétés, soumis à des traditions plus constantes, à des lois nées des usages mêmes, expression plus simple à la fois et plus claire des convenances et des causes qui avoient su y réunir, sous un lien commun, l’utile au plaisir, la raison et le goût ; cette alliance y conserva long-temps une certaine uniformité de rapports, une régularité de proportions, une continuité des mêmes types, une sobriété d’ornemens et de détails, tour à tour effet et principe de cette qualité, à laquelle nous avons donné le nom de pureté.
Ce nom, dans le sens que nous lui appliquons ici, signifie à peu près au moral, ce qu’au physique on exprime, en parlant d’une eau prise à sa source ou près d’elle. Tout tend à se corrompre plus ou moins dans les productions des arts, par un mélange d’idées, de formes, de besoins, mais surtout par l’oubli des principes, c’est-à-dire, des raisons premières qui ont servi de base aux inventions. Une lassitude de ce qui est ancien, une manie d’innovations, s’emparent des sociétés comme des individus. On oublie que ce qui existoit, étoit le produit d’une création lente et successive, et on croit le remplacer par une création subite. Mais l’avantage de la durée n’a point été donné, à tout ce qui manque de la longue élaboration du temps. Une nouveauté fait bientôt place à d’autres, et le goût des arts, ainsi que leurs ouvrages, n’offrent qu’une succession rapide de modes, qui se détruisent l’une par l’autre.
Cependant cette triste facilité d’innovations n’a lieu, qu’au moyen de la malheureuse faculté de mélanger sans cesse, d’une façon toujours nouvelle, des élémens incohérens qui ne sauroient s’allier, qui rassemblés un moment pour récréer les yeux par leur diversité, appellent continuellement de nouveaux mélanges.
Telle a été, à quelques degrés près, la destinée de l’architecture grecque, en se propageant à travers les siècles et chez tant de peuples. Sans doute la progression de ce mélange corrupteur de la pureté, n’a été ni toujours continu, ni sans quelques retours aux principes, qui toujours peuvent lui rendre sa vertu première.
Suivre l’histoire de cette progression et de ses vicissitudes, ce seroit faire l’histoire du goût de cette architecture ; et comme cette histoire se trouve dans le plus grand nombre des articles de ce Dictionnaire, nous nous bornerons ici à faire connoître, que c’est particulièrement par la confusion des types principaux de cet art, et par la profusion des ornemens, par l’ignorance de leur propriété, par leur mélange indiscret, que s’est trouvée altérée la pureté de l’architecture.
On voit dès-lors, comment le mot pureté, exprimant, dans le système de cette architecture, l’observation du caractère primordial de ses formes, de ses proportions et de ses ornemens, on appelle pur le goût qui tend à bannir des plans, des élévations et de la décoration d’un édifice, tout ce qui est caprice, irrégularité, superfluité, tout ce qui ne repose sur aucune raison.
Ainsi, un plan sans pureté, est celui qui se composera de contours inutilement mixtilignes, de lignes brisées ou ondulées, pour le seul plaisir de la difficulté.
Ainsi, une élévation sans pureté, est celle dont les masses n’ont aucune relation entr’elles, dont les formes contournées ou brisées sans motif, n’offrent aux yeux que l’effet d’une diversité sans principes et sans but.
Ainsi, une décoration sans pureté, est celle où les membres de l’architecture, les profils, les ornemens mêlés, combinés, prodigués, transposés sans discernement d’aucune origine, d’aucune signification, d’aucune convenance, paroissent n’être qu’un jeu de hasard fait pour amuser des yeux ignorans.
Pour bien faire comprendre par deux exemples placés, si l’on peut dire, comme deux contraires, aux deux extrémités de cette théorie, ce qu’est la pureté et ce qu’est son opposé, dans l’architecture, il suffit de se représenter un temple dorique grec périptère, et une église de Boromini ou de son école.
PUREAU ou Echantillon, s. m. C’est ce qui paroît à découvert d’une ardoise, ou d’une tuile mise en œuvre. Ainsi, quoiqu’une ardoise ait quinze ou seize pouces de longueur, elle ne doit avoir que quatre ou cinq pouces de pureau, et la tuile trois ou quatre, ce qui est égal aux intervalles des lattes.
PURGEOIRS, s. m. pl. On donne ce nom à des espèces de bassins avec sable et gravois, où l’eau des sources passe pour s’y purifier avant d’entrer dans ses tuyaux. Il doit y avoir de ces purgeoirs à certaine distance l’un de l’autre, et il faut, de temps à autre, en changer les gravois et les sables.
PUTÉAL, s. m. Ce mot n’est reçu que dans la langue de l’antiquité et des arts du dessin. Il vient de putealis, mot latin qui signifioit, ou la couverture d’un puits, ou ce qu’on appelle mardelle ou margelle, de marga (rebord), c’est-à-dire, ce petit mur d’appui ordinairement circulaire, qui borde l’orifice du puits.
Les Romains appelèrent donc putealis (putéal) cette mardelle, et un assez grand nombre de restes d’antiquité nous prouvent, qu’ils faisoient ces putéals en marbre, et les décoroient de sculptures.
On avoit long-temps pris pour des autels ces morceaux d’antiquité. De ce nombre est celui qui sert de piédestal circulaire à un grand vase, dans le Museum du Capitole, à Rome, et autour duquel sont sculptées, dans un style archaïque, les figures des douze grands dieux. Cependant il est certain que, dans sa partie intérieure, on voit son rebord sillonné par les cordes qui enlevoient les seaux où l’on puisoit l’eau.
On voit encore aujourd’hui à Corinthe, un pareil putéal, employé au même usage. M. Dodwel, qui nous en a donné le dessin avec les détails de ses figures, nous apprend qu’il est maintenant posé dans son sens inverse, de sorte que les figures ayant la tête en bas, les têtes sont continuellement altérées par le contact des seaux. M. Dodwel présume que ce putéal provient d’un temple de Corinthe. Il y avoit peu de temples qui n’eut, dans son enceinte, quelque puits sacré dont les eaux servoient aux ablutions et lustrations. Naturellement on dut orner leur orifice d’une mardelle plus riche. De-là ces putéals plus ou moins grands, plus ou moins décorés, qu’on rencontre dans les collections d’antiquités. Le P. Pacciaudi en a illustré plusieurs dans son ouvrage intitulé Puteus sacer.
PUTEOLANUS LAPIS. Voyez Pouzzolane.
PYCNOSTYLE. Mot composé de deux mots grecs puknos, dense, épais, et stulos, colonne.
C’étoit une des cinq ordonnances ou dispositions des colonnes, selon Vitruve (lib. III, c. 2), c’est-à-dire, une des cinq manières de les séparer, et de régler la mesure de leurs entre-colonnemens.
Vitruve, en indiquant la progression de largeur des entre-colonnemens, depuis le pycnostyle jusqu’à l’araeostyle, nous a donné un système de mesures de ces cinq espèces de dispositions, qui du reste dans sa théorie, comme on va le voir, ne se rapportent qu’aux frontispices des temples.
J’ai rapporté à dessin le passage de Vitruve, qui contient toute sa théorie, sur cette partie importante de la disposition des colonnes des temples, dans son rapport avec les mesures des entre-colonnemens, et j’ai eu en vue, dans ce rapprochement des différens mots, qui expriment cette théorie, et qu’on trouve déjà à leurs articles respectifs, d’en tirer quelques considérations qui ne sont pas sans quelqu’importance.
Premièrement, il faut observer que presque tous les commentateurs de Vitruve, et les Traités modernes d’architecture, ont pris une théorie particulièrement applicable aux colonnes des frontispices des temples, comme étant un système général, destiné à régler pour tous les cas, et d’une manière absolue, la mesure des entre-colonnemens. Toutefois il paroit certain que cette théorie est simplement relative aux temples, et aux colonnades antérieures de leur entrée.
Secondement, on a pu remarquer qu’en fixant comme le minimum de la largeur des entre-colonnemens, leur mesure à deux diamètres de la colonne, Vitruve annonce par-là, comme on peut s’en convaincre ailleurs, qu’il n’a point connu, ou n’a point voulu faire connoître l’ordonnance et les proportions de l’ordre dorique des Grecs, dont l’entre-colonnement, dans les temples, n’a souvent qu’un diamètre de largeur, et n’arrive jamais à deux.
Troisièmement, on peut conclure de la théorie de Vitruve, que l’architecture est tenue de se conformer, selon les temps et les pays, aux usages pour lesquels elle est faite, qui lui font impérieusement la loi, et auxquels l’architecte habile sait se soumettre, sans qu’on doive d’une exception, s’autoriser contre la règle. Cependant on a vu, dans plus d’un ouvrage moderne, l’artiste se prévaloir de l’autorité du passage de Vitruve qu’on vient de rapporter.
PYLONE : du mot πυλών, grande porte.
On trouve ce mot employé chez les anciens historiens, qui ont décrit les monumens de l’Egypte, et appliqué à ces grandes portes, que nous avons déjà vu précéder les vestibules en colonnes qui se succèdent, dans les plans des temples égyptiens.
Les nouveaux voyageurs et les auteurs du grand ouvrage de la Description de l’Egypte, ont donc francisé le mot grec, et ont appelé pylones ces grandes masses qu’on pourroit en quelque sorte appeler des portails, en les considérant, soit sous le rapport de leur masse, soit comme servant, ainsi que les portails modernes, de frontispices à l’ensemble des temples. Nous en avons déjà rendu compte à l’article de l’architecture égyptienne, dans l’analyse que nous avons donnée de tous les détails des temples, et de toutes les parties des édifices égyptiens. Voyez Egyptienne (Architecture).
Nous nous bornerons à dire ici en deux mots, que presque tous les pylones forment des masses plus ou moins pyramidales, et qu’elles sont de deux genres : les unes simples, c’est-à-dire, offrant une porte sans accompagnement ; les autres composées d’une porte qui s’ouvre entre deux massifs, en forme de tour carrée, dans lesquels se trouvent des escaliers, qui conduisent aux plates-formes pratiquées au sommet de chacune des deux tours.
PYRA. Ce mot est grec et latin, et on le traduit en français par le mot bûcher.
Son étymologie est πυρ, qui signifie feu, et quelques-uns croient que le mot pyramide en dérive, soit parce que la pyramide, par sa forme, ressemble à la flamme qui se termine en pointe, soit peut-être parce qu’une certaine analogie, dans la destination funéraire, auroit rapproché l’idée de pyramide, de celle des monumens que les Grecs appeloient pyra.
Ce furent effectivement de véritables monumens, que ces bûchers, dont l’histoire et les médailles nous ont conservé le souvenir et la forme, tant chez les Grecs que chez les Romains. Au mot Mausolée, nous avons fait voir que la pyra ou le bûcher, édifice temporaire, mais décoré de toutes les pompes de l’architecture, avoit dû servir de modèle à ces tombeaux somptueux, où toute la solidité, de la construction et la richesse de la décoration, rivalisèrent de dépense en Grèce et à Rome, Voyez Mausolée.
C’est ainsi qu’en tout genre, chez les Anciens, nous voyons l’ouvrage de tous les arts naître, comme d’un germe fécond, du principe élémentaire d’un premier besoin, d’un premier usage. Et comme, en Egypte, le petit monticule, élevé sur le corps mort, devint le type de la plus grande pyramide, de même la pyra, assemblage de bois, disposé pour la combustion du mort, se trouva converti insensiblement en un bûcher décoratif, à plusieurs étages, qui devoit bientôt devenir, par une conversion nouvelle en matière solide, un des plus magnifiques ouvrages de l’architecture.
Mais ce fut, comme il arrive toujours, progressivement et à l’aide du temps, que le simple bûcher se modifia, s’augmenta et s’embellit au point d’inspirer à l’art les transformations dont on a parlé. A défaut de notions relatives à cet objet, en Grèce, Pline nous a montré la progression dont on parle, dans quelques faits qui déposent du luxe, que les riches particuliers de Rome apportoient dans la construction de la pyra qui devoit consumer leurs corps. Il devoit appartenir ensuite aux empereurs de franchir toutes les bornes de la vanité des particuliers en ce genre.
