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Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3/R

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RAB


RABIRIUS, architecte romain, qu’une épigramme de Martial fait connoître comme ayant travaillé sous Domitien.

Il passa pour un des plus habiles architectes de son temps et fut employé à beaucoup d’édifices par Domitien, qui avoit la passion de bâtir. Il, construisit pour cet Empereur, sur le mont Palatin, un palais dont on voit encore quelques ruines. Ceux qui désireroient avoir une idée de ce vaste, édifice, pourront consulter les conjectures de Bianchini, à cet égard, dans son ouvrage posthume intitulé : Palazzo de’ Cesori.

Rabirius construisit encore des temples, éleva des arcs de triomphe, acheva plusieurs édifices publics sur le mont Capitolin et dans plusieurs autres quartiers de Rome. S’il falloit lui attribuer tous les grands travaux ordonnés par Domitien, dans diverses contrées de l’Italie, peu d’architectes auroient eu d’aussi nombreuses occasions d’exercer leur talent. Mais on n’auroit, sur ce point) à produire que de vaines conjectures.

RABOT, s. m. On donne le plus souvent ce nom à un outil de fer acéré, en forme de ciseau, ajusté dans un fût de bois, dont on se sert, en menuiserie, pour dresser et polir le bois.

Mais, dans la construction, on appelle rabot une espèce de pierre de liais rustique, dont se sert pour paver certains lieux, pour faire les bordures des chaussées, pour paver les églises, les jeux de paume et d’autres lieux publics.

C’est ce que les Latins appeloient rudus novum quand il étoit neuf, et rudus redivivum lorsqu’on le faisoit reservir.

RABOTEUR, s. m. Ainsi appelle-t-on un compagnon de chantier, qui pousse les moulures sur les bois apparens, comme les huisseries des portes, les noyaux, limons, sabots, des marches d’escalier.

RACCORDEMENT, s. m. Se dit de l’opération qui consiste, soit à réunir, dans un bâtiment fait de plusieurs morceaux ou à diverses reprises, des parties inégalement placées ou terminées, à remettre le vieux d’accord avec le neuf ou vice versa, soit à joindre, dans un fardin, des terrains d’inégale hauteur. Voyez Raccorder.

RACCORDER, v. act. Ce mot porte son explication. Il signifie remettre d’accord ce qui est en désaccord, soit par les proportions, soit par l’ordonnance, soit par la décoration, dans les parties d’un édifice, ou faites à des temps différens, ou exécutées selon le hasard des circonstances, sur des dessins ou dans des intentions diverses ou contraires.

Les grands édifices sont ceux qui finissent par donner le plus souvent lieu à l’art de raccorder. De tout temps, sans doute, les vastes entreprises en architecture, soumises à l’action d’une multitude de causes politiques, ont éprouvé des interruptions plus ou moins considérables. Nous aurions à citer, dans l’antiquité, plus d’un exemple d’édifices terminés quelques siècles après celui qui les avoit vu commencer. Qui pourroit assurer qu’après ces intervalles, de nouveaux besoins, des vues nouvelles, n’auront pas obligé les derniers architectes de changer quelque chose aux projets des premiers, d’en modifier l’ensemble (comme cela arriva pour le temple d’Eleusis à l’architecte Philon), et par conséquent de se raccorder dans ses additions, à l’ouvrage de ses prédécesseurs ? Cependant on peut affirmer, d’après la connoissance qu’on a de la fixité des principes généraux du goût et des pratiques de l’architecture, pendant une durée de sept à huit siècles, que jamais, dans l’antiquité, on ne connut ces variations fréquentes, ces innovations sans cause et sans raison, qui en peu d’années, chez les Modernes, changeant toutes les manières de voir, ne sauroient garantir à aucun bâtiment d’être terminé selon le goût dans lequel son premier auteur l’a projeté.

Telle a été cependant la destinée du plus grand nombre des monumens élevés depuis le renouvellement des arts. A chaque reprise des travaux, on a vu le nouvel architecte prétendant, à tort ou à droit, substituer un meilleur projet, un meilleur style à l’ouvrage du prédécesseur, élever une autre aile, un autre corps de bâtiment en pendant de celui qui existoit, et cela dans la vue de le remplacer. Mais bientôt interrompu lui-même dans son entreprise, il n’a fait autre chose léguer à un nouveau successeur, le besoin d’un raccordement souvent fort difficile.

On ne sauroit citer un exemple plus connu en ce genre, plus propre à faire comprendre l’abus dont on a parlé, et l’espèce de correctif dont il est susceptible, que la grande façade du palais des Tuileries, surtout du côté du jardin. Il y a dans cette façade, au moins trois projets de palais, trois goûts d’architecture, trois sortes de masses, qui annoncent une succession de plusieurs règnes. On peut toujours affirmer qu’il y a, dans ces masses diverses, de l’architecture de Jean Bullant, de Philibert Delorme, de Ducerceau, et enfin de Leveau et de Dorbay, son élève, que Louis XIV chargea de raccorder définitivement tant de parties incohérentes.

On a quelquefois jugé avec trop de sévérité ce raccordement, comme si ceux qui sont chargés de semblables travaux, pouvaient être responsables de toutes les sujétions auxquelles on les condamne. Or, il paroît que la condition à laquelle furent soumis les nouveaux architectes, avoir été de conserver le plus qu’il seroit possible des anciennes constructions.

Les moyens qui leur étoient confiés s’étant trouvés ainsi limités, il faut se garder de soumettre leur ouvrage à une censure trop absolue. On voit qu’ils visèrent, tout d’abord, à ramener autant qu’il fut possible, toutes les masses discordantes de cet ensemble, à une ligne d’entablement générale et à peu près uniforme, moyen principal de redonner une apparence d’unité à des parties détachées, et sans accord réel entre elles. Ils y parvinrent encore en assujettissant les croisées et les trumeaux, les pleins et les vides de imite la façade, à un certain niveau qui semble être le résultat d’une disposition primordiale.

On ne sauroit nier que la partie du milieu, c’est-à-dire, le pavillon central, avec ses deux accompagnemens de galeries en arcades, formant terrasse, ne soit la partie la plus heureuse de toute cette grande ligne. Il y rogne assez d’unité et beaucoup de variété, et cette diversité de masses, de retraites et de saillies qu’on y observe, semble y être moins l’effet d’un raccordement opéré après coup, que celui d’une combinaison originelle.

Voilà le plus grand éloge qu’on puisse donner à l’art de raccorder détails d’un grand édifice, soit qu’il s’agisse de prendre un parti nouveau en prositant de tout ce qui étoit ancien, et en faisant subir des masses détachées, souvent sans rapport entr’elles, le moins de changement qu’il est possible, soit qu’on ait à adapter quelque composition nouvelle à un édifice déjà terminé, comme l’a fait Bernin en raccordant, avec autant d’adresse que d’intelligence et de goût, sa grande colonnade, et en la rattachant au frontispice de Saint-Pierre, de manière qu’on ne soupçonne point que c’ait été une addition postérieure.

Plus les mœurs amènent de mobilité dans les emplois, que de nouveaux besoins peuvent donner à d’anciens édifices, plus l’art des raccordemens devient nécessaire. A cet égard, il ne paroîtroit point inutile d’appliquer les jeunes architectes à trouver les moyens de vaincre les difficultés que ce genre de travail présente. Cet exercice a toujours l’avantage d’aiguiser l’esprit, d’apprendre à surmonter des vices de disposition, des défauts de construction, et à faite quelquefois résulter des beautés, de l’inconvénient même qui sembloit fait pour y mettre obstacle.

L’habileté de l’architecte chargé de pareils travaux consistera, en redonnant un corps à des membres désunis, ou en rajoutant quelques parties nouvelles aux parties déjà existantes, à se conformer soit au genre d’architecture, soit au style et au goût du premier auteur, de façon qu’on puisse croire que le tout est du même temps et d’une même main. Trop souvent en croyant faire et en faisant réellement mieux, on défigure le monument par une bigarrure de style. Ce n’est plus raccorder, c’est désaccorder l’ouvrage.

On ne sauroit dire autre chose de ces églises gothiques dont on a, dans le dernier siècle surtout prétendu embellir soit les frontispices, soit des parties intérieures, en y substituant les ordonnances, les ornemens et les détails de l’architecture grecque. La simple raison veut qu’on n’allie point ensemble des objets, et des goûts aussi étrangers entr’eux.

Il doit en être de l’art de raccorder les œuvres de l’architecture, comme de celui qu’on emploie à raccorder, dans les tableaux et les peintures, ce que le temps ou quelqu’accident y a endommagé. Qui ne sait que le premier soin à prendre, est de contrefaire, autant qu’il est possible, les couleurs, les teintes, les formes et jusqu’aux défauts de l’ouvrage ? La perfection consiste, en ce genre, à ce que personne ne puisse s’apercevoir du raccordement. Pareil soin doit avoir lieu dans les édifices, pareil esprit doit guider celui qui est chargé ou de compléter, ou de restaurer un monument.

RACHETER, v. act. Ce mot s’emploie, en architecture et surtout dans la construction, pour signifier corriger, redresser une irrégularité, joindre une forme à une autre.

C’est, par exemple, corriger en biais par une figure régulière, comme une plate-bande, qui, n’étant pas parallèle, raccorde un angle hors d’équerre avec un angle droit, dans un compartiment.

Racheter s’emploie encore dans la coupe des pierres, pour dire joindre nominale raccordement deux voûtes de courbe différente.

Ainsi, on dit qu’un cul-de-lampe rachète un berceau, le berceau y vient faire lunette.

On dit que quatre pendentifs rachètent une voûte sphérique, ou la tour ronde d’un dôme, parce qu’ils se raccordent avec leur plan circulaire.

RACINAL, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) Pièce de bois dans laquelle est encastrée la crapaudine du seuil d’une porte d’écluse.

RACINAUX, s. f. pl. (Terme d’architecture hydraulique.) Pièces de bois, comme des bouts de solives, arrêtées sur des pilots, et sur lesquelles un pose les madriers et les plates-formes, pour porter les murs de douve des réservoirs. On appelle aussi racinaux, des pièces de bois plus larges qu’épaisses, qui s’attachent sur la tête des pilots, et sur lesquelles on pose la plate-forme.

Ainsi, lorsqu’on a enfoncé les pilots (voyez ce mot), on remplit tout le vide avec des charbons, et par-dessous les pieux, d’espace en espace, on met les racinaux, qu’on cloue sur la tête des pieux. C’est sur ces racinaux qu’on attache de grosses planches de cinq pouces d’épaisseur qui forment la plate-forme. Voy. ce mot.

Racinaux de comble. Espèces de corbeaux de bois, qui portent en encorbellement sur des consoles le pied d’une forme ronde, laquelle porte en saillie le pignon d’une vieille maison.

Racinaux d’écurie. Petits poteaux qui, arrêtés debout dans une écurie, servent à porter la mangeoire des chevaux.

Racinaux de grue. Pièces de bois croisées, qui forment l’empâtement d’une grue, et dans lesquelles sont assemblées l’arbre et les arcs-boutans. Lorsqu’elles sont plates, on les nomme solles.

RADIER, s. m. (Terme d’architecture hyraulique.) C’est l’ouverture et l’espace entre les piles et les culées d’un pont, qu’on nomme aussi baye ou bas-radier.

On appelle aussi radier le plancher d’une écluse. On établit ce plancher sur les premières traversines qui posent sur les pilots, et on le renferme dans l’intervalle des longrines. Les planches qu’on y emploie, ont au moins vingt pieds de long, On les serre bien près les unes des autres, et on les attache aux traversines, avec des clous ébarbés, de sept à huit pouces de long, et de six lignes de face, entortillés, dans le milieu, d’un peu d’étoupes, afin de ne laisser aucun passage à l’eau On calfate, on braye et on goudronne ensuite le tout.

Ce plancher sert à en supporter un autre, qui doit soutenir les jointures des planches. La largeur du celui-ci aboutit au parement des ailes, sans passer dessous, afin qu on puisse le renouveler, quand il est hors de service, sans rien dégrader, et il aboutit sur les ventrières des extrémités du radier, qui l’excède un peu, pour porter les eaux au-delà. On calfate et ou goudronne ce plancher comme le précédent. On nomme ce second plancher le recouvrement du radier, qui est, à proprement parler, le premier plancher.

RAGRÉEMENT, s. m. Se dit, dans le travail des batimens, de l’opération de ragréer, ou du résultat de cette opération. Ainsi, l’on dit faire un ragréement à une maison. On dit qu’un bâtiment a été fort embelli par le ragréement qu’on lui a fait subir. Voyez Ragréer.

RAGRÉER, v. act. Ce mot se prend ordinairement de deux façons, et exprime à peu près la même opération, mais faite dans un édifice à des temps fort différens.

Premièrement, on entend par le mot ragréer, cette dernière façon qu’on donne particulièrement à un bâtiment construit en pierres de taille, en repassant le marteau et le fer aux paremens de ses murs, pour les rendre unis, ôter les balèvres, et cacher les joints des assises. On peut faire plus ou moins dans cette opération, car après que l’outil tranchant a passé sur les pierres, il en reste encore des traces qui produisent, selon que le jour frappe obliquement dessus, des petites ondulations désagréables à la vue. Le fini du ragréement consiste donc à passer sur toutes les surfaces des pierres, un frottement soit de grès pulvérisé, soit de sable fin, qui enlève les dernières traces de l’outil.

Secondement, on se sert du mot ragréer, lors-qu’on veut exprimer l’opération par laquelle on redonne à un bâtiment vieilli, et à ses matériaux noircis par le temps, un air de nouveauté et de propreté. Cela se pratique souvent à l’égard de la pierre, en lui faisant subir une retaille superficielle, semblable à celle qu’on vient de définir, ou en la regrattant. Voyez Regratter.

Souvent aussi, dans le discours, on se sert du mot ragréer, pour exprimer toutes les manières qui tendent à rajeunir les édifices ou du moins leur physionomie, selon les diversités des matériaux dont ils se composent. Or, on peut dire que, dans ce sens, les ravalemens, les enduits, les couleurs, les remaniemens de plâtre, les regrattemens, sont autant de moyens divers dont on use pour ragréer.

RAINALDI (Jérôme), né en 1570, mort en 1655. Le nom de Rainaldi est celui d’une famille nombreuse, qui s’est illustrée par l’art et le talent de l’architecture.

Adrien Rainaldi, peintre et architecte, eut trois fils qui furent architectes et peintres. Un d’entr’eux, nommé Ptolémée, qui, à ce qu’on croit, avoit étudié dans l’école de Michel Ange, fut architecte civil et militaire. Versé tout à la fois dans la science de la philosophies et celle de la jurisprudence, il alla s’établir à Milan, où il remplit les fonctions d’ingénieur eu chef, et d’architecte de la Chambre royale.

Ptolémée Rainaldi eut deux fils, nommés Domisio et Giovanni Leo, qui, ayant suivi la profession de leur père, succédèrent à ses emplois. On les appeloit les Ptolémées. Ils construisirent divers édifices, et des forteresses dans le Milanais et la Valteline.

Jean-Baptiste Rainaldi, un des trois fils d’Adrien, s’appliqua aussi à l’architecture. Il fut employé aux fortifications de Ferrara, aux ouvrages de Pontefelice à Borghetto, et aux travaux de la fontaine et des conduits publics à Velletri. Il construisit plus d’un édifice à Rome, où il se maria et eut un fils, nommé Dominique, qui fut aussi architecte et peintre.

Enfin, le troisième fils d’Adrien fut Jérôme Rainaldi.

Il apprit l’architecture sous Fontana. Celui-ci, ayant reçu de Sixte-Quint l’ordre de lui faire le projet d’une église pour Montalto, qui étoit la patrie du Pontife, et empêché par set nombreuses occupations de se livrer à ce travail, en chargea Rainaldi, son élève. Dès qu’il eut ce projet, il le porta au Pape, en lui avouant que l’ouvrage n’étoit pas de lui, mais d’un élève plein de talent, que Sa Sainteté auroit du plaisir à connoître. Le jeune Rainaldi fut agréé par le Pape, et sa fortune fut faite.

Il construisit l’église de Montalto. Bientôt il fut chargé d’achever les constructions du Capitole.

Sous Paul V, il eut à bâtir le port de Fano, la maison professe des Jésuites à Rome, et leur collège de Sainte-Lucie à Bologne.

Employé au service du duc de Parme, il lui construisit un palais dans cette ville, et deux autres à Plaisance, et à Modène.

Pour la famille Borghèse, il bâtit à Frascati le casin de Villa Taverna, d’une disposition fort heureuse, et fit à Sainte-Marie-Majeure le dessin du maître-autel de la chapelle qu’on, appelle Pauline.

Il fut l’architecte du pont de Terni sur la Nera. Ce pont n’a qu’eau seule arche d’une largeur considérable, et d’une bonne proportion.

Le palais Pamphili, à la place Navone, est de l’architecture de Jérôme Rainaldi. C’est un des grands palais de Rome. Sa masse a quelque chose d’imposant, et son effet le seroit bien davantage, si déjà n’eût commencé à prévaloir le goût des détails multipliés et capricieux, dans lesquels on cherchoit, sans le trouver, le mérite de grandeur et de richesse, que les architectes de l’école précédente avoient trouvé sans l’avoir cherché. La façade de ce palais offre des divisions d’ordonnance, qui déjà contribuent à en rapetisser l’aspect. Le corps du milieu présente trois ordres l’un sur l’autre, d’un style fort insignifiant, et qui sont surmontés par un attique formant une loggia, qui s’élève au-dessus de la toiture des ailes. Chacune des deux ailes a une porte triangulaire portant une ringhiera, semblable à celle qui règne au-dessus de la porte principale, dans toute la largeur du corps du milieu dont on a parlé.

Les ordres de ce corps de milieu se trouvent rappelés aux deux angles du palais par des pilastres moins riches. Ce qu’il faut dire de l’ordonnance générale, c’est que, si l’on en supprimoit des détails capricieux dans les chambranles de quelques fenêtres, et certaines recherches de variétés fort inutiles, la masse entière du palais rappelleroit assez heureusement la disposition à laquelle les ouvrages du seizième siècle dûrent leur grandeur et leur beauté. Enfin, l’édifice est grand, mais l’architecture est petite.

Jérôme Rainaldi avoit été chargé de construire l’église du Sainte-Agnès qui est contiguë au palais Pamphili. On prétend qu’ayant cru devoir déférer aux ordres du prince Pamphili, neveu du Pape, plutôt qu’à ceux du pape, Innocent X retira à Rainaldi la direction de ce monument.

En 1610 eut lieu la canonisation de saint Charles Borromée. Ce fut sur les dessins de Jérôme Rainaldi, que fut exécutée toute la décoration intérieure et extérieure, pour la cérémonie qui eut lieu dans la basilique de Saint-Pierre.

On cite encore comme son ouvrage la belle église des Carmes déchaussés à Caprarola.

Deux fois il fut employé en Toscane pour les différent qui curent lieu, au sujet des eaux, entre le Grand-Duc et la Cour de Rome.

Il mourut à l’âge de 85 ans et fut enterré a Sainte-Martine.

Rainaldi (Charles), né en 1611, mort en 1641.

Fils et élève de Jérôme Rainaldi, dont on vient de parler, il eut l’avantage de faire de très-bonnes études tant dans les sciences exactes, que dans les belles-lettres ; et devenu architecte, il soutint dignement l’honneur de son nom et de sa famille.

Le pape Innocent X, qui connoissoit les talens de Charles Rainaldi, et par ses dessins, et par quelques-uns des édifices qu’il avoit déjà construits, lui confia l’entière exécution de l’église de Sainte-Agnès, entreprise dont la direction avoit été retirée à Jérôme son père. On ne sauroit refuser des éloges au plan en croix grecque de ce temple, qui consiste particulièrement dans une coupole de bonne proportion, et qui offre, dans toutes les parties de sa disposition, symétrie élégance et variété sans confusion. On y regrette que l’architecte y ait toutefois multiplié, selon le goût d’alors, ces pilastres ployés dans les angles et cet ressauts inutiles qui déparent son ordonnance. La façade de cette église offre encore une des compositions les moins tourmentées qu’on ait faites, et un portail des plus raisonnables dans son rapport avec la coupole. Il est malheureux qu’il n’ait pas conduit lui seul jusqu’à la fin cette construction. Il ne la porta que jusqu’à l’entablement. Son successeur fut Borromini, qui, tout en suivant le projet de Rainaldi, ne put s’empêcher d’imprimer aux détails de la décoration, le cachet de son goût bizarre. Cependant le monument, avec son dôme et ses deux campaniles, présente, pour le goût du temps, un des ensembles les plus agréables qu’il y ait.

Innocent X plaça Rainaldi à la tête de la commission chargée d’examiner s’il falloit dêmolir, ou laisser subsister le campanile élevé par Bernin, sur la façade de l’église de Saint-Pierre. Malgré les efforts de Rainaldi, pour prouver que le prétendu danger n’avoit d’autre fondement que la jalousie des ennemis de Bernin, le campanile fut détruit. De nouveaux dessins furent alors proposés, par lui. Cependant ta façade est restée sans campanile, et il n’y a point d’apparence qu’elle en ait jamais.

Il étoit alors question de faire à la basilique de Saint-Pierre une place digue du monument. Rainaldi en proposa quatre projets, et eu fit autant de modèles. Un de ces projets étoit de forme carrée dans son plan, l’autre étoit circulaire, le troisième elliptique ou ovale, et le quatrième hexagone. Dans tous ces projets, l’architecte avoit su joindre à la décoration une destination utile. Au-dessus de ses portiques, il plaçoit des corps de bâtiment et d’habitation pour le conclave, pour la maison du Pape. Mais Innocent X mourut, et tous ces projets restèrent sans exécution.

Le mausolée du cardinal Bonelli, dans l’église de la Minerve, près la petite porte par où l’on va au collège romain, est de l’architecture de Rainaldi. Cet artiste répara, par ordre du cardinal Lauria, l’église des Saints Apôtres ; mais il eut l’imprudence d’élever le portique sur les fondemens d’antiennes murailles qui portaient à faux. On fut obligé de le faire reconstruire par Dominique Fontana.

Quelques autres portails d’église dans le goût régnant alors occupèrent Rainaldi, et il ne résulta pour lui de ces compositions insipides, d’autre honneur dans la postérité, que d’avoir fait moins mal que d’autres. Mais que peut-on dire du goût de ces devantures d’église, dont l’architecture, si l’on peut dire de bas-relief, n’offre ni motif original, ni pensée pour l’esprit, ni effet pour l’œil ; où la simplicité reste de la froideur, et la variété devient bizarrerie ? Voilà tout ce qu’on peut dire du portail de l’église de Jésus-Marie-au-Course, par Rainaldi, ainsi que de celui qu’il exécuta au frontispice de Santa Maria in Campitelli, église qu’il construisit sous le pontificat d Alexandre VII.

Rainaldi fut un des architectes du dix-septième siècle qui contribuèrent le plus à propager le goût bâtard de ces frontispices d’église dont nous avons parlé au mot Portail. Voyez ce mot.

On lui doit cependant d’être revenu à un meilleur système dans la composition des deux églises qui se font pendant sur la place del Popolo, et en sont devenues le principal ornement.

Le cardinal Gastaldi avoit voulu donner enfin un frontispice ou portail à la grande cathédrale de Bologne, San-Petronio. Quelques difficultés s’opposèrent à cette entreprise. Il résolut alors d’employer Rainaldi à construire les deux églises dont on vient de parler, l’une qu’on appelle la Madonna de Campo santo, et l’autre Santa Maria de Miracoli.

Ces deux petits temples se composent chacun d’une coupole hexagone harmonie d’une lanterne ; leur intérieur n’est pas tout à fait semblable : l’un est ovale, et l’autre entièrement circulaire ; mais à l’extérieur il n’y a aucune différence. Pareille symétrie règne dans les péristyles en colonnes corinthiennes qui supportent un fronton, et sous lesquels s’ouvre la porte principale, accompagnée de deux autres dans le retour : chacun des pans circulaires se termine par une colonne de la même ordonnance. On y a quelquefois blâmé la grande largeur de l’entre-colonnement du milieu, qui dégage entièrement la porte. On sait toutefois par Vitruve, que les Anciens usèrent de la même pratique dans certains cas. A tout prendre, cette architecture, relativement au goût du temps où elle fut faite, peut passer pour être pure et régulière. Aucun détail capricieux n’en gâte l’ensemble ; on n’y trouve ni forme brisée, ni ornement bizarre.

Rainaldi ne paroît pas avoir eu l’avantage de terminer ces deux monumens ; on croit que Bernin et Charles Fontana mirent la dernière main ; mais on lui attribue la façade de la basilique de Sainte-Marie-Majeure, qui est du côté de l’obélisque. Le tout ensemble, et particulièrement cet avant-corps qui forme une partie circulaire, accompagnée des deux parties en ligne droite, posant sur le grand escalier, ne manque ni da noblesse ni d’un bon effet. On desireroit un meilleur goût dans les chambranles des fenêtres, et surtout des niches, trop petites pour le volume des statues. Plus de repos auroit encore singulièrement amélioré toute cette ordonnance. Dans l’intérieur de la basilique, on cite comme élevé sur les dessins de Rainaldi, le mausolée du pape Clément IX.

La cathédrale de Ronciglione, la jolie église de Monteporzio, et la plus grande partie des jardins de la villa de Mondragone et de la villa Pinciana, sont des ouvrages plus ou moins remarquables de cet architecte. Mais on doit citer comme un des principaux, à Rome, ce palais situé sur la rue del Corso, qui appartint dans l’origine au duc de Nevers, et fut depuis, pendant longtemps, celui de l’Académie de France. Il y a dans ce palais, comme dans tous les autres travaux de Charles Rainaldi, une tradition du bon goût du seizième siècle, avec un mélange des innovations qui dévoient tendre à l’altération complète de l’art. Contemporain de Bernin, il peut lui être comparé pour le style et le caractère. S’il eût vécu plus long-temps, il est probable qu’il se seroit trouvé souvent en rivalité avec Ini. Bernin paroit avoir eu beaucoup plus de génie, et les grandes choses qu’il a exécutées, entr’autres la place de Saint-Pierre, ont compensé, dans l’opinion de la postérité, les défauts de pureté qu’on reproche à son goût et à sa manière. Charles Rainaldi n’eut pas d’aussi favorables occasions de déployer son talent en grand, et ses ouvrages sont restés dans l’histoire du goût de l’architecture, comme faisant précisément la nuance ou le passage du bon au mauvais genre qui, pendant près d’un siècle, régna dans les monumens de toute l’Europe.

Sous le rapport des qualités morales et de celles qui sont un pur don de la nature, on ne trouve, dans les biographes, que des éloges de Charles Rainaldi. Il étoit d’une belle figure et d’une humeur agréable. Homme du meilleur ton, il vivoit noblement ; il fréquentoit les personnes du plus haut rang, qui recherchoient sa conversation, et, par des présens flatteurs, se plaisoient à lui témoigner leur estime. Religieux et charitable, il faisoit d’abondantes aumônes. Les diamans qu’il possédoit, il les employa à l’ornement d’un ostensoir dont il fit don à l’église des Stigmates. Aimé de tous les artistes dont il étoit l’ami, il usoit envers eux d’une franchise toujours bienveillante ; versé dans presque tous les arts, il cultivoit la musique, dessinait comme un peintre, inventoit facilement et exécutait de même. Il eut enfin toutes les qualités qui lui auroient assuré, dans l’architecture, une réputation plus solide, a’il eût pu résister davantage au courant du goût de son siècle.

RAINALDO, architecte du onzième siècle, qui, continuateur de Buschetto, dans les travaux de la cathédrale de Pise, fut l’auteur du frontispice ou portail de cette grande église.

Sur la foi de tous les écrivains qui avoient parlé de ce monument, nous avions avancé à l’article de Buschetto, qu’il étoit Grec d’origine, et né à Dulichium. M. Cicognara, dans son Histoire de la Sculpture en Italie, a lumineusement discuté cette opinion. Il a prouvé que dans le vers de l’épitaphe où se trouve le mot Dulichio, ce mot étant en rapport nécessaire avec le mot duci, ne pouvoit s’appliquer qu’à Ulysse, que l’on désignoit ainsi, d’une des îles qui formoient son domaine. Tout le reste de l’épitaphe en vers démontre effectivement qu’elle contient un parallèle, qui est tout-à-fait dans l’esprit du temps, entre le génie sécond d’Ulysse, et le talent inventif de Buschetto.

M. Cicognara se propose donc, dans cette discussion, de prouver, sinon que Buschetto n’étoit pas Grec d’origine, du moins qu’il n’y a aucune raison de le croire, et que cette opinion n’a reposé jusqu’ici que sur un mal-entendu causé par une lacune de l’épitaphe, et il en conclut qu’on a eu tort d’enlever à l’Italie l’honneur du premier monument qui annonce le rétablissement de la bonne architecture dans cette contrée. Il prétend que l’Italie ne devoit pas alors avoir besoin de secours étranger dans cet art, et qu’il y avoit chez elle des architectes distingués.

On ne sauroit mieux le démontrer qu’en faisant voir, qu’au même temps un autre architecte italien, comme le prouve son nom de Rainaldo, avoit partagé avec Buschetto les travaux de la construction du duomo de Pise, ou du moins avoit été son successeur, dans l’érection du portail.

Rainaldo fut donc celui qui termina cette grande entreprise, en élevant le portail dout nous avons donné une description au mot Portail (voyez ce mot). N’ayant point d’autre détail sur cet architecte, nous bornerons cet article, consacré aussi à réparer l’erreur qui est relative à Buschetto, en disant que le nom de Rainaldo est très-distinctement gravé au haut de la porte d’entrée, dans l’inscription en vers que nous rapportons :

hoc opus eximium, tam mirum, tam pretiosum
rainaldus prudens operator et ipse magister
constituit mire solerter et ingeniose
.

RAINCEAU. Voyez Rinceau.

RAINURE, s. f. C’est un petit canal fait sur l’épaisseur d’une planche, pour recevoir une languette, ou pour servir de coulisse.

Quoique ce mot soit plus particulièrement, ou plus souvent employé dans les ouvrages de menuiserie, on en use pourtant aussi, pour désigner quelque chose de semblable dans la construction en pierres. Ainsi, nous savons que les métopes en marbre du temple de Minerve, à Athènes, sur lesquelles sont sculptées des figures de combattans contre des centaures, ayant été scupltées hors de la place qu’elles occupent, y furent arrêtées au moyen du rainures pratiquées dans les blocs où sont taillés les triglyphes : la table de marbe de chaque métope entra ainsi dans les rainures qui lui étoient préparées ; et ce fut aussi à la faveur de ces mêmes rainures, qu’on est parvenu à les enlever de leur place sans les endommager.

Nous avons vu encore dans les pierres d’entablement des temples d’Agrigente en Sicile, des rainures pratiquées en forme de fer à cheval, sur les côtés de ces pierres qui devoient faire joints. Ces rainures servoient à y introduire, de l’un et de l’autre côté, des cordes pour soulever la pierre, la conduire à sa place et en son joint. La pierre étant ainsi placée, la corde s’enlevoit à volonté en coulant dans la rainure.

RAIS DE CHŒUR, s. m. Nom d’un ornement fort usité dans l’architecture. Il se compose de fleurons et de feuilles d’eau qu’on taille principalement sur cette sorte de moulure qu’on appelle talon.

RALONGEMENT d’arestier. Voyez Reculement.

RAMPANT, adj. Epithète qu’on donne, dans l’architecture & la construction, à tout corps qui n’est pas de niveau et qui va en pente, comme, par exemple, aux deux parties inclinées d’un fronton, comme à un mur de terrasse en descente, comme à un arc qui suit une semblable pente. On dit un arc rampant.

RAMPE D’ESCALIER, s. f. Nom qu’on donne à une suite de degrés en ligne droite ou circulaire par son plan, laquelle est établie et s’élève entre deux paliers.

Rampe courbe. C’est une portion d’escalier à vis suspendue, ou à noyau, et qu’on trace par une cherche ralongée. Les marches de cette rampe portent leur délardement pour former une coquille, ou sont posées sur une voûte rampante, comme ce qu’on appelle la vis Saint-Gilles ronde.

Rampe de chevrons. C’est l’inclinaison des chevrons d’un comble. Ainsi, on dit : faire un exhaussement au-dessus d’un dernier plancher, jusque sous la rampe des chevrons.

Rampe de menuiserie. C’est une rampe qui est droite, et sans sujétion, comme on en fait pour de petits escaliers de dégagement. C’est aussi une rampe courbe qui suit le contour d’un pilier. On en voit de semblables à plusieurs chaires de prédicateurs. Cet ouvrage est un des plus difficiles qu’on puisse faire en menuiserie.

Rampe par ressaut : rampe dont le contour est interrompu par des paliers ou quartiers tournans.

Rampe qu’on peut appeler d’appui. Ce mot, affecté à la construction et à la forme des escaliers, comme y exprimant un corps qui va en pente, a également, et pour la même raison, été appliqué à ces balustrades d’appui, qui règnent dans toute l’étendue des escaliers. Ces rampes se font tantôt en balustres de pierre, de marbre, de bronze ou de bois, tantôt en enroulemens de fer, tantôt en entrelas ou tringles de métal, et elles sont couronnées ou par des plates-bandes plus ou moins ornées, ou par un corps arrondi et continu, sur lequel la main s’appuie. Cette sorte de rampe occupe le côté des marches qui donne sur le vide. Au côté opposé, qui est celui du mur, on fait des rampes beaucoup plus légères, qui consistent en perches de bois arrondies par le tour, qu’on pose, à la hauteur de la main, sur des crampons de fer, le long des murs de l’escalier, et parallèlement à la pente des limons. On appelle cette sorte de rampe, écuyer, comme tenant lieu de l’écuyer, dont la charge est de donner la main.

RAMPER, v. act. C’est pencher suivant une pente donnée.

RANCHER. Voyez Échelier.

RANGÉE DE PAVÉS, s. f. C’est un rang de pavés d’une même grandeur, le long d’un ruisseau, sans caniveaux ni contre-jumelles, ainsi qu’on en établit dans les petites cours.

RAPHAEL SANZIO, né à Urbin, en 1483, mort à Rome le 7 avril 1520.

Telle est la célébrité de Raphael dans l’art de la peinture ; tel est le nombre, et telle la renommée des œuvres du pinceau, qui ont rendu immortel le nom de ce prince des peintres modernes, que beaucoup ignorent, même parmi ses plus grands admirateurs, jusqu’à quel point l’architecture a droit de le compter au nombre de ceux qui ont illustré cet art. Sans doute, si on se rappelle tous les exemples que nous avons déjà rapportés dans cet ouvrage, de peintres et de sculpteurs célèbres, qui ont réuni dans les trois premiers siècles de la renaissance, la triple couronne des arts du dessin, il n’y a pas lieu de s’étonner que le plus beau génie du seizième siècle, ait dû aux études des écoles de son temps une capacité qui étoit générale, alors que le dessin étoit le lien commun de tout les arts auxquels il donne son nom.

Or, que l’étude de l’architecture se soit, dès le quinzième siècle, mêlée à toutes celles que le jeune peintre faisoit chez son maitre, c’est ce que nous démontrent avec évidence toutes les peintures du Campo santo à Pise. Il en est peu même, dans les siècles suivant, qui renferment d’aussi beaux fonds d’architecture, des édifices plus variés, des ordonnances aussi régulières, et d’une aussi juste perspective.

C’est encore ce que l’histoire de Raphael, sous le seul rapport de son savoir en architecture, va nous montrer.

Un de ses premiers tableaux, qu’il paroît avoir fait vers l’âge de vingt ans, et qui représente le mariage de la Vierge, se fait remarquer par un fonds d’architecture, où on est obligé de reconnaître un talent déjà consommé dans la délinéation de cet art, et dans la science de la perspective. Ce fonds est occupé presqu’en entier par un fort beau temple circulaire, environné de colonnes. Le style en est si pur, les profils et les détails réunissent à la justesse des proportions un tel fini d’exécution, que Vasari n’a pu s’empêcher d’admirer et de vanter le talent qui avait su se jouer de ces difficultés : Cosa mirabile a vedere le difficolta che audava cereando.

Il ne faut pas supposer ici que Raphael auroit pu avoir recours, ainsi qu’on l’a souvent pratiqué dans les temps modernes, à un perspectiviste habile, pour lui tracer les lignes de son architecture. L’histoire que nous avons écrite et publiée de sa vie et de ses ouvrages, nous le montre dès cette époque, c’est-à-dire, essayant encore ses forces à Florence, avant d’aller à Rome, faisant échange de talens et de connoissances avec Fra Bartholomeo, et lui enseignant la pratique de la perspective, dont ce religieux avoit jusqu’alors négligé l’étude.

Le second tableau que Raphael fit à Rome, dans les salles du Vatican, je veux parler de l’Ecole d’Athènes, présente, dans son fonds, une composition architectonique aussi noble d’invention, que pure d’exécution pour son ensemble, comme par ses détails. Si quelque chose a pu accréditer l’opinion avancée par Vasari, que Bramante avoit tracé à Raphael le dessin de cette perspective, c’est qu’effectivement le parti général de cet ensemble, a plus d’un rapport avec le plan et avec l’élévation intérieure de l’église de Saint-Pierre. Il est certain qu’à cela près de quelques différences commandées par la convenance du sujet, on y voit qu’une coupole avec pendentifs y est le centre de quatre nefs, idée alors assez nouvelle, et dont le projet de Bramante put suggérer l’imitation à Raphael.

Mais jamais peintre n’eut moins besoin d’empruter à autrui ces inventions que la peinture d’histoire doit à l’imitation de l’architecture ; témoins les fonds de toutes ses fresques au Vatican, et ceux de ses célèbres cartons, où la riche invention des édifices et leur variété, le disputent à la noble et ingénieuse composition des figures. Aucun peintre, en exceptant peut-être Nicolas Poussin, n’a su varier avec autant de génie et de goût ces accessoires des tableaux. Il suffira de citer les sujets d’Héliodore, du Miracle de Bolsène, de l’lncendie de Borgo, des Apôtres guérissant un boiteux, de Paul et Barnabé dans la ville de Lystres, pour se convaincre que de semblables fonds n’ont pu être ni pensés, ni tracés, qu’avec les connoissances les plus précises de l’architecture, des ordres grecs, et des principes de la modénature.

Nous ne sommes donc point étonnés de voir Raphael remplacer Bramante, dans les travaux du Vatican, et devenir enfin, ainsi qu’on le dira dans la suite, son successeur, comme ordonnateur en chef de la construction de Saint-Pierre.

Bramante n’avait posé que les fondemens de la cour du Vatican, qu’on appelle la cour des loges. Raphael, chargé d’en continuer l’élévation, en fit un modèle en bois, sur lequel la construction fut achevée. Il la porta à trois étages ou rangs de galeries, l’une sur l’autre, et qui circulent tout alentour. Les deux premiers rangs sont en arcades et en piédroits, avec pilastres ; le dernier, ou celui d’en haut, est tout en colonnes. C’est dans un des côtés de la galerie du second étage, distribuée en autant de petites voûtes qu’on y compte d’arcades, que sont exécutées les célèbres peintures d’arabesques, dont Raphael reconquit sur l’antiquité le goût et le style depuis long-temps oubliés. C’est encore là qu’est peinte cette suite de cinquante-deux sujets de l’ancien et du nouveau Testament, qu’on appele la Bible de Raphael.