Ce ne fut pas non plus dans les républiques de la Grèce, qu’ils trouvèrent les exemples et les modèles de ce genre de somptuosité. Là, où la dépense des funérailles et celle des tombeaux étoient limitées par les mœurs, autant que par les lois, il ne put y avoir lieu à ces excès de magnificence. Aussi voyons-nous que la pompe des bûchers et le luxe des grands tombeaux, qui en furent les dispendieuses copies, ne se rencontrent que dans les Etats monarchiques. Pausanias, en effet, ne cite aucun grand monument de sépulture en Grèce ; les deux plus considérables qu’il cût vus étoient hors de la Grèce, celui d’Hélène à Jérusalem, et le tombeau de Mausole, d’où les Romains, ajoute-t-il, donnèrent à leurs tombeaux le nom de mausolée.
En fait de pyra ou de bûcher décoratif, ce que l’histoire fait connoître de plus considérable, avant l’imitation qu’on en fit à Rome, pour les apothéoses des empereurs, c’est celui de Denis-l’Ancien, tyran de Syracuse, qui avoit été décrit par l’historien Timée, et celui d’Héphastion, le favori d’Alexandre, prodige de grandeur et de richesse, dont Diodore de Sicile nous a transmis un assez long détail, que nous avons rapporté au mot Mausolée. Voyez cet article.
PYRAMIDAL, adj. m. On appelle ainsi, en général, tout objet, et, dans l’architecture, tout édifice, tout monument qui se termine comme une pyramide, c’est-à-dire, en forme décroissante de bas en haut.
La forme pyramidale, ainsi définie, est extrêmement commune dans les constructions de tous les peuples. Cette forme, dictée par l’instinct comme par la raison, repose sur le principe évident de toute solidité, qui veut que le fort porte le foible. Or, la conséquence toute naturelle de ce principe est que, dans toute masse de construction, la forme diminue de volume et de circonférence, à mesure de son élévation. J’ai dit que l’instinct seul inspiroit cette disposition. Et en effet, la nature elle-même s’oppose à la disposition contraire, pour peu qu’on porte un ouvrage quelconque à une certaine hauteur. On peut faire en petit des porte-à-faux ; on peut, comme dans des trompes, dissimuler le point d’appui, parce que l’ouvrage, au lieu d’être isolé, se trouve lié à la masse qui lui sert de soutien. Mais tout ouvrage de bâtisse isolé ne sauroit subsister dans la disposition inverse de la forme pyramidale, c’est-à-dire, ayant pour sommet ce qui devroit être sa base. De quelque façon qu’on parvînt à réaliser ce tour de force, l’œil et le sentiment n’en seroient pas moins offensés, parce qu’avant tout, on veut de la solidité, et on la veut non-seulement réelle, mais apparente.
Il ne faut pas aller chercher ailleurs la raison du plaisir que nous font les formes pyramidales, dans les conceptions et les compositions des édifices. Tout ce qui est conforme à la nature des choses, l’est aussi à la nature de nos sensations. Ainsi, tout ce qui est fondé en raison nous plaît, précisément parce que nous sommes doués de la raison, et parce que ce qu’on appelle instinct, chez le plus grand nombre, n’est autre chose qu’une raison non développée, comme la raison n’est, en beaucoup de choses, que l’instinct perfectionné.
L’instinct et la raison ont donc inspiré, dans les ouvrages de l’art de bâtir chez tous les peuples, cette disposition qui produit la décroissance de bas eu haut des formes et des masses, et la produit d’autant plus sensible, que ces masses auront plus d’élévation.
C’est, comme nous le dirons dans l’article suivant, à l’efiet d’obtenir la plus grande durée dans les monumens funéraires ou les tombeaux, que les Egyptiens firent de leurs masses ce qu’on a appelé des pyramides. La même raison de solidité et de durée, a fait donner la même forme, dans la Chine et dans l’Inde, aux tours, aux kiosques, aux minarets, aux pagodes ; chez les Grecs et les Romains, aux mausolées, aux phares, aux septizones ; dans le moyen âge, aux clochers des églises, aux campaniles, aux donjons des châteaux ; chez les Modernes, aux dômes, aux coupoles, aux frontispices de tous les monumens.
Mais comme, ainsi qu’on l’a dit, tout besoin étant, pour les arts, le principe d’un plaisir, la forme pyramidale devoit devenir un des moyens de plaire aux yeux, dans les compositions architecturales, il fut très-naturel d’en rechercher l’agrément, alors même que le besoin n’en faisoit point un devoir : et de-là ces nombreuses compositions où des accessoires se trouvent rapprochés et combinés, uniquement dans la vue d’augmenter le pittoresque, et l’accord de l’ensemble pyramidal.
C’est ainsi que la grande coupole de Saint-Pierre, à Rome, a été accompagnée de coupoles plus petites, qui lui sont subordonnées et complètent l’effet pyramidal de cette masse.
PYRAMIDE, s. f. Ce mot a, dans le langage ordinaire, deux acceptions, dont l’une provient de l’autre ; celle qui exprime, en géométrie, un corps solide ou une figure triangulaire, a été empruntée aux monumens célèbres auxquels les Grecs donnèrent le nom de pyramide.
C’est uniquement sous le rapport de monumens que nous traiterons ici de la pyramide.
L’étymologie de ce nom nous occupera peu. Les savans ne sont pas encore entièrement d’accord sur ce point. Les uns en cherchent la racine dans la langue copte, d’autres paroissent l’avoir trouvée dans l’arabe. Pourquoi le mot grec pyra, dérivé de pur, flamme, n’auroit-il pas, comme on l’a déjà dit (voyez Pyra), induit les Grecs à donner à ces grandes masses qui se terminent en pointe chez les Egyptiens, un nom semblable à celui qui, chez eux, exprimoit peut-être, par analogie avec la flamme, ces grands bûchers décoratifs, en forme décroissante de bas en haut, qui, sous ce rapport, se rapprochoient des pyramides ?
De l’origine et de l’emploi des pyramides.
Nous croyons devoir réunir sous un seul point de critique ces deux notions, parce que l’origine des pyramides, en Egypte, est nécessairement liée à l’emploi qu’on en fit. Cependant cet emploi doit être constaté avant qu’on s’occupe d’en montrer l’origine. Ce n’est pas qu’ici l’origine ne dût être un grand argument en faveur de l’emploi ; mais malheureusement ce qu’il faut appeler la cause originaire de ces constructions ne sauroit être démontrée, parce que, cachée dans la nuit des sociétés naissantes, et hors de la portée de l’histoire, on ne peut dans la suite y remonter, que par voie d’induction et de comparaison avec les autres principes des inventions humaines.
L’opinion la plus généralement reçue depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, sur l’emploi des pyramides en Egypte, est qu’elles furent des tombeaux. Mais une des maladies de l’esprit humain est de dédaigner toute opinion, et même toute vérité, dès qu’elle devient vulgaire. Malgré les témoignages des plus anciens écrivains grecs et romains, bien plus voisins que nous des sources de la tradition en ce genre, on a imaginé des explications de l’emploi de ces monumens, qui pourtant ne peuvent supporter un instant d’examen.
L’auteur de l’Etymologicum magnum, dérivant le mot pyramide du mot grec pyros, qui veut dire froment, prétend qu’on les nomme ainsi parce qu’elles avoient été des greniers à blé. Sans doute, il ignoroit que ces monumens n’ont presque point de vide intérieur.
Plus tard, des savans ne pouvant croire, qu’on eût créé de si prodigieuses masses, avec autant de peines et de dépense, dans la seule vue de conserver une caisse du momie, et considérant que les pyramides sont exactement orientées, en sorte que les quatre côtés répondent aux quatre points cardinaux, ont avancé, à ce sujet, deux opinions.
L’une, que c’étoit des monumens astronomiques, qui servirent de gnomons, de méridiennes ou d’observatoires ; l’autre, que c’étoit des monumens allégoriques consacrés au soleil.
La première de ces opinions se réfute d’elle-même, par l’impropriété physique de l’édifice aux usages supposés. Quant à l’autre, ce n’est qu’une hypothèse d’imagination, qui, comme telle, n’est susceptible ni d’être prouvée, ni d’être combattue.
On l’a déjà dit, la véritable raison de ces conjectures scientifiques, est la propension qu’ont les savans, plus volontiers que les autres hommes, à juger des choses et des opinions passées, par les mœurs et les idées de leur siècle. Tout, et dans les usages connus de l’Egypte, et dans les témoignages encore subsistans et en si grand nombre de leurs monumens, et dans ce que nous ont transmis des écrivains qui avoient puisé leurs notions dans le pays même ; tout, dis-je, s’accorde à prouver qu’une croyance religieuse des plus puissantes, avoit établi de temps immémorial, certains dogmes sur la résurrection des corps, qui firent de leur conservation un devoir et une obligation impérieuse. Ce soin de la sépulture étoit général et commun à tous. Les nombreuses caisses de momies qu’on découvre journellement, et que déjà plus d’une inscription nous a fait connoître, pour avoir été celles de simples particuliers, la très-grande dépense de ces sortes de cercueils peints, sculptés et vernissés, quand ils étoient en bois, le grand nombre de ceux qu’on trouve en pierre et en marbre, l’extraordinaire conservation des corps, les précautions prises pour soustraire à la violation les lieux où on les cachoit, ne démontrent-elles pas l’universalité d’une croyance profondément enracinée ?
Si cela fut, il n’y a plus rien d’étonnant pour l’esprit, dans la grandeur et l’énormité de dépense des sépultures royales, en forme de pyramides. L’immense disproportion, qui partout existe entre les vastes et dispendieuses demeures des princes de la terre, et les chétives maisons des particuliers, suffit pour nous expliquer la même différence dans un ordre d’idées et d’usages, dont nous retrouvons encore, chez les peuples modernes, le même effet, quoique dans un degré inférieur. Mais on ne sauroit mieux donner à entendre le principe de ces prodigieux monumens, que ne l’a fait Diodore de Sicile, lorsqu’il dit, pourquoi les rois d’Egypte employoient à leurs tombeaux ces sommes immenses, qu’en d’autres pays les princes consacrent à la construction de leurs palais. « C’est que (ajoute-t-il) ils ne pensoient pas que la fragilité du corps, pendant sa vie, méritât de solides habitations. Aussi ne regardoient-ils le palais des rois que comme une hôtellerie, qui appartenoit successivement à tous, et où chacun ne faisoit qu’un instant de séjour. Mais leurs tombeaux, ils les considéroient comme leur véritable et particulière habitation, comme leur domicile fixe et perpétuel, et ils n’épargnoient rien pour rendre indestructibles des monumens, qui dévoient être les dépositaires éternels de leur corps et de leur mémoire. »
Les soins que prenoient les auteurs de ces tombeaux pour rendre la retraite de leurs corps introuvable, ne se peuvent bien concevoir, qu’en voyant tout ce que l’art employoit de secrets et de détours pour en dérober l’accès, soit dans les hypogées de Thèbes, soit dans les masses pyramidales de pierre à Memphis. On ignoroit dans quelle chambre de son tombeau reposoit le roi Osymanduas, et l’inscription qu’on y lisoit, portoit : Si quelqu’un veut savoir où je repose, il faut qu’il détruise quelqu’un de ces ouvrages.
De-là certains critiques ont été jusqu’à soupçonner que les pyramides n’étoient que d’immenses cénotaphes, et que les corps des rois étoient déposés dans quelque lieu voisin et souterrain ; enfin que ces grandes masses de pierres n’auroient été élevées, que pour donner le change sur l’endroit positif qu’occupoient les corps, et pour faire de cet endroit une énigme impénétrable, hypothèse fort inutile à combattre.
En effet, quand bien même on l’admettroit, quand on accorderoit, d’après les raisons qu’on en donne, que les corps des rois n’auroient pas été renfermés dans l’espace précis des pyramides, on n’en devroit pas moins les regarder comme des monumens sépulcraux. Leur destination, pour n’avoir pas reçu l’application matérielle de tombeau, n’en auroit pas moins eu l’application morale de la chose, c’est-à-dire, que ces monumens n’en seroient que plus certainement encore la preuve et le résultat d’une opinion religieuse secondée par la vanité humaine, ressorts les plus actifs, principes les plus feconds des ouvrages des arts et de l’architecture.