On ne sauroit dire si Raphael a, dans l’architecture de cette cour, profité des idées ou des inspirations de Bramante. Ou croit voir toutefois dans son exécution avec la même pureté de manière qui distingua son prédécesseur, moins de cette maigreur qu’on lui a aussi reprochée.

En 1515, Léon X, allant à Florence, où il fit une entrée solennelle, conduisit avec lui Michel Age et Raphael, pour avoir de chacun d’eux un projet du grand frontispice, dont il avoit dessein d’orner l’église de Saint-Laurent, bâtie jadis par les Médicis. Cette résolution n’eut pas de suite ; mais il paroît constant que Raphael avoit conçu et dessiné une fort belle composition, qu’Algarotti déclare avoir vue dans la Collection du baron de Stosch, et dont il avoit obtenu de tirer une copie.

Ce fut indubitablement pendant le séjour qu’il fit alors à Florence, que Raphael eut l’occasion de donner les plans et les dessins des deux charmans palais que Florence compte parmi ses plus rares monumens d’architecture.

Le palais degl’ Uguccioni, qu’on voit sur la place du Grand-Duc, a été attribué par quelques uns à Michel Ange. Il ne faut pas des yeux fort exercés à discerner les manières de chaque maître, pour reconnoître premièrement, que le goût ou le style du dessin de ce palais, est bien celui des autres palais reconnus, sans contestation aucune, pour être de Raphael ; secondement, que cette sorte de cachet qui fait si bien distinguer l’architecture de Michel Ange, ne se montre point ici. Or, chacun connoît les détails capricieux d’ornement qui lui furent particuliers, et qui servent encore à désigner les ouvrages de son école.

La façade du palais dont il s’agit, offre, dans un petit espace, un ensemble à la fois grand et riche, simple et varié. Sur un soubassement rustique, composé de trois arcades, s’élèvent deux étages, avec deux ordonnances de colonnes engagées. L’étage principal a une ringhiera, ou un balcon continu, dont les balustres à double renflement sont sculptés et ornés de feuillages. L’ordre du premier étage est ionique, celui du second est corinthien. Bramante et Raphael eurent assez l’usage d’accoupler les colonnes et les pilastres contre les trumeaux des entre-croisées. La largeur qu’on donne encore aujourd’hui à ces trumeaux dans les palais d’Italie, fut favorable à la pratique de l’accouplement. Il ne manque pas de quelques autres raisons pour la justifier. Certainement l’inconvénient qui en résulte à l’égard des colonnes, cesse en grande partie d’en être un, lorsque les ordres ne se trouvent employés que comme décoration de bas-relief ; et voila à quoi se réduit à peu près leur emploi, dans l’application qu’on en fait le plus souvent aux façades des maisons.

Quoi qu’il en soit, celle de ce palais est encore remarquable par un goût de modénature ou de profils fort corrects, par la belle exécution des détails, par la noblesse et la pureté des chambranles, qui servent d’encadrement aux fenêtres.

On admire cependant encore plus, à Florence, le palais Pandolphini, élevé sur les dessins de Raphael, dans la rue San-Gallo. Il n’y a certainement, d’aucun architecte, un dessin de palais plus noble, d’un style plus pur, d’une plus belle ni d’une plus sage ordonnance. Ni Balthazar Peruzzi, ni les San Gallo, ni Palladio, n’ont produit un meilleur ensemble, avec de plus beaux détails et dans de plus justes proportions. Nulle part l’architecture ne présente de fenêtres ornées de plus beaux chambranles, ni d’étages espacés avec une plus judicieuse symétrie. L’entablement de ce palais se trouve cité au rang des modèles vraiment classiques, dans le Recueil des plus beaux détails des monumens de Florence, par Ruggieri.

Si Raphael eût vécu plus long-temps, Rome, sans doute, auroit eu à montrer beaucoup plus de monumens de son génie en architecture, qu’elle n’en possède. Il faut cependant s’étonner qu’au milieu de tant et de si nombreux travaux, il ait encore eu assez de loisir pour écrire son nom sur des ouvrages peu importans, si l’on veut, mais cependant toujours propres à le placer au premier rang des maîtres de l’architecture.

Vasari ne nous apprend pas d’une manière très-claire, si le palais que Raphael occupa dans Borgo nuovo, et qui fut détruit pour faire place aux colonnades de Saint-Pierre, fut de son dessin, ou de celui de Bramante, son parent. Ce fut, dit-il, pour laisser un souvenir de lui, per lasciar memoria di se, que Raphael fit bâtir le palais dont le dessin nous est parvenu. Les paroles de Vasari, dans les deux endroits où il en fait mention, ne semblent indiquer Bramante que comme constructeur de l’édifice, et comme y ayant employé un procédé nouveau, qui consistoit à couler dans des moules les parties saillantes du revêtement extérieur. Bramante, chargé alors des plus vastes constructions, devoit avoir à sa disposition tous les moyens mécaniques de bâtisse, qui ne pouvoient pas encore être à la portée de Raphael. Celui-ci put donc donner le plan, les élévations et tous les détails de son palais, et se reposer sur l’amitié de Bramante, des soins qu’exigea la construction.

Ce qui le persuaderoit encore, c’est que, d’une part, en voyant le dessin de cette architecture, on n’y distingue ni la manière de profiler un peu maigre, ni l’espèce de sécheresse habituelle des compositions de Bramante, et que, de l’autre, on croit retrouver, dans cette jolie façade, les chambranles du palais Pandolfini. Du reste, les armes de Léon X, dont l’écusson surmonte le chambranle de la croisée du milieu, annonceroient que ce palais n’auroit été terminé que sous le pontificat de Léon X, élu pape en 1513, et Bramante mourut en 1514.

L’identité de goût et de manière qui s’étoit établie dans la peinture, entre Raphael et Jules Romain, empêche souvent, comme on le sait, de discerner la part du maître et celle qu’eut l’élève à l’exécution d’un tableau. Il en fut ainsi, et la même cause a produit entr’eux la même incertitude, à l’égard des ouvrages d’architecture. Elle existoit déjà de leur temps. Déjà la critique des contemporains attribuoit indistinctement à l’un et à l’autre, certains monumens, qui de fait doivent passer pour être le produit d’un seul et même génie. Si l’on en croit Vasari, le charmant édifice, appelé d’abord à Rome villa del Papa, puis, et encore aujourd’hui, villa Madama, seroit du dessin de Raphael. C’est aussi l’opinion de Piacenza, qui croit toutefois que Jules Romain y eut part ; ce qui est indubitable quant à l’exécution des ornemens et des peintures.

Il n’y a pus moins de doute sur quelques autres petits palais, chefs-d’œuvre de grâce et de goût, édifices vraiment classiques, qu’on prendroit, dans Rome, pour être de ces habitations d’anciens Romains, que le temps auroit oublié de détruire. Il suffit de les désigner ainsi aux connoisseurs, car ils ont passé par tant de propriétaires, qu’on ne sait plus sous quel nom les faire connoître. Rien, au reste, n’empêche de les attribuer à Jules Romain, et on le peut sans faire de tort à Raphael, puisque l’élève, en ce genre, est encore l’ouvrage du maître, Voy. Pipi Giulio.

Mais un petit bâtiment, qu’on s accorde à regarder comme ayant été une production de Raphael, est celui des écuries d’Augustin Chigi, à la Longara. Ce qui fait l’éloge du goût et du style de cette fabrique, et ce qui probablement auroit jeté de la défaveur sur toute autre, c’est qu’elle fait face et sert de pendant à un des édifices les plus élégans de Balthazar Peruzzi (voy. Ce mot), je veux dire la Farnesine, et que les deux architectures semblent être du même auteur.

On cite ordinairement à Rome, comme l’ouvrage tout à la fois le plus authentique, et dans ce genre le plus considérable de Raphael, un assez grand palais, qu’il nous seroit difficile de désigner aujourd’hui par le nom de son propriétaire, mais que tout le monde connoît pour être dans le voisinage de Sant-Andrea della valle. Sa façade des mieux ordonnées, se compose de douze fenêtres, dont les trumeaux sont ornés d’un ordre de colonnes doriques accouplées, formant l’étage principal, et couronnées d’un fort bel entablement, avec des triglyphes. On ne sauroit voir un soubassement mieux entendu et d’un meilleur effet, que celui qui forme le rez-de-chaussée de ce palais. Les bossages y sont employés avec beaucoup de variété, et de manière à leur faire produire le caractère de la force sans le défaut de la pesanteur. Dans toute cette élévation, les pleins et les vides alternent entr’eux avec un accord qui sembleroit n’avoir été dicté que par l’esprit de la décoration, lorsqu’il est permis de supposer que ce seroit le besoin seul qui l’auroit inspiré.

Il y a dans l’église de Santa-Maria del Popolo, à Rome, une belle chapelle en coupole, qui appartint à Augustin Chigi, et qu’on s’accorde à reconnître pour une œuvre d’architecture de Raphael. Les écrivains vont plus loin. Ils veulent qu’il soit l’auteur des cartons d’après lesquels Sébastien del Piombo aurait exécuté les fresques dont la voûte de la chapelle est décorée, et ils lui donnent encore une part dans quelques-unes de ses sculptures, en lui en attribuant soit l’invention, soit la direction. Ce dont tout le monde convient, au reste, en voyant celle chapelle, c’est que si la main de Raphael ne s’y montre nulle part avec une évidence qui permette d’affirmer les allégations précédentes, il y a assez de son goût, pour qu’il soit difficile de les contester entièrement.

D’après tout ce qu’on vient de rapporter, il n’y a point lieu de s’étonner que, Bramante mort, Léon X ait, selon le vœu de cet architecte, nommé Raphael pour lui succéder, comme ordonnateur en chef de la construction de Saint-Pierre. Le bref du Pape, qui lui conféra cette place, se fonde non-seulement sur le suffrage de Bramante, mais encore sur ce que Raphael l’avoit justifié dans les nouveaux projets déjà donnée par lui de l’édifice.

On y apprend de plus, qu’il avoit enfin réduit à un plan définitif l’ensemble de Saint-Pierre, sur lequel il paroît que Bramante n’avoit point laissé île documens bien arrêtés. Effectivement, Raphael en fixa les données ; mais ce que nous avons nommé plan, d’une manière trop générale, consista dans un véritable modèle en relief. C’est ce qu’indique bien, dans le texte latin du bref, le mot forme, et c’est ce que confirme encore plus positivement la lettre de Raphael à Balthazar Castiglione. « Notre Saint-Pere, dit-il, m’a mis un grand fardeau sur les épaules, en me chargeant de la construction de Saint-Pierre. J’espère ne pas y succomber. Ce qui me rassure c’est que le modèle que j’ai fait, plaît à Sa Sainteté, et a le suffrage de beaucoup d’habiles gens. Mais je porte mes vues plus haut. Je voudrois trouver les belles formes des édifices antiques. Mon vol sera-t-il celui d’Icare ? Vitruve me donne, sans doute, de grandes lumières, mais pas autant qu’il m’en faudroit ».

Raphael s’étudioit donc à se rapprocher plus qu’on ne l’avoit fait encore, du goût et des formes de l’architecture antique. Vitruve ne lui offroit pas de quoi remplir complètement l’idée qu’il s’étoit formée du beau en architecture. Il visoit plus haut.

Rien ne prouve mieux, ce semble, et la délicatesse de son goût, et sa pénétration, que ce jugement qu’il porte de Vitruve, alors l’oracle et le guide de tous les architectes. Instruit qu’il devait être, et comme on l’étoit de son temps, par tous les réfugiés de Constantinople, que la Grèce avoit conservé plus d’un monument du beau siècle des arts, il sembloit pressentir la supériorité de ces originaux sur les copies que l’antique Rome en avoit faites ; il aspiroit à s’en procurer la connoissance par de nouvelles recherches. A cet effet, il entretenoit des dessinateurs dans l’Italie méridionale, et il en envoyoit, dit Vasari, jusqu’en Grèce.

Quand on sait quelle connexion de principes fait nécessairement participer tous les arts, à une sorte de communauté de style et de goût, et quand on considère combien cet effet doit être plus sensible, lorsque les ouvrages de ces arts procèdent du génie d’un même homme, on voit ce que l’architecture auroit pu devenir dans le temple de Saint-Pierre, sous la direction de Raphael. Ce monument, par son plan, et dans ses élévations, ne pouvoit, sans doute, avoir rien de commun avec les temples de la Grèce. Mais qui peut dire ce qu’auroient gagné ses proportions, ses détails, l’économie et le choix de ses ornemens ? Qui sait quelle pureté de profils, quel caractère d’élégance et de noblesse il eût acquis, par un système d’imitation de l’antique, tel que Raphael l’auroit conçu ? On ne sauroit s’empêcher de regretter qu’un édifice, qui devoit servir de modèle au goût de toute l’Europe, n’ait point été élevé sur les dessins de celui qui, dans un autre genre, n’a pu encore être ni égalé, ni remplacé.

Regrets superflus ! Non-seulement le modèle de Saint-Pierre, fait en relief par Raphael, a disparu, mais il n’en est resté qu’un seul dessin, celui du plan. C’est Serlio qui nous l’a conservé dans son Traité d’Architecture. Selon lui, et cette notion s’accorde avec les précédentes, Bramante étant mort sans laisser un projet complètement rédigé, ce fut Raphael qui ramena le vaste ensemble de sa disposition, a la forme qu’en présente le dessin qu’on vient de citer.

Ce plan est sans contredit le plus beau qu’on ait jamais imaginé, selon le système des églises modernes. On sait que Bramante, dans sa conception première. s’étoit inspiré, pour ses nefs, de la disposition des grandes voûtes de l’édifice antique, appelé le temple de la Paix, et de la construction, comme de la forme du Panthéon, pour la réunion des quatre nefs. Obligé de remplacer la vieille basilique de Saint-Pierre, dont les nefs en colonnes étoient surmontées d’un plafond de bois, par une immense construction en voûtes, il lui fallut substituer des piédroits aux colonnes, et de vastes cintres aux plates-bandes.

Ce genre admis, et Raphael n’avoit plus à délibérer sur le choix, il faut convenir qu’on n’a jamais, en ce genre, tracé un plan plus simple, plus grandiose, mieux dégagé, et d’une harmonie plus parfaite. La disposition de ce qu’on appelle une croix latine est elle-même une tradition des anciennes basiliques. Qui voudra examiner chaque détail de ce plan, verra qu’il n’y a aucune forme des parties circulaires, soit de l’apside, soit des deux croisillons, qui ne soit une imitation de l’intérieur du Panthéon ou de quelqu’autre monument antique.

N’ayant point à examiner ici quelles furent les raisons qui, dans la suite, firent renforcer et augmenter de volume les supports de la coupole, ce qui obligea d’en faire autant à la masse des piédroits de la nef, mais considérant en ellemême la disposition de l’ensemble, arrêté dans le plan de Raphael, on est forcé d’accorder que cette disposition, très-supérieure à celle d’aujourd’hui, sera toujours regretter l’abandon de son projet.

Raphael avoit été nommé architecte de la nouvelle église de Saint-Pîerre par Léon X, au mois d’août 1515. Un bref du mémo Pape, daté du même mois de l’année suivante, lui conféra la surintendance générale de tous les restes d’antiquité, tant des ouvrages dont les matériaux pourroient servir à la décoration de la basilique nouvelle, que des fragmens qui présentoient des inscriptions dignes d’être conservées.

« Sachant (porte le bref) que de toute part, soit ceux qui bâtissent à Rome et dans les environs, soit ceux qui font des fouilles, trouvent abondamment, dans les ruines antiques des marbres de tout genre, je vous donne, en tant qu’architecte en chef de Saint-Pierre, l’inspection générale de toutes les fouilles et découvertes de pierres et de marbres qui se feront dorénavant à Rome et dans une circonférence de dix milles, afin que vous achetiez ce qui pourra convenir à la construction du nouveau temple.

« A cet effet, j’ordonne à toute personne, de quelqu’état ou rang qu’elle soit, noble ou non, constituée en dignité, ou de basse condition, de venir donner à vous, comme surintendant en cette partie, connoissance de toute pierre, de tout marbre, qu’on découvrira dans l’étendue de pays par moi désignée, voulant que quiconque y manquera, soit par vous jugé et muleté d’une amende de cent à trois cents écus d’or.

« Comme, en outre, il m’a été rapporté que les marbriers emploient inconsidérément et taillent des marbres antiques, sans égard aux inscriptions qui y sont gravées, et qui contiennent des monumens importants à conserver pour l’étude de l’érudition et de la langue latine, je fais défense à tous ceux de cette profession de scier ou de tailler aucune pierre écrite, sans votre ordre ou votre permission ; voulant, s’ils ne s’y conforment, qu’ils encourent la peine susdite. »

Paul Jove, contemporain de Raphael, dans l’éloge latin par lui consacré à sa mémoire, dit en propres termes, qu’il avoit étudié et mesuré les restes de l’antique Rome, de manière à en réintégrer l’ensemble, et à pouvoir le mettre sous les yeux des architectes, ut intégram urbem architectorum oculis considerandam proponeret.

Calcagnini, écrivant du vivant même de Raphael, rapporte la même chose, mais en termes beaucoup plus emphatiques. « Je ne parlerai pas, (dit-il), de la basilique du Vatican, dont Raphael dirigea l’architecture, mais bien de la ville entière de Rome, rappelée par lui à son ancien état, et rendue par lui à sa première beauté, avec le secours des écrivains, de leurs descriptions et de leurs récits. Aussi excita-t-il à tel point l’admiration du pape Léon. X, et de tous les Romains, que chacun le regarda comme une sorte de Dieu descendu du ciel pour faire revoir dans son antique splendeur la ville éternelle… Ut quasi cœlitus demissum numen, ad œternam urbem in pristinam majestatem reparandam omnes homines suspiciant. »

En admettant que le genre de l’éloge ait pu induire ces écrivains à vanter avec quelqu’hyperbole une entreprise, que sa nouveauté toutefois devoit rendre très-remarquable, il n’en reste pas moins prouvé que Raphael, qui, comme on l’a vu plus haut, envoyoit des dessinateurs jusqu’en Grèce, avoit embrassé dans un travail général, la restitution de tous les édifices antiques de Rome. Cela même doit paroître d’autant plus vraisemblable, qu’il étoit dès-lors obligé de se livrer à des études plus spéciales d’architecture, et qu’il trouvoit dans sa nombreuse école, tous les secours nécessaires pour réaliser un semblable ouvrage.

Dès-lors doit acquérir plus de probabilité l’opinion avancée par M. Francesconi, savoir, qu’une lettre, ou plutôt, comme nous dirions aujourd’hui, un rapport ou mémoire adressé à Léon X, et attribué à Balthazar Castiglione, parce qu’il fut trouvé dans ses papiers après sa mort, est, du moins pour la plus grande et la plus importante partie, l’ouvrage même de Raphael.

On ne sauroit se refuser à le croire, lorsqu’on lit dans ce rapport, qui étoit accompagné de dessins, un exposé de considérations, de projets, de travaux graphiques, qui ne peuvent être que le fait de l’artiste, et ne sauroient convenir à l’auteur du Cortigiano. Tout ami des arts et de Raphael qu’on puisse le supposer, certes il ne devoit ni ne pouvoit se livrer au travail de mesurer des ruines, de tracer des plans, et d’y faire entrer jusqu’aux indications des voies romaines.

Comment se persuader ensuite que le pape Léon X auroit commandé un pareil travail à Balthazar Castiglione, mêlé alors dans toutes les affaires d’intérêt entre le Saint-Siége et le duché d’Urbin, et non à Raphael, son architecte, surintendant et conservateur des antiquités ? Comment pouvoir se prêter à cette idée, lorsque l’auteur de la lettre ou du rapport dont il s’agit, dit en propres termes, que le Pape lui a commandé, de de siner Rome antique, autant que cela se pourroit, par la connoissance des restes qui en subsistoient ? Essendo mi adunque commandato da Vostra Santita che io ponga in disegno Roma antica, quanta conoscer si puo per quello che Oggidi si vede, etc.

Certainement Castiglione ne sauroit avoir été celui qui, dans un rapport au Pape, auroit décrit le procédé particulier employé pour lever les plans, et tracer les élévations géométriques des édifices antiques. Resta, che io dica il modo che ho tenuto in misurar gli.

Nous ne saurions quitter cette partie, jusqu’ici peu remarquée, des travaux de Raphael sur les monumens antiques de Rome, sans faire mention d’un passage de la préface d’Andréa Fulvio, dans son ouvrage des antiquités romaines, publié sept uns après la mort de Raphael. « J’ai pris soin, (dit-il), de sauver de la destruction, et de rétablir, avec les autorités des écrivains, les restes antiques de Rome, & j’ai étudié dans chaque quartier les anciens monumens, que, sur mon indication, Raphael d’Urbin, peu de jours avant sa mort, avoit peints au pinceau, penicillo pinxerat. »

Il résulte de ce passage, que non-seulement Raphael avoit mesuré, dessiné et restitué les édifices ruinés de l’ancienne Rome, mais qu’il avoit déjà commencé à en faire, ce qu’on appelle, des tableaux de ruines ou d’architecture.

RAPPORT, s. m. L’emploi le plus ordinaire de ce mot, en architecture, est d’exprimer dans la combinaison des parties d’un édifice, la relation ou la correspondance des masses essentielles, de leurs mesures, de leurs détails, de leurs ornemens.

Il n’y a presque rien dans les ouvrages des arts, et peut-être dans ceux de la nuture, qui ait une valeur absolue, et telle qu’on puisse la considérer, abstraction faite de toute relation. Comme il n’y a rien qui ne se compose de parties, ce sera toujours par les rapports des parties entr’elles et avec leur tout, que nous jugerons des qualités de chaque objet.

Ainsi les idées les plus simples, celles de grandeur, par exemple, sont plus qu’on ne pense soumises à l’action de rapport. Une masse plus petite qu’une autre paroîtra plus grande, en raison des parties ou des objets qu’on met en rapport avec elle, et qui lui servent d’échelle. Un édifice paraîtra grand dans une petite place ; le même, si la place est vaste, va nous sembler petit.

Quelquefois le manque absolu de divisions dans une grande masse, ne présentant à l’œil aucun rapport facile de mesures, empêche d’en évaluer la grandeur. Quelquefois des divisions beaucoup trop multipliées, décomposant la masse par des détails trop difficiles à additionner, s’opposent à. l’effet de la grandeur, en ne nous frappant que par la petitesse des parties. Dans le premier cas, des rapports trop étendus échappent à la mesure de la vue ; dans le second, c’est l’œil même qui s’y refuse.

L’architecture, comme les autres arts, consiste donc en rapports. Mais ce qui fait sa difficulté, c’est qu’elle n’a point dans la nature, de modèle qui lui en fournisse des exemples tout faits et des règles particulières. L’architecte ne peut presque jamais s’assurer du bon effet des rapports dans l’ensemble qu’il imagine, par la comparaison avec un modèle effectif, Il ne peut avoir recours à l’épreuve de la réalité, que dans quelques parties de détail, comme quelques profils d’entablemens, quelques contours de chapiteaux, encore ne sauroit-il les voir en rapport avec la masse totale de l’édifice, qui n’existe point. Il n’y a véritablement qu’une grande expérience, l’habitude des parallèles et le tact d’un sentiment très-délicat, qui peuvent lui faire deviner, dans les dessins qu’il compose, ce que deviendra l’ouvrage réalisé en grand.

Après ce qu’on peut appeler les rapports linéaires, et, si l’on peut dire, matériels, dont on vient de parler, il y a pour l’art de l’architecture une multitude d’autres rapports intellectuels ou moraux, de la justesse desquels dépendent le mérite, la propriété, le caractère de chaque édifice. Ainsi, du choix de telles ou telles proportions, de l’emploi de telles ou telles formes, de l’application de tels ou tels ornemens, procéderont, pour l’esprit du spectateur, tels ou tels effets, qui mettront l’édifice en rapport avec sa destination, et produiront les impressions qui lui sont analogues. Mais, comme on voit, la théorie de ces sortes de rapports étant la théorie même du goût et du génie de l’architecture elle se retrouve en détail à tous les articles de ce Dictionnaire, dont elle est le principal objet. C’est pourquoi nous n’alongerons pas davantage celui-ci.

Rapport. Dans la partie administrative des bâtimens on nomme ainsi le jugement par écrit que font des gens experts en l’art de bâtir, et nommés d’office ou par convention, soit sur la qualité et la Quantité, soit sur le prix des ouvrages ; quelquefois aussi sur quelque point douteux ou controversé d’un projet de construction ou d’un procédé nouveau.

Rapport, se dit aussi des ouvrages qui se font de différens morceaux de matière, et sur un fond d’une autre matière, comme, par exemple, de différens bois colorés et précieux, sur un fond de bois commun, de différens marbres sur un fond en pierre, d’or et d’argent sur le cuivre. Voyez sur cet objet, les articles Marqueterie, Mosaique.

RAPPORTEUR, s. m. Plaque de métal ou de corne transparente, en forme de demi-cercle, dont le limbe est divisé en 180 degrés, et les degrés en minutes, suivant sa grandeur. On s’en sert pour rapporter sur le papier les angles Qu’on a mesurés sur le terrain en levant un plan.

RATELIER, s. m. C’est, dans une écurie, une espèce de balustrade faite de roulons tournés, où l’on met le foin pour les chevaux, au-dessus de la mangeoire. Le râtelier doit être à une hauteur de la mangeoire, telle que les chevaux, tirant de haut leur foin ou leur paille, s’accoutument à lever la tête.

RAVALEMENT, s. m. On donne ce nom dans les pilastres et corps de maçonnerie ou de menuiserie, à un petit enfoncement simple, ou bordé d’une baguette ou d’un talon.

RAVALER, v. act. C’est faire un enduit sur un mur de moellons, et y observer des champs, des naissances et des tables de plâtre ou de crépi. C’est aussi repasser avec la laye ou la ripe une façade de pierre, ce qui s’appelle encore faire un ravalement, parce que l’on commence cette façon par en haut, et qu’on finit par en bas, en ravalant.

RAVENNE, est une des plus anciennes villes de l’Italie. Aucune n’auroit ni plus de restes à montrer, ni de plus variés de son antique existence, si, en passant sous tant de dominations diverses, elle n’eût éprouvé les plus nombreuses vicissitudes. Enfin, ce qu’elle a conservé de célébrité, sous le rapport des monumens, est dû à la domination, des Goths, dont elle fut quelque temps la capitale en Italie ; et le tombeau de Théodoric, qu’on y voit encore, atteste un des derniers éfforts de l’ancien art du bâtir.

Cependant on trouve dans Ravenne, de plus antiques témoins de sa grandeur et de sa richesse passée.

Le Musée des antiquités de Paris possède un bas-relief qui vient originairement de Ravenne, où l’on voit encore son pendant, entre toutes les raretés qui décorent l’église de Saint-Vital. La gravure a fait connoître ce dernier, qui représente le trône de Neptune avec trois génies, dont l’un porte son trident, et les deux autres une grande coquille de buccin. Un de ces génies est à droite du trône, les deux autres sont à la gauche. Au-dessous du trône est un monstre marin qui semble être là pour le garder. Le bas-relief du Musée de Paris offre la même composition, mais le trône est consacré à Saturne. Il existe des morceaux tout semblables pour la dimension et la composition, à Rome, à Venise el a Florence : d’où l’on doit conclure que ce sont tous morceaux détachés de l’ensemble d’une frisa appartenant à un temple de Ravenne, consacré à tous les dieux, et où chaque divinité étoit représentée, comme l’usage en est très-fréquent dans l’autique, sous l’image d’un trône accompagné des symboles et attributs que la religion avoit affectés à chaque dieu.

Il reste encore quelques débris de l’ancien pont de Ravenne. On y reconnoît la situation du phare destiné a éclairer la route des vaisseaux ; des vestiges de la belle porte de marbre, porta aurea, qui fut bâtie par Claude ou par Tibère, et aussi d’autres constructions qu’on donne pour les restes de l’ancien palais de Théodose.

Ravenne est extrêmement remarquable par la grande quantité de fragmens antiques de marbre, surtout noir et blanc, qui attestent le grand emploi qu’on en fil aux temps de sa magnificence.

Le cathédrale est ornée de quatre rangs de belles colonnes de marbre grec. L’église de Sainte-Apollinaire a vingt-quatre colonnes de marbre gris veiné, qui furent, dit-on, apportées de Constantinople. L’église de Saint-Vital, sur un plan octogone, est soutenue par des colonnes de marbre grec, qu’on croit avoir été apportées à Ravenne, sous les exarques qui en étoient les souverains, sortis la plupart de Constantinople, source principale d’où alors émanoient les richesses des arts et de l’architecture.

Dans une cour du couvent de Saint-Vital, on voit une chapelle revêtue de marbre gris de lin, qui fut bâtie par l’impératrice Galla Plaidia, fille de Théodose-le-Grand, pour servir de sépulture à sa famille. Il y a en effet trois grands tombeaux en marbre, celui de cette impératrice, ceux des empereurs Honorius, son frère, et Valentinien III, son fils.

Mais ce qu’on appelle la Rotonda, ou l’église de Sainte-Marie de la Rotonde, qui est maintenant hors de la ville, tout près des murs, est le monument le plus remarquable de ses antiquités. Il fut érigé à la mémoire de Théodoric, par la célèbre Amalasonte, sa fille.

Ce monument sépulcral se compose de deux étages. L’intérieur est aujourd’hui à moitié comblé et rempli d’eau. L’étage supérieur forme une salle circulaire qui se termine en voûte d’un seul morceau. Ce couronnement monolythe est ce qui a fait la célébrité du monument. Il consiste en un bloc de pierre d’Istrie, taillé en forme de coupe, et dont le diamètre est de trente-quatre pieds. Il a une corniche et des moulures qui en exhaussent la masse d’une hauteur de neuf pieds dix pouces.

M. de Caylus, qui a parlé de ce bloc de pierre transporté de l’Istrie, et qu’on plaça à quarante pieds de hauteur, l’a comparé, sous le rapport de moyen et de puissance mécanique, dans l’emploi des matériaux, aux grands efforts des Anciens en ce genre, et l’a cité comme un dernier exemple de leur goût, pour tout ce qui offroit, dans la construction, l’idée d’une éternelle solidité. Le savant antiquaire a supputé ce qu’avoit dû comporter le poids de ce bloc colossal, et il a trouvé que ce poids devait s’élever à 940 000 livres.

Au-dessus de cette coupole monolythe, étoit placé le sarcophage de porphyre qui contenoit le corps de Théodoric. On le voit actuellement appliqué à la muraille du couvent de Sainte Apollinaire, qui est dans l’intérieur de la ville. Il a huit pieds de long sur quatre de hauteur, et c’est probablement une de ces cuves qui avoient dû servir autrefois dans les thermes, comme beaucoup d’autres semblables, couvertes depuis en tombeaux. Il paroît qu’en 1512, lorsque les Français, sous Louis XII, attaquèrent Ravenne, ce précieux monument fut violé et mutilé pour en retirer les bronzes qui le décoraient.

RÉCEPTACLE, s. m. (Terme d’architecture Hydraulique.) On appelle ainsi un bassin où, soit par des canaux d’aqueduc, soit par des tuyaux de conduite, des eaux viennent se rendre, pour être ensuite distribuées en d’autres conduites.

On nomme aussi conserve cette sorte de réservoir. Il s’en est fait de toute espèce de grandeur. On peut voir, sur la butte de Montboron près Versailles, le grand bassin rond qui sert de réceptacle aux eaux qui, de-là, sont conduites dans les jardins du grand palais de cette ville.

RÉCHAFAUDER, v. act. C’est faire de Nouveaux échafauds pour réparer ou ravaler quelqu’endroit oublié, ou pour remplacer quelque pierre cassée, ou pour tout autre besoin.

Réchampir, v. act.: se dit, dans la peinture de décoration des batimens, d’une opération qui consiste à rehausser ou à varier par des teintes diverses, soit des moulures, soit des compartimens.

Les doreurs Disent aussi rechampir, pour dire réparer avec du blanc les taches qu’on a pu faire sur un fond qu’on veut dorer.

RÉCHAUFFOIR, s. m. Petit potager qu’on pratique près d’une salle à manger, pour réchauffer les plats qu’on apporte d’une cuisine éloignée.

RECHAUSSER, v. act. C’est rétablir le pied d’un mur, et y rapporter de nouvelles pierres.

RECHERCHE, s. f. Ce mot ne s’emploie guère dans le langage des beaux-arts, que pour exprimer, non pas seulement le fini qu’on donne à leurs ouvrages, mais les soins extrêmes que l’on porte dans ce fini.

Aussi dit-on : il y a dans l’exécution de tous les détails, une grande recherche, ce qui veut dire que l’artiste a recherché jusqu’au scrupule, ces dernières finesses qui empêchent de croire qu’on puisse aller plus loin.

L’idée de recherche, telle qu’on vient de la présenter, s’applique donc également à l’exécution de l’architecture. Elle comporte l’idée de précision rigoureuse dans le tracé, comme dans le fouillé des ornemens et des rinceaux, celle de pureté dans les profils, et jusqu’à celle de netteté dans les assemblages et les joints, de poli dans les surfaces et les paremens, et de régularité précieuse dans l’appareil.

Du reste, on se sert encore quelquefois du mot recherche, pour louer dans un ameublement, et dans toutes les parties dont il se compose, un certain goût pour les ornemens peu communs, un choix délicat d’objets rares et curieux, et un soin d’ajustement appliqué à chaque chose, qui dénote le désir de se distinguer moins par la richesse, que par la grâce et par l’élégance.

Recherche se dit, en terme de construction, de la réparation d’une couverture, où l’on met quelques tuiles ou ardoises, à la place de celles qui manquent. C’est aussi la réfection des tuilées, solins arestiers et autres plâtres.

Recherche de pavé. On appelle ainsi l’opération qui consiste, dans l’entretien des rues et des chemins pavés, à raccommoder les flasques, à mettre des pavés neufs à la place de ceux qui sont brisés.

RECHERCHER, v. act.: signifie, ainsi qu’on l’a dit au mot Recherche, employer les derniers soins à l’achèvement d’un ouvrage, lui donner le dernier fini, et ne laisser rien à désirer dans l’exécution.

Sous ce point de vue, ce mot se prend en bonne part. Cependant, comme il n’est rien dont on n’abuse, point de vertu qui, poussée à l’excès, ne puisse devenir un vice, il arrive aussi que le soin excessif du fini devient de la minutie, que la recherche devient de l’affectation, et qu’une correction trop scrupuleuse donne à l’ouvrage ou de la froideur, ou de la roideur.

C’est ainsi que le mot recherché, dans la langue du goût, peut être quelquefois une critique. On dira d’une décoration, que le style en est recherché, lorsqu’il s’y montre trop de prétention, trop d’apprêt dans les détails, et une exécution minutieuse.

Il y a enfin dans les ouvrages de tous les arts, un certain point, au-delà duquel, tout ce qui montre. par trop l’envie de plaire, déplaît. C’est, comme dans un autre genre, l’affectation de la grâce : plus on la cherche, et moins elle se laisse trouver.

Rechercher se prend aussi dans un sens technique, et se dit, dans le travail de l’ornement, de l’action de réparer avec divers outils, les ornemens de l’architecture, de sorte que tous les détails et les moindres parties en soient entièrement terminées.

RÉCIPIANGLE. Voyez Sauterelle.

RECOUPEMENT, s. m. : Se dit des retraites larges qu’on laisse à chaque assise de pierre dure, dans les ouvrages construits sur un terrain dont la pente escarpée, ou à ceux qui sont fondés sous l’eau, comme les piles de pont, les digues, pour donner à ces constructions plus d’empattement.

Recoupement est aussi la diminution d’épaisseur qui se pratique dans l’élévation d’un mur de face.

RECOUPES, s. f. pl. On appelle ainsi les menus morceaux qu’on abat des pierres, lorsqu’on les taille pour les équarrir ou les mettre en œuvre.

On se sert des recoupes pour former et affermir le sol des caves et les aires des allées de jardin, en les aplanissant avec la batte.

On s’en sert après les avoir écrasées, réduites en poudre et passées au tamis, pour faire du badigeon.

On s’en sert enfin dans cet état, après les avoir mêlées avec du sable et de la chaux, pour faire un mortier couleur de pierre.

RECOUVERT, adj.: Se dit, en maçonnerie, en charpente et menuiserie, des joints qui ne sont pas apparens, et qui excèdent l’assemblage, parce qu’ils sont recouverts quelque saillie.

RECOUVREMENT, s. m.: Se dit de la saillie d’une pierre, sur le joint de celle qui lui est contiguë, et aussi de la partie saillante d’une pièce de bois qui couvre un tenon, ou une queue d’hironde.

RECUEILLIR, v. act. C’est raccorder une reprise, par sous-œuvre, d’un mur de face ou mitoyen, avec ce qui est au-dessus.

Ainsi, on dit se recueillir, lorsqu’on érige à plomb la partie d’un mur à rebâtir, et qu’elle est conduite de telle sorte, qu’elle se raccorde avec la partie supérieure du mur, estimée bonne à conserver, ou du moins avec un petit porte-à-faux en encorbellement, qui ne doit avoir au plus que le sixième de l’épaisseur du mur.

RECULEMENT ou RALONGEMENT D’ARESTIER, s. m. Se dit en charpenterie, de la différence qu’il y a entre la ligne d’équerre du poinçon d’une croupe, au milieu du mur, et la ligne tirée du même poinçon à l’angle de cette croupe.

REDANS ou REDENS, s. m. pl. On donne ce nom aux ressauts qu’on pratique de la distance en distance, à la retraite d’un mur que l’on construit sur un terrain en pente, pour le mettre de niveau dans chacune de ses distances, ou dans une fondation, à cause de l’inégalité de la consistance du terrain, ou d’une pente escarpée.

On donne le même nom, dans l’architecture militaire, aux angles saillans vers la campagne, qu’on pratique de distance en distance, dans les circonvallations et autres, afin que toutes les parties de leur enceinte se flanquent réciproquement.

REDOUTE, s. f. Est un petit fort, ordinairement carré, construit, soit pour prolonger la défense d’une place, soit pour arrêter l’ennemi, soit pour protéger un poste.

RÉDUIRE, v. act. On se sert de ce mot, dans tous les arts du dessin, pour exprimer les diverses opérations, par le moyen desquelles on diminue la dimension de l’objet que l’on copie, mais en conservant les proportions relatives du tout et de chaque partie.

On réduit un dessin d’architecture, an moyen d’une échelle plus petite que celle de l’original.

On réduit un carton ou un tableau, par le moyen des carreaux, ou ce qu’on appelle en italien graticola, c’est-à-dire, une sorte de gril, dont les divisions, égales en nombre, sur l’original à copier, et sur la copie qu’on veut en faire, diffèrent en grandeur, de manière que les carreaux seront de moitié plus petits pour la copie, que ne sont ceux du l’original, s’il s’agit de réduire celui-ci de moitié, et de même pour toute autre dimension au quart, au tiers, &c.

On réduit encore un dessin par le moyen de l’instrument appelé pantographe ou singe. Voyez Singe.

On réduit les statues et autres ouvrages de sculpture, par le moyen des châssis sur lesquels sont marquées des divisions graduées, selon la mesure de la réduction qu’on veut opérer.

RÉDUIT, s. m. C’est, dans les distributions des appartemens, un petit local souvent retranché d’un plus grand, tantôt pour donner à ce dernier une plus grande régularité, tantôt pour procurer aux grandes pièces les commodités qu’exige le service : tels sont, par exemple, les petits cabinets qu’on réserve volontiers auprès des alcôves.

Réduit exprime toujours l’idée d’une retraite locale, et placé hors de la circulation ordinaire des habitations.

REFAIT, adj. Se dit du bois de charpente qui est bien équarri, et dressé sur toutes ses faces.

RÉFECTION, s. f. On emploie ce terme au lieu du mot refacon, qui a un autre sens, pour signifier la grosse réparation, que la caducité ou un accident ont obligé de faire à un édifice.

RÉFECTOIRE, s. m. C’est, ou dans un hospice, ou dans une maison d’éducation, ou dans une communauté religieuse, un grand local servant de salle à manger.

Un pareil local doit avoir, en grand, tout ce qui accompagne les salles à-manger ordinaires. Il doit être à une proximité suffisante des cuisines. Il doit avoir de l’eau pour tous les besoins qui eu dépendent. On y pratique des armoires spacieuses, des buffets, des offices, des tables fixes, et des bancs qui le sont aussi. Il faut donner à ces pièces beaucoup d’élévation, et si on leur prépare des moyens d être échauffées l’hiver, il est encore plus important d’y ménager de grandes ou de nombreuses ouvertures, pour y renouveler l’air.

Les réfectoires, dans les grandes maisons religieuses, ont donné plus d’une occasion à l’architecture d’y bâtir de vastes et magnifiques salles, remarquables par leur construction, par leur ordonnance et par leur décoration. Tel est le réfectoire des pères Bénédictins de Saint-Georges-majeur á Venise, au fond duquel Paul Véronese avoit peint son beau tableau des Noces de Cana ; sujet, comme on le voit, bien choisi pour le lieu qu’il ornoit.

On peut citer encore comme un des plus beaux ouvrages en ce genre, et des plus hardis pour la construction, le réfectoire de l’abbaye de Saint-Denis en France.

REFEND, s. m., ENDS. C’est ordinairement au pluriel que l’on se sert de ce mot, pour exprimer ces canaux de séparation qu’on taille entre les pierres, pour empêcher qu’on n’aperçoive leurs joints, procédé dont on use quelquefois seulement dans des chaines de pierre, aux encoignures des bâtimens ; d’autres fois encore sur toute la surface des murs d’un édifice.

Il est probable que la pratique des refends aura dû son origine à l’usage de rabattre les angles des pierres, dans la crainte qu’ils ne se brisent par la pose, ou peut-être, comme on l’a déjà dit, au desir de cacher les joints, et surtout le ciment qui leur sert de liaison. Nous avons donné une origine à peu près semblable aux bossages (voyez ce mot), et il nous semble qu’il dut arriver aux murs à refends, comme aux murs en bossages, que par la suite on fit un agrément dans l’appareil, de ce qui, dans l’origine, avoit pu n’être autre chose qu’un procédé du besoin.

Dans la vérité, chaque compartiment de refends, comme ceui du bossage, sembleroit devoir représenter la surface de chaque pierre équarrie, et il est probable que les premiers appareils en pierres régulièrement taillées, devoient figurer par les refends horizontaux et perpendiculaires, l’étendue réelle du parement de chaque pierre.

Mais bientôt il dut arriver qu’on employât les refends à produire un appareil factice. Les murs bien dressés, et composés de pierres fort inégales en longueur et en hauteur, devinrent un champ, sur lequel il fut facile de tracer des lignes de refends, tout-à-fait indépendantes des lits et des joints véritables dont se composent les assises ; et c’est ainsi que nous voyons le plus grand nombre des édifices nous offrir, dans les canaux que forment les refends, une apparence de pierres dont les mesures n’ont aucun rapport, avec les dimensions effectives des matériaux qui forment la construction.

Dans l’usage actuel des bâtimens, les refends ne doivent être considérés que comme un moyen de variété, propre à corriger l’aspect de froideur et d’uniformité d’une superficie continuellement lisse, ou bien à introduire dans les parties de la construction, comme des teintés différentes, qui deviennent l’indication de la différente destination de ces parties.

Ainsi nous avons vu au mot Bossage, qu’un des plus fréquent emplois de cette manière de laisser aux pierres, une apparence brute ou rustique, étoit celui qu’on en fait, s’il s’agit surtout d’une grande masse d’édifice, dans lu partie de son soubassement, partie dont la solidité apparente et réelle est le principal mérite. Les refends sont employés dans le même esprit, à indiquer, bien qu’avec moins de force, les assises inférieures d’un édifice, et à détacher du reste de l’élévation, la base sur laquelle elle porte.

Les refends servent encore à imprimer un caractère de force et de solidité aux angles d’un bâtiment, aux encoignures d’un mur. Comme leur emploi a le plus souvent lieu, dans ces cas, sur des bâtimens dont les superficies, soit en pierre, soit revêtues d’un enduit, sont entièrement lisses, ils présentent alors l’image de chaines de pierre saillantes, et contribuent, à donner au spectateur l’idée d’un renfort, ou supplément de résistance porté aux endroits qui eu ont le plus besoin.

Mais, on l’a déja dit, les refends ne sont très-souvent, sous le crayon de l’architecte, qu’une sorte d’ornement qui donne quelque chose de plus piquant à une façade. On voit des palais a Rome, dont tous les pleins sont taillés en refends sur la pierre, ou sur l’enduit de stuc. Rien n’est plus commun à Paris, que des façades de bâtiment en plâtre, où l’on emploie la pratique des refends, à feindre ou a contrefaire l’apparence d’une construction en pierres.

Dès qu’on eut considéré les refends comme produisant, pour le plaisir des yeux un ensemble de compartimens plus ou moins variés, il fut naturel d’y chercher quelque raffinemens nouveaux. On a quelquefois rabattu les angles formés dans la pierre par le refend, et on les a taillés en biseau. Cette recherche toutefois diminue un peu de l’effet produit par les vives arêtes du refend.

On ne citera ici aucun exemple d’édifices à refends. Cette pratique comporte peu de variétés, et elle donne lieu à fort peu d’abus. Il suffit de dire qu’elle est de toute ancienneté : On la treuve sur les monumens de la Grèce et de Rome. Elle s’est renouvelée chez les Modernes avec l’imitation de l’architecture antique, et son emploi journalier, d’une exécution fort facile, n’a de préceptes à recevoir que du goût de l’artiste, et d’un petit nombre de convenanœs relatives ; à son art, et dont il est la seul juge.

REFENDRE, v. act. C’est, en charpenterie, débiter de grosses pièces de bois avec la scie, pour en faire des solives, des chevrons, des membrures des planchers, etc., ce qui s’appelle encore, scier de long. Cela se pratique aussi dans la menuiserie : ainsi les menuisiers nomment refend, un morceau de bois, ou une tringle otée d’un ais trop large.

C’est, en serrurerie, couper le fer chaud sur sa length, Avec la tranche et la masse.

C’est, dans L’art du couvreur, Diviser l’ardoise nominale feuillets avant de l’équarrir.

C’est, en terme de paveur, partager de gros pavés en deux, pour en faire du pavé fendu, qu’on emploie à paver les cours, les écuries, etc.

REFEUILLÉR. v. act. C’est faire deux feuillures en recouvrement, pour loger un dormant, ou pour recevoir les venteaux d’une porte ou les volets d’une croisée.

REFICHER, v. act. C’est refaire les joints des assises d’un mur, d’un piédroit, etc., lorsqu’on fait un ravalement ou une réparation.

REFUITE, s. f. On appelle ainsi un excès de profondeur d’un trou qu’on fait, pour placer une pièce de bois ou de fer, Comme un linteau entre les tableaux d’une porte, afin de pouvoir la revêtir. C’est aussi l’excès de Profondeur d’une mortaise.

REFUS, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) On dit qu’un pieu ou pilot est enfoncé jusqu’au refus du mouton, lorsqu’il ne peut pas entrer plus avant, et qu’on est obligé de couper la couronne.

REGAIN, s. m. Les ouvriers disent qu’il y a du regain à une pierre, une poutre de bois, etc., lorsqu’elle est plus longue qu’il ne faut, pour la place à laquelle elle est destinée, et en qu’on peut couper.

Regalement, s. m. : Est l’aplanissement ou le dressement de la surface d’un terrain, soit de niveau, soit suivant une pente arrêtée.

RÉGALER ou APLANIR, v. act. C’est après qu’on a enlevé les terres massives, mettre à niveau, ou selon une pente réglée, le terrain qu’on veut dresser. On appelle régaleurs ceux qui étendent la terre avec la pelle, à mesure qu’on la décharge, ou qui la foulent avec des battes.

REGARD, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) Tel est le nom qu’on donne à un petit bâtiment où sont enfermés les robinets de plusieurs conduites d’eau, avec un bassin pour en faire la distribution.

On appelle encore regards, des ouverture pratiquées de distance en distance, pour inspecter l’état des aqueducs ou conduites d’eau, et y faire les réparations qui peuvent y être nécéssaires.

RÈGLE, s. f. De l’instrument dont on se sert pour tracer, dans une multitude d’ouvrages, des lignes droites, le discours a emprunté le mot et l’idée de règle, pour expliquer métaphoriquement les préceptes dictés par l’expérience, et confirmés par l’exemple, qui servent, dans les beaux-arts, à guider ceux qui les pratiquent, et à les diriger par une route plus droite vers la perfection.

Les règles sont, donc, dans les opérations morales, ce qu’elles sont, et y sont le même office qu’elles sont dans les opérations physiques. Elles dirigent sûrement l’artiste, et elles abrègent le travail.

Nous avons dit ailleurs (voyez Principe) qu’il y avoit une distinction à faire entre les principes et les règles.

Ce qu’on appelle principe, avons-nous dit, ainsi que l’étymologie du mot l’indique, exprime l’idée d’origine, de source, d’où découlent des conséquences, et ces conséquences sont les régles.

Les principes en tout genre, sont, selon l’ordre de choses auquel ils s’appliquent, soit des conventions primordiales, soit des vérités générales, dont on ne sauroit contester l’existence, la légitimité, l’évidence, et qui servent de fondement aux lois qu’on en déduit.

Les principes sont des vérités générales, les règles en sont des applications particulières.

Les principes sont simples de leur nature, sans quoi ils ne seroient pas principes. Les règles sont nécessairement plus composées ; premièrement, en tant qu’elles sont dérivées ; secondement, en tant qu’elles se rapportent à plus de variétés.

En tant que simples, les principes qui reposent sur l’unité ou sur l’universalité, sont immuables, ils ne peuvent ni se modifier ni s’accommodera aucune considération. C’est à eux que tout doit tendre à e coordonner. Les règles, en tant que d’une nature composée, sont souvent variables dans leurs détails. Les besoins et les convenances exigent, selon les temps, les lieux, les circonstances, beaucoup de ces modifications que l’on appelle ou licences, ou exceptions.

Enfin, les principes sont en petit nombre, et l’on n’en sauroit découvrir de nouveaux. Les règles, au contraire, sont nombreuses ; et comme il se trouve des principes extrêmement séconds en applications, , et comme il en est qui sont l’expression souvent très-concise d’une multitude d’aperçus et de rapports très-déliés, et qu’en ce genre, comme dans tout ce qui est de l’esprit et de l’intelligence, il n’y a point d’espace qui ne soit illimité, il se peut toujours qu’un aperçu nouveau, contenu dans une vérité fondamentale, donne lieu à quelque règle nouvelle.

Il résulte de ceci, qu’il doit y avoir diverses classes de règles, lesquelles seront plus on moins impérieuses, selon qu’elles émaneront d’un principe plus ou moins important, ou qu’elles en seront les consequences plus ou moins directes ; car il arrive souvent qu’on prend pour règle obligatoire, celle qui n’est que la dérivation d’une autre règle : et l’on a vu encore que la confusion des idées en ce genre, a transformé en règle ce qui n’étoit que l’exception à la règle. De-là les abus (voyez Abus). Enfin, des abus même on a fait dériver de nouvelles règles.

En appliquant les élémens de cette théorie à l’architecture, il nous semble qu’on peut classer en quatre catégories, ce qu’on appelle les règles de cet art.

Il y a des règles qui reposent sur les principes de la raison et de la nature même des choses.

Il y a des règles qui reposent sur les principes de nos sensations et de la nature de notre ame.

Il y a des règles qui n’ont pour base que le principe de l’usage et l’autorité des exemples.

Il y a des règles qui ne dérivent que de la routine et des préjugés.

A la première classe correspondent ces sortes de règles, qu’on trouve établies partout. Telles sont celles, par exemple, de la solidité, de l’unité, de la simplicité, et qui ont pour base le besoin et l’utilité. La raison seule et la nature des choses empêchent de méconnoitre ces règles. Ce sont elles qui forment le code pratique de la construction, qui apprennent à proportionner les masses d’un édifice, et la pesanteur de ces masses à leurs points d’appui ; qui apprennent à mettre en proportion les pleins et les vides, qui enseignent, dans l’emploi des matériaux, la manière de les conformer au dessin général, qui enseignent les rapports de distance, de hauteur et d’étendue des objets entr’eux ; qui fixent, par des calculs certains, le point jusqu’où la hardiesse peut aller, sans offenser la solidité ; qui déterminent les proportions dépendantes de l’équilibre et de la pondération, de la résistance des corps, des forces et des poussées. Toutes ces règles sont des résultats, tantôt de l’expérience, qui supplée au calcul, tantôt du calcul fondé sur les lois de la physique et de la mécanique, et qui dispensent des leçons de l’expérience.

Tel est, en effet, l’avantage de ces règles, qu’elles vous font jouir des fruits accumulés de la science des siècles, qu’elles abrègent le travail de l’artiste, et le mettent à même d’opérer à coup sûr par des procédés infaillibles. Aussi ces sortes de règles trouvent peu de contradicteurs en elles-mêmes, personne n’en conteste l’utilité. Comme elles peuvent toujours se ramener à des démonstrations mathématiques, il n’y a, à leur égard, de controverse, que sur le plus on le moins, parce que les objets auxquels, on les applique, n étant pas toujours les mêmes, peuvent empêcher les applications d’être d’une rigoureuse uniformité.

Il est dans la nature de la seconde classe de règles, d’éprouver beaucoup plus de contradictions. Ce sont celles, avons-nous dit, qui reposent sur les principes de nos sensations et de la nature de notre ame.

Or, ce sont les règles de sentiment et de goût. On voit tout de suite comment et pourquoi ces règles sont exposées à plus de controverse. Ce n’est pas qu’elles reposent sur une base moins certaine ; mais c’est que cette certitude est morale, et, comme telle, n’a point le genre d’évidence matérielle qui frappe les sens.

Cependant les vérités morales ne sont pas moins vraies que les vérités physiques. Elles veulent seulement être jugées par les organes auxquels elles sont forcées de s’adresser. S’il y a, dans les rapports matériels des règles de solidité, une vérité qui frappe les sens de tous les hommes, parce qu’elles reposent sur la nécessité des causes sensibles, il y a, dans les rapports intellectuels des règles de sentiment, une sorte de vérité, dont tous les hommes sont également frappés, puisque les hommes sont forcés par une organisation morale commune à tous, d’éprouver les mêmes sensations et de recevoir les mêmes impressions, des qualités dont l’esprit est juge.

Aussi voyons-nous les ouvrages qui sont doués de ces qualités, en possession de produire en tout temps et en tout pays, les mêmes impressions. Et dans le fait, les lois morales de l’intelligence sont aussi immuables que les lois physiques de l’équilibre ; les facultés de notre ame pour apprécier le beau et le vrai moral, n’ont rien de moins fixe que les propriétés des organes : physiques, pour juger des mesures et des nombres. Mais s’il arrive que, par une erreur du jugement, on porte au discernement des règles de sentiment et de goût, le genre et la mesure de critique purement rationnelle, qui ne reconnoît pour constant que ce qu’on a pesé, mesuré ou calculé, il résultera de cette méprise, ce que nous voyons en résulter souvent, savoir, que l’on niera l’existence de toute vérité qui ne sera point une vérité physique.

Toutefois cela n’empêchera pas cette vérité d’exister. L’aveugle qui nie la lumière, prouve seulement qu’il n’a pas d’yeux. Il y a de même des hommes qui n’ont point la propriété de reconnoître les vérités morales. Mais il y a toujours eu un commun consentement des hommes, qui se sont accordés à reconnoître pour vrai et pour beau, ce que quelques aveugles méconnoissent.

Il y a donc toujours eu, il y aura toujours des règles certaines et invariables de sentiment et de goût, fondées sur la nature de notre ame. Ce sont celles qui enseignent à observer ces justes rapports de symétrie et d’eurythmie, dont l’effet est de produire un tout harmonieux à l’œil, comme les règles des accords en musique, produisent un ensemble de sons agréables à l’oreille. Ce sont celles qui enseignent à faire d’un édifice, un ouvrage, dont toutes les parties, à l’instar des membres d’un corps organisé, correspondent au tout, dans un tel ordre, et avec une telle mesure, que le tout puisse indiquer la dimension de sa partie, et la plus petite partie la dimension de son ensemble. Ces règles qu’on appelle règles de proportion, ayant leur base dans l’imitation même des œuvres de la nature, ne peuvent pas être contestées, paisque celui qui les contesteroit, mécounoîtroit le principe même du plaisir que nous recevons des harmonies de la nature.

On en doit dire autant de toutes les règles de l’architecture, qui, puisées à la source des impressions que nous recevons des productions naturelles, ne sont autre chose qu’une transposition des mêmes effets, appliquée aux productions de l’art. Telles sont les règles de l’unité, que la nature a observées constamment dans ses œuvres. La nature a constitué notre esprit, ou du moins les facultés qu’elle nous a données de percevoir, de sentir et de juger, d’une telle manière, que nous avons besoin, pour recevoir d’un objet des impressions agréables, que cet objet se présente à nous sous des rapports simples, qui en rendent la perception facile. Il est clair dès-lors que toute règle qui tendra au principe de l’unité, C’est-à-dire, à faire qu’un tien commun unisse toutes les parties, et les ramène à un centre, sera une règle aussi certaine dans son genre, que celles dont le sens physique est juge Il n’y a personne qui ne soit forcé d’avouer que la multiplicité qui produit la confusion, est un obstacle au plaisir que les rapports des objets peuvent nous causer. Ainsi, les règles d’unité dans la composition d’un plan, les règles d’unité dans l’ordonnance de son élévation, les règles d’unité dans les détails de sa décoration, n’ont rien d’arbitraire. La nature ayant tracé ces règles dans tout l’ensemble, et dans chacune des parties de ses ouvrages, ce n’est point l’homme qui les a faites, ce n’est point l’artiste qui les a imaginées ; il les a reconnues, et les a transportées dans les productions de son génie.

Il en est de même des règles de caractère. Qui ne sait que la nature a imprimé à chaque sorte d’objet, à chaque espèce de production, une manière d’être, une physionomie constamment la même, qui les fait reconnoître sans incertitude, et qui est elle-même une indication évidente de ses qualités ou de ses propriétés ? L’homme ne peut guère s’empêcher d’obéir à cette sorte de loi instinctive, dans la conformation d’une multitude d’ouvrages qui, commandés par un besoin, en reçoivent aussi l’obligation, de faire connoître le genre de besoin auquel ils sont destinés. Inutile de rappeler ici l’observance de cette loi, dans tous les ustensiles, dans tous les meubles formés pour les besoins de la vie, à moins qu’un caprice ne vienne détourner leur configuration du type qui est leur règle.

Nécessairement donc il y a une règle de sentiment et de goût, dictée par la nature, qui prescrit à chaque genre d’édifice le caractère qu’il doit porter, pour répondre au besoin qui fait sa destination. En s’imposant cette règle, l’art n’a fait qu’imiter la nature dans ses œuvres, et imiter aussi les autres ouvrages, que l’industrie journalière façonne d’après les inspirations de l’instinct. Or, cet instinct universel est une loi de la nature. On ne saurait donc regarder comme arbitraires des règles, qui ont leur base dans l’instinct, c’est-à-dire, dans la nature mémo de l’homme ; et c’est ne rien objecter contre elles, que d’y opposer l’autorité des infractions qu’elles peuvent recevoir ; car il n’y auroit aucune loi du morale, de justice ou de sagesse qu’on ne pût ainsi détruire, sous prétexte qu’il y a des hommes ou des actes immoraux, injustes ou insensés.

Il y a une autre loi de la nature, que l’architecture s’est appropriée, et dont elle a fait une règle, c’est celle qui vent que dans ses œuvres, comme dans celles du grand modèle dont elle imite l’esprit, l’agréable procède toujours de l’utile. Si la nature, dans sa sagesse, a joint un plaisir à la satisfaction de chaque besoin, l’architecture s’est fait également la loi, de faire servir les détails de la construction ou des parties nécessaires, à devenir tout à la fois des objets d’agrément. Ainsi elle veut que tous les ornemens, procédant plus ou moins directement d’un principe d’utilité, indiquent leur origine, et puissent satisfaire par-là l’imagination et la raison.

C’est, à la vérité, dans cet ordre de règles, que se rencontrent le plus de contradictions. Il n’y a aucun doute que la partie décorative de l’architecture, est soumise à un assez grand nombre de conventions, qui ouvrent un trop vaste champ à l’arbitraire. Cependant on ne sauroitnier que, lorsqu’on remonte à l’origine de tous les ornemens, on n’en trouve le plus grand nombre fonde sur des raisons d’utilité, ou susceptibles de se subordonner à un système raisonné. C’est donc à ceux-ci de faire la loi aux autres, et le bon sens veut, s’il doit y avoir des exceptions à la régle que ce ne soit point à la règle de céder aux exceptions.

Nous venons de parcourir, dans une théorie fort générale, les deux classes de règles, qu’il faut reconnoître en architecture, comme reposant sur des faits évidens, sur des autorités physiques ou morales, dont les sens et l’esprit ne peuvent nier l’existence.

Il n’en sera pas tout-à-fait ainsi des deux autres classes de règles dont il nous reste à parler.

Il est, avons-nous dit, une troisième catégorie de règles, qui ne reconnoissent guère d’autre principe que l’usage et les exemples, et ces règles ne sont pas celles qui, dans l’architecture, ont le moins d’observateurs. Lorsque les précédentes sont écrites dans ce grand livre de la nature, où très-peu sont en état de lire, celles-ci forment l’objet et la matière de presque tous les traités didactiques. Ces traités, en effet, ne nous offrent que l’analyse des parties de l’architecture, décomposée selon les ordres de colonnes, leurs bases, leurs chapiteaux, les profils et les membres des entablemens des piédestaux, des piédroits, des arcades ou des portes. Le résultat de ces règles est d’enseigner les mesures relatives de chacune de ces parties, d’après une certaine concordance d’exemples puisés dans les ouvrages, soit de l’antiquité, soit des Modernes. Comme l’architecture cesseroit d’être un art, si l’on pouvoit fixer d’une manière géométrique les mesures d’où dépend sa beauté, il ne faut regarder ce qu’en prescrivent ces traités, que comme une sorte de moyen terme entre le plus et le moins, ou simplement comme ces grammaires qui vous disent beaucoup mieux ce qu’il faut faire, pour éviter les erreurs grossières, qu’elles ne peuvent vous apprendre ce qui produit les beautés.

Il est visible que ces sortes de règles, qui s’occupent des détails, sont fort loin d’embrasser l’ensemble de l’art. Aussi sont-elles celles que, d’une part, observent le plus scrupuleusement ceux qui ne font de l’architecture qu’un métier, et que de l’autre, se permettent le plus de combattre, les esprits systématiques, impatiens de toute espèce de joug, et qui se refusent à re-


connoître toutes les règles de théorie, parce que celles de la pratique ne peuvent recevoir une fixité positive et mathématique.

C’est peut-être là que conduit le respect aveugle de quelques artistes, pour cette dernière classe de règles, que nous avons appelées règles de routine ou de préjugé. Si, en effet, on a vu l’architecture livrée, par le mépris de tous les genres de règles, à la folie des innovations les plus ridicules, n’être plus qu’un jeu désordonné de formes sans cause, de lignes sans suite, de contours sans objet, d’ornemens sans motifs, on peut attribuer cette manie, jusqu’à un certain point, à l’insipide monotonie où quelques esprits serviles réduisent cet art, en se traînant sans idée et sans vue, sur les traces d’ouvrages, froides repétitions eux-mêmes de tout ce qui les a précédés. Le troupeau des copistes provoque à la fin une indépendance présomptueuse, qui attribue aux règles ce qui n’est dû qu’à la fausse manière de les interpréter, de les concevoir et de les exécuter.

C’est alors qu’on entendra dire que les règles n’ont été faites que d’après les chefs-d’œuvre ; que ceux-ci, par conséquent, ayant précédé les règles, elles sont inutiles.

Mais ce raisonnement, qu’on répète si souvent, n’est souvent qu’un manque de raison. Il y a effectivement méprise dans l’emploi qu’on fait du mot règle. Entend-on par ce mot, règle écrite et rédigée en système ? D’accord. Mais est-ce que la règle n’existoit pas avant d’avoir été mise par écrit ? Est-ce que ceux qui ont produit les chefs-d’œuvre ne les avoient pas connues ? Estce que toutes les lois de la morale et de la justice n’existoient pas dans le cœur de l’homme, avant d’être devenues les articles d’un code ? Est-ce que les préceptes de la sagesse n’ont pas produit des sages, dirigeant d’après elle leurs mœurs et leur, conduite, avant d’avoir été recueillis dans les traités de quelques philosophes ? Est-ce que les rapports de beauté, de justesse et de vérité, qui soul le résultat des recherches de l’intelligence, et du génie imitateur des œuvres de la nature, n’étoient pas devenus des règles de proportion, d’harmonie et de régularité, avant d’avoir trouvé place dans les méthodes et les analyses ?

Ce n’est donc point aux règles qu’on s’en prend, mais seulement aux règles écrites. Maintenant, pourquoi ce qui étoit, ou découverte individuelle, ou tradition orale, perdroit-il de sa vertu, pour être contenu dans un livre ? Les règles, les véritables règles des arts et de l’architecture, rédigées par écrit, ne sont autre chose que la collection et le développement de certaines vérités morales, que nous avons vu être aussi incontestables, dans leur genre, que les vérités physiques. Ces vérités avoient été aperçues et connues par les auteurs des ouvrages qui ont précédé les écrivains. Mais est-il vrai que les rédacteurs des règles écrites, ne les aient connues que par les ouvrages, où ils en ont trouvé les exemples ? Les ouvrages qui, comme on l’a dit, prouvent la préexistence des règles, ont pu servir à mieux fixer la théorie. On en convient. Toutefois les auteurs des théories ont pu en puiser aussi les notions, aux sources mêmes d’où les artistes les avoient tirées. On ne sauroit donc comprendre comment les raisons qui expliquent les causes des impressions du beau et du vrai sur notre ame, et les moyens par lesquels nous recevons ces impressions, en s’autorisant pour cela de l’exemple des chefs-d’œuvre, peuvent être inutiles, selon les uns, et selon d’autres, obstacle à la producduction des chefs-d’œuvre.

Disons-le, c’est que l’on confond, sous le nom commun de règles, les développemens des grands principes régulateurs du génie, et les sèches analyses grammaticales, qui ne touchent pas plus à la vraie science de l’architecture, que les rudimens de collége à l’art de l’éloquence ou de la poésie. Non, comme on l’a dit, que ces règles scholastiques soient méprisables, mais leur autorité, variable comme les détails auxquels elle s’attache, ne constitue point la théorie de l’art. Elles ne deviendroient nuisibles qu’autant qu’on leur donneroit plus de pouvoir qu’elles n’en comportent, et qu’on resserreroit dans leur cercle étroit toutes les notions propres à guider l’artiste.

Mais, dit-on, les règles, quelles qu’elles soient, ne donnent pas le génie. Sans doute : si elles le donnoient, le génie ne seroit plus que l’affaire des règles. Et dès-lors, il n’y auroit plus de génie ; il n’y auroit qu’un procédé mécanique, et l’on feroit des chefs-d’œuvre comme l’on tire des lignes droites.

Non, les règles écrite ne donnent pas le génie ; mais pourquoi nieroit-on qu’elles peuvent abréger l’étude de l’observation des loi, de la nature, des propriétés, des qualités qui constituent le beau et le vrai ? Les règles ne donnent pas le génie, parce que la nature seule le donne ; mais celui qui l’a reçu, n’en peut-il pas recevoir des lumieres qui le guident plus sûrement ?

Non, les règles ne donnent pas le génie, mais il ne se donne pas de génie sans ces règles, puisque c’est dans les œuvres des hommes de génie, qu’on en trouve les exemples.

Non, les règles toutes seules ne créent pas les chefs-d’œuvre, mais elles épargnent au talent beaucoup d’épreuves et de tâtonnemens ; elles préviennent bien des erreurs, et préservent des défauts où l’imagination fait tomber.

Les règles, celles même qui n’émanant point des grands principes d’une théorie élevée, résident dans la sphère inférieure d’une pratique subalterne, doivent se considérer comme des indicateurs qui guident la vue de l’artiste dans les régions de l’invention, sans l’empêcher de marcher à son gré, et de se tracer à lui-même d’autres routes, pourvu qu’elles arrivent au but par une direction plus sûre et plus courte.

Règle, s. f. Dans le sens simple, on donne ce nom à un morceau de bois ou de métal long, mince et étroit, dont on se sert pour tracer des lignes droites.

Les ouvriers en métal se servent de règles en fer ou en cuivre.

Les architectes et ingénieurs emploient des règles en bois de différentes longueurs, d’un pouce et demi à cinq pouces de largeur, et de quatre, cinq ou six lignes d’épaisseur, dont un côté, taillé en biseau, sert pour tirer la ligne à l’encre, et l’autre côté carré pour tracer les lignes au crayon.

On distingue plus d’une sorte de règle.

La règle d’appareilleur est celle qui a ordinairement quatre pieds, et qui est divisée on pieds et en pouces.

La règle de charpentier est une règle piétée, de six pieds de long, c’est-à-dire qui est divisée en autant de pieds.

La règle de poseur est une règle qui a douze ou quinze pieds de long, qui sert sous le niveau pour régler un cours d’assises, et pour égaler les piédroits et les premières retombées.

La règle à-plomb est une règle qui, dans toute sa longueur, a la même largeur, et au milieu de laquelle est tracée une ligne droite, qui reçoit le fil d’un plomb attaché à son extrémité supérieure, et dont l’extrémité inférieure est taillée en portion de cercle pour laisser le plomb en liberté : elle sert à mettre d’à-plomb les ouvrages de maçonnerie ou de menuiserie, en appliquant un de ses côtés sur le parement de l’ouvrage.

La règle de vitrier est une règle de bois très-mince, de différentes longueurs, au milieu de laquelle sont attachés deux petits taquets qui servent à la manier et à l’assujettir en place, lorsqu’on veut couper le verre avec le diamant.

Les Anciens nous parlent d’une sorte de règle qu’ils appeloient règle lesbienne. Elle étoit de plomb, par conséquent flexible, et elle formoit autant d’angles que l’on vouloit. On se servoit de cette règle pour un genre de construction dont il substiste un nombre considérable de restes de murs antiques. Selon cette méthode d’appareil, on employoit les pierres sans les équarrir, et en leur laissant la forme irrégulière qu’elles se trouvoient avoir, en sorte qu’elles décrivoient des polygones de toute figure. De semblables pierres une fois mises en pose, pour leur en joindre d’autres, et les ajuster aux contours ou aux lignes de leurs angles, on relevoit tous ces angles avec la règle de plomb qu’Aristote appelle lesbienne, et l’ou reportoit cette règle sur la pierre qui devoit se concerter avec tous ces joints. On sait que cette construction ne formoit ni assises ni lits horizontaux : elle avoit quelques avantages, et surtout celui d’employer toutes formes de pierres, sans grande perte de matière. C’est dans ce système qu’étoient pavées les voies romaines, c’est encore selon cette méthode que le sont plusieurs villes de la Toscane, entr’autres Florence.

RÉGLÉ, adj. On dit qu’une pièce de trait est réglée, quand elle est droite par son profil, comme sont quelquefois les larmiers, les arrière-voussures, etc.

RÉGLER, v. act. Se dit de l’action de soumettre à la règle, la façon d’un grand nombre d’ouvrages.

En architecture, on se sert le plus souvent de ce mot pour exprimer l’opération, par laquelle les experts vérifient les prix des ouvrages portés dans les mémoires des entrepreneurs, et les réduisent, quand, il y a lieu, à leur juste taux. On dit un mémoire réglé ; faire régler un mémoire. On paie des à-comptes, sauf réglement de mémoire.

RÉGLET, s. m. , ou BANDELETTE. Petite moulure plate et droite, qui, dans les compartimens et les panneaux, sert à en séparer les parties et à former des guillochis et entrelas.

Le réglet est différent du filet ou listel, en ce qu’il ne recoit aucune variété de forme et ressemble uniquement à une règle.

RÉGNER, v. act. On se sert volontiers de ce mot pour exprimer, dans l’effet produit par l’architecture d’un monument, le goût de composition de construction, d’ordonnance, de décoration, qui, répandu dans son ensemble et ses détails, fait sur le spectateur telle ou telle autre impression. On dira qu’il règne dans un édifice un goût de pesanteur ou de légèreté ; qu’il y règne un style de simplicité ou de bizarrerie ; qu’il y règne un air de grandeur, un aspect de richesse, etc.

Régner se dit encore dans un sens plus technique : ce mot exprime alors l’emploi continu que l’architecte a fait, dans un bâtiment, d’un ordre, d’un profil, d’un entablement, d’une frise.

Ainsi l’on dit que l’ordre dorique ou corinthien règne à l’intérieur comme à l’extérieur d’un temple. Le bon goût veut qu’un seul profil, un seul entablement, règne uniformément dans la masse générale d’un édifice. Quelquefois on emploie un enroulement dans le frontispice d’un péristyle de temple, mais l’architecte ne le fait pas régner dans le reste de l’entablement. La frise en bas-relief qui représentoit la marche et la cérémonie des Panathénées, réguoit tout alentour de la cella du temple de Minerve à Athènes.

On dit de même qu’il règne de la confusion dans la composition d’un tableau, d’une décoration, d’un plafond. Il n’y a pas de locution plus ordinaire.

REGRATTER, v. act. On emploie ce terme à exprimer l’opération de ragrément qui a lieu sur la pierre noircie ou salie par la vétusté, pour lui redonner la blancheur qu’elle avoit étant neuve.

On se sert pour ce regrattage, soit de ripes, soit de fers à retondre, soit de tout autre instrument tranchant, qui n’enlève que la superficie de la pierre. En général, on est fort économe de cette opération, et on ne doit y avoir recours qu’avec une grande précaution, à l’égard d’édifices dont l’architecture a reçu de son auteur, avec de belles proportions, cette exécution précieuse et recherchée, qui en rehausse le prix et la beauté.

L’opération de regratter ne se faisant que par l’enlèvement d’une superficie quelconque de la matière, il est un grand nombre de bâtimens qui en supportent la façon sans aucun détriment, et qui, au contraire, y gagnent l’avantage d’une espèce de rajeunissement dans la teinte de leurs matériaux. Tout bâtiment qui n’offre que des surfaces de pierre lisse, sans ornement et sans ordonnance, peut être impunément regratté ou blanchi par le badigeonage.

Il faut se former une idée contraire de la même opération, appliquée à ce qu’on doit appeler un véritable ouvrage d’architecture.

D’abord, ce ton de vétusté qu’on se plaît à faire disparoître d’une bâtisse ou d’une maison ordinaire, est ce qu’on aime à voir subsister sur un monument ; c’est une sorte de titre de noblesse, et ici encore les plus anciens sont ceux qu’on prise le plus. Un certain accord s’est formé pour l’esprit comme pour les yeux, entre l’aspect rembruni de l’architecture, et le respect qu’on porte à ce qui est ancien. On n’efface point ces traces vénérables de l’âge, par un apprêt de nouveauté, sans que ce travestissement ne blesse les yeux habitués à l’harmonie, dont le temps avoit fait les frais.

Il faut dire ensuite que lorsqu’il s’agit d’un ouvrage d’architecture, on doit comprendre un ensemble de parties, où l’on compte des colonnes, des chapiteaux, des profils, des ornemens et des détails souvent fort légers et très-délicats : lors donc que par le regrattage, on enlève sans risque une superficie de matière à des murs lisses, à des corps épais qui entrent dans l’ensemble de l’édifice, il n’en est pas de même des autres parties qu’on a énumérées. On n’enlevera point, sans quelque dommage pour l’accord des proportions, une surface quelconque aux diamètres des colonnes ; encore moins pourra-t-on, sans en altérer le galbe et la finesse, enlever de la matière aux volutes, aux caulicoles aux feuillages des chapiteaux. Mais le besoin de l’uniformité voulant qu’un nouvel outil repasse aussi, sur tous les détails les plus légers, pour les accorder avec la teinte nouvelle de l’ensemble, il y aura nécessairement de ces profils minces et déliés qu’on ne pourra regratter, qu’en détruisant leur légèreté et en atténuant leur effet.

On dira que, dans un sens contraire, l’opération du blanchissage ne nuit pas moins à la pureté d’une belle architecture, que celle du regrattage : celle-ci altère en enlevant, l’autre altère en ajoutant : elle obstrue beaucoup de ces fouillés et de ces noirs, qui font l’effet des ornement surtout ; enfin, elle tend à grossir les corps que l’autre atténue.

Lorsqu’une nécessité quelconque oblige de donner à un ancien monument une façon nouvelle, qu’on peut appeler de propreté, il doit suffire de nettoyer les pierres, en les frottant dans les détails avec des brosses, dans les parties lisses avec du sablon ou de la poudre de grès.

RÉGULIER, adj. On appelle régulier, dans le sens le plus simple, ce qui est fait conformément aux règles établies. Une ordonnance régulière sera celle où l’architecte se sera conformé aux proportions reçues, aura observé les rapports entre les diamètres des colonnes et leurs entre-colonemens. , que les exemples des boni ouvrages et des auteurs accrédités prescrivent.

On appelle aussi régulier, sous une autre acception, mais qui toutefois est une suite de la première, tout ensemble, tout édifice qui se compose de parties semblables, égales entr’elles ou symétriques. C’est pourquoi on dit d’un bâtiment qu’il est régulier, d’une façade, qu’elle est régulière ; d’un plan, qu’il est régulier, lorsque toutes les parties se correspondent arec exactitude, et forment ce qu’on appelle un tout complet ; c’est que cette correspondance et cette symétrie forment une des premières règles de l’architecture, et de tous les ouvrages qui aspirent à nous plaire, comme nous plaisent ceux de la nature, tant la nature a mis elle-même de cette sorte de régularité dans ses œuvres.

REHAUSSER, v. act. Signifie hausser davantage, rendre plus haut ce qui étoit déjà haut.

On dit, ce plancher s’est affaissé, il faut le rehausser ; les planchers de cette maison sont trop bas, il faut les rehausser ; ce bâtiment aura besoin d’être réhaussé pour s’accorder avec un autre.