Et pourquoi contesteroit-on en Egypte le but et la destination de tombeau aux pyramides, lorsqu’on est obligé de reconnoître partout le reste du monde, le même emploi à des monumens qui, moins remarquables et moins dispendieux, si l’on veut, pour le matériel de leur masse, exigèrent d’un autre côté bien d’autres dépenses ? je veux parler des mausolées célèbres des Grecs et des empereurs romains. En Egypte, la pyramide ne demandoit que des pierres équarries. Qui voudroit faire le calcul de la dépense de main-d’œuvre du tombeau de l’empereur Adrien et de quelques autres, avec leurs nombreuses colonnes de marbre, leurs chapiteaux, leurs riches entablemens, leurs statues, leurs bronzes, indépendamment encore de leur somptueuse construction en marbre, pourroit finir par trouver de l’économie dans la plus grande pyramide, ouvrage sans art, et qui ne demanda que du temps, la main-d’œuvre la plus vulgaire, et par conséquent la moins dispendieuse.
Pourquoi un roi d’Egypte n’auroit-il pas pu faire pour son tombeau un monument quatre ou cinq fois plus grand que celui qu’on voit encore à Rome, construit pour sa sépulture par un simple épulon, Caïus Cestius, qui éleva une pyramide de cent quatorze pieds de haut, toute revêtue en marbre blanc ? Enfin doit-il paroître surprenant, que dans un pays où tout prouve, plus que partout ailleurs, les soins extraordinaires apportés à la conservation des morts, les princes aient choisi, pour assurer la durée de leur repos après leur vie, la forme d’édifice qui, de toutes celles de l’art de bâtir, nous est parvenue la plus intègre, el dèslors la plus convenable à la fin pour laquelle on l’employa ?
Des observations locales, faites dans ces derniers temps, par des voyageurs qui ont eu le loisir d’examiner les choses avec plus d’attention, suffiroient seules pour empêcher d’imaginer d’autre emploi aux pyramides que celui de sépulture. On a remarqué, en effet, que toutes les sépultures des anciens Egyptiens sont situées du côté gauche du Nil. Les excavations de Thèbes et celles de la Nubie, qui toutes ont été des cimetières, sont de ce côté, qui étoit celui de l’Afrique. Maintenant les Chrétiens et les Musulmans ont l’usage opposé, et leurs cimetières sont du côté droit du Nil, celui qui regarde l’Asie, à cause de Jérusalem pour les uns, et de la Mecque pour les autres. Une idée semblable auroit-elle guidé les Egyptiens, et le célèbre temple d’Ammon dans l’Oasis, n’auroit-il pas été le motif de cette prédilection pour la rive gauche du Nil, ou peut-être les Egyptiens regardoient-ils l’Afrique comme leur pays originaire ?
Quoi qu’il en soit, il est certain que les pyramides de la Basse-Egypte, situées aussi de ce côté, firent partie d’un vaste ensemble de sépultures, qui dut être le cimetière de Memphis, et peut-être même de tout le Nôme. La situation du ces pyramides, si multipliées dans un espace d’à peu près trois lieues, ne permet de leur donner aucune de ces destinations scientifiques que certains écrivains ont imaginées. Elles occupent une grande partie de la chaîne Lybique, et les seules éléavations de ce terrain nous suffisent, soit pour nous expliquer une partie de leur construction, comme on le dira plus bas, soit pour nous indiquer la cause matérielle de leur origine.
L’emploi des pyramides une fois constaté par tous les témoignages qui peuvent et doivent le rendre indubitable, on craindra moins de se livrer, sur leur origine, à des conjectures que certains faits, et plus d’une preuve tirée de leur construction même, tendent à élever au plus haut degré de probabilité.
Lorsqu’en fait d’origine des monumens de l’art, on peut remonter à une cause simple, élémentaire et incontestable, la critique raisonnable ne sauroit demander rien de plus. Ainsi, quoiqu’il y ait fort loin, sans doute, d’une pyramide de 450 pieds de haut, à la petite élévation que produit à la surface du sol, la terre qui se relève au-dessus du corps inhumé, on est conduit de proche en proche à voir là, le premier type de tous les monumens funéraires, et surtout des pyramides.
Cependant, entre ces deux points extrêmes, l’intervalle ne fut pas franchi sans quelques intermédiaires. Il faut regarder comme tels ces élévations factices de terres qu’on accumuloit sur le lieu de l’inhumation, pour faire durer plus longtemps le souvenir du mort. Bientôt la nature fournit elle-même des monumens tout faits et plus durables ; c’étoit de ces petits monticules qu’on trouve plus ou moins multipliés dans un trèsgrand nombre de pays. Il ne fut plus besoin que de creuser dans leur intérieur un conduit, et un espace propre à recevoir les corps : et voilà ces tumuli, dont les mentions sont si fréquentes dans l’antiquité, et dont les vertiges frappent encore les yeux des voyageurs. Voyez Tumulus.
En parcourant les bords de la Méditerranée, et particulièrement les contrées célèbres de l’Afrique et de l’Asie, jadis couvertes de villes florissantes, il est facile d’y observer combien y fut commun l’usage d’ensevelir les morts sous des buttes de terre. On ne sauroit dire combien il s’y trouve de tombeaux, qui ne consistent que dans une chambre sépulcrale, recouverte de terre en forme conique. On plaçoit à leur sommet une colonne ou tout autre signe d’honneur, et le reste étoit recouvert de gazon.
On peut croire, d’après la grande quantité qui existe encore de ces tombeaux, que c’étoit un usage fort ancien chez tous les peuples du littoral de la mer. Comment ne pas voir là le modèle et le prototype des montagnes de pierre que les Egyptiens élevèrent en forme de pyramide ?
Quand on examine l’extrémité de la chaîne Lybique, à gauche du Nil, à une petite distance de la mer, on voit que cette crête est occupée par des pyramides de toute grandeur, mais on y découvre aussi une infinité de buttes, sous lesquelles on ne sauroit s’empêcher de croire qu’il y a véritablement des sépultures. On ne sauroit douter non plus que ç’ait été là, comme on l’a dit, le cimetière ou la ville des morts de Memphis. Or, cette multitude de monumens ou détruits en partie, ou qui restèrent peut-être inachevés, démontre avec la plus grande évidence l’origine de leur structure. Les tumuli de Memphis ne différent de ceux de l’Asie, que parce que ceux-ci sont de terre, lorsque ceux-là sont composés de sable, et de débris de pierres fournis par la chaîne des montagnes arides de la Lybie.
Rien de plus simple, et de plus facile maintenant, que de suivre dans sa progression la marche de l’art qui éleva les pyramides. Les buttes naturelles une fois converties ou amplifiées en buttes factices ou artificielles, on dut imaginer, pour les rendre plus durables, de les couvrir grossièrement d’abord des pierres détachées de la montagne. Il paroît fort vraisemblable qu’ensuite, autour de cet amas de pierrailles, on aura élevé des murs qui, pour les maintenir, allèrent en retraite les uns au-dessus des autres, en formant comme de grands degrés, jusqu’au sommet du tumulus. Peut-être aussi, sans qu’il soit besoin de supposer tant d’essais successifs, forma-t-on sur le tumulus qu’on voulut rendre plus durable et plus distingué, une vraie pyramide quadrilatère, c’est-à-dire, un monument décroissant de largeur par des paremens inclinés.
Il ne faut pas oublier, en effet, que l’art de bâtir, comme on l’a dit ailleurs (voyez Architecture égyptienne), dut naître et naquit en effet du travail de la pierre en Egypte, tant la nature y fut prodigue de cette matière, aux dépens du bois, dont l’emploi, vu sa rareté, ne put jamais entrer dans les premières données de ses constructions. En admettant donc la pierre comme matière originaire et générale de toute bâtisse en Egypte, on est porté à croire que la forme de la pyramide, et sa construction ou son revêtement en pierre, dûrent remonter aux temps les plus anciens, et jusqu’aux commencemens de la civilisation, ou de la formation des villes. D’où il est permis de conclure, qu’avant l’érection des grandes pyramides de la Basse-Egypte, et avant que les rois eussent fixé leur résidence à Memphis, déjà il existoit dans les environs de cette ville des tumuli façonnés en pyramide, types et modèles de ceux que la magnificence royale devoit surpasser ment en masse, en dépense et eu ostentation, comme les sépultures royales des hypogées de Thèbes l’avoient emporté, sous les mêmes rapports de luxe et de grandeur, sur les souterrains destinés aux sépultures communes qu’on voit dus la Thébaïde.
Des pyramides de la Basse-Egypte ou de Memphis
Nous donnons ce nòm à ce qu’on appelle ordinairement les pyramides d’Egypte, quoiqu’il ne s’en trouve point dans la Haute-Egypte (celles qu’on a trouvées depuis peu près de Meroé, appartenant à l’Ethiopie), et nous indiquerons encore sous cette dénomination générale, toutes celles que les voyageurs modernes distinguent par les noms de pyramides de Gizée, d’Aboukir, de Saccara et d’Achour. Nous l’avons déjà dit, tous ces monumens paroissent avoir formé, dans un espace d’à peu près trois lieues, la Nécropolis, ou la ville des morts de Memphis, cette ville qui ne subsiste plus aujourd’hui que dans les restes de ce que nous appellerions son cimetière. On n’est pas même trop d’accord sur l’emplacement qu’elle occupa.
Il ne sauroit entrer dans le plan de cet article de donner des notions sur les cinquante pyramides plus ou moins conservées que l’on compte encore dans la Basse-Egypte, ni de rechercher la date de leur construction. L’incertitude qui règne à cet égard-chez les écrivains, même de l’antiquité, semble être une preuve de plus de leur ancienneté. Quelle que soit l’époque de leur construction, on peut croire qu’il n’existe point de monumens plus antiques. De ce qu’Homère n’a point parlé des pyramides, quelques-uns ont voulu conclure de-là qu’elles n’existoient point encore de son temps. Mais cette conséquence, qui ne reposeroit que sur un fait négatif, a même contr’elle beaucoup d’autres considérations : car il est à peu près certain qu’an temps d’Homère il y avoit eu très-peu de communications entre la Grèce et l’Egypte, et il paroît que ce qu’on peut trouver de fort anciens rapprochemens entre les deux pays, avoit eu lieu par l’intermédiaire des Phéniciens. Le siècle d’Homère n’étoit pas encore celui où la curiosité des voyageurs, enhardie par les progrès d’une civilisation réciproque entre les peuples, devoit apporter à l’histoire les matériaux dont elle se compose.
On ne retrouve plus aujourd’hui la totalité des pyramides dont les anciens auteurs ont fait mention. Celles qui, suivant Hérodote, étoient dans le lac Mœris, n’existent plus ; il n’y a plus de traces de celles qui, selon Hérodote, Diodore, Pline et d’autres, avoient appartenu nu labyriathe, fameuse construction dont il n’est resté que le nom. D’autre part, les voyageurs moderners ont vu et décrit les vestiges d un grand nombre de pyramides qui n’ont pas même été indiquées par les Anciens.
Il paroît qu’une certaine période vit élever la plupart de ces monumens. Du moins est-il certain que tous les rois auxquels on en attribue la construction, ont régné immédiatement l’un après l’autre, dans un espace de cent cinquante à deux cents ans. Mais on ne sauroit déterminer avec exactitude par quel roi et à quelle époque chaque pyramide été bâtie, les anciens auteurs s’accordant très-peu sur ce point. Il n’est donc point possible d’établir en ce genre ce que l’on aimeroit à y étudier, c’est-à-dire, les pas et les progrès de l’art de bâtir, et une sorte de chronologie qui indiquât soit les degrés de l’industrie, soit ceux de l’ambition des princes qui la mirent en œuvre.
Faute de cette échelle de proportion, on est contraint de citer, comme les premiers ouvrages, ceux qui l’emportent sur tous les autres par la masse, par la grandeur linéaire et le luxe des matériaux. Ainsi, en tête de toutes ces constructions, cite-t-on ordinairement les trois pyramides de Ghizé, qu’on distingue par les noms des rois Çheops, Chephern et Mycerinus.