Rehausser se dit aussi, dans la peinture de décoration surtout, de certains traits ou coups de pinceau qui, par des teintes brillantes, donnent un effet plus saillant aux objets. On rehausse des grisailles par des hachures d’un blanc fort clair ; on rehausse des ornemens en or.

REHAUTS, s. m. pl. Ce sont, dans le sens de l’article précédent, les traits qui, par des teintes plus vives, font mieux ressortir la rondeur des figures peintes. Dans les dessins lavés, c’est ordinairement le blanc du papier qui forme les rehauts.

REINS DE VOUTE, sub. m. pl. On appelle ainsi les parties triangulaires des voûtes, qui sont comprises entre la ligne de leur extrados, celle du prolongement de leurs piédroits, et la ligne de niveau qui passe par leur sommet.

On remplit ordinairement les reins des voûtes de maçonnerie ; quelquefois aussi on les laisse vides pour diminuer la charge : ainsi sont construites les voûtes dans les édifices gothiques.

REJOINTOYER, verb. act. C’est remplir les joints des pierres d’un vieux bâtiment, lorsque ce qui en faisoit la liaison a été rongé, ou par succession de temps, ou par l’effet des eaux pluviales, ou par toute autre cause. On ragrée alors ces joints avec le meilleur mortier fait de chaux et de ciment : pareille opération un lieu dans les joints des voûtes lorsqu’ils se sont ouverts, soit lorsque le bâtiment, étant neuf, aura tassé inégalement, soit parce qu’étant vieux, il aura été mal étayé, lorsqu’on y fait quelque reprise sous-œuvre.

RELEVER, v. act. C’est, dans la maçonnerie, tailler les bords d’un parement de pierre pour le dresser, ce qu’on appelle aussi relever les ciselures.

C’est aussi exhausser une maison d’un étage, ou un mur trop bas, de quelques pieds.

C’est replacer en son lieu une colonne tombée, un monument renversé, n’importe par quelle cause.

C’est déplacer un parquet, ou du carreau pour les raccommoder, ou pour y remettre des lambourdes neuves, ou pour y faire une nouvelle aire.

C’est, dans la décoration en peinture, donner plus de saillie à certains objets. Voy. Rehausser.

RELIEF, sub. m. Nom général qu’on donne à tout ouvrage qui a de la saillie, ce qui suppose qu’il se détache sur un fond.

Ce mot s’applique, particulièrement aux travaux de là sculpture. Il est assez impropre quand on s’en sert pour les statues. Une statue étant un objet isolé autour duquel on peut tourner, le mot relief ne lui convient pas plus qu’il ne convient à tous les autres objets isolés. Le terme propre pour distinguer, en sculpture, l’ouvrage isolé d’avec celui qui tient à un fond, est le mot ronde-bosse.

Les ouvrages sculptés, qui sont plus un moins relevés sur un fond, se distinguent ou se divisent dans le discours, par l’épithète qui accompagne le mot relief. Ce mot signifiant saillie, il est clair que les ouvrages qu’on détache sur un fond, peuvent s’y détacher par une saillie plus ou moins grande, par plus ou moins de relief.

Aussi appelle-t-on plein relief ou haut relief, les objets sculptés sur un fond, et qui s’y détachent avec une telle saillie, que l’ouvrage paroît de ronde-bosse. Il y a dans l’antique, soit sur des frises, soit sur des devantures de sarcophages, un très-grand nombre de ces sculptures en haut-relief.

On doit appeler demi-relief l’ouvrage de sculpture qui n’annonce, hors du fond qui le reçoit, que la moitié de la rondeur ou de la saillie des corps. C’est de ce genre que sont le plus grand nombre des ouvrages dans les frises des édifices, autour des vases, et sur une multitude d’autres monumens.

Enfin, le mot bas-relief doit s’appliquer à ces figures, à ces objets sculptés sur un fond, et qui semblent être aplatis, soit que la matière ait manqué pour leur donner une saillie plus forte, soit que beaucoup d’autres considérations aient porté l’artiste à préférer un effet plus doux.

On voit donc qu’il peut convenir à l’architecture, lorsqu’elle fait entrer, soit les ornemens soit les figures et leurs compositions dans les édifices, d’employer l’un ou l’autre de ces trois degrés de relief, qui, comme la chose s’entend d’elle même, peuvent compter encore d’autres subdivisions de degrés.

Comme l’usage, qu’on a nommé le tyran des langues, ne se soumet pas toujours aux dénominations que donne la raison, nous devons dire qu’il a prévalu, dans le langage ordinaire, d’appeler les trois degrés de relief du nom de bas-relief, en sorte qu’on est souvent obligé, par une contradiction bizarre, de dire qu’un bas-relief est fort saillant et presque de ronde-bosse.

C’est en adoptant la manière ordinaire de parler, que nous avons, au mot Bas-relief (voyez ce terme), développé avec beaucoup d’étendue les notions théoriques de cette partie importante de l’art de la sculpture, et les rapports qui l’unissent avec celui de l’architecture.

RELIQUAIRE, sub. m. Nous avons parlé, au mot Chasse (voyez ce terme), des ouvrages d’architecture et d’ornemens que l’on voit dans beaucoup d’églises, et qui renferment quelque saint. Les reliquaires, comme le mot l’indique, ont le même usage : ainsi que les châsses, ils sont des ouvrages d’orfèvrerie, et l’art a emprunté pour leurs formes la plupart de celles qui conviennent aux tombeaux et aux sarcophages ; tel est du moins le genre qui leur convient le mieux. On y observe toutefois d’y ménager un vide qu’on remplit avec une glace, et au travers de laquelle on voit les restes du saint que la religion expose aux hommages des fidèles.

REMANIER, v. act. C’est retoucher, refaire, raccommoder ou perfectionner un ouvrage.

REMANIER A BOUT. Voyez Manier a bout.

REMBLAI, sub. m. C’est un travail de terres rapportées et battues, soit pour faire une levée, soit pour aplanir ou régaler un terrain, ou pour garnir le derrière d’un revêtement de terrasse, qu’on aura déblayée pour la construction d’une muraille.

REMENÉE, sous. f. Espèce de petite voûte en manière d’arrière-voussure, au-dessus de l’embrasure d’une porte ou d’une croisée.

REMISE, s. f. Nous avons fait connoître au mot Carcères, (voyez ce terme) ce qu’étoient pour la forme, la disposition et la décoration, les remises qui, dans les cirques antiques, servoient à diviser les chars qui devoient disputer le prix de la course.

Dans les usages modernes, la remise est un renforcement pratiqué sous un corps-de-logis, ou formant un hangar dans une cour, pour y placer un ou deux carosses.

Pour un seul carosse, une remise doit avoir huit pieds de large ; pour plusieurs, sept pieds suffisent à l’espace qu’on donne à chacun.

La profondeur d’une remise, lorsqu’on veut mettre le timon d’un carosse à couvert, est de vingt pieds. Lorsqu’on relève le timon, on ne donne à la remise que quatorze pieds sur neuf de hauteur.

Afin de ranger aisément les carosses, on pratique dans les remises des barrières ou coursières ; au-dessus on pratique ordinairement des chambres de domestiques, qu’on dégage par des corridors.

Remise de galères. On nomme aussi de ce nom, dans un arsenal de marine, un grand hangar séparé par des rangs de piliers, qui en supportent la couverture, et l’on y tient à flot, séparément, les galères désarmées.

REMONTER, v. act. Elever un mur, un plancher, etc., plus haut qu’il n’étoit.

Remonter en dit aussi de l’action d’assembler toutes les pièces d’une machine, comme d’une grue, d’un engin, d’une chèvre, qu’on apporte d’un magasin d’atelier.

REMPART, s. m. Ce qu’on appelle ainsi est une élévation de terre ayant un parapet, un talus intérieur et extérieur, et un mur de maçonnerie si le rempart est revêtu, ou une berme s’il ne l’est pas.

Cette élévation est formée au dépens des terres tirées du fossé qu’on pratique autour d’une ville, ou d’une pièce de fortification, et sert à mettre à couvert du canon de l’ennemi, à élever ceux qui la défendent, et à y mettre en batterie des pièces de canon et des mortiers.

Les anciens remparts, devenus inutiles autour de beaucoup de villes, par l’effet des changemens survenus dans le système de l’attaque et de la défense des places, ont fini par être plantés d’arbres, et procurent aujourd’hui à ces villes d’agréables promenades. C’est à cela que Paris doit, dans ce qu’on appelle les boulevards (mot synonyme de remparts), un des agrémens qui le distinguent.

REMPLAGE, sub. m. Dans la maçonnerie on donne ce nom au blocage en moellons ou briques, dont on remplit, avec du mortier, le vide ou l’entre-deux des paremens d’un mur construit en pierre de taille, ou de toute autre matière. On donne le même nom aux cailloux qu’on emploie à sec derrière des murs de revêtement, tant pour les préserver de l’humidité, que pour rompre la poussée des terres et faciliter l’écoulement des eaux. Le remplage s’appelle aussi garni, parce qu’il sert comme à meubler ou garnir des intervalles.

Remplage se dit aussi, dans la charpenterie, de tous les bois qu’on place dans un pan de bois ou dans une cloison, ou dans une ferme, pour remplir les vides, et qui ne servent en rien ni à l’assemblage, ni à la solidité.

REMPLISSAGE. Voyez Garni.

RENARD, s. m. Ce terme a plusieurs significations.

Les maçons appellent ainsi les petits moellons qui pendent au bout de deux lignes attachées à deux lattes, et bandées, pour marquer l’épaisseur, que le mur qu’ils construisent, doit avoir dans toute sa longueur. Ils donnent le même nom à un mur orbe qui est décoré, mais seulement pour la symétrie, d’une architecture plus ou moins feinte, mais semblable à celle du corps de bâtiment qui lui est opposé.

Les fontainiers appellent encore renard, un petit pertuis ou une petite fente, par où l’eau d’un bassin ou d’un réservoir se perd ; et il paroît qu’ils l’appellent ainsi, parce qu’ils ont de la peine à la découvrir pour la réparer.

Enfin, renard est un mot de signal, entre des hommes qui battent ensemble des pieux ou des pilotis, à la sonnette, de sorte qu’un d’entr’eux criant au renard, ils s’arrêtent tous en même temps, ou pour se reposer, après un certain nombre de coups, ou pour cesser tout-à-fait, au refus du mouton.

RENCONTRE, sub. f. Se dit de l’endroit où deux traits de scie, commencés chacun par un des bouts d’une pièce de bois, se rencontrent vers le milieu.

RENDRE, v. act. On se sert de ce mot, dans le dessin, pour exprimer la précision et le fini de l’exécution.

RENDU, adj., est, dans la délinéation des ouvrages ou des projets d’architecture, un synonyme de fini, terminé. Le fini ou le rendu des dessins ne fait pas sans doute le mérite intrinsèque de l’ouvrage, mais il est l’indication d’un talent exercé, et du soin que l’artiste a porté dans toutes les parties de son travail.

RENFLEMENT de colonne, sub. m. Ce qu’on appelle ainsi, Vitruve nous apprend que les Grecs le nommoient entasis, et cela semble prouver suffisamment que ceux qui lui donnèrent ce nom, l’employoient dans leur architecture.

Ce qu’on appelle renflement est une augmentation en diamètre, qu’on pratique au tiers de la hauteur du fût de la colonne. Cette augmentation provient de la diminution qu’on lui donne vers le bas et vers le chapiteau, ce qui y produit l’effet d’une espèce de ventre.

Vitruve, comme on vient de le dire, a parlé de ce renflement. « Comment il se pratique (dit-il) au milieu de la colonne, pour qu’il soit doux et convenable, c’est ce que fera voir notre dessin à la fin de ce livre. » Mais malheureusement cette figure s’est perdue avec toutes celles qui accompagnoient son Traité, et les Modernes ont cherché à réparer cette perte ; mais les opinions ont assez varié sur ce point.

Il semble d’abord qu’on pourroit, en théorie, se demander sur quel principe, soit de besoin, soit d’agrément, repose la pratique du renflement.

Si l’on en cherche l’origine dans quelque nécessité, il sera difficile de faire voir qu’il y ait eu une seule raison de solidité, propre à justifier cette pratique. L’usage de la diminution du fût, par en haut, tient indirectement du moins, au principe de la solidité, qui induit à faire porter le foible par le fort. De-là, comme nous l’avons vu au mot Pyramidal, l’emploi si général de cette forme dans une multitude d’ouvrages, en sorte que, lors même qu’elle n’est pas matériellement nécessaire, elle ne laisse pas de plaire, comme conforme à l’instinct. Cela est tellement vrai, que la forme contraire, même avec la solidité sa plus réelle, nous déplaît, parce qu’elle contrarie le sens et la raison. C’est pourquoi nous devons mettre, en architecture, au nombre des règles qui se fondent sur le besoin, celles qui satisfont la raison et le sentiment.

Ne trouvant, sur ce point, rien qui ait pu inspirer ni motiver la pratique du renflement, ni aucune raison puisée dans le matériel de la construction, reste à savoir, si quelqu’analogie imitative ne lui auroit point pu donner naissance.

Ne pourroit-on pas soupçonner que l’idée abusive d’une imitation trop formellement entendue, auroit engendré l’espèce de similitude que quelques-uns, et Vitruve lui-même, ont accréditée entre la configuration du corps de l’homme, et celle de la colonne ? Nous avons déjà plus d’une fois combattu les opinions de Vitruve à cet égard, et nous croyons avoir montré que l’imitation du corps humain, dans l’architecture, n’étoit que l’imitation abstraite des principes d’ordre, de symétrie, de proportion, dont la nature fournit à cet art un modèle spéculatif, dans l’organisation corporelle. Vitruve n’est peut-être pas l’inventeur de ce système d’imitation formelle, qui fait procéder la forme de l’ordre dorique du corps de l’homme, celle de l’ionique du corps féminin, et jusqu’au chapiteau à volutes, de la coiffure des femmes. Qui empêcheroit de croire que de pareilles idées ayant cours, quelques esprits systématiques auroient imaginé de donner aussi aux colonnes, no ventre, comme un trait de plus de ressemblance avec leur modèle fantastique ?

Quelques autres aussi, s’exagérant l’influence que les arbres employés originairement à faire des supports, purent avoir sur les colonnes régulières qui les remplacèrent, ont tenté de trouver dans les protubérances, que des tiges d’arbres ou de plantes reçoivent quelquefois du hasard, l’idée du renflement des colonnes. Opinion tout aussi futile que la première.

Si, en effet, on admet que de semblables raprochemens ont pu, de tout temps, trouver des approbateurs, tant l’esprit de l’homme a besoin de rapporter tout à une cause, il n’en est pas moins certain, qu’admettre de telles origines, c’est admettre des fictions qui peuvent avoir eu cours, mais qui se détruisent d’elles-mêmes dès qu’on les fait connoître.

Dès qu’on ne trouve au renflement des colonnes, aucune raison qui repose sur un principe de nécessité, dès qu’on ne sauroit lui trouver une origine fondée sur la moindre vraisemblance, reste à se demander si la seule raison de l’agrément ne lui auroit pas donné l’être. Voilà peut-être la véritable origine de cette modification apportée à la forme naturelle de la colonne. Il y a ainsi, dans beaucoup d’objets, et dans plus d’un membre de l’architecture, une part à faire à cet instinct de la variété, qui tend sans cesse à embellir les formes du besoin, et va quelquefois jusqu’à en dénaturer le principe. Il est donc permis de supposer que le galbe d’une colonne, aura pu devenir insensiblement l’objet de quelques recherches d’agrément, et qu’on se sera plu à le façonner comme beaucoup d’autres objets, dans la seule vue d’en rendre la forme plus élégante, en rompant la continuité de la ligne perpendiculaire.

Et déjà nous avons vu qu’une diminution de la colonne par en haut avoit trouvé saveur dans les meilleurs ouvrages. Cette diminution, dont Vitruve nous a transmit les règles, ne fut toutefois qu’un agrément, dont l’œil est forcé de reconnoître la réalité, et qui est devenue une règle de goût. N’est-il pas naturel de penser que les diverses opérations prescrites pour régler la mesure de


cette diminution, sur les différences de hauteur des colonnes (voyez le mot DIMINUTION), auront pu suggérer de pratiquer le même resserrement dans le bas de la colonne ? Voilà, ce nous semble, ce qu’on peut conjecturer de plus vraisemblable à cet égard.

Le modèle, dont Vitruve avoit accompagné son article sur la diminution et le renflement des colonnes, ne nous étant pas parvenu, les architectes modernes ont proposé diverses règles sur cet objet.

Vignole a enseigné une manière ingéniense de régler ce renflement. Il trace la ligne de son profil, en telle sorte, que les deux lignes qui font le profil de la colonne, se courbent vers les extrémités, par une même proportion, et se courbent deux fois plus vers le haut que vers le bas, parce que la partie supérieure est du double plus longue que l’inférieure.

Blondel, dans son Traité des quatre principaux problèmes d’architecture, a enseigné comment cette ligne peut être décrite d’un seul trait, avec l’instrument que Nicomède a trouvé, pour tracer la ligne appelée la première conchoïde des Anciens.

Perrault pense que cette pratique ne peut servir qu’à tracer la ligne de diminution, qui part du bas de la colonne sans s’y coúrber, mais qui, au contraire, y aboutit perpendiculairement, à moins qu’on ne veuille faire commencer la courbure au-dessus du tiers inférieur qui, dans ce cas, doit décrire deux lignes parallèles. Du reste, il ne croit pas qu’on doive diminuer la colonne par en bas, puisque (dit-il) ni les architectes antiques, ni la plupart des modernes ne l’ont pratiqué.

Perrault semble avoir, sur ce point, une autre opinion, dans sa traduction de Vitruve, où l’on trouve, en note, une méthode nouvelle pour tracer le renflement. Probablement il a voulu dire, dans sonTraité de l’ordonnance des colonnes, qu’il ne nous restoit, dans les monumens des Anciens encore subsistans, aucun exemple de colonnes renflées.

Cette opinion étoit assez générale, lorsqu’un des trois édifices de l’antique Paestum, celui qu’on croit avoir été un atrium, est venu dissuader les commentateurs. Le Père Paoli, dans sa Dissertation sur ce monument de Paestum, qu’il appelle un atrium, nous apprend que les premiers qui le virent et le dessinèrent, ne s’étoient pas aperçus de cette particularité dans ses colonnes, ou qu’ils avoient négligé de la rendre sensible dans leurs dessins. Effectivement, les dessinateurs employés par le comte Gazzola, ne semblent avoir mis dans leurs planches, aucune différence sur le fait dont il s’agit, entre les colonnes de l’atrium et celles des deux temples de Paestum.

Il est pourtant certain que les colonnes de l’atrium ont un renflement très-sensible à la vue, et le Père Paoli a remédié à l’omission des premiers dessinateurs, dans une planche où la colonne dessinée plus en grand, non-seulement rend ce renflement visible, mais démontre la nature du système dans lequel il a été exécuté. La règle que le commentateur, d’après l’exemple de Paestum, prescrit à l’entasis et à l’accord du renflement avec la diminution, pour que ce renflement trop sensible ne donne point à la colonne l’apparence d’un ventre, sa règle, dis-je, est qu’après avoir tracé la ligne de la diminution, à partir d’un peu au-dessus du bas de la colonne, on trace, à partir du même point, une ligne perpendiculaire, et que le renflement n’excède point cette dernière ligne.

RENFONCEMENT, s. m.: est, dans l’architecture, une profondeur de quelques pouces, pratiquée dans l’épaisseur d’un mur, comme sont des tables fouillées, des arcades, des niches, ou des croisées feintes.

Renfoncement de soffite. C’est cette profondeur qui, dans un plafond, se trouve produite par les intervalles des travées et des solives, soit que ces intervalles résultent naturellement des solives qui peuvent se croiser, soit que cette disposition soit fictive, et due aux conventions de l’ornement.

Ces renfoncemens sont ce qu’on appelle caissons, parce qu’ils ont l’apparence d’une caisse (voyez Caisson). Les Anciens les appeloient lacus, bassin creux, ou lacunaria, qui vient de lacus. Voyez Lacunar.

Renfoncement de théatre : se dit de la profondeur apparente qu’on donne aux décorations d’un théâtre, par le moyen de la perspective, pour y représenter des objets fort éloignés.

RENFORCER, v. act. C’est, en construction, Donner une solidité plus grande à toute bâtisse, c’est procurer à des piliers qui portent, à des masses qui doivent , ou plus de force pour soutenir, ou plus de puissance pour résister, par le moyen, soit d’une addition, soit d’un replacement de matériaux, ou par des expédiens mécaniques, comme boulons, armatures de fer, etc.

RENFORMIR ou RENFORMER. v. act. C’est réparer un vieux mur, en mettant des pierres ou des moellons aux endroits où il en manque, et en boucher les trous de boulins.

C’est encore, lorsqu’un mur est trop épais en un endroit, et foible en un autre, le bacher, le charger, et l’enduire sur le tout.

RENFORMIS, s. m. C’est la réparation qu’on fait à un vieux mur en proportion de sa dégradation. Les plus forts renformis sont évalués pour le tiers d’un mur.

RÉPARATION, s. f. Se dit, en général, de tous les travaux d’entretien que nécessitent les bâtimens.

Selon le code des batimens, on distingue les réparations d’entretien d’une maison, en grosses et en menues.

Les grosses réparations sont à la charge des propriétaires : telles sont celles des murs, des planchers, des couvertures, etc.

Le locataire est tenu à faire les menus réparations, comme celles des vitres, des carreaux, des dégradations d’âtres, etc.

RÉPARER, v. act. C’est, dans la construction, rétablir un bâtiment, une partie dégradée, et la remettre en bon état.

Dans la sculpture, surtout en plâtre et en métal, on se sert du mot réparer, pour dire enlever aux objets moulés et coulés, les barbes, bavures ou coutures formées par les joints du moule, et par quelques autres accidens.

REPÈRE, s. m. On appelle ainsi une marque que l’on fait sur un mur, pour donner un alignement, et arrêter une mesure d’une certaine distance, ou pour marquer des traits de niveau sur un jalon et sur un endroit fixe. Ce mot vient du mot latin reperire, retrouver, parce qu’il faut retrouver cette marque pour être assuré d’une hauteur ou d’une distance.

On se sert aussi de repères, pour connoître les différentes hauteurs des fondations qu’on est obligé découvrir. Celui qui est chargé de ce travail doit en rapporter le profil, les ressauts et les retraites, s’il y en a, et y laisser même des sondes, s’il le faut, lors d’une vérification.

Les menuisiers nomment encore repères, les traits de pierre noire ou blanche dont ils marquent les pièces d’assemblage, pour les monter en œuvre.

Les paveurs donnent également ce nom à certains pavés qu’ils placent d’espace en espace, pour conserver leur niveau de pente.

RÉPÉTER, v. act. Se dit particulièrement dans certains ouvrages d’ornement sur les frises, les bandeaux ou les listels, des objets qui en font la décoration, et qui s’y reproduisent sans discontinuation, sous la même forme. C’est ainsi qu’on voit se répéter le même contour de rinceau ou d’enroulement, le même griffon, le même entrelas, et ainsi de suite. Cette répétition, loin d’être un défaut, est une chose obligée par l’esprit même de l’architecture, qui consiste, comme l’on sait, en répétitions des mêmes colonnes, des mêmes membres et des parties nécessairement semblables.

REPOS, s. m. Synonyme de palier, il s’appelle ainsi, parce que c’est dans la suite de la montée des degrés d’un escalier, l’endroit où l’on se repose. Voyez Escalier.

Repos. Ce mot exprime, en peinture, soit dans la composition des figures, soit dans la distribution des couleurs, des clairs et des ombres, et l’entente des effets, une certaine succession de plein et de vide, de tons forts et légers, de parties saillantes et plus ou moins dégradées, qui se font valoir par des oppositions suffisantes, et y produisent comme des intervalles où l’esprit et la vue se reposent. Une composition tellement pleine de figures, qu’elles sembleroient toutes se presser, deviendroit difficile à comprendre, et seroit une fatigue pour l’esprit. Autant en arriveroit pour le plaisir des yeux, d’une peinture, où aucune nuance, aucune dégradation de tons, aucune variété d’effets ne se feroit sentir. Ce qu’on appelle, en ce genre, repos, consiste donc en oppositions qui, passant du fort au foible, du composé au simple, du lumineux au clair-obscur, font mieux jouir, et plus facilement, du mérite de chaque partie. Ajoutons que chacun de ces mérites obtient aussi une plus grande valeur.

Il en est de même en architecture, dans la composition de ses masses, dans la distribution de ses parties, mais surtout dans la répartition et le travail de ses ornemens.

Les ornemens ne constituent pas l’architecture, mais ils ajoutent à son effet (voyez Ornement) : dès-lors ils sont accessoires. Le plus grand défaut, en ce genre, est de les identifier avec les formes et les profils, au point de faire disparoître le principal. C’est ce qui arrive lorsqu’un luxe excessif de broderie et de sculpture vient à s’emparer de toutes les places, de tous les champs et des moindres moulures. Les Romains, aux derniers siècles de l’art antique, tombèrent dans cet excès. Il nous est resté des parties de leurs entablemens, de leurs colonnes, de leurs bases, où tout, jusqu’au plus petit listel, est découpé, façonné, ciselé, de manière qu’aucun ornement ne trouve à se détacher sur aucune partie lisse. Cependant les lisses. , en fait d’ornement, sont les principales oppositions qui peuvent faire briller et valoir le travail de la sculpture. Les parties lisses sont les repos ou les intervalles qui reposent l’œil.

L’esprit de l’homme est ainsi fait, que toute continuité des mêmes objets, des mêmes sons, des mêmes aspects, enfin de la même position, le fatigue par la monotonie ; et comme il est dans sa nature d’avoir besoin de changement, la peine même lui deviendroit un délassement du plaisir prolongé outre mesure. Condamné à tourner sans cesse dans les ouvrages de l’art, et d’aller d’un extrême à l’autre, le milieu où se trouve le point qui devroit le fixer, ne l’arrêtera point. Il a le besoin de changer de sensation. Voilà ce qui nous explique les vicissitudes de l’opinion. Mais cela aussi nous fait comprendre le besoin qu’a l’artiste d’entremêler, dans ses ouvrages, des qualités diverses, de varier les effets par une succession de repos et de richesses. Le goût est l’assaisonnement du plaisir, en architecture comme dans les autres arts, et ce sera toujours au style, à la distribution et à l’exécution des ornemens de l’architecture grecque, que le goût devra ses plus sûrs modèles.

REPOSITORIUM : étoit un endroit secret, dans les temples, ou l’on gardoit les choses précieuses.

On croit aussi que ce pouvoit être, dans les laraires ou chapelles domestiques, de petites armoires ou l’on plaçoit les vases[illisible] votifs : on l’a conjecturé de ce grand nombre de vases peints, appelés vulgairement étrusques, et qui généralement ont une de leurs deux faces, ou sans peinture, ou d’une peinture fort négligée, parce qu’ils auroient été, en les supposant placés dans une armoire ou repositorium, vus d’un seul côté, du côté le plus soigné.

REPOSOIR, s. m. Ainsi appelle-t-on une construction temporaire, qu’on élève en différens endroits, pour les processions de la Fête-Dieu, et on leur donne ce nom, parce qu’effectivement ils offrent des endroits de repos, dans le trajet que parcourt le procession. Les reposoirs se composent ordinarement d’une architecture feinte, plus ou moins riche, selon la dépense qu’on y applique. Ils renferment un autel, avec des gradins chargés de vases, de fleurs, de chandeliers et autres ouvrages de goût ou de dévotion, le tout accompagné de tapisseries, de tableaux, de guirlandes, de figures, et de tons les objets qui peuvent trouver place dans la décoration des églises.

Reposoir de bain. C’étoit, chez les Anciens, une partie du bâtiment des bains faite en manière de portique, où l’on se reposoit, soit avant de se baigner, soit après s’être baigné. Vitruve appelle cette partie du bain schola, du mot σχολη, qui signifie loisir, repos.

REPOUS, s. m. Sorte de mortier fait de petits platras, qui proviennent de la vieille maçonnerie, qu’on bat et qu’on mêle avec du tuileau ou de la brique concassée. On s’en sert pour affermir les aires des chemins, et sécher le sol des lieux humides.

REPRENDRE, v. act. On se sert de ce mot pour dire réparer les fissures d’un mur lézardé.

Reprendre en sous-œuvre. On appelle ainsi, dans l’art de bâtir, une opération qui consiste à reconstruire, dans un édifice, les parties inférieures des murs, des piliers, des piédroits, dont les matériaux sont ou écrasés, ou dégradés, et menacent ruine, en conservant dans leur intégrité toutes les parties supérieures du même édifice qui sont en bon état.

Cette opération se fait, en soutenant les parties supérieures par des étais et des chevalemens, et en prenant toutes les précautions qui garantissent la masse de tout effet, écartement, tassement ou désunion. Cet édifice, ainsi mis en l’air, porté sur les étais, et contre-butté, s’il le faut, on procède à la démolition des parties de construction inférieures qu’il faut remplacer, dès les fondemens, s’il est besoin, par des matériaux nouveaux et solides.

L’art est ensuite, lorsqu’on a élevé la construction nouvelle au point où elle va se rapprocher de l’ancienne, d’en opérer la réunion par la plus grande précision dans la taille des matériaux qui doivent faire joint avec les anciens, et l’on y réussit en introduisant par force, dans le joint, des cales minces de la matière la moins compressible. Nous ne saurions entrer ici dans le détail de tous les moyens d’adresse et de combinaison, que l’architecte intelligent emploie à de telles opérations, moyens qui varient selon la diversité des obstacles qu’il faut vaincre.

Paris a vu dernièrement cette habileté portée au plus haut degré par M. Godde, architecte des bâtimens publics, dans la reprise, en sous-ordre, de tous les piliers de l’église de Saint-Germain-des-Prés. Tous ces piliers, par suite d’une construction médiocre, et par l’effet du salpêtre qui avoit été emmagasiné alentour, dans le temps de la clôture de cette église, menacèrent un jour, presque tous ensemble, de s’écrouler, la pierre, dissoute par le sel, s’écrasant et se fendant partout. On jugea la destruction de ce monument infaillible, et il n’étoit question que de prévenir les accidens, en la démolissant de fond en comble. L’architecte dont on a parlé, proposa de reprendre en sous-œuvre toutes les arcades qui reposoient sur les piliers. Son projet fut adopté ; il fit étayer toutes les parties supérieures de l’église, et procéda à la reconstruction des piliers selon leur ancienne forme. L’opération eut un plein succès, et l’église, entièrement replacée sur de nouveaux supports, est une de celles qui promettent la plus longue durée.

REPRISE, s. f. Se dit de toute sorte de réfection de mur, pilier, etc., soit dans la hauteur de leur surface, s’il s’agit de parties dégradées, soit en sous-œuvre. Voyez l’article précédent.

RESEPER ou RECEPER, verbe. act. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est couper, avec la cognée ou la scie, la tête d’un pieu ou d’un pilot qui refuse le mouton, parce qu’il a trouvé la roche. On le coupe ainsi pour le mettre de niveau avec le reste du pilotage.

RÉSERVOIR, sub. m. Défini en général, un réservoir est un récipient qui contient une quantité d’eau quelconque, où on la conserve, et d’où on la distribue pour différens usages.

Si le réservoir est pratiqué dans un corps de bâtiment, il consiste ordinairement en un bassin revêtu de plomb.

Le réservoir est aussi, en plein air, un grand bassin de forte maçonnerie, avec un double mur, appelé mur de douve, et glaisé ou pavé dans le fond, où l’on tient l’eau pour les fontaines jaillissantes des jardins.

On cite parmi les plus grands réservoirs, celui du château-d’eau de Versailles, lequel est revêtu de lames de cuivre étamé, et est soutenu sur trente piliers de pierre. Il a 13 toises 4 pieds de long, sur 10 toises 5 pouces de large, et 7 pieds de profondeur. Il contient 472 muids d’eau.

Le réservoir du château-d’eau qui est vis-à-vis le Palais-Royal, se divise en deux bassins, dont le plus grand a 12 toises de long sur 5 de large, et 11 pieds 3 pouces de profondeur. Voyez Citerne, Chateau-d’eau, Piscine.

RESSAUT, s. m. Se dit, en architecture, de toute partie, de tout corps qui, au lieu d’être continu sur une même ligne horizontale, se projette en dehors de cette ligne et fait une saillie.

Ressaut ne doit pas s’entendre de la projection que font dans les édifices, dans les masses générales et particulières des ordonnances, les entablemens, les corniches, les impostes, les bandeaux, les tailloirs des chapiteaux, etc. Ainsi, un entablement faisant, comme l’on sait, saillie sur la ligne perpendiculaire de l’édifice, ne fait pas ce qu’on appelle un ressaut. Le ressaut aura lieu si la ligne de cet entablement se trouve interrompue dans sa direction horizontale, par des saillies de cette ligne sur elle-même, de telle sorte que ces saillies produisent, dans leur continuité, des angles rentrans et sortans.

Ainsi, des avant-corps dans la longueur de la façade d’un grand bâtiment, y produisent des ressauts, commandés quelquefois par les besoins même de l’édifice, ou de sa destination, quelquefois par le seul motif d’interrompre l’uniformité d’une ligne trop étendue.

Les ressauts sont donc quelquefois un moyen de variété ; mais les graves abus qui ont eu lieu en ce genre, obligent à faire voir qu’on s’est par trop prévalu de quelques exceptions, comme il s’en trouve à toutes les règles.

Or, il faut toujours remonter au principe même des règles, pour bien connoître la valeur de ce qu’elles prescrivent, et le point où doit s’arrêter l’indulgence pour ce qu’elles permettent. Comme c’est particulièrement dans les entablemens que le vice des ressauts, motivés par un plan capricieux, se fait le mieux sentir, c’est aussi à l’usage et à la forme originaire de l’entablement qu’il faut recourir, si l’on veut se faire une idée juste des licences que l’art et le goût peuvent autoriser.

Nous avons montré trop de fois, pour avoir besoin de le répéter ici (voyez Architrave, Corniche, Entablement), d’où procède la forme de ces couronnemens des édifices. Or, il est sensible que la continuité, est la première condition de leur existence ; tout ce qui tend par trop à dénaturer l’idée de cette continuité, tend à mettre l’objet en contradiction avec les yeux, avec ce que l’esprit nous apprend qu’il est et qu’il doit paroître. Si un édifice n’étoit orné d’aucun ordre de colonnes, s’il n’avoit aucun couronnement dépendant de ces ordres, et qu’il se bornât à n’être qu’un simple mur lisse, sans aucune terminaison, rien n’empêcheroit sans doute de pratiquer dans ses supersicies, autant d’angles rentrans et sortans qu’on voudroit ; il n’y auroit de ridicule alors que cette manie de tourmenter sans raison des surfaces, que le simple bon sens conseilleroit de laisser tout unies.

Mais de quel nom appeler cette autre manie qui fait de l’architecture un jeu aussi puéril que dispendieux, par lequel on vit les architectes imaginer des plans dans lesquels les colonnes employées sans nécessité, viennent se placer en avant des murs, uniquement pour faire d’un entablement une découpure ; dans lesquels on s’est étudié à rompre toute idée de continuité, toute espèce d’analogie entre les objets qu’on emploie, et les raisons qui en doivent motiver l’emploi ?

Les ressauts, dans les entablemens, ne sont donc admissibles, que lorsque de bonnes raisons ont fait adopter des avant-corps plus ou moins saillans, dans une élévation ornée de colonnes ou de pilastres : autrement on les doit condamner, comme un de ces abus qui tendent â dénaturer tout le système de l’architecture.

RESSENTI, adj. Ce mot s’emploie plus volontiers dans le dessin ou la délinéation des formes du corps humain, pour exprimer des contours énergiquement prononcés et articulés avec force.

On use aussi de ce mot, en architecture, à l’égard de quelques objets, qui peuvent offrir des contours plus renflés ou plus bombés qu’ils ne doivent l’être. On dira du renflement d’une colonne, qu’il est trop-ressenti : peut-être encore se servira-t-on du verbe ressentir, en parlant de certains détails d’ornement, qui seront traités avec trop de douceur ou trop d’âpreté, et l’on dira que la sculpture en est trop ou trop peu ressentie.

RESTAURATION, s. f. C’est, au sens propre, le rétablissement qu’on fait de toutes les parties d’un bâtiment dégradé pour le remettre en bon état.

Restauration se dit, en architecture, dans un sens, plus relevé, du travail que fait l’artiste d’après les restes d’un édifice antique, pour en retrouver l’ensemble, l’ordonnance, le plan et les élévations. Il suffit souvent, comme l’on sait, de quelques parties d’une fondation pour retrouver tous les élémens d’un plan. Il suffit de quelques fragmens de colonnes, de chapiteaux, d’entablemens, pour reproduire par ce secours la totalité d’une ordonnance, avec ses formes, ses rapports et ses proportions.

RESTAURER, v. act. On use plus fréquemment de ce mot en sculpture qu’en architecture. Il est devenu fort usuel depuis que les arts, ayant refleuri vers les quinzième et seizième siècles, en Italie, on se fut mis à rechercher, dans les ruines de Rome antique, et de quelques autres villes, où la domination romaine s’étoit étendue, les restes des statues mutilées, que des bouleversemens successifs avoient enfouies, sous les décombres des édifices dont elles firent autrefois l’ornement. Presque tous ces ouvrages étant de marbre, on s’occupa de leur rendre l’intégrité qu’ils avoient perdue, en refaisant, avec la même matière, les parties dégradées et les membres qui leur manquoient. C’est ce qu’on appelle restaurer. Dans le nombre infini de statues antiques, reconquises sur la barbarie et la destruction, il s’en est trouvé très-peu qui n’aient eu besoin d’être restaurées en quelqu’endroit. L’art de ces restaurations demande beaucoup de talent : aussi est-il peu de statues qui soient restaurées de manière à dédommager complétement de la perte du travail original. On ne parle pas ici des erreurs où les restaurations ont souvent fait tomber les antiquaires et les érudits, qui, sur la foi des parties rapportées, dans une intention souvent toute contraire à celle de la figure, et avec des accessoires ou des symboles de nouvelle invention, en ont suggéré des explications les plus trompeuses. Trop souvent aussi l’on a abusé de l’art de restaurer. Lorsque la plus grande partie d’une statue antique subsiste, et qu’il ne s’agit, pour la compléter, que de terminer quelques extrémités, selon le mouvement indiqué, on a véritablement, au travail du restaurateur, l’obligation de nous faire jouir d’un ensemble que la mutilation avoit détruit ; mais on a vu porter la manie de la restauration au point de refaire, non plus un membre à une statue, mais une statues entière à un, membre de statue ou à un fragment de torse. Combien de fois encore, pour raccorder le nouveau à l’antique, n’a-t-on pas altéré et fait disparoître le travail original ?

On a de même appliqué l’opération de restaurer, à un assez grand nombre d’édifices antiques. A cet égard, on doit dire que les inconvéniens qu’on vient de noter, quant à la sculpture, sont d’une bien moindre conséquence, lorsqu’il s’agit d’architecture. Peut-être même faut-il dire qu’un excès de respect, pour certains restes de monumens, a hâté leur ruine. Sans doute il en est de condamnés à rester dans l’état de démolition où ils sont ; rien ne pourroit plus faire retrouver leur ensemble, et trop de dépense seroit nécessaire pour les rétablir. Il faut toutefois s’élever ici contre la fausse application qu’on a faite aux édifices, des dangers de la restauration pour les œuvres de la sculpture.