La plus grande et la plus célèbre, celle de Cheops, fut élevée sur le plateau d’un rocher, auquel Hérodote a donné cent pieds d’élévation, quoique Norden depuis ne lui en ait donné que soixante ; mais les changemens qui arrivent dans le niveau de ces terrains, suffisent pour expliquer ces différences de mesures. On ne sauroit, dit un voyageur moderne, choisir un emplacement plus avantageux pour un monument de cette nature. La montagne libyque, plus élevée, au nord, à une lieue de distance, s’abaisse ici tout-à-coup. Le plateau du rocher s’avance comme on isthme vers la plaine, et procure à lapyramide on exhanssement, qui ajoute beaucoup à l’idée que, de loin, on se forme de sa hauteur.
Selon Hérodote, les pierres qui avoient servi à la construction de cette pyramide, avoient été tirées des carrières des montagnes orientales, aux frontières de l’Arabie. Cela est absolument contraire aux observations des voyageurs modernes. On aperçoit (dit le général Grobert) à l’endroit où les saillies de la montagne sont plus prononcées, de grandes carrières taillées verticalement, et dont on a évidemment extrait la pierre qui a servi à la construction de toutes les pyramides de Ghizé La qualité blanche et friable de la pierre de ces carrières, est certainement semblable à celle de la pyramide de Cheops. Peutêtre, pour accorder la notion d’Hérodote avec celle des modernes observateurs, faut-il supposer que l’historien grec a jugé des pierres de l’intérieur de la masse, parcelles du revêtissement, qui effectivement sont une espèce de marbre blancmat, qu’on trouve dans les carrières de l’Arabie.
On a donné des mesures fort différentes soit de la largeur de la base de cette pyramide, soit de sa hauteur réelle, soit des rapports de la base avec l’élévation totale. Les dernières découvertes ont fixé toutes les incertitudes à cet égard. Il falloit, en effet, avant tout, déblayer la ligne inférieure de cette base, des amas de sable et de décombres, qui ont élevé autour d’elle le terrain de plusieurs pieds. Cette opération a fait déconvrir trois assises enterrées de la pyramide, au-dessous desquelles on a reconnu le rocher caché en cet endroit plutôt par les décombres, que par l’agglomération du sable. La mesure prise alors, d’angle en angle, a donné 728 pieds de largeur à sa base. Pour avoir la hauteur perpendiculaire de toute la pyramide, le voyageur déjà cité, a eu recours au procédé le plus pénible si l’on veut, mais le plus simple et le plus infaillible. Il a mesuré la hauteur partielle de chaque assise, ou de chacun des degrés par lesquels on peut arriver à son sommet, et il a formé une table dont le détail a encore l’avantage de faire connoître les variétés en hauteur, des pierres de chaque assise : l’addition totale de toutes ces mesures a donné, pour hauteur de la pyramide dans l’état où elle se trouve aujourd’hui, 447 pieds. Cependant il est bon d’observer que le sommet, d’après des observations qui ont été faites sur la dégradation progressive qu’il a éprouvée, devant toujours aller en diminuant, on doit lui ajouter deux ou trois assises, qui portent la hauteur totale au moins à 450 pieds.
Nous aurons à parler encore de cette pyramide, de ses matériaux, de sa construction et du revêtement dont elle a été dépouillée.
La pyramide de Chephren, la plus grande après celle de Cheops, a encore son sommet garni du revêtement dont tout le reste a été dépouillé. Les pierres avec lesquelles elle est construite, sont énormes : il en est qui ont vingt pieds de longueur. La partie inférieure jusqu’à la première assise, au dire d’Hérodote, étoit en pierres d’Ethiopie de diverses couleurs. Il paroit effectivement qu’on y avoit pratiqué, vers la base, quelques assises carrées, en guise de socle. La conservation de la portion de revêtement qui est au sommet, fait voir qu’à l’exception de ces gradins du socle, le tout étoit lisse, et avoit reçu un enduit sur lequel on avoit appliqué les dalles de marbre. On voit encore des restes ce cet enduit. Il est formé de gypse, d’un peu de sable et de quelques menus cailloux. Il se conserve assez blanc ; on l’aperçoit de loin, et lorsque le soleil l’éclairé, il réfléchit tant soit peu la lumière. Cette illusion a fait dire à quelques auteurs, que le haut de cette pyramide étoit d’un granit très-fin. Il est certain que la pierre dont est bâtie la pyramide de Chephren, est la même que celle du noyau des autres pyramides de Ghizé.
La pyramide de Chephren a 605 pieds de large à sa base, et sa hauteur est de 398.
La troisième pyramide, celle qu’on appelle de Nycerinus, a 280 pieds de base apparente, et 162 d’élévation. On ne pense pas qu’elle soit de beaucoup enterrée. Cette mesure ne s’éloigne pas de celle des trois plèthres qu’Hérodote lui a donnés, et la mesure de Pococke en diffère très-peu. L’enlèvement de son revêtement date de temps assez modernes. On trouve encore dispersés ou entassés près de sa base de beaux morceaux de granit d’Eléphantine, et dans les environs du monument, d’autres débris, à la vérité plus rares, de marbre noirâtre.
Tous les auteurs attestent que cette pyramide, construite par un roi qui, dans la durée de son règne, chercha par sa justice et sa modération, à faire oublier la tyrannie de ses prédécesseurs, étoit moindre dans ses dimensions, mais qu’elle étoit remarquable par la beauté des pierres d’Ethiopie, qui en formoient le revêtement. Pline en a dit : Tertia minor prœdictis, sed multo spectatior œthiopicis lapidibus assurgit.
Nous ne nous proposons point d’entrer dans l’énumération des autres pyramides de la HauteEgypte, encore moins d’en faire connoître les variétés de forme ou de construction, et les mesures. C’est la matière d’un grand ouvrage qui n’a point encore été entrepris. Depuis le temps où a paru, dans ce Dictionnaire, l’article de l’Architecture égyptienne, où nous avons recueilli déjà quelques notions sur lespyramides, il u’a, guère paru que des détails incohérent à cet égard. Nous sommes donc toujours obligés de nous restreindre à ce qu’on doit appeler des connoissances générales.
Il auffira aux notions annoncées par le titre de ce paragraphe, de dire, qu’il en fut des pyramides comme de tous les autres genres d’édifices. Si leur forme suivit constamment le type donné par la raison de la solidité et par l’usage, il régna beaucoup de variétés dans leurs mesures et dans leur bâtisse. On n’y employa point toujours la pierre. Hérodote nous parle d’une pyramide bâtie par Asychis, successeur de Mycerinus. Ce prince, dit-il, voulant surpasser tous les rois qui avoient régné en Egypte avant lui, laissa pour monument une pyramide de briques, avec cette inscription gravée sur une pierre : Ne me méprise pas en me comparant aux pyramides de pierres. Je suis autant au-dessus d’elles, que Jupiter est au-dessus des autres dieux ; car j’ai été bâtie des briques faites du limon tiré du fond du lac.
Quelques-uns ont pensé que la grande pyramide de Sakara, qui est construite en grondes briques, peut bien être celle d’Asychis.
Du reste, il est constant par plus d’un de ces monumens encore aujourd’hui existans, qu’on construisit des pyramides, c’est-à-dire, au moins leurs paremens extérieurs, par plusieurs rangs de briques crues.
Il seroit curieux d’avérer si, dans ce grand nombre de pyramides plus ou moins ruinées, il s’en est trouvé qui, sans sortir de la forme pyramidale, auroient été construites, par exemple, dans la figure de cône.
Les anciens voyageurs font naître, à cet égard, des soupçons auxquels il est assez prudent de ne donner aucune consistance.
Y eut-il encore des pyramides du genre de celles que ces voyageurs ont appelées pyramides à degrés ou à étages ? Ils ont cru en reconnoître plusieurs dans cette forme. Elle consiste en ce que la ligne de l’angle est interrompue par des ressauts, et que la masse totale se compose de parties en retraite les unes au-dessus des autres, Pococke a compté cinq retraites ou étages à un de ces monumens sans compter son soubassement. Ces étages auroient vingt-deux pieds de hauteur perpendiculaire.
Que faut-il croire de cette particularité ? Seroit-elle l’effet d’une dégradation opérée, soit par le temps, soit par quelque démolition systématique, ou bien y verroit-on une manière de faire servir pour la construction ces sortes d’étages, à être un échafaudage naturel, et auroit-on fini par remplir ces intervalles en procédant du baut en bas ?
Cette conjecture est devenue une certitude, comme on le verra, grâce à ceux qui ont pu, sur les lieux, recueillir de ces renseignemens qu’on ne peut trouver que là, et auxquels aucune divination ne sauroit suppléer.
On ne répétera point ici ce qui a déjà été dit, sur cet objet, à l’article de l’Architecture égyptienne. Nous bornerons celui-ci à quelques notions générales, qui, en faisant connoître les moyens de construction mis en œuvre par les Egyptiens, diminuent un peu le merveilleux que, de tout temps, on s’est exagéré, à la vue ou sur l’idée de ces énormes masses de matériaux.
Et d’abord il paroît bien prouvé, comme on l’a déjà fait voir, qu’il faut décompter trois points fort importans dans l’évaluation des matériaux de construction, dont se composent ces masses.
Premièrement ce que l’on doit en appeler la base, qui fut l’ouvrage de la seule nature. On sait que tous les grands édifices exigent, pour la solidité de leur élévation, de très-grands travaux, et une dépense considérable de matières, qu’on enfouit dans la terre, sous le nom de fondations. Les grandes pyramides de Gyzée n’eurent point besoin du cette dépense. Elevées sur un plateau formé de la même pierre que celle qui servit à leur bâtisse, elles trouvèrent, sans peine et sans frais, un fondement inébranlable ; ce qui a plus qu’on ne pense, contribué à leur conservation. Tous les voyageurs conviennent que le plateau qui semble leur servir de piédestal, fut aplani par l’art.
Secondement, en parlant de l’origine probable des pyramidesque nous avons cru voir dans l’usage des tumuli, ou l’emploi des buttes de terre naturelles, creusées pour recevoir les corps, nous aurions pu nous appuyer de l’autorité même de leurs imitateurs. , c’est-à-dire, des pyramides bâties, qui toutes nous offrent, plus ou moins, l’idée et la réalité même d’une montagne revêtue. Certainement lapyramide, ainsi considérée, perd beaucoup du merveilleux de sa dépense et de sa difficulté ; mais on ‘est obligé de convenir qu’il eût été insensé de créer à grands fràis une massa énorme-de construction perdue pour les yeux, et qui n’eût offert qu’un noyau moins solide, et une vaine dépense. Il paroît donc constant, que le premier soin des constructeurs fut de se procureur ce noyau naturels ; d’y pratiquer les conduits ; les puits, les galeries, les chambres auxquelles elles conduisoient, et dont les issues devoient disparoître par les revêtissemens successifs de la massé. Voilà donc deux économies de matière et de maind’œuvre, celle des fondations et du noyau.
Troisièmement, la dégradation de plusieurs de ces monumens a mis à découvert un autre moyen économique dans leur construction. On a vu que les pyramides de Gyzée furent construites tout près des carrières, ou des montagnes d’où furent extraites les pierres qu’on employa dans leur bâtisse. La taille de ces pierres apportées sui le chantier, où on les travailla, dut procurer une énorme quantité de recoupes. Ce sont ces mêmes recoupes qui servirent à former, avec le mortier qu’on y mêla, le second noyau, ou pour mieux dire l’enveloppe du premier noyau dont on vient de parler. Ce moyen de construction fort économique, devint en même temps fort cou mode au constructeur, pour régulariser définitivement la forme de la masse générale. Il put dès-lors procéder à mettre dans la pente de ses quatre faces, une précision géométrique. Il put donner à cette masse de blocage toute l’épaisseur qu’il jugea nécessaire, et il n’y a dans tout cela, comme on va le voir, qu’une simple maçonnerie, qui n’exigea niart, ni difficulté d’échafaudage, ni maind’œuvre fort recherchée, ni la moindre dépense de matérieux. Du temps et des manœuvres, voilà tout.
Quelques-unes des pyramides de Saccara ont mis à découvert le procédé fort naturel par lequel on put parvenir, sans aucun autre échafaudage que la masse elle-même de maçonnerie, à la porter au degré d’élévation et d’épaisseur qu’on voulut lui donner.