L’architecture, en effet, se composant ordinairement de parties similaires, qui peuvent, au moyen des mesurer, être identiquement reproduites ou copiées, et le talent n’étant pour rien dans cette opération, on ne conçoit pas quel danger pourroit corir l’édifice mutilé, si on complétoit, par exemple, son péristyle avec une ou plusieurs colonnes faites de la même matière et dans les mêmes dimensions : telle est encore la nature de l’art de bâtir, que ces adjonctions ou supplémens peuvent se faire à un bâtiment en partie ruiné, sans que la partie conservée en reçoive la moindre altération. Ainsi a-t-on vu le Panthéon de Rome restauré dans son péristyle, par le remplacement d’une colonne de granit à l’angle, et la réfection de l’entablement en cette partie, sans que le reste de l’ordonnance ait souffert de cette refaçon la moindre altération. Qui est-ce qui préféreroit voir ce péristyle dégradé pur cette mutilation ? Qui est-ce qui n’aime pas mieux jouir de la plénitude de son ensemble, quand on pense surtout, qu’une telle restauration ne sauroit induire personne en erreur ? Que de monumens antiques se seroient conservés, si l’on avoit pris seulement le soin de remettre en leur place leurs matériaux tombés, ou seulement de remplacer une pierre par une autre pierre !

Il règne sur cet objet une prévention outrée, et ou la doit à ce que nous appellerons plutôt une manie, qu’un goût pour les ruines, et dont il sera parlé encore au mot Ruines (voyez ce terme) ; contentons-nous de dire ici qu’il y a un certain milieu à tenir dans la restauration des édifices antiques. Premièrement, ou ne doit restaurer ce qui existe de leurs débris, que dans la vue d’en conserver la tradition et les modèles, et la mesure de ces restaurations doit dépendre du plus ou du moins d’intérêt qui y est attaché, ou du degré de délabrement où le monument est parvenu. Il ne s’agit souvent que d’un étai pour lui assurer encore plusieurs siècles d’existence. Secondement, s’il s’agit d’un édifice composé de colonnes, avec des entablemens ornés de frises sculptées en rinceaux ou autres objets, avec des profils taillés et découpés par le ciseau antique, qu’il suffise de rapporter les parties qui manquent, en laissant leurs détails dans la masse, pour que le spectateur puisse discerner l’ancien d’avec le nouveau. C’est ce que nous apprenons qui vient d’avoir lieu à Rome, à l’égard de l’arc de Titus, qu’on a fort heureusement dégagé de tout ce qui en obstruoit l’ensemble, et fort sagement encore restauré. dans ses parties mutilées, de la manière qu’on vient de dire.

RESTITUTION, sub. fém. Dans la langue de l’archéologie numismatique, on appelle monnoies de restitution, ou monnoies restituées, des monnoies ou médailles qui ont été frappées à une époque postérieure au règne du prince dont elles portent l’empreinte, et on les appelle ainsi, d’après le sens du mot, comme ayant été restituées à la circulation.

Le mot restitution indique donc l’action ou l’idée de rendre, ce que le temps ou toute autre cause avoit enlevé et fait perdre.

On n’a point trouvé de mot qui exprimât mieux dans un autre genre, l’action ou l’idée de faire revivre certains ouvrages entièrement perdus et ravis par le temps, mais dont les mentions ou les descriptions des écrivains, jointes aux analogies qu’en fournissent d’autres ouvrages semblables, peuvent reproduire des images plus ou moins fidèles, et on a appelé ces ouvrages des monumens restitués, parce que le travail de la critique et de l’art, les rend en quelque sorte à l’existence.

Restitution, comme on le voit, diffère de restauration. On restaure l’ouvrage ou le monument en partie détruit, d’après les restes qui en subsistent. On restitue l’ouvrage ou le monument qui a entièrement disparu, d’après les autorités qui s’en retrouvent dans les descriptions.

Nous étant livrés à une suite de travaux semblables, qui sont d’un intérêt tout particulier pour l’architecture, nous croyons devoir retracer ici sommairement quelques-unes des considérations qui peuvent faire connoître la valeur de cette sorte d’entreprise, et nous renverrons le lecteur à quelques-uns des ouvrages, où nous avons rassemblé un assez grand nombre de ces restitutions.

En se livrant à ce genre de recherches, que sa nature, mêlée d’un peu de divination, rend tout à la fois attrayant et périlleux, il ne faut pas se dissimuler tout ce qu’on doit y apporter de réserve et de précaution, pour échapper aux écueils dont il est entouré. Avant tout, la théorie générale de l’imitation doit nous apprendre à distinguer, parmi les ouvrages d’art décrits par les écrivains, quels sont ceux dont le discours a pu transmettre une image sensiblement perceptible, une forme certaine, de ceux dont le langage ne peut jamais faire soupçonner ni l’ensemble ni les détails.

A cet égard donc, autant la description même la plus minutieuse d’un tableau, est inhabile à nous en faire retrouver la véritable composition, autant il est facile aux paroles, surtout si aux formes qu’elles décrivent, l’écrivain a joint les mesures, de nous mettre sur la voie de la composition d’un édifice, et de nous en faire retrouver le plan et l’élévation.

Dans l’architecture, l’ensemble est un composé de parties identiquement semblables. Il n’y a souvent qu’une colonne dans l’édifice le plus nombreux en colonnes. Il n’y a qu’un chapiteau dans une colonnade, et ainsi de suite, de tous les détails d’ornement. La description d’un ouvrage d’architecture grecque, quand elle indique le genre, l’ordonnance et les mesures, le peint avec beaucoup de précision, dans l’imagination de celui-là surtout, qui a la connoissance des ouvrages analogues. On avouera qu’il y a aussi de ces beautés qu’aucune narration, disons-le même, aucune copie ne peut transmettre. Il seroit injuste d’exiger d’une restitution ce qu’on ne demanderoit pas a un dessin fait d’après l’original.

Au reste, quand de telles restitutions n’accroîtroient pas, pour les artistes et les étudians, le nombre des modèles originaux de l’architecture, elles auroient toujours l’avantage d’étendre nos connoissances dans cet art, d’en fortifier le goût par un plus grand nombre de parallèles, de faciliter l’intelligence des textes, et de fournir à l’histoire de l’art, des dates importantes et des faits authentiques, qui, sans ce genre de travail, seroient pour ainsi dire perdus ou méconnus.

Ce ne seroit donc pas une conquête inutile, ni une acquisition de simple curiosité, que la restitution des monumens d’après les descriptions des auteurs anciens, lors même que ces descriptions ne permettroient point d’embrasser avec une fidélité complète, la totalitè, des objets ou des parties dont se composa jadis le mérite absolu des ouvrages originaux.

De tout temps il s’est trouvé des hommes jaloux de réparer les pertes des ouvrages que le temps nous a enviés. Raphaël lui-même a puisé, dans deux descriptions de Lucien, les sujets de deux de ses plus ingénieux dessins, qui représentent le mariage d’Alexandre et Roxane, et la belle allégorie qu’Apelles avoit imaginée de la délation.

Vers le milieu du dernier siècle, c’est-à-dire à une époque où l’on connoissoit encore peu les ruines de la Grèce, le marquis Poleni a tenté assez heureusement la restitution du temple d’Ephèse, d’après les documens imparfaits qu’en a donnés Pline, et sur les renseignemens de divers passages épars dans les auteurs.

Le monument de Mausole, d’après sa description, a exercé la critique de plus d’un architecte, et ce genre de critique acquiert plus de sûreté, à mesure que s’augmentent les connoissances que les voyageurs multiplient sur les restes nombreux de l’antiquité.

Il manqua sans doute à M. de Caylus la ressource de ces connoissances positives, dans les restitutions qu’il essaya de faire de deux monumens fort curieux, décrits par Diodore, le bucher d’Héphaestion, et le char funéraire qui transporta le corps Alexandre, de Babylone à Alexandrie ; peut-être aussi l’intelligence personnelle des textes ne lui étoit-elle pas assez familière.

Il importe en effet, pour réussir en de tels ouvrages, que le même homme puisse être à la fois dessinateur et traducteur. Lorsque la double opération de dessiner et de traduire, est le résultat d’un seul et même entendement, la traduction et le dessin se communiquent des lumières réciproques : l’intuition claire et précise des formes de l’objet décrit, est d’un merveilleux secours pour l’intelligence des mots qui le désignent, et, à son tour, la forme de l’objet qu’il s’agit de retrouver, naîtra plus facilement sous le crayon du dessinateur, qui se sera rendu propre le sens de la description.

C’est pour avoir manqué de ce double moyen, que M. de Caylus n’avoit donné qu’une idée tout-à-fait informe et insignifiante des deux monumens que nous avons cités ; et c’est en procédant ainsi que nous venons de le dire, que nous essayâmes de les reproduire dans des dessins tout-à-fait nouveaux, que l’on trouve, tome IV des Mémoires de la classe d’histoire et littérature ancienne de l’Institut.

Nous ne nous sommes étendus sur l’objet de cet article, que pour faire comprendre quelle pourroit être l’utilité des restitutions des monumens antiques, d’après les descriptions, et de quelle manière il importe d’y procéder, pour donner à ce genre de travail l’intérêt dont il est susceptible.

RETABLE, s. m. Ouvrage d’architecture, fait de marbre, de Pierre ou de bois, qui forme la décoration d’un autel. On Appelle contre-retable le fond du retable, c’est-à-dire, le lambris dans lequel on enchasse un tableau ou un bas-relief, et contre lequel sont adossés le tabernacle et ses gradins.

RETICULATUM, étoit une des deux maçonneries le plus souvent employées chez les Romains.

« Ces maçonneries (dit Vitruve) sont le reticulatum, dont tout le monde use aujourd’hui, et l’incertum, qui est plus ancienne. Le reticulatum est plus agréable à voir, mais il est sujet à se lézarder, parce que les pierres qui le composent ne forment aucune liaison dans leurs lits. »

Ce genre de maçonnerie forme effectivement l’ouvrage le plus agréable qu’on puisse faire en petites pierres. Il étoit fort en usage dans les derniers temps de la république romaine. Une grande partie des ruines qui sont aux environs de Rome, est construite en maçonnerie réticulée pour les paremens extérieurs, et le milieu des massifs est en blocage.

L’ouvrage appelé reticulatum, est ordinairement formé de petites pierres ou tufs, dont la face présente un carré d’environ trois pouces en tout sens, disposés en losanges ou échiquier. Ces pierres ont une queue de cinq à six pouces de longueur, qui va en diminuant de grosseur, et qui s’enfonce plus ou moins dans l’épaisseur du mur, afin de se lier avec la maçonnerie en blocage du milieu.

Cet ouvrage se trouve toujours encadré par des montans ou des rangs de maçonnerie formée de petits moellons équarris et de la même pierre, de sept à huit pouces de long, sur trois pouces d’épaisseur environ, et de quatre à six pouces de largeur, afin de former liaison dans l’épaisseur du mur. Souvent, en place de petits moellons, ces encadremens sont faits de briques.

On a vu par le texte de Vitruve, rapporté plus haut, qu’il approuvoit moins cette façon de maçonnerie, parce que les petites pierres dont ses paremens sont formés, n’ont ni assiette, ni liaison, et que des murailles construites ainsi, sont sujettes à se lézarder. Il est vrai que ces petits matériaux ne doivent la durée de leur assemblage, qu’aux encadremens dont on a parlé, qui les retiennent en place, et sans lesquels leur éboulement arriveroit tôt ou tard. On doit dire aussi, et beaucoup de bâtimens en déposent, qu’avec la précaution de maintenir ces paremens par des montans latéraux, comme on le voit encore aujourd’hui, un très-grand nombre de ces ouvrages ont traversé les siècles, sans avoir éprouvé la moindre désunion.

On peut citer comme exemple, et de ce genre de construction, et de sa durée, la masse encore très-solide qui fait partie des murs de Rome, entre la villa Pinciana et la porta del Popolo. Cette masse, sortie de son à-plomb par la poussée des murs qu’elle soutient, a plus de quatre-vingts pieds de long, sur trente-six pieds de hauteur ; son épaisseur moyenne est de vingt pieds.

Les vastes ruines de la villa Adriana à Tivoli sont en reticulatum exécuté avec beaucoup d’art. On y en voit des parties si bien conservées, qu’elles paroissent plutôt des constructions modernes interrompues, que dus ruines d’édifices qui ont plus de seize siècles d’antiquité.

Mais l’ouvrage le plus remarquable en ce genre, est le mur d’un édifice qu’Adrien avoit fait construite dans sa villa, à l’imitation du Pœcile d’Athènes. Sa longueur est de six cent treize pieds, sur vingt-cinq de haut, et deux pieds trois pouces d’épaisseur. Ce mur, qui est isolé dans toute sa longueur, est encore en très-bon état et bien d’à-plomb. On a percé dans la masse de grandes portes, charretières, pour y faire passer des voitures de soin, sans que ces percemens aient endommagé la construction. Ces trouées n’ont point de linteau qui supporte la maçonnerie, et celle-ci se soutient en l’air par la force du mortier.

Quel qu’ait été l’agrément de la maçonnerie réticulaire, il paroît bien prouvé par les reste qu’on en trouve à la villa Adriana, que dans les palais et les édifices d’importance, elle étoit revêtue en marbre. On trouve partout les trous des crampons on agrasses qui retenoient les revêtemens.

RETOMBÉE, s. f. Se dit dans la courbe d’une voûte ou d’une arcade, de cette partie qui forme leur naissance, et qui, si l’on suppose que cette voûte ou cette arcade soit détruite, ou non achevée, pourroit subsister sans cintre. On l’appelle ainsi, parce qu’elle semble retomber sur ses supports.

RETONDRE, v. act. C’est couper de la sommité d’un mur, ou de la hauteur d’une souche de cheminée, ce qui est dégradé ou ruiné, pour le refaire.

C’est aussi abattre ou retrancher les saillies d’une construction, les ornemens inutiles ou de mauvais goût de la facade d’un bâtiment qu’on ragrée, et qu’on veut remettre à neuf.

On se sert encore du mot retondre, pour dire repasser sur le travail d’une architecture avec ce qu’on appelle des fers à retondre, pour la mieux terminer, et en rendre les arêtes plus vives.

RETOUR, s. m. Se dit du profil que fait un entablement, ou toute autre partie d’architecture, lorsqu’elle se trouve en avant-corps, ou qu’elle forme un ressaut.

On appelle donc retour tout corps qui, dans le fait, semble retourner. Aussi le dit-on de l’encoignure d’un bâtiment.

On dit retour d’équerre, tout ce qui, en se ployant ou en retournant, forme un angle droit.

On dit, dans le dessin, se retourner d’équerre, pour dire mener une perpendiculaire sur une ligne effective ou supposée.

RETRAITE, s. f. Signifie un lieu ou l’on se retire. Ainsi, on pratique, dans les distributions des batimens et des jardins, les cabinets de retraite, soit pour y être seul, soit pour y trouver asile en cas de mauvais temps.

RETRAITE Se dit, dans plus d’un art, de la réduction qu’éprouve un ouvrage en se refroidissant, comme un ouvrage de fonte, en se séchant, comme un ouvrage de terre ou d’argile.

Mais on appelle encore retraite toute position d’un corps d’architecture qui s’élève en arrière du corps qui le porte. Ainsi un mur fera souvent retraite sur son empattement. Le corps d’un piédestal est en retraite sur sa base, etc.

RETRANCHEMENT, s. m. Dans la répartition des intérieurs, on appelle ainsi tout ce qu’on a retranché, d’une chambre ou de toute autre pièce, soit pour lui donner une meilleure proportion, soit pour lui procurer quelque commodité.

Retranchement se dit aussi de la suppression qu’on fait de certaines avances ou saillies, dans les rues et sur les chemins publics, pour les rendre ainsi praticables ou pour les aligner.

Retranchement est, dans l’architecture militaire, tout ouvrage fait pour fortifier un poste ou pour en augmenter la défense.

REVERS DE PAVÉ, s. m. C’est l’un des côtés en pente du pavé d’une rue, depuis le ruisseau jusqu’au pied du mur.

REVERSEAU, s. m. Mot composé de deux de mots, reverser et eau. C’est une pièce de bois, attachée au bas d’un châssis, d’une porte-croisée, qui, en recouvrement sur son seuil, empêche que l’eau n’entre dans la feuillure.

Quand cette pièce est sur l’appui d’une fenêtre, on la nomme pièce d’appui.

REVÊTEMENT, s. m. Ce mot exprime de la manière la plus simple et la plus claire, son rapport avec l’architecture et les bâtimens. Un édifice est une espèce de corps qui, se compose de matériaux fort divers. Entre ces matériaux il en est de plus ou moins agréables à la vue. Il y a aussi différens genres de constructions : celles qui se font de pierres de taille ou do briques choisies, présentent des paremens réguliers, unis, et d’un appareil qui plait aux yeux. Mais les constructions qu’on appelle maçonneries, formées de petits matériaux, de pierrailles ou de mœllous liés par le mortier, n’offrent qn’un aspect brut et désagréable. Leur solidité même exige qu’on garantisse leur superficie des injures du temps, et des causes de dégradation qui n’agiroient que trop sur elles.

Le revêtement est donc, selon le sens propre du mot, une sorte d’habit qui cache la nudité des constructions, et souvent la pauvreté de leur matière.

Les revêtemens sont de bien des genres, et ils dépendent tantôt de la nature même des matériaux qu’on veut cacher, tantôt des moyens particuliers à chaque pays.

Le mode de revêtement le plus commun, et l’on peut dire presqu’universel dans la construction de maçonnerie à Paris, est l’enduit en plâtre (voy. Enduit), parce que cette matière y est extrêmement commune.

Dans les pays qui n’ont point de plâtre, on revêt les murs d’une composition faite de terre, mêlée avec de la paille coupée. Voyez Torchis.

Ailleurs, en Italie surtout, les revêtemens sur la maçonnerie se font avec un mortier formé de chaux et de sable. On y en fait aussi de plus précieux avec un mélange de chaux et de poussière de marbre. Voyez Stuc.

Les variétés de ces sortes de revêtement au dehors des bâtimens sont nombreuses. On doit aussi avoir égard, dans le choix qu’on en fait, aux emplacemens qui les recevront. Ainsi il est reconnu que, dans les lieux bas et humides, les revêtemens en plâtre n’ont point de durée.

Dans l’intérieur des habitations, on use très-ordinairement du bois pour faire les lambris, qui sont les revêtemens les plus usuels des murailles, jusqu’à hauteur d’appui. La menuiserie procure aussi des revêtemens intérieurs aux murs des appartemens.

Après le bois, c’est le marbre qui donne les revêtemens les plus usuels, les plus beaux, mais les plus dispendieux. On trouve peu de restes de monumens antiques où le marbre n’ait été employé dans les intérieurs à former les revêtemens, et une multitude de constructions, aujourd’hui dépouillées de leur revêtement de marbre, nous apprennent, par les crampons ou agraffes qu’on y voit encore, qu’ils furent jadis ainsi revêtus.

On voit, en Italie et en Sicile, de grandes églises dont toutes les superficies, jusqu’à une certaine hauteur, ont reçu un revêtement, non-seulement de marbre, mais de compartimens de pierres précieuses, formant toutes sortes de dessins et de compositions de figures.

La mosaïque a aussi servi à faire des revêtemens, et la grande église de Montréal, près de Palerme en Sicile, est revêtue de mosaïque dans toutes ses superficies et du haut en bas.

Le mot revêtement et l’action de revêtir s’appliquent aussi, dans un autre sens que celui d’ornement, à des travaux de grosse construction. Ainsi, on appelle revêtement un mur de pierre ou de moellons, qui sert à fortifier l’escarpe ou la contrescarpe d’un fossé.

On appelle faire un revêtement, bâtir un mur à une terrasse pour en soutenir les terres.

Nous nous sommes servis du mot revêtement en décrivant la construction des pyramides, dont la masse, formée d’une maçonnerie de blocage, reçut d’abord l’enveloppe en pierres de taille, formée de gradins, qui fut elle-même revêtue de blocs de marbre.

REVÊTIR, v. act. Faire un revêtement. Voy. le mot précédent.

En charpenterie, revêtir signifie peupler de poteaux une cloison, ou un pan de bois.

En jardinage, c’est garnir de gazon un glacis droit ou circulaire, ou bien palisser de charmilles, pour le couvrir, un mur de clôture ou de terrasse.

REZ-DE-CHAUSSÉE, s. m. Ce mot, composé de rez, ancienne préposition qui veut dire tout contre, joignant, et de chaussée, signifie chambre, pièce, appartement au niveau d’une chaussée, d’une rue, d’un Jardin. On dit improprement rez-de-chaussée des caves d’une maison.

REZ-MUR, s. m. Nu d’un mur dans œuvre. On dit qu’une poutre, qu’une solive de brin, etc., a tant de portée de rez-mur, pour dire, depuis un mur jusqu’a l’autre.

REZ-TERRE, s. m. C’est une superficie de terre, sans ressauts ni degrés.

RICHE, adj. des deux genres. On donne cette épithète, en architecture, à un édifice où l’on a employé les ornemens, les matières précieuses, les métaux, la dorure, etc.

RICHESSE, s. f. En tant qu’opposé de pauvreté, qui, en architecture, est un défaut, la richesse passera pour être une qualité louable, à condition toutefois qu’elle soit ou convenable ment placée, ou employée dans une juste mesure, et qu’elle ne repose pas uniquement sur ce qu’on peut appeler l’effet matériel.

Comme la pauvreté est l’excès, et par conséquent l’abus de la simplicité, en architecture, la richesse a pour excès, et par conséquent pour abus, le luxe, qui consiste ou dans un emploi désordonné des objets de décoration, ou dans une profusion sans goût des matières précieuses. Il y a, sur ce point, deux préjugés également condamnables.

Un instinct irraisonné porte naturellement les hommes à faire cas de tout ce qui est rare et de tout ce qui est cher. De-là ce penchant qui a porté aussi tant d’architectes et de décorateurs, à prodiguer dans quelques édifices la dorure, les métaux précieux, les marbres les plus bigarrés, de telle sorte qu’en y comprenant encore le brillant des peintures, l’œil n’y trouve nulle part à se reposer du tout ce fracas, dont toutefois, après la surprise du premier coup d’œil, l’effet est de ne plus faire d’effet.

Mais c’est un autre préjugé, de blâmer, dans l’architecture, l’emploi des belles matières et de la dorure, par cela que la beauté fondamentale de l’art ne tient point à l’emploi d’une matière ou d’une autre, par cela que de justes proportions, un bel accord des parties avec le tout, la bonne disposition d’un plan, et son rapport harmonieux avec l’élévation, enfin beaucoup d’autres mérites, peuvent appartenir à l’édifice qui seroit construit des matières les plus communes. En effet, si l’on convient de ceci, il faut nécessairement avouer aussi que des matériaux plus précieux que la pierre, d’un plus beau poli, d’une couleur plus rare, ne sauroient empêcher les mêmes mérites d’exister et d’être rendus sensibles dans l’édifice où on les aura employés. Ce n’est donc pas l’emploi des matières précieuses qui peut préjudicier à la beauté fondamentale de l’art, ce ne sera que l’abus qui en sera fait par un goût déréglé, ou encore l’opinion que cette beauté matérielle, peut suppléer à la beauté morale.

Oui, et nous avons déjà eu plus d’une occasion de le dire, l’architecture ne sauroit négliger, dans ses ouvrages, tout ce qui tend à joindre aux impressions morales l’effet des sensations physiques. Comme il est impossible que l’effet de la sensation matérielle de la grandeur linéaire, n’ajoute point à celui du plaisir raisonné qui résulte de la grandeur proportionnelle ; comme tout ce qui est haut, vaste, puissant, solide, massif, nous affecte involontairement, en éveillant en nous le sentiment naturel d’admiration pour tout ce qui est difficile, et qui a dû coûter de grands efforts, il est de même impossible, que l’idée de richesse ne nous fasse point éprouver le même sentiment. Or, le sentiment de l’admiration est un de ceux qui entrent plus particulièrement dans les attributions d’un art qui n’a point, comme les autres arts d’imitation, de moyen direct d’agir sur notre ame, par la peinture des objets capables d’y exciter tous les genres de passions.

La richesse de l’architecture peut cependant se manifester, et produire la meilleure partie de ses effets, avec toutes les matières que la nature, en chaque pays, présente à l’artiste. Sans parler de celle qui résultera de l’abondance des colonnes, de la variété d’aspects que produit leur emploi, des percés ingénieux, du mouvement des masses, etc. , il suffit des ressources de l’ornemente et de la décoration, qui, par le moyen de la sculpture, peuvent s’appliquer à touts les matières, pour faire naître, dans tout édifice, l’impression de la richesse.

Les ornemens sont, en effet, les principales richesses de l’architecture. Nous entendons ici ce mot dans le sens, vulgaire si l’on veut, sous lequel l’usage ou la mode l’emploie, soit en ameublemens, soit en vêtemens. Oui, l’ornement, techniquement défini (voyez ce mot), est a un édifice ce que les broderies, les galons, les festons, les brocards, sont aux étoffes. Là aussi on a vu plus d’une fois le luxe, ou pour dire encore mieux, la vanité du luxe ne garder aucune mesure, dans l’application des ornemens aux parures, et cacher une étoffe déjà riche de sa nature, sous un amas de galons et de broderies. Ce qu’on appelle goût, en fait de modes, ne reconnoît point de règles. Ce n’est pas le beau qui fait la mode, c’est la mode qui fait le beau. Aussi n’avons-nous pris cet exemple, que pour mieux faire entendre ne qu’est l’abus des ornemens en architecture. Mais heureusement cet art, quoique très-souvent tributaire des caprices de l’usage, est forcé, comme tous les autres arts, de reconnoitre des principes fondés sur la nature de notre ame, et, en ce genre, l’usage ne fait pas loi. C’est une tyrannie passagère, une violation de l’ordre, qui ne manque jamais de reprendre ses droits.

Ainsi avons-nous fait voir, au mot Repos (voyez ce mot), que les richesses, en architecture, n’ont de valeur que par l’opposition des parties lisses ; que tout ce qui est trop continu fatigue l’esprit et les sens ; que tout plaisir sans interruption deviendroit une peine ; que, par conséquent, les richesses des ornemens ont besoin d’être distribuées, sur les fonds qui les reçoivent, selon un système, ou de progression, qui suppose le doux opposé au fort, ou de succession alternative, qui donne à l’œil le repos nécessaire, et lui épargne la peine de la confusion.

RIDEAU, s. m. Est, dans l’intérieur d’un appartement, une pièce d’étoffe, qui par le moyen d’anneaux glissant sur une tringle de métal poli, se ferme ou s’ouvre devant les fenêtres, pour préserver du soleil, pour modérer la lumière pendant le jour, interdire du dehors la vue dans les intérieurs, et garantir aussi des influences de l’air extérieur.

Les rideaux sont tout à la fois, dans les grands appartemens, des objets de nécessité ou de commodité, et des objets de luxe et d’ornement. Cela dépend, ou de la nature des étoffes dont ils sont faits, ou de l’ajustement que l’art du tapissier leur donne.

Rideau chez les Anciens. Dans l’intérieur des maisons et des palais, l’entrée des chambres n’étoit quelquefois fermée qu’au moyen d’un rideau ou tapis, appelé velum cubiculare ou aulœum. C’est derrière un semblable rideau que, selon Lampride, Elagabale se cacha, lorsque les soldats entrèrent dans sa chambre pour l’assassiner. Selon Suétone, Claude se cachoit aussi par peur derrière de semblables rideaux, lorsqu’il fut découvert par un soldat et proclamé empereur. Quand le prince donnoit audience, on levoit le tapis ou rideau tendu devant sa porte. Les juges, dans les causes criminelles, et qui demandoient un examen réfléchi, avoient coutume de laisser tomber un voile ou rideau devant leur tribunal, pour se dérober aux regards des accusés et à ceux du peuple : c’étoit une marque de la difficulté qu’ils trouvoient dans la discussion de l’affaire. Cette coutume donna lieu a l’expression ad vela sisti, pour dire, comparoitre devant les juges. Au contraire, dans les affaires de peu d’importance, on levoit le voile, et elles se jugeoient levato velo, a rideau ouvert, c’est-à-dire, en présence de tout le monde.

Dans les temples, on suspendoit souvent un rideau devant les statues des divinités. Nous avons déjà parlé des différentes manières dont il pouvoit se lever ou se baisser (voyez le mot Parapetasma). Nous remarquerons à ce sujet, que Stuart, dans ses Antiquités d’Athènes, tom. II, pag. 7 et 8, a avancé, contre toute autorité, que ce tapis pouvois être destiné à couvrir la partie du milieu du naos, qui étoit percée à jour.

Les rideaux dont on vient de parler, différoient de ceux qu’on appeloit velaria dans les théâtres et les amphithéâtres.

Chez les Romains, au théâtre, c’étoit l’usage de fermer la scène, avant le commencement du spectacle, par un rideau appelé aulœum et siparium. Lorsque le spectacle commençoit, on ne levoit pas la toile ou le rideau, comme cela se pratique aujourd’hui, mais on le baissoit. Il devoit alors rester, pendant la représentation, ployé sur la partie antérieure du proscenium, ou se baisser devant l’hyposcenium, ou bien il descendoit par une trappe sous le proscenium. Lorsque le spectacle étoit fini, le rideau se relevoit lentement pour refermer la scène.

Un passage remarquable d’Ovide, dans le troisième livre de ses Métamorphoses, vers III et suivans, nous donne de ceci une preuve évidente.

« Lorsque le rideau se lève (dit-il), les figures montent en haut ; on en voit d’abord le visage, et successivement les autres parties de leur corps, jusqu’à ce qu’elles paroissent entières, et que leurs pieds semblent placés sur le plancher de la scène. »

Sic ubi tolluntur festis aulaa theatris
Surgere signa solent, primumque ostendere vultum
Catera paulatim, placidoque educta tenore
Tota patent, imoque pedes in margine ponunt.

Ce passage démontre que le rideau se levoit insensiblement, Comme en sortant de terre, puisque les différentes parties inférieures du corps ne paroissoient, qu’après que la tête s’étoit montrée. Donc lerideau descendoit sous le sol de la scène. On voit encore par-là, qu’on ornoit communément ce rideau de figures historiques, qui y étoient ou peintes ou brodées.

Le rideau, dans nos théâtres, s’élève toujours et va se perdre dans les sommités de la scène, invisibles aux spectateurs. On lui donne le plus souvent aujourd’hui le nom de toile. Voyez Théatre, Toile de théatre.

Rideau se dit, par métaphore, d’une berge élevée au-dessus du sol d’un chemin escarpé, sur le penchant d’une montagne, el qui fait en contrehaut ce que l’épaulement fait eu contre-bas.

Rideaux (terme de jardinage). On donne ce nom à des palissades de charmille, qu’on pratique dans les jardins pour arrêter la vue, ou pour cacher quelqu’aspect peu agréable. On appelle encore rideaux, et dans un sens très-rapproché du sens usuel de ce mot, des plantations d’arbres fort serrés l’un près de l’autre ; disposition qui convient surtout aux peupliers, lesquels semblent former réellement des rideaux pour garantir des ardeurs du soleil.

RIGOLE, s. f. Ouverture longue et étroite, fouillée en terre pour conduire l’eau. On en pratique ainsi quand on veut faire l’essai d’un canal, pour juger de son effet du pente. C’est ce qu’on nomme canal de dérivation.

On appelle rigoles, de petites fondations peu profondes, et certains petits fossés qui bordent un cours, une avenue, et on les creuse dans le dessein de conserver les tiges des arbres.

On distingue la rigole de la tranchée, par cela que la première n’est pas ordinairement creusée carrément.

Le mot rigole vient du latin rigare, arroser. Ainsi le procédé d’arrosement par irrigation, a lieu au moyen de petites rigoles pratiquées de distance en distance dans les potagers.

Rigole de jardin. Espèce de tranchée, fouillée presque toujours carrément, de six pieds en largeur, sur deux et demi de profondeur, pour établir une plate-bande de fleurs ou des arbrisseaux qui doivent faire l’ornement d’un parterre.

RIMINI, ville très-antique d’Italie, appelée autrefois Ariminum, du nom du fleuve qui la traverse, en latin Ariminus.

Cette ville a conservé jusqu’à nos jours de fort beaux restes de son ancienne magnificence. Neuf arcades de briques indiquent encore l’emplacement de son amphithéâtre, bâti par le consul Publius Sempronius.

Mais c’est à l’empereur Auguste qu’elle est redevable de deux de ses plus beaux ouvrages, et que le temps a respectés.

Le premier est un arc de triomphe, sous lequel on passe en entrant dans la ville. Il est construit de la pierre blanche des Apennins, pierre tout-à-fait semblable à celle d’Istrie, et qui est une sorte de marbre blanc. La masse générale devoit être grandiose, surtout lorsque le monument avoit l’intégrité de son couronnement. Toutefois cette masse semble un peu trop se rapprocher du carré. Elle n’a qu’une seule ouverture, qui consiste en une arcade fort large, dont le bandeau repose sur un commencement d’imposte. De chaque côté de l’arcade s’élève une colonne corinthienne, engagée dans lu piédroit et posant sur un stylobate profilé. Les deux colonnes supportent l’entablement, que surmonte un fronton plus court que la corniche totale qui auroit pu lui servir de base. Un attique règne au-dessus, et il étoit formé latéralement de degrés. Sur l’assise, ou sur le degré supérieur qui subsiste, on lit encore beaucoup de mots de l’antique inscription, qui apprend que le monument fut élevé à Auguste, en reconnoissance de la restauration qu’il avoit fait faire des voies qui aboutissoient à Rimini. La voie Flaminienne étoit de ce nombre.

De chaque côté de l’arc, est sculptée, sur l’architrave et perpendiculairement à la pierre qui fait la clef de l’arcade, une tête de taureau, et de chaque côté aussi, dans chacun des écoinçons formés par le bandeau de l’archivolte, par l’entablement et la colonne, sont sculptés, sur des parties circulaires qu’on peut prendre, ou pour des patères, ou pour des boucliers, les bustes en haut-relief de Jupiter avec la foudre, de Vénus avec la colombe, de Neptune avec trident, de Pallas avec la cuirasse et l’épée. Quelques-uns prétendent que c’est Mars. Il nous semble cependant qu’une sorte d’esprit de symétrie auroit voulu qu’en pendant de la tête barbue de Neptune, on vît une tête de femme, comme est celle de Vénus en correspondance avec Jupiter. La tête qu’on voudroit convertir en tête de Mars, a l’indication de la devanture d’un casque, qui convient également à Pallas, et la physionomie juvenile paroît devoir mieux appartenir à cette déesse. Il a encore été observé a l’égard de ces bustes, que, vu la situation de l’arc, les têtes de Neptune et de Vénus, divinités marines, se trouvoient placées du côsé de la mer.

La masse totale de l’architecture de cet arc, ou du moins celle qui en subsiste encore aujourd’hui, a environ quarante-trois pieds de hauteur, sur quarante pieds de largeur, ce qui lui donne, comme on l’a déjà observé, une proportion presque carrée. Mais il faut ajouter à son élévation ce que la destruction lui a fait perdre, savoir, quelques assises de l’attique qui en faisoit le couronnement ; et encore, ainsi que des médailles en font foi, et comme le prouvent des témoignages écrits, et quelques restes de sculpture, il conviendroit d’y replacer, au moins en idée, soit un quadrige, soit des statues colossales qui exhaussoient et faisoient pyramider l’ensemble de la composition.

Outre la tradition populaire qui règne à cet égard, il existe dans le Muséum Bianchi, à Rimini, un pied colossal de marbre blanc, qui fut trouvé sur la sommité de l’arc. Nous lisons encore dans l’ouvrage de Louis Nardi sur les antiquités de Rimini, que l’on conserve dans le mur d’une cour voisine du palais Cima, une tête de cheval en bronze, d’un bon travail antique, bien que fort endommagé, et qu’on prétend que cette tête fut trouvée tout près de l’arc.

Fabretti, dans son ouvrage (De Aquis et Aqueductis), cherche à prouver que Vitruve (Pollion) fut l’architecte de ce monument, élevé vers l’an 727 de Rome, sous le septième consulat d’Auguste, et au commencement du huitième. Temanza a été aussi de cet avis. Ce qu’il y a de particulier contre cette opinion, c’est que précisément l’arc de Rimini nous offre dans son entablement des denticules sous les modillons, pratique désapprouvée par Vitruve. En sorte que Temanza, pour appuyer sa conjecture, est forcé d’interpréter le passage dans un sens contraire à la doctrine de l’auteur. Voyez Vitruve (Pollion).

Le second monument antique de Rimini, est le superbe pont bâti en marbre par Auguste, ainsi que nous l’apprennent les deux inscriptions toutes semblables, placées chacune à une des extrémités du pont. On y lit qu’il fut construit sous le treizième consulat d’Auguste, qui fut le dernier de sa vie, et sous le quatrième consulat de Tibère, qui marque la sixième année de son règne depuis la mort d’Auguste : d’où l’on voit qu’Auguste, avant de mourir, avoit fort avancé cet ouvrage.

Une autre raison persuade que Tibère avoit trouvé les arches du pont finies ; on la tire de la couronne sculptée sur une clef de l’une des voûtes ; si toutefois cette couronne fut la couronne civique, comme on le pense. En effet, Tibère, selon Suétone, ayant empêché qu’on en fit la représentation dans son propre vestibule, ne l’auroit pas permise sur ce pont, s’il en eût terminé les cintres. Si donc ce symbole y fut placé sous Auguste, cela prouve, que lorsqu’il mourut, l’entreprise étoit fort près d’arriver à son terme.

Ce pont se compose de cinq arches ; quatre sont intègres et d’une belle conservation ; la cinquième, celle qui est du côté du couchant, fut deux fois détruite par la guerre, et fut rebâtie avec peu de soin ; aujourd’hui son ouverture se trouve presque comblée par les amas de sable et de galets dont le fleuve (la Marchia) élève continuellement son lit. Les arches sont en plein cintre ; on pourroit dire qu’ils sont en demi-cercle, si leur ligne ne se redressoit pas un peu, près du sonbassement. L’arche du milieu est plus large que les quatre autres ; les deux dernières sont les plus étroites. On compte trente-trois pieds à l’ouverture de la grande arche, vingt-sept pieds à chacune des deux arches qui l’accompagnent, et vingt-six aux deux de chaque extrémité. La longueur totale du pont est à peu près de cent quarante pieds ; sa largeur de vingt-six.

Toute la masse se compose de grands blocs de marbre ou de pierre d’Istrie, qu’on sait être une espèce de marbre. Les claveaux des trois arches du milieu n’ont pas moins de trois pieds de hauteur ; les paremens et l’intrados des voûtes sont si parfaitement unis, qu’il seroit impossible d’introduire l’épaisseur d’un cheven dans leurs joints. On s’aperçoit que c’est surtout à cette partie de la construction que fut porté le plus grand soin. On trouve à ce monument, comme à un grand nombre d’édifices antiques, de ces trous qui paroissent avoir été faits dans les joints des pierres, pour en extraire les crampons de métal.