Les pyramides dont on parle sont effectivement ou du moins semblent être composées d’étages, et plus d’un voyageur les avoit crues conformées ainsi, pour rester telles qu’on les voit. Pococke les appeloit pyramides à degrés. Cependant les observations des nouveaux voyageurs, rendent de cette conformation une bien meilleure raison. Selon eux, ces pyramides ne furent point terminées, et elles nous sont parvenues dans l’état d’une construction incomplète. Mais cette imperfection donne l’explication du procédé employé par les constructeurs.
Lorsque le premier noyau dont on a parlé, formé d’un monticule réel, ou plus ou moins artificiel, étoit terminé, il s’agissoit de l’envelopper d’une maçonnerie de blocage. On y procédoit en établissant, à partir d’en bas, et selon l’épaisseur convenue, des espèces de terre-pleins, allant en spirale, et formant, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, des terrasses qui tenoient lieu d’échafaudage, et présentoient aux ouvriers des chemins par lesquels ils pouvoient aller et venir dans des sens divers. En répétant, ou pour mieux dire en continuant d’élever ainsi ces sortes de chemins ou terrasses, toujours diminuant d’épaisseur, selon la pente des angles, la maçonnerie, sans embarras et sans aucune difficulté, arrivoit jusqu’au sommet.
Lorsque cette construction étoit parvenue à ce point, on voit combien il fut facile, par une opération rétrograde, de procéder à remplir, avec la même maçonnerie de blocage, les intervalles d’une terrasse à l’autre, en partant de l’angle de la terrasse supérieure, jusqu’à l’angle de celle qui lui étoit subordonnée.
En suivant ce même procédé du haut jusqu’en bas, la pyramide se trouvait très-régulièrement conformée en talus, dans ses quatre faces, sans qu’il ait été besoin d’employer le moindre échafaudage ; car c’est là le point de vue qui devoit guider les constructeurs, dans un pays qui manquoit généralement de bois. Ajoutons que, pour une telle construction, l’échafaudage eût exigé de fort grandes difficultés, et des dépenses considérables.
Maintenant, comme on voit, s’expliquent les pyramides de Saccara, qui offrent de ces étages, ou terrasses en retraite les unes au-dessus des autres, et rien ne peut rendre un meilleur compte du procédé de bâtir, simple à la fois, commode et peu dispendieux, qui servit à élever, dans la proportion déterminée, la masse générale de la pyramide.
Nous voici donc arrivés au point où commence l’opération de l’enveloppe en pierres de taille, qui va cacher la masse de maçonnerie en blocage, dont on vient d’indiquer la construction. Nous parlons surtout des pyramides de Gyzée.
Loin qu’on doive les considérer comme des masses toutes d’une seule matière, il faut les regarder comme ces fruits que la nature a revêtus d’un grand nombre d’enveloppes. Nous en avons déjà distingué deux, nous arrivons à la troisième.
Elle se composoit d’assises faites d’une pierre de taille peu dure à la vérité, si on en croit les voyageurs, mais d’une consistance assez grande pour se laisser tailler en blocs de toute étendue. Il est difficile d’évaluer avec certitude la dépense et le temps que demanda cette enveloppe de pierres. Nous ignorons effectivement jusqu’à quelle profondeur de la masse totale elle s’étend, c’est-à-dire, s’il y a plusieurs de ces rangs ou assises de pierres disposées les unes en avant des autres. Mais les indications dont on parlera dans la suite, doivent faire croire que le parement en pierres ne se composa que d’une seule couche de pierres. Quoi qu’il en soit, nous savons, et par les notions d’Hérodote, et par le fait de l’ascension facile jusqu’au sommet de la grande pyramide, que ces assises formoient des degrés en retraite l’un sur l’autre. C’est en montant, comme on l’a vu plus haut, tous ces degrés, que l’on est parvenu, par la mesure de chacun en hauteur, à connoître très-précisément celle de la masse totale, en ligne perpendiculaire.
Le nombre des assises existantes au temps de l’expédition d’Egypte, étoit de 205 ; il est probable qu’il devoit en manquer au moins deux dans le haut. Sur ces 205 assises on en trouve 90 dont la mesure en hauteur varie depuis 1 pied 11 pouces, jusqu’à 1 pied 8 pouces ; le plus grand nombre est de 1 pied 10 pouces. On compte 101 assises dont la hauteur varie depuis 2 pieds 11 pouces, jusqu’à 2 pieds ; 13 assises dont la hauteur varie depuis 3 pieds 10 pouces, jusqu’à 3 pieds. Enfin deux seules assises, l’une de 4 pieds de hauteur, l’autre de 4 pieds 6 pouces.
Il ne paroît pas, d’après le tableau arithmétique de toutes ces assises, qu’il y ait eu un ordre, établi dans l’emploi qui fut fait de ces différentes mesures de pierres. On remarque seulement que les six premières assises d’en bas sont composées de pierres dont la hauteur varie de 3 pieds 10 pouces 6 lignes, jusqu’à 3 pieds. Du reste, le hasard paroît avoir contribué seul à entremêler ces différens ordres d’assises.
Hérodote nous avoit déjà appris que la grande pyramide avoit été ainsi formée d’assises de pierres disposées en degrés, qui depuis ont servi d’escalier aux curieux pour monter au sommet, mais qui, dans l’intention des constructeurs, devoient servir de moyen fort naturel pour l’ascension des pierres. « Elle fut bâtie (dit cet historien) en forme de degrés…… Après qu’on l’eut ainsi façonnée, on éleva le reste des pierres, à l’aide de machines faites de pièces de bois courtes ; on les monta d’abord sur le premier rang d’assises. La pierre, arrivée sur ce premier degré, étoit reçue par une seconde machine placée elle-même sur le second degré. De-là, et de machines en machines, on la faisoit monter de degré en degré ; car il y avoit autant de machines que d’assises. Ou bien l’on transportoit au degré qu’on vouloit, la machine, qui étoit uniforme et facile à déplacer, après qu’on en avoit enlevé la pierre. Je rapporte la chose des deux façons, comme je l’ai ouï dire. On commença donc à poser ainsi les parties du sommet, puis les suivantes, et l’on finit par les parties inférieures et celles qui touchent le sol. »
On peut donc se former une idée fort juste de tout ce système et de tous ces procédés de construction. Sans doute, et surtout si l’on multiplie indéfiniment les rangs d’assises dans l’épaisseur de la pyramide, il y a lieu de s’étonner de la longueur du travail. Mais si l’on suppose qu’il n’y eut par-dessus la manœuvre du blocage, qu’un seul et unique rang d’assises de pierres en épaisseur, et lorsqu’on voit que chaque assise n’étoit formée que de pierres de deux à trois pieds d’épaisseur, de longueurs diverses et simplement équarries, on voit que tout ce travail pourroit s’évaluer par un simple toisé, et que pour en connoître la dépense, il ne s’agiroit que de connoître le prix de la journée des ouvriers que l’on y employa.
Nous avons appliqué à la construction même des assises par degrés, le procédé d’ascension des pierres que le texte d’Hérodote n’applique, dans le fait, qu’aux pierres du revêtement dont il nous reste à parler. Il faut remarquer effectivement, que, selon ses paroles, on les avoit posées à partir du sommet, ce qui ne peut avoir lieu ainsi, que pour la dernière enveloppe. Les assises par degrés ne purent être établies, au contraire qu’en procédant de bas en haut, et les mêmes machines furent nécessaires à l’érection de ces degrés.
La pyramide reçut donc, pour son achèvement, un dernier mode de construction, qui en devint le parement. Ce parement dut faire de ces quatre côtés quatre surfaces unies, et présenter autant de talus lisses et glissans. Ainsi fut-elle vue par Hérodote, comme le prouvent les derniers mots du passage qu’on a cité, desquels il résulte que le revêtement ne formoit plus de degrés, puisqu’il falloit le commenœr par en haut. Pline nous le donne également à entendre, lorsqu’il dit que, de son temps, il y avoit des gens assez adroits pour monter jusqu’au sommet de la grande pyramide, ce qui n’auroit eu rien d’extraordinaire, si le revêtement n’eût pas été lisse, et ce qui devenoit toutefois possible, vu la grande inclinaison des angles.
Hérodote, les récits tant des anciens que des nouveaux voyageurs, et les débris qu’on recueille encore au bas de la grande pyramide, attestent qu’elle fut revêtue d’une pierre plus précieuse qu’on donne pour du marbre blanc. Cette matière, rare en Egypte, se trouvoit, à ce qu’il paroît, assez abondamment sur les bords de la Mer Rouge, et pouvoit en trois jours être transportée en Egypte. Cette pierre qu’on appeloit arabique, quoique moins blanche que les marbres blancs qu’on exploite aujourd’hui, donnoit un fort beau poli et des blocs d’une assez grande étendue ; ceux qu’on employa au revêtement de la grande pyramide, avoient trente pieds de longueur, au dire d’Hérodote.
Si maintenant on se figure la pyramide bâtie en degrés de pierre ordinaire, avant le revêtement qui devoit donner à ses quatre faces une superficie toute lisse, on ne peut s’expliquer que de deux façons la manière dont on procéda à cette dernière construction. Ou ce fut en pierres taillées carrément sur chaque assise des degrés, ou ce fut par des pierres taillées en forme de prismes, remplissant l’angle rentrant, formé par deux de ces degrés. Dans le premier cas, il est facile de voir que ces pierres taillées carrément et posées de haut en bas sur chaque degré, auroient produit un degré de plus en saillie dans toute la longueur de la ligne inclinée des quatre faces rampantes.
On n’auroit pu, dans cette hypothèse, se procurer la superficie lisse des quatre faces rampantes, qu’en retranchant après coup, c’est-à-dire, après la pose, l’excédant de matière formé par la saillie de chaque degré, ce qui eût occasionné une perle considérable de temps et de matière, en exigeant un travail difficultueux à faire en place ou ce qu’on appelle sur le tas. Il paroît donc certain que le revêtissement de marbre fut formé de morceaux taillés en triangle à la mesura des degrés différens de hauteur, dont il falloit remplir l’intervalle d’angle en angle. Il suffisoit alors de tailler des blocs quadrangulaires et de les scier en deux, d’angle en angle. De-là économie de matière, de main-d’œuvre, de temps et de peine. C’est à monter de tels morceaux, que le texte d’Hérodote nous apprend que servoient les machines dont il parle.
L’économie dont nous venons de parler, fut encore plus nécessaire pour la construction du revêtement de la troisième pyramide de Gyzée, appelée de Mycerinus, qui beaucoup moins importante par la grandeur de sa masse, le fut bien davantage par le travail de son revêtement qu’on fit en granit.
La recherche des différens genres de travail, de matériaux et de main-d’œuvre des pyramides de la Basse-Egypte, seroit le sujet d’un ouvrage qui n’existe pas encore, et il suffira à cet article d’indiquer en peu de mots les notions principales qu’on trouve chez les voyageurs.
Il se pourroit que le plus ancien mode de construction eût consisté à envelopper une butte naturelle ou artificielle d’un parement de briques crues. Telles se présentent plusieurs des pyramides du Fayoum, Dans quelques-unes, l’éboulement de ces briques est arrivé à un tel point, que de loin on croit voir de simples monticules. Resteroit à savoir si cette enveloppe de briques crues recevoit un revêtissement qui en garantît la durée.
L’état de dégradation dans lequel nous sont parvenues le plus grand nombre des pyramides, a mis à découvert, dans beaucoup de ces monumens, le mode de construction de leur massif. Il paroît avoir consisté généralement dans une maçonnerie en blocage, de pierrailles de toute nature, employées, ce qu’on appelle à bain de mortier. Quelques chaînes de pierre auroient servi de liaison à cette maçonnerie. Si l’on en croit Pococke, il y a de ces pyramides qui ont leurs angles et le milieu de leurs faces garnis et renforcés par de semblables chaînes de pierre, et ces pierres sont des blocs d’une assez grande étendue.