L’ensemble de ce pont présence l’aspect d’une disposition à la fois belle par la forme, la proportion, la richesse qui nait d’un bon caractère de construction, et d’une heureuse disposition d’ornemens. Les bandeaux des arches sont sans profils, mais ils se détachent sur toute la masse par une assez grande saillie. Chacun de ces bandeaux a sur la clef de sa yoûte un ornement sculpté : malgré quelques dégradations qu’ils ont éprouvées, on y reconnoît une couronne, un prœfericulum, un lituus, une patère.

Entre chacune des arches est une niche en forme de tabernacle, avec plinthe, deux pilastres et un fronton, qui sans doute furent destinés a recevoir des statues. Un fort bel entablement s’élève au-dessus des bandeaux des cinq arches et règne dans toute sa longueur. On remarque, que du côté de la ville, la ligne de l’entablement de la dernière arche, suit une pente apparemment commandée par le terrain.

La voie publique sur le pont étoit pavée en marbre, et de chaque côté il y avoit un petit trotoir pour les gens de pied. On observe que le petit mur du parapet, au lieu de se terminer, comme c’est assez l’usage, par des pierres taillées carrément, et par conséquent formant des angles, avoit sa sommité arrondie, pour la commodité de ceux qui, en s’y appuyant, voudroient jouir de la vue de la rivière.

RINCEAU, s. m. C’est le nom qu’on donne, dans l’architecture, et la sculpture ou peinture d’ornement, à certaines compositions dont l’idée et le motif sont pris, soit de branchages recourbés, soit de certaines plantes qui se roulent sur elles-mêmes si elles trouvent quelqu’obstacle.

Le rinceau n’est toutefois, comme le sont presque tous les ornemens, qu’une imitation conventionnelle des productions naturelles. Ordinairement on le fait sortir de ce qu’on appelle un culot, espèce de touffe imaginaire de larges feuilles, qu’on suppose donner naissance à la plante, ou à la branche que l’art façonne à son gré, qu’il prolonge par des circonvolutions qu’on répète, avec quelques variétés dans les détails.

Le rinceau, quelquefois se forme d’une branche que l’on courbe et recourbe à volonté, et qui semble porter des fruits, des fleurs, des grappes de raisin, des feuilles de lierre ou de pampre. Quelquefois il est censé être une plante flexible du genre de l’acanthe ; il se forme alors des feuilles naturelles de cette plante, refendues et dentelées comme la nature les produit. On y ajoute des fleurons, des roses, des boutons, des graines, etc.

Les rinceaux s’emploient ordinairement en sculpture, à faire l’ornement courant des frises dans les édifices, à décorer des vases, des candélabres et autres objets de ce genre. Il n’est pas rare non plus de les voir appliqués perpendiculairement, à remplir les champs des pilastres ou des panneaux. Quelquefois ils circulent autour des fûts des colonnes, et c’étoient de véritables rinceaux que ces acanthes en or qui, selon la description de Diodore de Sicile, du milieu environ dus colonnes, s’élevoient insensiblement jusqu’aux chapiteaux, dans la décoration du char funéraire d’Alexandre. Voyez à l’article Or.

Les Anciens nous ont laissé, en fait de rinceaux, les plus parfaits modèles pour la composition, le goût et l’exécution du la sculpture.

La peinture décorative emploie aussi les rinceaux dans cette partie que les Modernes ont appelée du nom d’arabesques (voyez ce mot). Les exemples en sont trop nombreux, pour qu’il soit nécessaire d’en citer. Mais un des plus remarquables ouvrages de ce genre en mosaïque ; qui est aussi une branche de la peinture, se voit aux pilastres du grand salon de la villa Albani à Rome.

En fait d’ouvrages modernes, nous rappellerons plusieurs des montans des arabesques de Raphael, dans la galerie des Loges, au Vatican, où les rinceaux peints, entremêlés de stucs, ont été exécutés avec une perfection à laquelle nul travail de ce genre n’est arrivé depuis.

Enfin on appelle rinceaux de parterre, certains dessins par enroulement qu’on fait pour l’ornement des parterres, avec du buis et des fonds sablés. Voyez Parterre.

ROCAILLE, s. f. Dans la nature, on appelle ainsi certain assemblage de divers coquillages, mêlés avec des pierres inégales et mal polies, qu’on trouve autour des rochers.

Dans l’architecture qu’on appelle rustique, on donne aussi ce nom à une composition où l’on fait entrer des matières, soit naturelles, soit artificielles, qui semblent être un produit de la nature. Ce goût convient aux grottes que l’on pratique dans les jardins, aux fontaines auxquelles on veut donner l’apparence d’un ouvrage sans art, Il y a des matières plus propres les unes que les autres à contrefaire ces jeux de la nature. A Paris, la pierre qu’on appelle meulière, soit par sa couleur, soit par sa formation irrégulière et remplie de trous, convient assez à ces ornemens rustiques. On la brise en petits morceaux, et on y joint avec le mortier quelques éclats de marbre, de couleur, des pétrifications, des coquillages, etc.

On appelle rocailleur, l’ouvrier qui a la pratique de ce genre de travail, qui met en œuvre les rocailles, qui fait les gouttes d’eau, les congélations lapidifiques, et autres imitations dont on orne les grottes et les fontaines.

Dans le discours familier, on donne, par métaphore, le nom de rocailleux à un goût baroque, qui se plaît, en quelque genre que ce soit, à produire certaines aspérités de langage ou de style dans le discours, certains contrastes choquans de ton, de couleur et de lignes dans la peinture, certaines formes heurtées dans la sculpture, certaines combinaisons disparates et repoussantes, dans les contours ou les détails de l’architecture.

ROCHE, s. f. Se dit, dans l’art de bâtir, de la pierre la plus dure, et la moins propre à être taillée. Il y a des roches qui tiennent de la nature du caillou, et il y en a qui se débitent par écailles.

On n’emploie guère la pierre de roche que dans les fondations. Rien de mieux encore, quand on peut asseoir les fondemens d’un édifice sur la roche : aussi dit-on, pour exprimer la solidité en tout genre, bâtir sur le roc.

ROCHER, s. m. Est une espèce de synonyme de roc et de roche. Mais dans le langage ordinaire, les deux premiers mots semblant exprimer plus particulièrement la nature de la matière. Rocher se dit plus volontiers de la masse isolée d’une roche. C’est au moins sous ce rapport qu’en l’emploie ordinairement dans les ouvrages d’art.

On voit quelques constructions dans les montagnes s’élever sur des rochers isolés, ou sur des pointes de rochers qui se détachent de leur chaîne. Beaucoup de châteaux-forts, dé citadelles, furent ainsi plantés dans les temps du moyen âge. Dans les siècles antiques, on choisissoit aussi ces sortes d’emplacemens pour y établir les forteresses qui défendoient les villes, et plusieurs villes trouverent sur des rochers leur premier site. Tel fut le rocher de l’Acro-Corinthe. Athènes eut son Acropolis sur le plateau d’un rocher, où s’élèvent encore aujourd’hui les ruines de son ancien temple de Minerve, et ce rocher sert encore de citadelle à la ville moderne.

On a quelquefois pratiqué des rochers factices, pour servir de soubassement à des bâtimeus d’un tout autre genre. Tel est à Rome le Palais de Justice bâti à Monte-Citorio ; tel l’édifice auquel, s’adosse la célèbre fontaine de Trevi, dans la même ville. Un rocher de granit, à Pétersbourg, sert de piédestal à la statue équestre en bronze, de, Pierre-le-Grand.

Mais c’est particulièrement aux fontaines, que s’applique l’emploi des rochers factices : tantôt, selon le volume d’eau dont on peut disposer, on fait sortir quelque filets d’eau, de rochers adossés à un mur ou formant le fond dune grotte, d’une niche en rocailles ; tantôt on creuse un bassin irrégulier, formé de pierres de roche, et qui reçoit l’eau d’une fontaine ; tantôt, si l’on a un plus grand volume d’eau, et des inégalités de terrain, qui se prêtent à des effets plus pittoresques, on bâtit des masses de rochers, d’où l’on fait tomber une nappe d’eau. Voyez Cascade.

L’emploi le plus ingénieux et le plus connu des rochers, dans leur rapport avec les fontaines, est celui que Bernin en fit à la place Navone, en faisant de ces rochers le support d’un obélisque, et les piédestaux des quatre figures de marbre, qui représentent les quatre plus grands fleuves de la lerre. Voyez l’article BERNIN.

On appelle aussi rocher d’eau, une espèce d’écueil massif, d’où sort de l’eau par différens endroits. Il y a dé ces rochers à la villa d’Est, à Tivoli, près de Rome.

ROMAINE (ARCHITECTURE). Au mot ARCHITECTURE, on a renvoya à cet article, pour ce qui concerne cet art dans ses rapports avec les Romains. Nous avons renvoyé de même à son article, ce qui regarde spécialement l’architecture grecque. En cela, nous voulûmes rester fidèles au plan de ce Dictionnaire, où nous avions promis de consacrer un article général à chacune des architectures connues, antiques ou modernes, auxquelles l’usage a donné le nom du peuple qui les inventa ou les pratiqua.

Cependant, comme on le voit au mot ARCHITECTURE GRECQUE nous avons cru que cet art, devenu aujourd’hui en quelque sorte universel, étant celui qui est la matière expresse et spéciale de ce Dictionnaire, et trouvant à chacun de ses articles définitions, les notions, les développemens, enfin l’ensemble et les détails historiques, théoriques et pratiques de son origine et de sa formation, de ses principes et de ses regles, de ses applications et de ses exemples, il seroit inutile de redire eu abrégé, dans un article, ce qu’on trouve avec étendue à presque tous les articles de l’ouvrage.

Mais l’architecture romaine n’est autre chose elle-même quel’ architecture grecque, qui, par les raisons qu’on a développées ailleurs, se propagea partout où les Grecs pénétrèrent, partout où leur génie, plus conquérant que leurs armes, étendit son influence. Des communications bien plus anciennes qu’on ne pense, avoient, dès la plus haute antiquité, porté dans l’Italie les semences de la langue, de la religion, du culte, des usages, des arts et des opinions de la Grèce. De nombreuses colonies grecques s’étoient établies sur les rivages de la péninsule italique, y avoient bâti des villes dans l’intérieur des terres, long-temps avant la naissance du fondateur de Rome. Quelle que soit l’origine de cette ville, à quelque siècle que les historiens la rapportent, loin qu’ils y découvrent les premiers pas d’une civilisation dans l’enfance, on y voit, au contraire, un peuple déjà enrichi des connoissances et des arts de ses voisins : or, tous ces voisins, quels qu’ils, aient été, soit originaires du pays, même, soit issus de colonies étrangères, et venues de la Grèce, nous voyons, qu’à quelques nuances près, leur langue, leurs usages, leurs arts et leur architecture ont eu des rapports intimes avec les mêmes choses en Grèce.

Ainsi Rome, des son origine, non-seulement n’eut point une architecture originaire de l’Italie, mais elle ne put rien trouver autour d’elle qui, de près ou de loin, sous une forme ou sous une


autre, ne vînt de Grèce, ne se trouvât dans la Grèce. Les développemens de ses arts ne firent que tendre de plus en plus à rapprocher son art de bâtir, ses monumens, ses plans, ses ordonnances, des modèles de la Grèce.

Rome, de tout temps, eut donc la même architecture que les Grecs. Il n’y a donc pas, à proprement parler, d’architecture romaine, si, par cette épithète, on entend une architecture originale.

Cependant lorsqu’on parle d’un art, on ne le considère pas toujours dans le rapport qu’il eut avec un peuple, sous le point de vue de sa création. Chaque peuple s’approprie en quelque sorte les arts qu’il cultive, lorsqu’il leur imprime un caractère particulier, qu’il leur fait subir de ces différences qui, devenant le cachet de son génie et de son goût, permettent de les désigner par son nom. Ainsi, pararchitecture romaine, nous n’entendrons parler que du caractère particulier que prit l’architecture grecque sous l’empire des Romains ; nous ne désignerons rien autre chose que des variétés de goût, soit dans l’espèce des monumens, soit dans la grandeur et la richesse qu’ils reçurent aux diverses époques de cet Empire.

Nous avons déjà fait voir à l’article de l’ARCHITECTURE ÉTRUSQUE (voyez ces mots), que les communications les plus anciennes, ayant eu lieu entre l’Etrurie et la Grèce, il y avoit eu, dès les temps reculés, une filtration de la langue, de l’écriture, de la religion, de la mythologie et des images de la Grèce, dans les régions supérieures de l’Italie. Nous avons montré que tout ce qui nous est parvenu de notions sur l’architecture étrusque, dépose d’une identité de système, sur tous les points, avec l’art des Grecs. L, ‘histoire nous apprend ensuite que Rome, dès son origine, et dans la construction de ses premiers monumens, emprunta de l’Etrurie, et le goût pour les grands ouvrages, et les artistes pour les exécuter. Nous verrous plus bas que, dans la suite, on compta à Rome un grand nombre d’architectes romains, avantage que n’eurent pas les autres arts. L’architecture tient plus à la politique, aux mœurs et à la religion, que l’on ne le pense. Il n’est pas étonnant que, sous ce triple point de vue, Rome l’ait cultivée avec prédilection dès son premier âge. Plus d’un reste des monumens de cet âge, plus d’un témoignage des historiens, nous démontrent l’injustice qu’il y auroit, à regarder les premiers Romains comme barbares et ignorans dans tous les arts, et surtout dans l’architecture.

Tite-Live fait mention du Cirque tracé par Tarquin-l’Ancien, entre le mont Palatin et le mont Aventin, pour y célébrer, avec plus de pompe qu’auparavant, les fêtes et les jeux publics en mémoire de la victoire qu’il avoit remportée sur les Latins. Les commencemens de ce Cirque furent, à la vérité, peu de chose ; mais bientôt (selon Denis d’Halicarnasse), Tarquin-le-Superbe l’environna de portiques couverts. Dans le même temps, on travailla au grand égout. Tile-Live joint ensemble ces deux entreprises, moindres en apparence (ajoute-t-il), que celles du temple de Jupiter ; elles exigèrent cependant bien plus de peines et de fatigues. Il s’agissoit de construire des portiques autour du Cirque, et de conduire, sous terre, toutes les immondices de la ville dans le grand égout. Ces deux ouvrages (continue-t-il) sont tels, que toutes nos magnificences modernes en approchent à peine.

Le même Tarquin (selon Denis d’Halicarnasse) avoit décoré le Forum, et y avoit réuni tout ce qui pouvoit contribuer à l’utilité, comme à l’embellissement. Tarquin-l’Ancien étoit de la ville de Tarquinium. en Etrurie. Il connoissoit les arts des Etrusques, et il dut apporter à Rome ce goût de grandeur et de solidité qui distinguèrent alors les ouvrages de sa patrie. Ce fut donc à leur imitation qu’il résolut de rebâtir les murs de Rome, faits jadis à la hâte. Il les fit reconstruire en pierres de taille si grandes, qu’une seule faisoit la charge d’un chariot. Ce fut encore lui qui jeta les fondemens du temple de Jupiter Capitolin. La colline sur laquelle il avoit résolu d’élever ce monument, étant d’un accès difficile, et n’offrant point, à son sommet, de plate-forme commode pour y bâtir, il lui fallut égaliser le terrain, soutenir et remparer tous les flancs de la montagne, par des constructions et des contre-forts, avec des travaux et des moyens qui font supposer des connoissances déjà fort avancées dans l’art de bâtir. Le temple de Jupiter, commencé par Tarquin-l’Ancien, fut continué (selon Tacite) par Servius Tullius et par Tarquin-le-Superbe. Ce dernier fit venir des ouvriers de l’Etrurie ; mais l’édifice ne fut achevé qu’après l’expulsion des rois. Sa magnificence fut telle, que toutes les conquêtes des Romains ajontèrent depuis à sa richesse, plutôt qu’a sa beauté (ce tout les expressions de Tacite).

Les dimensions de ce temple, et la disposition de son plan, telles que les décrit Denis d’Halicarnasse, rappellent, à quelques variétés près, le système architectural de la Grèce. Il avoit trois nefs dans son intérieur, et son péristyle couronné par un fronton, ainsi que Cicéron nous l’apprend, avoît trois rangs de colonnes. Détruit deux fois dans la suite des siècles, il fut deux fois reconstruit, mais sur le même plan et sur les mêmes fondemens. Il n’y eut de changement que dans le choix des pierres, à la vérité plus belles, mais toujours de la même forme.

Ces documens, sur lesquels tous les historiens sont d’accord, suffirent pour nous donner une idée du goût des Romains, dans l’architecture de leur premier âge, et nous montrer qu’aucun peuple ne les égala peut-être dans cette partie importante, qui comprend ce qui regarde l’utilité et les besoins publies.

Strabon avoit la même opinion. S’il semble, dit-il, que les Grecs soient arrivés au plus haut point, dans l’art de bâtir les villes, pour avoir toujours eu en vue leur embellissement, leur défense et leur bonheur, les Romains ont porté leurs soins et leur attention sur d’autres objets négligés par les Grecs ; comme, par exemple, de paver les grands chemins, de construire des aqueducs et des égouts souterrains, pour porter dans le Tibre toutes les immondices de la ville, etc.

Telle paroît donc avoir été l’architecture romaine, et sous les rois qui fondèrent la puissance de Rome, et sous la république qui l’étendit de plus en plus par la guerre et la conquête. Utilité dans les entreprises, grandeur et solidité dans les constructions : tel fut le luxe de cet art, à une époque où toute magnificence inconnue aux particuliers, étoit réservée pour les temples.

Si l’architecture, selon Vitruve, doit avoir en vue, dans ses ouvrages, l’utilité, la solidité et la beauté, l’architecture romaine aura, dans les monumens de cette première époque, rempli les deux premières conditions. Quant à la troisième, il ne nous reste rien qui puisse nous en instruire ; car, bien que l’idée de beauté puisse aussi s’appliquer à ce qu’il y a de plus simple en construction, et bien quo la grandeur et la solidité fassent aussi partie de ce qui constitue la beauté en architecture, nous devons avouer que Vitruve a dû entendre, dans cette notion, ce que nous y comprenons aussi, c’est-à-dire, ce genre de beau qui tient au goût délicat des formes, à l’harmonie des proportions, à l’élégance des membres, et à tout ce qu’on appelle ornement ou décoration.

Ce genre de beauté ainsi entendu, comme le seul sentiment du besoin et de l’utilité ne le produit pas, et comme il tient au perfectionnement d’un sentiment moral qui, pour se développer dans l’architecture, a besoin du secours et de l’inspiration des autres arts, tout porte à présumer que ce complément des trois qualités principales de l’art de bâtir, fut réservé à une époque postérieure.

Nous manquons, sans doute, des matériaux nécessaires pour pouvoir suivre historiquement les progrès du goût dons l’architecture, pendant les siècles de la république. A peine reste-t-il quelque vestige de quelque monument isolé, qui appartienne à cette époque. Mais, à ce défaut, il est facile de trouver, soit, dans l’état politique de ces siècles, soit dans les parallèles que. peuvent nous fournir les ouvrages des autres arts, et particulièrement la littérature, soit dans les aveux mêmes des écrivains, plus d’une présomption qui porte à croire que le génie du beau, dont on vieut de parler, et qui est à proprement parler la perfection de l’art, ou l’art lui-même, attendit à Rome des temps plus favorables.

Nul doute que le goût de l’Etrurie étant celui qui initia les Romains, dans la connoissance et la pratique des arts, et ce goût étant resté stationnaire chez les Etrusques, il en seroit arrivé de même à Rome, si le goût des arts perfectionnés en Grèce, ne fût venu, aidé de la richesse et du luxe des Romains, donner une impulsion nouvelle à leur architecture. Mais cette influence n’arriva point par une irruption subite. Rome, avant la conquête de la Grèce, avoit eu déjà trop de rapports avec elle, pour qu’on puisse se permettre, ainsi qu’on l’a fait trop souvent, de la regarder comme inculte en fait d’arts. On s’appuie à tort des vers de Virgile : Excudent alii spirantia mollius œra, etc., pour le prétendre. Il ne faut pas faire dire au poëte plus qu’il ne dit. Ces vers, loin de faire présumer l’ignorance totale des Romains dans les arts, établissent seulement une comparaison entr’eux et les Grecs, et cette comparaison, sans doute à l’avantage de ceux-ci, est déterminée par les mots mollius et melius. Virgile, en mettant les Grecs au-dessus des Romains, dans certains arts, n’a donc pas entendu que ces arts fussent étrangers à Rome.

A l’égard de l’architecture, il falloit, sans doute, que les modèles de la sculpture et de la peinture, lui communiquassent le besoin de se mettre en harmonie avec eux, et par le sentiment des proportions, et par l’élégance des ornemens. Or, c’est ce que produisit la conquête de la Grèce, en faisant refluer dans Rome, et les ouvrages de l’art grec, et aussi les habiles artistes de cette contrée. Il est évident que ce que la Grèce perdoit par l’appauvrissement, Rome le gagnoit en s’enrichissant de toutes les manières. Or, les artistes vont toujours où l’opulence les appelle.

Déjà l’art de bâtir, chez les Romains, avoit, si l’on peut dire, taillé les monumens sur de bien plus grandes dimensions, que ne l’avoient pu faire les petits Etats séparés de la Grèce. L’architecture, secondée par la richesse publique et particulière, trouva donc de plus vastes champs à ses conceptions, des sujets plus variés, et un emploi plus illimité de ses richesses.

C’est ce qu’on vit déjà (et la preuve en est encore sous nos yeux) dès le règne d’Auguste. Plus d’un reste de monument de cette époque, nous montre la prédilection donnée à l’ordre corinthien, expression de la plus grande richesse en architecture. De cette époque est le temple célèbre appelé le Panthéon, reste d’un bien plus grand ensemble qui, sous le nom de Thermes d’Agrippa, fut l’ouvrage d’un simple particulier. Pour apprécier le goût de l’architecture à cette époque, il faut rendre à ce temple, encore aujourd’hui la merveille de Rome moderne, sous le rapport de l’art, tout ce que le temps et tous les genres de barbarie ancienne ou nouvelle lui ont enlevé de richesse, dans les bronzes de son fronton, de son péristyle, des caissons dorés de sa voûte, des sculptures qui l’ornoient, etc. Qui peut douter qu’un semblable monument, épargné par le hasard, entre tant d’autres, n’eût fait la célébrité d’une des plus grandes villes de la Grèce ?

Auguste se vantoit d’avoir trouvé Rome de terre, et de la laisser de marbre. Cette ville, devenue non-seulement la capitale du monde d’alors, mais, si l’on peut dire, le monde entier, par les causes qui y portèrent toutes ses richesses, offrit alors à l’architecture un théâtre immense, où non-seulement tous les monumens alors connus dans les autres pays, trouvèrent à se reproduire sous des formes plus brillantes et avec des dimensions plus considérables, mais où don genres d’édifices nouveaux vinrent exercer le génie des artistes. Rome alors renfermoit en elle-même toutes les causes réunies qui peuvent donner de l’aliment à cet art. La richesse de quelques particuliers y égaloit et y surpassoit la fortune ordinaire des rois. On y retrouvoit le zèle de la religion dans l’érection des temples ; aux restes des institutions politiques de la république, s’unissoit le luxe et la puissance de la monarchie ; la gloire militaire et les succès de la guerre créoient des monumens, et les jeux du théâtre, les combats du cirque ou de l’amphithéâtre, exigèrent pour la foule immense des spectateurs, que l’architecture agrandit tous ses moyens et toutes ses conceptions.

Rome vit donc élever des monumens que la Grèce n’avoit point connus, des arcs de triomphe, des colonnes triomphales, des thermes qui furent des villes, des septizones et des mausolées, des portiques immenses, des amphithéâtres, des naumachies, etc. Les marbres de toutes les carrières connues furent exploités, on en découvrit de nouvelles. L’Afrique et l’Asie lui taillèrent des colonnes, l’Egypte lui livra ses obélisques, la Grèce devint son atelier et son magasin de marbres, de statues et de bronzes.

Avec de tels moyens, l’architecture romaine devoit s’élever et s’éleva réellement à un point de splendeur, où jamais aucune nation ne l’avoit portée, où il est bien probable que jamais elle ne parvienne dans la durée des siècles futurs : témoins les prodigieux restes qui en subsistent (voyez Rome) ; car ce qu’il faut dire de ses ruines, c’est que, par le retour des choses humaines, jamais aussi autant de causes de destruction ne se réunirent contre aucun autre empire ; jamais autant de siéges, de saccages, d’irruptions, jamais autant de révolutions politiques ou religieuses ne se succédèrent sur aucune autre ville ; en sorte, qu’après la merveille de la puissance qui éleva ses monumens, ou ne sauroit en trouver une plus étonnante, que celle de la force de conservation qui en a empêché l’entier anéantissement.

Ainsi, survivant encore à elle-même, dans ses débris, l’architecture romaine devoit devenir l’école nouvelle, où toute l’Europe, interrogeant ses ruines, viendroit chercher les leçons qui l’ont renouvelée, et qui ont propagé dans le monde entier, le système dont les Grecs furent les inventeurs.

Il ne se pouvoit donc point que l’architecture grecque, s’éloignant de sa source, appliquée dans de nouveaux genres d’édifices, à des combinaisons plus variées, disposant d’immenses richesses, ayant à servir, toutes les passions de gloire et d’ambition, forcée de satisfaire une vanité qui ne connoissoit point de mesure, et la prétention de Rome à surpasser par les arts, ceux qu’elle avoit vaincus par les armes ; que cette architecture, dis-je, ait cherché à frapper les yeux, plus par l’éclat que par la pureté, plus par la richesse que par l’harmonie, plus par la grandeur des lignes que par celle des formes.

Cependant il faut dire en faveur des Romains, que l’architecture avoit été de tout temps leur art favori. On ne connoît les noms d’aucun statuaire romain, et l’on connoît à peine ceux de deux ou trois peintres cités par Pline ; mais Vitruve nous apprend qu’avant lui, Rome avoit compté plus d’un architecte célèbre. Lui-même nous a transmis les noms de Fussitius, de Terentius Varron, de Publius Septimius, de Cossutius, de C. Mutius, qui avant lui avoient écrit sur leur art. Sans cette digression de Vitruve, dans sa préface, nous aurions ignoré qn’avant le siècle d’Auguste, d’où l’on a coutume de dater l’époque de la culture des beaux-arts à Rome, plus d’un Traité d’architecture y avoit été composé : que Terentius Varro en avoit fait un, que P. Septimius en avoit fait deux, que Fussitius avoit écrit sur son art avec le plus grand succès. Vitruve regrette encore beaucoup les écrits de Cossutius sur l’architecture, et plus encore ceux de C. Mutius, homme d’un grand savoir, et qui avoit achevé le temple de l’Honneur et de la Vertu. On sait assez, qu’en aucun genre, les écrits théoriques ne précèdent les œuvres de la pratique. Il faut qu’on ait déjà beaucoup opéré dans un art, pour qu’on en vienne à sentir le besoin d’en fixer les régles, ou d’en décrire les productions. Aussi le même Vitruve nous apprend-il que, dans les siècles qui l’avoient précédé, Rome avoit eu de grands architectes, et que de son temps il s’en trouvoit encore un grand nombre.

Lors donc que la conquête de la Grèce, et le règne d’Auguste eurent conduit et attiré à Rome des architectes grecs, ces artistes ne se trouvèrent point en pays étranger. Ils y trouvèrent le même art qu’ils avoient exercé chez eux, les mêmes pratiques, le même système d’ordonnance et de proportion. Mais déjà en Grèce même, le temps avoit pu introduire quelques changemens dans certains modes de colonnes. L’ordre dorique avoit pu perdre quelque chose de son caractère primitif et de l’austérité de ses principes. Les besoins variés de beaucoup d’édifices moins simples dans leur


plan, le goût d’élégance et de richesse qui avoit fait prévaloir l’emploi des deux autres ordres, contribuèrent aussi à alonger l’ordre dorique, à diminuer la sévérité de ses formes et de ses profils. Ainsi voyons-nous le portique d’Auguste à Athènes, déjà assez éloigné de la proportion massive et raccourcie de l’ancien dorique. Cet ordre acquit encore à Rome des proportions plus sveltes, un aspect moins sévère.

Mais le luxe, l’ostentation et la magnificence, mobiles principaux des grandes entreprises sous les empereurs, trouvèrent beaucoup mieux leur compte dans les formes, les proportions et les ornemens de l’ordre corinthien. On trouve peu de notions de monumens corinthiens chez les écrivains grecs, et fort peu de monumens de cet ordre dans les ruines de la Grèce. Le dorique fut l’ordre par excellence de son architecture, et en quelque sorte l’ordre privilégié pour les temples. On peut dire le contraire à Rome ; c’est le corinthien qui domine partout : aussi est-ce encore parmi les édifices romains qu’il faut aller chercher les modèles de ce que l’art a créé de plus parfait dans la disposition, le goût et le travail du chapiteau de cet ordre.

Plus favorable au luxe de la sculpture, il fournit encore à cet art les motifs des modifications les plus nombreuses, dans l’ajustement varié de son chapiteau. On l’orna de toutes sortes d’emblêmes et de symboles, du mélange de toutes sortes de types, et c’est dans ces modifications, que l’architecture moderne a cru trouver l’exemple de son ordre composite, qui n’est qu’une méprise, puisque, comme on l’a dit et prouvé ailleurs (voyez COMPOSITE), le chapiteau n’est pas ce qui constitue l’ordre, encore moins un ornement ou un autre, introduit dans le chapiteau.

Il en est du goût de la richesse, dans l’architecture, comme de la passion du luxe dans les mœurs privées ou publiques. Lorsque le principe du goût d’une part, comme de l’autre celui de la raison, ne peuvent plus mettre un frein à l’ambition des nouveautés, ou à l’orgueil des distinctions, il faut tomber dans cet excès qui amène la ruine.

Ainsi voit-on l’architecture romaine, après avoir épuisé toutes les ressources de la richesse guidée par le goût dans l’emploi des ornemens, mettre de côte toute modération, sacrifier le fond et le principal aux détails et aux accessoires, c. uvriv sans distinction aucune toutes les parties, tous les membres, d’ornemens et de sculptures, à peu près comme feroit celui qui, pour embellir une étosse, la cacheroit sous les broderies. Nous ne porterons pas plus loin, sur le goût de l’architecture romaine, des notions qui ont déjà trouvé leur place ailleurs. Voyez ARCHITECTURE.

Nous ferons remarquer toutefois, en terminant cet article, que l’art de l’architecture ayant été, dès l’origine de Rome, l’art de prédilection des Romains, et celui dont la culture privilégiée avoit exercé leur génie, de préférence à celle des autres arts, dès avant le siècle d’Auguste, il en fut de même depuis. Nous voyons l’architecture toujours en honneur sous l’empire, flatter l’ambition de ce qu’il y avoit de plus grand, et cette ambition, si l’on en croit l’histoire, portée chez l’empereur Adrien, jusqu’à l’excès d’une cruelle et détestable envie contre l’architecte Apollodore. Enfin, un dernier trait en faveur des succès de l’architecture à Rome, c’est qu’on la voit se soutenir et briller encore d’un certain éclat, après l’extinction des autres arts. Voyez ARCHITECTURE.

ROME. C’est pour être fidèle au plan de ce Dictionnaire, que, sous le titre de cet article, nous placerons la notice la plus abrégée des monumens de l’architecture antique que Rome moderne a conservés.

Voulant embrasser dans cet ouvrage l’universalité des notions historiques de l’architecture, nous n’avons rien imaginé de plus conforme au genre et à l’esprit d’un Lexique, où l’ordre alphabétique divise et morcèle toutes les matières, que de répartir les descriptions des monumens si nombreux de l’antiquité, en articles portant le nom de la ville où on les admire encore. C’est pour cela que le nom deRome, cette métropole de l’antiquité, devoit aussi trouver son article dans ce Dictionnaire.

Nous l’avons dit à l’article précédent, aucune ville, dans les temps anciens, ne put jamais approcher de la grandeur et de la magnificence de Rome. On juge toujours de la grandeur des Etats par celle de leur capitale, et réciproquement, l’étendue, la somptuosité de chaque capitale, se trouvent nécessairement en proportion de la population, de la richesse, de la puissance d’une nation. Or, quelle capitale, même des plus grands Etats, put approcher de celle qui eut pour provinces les plus grands royaumes, et pour royaume le monde alors connu ? Rome, phénomène unique dans l’histoire du monde, réunit toutes les sources de richesse, tous les moyens de puissance qui dévoient en faire le centre des plus vastes entreprises, des plus dispendieux monumens, et de tous les efforts qui peuvent donner de la durée aux ouvrages de l’homme.

Aussi, l’avons-nous déjà observé, le plus éclatant témoignage de la puissance de l’ancienne Rome se trouve encore dans ses restes. Par l’effet de ce principe, qui veut que toute réaction soit égale à l’action, autant de causes avoient contribué à l’élévation de Rome, autant, et plus peut-être, contribuèrent depuis à son anéantissement. Ajoutons que les moyens qui détruisent ont bien plus d’activité que ceux qui édifient. Un grand nombre des plus considérables villes de l’antiquité ont disparu, pour ainsi dire, de la surface de leur sol, ou l’antiquaire seul en retrouve des indica-


tions. Rome a conservé des monumens qui s’élèvent encore fièrement au-dessus de tous les monumens modernes. Enfin, de nouvelles causes de conservation sont venues procurer et promettre à ses débris une sorte de nouvelle vie. Rome, par sa position, étant devenue le chef-lieu du Christianisme, devoit être, en effet, le point de réunion de l’Europe et de la civilisation moderne. Elle devint aussi, dans les restes de ses monumens, le point de centre des arts, et surtout de l’architecture. C’est de ce soyer non encore éteint, et rallumé par le zèle des souverains Pontifes, que partirent les lumières qui firent renaître les connoissances de l’architecture grecque ; et telle est la solidité de ces restes d’édifices, tel en est le nombre, telle est la diversité de leurs genres, qu’ils ont continué et continueront d’être la grande école de l’art, de la science et du goût de bâtir, chez tous les peuples et dans tous les âges.

Ce n’est pas que certains monumens des beaux temps de la Grèce, échappés à la barbarie, n’aient, surtout dans l’ordre dorique, un caractère plus original, une plus grande pureté de goût, et un mérite supérieur de simplicité et d’harmonie. Il s’est aussi conservé un plus grand nombre de temples en Grèce ; mais, en général, ou doit dire que ces admirables monumens sont plutôt pour nous des modèles abstraits du beau en architecture, que des exemples usuels, et d’une application facile à des convenances différentes. Rome antique, au contraire renferme dans ses débris des restes de presque tous les monumens possibles. On y trouve l’emploi de toutes les sortes de matériaux, mis en œuvre de toutes les manières, pour tous les genres de constructions, dans toutes les formes qui peuvent satisfaire à tous les besoins. Rome mit à contribution toutes les nations qui lui étoient soumises, en sorte qu’elle est encore aujourd’hui, dans ses ruines, un répertoire et une collection des ouvrages, des talens et de l’industrie, des matières et des ornemens de tous les peuples qui, avant elle, avoient exercé les arts et pratiqué l’architecture.

Mais plus ce peu de mots donne à entendre quel est le nombre, quelle est la diversité des antiquités, que Rome étale encore, et présente à l’étude et aux recherches de l’architecte et de l’antiquaire, plus il est facile de comprendre, qu’une simple mention de tous ces monumens excéderoit les bornes de cet article. J’ajoute qu’il en est fort peu, de ceux surtout qui ont de l’importance, dont on ne trouve les notions ou les description, aux articles de ce Dictionnaire, qui, selon le sujet dont on y traite, donnent l’occasion, soit d’en décrire l’ensemble, soit d’en citer les détails, soit d’en proposer les exemples, ou d’en recommander l’imitation.

Nous nous contenterons donc ici de la seule énumération, non pas même de tous les restes d’antiquité que l’on compteroit difficilement à Rome, tant sont nombreuses les ruines éparses, les parties isolées de construction, dont il n’est plus possible de découvrir l’emploi ; non pas même de tous les monuinens d’un même genre, dont il reste des vestiges qui les font reconnoître pour ce qu’ils ont été, mais seulement des différens génies de monumens qui subsistent avec plus ou moins d’intégrité, nous contentant de citer les plus remarquables de chaque genre. Encore bornerons-nous cette notion à l’enceinte seule de Rome.

En tête des restes d’antiquités auxquels l’architecture des Modernes n’a cessé, depuis quatre siècles, de demander des leçons ou des exemples, nous placerons :

Les temples, et en première ligne, comme le plus entier et le plus magnifique, le Panthéon, bâti, sous le règne d’Auguste, par Agrippa, restauré depuis sous les règnes de Sévère, Marc-Aurèle et Antonin.

Viennent ensuite, comme étant encore à peu près intègres, les temples qu’on appelle de Bacchus, de Faune, de Vesta, de la Fortune virile.

Comme restes de frontispices ou de péristyles de temples construits en marbre, il faut citer ceux des temples appélés d’Antonin et Faustine, de la Concorde, de Jupiter-Stator, de Jupiter-Tonnant, de Mars-le-Vengeur.

Basiliques. — On croit en voir un reste dans ce qu’on nomme la Basilique d’Antonin. Mais plusieurs églises, telles que l’intérieur de Sainte-Marie-Majeure, de Sainte-Agnès hors des murs, de Saint-Clément, sont des traditions de basiliques antiques.

Amphithéâtres. — Des restes de constructions fort considérables de l’amphitheatrum castrense, le plan général, la masse qui soutenoit les gradins, et près d’une moitié de l’élévation extérieure de celui qu’on appelle le Colisée. Voyez Amphithéatre.

Théâtres. — Un beau fragment du théâtre de Marcellus. Voyez Théatre.

Cirques. — Le plan général, l’enceinte et de fort beaux restes de construction du Cirque appelé de Caracalla. Quelques vestiges du grand Cirque. Voyez Cirque.

Aqueducs. — Quoique ces grandes et nombreuses constructions que les écrivains ont mises au rang des merveilles de l’Univers, soient (comme la nature des choses le veut) hors de Rome, cependant elles en firent tellement partie, et lui tiennent si nécessairement, que nous avons dû leur donner ici une mention. Du reste, voyez l’article Aqueduc.

Egout (Cloaca maxima). — Cet ouvrage dont la grandeur, la solidité et l’étonnante durée font encore aujourd’hui la gloire des rois de Rome, existe dans toute son intégrité, et sert toujours au même emploi. Voyez Cloaques de Rome.

Ponts. — Le pont Ælius, appelé aujourd’hui Ponte San-Angelo, subsiste encore dans son entier. Il existe des restes du pont Senatorius, sous le nom de Ponte rotto, du pont Fabricius, sous le nom de Ponte quatro capi, et des vestiges peu reconnoissables de quelques autres.

Murs de ville. — L’enceinte actuelle des murailles de Rome passe pour être du temps de Bélisaire. Quoique restaurées à différentes époques, ces constructions ont conservé les témoignages nombreux, des différentes manières de bâtir les murailles et les fortifications.

Portes de ville. — Il ne subsiste plus de portes qui puissent passer pour avoir appartenu aux plus anciens temps de Rome. Parmi celles qui passent pour antiques et qui sont de peu d’importance, il faut distinguer, comme ouvrage remarquable d’architecture, la porte appelée aujourd’hui Porta maggiore, et qui s’appeloit autrefois Porta Nevia et Labicana. Cette porte, formée de deux arcades, étoit, dans son attique bien conservé, un réservoir où aboutissoit l’eau de plusieurs aqueducs. On pourroit aussi l’appeler un château d’eau.

Arcs de triomphe. — L’arc de Titus, jadis engagé dans des constructions qui le déparoient, vient d’être dégagé et restauré. L’arc de Septime-Sévère, entier dans toutes ses parties, mais autrefois enterré dans son soubassement, maintenant mis à découvert. L’arc de Constantin, formé jadis aux dépens de l’arc de Trajan, est conservé dans son entier. L’arc des orfévres, curieux par ses ornemens. D’autres arcs, tels que celui de L. Verus et de Marc-Aurèle, n’ont conservé que leurs beaux bas-reliefs qu’on voit au Capitole. Voyez Arc de triomphe.

Janus. — C’est le nom qu’on donnoit à des portiques percés de quatre côtés, offrant une arcade à chacune de leurs quatre faces. Il y en avoit dans les différentes rues de Rome. Il s’en est conservé un qu’on a appelé improprement, ou temple, ou arc.

Portiques. — Sous ce nom général et fort vague, on comprend d’autant plus de monumens, que la destruction ayant isolé beaucoup de colonnes et de fragmens d’édifices, des ensembles dont ils faisoient partie, ou leur donne volontiers un nom qui ne semble désigner ni forme, ni destination particulière. Tels sont ces restes qu’on appelle Portique de Septimius, Portique d’Octavie, etc.

Forum. — On appelle Forum de Nerva, un très-beau reste d’architecture, qu’on admire au Campo Vaccino. On voit depuis peu les vestiges du Forum de Trajan.

Colonnes triomphales. — Rome possède, en ce genre, les deux plus beaux restes d’antiquité. La colonne de Trajan, toute en marbre, conservée dans la plus grande intégrité, présente une des principales merveilles de la construction, de l’architecture et de la sculpture. La colonne Antonine, ou de Marc-Aurèle, également intègre, moins belle dans ses sculptures, construite aussi en marbre, et rivale du monument de Trajan, pour la hardiesse et l’élévation. La colonne rostrale, qui n’est qu’une imitation, mais exacte de l’antique, et qu’on voit au Capitole.

Colonne milliaire. — Sur la balustrade du perron du Capitole, s’élève encore l’ancienne colonne surmontée d’un globe doré, d’où l’on comptoit les milles sur toutes les voies romaines. Voyez Colonne.

Nous ne parlerons pas du nombre infini de colonnes antiques de toutes les sortes de matières, de formes, de proportions, sculptées, cannelées, lisses, etc., où l’architecture trouve des modèles de tout genre. Voyez Colonne.

Mausolées. — Au nombre des tombeaux qu’on appela ainsi, et dont les restes subsistent, nous nous bornerons à compter le mausolée d’Adrien, appelé aujourd’hui le château Saint-Ange, et le mausolée d’Auguste, dont la partie inférieure existe encore. L’intérieur de Rome n’a presque plus conservé de restes de tombeaux ; on en sait la raison. Ils étoient tous construits hors de la ville et sur les routes, et nous nous sommes interdit de parler des antiquités que l’on trouve dans ses environs. Voyez Mausolée.

Pyramide. — C’est dans l’intérieur des murs actuels, et attenant à ces murs, que s’élève encore, dans toute son intégrité, la pyramide de C. Cestius, que nous avons décrite ailleurs. Voy. Pyramide.

Obélisques. — Ces monumens de l’art égyptien, avoient été transportés autrefois par les empereurs romains, de l’Egypte à Rome, pour y devenir l’ornement des cirques, et de quelques autres monumens, puisqu’on sait qu’il en existoit deux à l’entrée du mausolée d’Auguste, et qu’un autre, dressé au Champ-de-Mars, servit de gnomon. Tous ces obélisques ont été replacés pour servir de décoration aux places de Rome moderne, et tous ont été rétablis et restaurés par les soins successifs des différens pontifes.

Thermes. — Ces immenses édifices, qui réunissoient à l’usage, plus particulier des bains, beaucoup d’autres destinations communes aux lycées, aux portiques, aux gymnases, ont conservé un des premiers rangs au milieu des ruines de l’antique Rome. — Quelques-uns subsistent encore dans quelques vastes salles, comme celle des thermes de Dioclétien, convertie en église, dans quelques rotondes consacrées au culte chrétien. — On admire encore à Rome la vaste enceinte des thermes de Caracalla. — De grandes salles souterraines, qu’on croit avoir fait partie des thermes de Tite. On montre encore des fragmens des thermes d’Agrippa, auxquels se lioit le temple du Panthéon.

Il est probable que beaucoup de grandes constructions, auxquelles on donne des noms fort arbitraires, sont des démembremens de thermes, et cette opinion n’est pas invraisemblable à l’égard de ce qu’on appelle le temple de la Paix.

Nous ne parlerons ici, ni des routes, ni des hypogées, ni des catacombes, ni de beaucoup d’autres ruines, mal désignées par une critique vulgaire, et auxquelles les recherches nouvelles assignent d’autres dénominations.

L’objet de cet article n’étant point d’instruire celui qui étudie les monumens, sous le rapport de l’antiquité, mais seulement d’en rappeler l’existence aux architectes, nous avons cru devoir, en les indiquant, conserver les dénominations sous lesquelles ils sont généralement connus.

ROND, adj. Synonyme de circulaire. On donne quelquefois ce nom à ce qu’on appelle tore. Voyez ce mot.

ROND-CREUX. Voyez Nacelle.

ROND-D’EAU. On appelle de ce nom un grand bassin d’eau de figure circulaire, comme on en voit dans les jardins.

ROND-POINT. C’est ainsi qu’on appelle quelquefois en architecture, cette partie demi-circulaire que l’on pratique à l’extrémité d’une église en forme de basilique, et qui ressemble à une grande niche : c’est ce que les Anciens appeloient apside, et qu’on nomme aujourd’hui cul-de-four.

ROSACE, s. f. C’est le nom qu’on donne, dans le langage de l’ornement en architecture, à de grandes roses qui occupent le milieu des caissons dont les compartiment décorent les voûtes ou les plafonds.

Les rosaces sont susceptibles de différentes configurations. Comme elles sont des imitations libres et conventionnelles de fleurs ou de plantes diverses, leur caractère et leur forme varient, selon le besoin qu’a l’architecte de faire produire à cet ornement plus ou moins d’effet, en raison de la distance d’où il doit être vu, ou de l’accord qu’il doit avoir avec les autres objets de décoration.

Ainsi, il y a des rosaces qui n’ont qu’un seul rang de feuilles, d’autres en ont deux, quelques-unes en ont trois. Ces feuilles se trouvent disposées de façon à aller par étages ; elles sont taillées avec plus ou moins de fermeté, selon l’effet qu’on veut leur donner. Quelquefois les feuilles sont supposées lisses et aiguës, quelquefois elles sont dentelées, quelquefois arrondies, et elles vont en se superposant les unes sur les autres. Le milieu de la rosace est toujours indiqué par une espèce de bouton ou de culot, qui est, comme dans la nature, le point de départ de toutes les feuilles.

ROSE, s. f. Comme on donne le nom de rosace, à cause de la grandeur de leur dimension, aux ornemens qui occupent le milieu des caissons (voyez l’article précédent), on donne le nom de rose, à raison de leur moindre dimension, aux ornemens du même genre, qu’on place et qu’on taille, par exemple, sous les plafonds des corniches, dans les intervalles qui séparent les modillons, comme encore dans le milieu de chaque face de l’abaque du chapiteau corinthien.

Rose de compartiment. On appelle ainsi, tout compartiment formé en rayons par des plates-bandes, guillochis, entrelas, étoiles, etc., et renfermé dans une figure circulaire. On voit de ces roses de compartiment dans les plafonds, dans les dessins des pavés de marbre circulaires ou ovales.

Le même nom se donne encore à ce qu’il faut appeler des espèces de petits bouquets ronds, triangulaires ou en losanges, qui remplissent des renfoncemens de soffite, de voûte, etc.

Rose de moderne. C’est le nom qu’on donne, dans les intérieurs des églises gothiques, à ces grands vitraux circulaires, formés de nervures en pierre, dont les intervalles sont remplis de panneaux de vitres, d’où résultent des compartimens de toutes sortes de couleurs, dont l’effet est d’un extrême agrément. Ces sortes de roses sont peut-être l’objet de la décoration gothique, à la fois la plus remarquable par le bon goût des compartimens, la diversité des couleurs et l’effet mystérieux qu’il répand dans les intérieurs. On les y voit ordinairement pratiquées aux deux branches de la croisée, et à l’extrémité de la nef, du côté de l’entrée.

Rose de pavé. C’est, dans un dessin circulaire, un compartiment formé de diverses rangées de pavés, soit de grès, soit de cailloux, soit de pierres noires ou de pierres à fusil, mêlées alternativement, dont on orne certaines cours, des grottes, des fontaines, etc.

Le même nom se donne au même genre de compartimens, faits aussi en pierres ou carreaux de marbre de différentes couleurs, dans les parties circulaires et intérieures des édifices.

Rose de serrurerie. Ornement rond, ovale, ou à pans, que l’on fait ou de tôle relevée par feuilles, ou de fer contourné par compartimens à jour. On l’emploie dans les dormans des portes cintrées, et dans les panneaux de serrurerie.

ROSEAUX, s. m. pl. On donne ce nom à de certains ornemens en forme de cannes ou de bâtons, dont on remplit par en bas et jusqu’au tiers, les cannelures des colonnes rudentées.

ROSETTE, s. f. (Terme de serrurerie.) Ornement de tôle ciselée, en manière de rose, au milieu de laquelle passe la tige d’un bouton de porte.

ROSSELLINO (Bernard), architecte florentin, qui vécut dans le quatorzième siècle.

Dans tous les genres, on a remarqué que les grands hommes et les grands ouvrages, qui ont fait la gloire de quelques siècles privilégiés, eurent toujours des précurseurs qui leur préparèrent les voies. Il est des momens marqués, où se rencontrent, par un concours particulier des hommes et des circonstances, toutes les conditions propres à la production des merveilles de l’art. C’est alors que naissent des personnages célèbres, qui effacent par leur éclat celui des ancêtres auxquels ils doivent toutefois l’existence de leur talent. Le travail fut pour les prédécesseurs, la gloire appartiendra aux successeurs. C’est ainsi que cette terre, que nous voyons parée de riches moissons, qui semblent la production subite de l’été, ne les doit pourtant qu’aux travaux de l’hiver, dont la pénible trace a disparu.

Cette réflexion est surtout applicable à Bernard Rossellino, dont très-peu d’architectes ont entendu parler, dont la vie fut occupée par beaucoup de travaux qui, pour la plupart, n’étoient pas de nature à procurer une longue renommée, et auquel le sort envia le bonheur d’exécuter et de rachever les plus grandes entreprises qu’ait conçues le génie de l’architecture moderne. C’est sous ce dernier rapport, que Bernard Rossellino mérite une mention des plus distinguées dans l’histoire de cet art.

Il y eut effectivement, dans le quinzième siècle, plusieurs hommes de génie, dont on peut dire que les occasions seules leur ont manqué. De ce nombre furent Léon Batista Alberti (voyez Alberti) et Bernard Rossellino. Tous deux associés, par la confiance du pape Nicolas V, aux grands travaux qui devoient illustrer son règne, ils devancèrent Bramante dans la conception de la basilique de Saint-Pierre : et qui sait s’ils ne l’eussent pas surpassé, à juger de semblables entreprises par l’ambition et le goût des souverains qui les commandent ? Rome, en effet, n’a point eu de pontife, sans excepter Jules II, aussi ardent amateur des arts et des monumens que Nicolas V. Il conçut par lui-même les plus vastes projets, et ses connoissances étoient au niveau de son goût ; car, ainsi que l’observe Vasari, si les artistes pouvoient diriger son goût, il n’étoit pas moins propre à les diriger dans leurs travaux. Et, continue-t-il, ce qui contribue puissamment au succès des grandes entreprises, c’est que celui qui les commande, connoisseur par lui-même, soit capable d’une décision prompte ; car s’il est irrésolu, et si, au milieu de divers projets, il reste flottant entre le oui et le non, il perd souvent sans fruit, et laisse passer le temps d’exécuter.

Léon Batista Alberti, dont Nicolas V fut apprécier le génie, ne paroît cependant avoir eu d’autre part, que celle du conseil dans les vastes inventions que ce Pape méditoit. Bernard Rossellino fut son architecte favori. Ce fut lui, en effet, qui donna les premiers plans de la basilique de Saint-Pierre. Déjà même la partie du chevet de l’église étoit hors de terre, lorsque Nicolas V mourut, et le seizième siècle hérita, non-seulement de l’entreprise, mais encore de l’honneur de l’avoir conçue.

Gianozzo Manetti, dans la Vie du pape Nicolas V, nous a transmis une description au projet de Rossellino. Quoique la description d’un édifice qui ne fut point exécuté, et dont il ne reste aucun vestige, ne soit guère propre à offrir une idée bien claire de sa composition, nous avons cru cependant qu’une notion aussi curieuse pour l’histoire de l’architecture, auroit plus d’une sorte d’intérêt. Quand on n’y verroit que le germe de l’église de Saint-Pierre, ce germe mériteroit d’être recueilli. Mais peut-être y verra-t-on encore quelques détails dont la tradition a pu influer sur la destinée du plus grand édifice qui soit au monde.

Rossellino, encouragé par le génie de Nicolas V, conçut son projet avec ses accessoires, dans des dimensions qui paroissent fort rapprochées de celles qu’offre l’ensemble du monument actuel. La basilique qu’il projeta, devoit s’étendre fort au-delà de l’ancienne. Son chevet, la seule partie qui fût commencée, s’élevoit à l’endroit occupé par le petit temple ou tombeau de Probus, lequel étoit situé en dehors et au bout de l’hémicycle de l’ancien Saint-Pierre, et qui fut démoli pour faire place à la nouvelle construction. Le plan général du temple étoit imité de celui des basiliques antiques : une vaste nef formée par des colonnes du quarante coudées, et accompagnées, de chaque côté, par deux nefs collatérales, se trouvoit coupée par une croisée de ceut quatre-vingts coudées de longueur. La largeur générale du temple, sans y comprendre la croisée, étoit de cent vingt coudées, et sa longueur, depuis le premier vestibule, étoit de cinq cents. L’hémicycle, ou ce qu’on appelle en Italie la tribune, avoit quarante coudées de large, et soixante-quinze de longueur. Elle étoit environnée de gradins en amphithéâtre, et éclairée par des fenêtres en œil-de-bœuf. L’autel étoit situé en avant de la croisée. Au centre de celle ci s’élevoit une coupole de cent coudées de haut. L’œil de la voûte servoit en même temps de fenêtre, par où la lumière se répandoit dans l’intérieur.

On n’arrivoit à l’église qu’après avoir traversé trois vestibules. Entre celui qui tenoit à l’église, et le second, étoit une cour environnée de portiques, et qui renfermoit les logemens des chanoines. Au milieu étoit une grande fontaine, couronnée par une pomme de pin (probablement celle du mausolée d’Adrien, aujourd’hui au belvédère du Vatican). Le premier vestible ou celui d’entrée, avoit cinq portes, et à ses extrémités s’élevoient deux tours ou campaniles, desquels partoit, de chaque côté, un grand mur qui environnoit le temple, jusqu’aux branches de la croisée. En avant de ce vestibule, élevé sur une grande esplanade à degrés, s’étendoit une vaste place de cinq cents pas de long sur cent de large, environnée de colonnes. A cette place venoient aboutir trois rues formant patte d’oie, et faisant partie du projet général qu’avoit conçu Nicolas V, de rebâtir à neuf tout le quartier de Borgo nuovo.

Bernard Rossellino fut encore l’auteur de cet immense et magnifique plan, dont celui qu’on vient de décrire n’eût été qu’une petite partie. Selon ce plan, tout le quartier qu’on vient de nommer, devoit devenir une ville nouvelle, qu’on auroit appelée la ville du Vatican. Trois grandes rues, avec des portiques couverts, auroient conduit à Saint-Pierre et au palais pontifical. Ce palais devoit être reconstruit à neuf, et renfermer tous les bureaux, offices, tribunaux administratifs, civils et ecclésiastiques. On y établiscoit des demeures pour tous les princes de la chrétienté, un théâtre pour le couronnement des Papes, un local pour le conclave, des bibliothèques, des jardins, des fontaines, des portiques de tout genre. Enfin, c’eût été moins, un palais, qu’une espèce d’abrégé du monde chrétien, au milieu duquel auroit habité le chef de la chrétienté. Il paroît que ces travaux eurent un commencement d’exécution, et une tour qu’on voit encore, s’appelle la tour de Nicolas V.

Ce Pape employa Bernard Rossellino à la réparation et à la reconstruction de ce qu’on appelle, à Rome, les quarante églises, ou les églises à station. Cet architecte restaura Santa-Maria in Transtevere, Saint-Praxède, Saint-Théodore, Saint-Pierre-aux-liens et beaucoup d’autres d’une moindre importance. Mais il se distingua surtout dans les travaux des six plus grandes églises ; telles que Saint-Jean de Latran, Sainte-Marie-Majeure, Saint-Etienne-du-Mont, les Saints-Apôtres. Quant à Saint-Pierre, on a vu de quelle manière il comptoit en renouveler la totalité.

Le zèle du Pape et la capacité de Rossellino s’étendirent à tous les objets d’amélioration, de salubrité et d’embellissement de la ville de Rome. Ses murs furent réparés, et fortifiés par des tours construites de distance en distance. Le château Saint-Ange fut mis en état de défense au dehors, et embelli dans son intérieur. Depuis l’empereur Adrien, Rome n’avoit pas vu de prince possédé de la passion de bâtir, comme le fut Nicolas V.

Il ne la renferma pas seulement dans Rome. Rossellino la servit encore dans beaucoup d’autres villes. Par ses ordres, nous dit Gianozzo Manetti, il refit la place de la ville de Fabriano, selon un dessin régulier, et l’environna de boutiques commodes et agréables. Il renouvela plutôt qu’il ne restaura l’église de Saint-François, qui tomboit en ruines. A Gualdo, il remit à neuf et augmenta de nouveaux bâtimens l’église de Saint-Benoit. A Assise, il refit les fondations et la couverture de l’église de Saint-François, et renforça sa construction qui menaçoit d’une ruine prochaine.

Civita-Vecchia fut embellie par lui d’édifices magnifiques, et Civita-Castellana lui dut la construction de ses murailles.

Narni, Orvietto et Spoleta furent fortifiées par ses soins, avec autant d’intelligence que de solidité.

Bernard Rossellino ne fut pas seulement à la tête des architectes de son siècle, il prit aussi rang parmi les premiers sculpteurs de cette époque. Son frère Antonio, livré plus particulièrement à la sculpture, paroît avoir été son maître dans cet art. Il mourut jeune, et Bernard succéda à son talent et à ses entreprises.

Les mausolées, dont nous avons fait connoître le goût et la composition, à l’article MAUSOLÉE (voyez ce mot), étoient alors une source assez féconde d’ouvrages pour la sculpture. Le genre d’idées et de sujets que l’usage avoit accrédité dans les églises, exigeoit assez volontiers, par les travaux d’ornement architectural répandus sur les soubassemens, et beaucoup d’autres accessoires, le concours du sculpteur et de l’architecte ; Bernard Rossellino réunissant les deux talens, se montra, pour son siècle, supérieur dans l’un et dans l’autre. Il porta la finesse du ciseau, la grâce des ornemens et le bon goût des détails de l’architecture, à un point qui a fait mettre un de ses ouvrages, sous le nom du sculpteur le plus célèbre alors en ce genre (Desiderio da Settignano), je parle du tombeau de la bienheureuse Villana, dans l’église de Santa-Maria-Novella. M. Cicoguara a réfuté l’erreur où étoient tombés tous les biographes, en découvrant le marché fait avec Bernard pour ce monument, avec le procureur du couvent de Santa-Maria-Novella, en 1451.

Mais le plus bel ouvrage de Bernard Rossellino est le mausolée du célèbre historien de Florence, Leonardo Bruni d’Arezzo, qu’on voit dans l’église de Sainte-Croix, en face de celui de Michel Ange, chef-d’œuvre de sagesse, de bon goût et de délicatesse d’exécution. Les anges qui, sur le soubassement, supportent et accompagnent la table de l’épitaphe, sont, dit M. Cicognara, d’une sculpture égale, pour l’élégance, à celle de Laurent Ghiberti. Les deux aigles semblent être l’ouvrage d’un ciseau antique. En voyant cet ensemble, que l’on prendroit aussi, quant à la masse, aux détails des profils, au bon goût des ornemens, pour une


émanation de l’antiquité, on peut affirmer que depuis cette époque, l’art n’a rien produit en ce genre de plus parfait.

ROSSI (de) Jean-Antoine, né en 1616, mort en 1695.

Antoine de Rossi naquit près de Bergame, dans une terre appelée Brembato. Il reçut quelques principes d’architecture d’un maître obscur. Sans avoir appris à dessiner, il devint bon architecte. Il le dut à l’examen et à l’étude des beaux monumens de Rome ; aussi fut-il obligé d’avoir souvent recours, pour rendre ses idées, à une main étrangère. Mais l’art de l’architecture consiste beaucoup moins dans l’exécution graphique, souvent fort étrangère au don de la pensée et de l’invention, que dans les combinaisons de l’esprit, auxquelles rien ne supplée.

Un des ouvrages d’Antoine de Rossi, qu’on se plaît davantage à vanter, est à Rome le palais Renuccini, construit dans le Cours. Certainement sa façade, qu’on voit dans la seconde partie du Recueil des palais de Rome, par Ferrerio, présente uue masse, dont la proportion, la disposition et le bel accord rappellent le genre et le caractère des plus beaux ouvrages du seizième siècle. Belle division des étages, justes rapports entre les pleins el les vides, heureuse répétition des fenêtres, bon emploi des chaînes de bossages, tout y est louable ; on n’y peut trouver à redire que les formes lourdes des frontons qui couronnent les chambranles des fenêtres, et quelques détails capricieux qui les déparent. Mais c’étoit la une de ces modes auxquelles se font reconnoître les édifices de ce siècle : du reste, on fait moins de cas de la partie en retour de ce palais, ainsi que de son entrée, qui est sombre, défaut qu’on croit dû à celui de l’emplacement.

Mais il faut citer, comme l’ouvrage le plus remarquable d’Antoine de Rossi, le grand palais Altieri, un des plus magnifiques de Rome, et qui joint la beauté de l’intérieur à celle de l’extérieur. La division de ses étages est des mieux entendue ; l’espacement des fenêtres ne l’est pas moins. Les frontons qui en couronnent les chambranles, sont purs et exempts de tout détail inutile ou bizarre. L’ensemble de toute cette masse est grandiose et du plus bel effet ; l’entablement, sans être des plus purs, a, par sa combinaison avec les consoles qui le supportent, et les petites fenêtres du Mezzanino, intercalées de distance en distance entre les consoles, l’avantage d’offrir à toute la masse un couronnement riche sans lourdeur, et varié sans confusion. On trouve un peu grêles les deux colonnes qui accompagnent la porte d’entrée.

La cour de ce palais forme un grand carré, environné de portiques ou d’arcades, dont les piédroits sont ornés de pilastres. L’architecture en est belle et gracieuse, et par cela même, répond moins bien qu’en ne le desirecoit, au caractère magnifique, en même temps que grave de l’extérieur. L’escalier est vaste et bien éclairé : on regrette que les pilastres qui en soutiennent la voûte, le rétrécissent par intervalles. Les balustres d’appui sont inclinés pour suivre la pente de la rampe : on trouve une apparence un peu mesquine, aux portes des appartemens sur les paliers.

Ce magnifique palais, comme la plupart des grandes entreprises, que toutes sortes de circonstances contrarient, a l’inconvénient de manquer d’unité dans les parties dont il est composé. Ainsi sa partie la plus étendue, a plus de hauteur que celle qui donne sur la place de l’église du Jésus, et sembleroit former un palais distinct de l’autre, sur la place de Venise. On y voit une grande porte qui conduit à un grand cortile rectangulaire, mis en communication avec l’autre cour dont on a parlé. On doit regretter, sans doute, qu’un si grand édifice, isolé de toute part, et qui compte parmi les plus magnifiques palais de Rome, manque de cette régularité qui auroit dû en faire un tout complet.

Antoine de Rossi éleva encore les palais Astalli et Muti, au pied du Capitole. Il construisit l’hôpital des femmes à Saint-Jean de Latran, l’église de Saint-Pantaléon, la chapelle du Mont-de-Piété, joli ouvrage, mais un peu incorrect, l’église de la Madeleine, qu’il laissa imparfaite. Après lui elle fut terminée par divers artistes qui ne lui épargnèrent ni défauts, ni ridicules, tant au dedans qu’au dehors.

Le grand nombre d’édifices construits par Antoine de Rossi, soit à Rome, soit dans les pays étrangers, lui procurèrent une fortune considérable pour le temps : on l’évalua à plus de 80 mille écus romains, ou 40, 000 livres de France. N’ayant point d’enfans, il disposa de sa fortune en bonnes œuvres. Il en fit trois parts ; une qu’il laissa à l’hôpital de la Consolation, l’autre à l’église appelée Sancta Sanctorum, et il consacra la troisième à doter de pauvres filles.

Antoine de Rossi fut très-désintéressé, et la générosité étoit en lui comme une qualité naturelle. Il en donna une preuve au peintre Baccicio, qui desiroit ardemment d’acquérir de lui une maison qu’il n’avoit aucun besoin de vendre ; de Rossi y consentit, mais il ne voulut jamais accepter rien au delà du prix qu’il en avoit autrefois donné quelqu’offres avantageuses que Baccicio l’eût pressé d’accepter.

Antoine de Rossi avoit le parler résolu, l’air un peu altier et dédaigneux. Quant à l’architecture, on doit dire que sa manière fut grande et large. Nul n’eut plus d’habileté pour trouver les moyens d’éclairer les intérieurs. Son goût d’orner fut assez sage. Il possédoit particulièrement l’art de s’accommoder aux emplacemens, d’en tirer un parti avantageux, et de donner de la grandeur, même aux plus petits espaces.


Rossi (de) Mathias, né en 1637, mort en 1695.

Cet architecte ne fut point fils d’Antoine de Rossi dont on vient de parler, mais bien d’un certain Marc-Antoine de Rossi, architecte médiocre, auquel il dut une bonne éducation.

Après s’être livré à l’étude des belles-lettres et de la géométrie, il entra dans l’école de Bernin, qui l’affectionna plus que tous ses autres élèves, qui le conduisit avec lui en France, et l’employa toujours de préférence dans ses plus grands ouvrages.

Mathias de Rossi eut à diriger la construction d’un palais que Clément IX fit bâtir à Lamporechio, et celle d’une église à Monterano. Par ordre du Pape, il publia un rapport étendu sur l’état de la coupole de Saint-Pierre, dans lequel il prouva d’abord, que toutes les craintes qu’on avoit de sa ruine étoient chimériques, et ensuite que Bernin n’avoit fait que suivre le projet des fondateurs de la coupole, en pratiquant une niche et un balcon dans les énormes piliers qui la supportent.

Bernin mort, de Rossi succéda à la plupart de ses emplois, et le remplaça comme architecte de Saint-Pierre.

Le tombeau de Clément X, dans le temple du Vatican, la façade de Santa-Galla, la grande porte à bossages, et qui donne sur les derrières du palais Altieri, ainsi que les écuries, le bâtiment de la Douane àRipa grande, furent l’ouvrage de Mathias de Rossi.

Il fit pour l’oratoire du Père Caravita un projet, dont la trop grande dépense empêcha l’exécution. Il eut une très-grande part dans la construction du palais de Monte-Citorio : de lui sont le grand escalier, le portique et le dernier étage. Le pape Innocent XII, juste appréciateur des talen, faisoit un grand cas de son mérite, et l’honora de la croix de l’Ordre du Christ.

Mathias de Rossi avoit été appelé en France pour prendre part aux travaux de Bernin. Il mérita les bonnes grâces de Louis XIV, et exécuta, entr’autres choses, un modèle du palais du Louvre. La guerre ayant suspendu les projets, il quitta la France, comblé d’honneurs et de présens.

De retour en Italie, il construisit pour le prince Pamphile, à Valmontone, une charmante église en rotonde, de forme elliptique, et surmontée d’une couple de bon goût. On admire l’architecture de ce monument, et en particulier son campanile.

Innocent XII chargea notre architecte d’aller examiner les marais appelés Chiane, et de lui faire un rapport exact sur les dommages que les eaux avoient pu occasionner dans le voisinage. De retour de cette mission, il fut attaqué à Rome d’une violente rétention d’urine, dont il mourut à l’âge de cinquante-huit ans.

Mathias de Rossi fut universellement regretté, et autant pour ses qualités personnelles que pour son talent. Il avoit d’agréables manières, des mœurs distinguées et de la gaieté dans le caractère. Quant à son art, on doit dire qu’il y avoit de profondes connoissances ; il dessinoit bien, composoit avec facilité, et son style, pour l’âge où il vécut, ne manque pas d’une certaine correction.

ROSSIGNOL, sub. m. Coin de bois qu’on met dans les mortaises qui sont trop longues, lorsqu’on veut serrer quelque pièce de bois, comme jambes de bois ou autres.

Rostrale (colonne). Voyez Colonne.

ROSTRES, s. m. pl. On doit se représenter les rostres à Rome comme une espèce d’estrade, ou formée en manière de tribune par la figure même d’une proue de vaisseau, ou posée sur un soubassement orné de ces becs de navires, que les Romains appeloient rostra.

Nous avons déjà vu à l’article Mausolée (voyez ce mot), la grande composition du bûcher d’Ephaestion s’élever sur un soubassement orné de proues de vaisseaux. Ainsi les Romains avoient orné leur Forum, c’est-à-dire leur grande place, des becs des navires enlevés sur les Carthaginois, dans le premier combat naval qu’ils soutinrent contre eux. Il est permis de croire que cette sorte de trophée temporaire fut converti par la suite en matière plus durable, et que les proues de vaisseau purent devenir un ornement courant dans l’architecture, comme nous les voyons employées dans la colonne rostrale.

Cet ornement, qui n’étoit qu’une partie de la décoration de la place, lui donna à la fin son nom, et encore à une autre place ; car il y avoit deux rostres à Rome, vetera et nova.

Les rostra nova furent aussi appelés Julia, soit parce qu’ils étoient situés auprès du temple d’Auguste, soit comme ayant été l’ouvrage de Jules-César, soit enfin qu’Auguste eu eût ordonné la restauration.

ROTIE, s. f. On donne ce nom, dans le bâtiment, à un exhaussement qu’on pratique sur un mur de clôture mitoyen, et de la demi-épaisseur de ce mur, c’est-à-dire d’environ neuf pouces, avec de petits contre-forts d’espace en espace, qui portent sur le reste du mur. Cet exhaussement a pour objet, soit de se couvrir de la vue d’un voisin, soit d’offrir un supplément d’espace pour palisser les branches d’un espalier.

Suivant la coutume des bâtimens, ce supplément ne doit pas excéder dix pieds sous le chaperon (y compris la hauteur du mur), à moins de payer les charges.

ROTONDE, s. f. Nom général qu’on donne à un édifice circulaire, mais particulièrement à celui qui l’est à l’intérieur comme à l’extérieur, et qui se termine en coupole ou couverture également circulaire ou sphérique.

Nous avons déjà fait observer qu’on ne trouve dans tous les monumens de l’Egypte aucune trace de rotonde ou de bâtiment circulaire. Ce n’est pas qu’il eût été plus difficile aux Egyptiens qu’aux autres peuples de tracer un plan circulaire, et de façonner les matériaux au gré de la légère portion de courbure qu’eût exigée l’élévation pour répondre à la forme du plan. La véritable raison qui nous paroît expliquer cette absence de rotonde chez eux, c’est le manque des moyens de couverture.

Il faut, en effet, toujours poser dans les inventions comme dans les travaux de l’architecture, la préexistence de quelque pratique fondée sur les causes naturelles. Les arcs et les voûtes n’ont rien d’assez difficile à imaginer, pour qu’on puisse supposer qu’une nation ait long-temps construit en pierres, sans avoir eu l’idée de les tailler en claveaux ; mais cette idée exigera, pour se produire, que l’usage ait amené et rendu nécessaires de grandes ouvertures, et le besoin de les couvrir. En Egypte, les premiers erremens de la construction en pierre avoient suffi au besoin d’unir les colonnes et d’en couvrir les galeries par de grandes dales d’un seul morceau. Cela une fois pratiqué, le fut toujours. Les temples, à ce qu’il paroît, n’eurent jamais besoin de ces salles intérieures qui veulent d’immenses couvertures, et la pénurie de bois en Egypte dut concourir, avec les pratiques déjà consacrées, à repousser l’idée d’employer la charpente dans les édifices.

C’est pourtant, beaucoup plus qu’on ne pense, l’emploi du bois et la facilité de couvrir les intérieurs en charpente, qui dûrent faire naître et propager la pratique des arcades et celle des voûles et des coupoles bâties en matériaux solides. La charpente donnant des moyens simples et économiques, de réunir sous une vaste toiture les plus grands espaces, les salles les plus étendues, et cet usage une fois devenu un besoin, le progrès naturel des idées dut porter à remplacer les ouvrages de la charpente, par des constructions plus solides et plus durables. On banda en pierre les cintres des arcades : de proche en proche, on en vint à voûter des intérieurs de portiques et des espaces plus larges, et enfin on éleva en matériaux solides les couvertures des rotondes.

L’usage du bois étant entré comme élément dans tous les essais de l’architecture en Grèce, devoit conduire à ces résultats, et on pourroit l’affirmer, quand l’histoire des monumens ne le prouveroit pas.

D’abord, que les Grecs aient construit ce que nous appelons des rotondes, c’est ce qu’on ne peut révoquer en doute, ensuite qu’ils aient employé la charpente à couvrir en forme cintrée de semblables intérieurs, c’est encore plus certainement prouvé. Nous avons vu au mot Odéon, que ce monument avoit sa couverture faite avec les antennes des vaisseaux des Perses, et que sa forme pyramidale rappeloit l’idée de la tente de Xerxès.

Mais les Grecs appeloient précisément ce que nous appelons rotonde, de deux mots qui ont la même signification : oikèma peripherès. C’est sous ce titre une Pausanias, lib. V, ch. 20, nous décrit l’édifice nommé Philippeum. C’étoit un monument élevé en l’honneur de Philippe, roi de Macédoine. Il étoit voûté en bois, et au sommet se trouvoit un pivot en bronze (probablement fait en forme de fleuron), qui servoit de lien aux poutres dont se composoit la couverture.

Les Grecs appeloient encore tholos ce que nous nommons rotonde. Pausanias, liv. II, chap. 27, parle d’un monument qu’un voyoit à Epidaure. C’étoit une rotonde, oikèma periphéres, construite en marbre blanc : on l’appelle, dit-il, tholos ; c’est un ouvrage digne d’admiration. Il donne également le nom de tholos à un édifice d’Athènes (liv. I, chap. 5), où les prytanes avoient coutume de sacrifier. Mais un édifice plus ancien, étoit à Orchomènes, le Trésor des Minyas, merveille, dit Pausanias, non moins étonnante que celles qu’on peut voir dans la Grèce et ailleurs. Il étoit en rotonde (peripherès), construit de marbre ; il se terminoit par un comble qui n’étoit pas trop aigu. Cette couverture (que nous appellerions une coupole) étoit en pierres, auxquelles une clef de même matière servoit de résistance.

Ainsi, l’on voit qui dès la plus haute antiquité, il y eut en Grèce des coupoles, non-seulement en bois, mais construites en voûtes de pierre ; et nous avons dû placer ici des notions qui tendront à modifier, sur ce point, ou à étendre celles que l’on trouve au mot Coupole. Voyez cet article.

Nous avons, à cet article, embrassé trop au long les notions et les descriptions des coupoles chez les Romains, et jusqu’aux siècles du moyen âge, pour que nous nous permettions de les reproduire ici sous le mot de rotonde, qui, d’après l’usage, est devenu synonyme de coupole. Nous nous contenterons donc de dire que sous le nom de rotonde, on désigne, même vulgairement à Rome, le grand monument connu par tout le monde sous le nom de Panthéon ; que Rome compte encore beaucoup d’autres rotondes antiques, telles que celle que l’on appelle de Minerva medica, quoique son plan soit polygone ; celle d’un temple antique, actuellement Saint-Côme et Saint-Damien ; celle d’un temple de Bacchus, aujourd’hui Sainte-Constance ; telles que plusieurs salles des thermes de Caracalla et de Dioclétien, et qui existent encore ragréées et restaurées, l’une sous le nom d’église de Saint-Bernard, l’autre comme formant le vestibule de l’église des Chartreux. Dans la baie de Pouzzol, on admire aussi deux grandes constructions antiques, voûtées en forme de rotonde, qu’on dit être, l’une un ancien temple de Diane, l’autre un temple de Vénus. Voyez Coupole.

Le mot de rotonde, quoique synonyme, ainsi qu’on l’a dit, du mot coupole, ne nous paroît cependant point applicable, d’après l’usage, à ces grandes constructions modernes, que l’on appelle le plus souvent dômes ou coupoles sur pendantifs. Sans doute si, décomposant l’ensemble des églises qui en sont ornées, on veut examiner et juger ces dômes en eux-mêmes, et abstraction faite de l’ensemble dont ils font partie, ils seront des rotondes ; mais il semble qu’on nomme plus volontiers de ce nom, ces coupoles isolées qui portent de fond, et forment à elles toutes seules le monument. Rome moderne compte beaucoup de ces édifices, construits surtout dans le dix-septième siècle. On citera dans le nombre, l’église de Saint-André, à Montecavallo, ou le noviciat des Jésuites, architecture de Bernin (voyez Bernin), et les deux églises de la place de la place del Popolo, construites par Charles Rainaldi. Voyez son article.

Il est peu de grandes villes qui n’ait quelques églises en rotonde. La chapelle de l’Escurial, qui est la sépulture des rois d’Espagne, est appelée le Panthéon, parce qu’à l’imitation de celui de Rome, elle est bâtie en rotonde.

La grande chapelle des Médicis, et qui est aussi leur sépulture, à Florence, est une vaste et magnifique rotonde, dont nous avons parlé à l’article Nigetti.

La chapelle des Valois étoit jadis une rotonde, dont on doit regretter la destruction, Paris a aussi quelques rotondes : telle est (rue Saint-Antoine) l’église de la Visitation de Sainte-Marie, bâtie par François Mansart, et dont on a fait une mention expresse à l’article de cet architecte. Telle est, dans une beaucoup plus grande proportion, l’église de l’Assomption, dite aujourd’hui de la Madelaine.