Très-probablement la maçonnerie rustique et vulgaire, dont on a parlé, aura été recouverte d’un enduit de stuc. Sur ce point, en effet on ne sauroit douter que l’usage des enduits n’ait été pratiqué. Nous avons vu que la pyramide de Chephren porte des vestiges d’un stuc brillant, et plusieurs ont cru que le haut de son revêtement, au lieu d’être en marbre blanc, n’étoit qu’un stuc qui en jouoit les apparences.
Le grand nombre de pyramides récemment découvertes par M. Caillaud, dans son voyage à Meroé, et dont il nous reste à parler, donne des lumières nouvelles sur le genre de construction des pyramides de la Basse-Egypte. Quoique ces monumens paroissent être d’une date beaucoup plus récente, et bien que leurs masses, fort inférieures en étendue, annoncent une construction moins dispendieuse, cependant tout, dans le pays où elles se trouvent, temples, hiéroglyphes, statues, etc. , est conforme aux mêmes ouvrages en Egypte. On ne sauroit, par conséquent, se dispenser de reconnoître ces monument comme entièrement égyptiens, quel que soit l’âge qui les vit élever. Dès-lors on ne peut se refuser à croire que les mêmes procédés de construction se seront transmis avec les mêmes usages, les mêmes opinions, le même goût et le même style de dessin et de composition.
Des pyramides de Meroé ou d’Assour en Ethiopie.
Plus d’une raison, tirée des mœurs, de la religion, de l’état politique de l’Egypte, et surtout de sa position géographique, nous explique pourquoi cette nation, resserrée en quelque sorte dans certaines limites naturelles, étendit beaucoup moins qu’on ne pourroit le croire, ses rapports avec les autres peuples. L’aversion que l’Egyptien avoit pour la navigation, rendit inutiles, pour lui, les mers qui l’avoisinoient. Elles furent, au contraire, une des causes de son isolement. Borné ainsi, de toutes parts, par la mer, les montagnes et les déserts environnons, et comme renfermé dans la vallée du Nil, on conçoit aisément que, soit pour une cause, soit pour une autre, l’influence de ce peuple ne put guère exercer son action qu’en remontant le Nil, et en pénétrant, dans la même direction, chez les nations placées au-dessus de lui, sur les rives du même fleuve.
Ce n’est pas ici le lieu de rechercher l’origine de la civilisation égyptienne, le point de son départ, et les routes qu’elle a suivies. En prenant aujourd’hui pour guides, dans cette matière, les autorités de l’histoire et celles des monumens, on est assez d’accord que Thèbes devança Memphis, c’est-à-dire, que la Haute-Egypte fut primitivement le siège du Gouvernement. lI est reconnu que quelques-unes des ruines de la Thébaïde annoncent encore une plus grande antiquité que celle des autres monumens répandus dans le reste de l’Egypte. En prenant Thèbes comme point de centre, il serait donc probable que les arts de l’Egypte auroient suivi soit eu descendant, soit eu remontant le Nil, le mouvement naturel qui devoit porter l’influence de ce peuple au-delà peut-être des limites de sa puissance politique ; car il est impossible que le peuple civilisé ne finisse point par conquérir d’une manière ou d’une autre, des voisins moins avancés que lui dans la civilisation.
Nous présumons donc que l’Egypte ne pouvant étendre la conquête dont on parle, qu’en remontant toujours se Nil, aura nécessairement porté son langage, son culte, et l’écriture par signes figuratifs qui constitua ses arts, d’abord dans la Nubie, qui lui étoit limitrophe, el où l’on trouve des monumens qui se recommandent aussi par une assez grande antiquité.
Nos connoissances sur les monument de l’Egypte s’étoient aussi arrêtées à ce point, lorsque le voyage entrepris par M. Caillaud, et dont le point de départ est l’extrémité de la Nubie, nous a révélé une nouvelle extension des arts égyptiens en Ethiopie. La découverte de Meroé et de ses monumens, ainsi que de diverses autres ruines qu’on trouve à mesure qu’on remonte le Nil, nous apprennent, par la plus parfaite ressemblance de leurs ouvrages, avec ceux de l’Egygte, qu’il y eut, n’importe à quelle époque, identité d’usages, de croyance, d’opinions religieuses, et que les mêmes idées s’y exprimèrent par les mêmes signes. Mêmes plans et configurations de temples, mêmes élévations, mêmes frontispices ou pylones, même emploi, sur ces parties, des mêmes caractères hiéroglyphiques, même genre de dessin, de sculpture, de composition décorative, même forme de statues, etc.
Ce que cette nouvelle conquête a de plus important, pour l’article qui nous occupe, c’est-à-dire, quant aux pyramides, c’est qu’on y voit des monumens de ce genre presqu’aussi nombreux aux environs de Meroé, que le furent ceux de la Basse-Egypte, aux environs de Memphis.
Sur divers emplacemens, les pyramides de Meroé sont élevées sans aucun ordre ni symétrie, par groupes de douze ou quinze. Si l’on en croit les indications de toutes celles qui, étant entièrement ruinées, ne présentent plus que les vestiges de la place qu’elles occupèrent, il paroît que, sans crainte de se tromper, un peut en compter plus d’une centaine.
L’ouvrage de M. Caillaud n’étant pas encore terminé, et le texte ou les explications qui doivent l’accompagner, n’ayant point encore paru, nous nous bornerons a un léger aperçu de cette partie curieuse de l’histoire des pyramides, et nous serons encore plus courts sur les résultats, que ce parallèle mettra un jour la critique, à même d’en tirer, pour l’appréciation des arts de l’Egypte.
Ce qu’il faut dire d’abord des pyramides de Meroé, c’est qu’elles sont toutes d’une fort petite dimension, comparée à celle des pyramides de la Basse-Egypte. D’après l’échelle donnée, les plus grandes n’auroient guère eu plus de cinquante pieds de hauteur. On y trouve des variétés assez nombreuses, surtout quant à la forme pyramidale. Quelques-unes forment un angle assez aigu, et leur base n’a guère, en largeur, plus des deux tiers de leur hau eur totale. Leur construction est très-propre à confirmer ce que nous avons dit du système de bâtisse des grandes pyramides de Memphis. A Meroé, un grand nombre de pyramides plus ou moins dégradées fait voir, qu’elles ne sont autre chose, qu une masse de maçonnerie composée de pierrailles unies par le mortier. La petitesse de ces masses ne rend point nécessaire de croire, qu’on auroit profité, pour en former le premier noyau, d’un monticule donné par la nature. On pratiqua dans la maçonnerie la chambre sépulcrale, et cet espace auquel pouvoit conduire le temple adossé à la pyramide une fois bouché, on revêtissoit les quatre faces de paremens de pierre taillée carrément, qui paroissent toutefois avoir formé des degrés. A une de ces pyramides, selon l’observation de notre voyageur, on abattit les arêtes de ces degrés, pour faire un talus lisse et glissant.
La plupart des pyramides avoient les arêtes de leurs quatre faces renforcées dans toute la hauteur, d’une chaîne de pierres saillantes, qui y formoit comme une sorte d’encadrement. Il se trouve de ces cadres ou bordures qui sont en forme arrondie.
Le sommet des pyramides paroît s’être terminé tantôt en pointe fort aiguë, tantôt en plate-forme plus ou moins large. Il y a de ces plates-formes où l’on voit pratiqué un trou qui servit à recevoir, sans aucun doute, le tenon ou le crampon de quelqu’ objet, qui faisoit amortissement à la masse totale. La base de quelques-unes se termine par un listel, et repose sur une espèce de socle ou de plinthe.
Généralement, on doit dire de la construction de ces nombreux mounmens, qu’elle fut peu dispendieuse, qu’il n’y eut ni difficulté dans leur exécution, ni embarras pour leur, échafaudage, ni habileté dans leur main-d’œuvre, ni grande dépense de temps, ni rareté dans leurs matériaux. Il ne paroît point que la pierre du pays y ait été recouverte par une matière plus précieuse, et rien n’indique des restes d’enduits propres a conserver tout à la fois, et à orner les surfaces de l’appareil en pierre.
Quel que soit, comme on le voit, l’intervalle qui, pour la dimension, la difficulté, la dépense et la valeur qu’on attache, en construction. a tout ce qui est grand, doive séparer, dans l’opinion, ces monumens, de ceux de la Basse-Egypte, toutefois on en pourra tirer les conséquences les plus curieuses et les plus utiles, pour fixer enfin toutes les incertitudes, soit sur l’ensemble qui compléta jadis les pyramides de Memphis, soit sur leur emploi, resté jusqu’à nos jours objet de contestation entre les savans.
1°. Entre les particularités dont les pyramides de Meroé nous permettent de faire l’application aux pyramides en général, et qui tendent à vérifier les notions des anciens historiens, on a pu remarquer celles qui se rapportent à leur amortissement. II paroît qu’elles pouvoient se terminer dans leur sommet, ou par une pointe aiguë, ou par une petite plate-forme, ou par quclqu’objet sur-imposé, ce qui constate la manière dont l’histoire nous dit qu’étoient terminées ces pyramides du lac Mœris, au sommet, desquelles selevoient des colosses.
2°. La méthode universelle de la construction des pyramides de Meroé, nous les montre toutes comme un simple massif de la maçonnerie la plus ordinaire, revêtu d’un seul parement de pierre de taille, c’est-à-dire, d’un seul rang d’assises en profondeur. Si on doit appliquer cette méthode aux grandes pyramides de Memphis, on verra diminuer beaucoup l’idée que l’imagination s’est toujours exagérée d’un semblable travail, dont on peut évaluer la dépense par le plus simple de tous les calculs, le toisé d’une superficie de pierres taillées carrément sans aucun art. Celui qui prendra la peine de faire ce calcul, et d’en additionner la masse en pieds cubes, puis de faire la même opération sur la masse de pierres de certains édifices, tels, par exemple, que le colisée de Rome, indépendamment de tout le travail d’architucture, qui, dans ce monument, peut être évalué au décuple de celui de l’équarrissage de la pierre, celui-là, dis-je, ne s’etonnera pas qu’on ait pu dire à la vue du l’amphithéâtre de Vespasien : Barbara pyramidum sileant spectacula Memphis.
3°. On trouve plus d’une pyramide environnée d’une enceinte qui comprend et renferme la masso de la pyramide et celle du petit temple ou sanctuaire qui s’adossoit à la face antérieure. On aperçoit à un très-grand nombre de ces pyramides des restes plus ou moins conservés de petits temples, entièrement conformes, par leur plan, leur élévation, et les détails de leur décoration, à tout ce qu’on connoît des temples égyptiens. Ces petits temples sont précédés d’un pylone, et on y reconnoît tous les accessoires ou hiéroglyphes sculptés de relief en creux, qui appartiennent à tous les monumens de l’Egypte. En rapprochant de la disposition accessoire des pyramides de Meroé, et les notions de l’histoire sur les pyramides de Memphis, et les restes de constructions semblables à celles de tous les temples, restes que les voyageurs nous représentent comme existans dans le voisinage de quelques pyramides, on sera, je pense, très-porté à présumer, qu’il dut y avoir comme adhérent, et attaché à chaque pyramide, un édifice religieux, où se pratiquoient certaines cérémonies, qui ne pou voient avoir lieu dans des tombeaux, dont l’art a voit rendu l’intérieur inaccessible et impénétrable. Si, comme on le suppose, il exista ainsi, en manière d’annexé à chaque pyramide, un temple, dont la grandeur et l’étendue avoient pu être plus ou moins proportionnées à la dimension de la masse pyramidale qu’il accompagnoit, on pourroit voir là l’origine de l’une des opinions avancées sur l’emploi des pyramides, opinion qui consiste à en faire des monumens élevés à la Divinité.
4°. Il nous semble que les pyramides de Meroé sont ce qu’il y a de plus propre à fixer toutes les incertitudes sur l’emploi des pyramides, en faisant voir l’inconvenance et l’impossibilité de toutes les hypothèses astronomiques, allégoriques ou mystiques, que l’on s’est plu, dans les temps modernes, à imaginer pour leur explication.
Que voit-on, en effet, à Meroé ? La même chose qu’il faut voir à Memphis ; un grand cimetière divisé sur plusieurs grands espaces de terrain, aux environs de la ville. Si, d’une part, une semblable destination exclut toute autre interprétation des pyramides, d’autre part, on voit, par le nombre si considérable de ces monumens qui se pressent, en quelque sorte, sur ces différens espaces, qu’il n’y a véritablement aucune autre destination à leur supposer, Peut-on raisonnablement se prêter à l’idce qu’ils étoient des temples ? Seroit-ce dans des lieux éloignés des villes qu’on eût entassé ainsi temples sur temples ? Les idées de monumens astronomiques ou d’observatoires n’ont pas plus de vraisemblance. A quoi auroit servi cette multitude d’édifices, destinés à l’observation, là, où un seul auroit suffi à cet emploi ? Toutes les autres opinions ont moins de consistance encore, et la suite de cet article va nous montrer, que le soin de la sépulture ou de la conservation des corps, ayant été, chez tous les peuples de l’antiquité, le principe des plus grands et des plus solides monumens, la forme de pyramide, comme la plus durable de toutes celles que l’art de bâtir puisse imaginer, fut aussi celle qui fut la plus générale dans la construction des tombeaux.
Des pyramides hors de l’Egypte.
Pyramides en Asie. — Les renseignemens relatifs aux monumens de l’Asie, doivent, quant à l’architecture, se diviser en deux classes, ceux dont nous avons connoissance par les relations des voyageurs modernes, et qui appartiement très-probablement aux temps postérieurs à la haute antiquité, et ceux que les anciens écrivains nous ont fait connoître, dans les détails de leurs histoires, qui se rapportent à cette vaste contrée.
En suivant cette distinction, par rapport aux notions qu’on peut avoir sur les pyramides en Asie, nous passerons promptement, dans cette recherche, sur les opinions des voyageurs ou des critiques, à l’égard de ce qu’ils ont appelé des pyramides dans l’Inde. Déjà, à l’article de l’Architecture de ce pays (voyez Indienne (Architecture), nous croyons avoir suffisamment fait entendre, quelle avoit été l’exagération des voyageurs, qui pour la grandeur de la construction et l’élévation des masses, s’étoient plu à comparer certaines pagodes pyramidales de l’Inde aux pyramides de l’Egypte. Mais nous répéterons ici, que c’est confondre toutes les idées, que do donner le nom de pyramides à tout édifice qui se termine en pointe. Le mot pyramidal (voyez ci-dessus) a dû faire voir que la forme qu’on appelle ainsi, est I’effet du seul instinct de la solidité : et de fait on la retrouve dans une multitude de masses d’édifices, qui n’ont rien de commun avec la pyramide proprement dite.
Nous croyons que les deux caractères, l’un relatif à l’emploi de l’édifice, l’autre relatif à sa construction, caractères qui constituent la pyramide dans le sens que l’usage a donné à ce mot sont d’être des tombeaux, et d’être massifs.
Premièrement, quant à l’emploi, non-seulement rien ne nous apprend que les pagodes pyramidales de l’Inde, que les tours ou minarets de la Chine et d’autres pays, aient été des sépultures. Tout porte à y voir des monumens religieux, quelques-uns composés d’un assez grand nombre de salles, de galeries ; d’autres s’élevant à une fort grande hauteur, par étages, auxquels on parvenoit au moyen d’escaliers intérieurs, et à la manière des tours de nos églises. Secondement, la construction de ces masses n’offre rien de semblable aux pyramides, ni par l’étendue de leurs bases, ni par la nature de leur appareil, ni par ce caractère de massivité, dont l’objet principal fut de garantir au tombeau une durée éternelle.
C’est pourquoi nous pensons, qu’aucune communication réelle ne s’étant établie entre l’Egypte, et des contrées aussi éloignées d’elle, l’espèce de rapport qu’on trouve, quant à la forme pyramidale, entre quelques pagodes et les monumens sépulcraux des Egyptiens, n’est dû qu’à cette partie de l’intelligence humaine, qu’on appelle instinct, et qui, commune à tous les hommes, ne peut point ne pas rapprocher quelques uns de leurs ouvrages, et leur imprimer certaines ressemblances, quoiqu’il n’ait existé ni communication, ni rapprochement entr’eux.
Nous ne dirons pas la même chose de quelques peuples de l’Asie, où les notions des historiens grees, nous apprennent qu’il exista de véritables et réelles pyramides. On dit véritables et réelles, parce que les unes, par leur forme et par leurs dimensions, les autres par leur destination, nous paroissent avoir dû être des imitations des pratiques égyptiennes ; et puis les pays où ces monumens ont été vus et décrits, non-seulelement ne furent point étrangers à tout contact avec l’Egypte, mais on sait, au contraire, qu’il avoit dû s’établir entr’eux, et d’assez bonne heure, de ces rapports plus ou moins directs, qui conduisent naturellement à une communauté d’idées et d’usages.
Près d’une ancienne ville de Médie, nommée Larissa, Xénophon (Retraite des dix mille, liv. 3, chap 4) fait mention d’une pyramide, construite en pièrres, hors des murs de cette ville. Elle avoit un plèthre de largeur et deux plèthres de hauteur, c’est-à-dire, à peu près quatre-vingts pieds à sa base, et cent soixante jusqu’à son sommet.
Rien ne se rapproche plus des pyramides de l’Egypte, rien n’en retrace mieux l’origine, et ne confirme davantage ce que nous avons avancé sur les élémens de leur construction, que ce tombeau d’Alyates, roi de Lidye, dont Hérodote (liv. I, §. 93) nous a laissé la description. C’est un ouvrage (dit-il) supérieur à tous ceux qu’on admire ailleurs, excepté toutefois les monumens des Egyptiens et des Babyloniens. Son soubassement se compose de grandes pierres, le reste consiste dans une montagne de terre ; au sommet, s’élèvent cinq espèces de cippes avec des inscriptions. Ce monument a 6 stades 2 plèthres de circuit et 13 plèthres de largeur (c’est-à-dire, 598 toises a pieds 10 pouces de tour, sur 204 toises 3 pieds 9 pouces de largeur). Ainsi la largeur des deux laces latérales devoit être de 94 toises 3 pieds 8 pouces.
Selon les mots propres du récit d’Hérodote, le tombeau d’Alyates, père de Crésus, eût consisté, au-dessus de la masse de son soubassement, dans une montagne de terre. Quelques-uns supposent que le mot terre, αωμα γής, peut aussi bien signifer de la terre cuite, c’est-à-dire, de la brique, on bien que l’ame du monument, ayant été une élévation naturelle en terre, l’écrivain, en énonçant ce fait, n’a pas exclu la possibilité d’un revêtement quelconque. Sans entrer dans cette discussion, nous nous contenterons de faire observer que le tombeau d’Alyates, tel qu’il est décrit rentre parfaitement dans les idées et les termes de ces tumuli dont nous avons parlé, qu’on environnait d’un mur, au sommet desquels on élevoit une colonne, et qui furent le type primitif des pyramides.
L’historien Josephe, en décrivant (liv. 13, ch. 6) les grands ouvrages faits par Hérode, ou sous son règne, dans la Judée et autres pays, cite comme un monument des plus magnifiques, le tombeau que Simon fit élever en marbre blanc, pour sa famille, avec des portiques, dont les colonnes, aussi de marbre, étoient d’une seule pierre. On y comptoit sept pyramides, ouvrage d’un travail excellent, et si élevées, qu’on les apercevoit en mer, et que les navires s’en servoient, comme d’un signal, pour diriger leur course. Elles existoient au temps de Josephe, et encore deux cents ans après lui, comme Eusèbe en fait foi.
Pyramides en Grèce. — On ne doit pas s’étonner que les Grecs aient fait peu d’usage de la pyramide dans la construction de leurs tombeaux. D’une part, des réglemens somptuaires avoient pu mettre quelques limites aux dépenses des sépultures ; de l’autre, dans les beaux temps de la Grèce, il se trouvoit peu de fortunes particulières en état de payer de tels ouvrages, et alors la fortune publique de ces petits Etats auroit eu encore moins de moyens de subvenir à ces dépenses. Nous ne trouvons donc, dans les descriptions de Pausanias, qu’une seule mention d’édifice qui paroisse donner l’idée d’une pyramide. En allant d’Argos à Epidaure (dit ce voyageur), on trouve, à droite du chemin, un édifice qui ressemble beaucoup à une pyramide. Ce qu’il faut observer, c’est que cet édifice étoit véritablement un tombeau où furent ensevelis conjointement ceux des deux partis, qui avoient combattu dans la querelle de Prœtus et Acrisius, au sujet de la couronne.
Quoique le monument sépulcral de Mausole ait appartenu à une ville de l’Asie minéure, comme il fut l’ouvrage d’artistes grecs, et fait dans le plus bel âge des arts de la Grèce, nous ne pouvons pas nous empêcher de le mettre au nombre des imitations, que ce pays auroit fait de la pratique égyptienne en fait de tombeaux.
Au mot Mausolée (voyez cet article), nous avons rapporté la description que les écrivains nous ont laissée de ce monument. Nous n’en reparlerons ici, que pour y faire observer la pyramide composée de vingt-quatre degrés, qui s’élevoit au-dessus de la masse quadrangulaire et périptère qui formoit le corps principal de l’ouvrage. Le sommet de cette pyramide recevoit un quadrige en bronze.
Pyramides en Italie. — Ce que Pline, sur l’autorité de Varron, a rapporté du labyrinthe d’Etrurie, qui fut le tombeau de Porsenna, renferme la mention d’un assez grand nombre de pyramides, dont la disposition seroit fort difficile à expliquer, si l’on ne devoit conclure des paroles mêmes de l’écrivain, que ce récit, est entremêlé de détails fabuleux. S’il falloit toutefois trouver à l’emplacement des quatorze pyramides, une explication raisonnable, ce seroit dans les notions de tous les monumens déjà cités qu’on la trouveroit.
Et d’abord, si l’on doit partir d’un point certain, savoir, qu’une pyramide fut toujours un tombeau, il faudra se garder de croire que les pyramides de Porsenna ne furent que des objets construits pour le plaisir des yeux on de la symétrie. Ce fut pour sa famille que Simon, selon le récit de Josephe, avoit fait construire les sept pyramides de son tombeau. Pourquoi les quatorze pyramides du monument de Porsenna n’auroientelles pas eu une semblable destination ?
Si ensuite on se ráppelle combien furent multipliées sur un même espace de terrain toutes les espèces de pyramides égyptiennes, soit près de Memphis, soit près de Meroé, seroit-il improbable qu’un roi d’Etrurie ait consacré aux sépultures royales un espace particulier, avec des souterrains auxquels on donna le nom de labyrinthe, et que les diverses pyramides, dont la description fait mention, aient été des ouvrages successifs ?
Enfin, si on se rappelle que les pyramides, dont la masse intérieure nous est connue, furent plus ou moins des buttes ou des monticules de terre, pourquoi ne supposeroit-on pas qu’il en fut de même en Etrurie, et que le terrain du labyrinthe ou de la sépulture royale de Porsenna, ayant été naturellement formé de semblables monticules, disposés par la nature les uns au-dessus des autres, ce terrain auroit offert une sorte d’amphithéâtre, qui eût donné lieu aux pyramides qu’on y érigea, de paroître s’élever les-unes au-dessus des autres ? Dès-lors disparoitroit, en expliquant ainsi les supra du texte de Pline, la ridicule supraposition de pyramides, dont on chercheroit vainement la possibilité.
On est trop souvent porté à juger, d’après le peu de restes que le temps a épargnés dans les villes antiques, soit du genre, soit de la quantité d’ouvrages et de monumens que le goût ou l’usage avoit pu y multiplier. Rien cependant de plus hasardé que de telles décisions. Comment pouvoir affirmer qu’une sorte de construction n’existe point ou ne fut pas connue dans tel pays, dans telle ville, où à peine trouve-t-on la centième partie des débris de la centième partie de ses monumens ?
Si la pyramide de C. Cestius ne s’étoit point conservée dans le petit nombre des monumens de l’antique Rome, ne seroit-on pas porté à croire que cette forme de tombeau y fut inusiée ? De ce qu’il ne subsiste aujourd’hui que celle-là, nous devons, donc nous garder de penser qu’elle fut la seule.
Il nous semble toutefois que, si la simplicité des pyramides massives fut très-conforme à la simplicité de l’art de bâtir, d’une nation qui, dans tous ses autres édifices, et dans tous les ouvrages de ses arts, resta stationnaire, et invariablement attachée aax procédés primitifs de l’instinct, le même goût ne dut pas avoir la même faveur à Rome. Quand l’architecture peut développer les formes les plus variées, dans des compositions qui réunissent à une égale solidité, le plaisir de l’effet et de la magnificence, on ne revient guère que par fantaisie, aux idées et aux formes monotones de la construction sans art. Et il se pourreit que la pyramide de Cestius eût été dans son temps, pour les Romains, un simple caprice imitatif de l’Egypte, comme nous voyons qu’une sculpture perfectionnée s’étoit plu aussi à reproduire, sous de meilleures formes, les simulacres sans art des divinités égyptiennes.
Quoi qu’il en soit, la, pyramide de Cestius, aujourd’hui tout-à-fait intègre, grâce à la restauration qui en fut faite en 1663, fut construite tout en maçonnerie qui lui sert de noyau, et revêtue d’assises régulières en marbre blanc, formant une superficie entièrement lisse. Un conduit pratiqué dans une de ses faces, à vingt pieds au-dessus du sol, donnait entrée dans la chambre sépulcrale. Un conduit moderne y a été pratiqué au niveau du sol, pour faciliter aux curieux la visite de ce petit intérieur, qui consiste dans une chambre de quinze à seize pieds de large, sur à peu près vingt de longueur, et où l’on a trouvé quelques peintures sur enduit. La largeur de cette pyramide, à sa base, est d’environ quatre-vingt-dix pieds ; sa hauteur est de cent quatorze.
La pyramide repose sur un plateau formé de deux marches. A chacun de ses angles étoient des piédestaux surmontés d’une colonne, et en avant de ces piédestaux, il y en avoit de plus petits, destinés à porter des statues en bronze. Le pied d’une de ces statues s’est trouvé encore inhérent à sa base, avec un bras de même métal.
L’inscription antique, qu’on lit sur une des faces de la pyramide, nous apprend que le monument a été élevé dans l’espace de 330 jours : OPUS ABSOLUTUM EX TESTAMENTO DIERUS CCCXXX.
Ainsi, moins d’une année suffit à un simple particulier de Rome pour élever tout en maçonnerie revêtue de blocs de marbre blanc poli, une pyramide de 114 pieds de hauteur. Qu’on évalue ce matériel comparé à celui de la plus grande pyramide, qui est de 450 pieds ; que l’on augmente encore, si l’on veut, le travail et la dépense, en raison des difficultés que la grandeur de la masse peut occasionnier, on verra, ce me semble, diminuer de beaucoup le merveilleux qu’on s’est plu, dans tous les temps, à s’exagérer sur le compte de ces monumens.
Ce qu’il faut reconnoître en fait d’architecture, c’est que c’est le travail plus que la matière qui en fait la dépense. Or, nulle comparaison à faire entre la façon des paremens d’une pyramide, qui ne sont que des murs en maçonnerie et pierres simplement équarries, et les frais de la taille variée sous des formes sans nombre, de tous les matériaux qui entrent dans la composition de l’extérieur, comme de l’intérieur d’un de nos grands édifices, avec toutes les saillies des entablemens, toutes les courbes des voussoirs, tous les ornemens des membres divers d’une ordonnance, toutes les difficultés causées par les poussées et les résistances. Si l’on veut mettre ces considérations dans la balance, il n’y a personne qui ne puisse placer bien des édifices, tant anciens que modernes, au-dessus des pyramides, je ne dis pas sous les rapports d’art, de goût, de savoir et de beauté, mais seulement sous celui de la dépense de temps, de travail et d’argent.
Nous avons vu (voyez Mausolée) que les Romains auroient pu comparer aux lambeaux des rois d’Egypte plusieurs de ceux de leurs empereurs, qui n’eurent de commun avec les pyramides, que ce qu’il faut appeler la forme pyramidale. Il nous est parvenu toutefois quelques-uns de leurs tombeaux d’une beaucoup plus petite dimension, auxquels on peut donner le nom de pyramides.
Ce qu’un croit avoir été, au Pausilippe, près de Naples, le tombeau de Virgile, est formé d’un soubassement carré, fort élevé, en pierres de taille, couronné par deux rangs de plus grosses pierres, servant de socle à une masse circulaire aujourd’hui tronquée, mais qui n’a pas pu être autre, chose qu’une pyramide ronde.
Le tombeau voisin d’Albano, qu’on appelle, fort improprement sans doute, le tombeau des Horaces et des Curiaces, consiste aussi dans un grand soubassement, quadrangulaire de vingt à trente pieds de haut, ayant une base profilée, et qui se termine par un large bandeau de pierre, sur lequel s’élèvent cinq pyramides circulaires, tronquées dans leur sommet, dont celle du milieu surpassoit les quatre autres en élévation. Ces deux monumens permettent de croire que les Romains, en employant les pyramides dans leurs tombeaux, ont pu souvent leur donner des variétés de formes qu’on chercheroit vainement en l’Egypte. Il a été effectivement déjà remarqué ailleurs que, si l’on excepte les tambours des colonnes, on ne trouve dans ce pays aucune forme circulaire. Cependant on ne sauroit nier qu’une pyramide, ainsi configurée, n’offre encore, pour sa durée, une plus grande garantie, et, contre les efforts du temps, et contre ceux des hommes.
Pyramides chez les Modernes.
Nous avons déjà fait voir à l’article Mausolée (Voyez ce mot) qu’une religion, en tant de points contraire aux opinions. aux passions, aux doctrines du paganisme, avoit dû produire, et dons l’usage des sépultures, et dans les soins de la conservation des corps, et dans les sentimens que fait naître l’idée de la mort, des pratiques fort diverses de celles auxquelles l’architecture antique, fut redevable de ses plus solides et de ses plus magnifiques monumens. Les inhumations bornées dans les enceintes ou des édifices religieux, ou des terrains consacrés, ne donnèrent plus lieu à ces constructions plus ou moins étendues, que chacun étoit le maître de faire élever où il lui plaisoit. Les églises surtout, en recevant les dépouilles mortelles des chrétiens, ne purent donner place qu’à un petit nombre de mausolées, et ce fut la sculpture qui fut chargée d’élever aux personnages les plus distingués, des monumens funéraires.
On comprend dès-lors qu’il n’y eut plus d’occasion d’élever de pyramides, ni aucun autre édifice destiné à la sépulture.
Cependant la forme de pyramide, consacrée de tout temps aux demeures de la mort, resta dans l’imagination des hommes, et dans le langage par signes des arts, affectée à l’idée de tombeau et aux images qui la rappellent. Mais ce fut plutôt un hiéroglyphe, semblable à beaucoup d’autres, que les arts modernes ont empruntés à l’antiquité. Aussi la forme de pyramide ne s’emploie-t-elle, dans la configuration de beaucoup de mausolées, qu’en bas-relief proprement dit, et comme faisant, appliquée qu’elle est à un mur, le fond sur lequel se détachent les figures, les allégories, les statues des personnages qui forment l’ensemble de la composition.
On citera, entre beaucoup d’autres exemples de cet emploi de la pyramide, le mausolée de l’archiduchesse Christine, exécuté à Vienne, par le célèbre sculpteur Canova. Jamais, dans aucun autre mausolée, cet emploi n’a eu lieu avec plus de vraisemblance et de convenance, L’artiste a supposé, avec une sorte de réalité, une pyramide vue par une de ses faces, s’élevant sur plusieurs degrés, et offrant une entrée ouverte, vers laquelle s’acheminent plusieurs figures allégoriques représentant des vertus ; une d’elles tient l’urne funéraire et incline la tête, comme pour entrer dans la pyramide, et y déposer les restes de la princesse. Le génie de la famille est représenté assis sur les degrés, et dans le haut de la pyramide, une Renommée de bas-relief se détache sur le fond, où elle attachera le portrait de l’archiduchesse. Ainsi, dans cette invention, la pyramide n’est pas un simple placage de marbre, elle joue réellement un rôle, et non-seulement elle fait partie de la composition, mais elle en est le motif principal.
On est obligé de convenir que, dans un grand nombre de ces compositions de mausolées, les décorateurs modernes ont eu le défaut de confondre l’idée ou la forme de pyramide, avec la forme et l’idée d’obélisque, qui est étrangère au caractère sépulcral. Tantôt ils ont appliqué au fond de leurs compositions une figure obéliscale, tantôt ils ont mêlé les deux formes, de manière à n’en faire qu’un monument bâtard qui n’est ni pyramide, ni obélisque.
C’est ainsi qu’on a, pendant un temps, nommé pyramides d’amortissement certains objets de forme pyramidale, si l’on veut, mais encore plus ressemblans à de petits obélisques. On les voit à quelques portails d’église, surmonter des parties de leur architecture. Mais ce ne sont là que de ces lieux communs, et qui furent trop communs à une certaine époque de l’art, où l’on plaçoit en guise de statues sur des piédroits, des vases, des cassolettes, des lions, etc., sans aucune autre intention que celle de finir par quelque chose quelle qu’elle fût.
Quelques-uns appellent encore pyramides, ces parties d’amortissement qui s’élèvent du haut de la lanterne d’une coupole, et se terminent par la croix. Il est sensible que, dans ce cas, le mot pyramide ne signifie autre chose que forme pyramidale, ce que nous avons vu être fort différent. Voyez Pyramidal.
De tout ceci, il résulte que la pyramide proprement dite est un édifice entièrement étranger aux usages des peuples modernes, et aux pratiques religieuses des sépultures ; que, hors cette destination, il n’y a aucun emploi à faire d’une masse qui ne présente d’intérêt que par une grandeur sans motif, et par une dépense qui seroit sans fruit.
PYRAMIDER, v. act. On dit, dans le langage des arts du dessin, qu’une composition, qu’un groupe, qu’un édifice, pyramident. On dit faire pyramider ces différens objets, c’est-à-dire, donner à l’ensemble des lignes dans lesquelles leur masse peut être renfermée, une forme qui aille se terminant en pointe, du haut en bas. Nous avons, au mot Pyramidal, donné quelques raisons du plaisir que généralement nos yeux trouvent dans cette forme. On abuseroit cependant de cette règle de goût dans la peinture, si l’on prétendoit y soumettre indistinctement toutes les compositions. De fort beaux ouvrages prouvent que beaucoup de sujets ne sauroient s’y prêter, et ne laissent pas encore de charmer les yeux, et l’esprit surtout, qui demande à l’art d’agir souvent, par plus d’une considération indépendante du plaisir des sens.
En architecture, il est certain que les édifices qui pyramident plaisent d’autant plus aux yeux, que ce plaisir, d’accord avec la raison, repose sur l’instinct qui nous fait aimer, dans toute construction, la solidité dont la forme de pyramide est l’expression sensible. Mais on peut encore ajouter à cette considération, que la figure pyramidale a la propriété d’élever et de faire paroître grandes les masses variées des monumens, qu’on dispose de manière à prendre cette forme. Or, il est certain que l’impression de la grandeur est une de celles que notre ame recherche dans l’architecture, et il n’y a personne qui, en considérant, de loin ou d’en haut, les aspects d’une ville, ne reçoive une sensation flatteuse, de toutes ces sommités d’édifices, qui semblent porter jusqu’aux nues l’orgueil des travaux de l’homme et la gloire de ses arts.
PYRAMIDIUM. On appelle ainsi, dans les obélisques égyptiens, cette petite partie qui en forme l’amortissement et qui se termine en pointe. Effectivement, si l’on tronquoit un obélisque en cet endroit, et qu’on enlevât la partie dont on parle, cette partie formeroit une petite pyramide.
PYTHIUS. Nous réunissons sous ce nom les noms de Pitheus et même de Phyleus, qu’on trouve ainsi écrits dans Vitruve, Mais qu’on croit avoir appartenu à un seul et même architecte, qui, d’après les diverses mentions que l’histoire en a conservées, auroit élevé sur la masse quadrangulaire du tombeau de Mausole, La pyramide formée de vingt-quatre degrés, au haut de Laquelle on avoit placé un quadrige en bronze, et aurait été aussi l’auteur du célèbre temple de Minerve à Prienne.