Nous devons dire qu’on peut encore appeler, et qu’on appelle effectivement rotonde, certaines constructions sur un plan circulaire, qui se composent d’un seul rang de colonnes. Plusieurs temples antiques, entr’autres celui qu’on nomme de Sérapis, à Pouzzol, consistoient en une colonnade de ce genre, et on les appeloit monoptères, c’est-à-dire, n’ayant que des colonnes sans mur. Dans les jardins de Versailles, on voit une semblable rotonde, formée de colonnes de marbre.

ROUET, s. m. Assemblage circulaire, à queue d’aronde, de quatre ou plusieurs plates-formes de bois de chêne, sur lequel on pose en retraite la première assise de pierres ou de moellons à sec, pour fonder, soit un puits, soit un bassin de fontaine.

On donne encore le nom de rouet, par exemple :

A l’enrayure de charpente, ronde ou à pans, d’une flèche de clocher, ou d’une lanterne de dôme ;

A une roue garnie de dents, placée sur l’arbre d’un moulin à vent ou à eau, laquelle engrène aveu les fuseaux de la lanterne ;
A une petite roue de bois dur, ou de métal, cannelée sur son épaisseur, au centre de laquelle est un axe, et qui, étant placée dans une chappe, forme une poulie ;

En serrurerie, à un morceau de tôle arrondie en élévation, pour servir de gardes. Il y en a un très-grand nombre qu’on distingue par des noms différens.

ROUGE-BRUN. Rouge auquel on mêle du noir. Voyez Couleurs.

ROULEAU, s. m. plur. Espèce de cylindre, le plus gentiment en bois, qui sert à mouvoir les plus pesans fardeaux, pour les conduire d’un lieu à un autre.

Il y a de ces rouleaux qu’on nomme sans fin, ou tours terriers, parce qu’on les fait tourner au moyen de leviers. Ils sont assemblés sous une poulie, avec des entretoises ou des moises.

ROULEAUX, s. m. plur. Les ouvriers appellent ainsi vulgairement, au lieu du mot enroulement, les parties qui terminent en rond les modillons ou les consoles, et encore les parties contournées des panneaux et ornemens qui se répètent, en serrurerie.

On donne encore le nom de rouleaux aux enroulemens des parterres. Voyez Enroulement.

ROULONS, s. m. plur. On appelle ainsi les petits barreaux ou échelons d’un râtelier d’écurie, quand ils sont faits au tour, en manière de balustres ralongés, comme cela se pratique dans les belles écuries.

On nomme de même roulons les petits balustres des bancs d’église.

ROUTE, s. f. Est un synonyme de chemin, de voie. Ce mot a peut-être, en français, une plus grande extension d’idée, dans l’expression des distances à parcourir. Ainsi, on dira plutôt la route, que le chemin de Paris à Marseille.

Le mot route n’est guère d’usage dans le jardinage. On fait des allées dans un jardin, mais on pratique des routes dans un grand parc. L’idée de route semble devoir comporter celle d’une voie pratiquée, pour pouvoir y aller et y rouler en voiture. Cela même, en donnant clairement la définition du mot, en indiqueroit peut-être aussi l’étymologie, qui seroit le mot rota, roue. Les Anciens personnifioient les voies publiques sous la figure d’une femme appuyée sur une roue. La roue étoit le symbole de la route.

ROUTIER, re, adj. On appelle carte routière, non ouvrage qui contient la collection des cartes de toutes les routes de la France, avec toutes leurs mesures et distances d’un lieu à un autre, et avec tous les renseignemens dont les voyageurs et l’administration peuvent avoir besoin.

RUBAN. s. m. C’est, sur les profils de l’architecture, un ornement composé et exécuté par la sculpture, à l’imitation d’un ruban qui s’enrouleroit sans fin sur une baguette. Cet ornement se taille avec plus ou moins de relief, ou plus ou moins d’évidure.

RUDENTURE, s. m. C’est le nom qu’on donne à une sorte de bâton, ou simple, ou taillé en manière de corde ou du roseau, dont on remplit fort souvent jusqu’au tiers, a partir d’en bas, les cannelures d’une colonne. On appelle alors ces cannelures rudentées.

Nous avons déjà, au mot , fait assez connoître l’origine des rudentures, en montrant la raison qui les fit inventer, et le genre d’utilité qui en fut la raison. Nous ne dirons rien de plus ici sur cet objet. Voyez Cannelures.

A cet article nous avons rendu compte de quelques motifs qui ont pu engager l’architecte du péristyle de Sainte-Geneviève à laisser, ou à pratiquer des rudentures, dans toute la hauteur des cannelures de ses colonnes corinthiennes. Mais nous devons faire observer ici que cette pratique a pour soi peu d’exemples et peu de bonnes raisons.

L’objet principal de la rudenture, à consulter son origine et son utilité, étant d’affecter plus de solidité dans les parties inférieures de la colonne, et aussi de fortifier les arêtes de la cannelure, et de les garantir des accidens qui menacent les colonnes posées à terre ou à rez-de-chaussée, la raison semble vouloir que la rudenture ne se pratique, ni dans le parties supérieures de la colonne, ne dans les colonnes qui sont, ou élevées sur des piédestaux, ou placées hors des atteintes des passans.

Le besoin de la rudenture n’existant plus dans ces deux cas, ceux qui ne laissent pas de les employer, font seulement voir qu’ils emploient des choses dont ils ne comprennent ni l’origine ni la raison.

Nous nous bornerons encore à remarquer que quelquefois on emploie la rudenture de relief sur certains objets, c’est-à-dire, sans qu’elle remplisse le creux d’une cannelure. Ce n’est alors qu’un simple ornement sans motif ; ce qui est arrivé fréquemment dans l’architecture, de la part d’hommes habitués à ne reconnoître, pour l’esprit, aucune raison aux ornemens, de quelque genre qu’ils soient, et à les employer pour le simple amusement des yeux. Du reste, ces rudentures en relief n’ont guère été appliquées qu’à certains pilastres en gaîne, objets eux-mêmes de caprice et de mauvais goût.

RUDÉRATION, s. f. Vitruve appelle de ce nom, une maçonnerie assez grossière, qu’on nomme aujourd’hui hourdage. On l’employoit jadis particuliérement aux aires des planchers et de pavemens. Voyez le mot Aire.

Rudération, en latin ruderatio, Vient du mot rudus.

RUDUS est le mot latin employé par Vitruve, pour exprimer les sortes de matériaux, platras ou pierrailles, avec quoi se faisoit le second massif des aires antiques.

RUE, s. f. Nom qu’on donne, dans les villes, à l’espace de terrain, qui reste libre pour la voie publique, entre les maisons on les bâtimens qui les bordent des deux côtés.

Une ville est un composé de bâtimens, de rues, et de places publiques. Au mot Place, nous avons déjà eu l’occasion de faire observer, que la beauté des places et des rues est ce qui contribue le plus à celle des villes, mais que malheureusement, chez les Modernes, surtout, il s’est donné peu d’occasions de les établir sur des plans réguliers, fixés d’avance, et propres à leur procurer des percés réguliers et des rues symétriques. Nous voyons, dans l’antiquité, beaucoup de villes se former par des fondations nouvelles de colonies, qui s’établissant par choix, ou par force, sur des terrains libres, procédoient à leur distribution, avec ordre et intelligence. On commençoit par tracer le plan de l’enceinte et des murs qui dévoient la borner ; on determinoit ses expositions, on fixoit le nombre et la position de ses portes. De sa pouvoient résulter de ces directions générales, qui, mises en rapport avec les principaux monumens, commandés par le besoin et par l’usage, étoient de nature à faciliter des communications heureuses entre les rues, et à leur procurer la régularité qu’on cherche souvent en vain à y introduire après coup.

Peu de villes modernes ont eu de semblables commencemens. On peut dire que presque toutes, grandes, moyennes ou petites, sont nées d’un certain ordre de causes qu’on ne peut pas toujours appeler fortuites, parce que, presque partout, la nature a destiné certaines positions à recevoir des rassemblemens de maisons. Mais ce qu’on peut affirmer, c’est que le hasard seul a presidé aux premières directions des masses de bâtimens ou de maisons, et aux espaces laissés entr’elles, pour y former la voie publique. C’est surtout quand on étudie, dans la topographie d’une grande ville, l’histoire de ses agrandissemens successifs, qu’un aperçoit bien clairement ces effets du hasard. Dès qu’une position heureuse a commencé à former un agrégat de maisons et de rues déjà plantées ou alignées sans ordre, mais auquel on peut donner le nom de ville, on voit se bâtir et s’établir à l’entour, de toutes parts, des habitations isolées ou des groupes de maisons qui deviendront un jour des appendices, de la ville, et puis ses faubourgs. En effet, de ces villages à la ville, se forment peu à peu, par des, bâtisses intermédiaires, des espèces de liaisons qui finissent par être des rues, et enfin des rues centrales, à mesure que la ville augmente sa circonférence. Dès-lors, comme ou voit, le hasard seul des localités, a dirigé avec plus ou moins de rectitude ou de circuit, les lignes qui donnent aux rues leur configuration.

Ce n’est que bien long-temps après, et lors-qu’un véritable redressement, un élargissement général ne peut plus avoir lieu, qu’on procède par degrés à ces améliorations Mais il arrive aussi que l’accroissement de population et de richesse, sollicitant de nouveaux agrandissemens, de nouveaux quartiers se construisent sur des plans arrêtés d’avance, et alors les rues qui s’y pratiquent, soumises aux condition imposées aux constructeurs, deviennent les plus belles de la ville.

On fait consister ordinairement la beauté des rues dans leur largeur et dans leur alignement. Sous ce rapport, il n’y a point de villes qui aient de plus belles rues que Turin et Londres. La première, parce qu’elle est de nouvelle construction ; la seconde, parce qu’après le grand incendie de 1689, elle fut toute rebâtie sur des alignemens donnés. On voit, dans cette ville, des rues de plusieurs milles de long, telle que la rue d’Oxford, et d’une largeur proportionnée. Berlin et Saint-Pétersbourg sont des villes récentes, et qui, par celle raison, n’ont point en à réparer les fautes du hasard, et les irrégularités d’une formation successive à travers les siècles : aussi admire-t-on la grandeur et l’alignement de leurs rues.

L’antique Rome étoit fort loin de jouir de cet avantage. Ses rues, percées par des causes spontanées, étoient généralement tortueuses. Probablement l’incendie de Néron aura donné lieu d’en redresser et d’en régulariser plus d’un quartier. La Rome moderne est, sans doute, redevable a l’ancienne de quelques grandes et belles ouvertures de rues, dont on aura suivi les directions dans les nouvelles constructions. On doit citer les trois grandes rues formant ce qu’on appelle patte d’oie, et qui aboutissent à la porte del Popolo, les quatre grandes rues qui se traversent en croix aux quatro fontane, la rue Giulia, la rue de la Longara, etc.

Une ville très-remarquable, et peut-être la plus remarquable de toutes celles qu’on connoît, est la capitale de la Sicile, Palerme, dont le plan général consiste de même en quatre rues, faisant une croix, à quatre croisillons égaux, et qui, coupant ainsi la ville dans son centre, vont aboutir à quatre grandes portes bâties en arcs de triomphe. De belles places, des monumens, des fontaines, se rencontrent le long de ces vastes rues, et en diversifient l’aspect. Ajoutons que généralement ces rues présentent, dans leur alignement, toutes belles masses de constructions et de palais.

Si, en effet, la beauté des rues tient, selon l’opinion commune, à l’uniformité et à la régularité topographique, ce n’est là, si l’on peut dire, qu’une beauté géométrique. Dans une très-grande ville, surtout (et Londres en donne la preuve), lorsqu’une multitude de rues, bien symétriquement dressées et alignées, ne vous offre partout que ce mérite uniforme, l’effet en est bientôt usé, et la monotonie vous fait bientôt regretter la variété des plans moins réguliers, si de belles masses d’édifices, si les créations de l’architecture, avec les aspects toujours variés de ses ordonnances, de ses contrastes, ne viennent récréer la vue et intéresser l’esprit.

Ainsi, la ville de Gênes, bâtie par la nécessité locale, en amphithéâtre sur un terrain fort élevé, superbe à voir de dehors, mais resserrée au-dedans, de façon à ne pouvoir offrir, dans sa pente, que desrues étroites, a trouvé le moyen d’aplanir, au bas de ses collines, un assez grand espace, où deux nouvelles et larges rues ont été pratiquées, la rue Neuve et la rue Balbi. Ces deux rues mériteroient à peine d’être citées pour leur étendue, comparées à toutes celles dont presque toutes les grandes villes offrent des exemples. Cependant telle est la magnificence, telle est la richesse, la variété des masses d’édifices qui bordent ces deux rues, telle est la hauteur de leurs palais, telles sont les diversités d’aspects qu’on y découvre, que par leurs effets à la fois grandioses et pittoresques, on se croit transporté devant ces décorations de théâtre, où le pinceau s’exerce librement, à produire sans dépense les plus dispendieuses merveilles. On oubliera promptement l’effet de la simple grandeur linéaire des plus vastes rues des autres villes. Les deux rues de Gênes restent gravées dans la mémoire, comme modele idéal de la plus grande beauté d’une ville.

C’est qu’effectivement il n’appartient qu’à l’architecture de produire la véritable beauté des rues ; je parle de cette beauté, qui ne repousse pas l’uniformité, mais qui souvent n’en a pas besoin ; je parle de cette beauté que procurent les lignes harmonieuses et cadencées des édifices, qui se succèdent sous des niveaux différens ; je parle de celle qui résulte des compositions variées, des ordonnances plus ou moins riches, des portiques multipliés, de l’emploi des colonnes, des vestibules de palais, des formes pyramidales, des travaux divers de la construction, et de l’effet même de la mise en œuvre des matériaux.

Mais ce, sont là de ces beautés qui ne sauroient se commander dans l’embellissement des villes. Il y faut l’accord des mœurs, du goût, des circonstances politiques, et surtout des causes physiques qui, en refusant à certains pays l’usage habituel des matériaux nécessaires à l’architecture, forcent de se rabattre sur les soins de propreté. d’uniformité, de régularité, qu’une bonne police peut inspirer, et même ordonner aux particuliers, qui sont, en définitive, les seuls constructeurs des villes.

Cela étant, il n’y a rien à prescrire sur les moyens d’obtenir, dans les rues des villes, cette beauté dont on a parlé. On doit se contenter de la décrire ou de la faire remarquer ; mais toute théorie est vaine lorsque la nature ne vient point à son aide. Lorsque les causes morales ou physiques se refusent à favoriser l’art et le goût, il faut se borner à recommander dans les redressemens d’anciennes rues ou dans l’établissement des nouvelles, ce qui peut encore contribuer au bon ordre, à la commodité et à l’agrément des habitans.

Entre les choses qui procurent ces avantages, il faut compter le pavement et le nivellement des rues Là où leur largeur ne permet pas l’usage des trottoirs pour les gens de pied, le pavé doit être encore plus soigné ; il doit être dressé, battu et consolidé selon le genre de matière fourni par la nature des lieux (voyez Pavé), de façon à ce qu’il ne se forme ni affaissement ni trouée, et que les eaux y suivent les directions qu’on leur donne, pour se rendre aux égouts. Les rues les plus remarquables par leur pavement sont celles des villes de la Toscane, pavées par de grands blocs d’une pierre siliceuse, unis à joints incertains, et qui forment le marcher le plus égal qu’on puisse desirer. On doit citer après, la ville de Naples, dont les rues sont plutôt carrelées que pavées par des dates de pierre volcanique : on en pique la superficie, pour que le pied des chevaux y ait plus de prise.

Il paroît, d’après la nature du pavé des voies romaines, et d’après des restes de cet ancien pavement dans la Rome moderne, que les rues de l’ancienne étoient pavées comme ses chemins, c’est-à-dire, ainsi qu’à Florence, en gros blocs polygones à joints incertains. On a renoncé aujourd’hui à cette pratique, qui ne laisse pas d’être longue et difficultueuse, et qui a encore l’inconvénient d’offrir aux chevaux une aire glissante, et Rome moderne est aujourd’hui pavée de petits cubes de la même pierre.

Paris a, dans les grandes carrières de grès dont elle dispose, la facilité de tailler en pavés, de gros morceaux cubiques réunis avec le sable, et qui forment un marcher très-solide et assez égal.

Londres n’a pour paver ses rues, que de gros cailloux ronds qui donnent une aire inégale, dure et raboteuse. Mais dans celle ville, le milieu des rues n’est que pour les chevaux et les voitures ; de larges et commodes trottoirs, établis le long des maisons, procurent aux gens de pied la circulation la plus sûre et le marcher le plus uni.

Les trottoirs, là où la largeur des rues permet d’en établir, sont, sans aucun doute, dans une ville populeuse, ce qui contribue le plus au bon ordre et à la commodité. Voyez Trottoirs.

Nous ne recommanderons pas ici une autre disposition beaucoup plus commode encore pour les gens de pied, celle des portiques continus le long des rues. La ville de Bologne et celle de Turin, en Italie, jouissent de cet agrément, et Paris a encore d’anciens souvenirs de cette disposition, surtout à la Place Royale. Un nouvel exemple vient d’en être donné dans les rues de Rivoli et de Castiglione. Cependant, ce qui convient à des villes spacieuses et tranquilles, ne sauroit s’adopter, avec un peu d’uniformité, dans celles qui sont déjà trop étroites pour leur population. Les portiques sont un terrain perdu pour les intérieurs des maisons. D’ailleurs, peut-on prescrire à tant de convenances diverses, une méthode uniforme de bâtir ?

Ce que la police peut prescrire pour le bon ordre, c’est une largeur suffisante dans les rues nouvelles, qui se construisent ou qui se redressent ; c’est une hauteur dans les maisons, qui soit proportionnée à la largeur des rues, et à la solidité des matériaux et des constructions ; c’est qu’aucun empêchement ne gêne la circulation, et que la propreté y soit exactement entretenue par le concours des soins de chaque maison, par des hommes payés pour l’enlèvement des immondices, ou pour le balaiement des terrains vagues, des places publiques, etc.

Mais tout ce qui entre dans les détails de l’administration publique, à cet égard, ne sauroit être l’objet de cet article. Voyez Voie, Voierie.

On prétend que le mot rue vient du bas latin rua, qui y signifie la même chose. D’autres le font venir de rudus, qui exprime le massif formé de petites pierres et de mortier qui, chez les Romains, formoit l’aire sur laquelle on établis-soit les pavemens et les pavés de la voie publique.

RUES DE CARRIÈRE. De quelque genre que soient les carrières, soit qu’on les exploite à ciel découvert, dans les montagnes et le long de leurs côtes, soit qu’elles soient souterraines, il faut y pratiquer des chemins, des issues, une circulation pour l’extraction, le transport ou le charroi des matériaux. Les carrières deviennent ainsi à la longue des espèces de villes, du moins en prennent elles l’apparence par les rues qu’on y perce.

Les carrières de Pouzzolane, à Rome, converties pendant quelque temps en asyles souterrains appelés catacombes, où le christianisme naissant déroboit à la persécution ses sectateurs, étoient dans la réalité une ville souterraine. On les parcourt aujourd’hui et l’on y circule dans de véritables rues, qui ont leurs noms, et dont on a donné les plans et la topographie.

On en peut dire autant des carrières dont est excavé tout le sol qui environne Paris. Naples en a de semblables. Les latonies de Syracuse sont un ensemble de rues percées dans la carrière, d’où l’on enleva les pierres pour les constructions de cette grande ville.

RUELLE, s. f. Petite rue ou les charrois ne peuvent point passer, et qui sert pour dégager les grandes.

Ruelle. On appelle encore ainsi, dans les chambres à coucher, et surtout dans celles qui ont des alcôves, l’espace qui, soit d’un côté, soit des deux côtés, se trouve libre entre le lit et le mur.

RUILÉE, s. f. Enduit de plâtre ou mortier, que les couvreurs mettent sur les tuiles ou L’ardoise, pour les raccorder avec les murs ou les jouées de lucarne.

RUINE, RUINES, s. f. Ce mot, au singulier et dans son sens ordinaire, exprime l’état de dépérissement et de destruction dans lequel se trouve, ou dont est menacé un bâtiment. On dit qu’un édifice menace ruine. On prévoit la ruine prochaine d’une maison. Ce n’est pas qu’on use aussi de ce mot au singulier, pour exprimer l’état de destruction consommée. Mais dans ce cas, il est plus ordinaire de l’employer au pluriel, et la raison en est, que cet état de destruction présentant la dissolution de toutes les parties, de tous les matériaux d’un édifice, offre mieux au pluriel l’image de la réalité.

Ainsi on dira que tel accident a opéré la ruine d’un édifice, et on dira qu’on voit en tel lieu les ruines de cet édifice.

S’il s’agit surtout des restes nombreux de monumens, si l’on parle de ces grands débris de villes anciennes, dont le temps n’a pu encore effacer les vestiges, on dira les ruines de Palmyre, de Spalatro, etc.

De même, s’il s’agit d’un vaste édifice ruiné, dont il reste ou des fragmens considérables, ou des matériaux épars. Ainsi dit-on, interroger les ruines du Colisée à Rome, visiter les ruines du Parthenon à Athènes.

Le mot ruine ou ruines, comme on le voit, s’applique donc presque toujours à d’anciens monumens. Quoiqu’il se donne ou puisse se donner à des ruines modernes, et cela, par plus d’une cause, cependant il est certain que ces ruines n’ont et ne peuvent avoir pour les arts, et en général pour l’esprit, le même degré de mérite et d’intérêt. Mille idées, mille souvenirs, mille sentimens s’attachent aux ruines des monumens antiques, que ne sauroient produire celles d’une fraîche date. C’est pourquoi les ruines, à mesure qu’elles vieillissent, semblent acquérir plus de droit à nos respects, et par conséquent à leur conservation.

Les ruines des monumens antiques sont devenues un objet d’études, de recherches et d’imitation de la part des artistes, sous deux points de vue : l’un de ces points regarde l’architecture, l’autre la peinture.

L’architecture grecque a survécu à elle-même et à ses auteurs, beaucoup moins par les traditions, qui furent long-temps interrompues, que par les ruines de ses monumens, où l’on retrouva, lors de la renaissance des arts, les exemples qui firent revivre et les règles du goût et les notions primitives de l’art, et les procédés de la construction. L’architecture grecque ne s’est donc introduite chez, presque tous les peuples modernes, que par l’effet des documens positifs qui s’étoient conservés dans les ruines de l’antiquité. C’est de ces ruines que sont nés tous ces traités élémentaires, dans lesquels chacun des plus célèbres architectes modernes, s’est efforcé de renouer le fil des traditions oubliées, de retrouver et les régles et l’esprit des proportions. C’est à l’aide de ces ruines, que se sont établis les parallèles des fragmens divers des ordres, de leurs chapiteaux, de leurs entablemens, de leurs bases el de tous leurs profils. C’est au moyen de ces parallèles que le goût est pavenu à fixer ce juste milieu entre toutes les variétés, qui devient pour l’artiste, non une mesure inflexible à laquelle il soit tenu de se soumettre en tout et toujours, mais une garantie contre les écarts d’une invention désordonnée.

Au reste, il faut dire que la critique de l’art antique étudié dans ses ruines, fut d’abord très-incomplète, tant qu’elle n’eut pour matière ou pour objet, que les seuls vestiges jusqu’alors découverts des ouvrages de Rome, et les restes de ses monumens. Le hasard seul avoit décidé de leur perte ou de leur conservation, et il étoit à croire que ceux des derniers âges, avoient eu quelques raisons de plus pour échapper à une entière destruction. Cependant l’art antique, et en particulier celui de l’architecture, devoient compter huit ou dix siècles de durée, et s’étoient propagés dans toute l’étendue des parties de l’ancien Monde alors connu.

Enfin de plus vastes champs de ruines à explorer et à comparer, s’ouvrirent aux recherches de l’histoire et de lu théorie des arts ; bientôt le flambeau de la chronologie devoit éclairer des objets jusqu’alors confondus sous une dénomination commune à tous, et l’on devoit eu venir à classer méthodiquement par siècles, par nations et par écoles, les travaux innombrables qui, de toutes parts, ressortirent de leurs ruines.

Il arriva, en effet, que tous les pays de l’ancien Monde furent visités et parcourus par les voyageurs. L’Italie méridionale vit rendre à la lumière les ruines de l’ancienne architecture grecque. La Sicile, dans plusieurs de ses temples, donna au Style suivi par les Grecs, dans l’ordre dorique, des dates certaines. La Grèce vit reproduire plusieurs de ses plus beaux monumens ; la position de presque toutes ses villes fut constatée par les ruines qui en subsistent encore. L’Asie mineure, traversée dans tous les sens, a fait reconnoître des vestiges de ses plus célèbres cités, et les monumens les plus nombreux de l’ordre ionique.

L’Egypte encore debout, si l’on peut dire, dans ses ruines éternelles, a livré à la critique historique les moyens de faire remonter à trois mille ans, la connoissance de son goût immuable et de ses œuvres uniformes. Le zèle des voyageurs a conquis encore au-delà de l’Egypte, des pays reculés, soumis aussi, plus tard, ou à son empire ou à celui de ses arts ; et on a poussé en dernier lieu la reconnoissance de ses ruines jusqu’à Méroé, c’est-à-dire à plusieurs centaines de lieues au-dessus des Cataractes.

Dans le nord de l’Italie et de l’Europe, la recherche des ruines antiques n’a été ni moins active ni moins féconde. La langue et l’écriture de l’ancienne Etrurie devenues lisibles, nous ont montré ce pays plus ou moins affilié aux arts primitifs de la Grèce, propageant leurs semences et leur culture dans Rome naissante. Il n’est aucune ville de l’Italie qui ne se soit occupée de retrouver dans ses antiques ruines ses titres généalogiques. La France a exploité dans les provinces méridionales, un sol encore plein des restes de la magnificence romaine ; et un zèle commun aux autres nations de l’Europe s’est plu à faire sortir de l’oubli, les témoignages encore visibles de l’ancienne domination de Rome, et de celle de ses arts.

Chaque jour voit accroître, dans des collections nouvelles, le trésor des ruines antiques, et bientôt au milieu de cette immensité de matériaux, peut-être ne manquera-t-il (et je parle ici de la seule architecture) qu’un homme capable d’en embrasser l’ensemble et d’en faire sortir, dans un ordre à la fois chronologique, historique, théorique et didactique, l’ouvrage qui puisse devenir le traité universel de cet art.

Nous avons dit que les ruines de l’architecture antique avoient aussi un rapport particulier avec la peinture.

Très-anciennement les restes des édifices antiques ont exercé le pinceau. Nous avons vu, à la vie de Raphaël (voyez Raphael), que pour répondre aux desirs de Léon X, ce grand artiste, non-seulement s’étoit occupé du soin de les restituer par le dessin, mais que très-probablement aussi il les avoir peints, c’est-à-dire qu’il auroit fait ce qu’on appelle des tableaux, de ruines.

A mesure que l’art du paysage, en se développent, devint un genre séparé, il fut difficile, qu’à Rome surtout, cette ville dont les aspects doivent à ses célèbres ruines un caractère que nul autre pays ne peut avoir, les ruines ne vinssent pas prêter aux inventions du paysagiste un intérêt tout particulier. Aussi ne sauroit-on dire combien de paysages se sont enrichis de la représentation plus ou moins libre de quelques ruines antiques.

Mais il est arrivé en ce genre, ce qu’on a vu arriver à chacune des parties nombreuses qu’embrasse l’art du paysage, primitivement confondu lui-même sous la dénomination générale de la peinture d’histoire, qui, dans le fait, renferme tout. Cependant, chaque partie de cet art contient aussi la possibilité d’une perfection de détail, d’une recherche de pratique et d’exécution, de soins et de fini, qui parvinrent à l’isoler ; et le paysage eut des peintres qui ne furent que paysagistes.

Bientôt le paysage semblant embrasser la nature entière, de nouvelles divisions s’y introduisirent, et exercèrent isolément le talent spécial de quelques artistes. Ainsi la peinture des eaux et de la marine, la peinture des animaux, la peinture des fleurs, la peinture des édifices et des ruines devinrent des genres séparés.

Quant au genre des ruines, il faut reconnoître effectivement, qu’outre le talent d’imitation qu’il exige de l’artiste, considéré comme peintre, il veut encore des connoissances précises, qui sont du domaine de l’architecture. Il faut qu’en représentant les débris d’un édifice, il puisse se rendre compte de son plan lorsqu’il éloit intègre, des proportions de ses ordonnances, de l’effet de ses masses, du genre de ses profils, des détails de ses ornemens. Quelques peintres ont réussi, en ce genre, à produire des images si fidèles des monumens, que ces images peuvent être consultées avec fruit par les architectes eux-mêmes : de ce nombre fut le célèbre Pannini, qui certainement eût été un bon architecte.

Il y a, du reste, un art de composer les tableaux de ruines quant à ce qu’on appelle le pittoresque, d’imiter avec justesse les effets de la lumière sur les matériaux, d’en reproduire les teintes, les dégradations, etc. Mais cet art est uniquement du ressort de la peinture.

Nous ne quitterons pas l’article Ruines, sans dire encore un mot sur l’emploi qu’on en fait dans le jardinage irrégulier.

Comme la prétention de ce genre de jardinage (ainsi que nous l’avons montré à l’article Jardinage (voyez ce mot) est de simuler lu réalité de la chose même qu’il croit imite, et est aussi de se croire rival de l’imitation, qui est celle du peintre de paysage, ceux qui composent de ces sortes de jardins, imaginent quelquefois de placer comme point de vue, des simulacres de ruines antiques, qui consisteront sur quelque tertre élevé, en colonnes brisées, en pierres épases, en pans de murs dégradés, ou tout autre fragment de construction.

Le goût pour ces sortes d’imitations, quoique assez frivole, et l’on peut le dire, innocent en lui-même, n’a pas laissé de contribuer à en répandre un autre plus dangereux ; je parle de celui qui, au lieu de faire regarder les ruines des monumens comme des accidens, par rapport à l’état social, et aussi des hasards, pour la peinture, tend à les faire considérer comme des objets indispensables à l’imitation. En conséquence, il se trouve de ces amateurs qui, non-seulement s’opposeroient à ce qu’on rétablît les édifices qui peuvent être restaurés, mais qui provoqueroient même ou accéléreroient leur destruction, pour y trouver des modèles de ruines.

C’est surtout à Rome que s’élèvent ces sortes de prétentions. Toutefois si l’on doit conserver avec soin des édifices ruinés, précieux par les fragmens de leur architecture, ou par les souvenirs qui s’y attachent, il ne suit pas de-là qu’on doive, ou les laisser s’écrouler de plus en plus, ou ne pas remettre, autant qu’il est possible, dans leur intégrité ceux qu’on peut relever, soit en y replaçant leurs propres matériaux, soit en y en substituant de semblables, soit en les désobstruant des décombres qui en dégradent l’aspect, soit en déblayant les terres sous lesquelles leurs soubassemens sont cachés, ou les broussailles qui les dégradent.

Dussent quelques genres d’imitation y perdre du pittoresque, il est bien plus important, et pour l’histoire, et pour les arts en général, de prolonger l’existence des monumens d’architecture, d’arrêter leur dégradation, et de les compléter quand il en est encore temps, en rétablissant ce qui leur manque sur le modèle des parties qui subsistent : et c’est ce que nous apprenons qu’on vient de faire à Rome, pour l’arc de Titus, monument qu’une multitude de raisons devoient rendre précieux à conserver. Voyez Restaurer.

RUINÉ, adj. Se dit, dans la charpenterie, en y Joignant le terme tamponné, des solives d’un plancher, des poteaux d’un pan de bois, ou d’une cloison, dans les côtés desquelles le fait des trous et des entailles, en forme de rainures, pour y ficher des tampons ou chevilles de bois, qui retiennent la maçonnerie, dont on remplit les entrevoux.

RUINER, v. act. Est synonyme de Détruire. On ruine les partis d’un édifice qu’on veut abattre. Le temps (dit-on) ruine les édifices et les ouvrages de l’homme, sans se servir d’instrument ou d’outils.

RUINEUX, adj. Qui menace ruine. On dit non édifice ruineux, une construction ruineuse.

RUINURE, s. f. Est l’entaille que font les charpentiers avec le ciseau ou la coignée, dans le côté des solives ou poteaux, pour retenir la maçonnerie des entrevoux.

RUISSEAU, s. m. Est, dans le pavement des rues, l’endroit où deux revers de pavé se joignent, et qui, selon la pente de la rue, sert à l’écoulement des eaux. Les ruisseaux des pointes sont fourchus.

On appelle ruisseau en biseau celui qui n’a ni canniveaux, ni contre-jumelles, pour faire liaison avec les revers, comme on le pratique dans les ruelles où il ne passe point de charrois.

RUISSEAU est, dans le jardinage, ou un petit canal qu’on pratique pour l’arrosage, ou quelquefois un conduit d’eau qui provient d’une source, et qui fait agrément d’un jardin.

RUSTIQUE, adj. Cette épithète, qu’on donne, dans l’architecture, à plus d’un ouvrage, peut se prendre et s’entendre de deux manières.

Rustique peut signifier, comme terme de mépris, un ouvrage dénué de goût, d’agrément et de grâce, et qui est, par comparaison aux productions où brillent ces qualités, ce que sont les manières, les habitudes et l’extérieur grossier des habitans de la campagne, mis en parallèle avec les dehors polis des habitans des villes. Ainsi appelle-t-on rusticité le manque de politesse, une certaine rudesse dans le parler et les manières d’agir. Sous ce rapport, le mot rustique peut s’appliquer, en architecture, à quelques ouvrages mal faits, grossièrement terminés, ou dont les formes n’ont reçu ni élégance, ni propreté.

Cependant le mot rustique, conformément encore à la définition qu’on en a donnée, se dit, sans aucune intention de critique, de certains ouvrages, de certaines parties des édifices, de certaines manières de travailler les matériaux, qui, loin d’être des défauts, sont, ou des convenances, ou des agrément dans la construction.

Effectivement, ce qu’on appelle rustique, dans l’emploi des matériaux, signifie réellement une manière brute de les meure en œuvre, soit qu’on les laisse dans leur état naturel, sans les façonner par l’art, soit que l’art lui-même s’étudie à leur imprimer l’apparence de n’avoir point été travaillés, et à leur donner une rusticité simulée ou factice.

C’est ainsi, comme ou l’a vu à l’article Bossage (voyez ce mot), que l’architecture se plait, jusque dans les plus beaux édifices, à feindre, surtout quelques-unes de leurs parties, le les que des soubassements, des chaînes de pierre ou des assises courantes, et à les figurer comme composées de pierres laissées brutes et dans leur état naturel. Par naturel, j'entends, à l’égard de quelques-unes, l’état raboteux dans lequel la nature les produit, et à l’égard de celles dont les lits offrent des paremens lisses, une imitation qui les rend raboteux. Voyez Rustiquer.

Nous ne répéterons point ici ce que nous avons développé avec beaucoup d’étendue au mot Bossage, sur les exemples nombreux que l’antique nous a laissés du genre rustique, employé, soit en grandes parties, soit en détail dans les édifices, ni des heureuses imitations qu’en ont faites les Modernes. Il ne nous reste qu’a indiquer ici les différentes manières de rustique qu’on peut mettre en œuvre, selon les différentes natures de matériaux, et les diverses sortes d’édifices ou de parties d’édifices, auxquelles le genre rustique peut être convenablement ou agréablement appliqué.

Le bossage, avons-nous dit, se place a la tête de tous les genres de rustique ; mais lui-même peut comporter plus d’un degré. On en voit dont les pierres n’ont de rustique que leur saillie dans les superficies des paremens, et qui sont dressées avec soin, polies et arrondies sans aucune aspérité. On en voit qui sont taillées de façon à exprimer toutes les scabrosités d’une pierre brute. Il y en a qui sont piquées, à dessein de produire à peu près le même effet. Il y en a où l’un s’est plu à travailler les bossages d’une manière qu’on appelle vermiculée, sorte de procédé, par lequel on imite les corrosions, que le temps produit naturellement dans de certaines qualités de pierre. On en voit de cette sorte à la galerie du Louvre, du côté de la rivière.

Il y a un genre de rustique qu’on peut employer dans certaines parties, surtout dans les soubassemens des bâtimens, et qui consiste à mettre en œuvre, ou à feindre ce genre d’appareil qu’on appelle incertum, soit en petit, soit en grand, c’est-à-dire, de pierres plus ou moins grandes, taillées à joints irréguliers, qui ne forment point de lits, et qui s’assemblent comme au hasard. Ainsi voit-on beaucoup de murailles antiques ; ainsi étoient formées les voies romaines ; ainsi étoit établie la maçonnerie en petits moellons, que Vitruve oppose au reticulatum.

Il y a un genre de rustique, qui a lieu au moyen de certaines incrustations de matières diverses, soit par la couleur, soit par la forme, et qu’on réunit par les enduits de mortier, dont on couvre des murs, des piédroits, des arcades, des colonnes ou des pilastres. On emploie à ces incrustations, soit des cailloux, soit des éclats de marbre de teintes variées, soit des coquillages naturels, soit des morceaux de stalactites et de pétrifications, soit des scories de volcan, etc.

On fait encore, en maçonnerie, une sorte de rustique, et on en produit l’apparence, par la seule manière d’employer le mortier brut, ou le plâtre jeté au balai, en observant de mêler, dans ces enduits raboteux, des couleurs qui en détachent les parties du reste des ravalemens.

Généralement, l’objet principal du genre rustique, dans tous les édifices où on l’emploie, est d’y produire des diversités, qui rompent l’uniformité d’une matière unique, ou d’une seule couleur. On peut regarder les variétés dont on vient de parler, comme des espèces de teintes et de nuances qui contribuent, tantôt pur l’apparence d’une solidité excessive, à donner un caractère plus grave ou plus imposant à la masse totale d’un monument, tantôt, par l’effet que produit naturellement la variété, à donner ou plus de légèreté, ou plus de gaieté à ses aspects ; tantôt enfin, par un emploi bien raisonné, à indiquer aux yeux les destinations différentes des édifices ou de leurs parties.

Quelques architectes ont su faire du genre rustique l’emploi le plus heureux et le mieux entendu, comme quelques autres en ont fait un emploi immodéré, et en ont, par cet excès, rendu l’application insignifiante. Au nombre de ces derniers, il faut mettre les grands architectes florentins des quinzième et seizième siècles (voy. Bossage). Mais, à la tête des premiers, on doit citer Palladio, qu’on ne sauroit trop consulter et imiter, pour le goût sage, intelligent et gracieux avec lequel il a su mêler, combiner et répartir adroitement, dans les façades de ses palais, toutes les sortes de rustiques, avec des inventions toujours nouvelles, toujours diverses, et jamais capricieuses. Voyez Palladio.

Quoique le genre rustique, à bossage, ou de toute autre manière, puisse, ainsi que les plus nombreux exemples en font foi, s’appliquer dans une mesure quelconque à tous les édifices ou à leurs parties, le goût enseigne toutefois qu’il y en a auxquels il convient mieux qu’à d’autres, et qu’il en est auxquels il convient exclusivement. Tels sont, pour en citer quelques-uns, ceux qui, de leur nature, repoussent toute idée de noblesse, de richesse, d’élégance, d’agrément, et qui veulent emprunter à l’apparence d’une solidité énergique, la caractère de force, de sérieux, de sévère, qui appartient à leur destination. De ce nombre seront des prisons, des casernes, des hospices, des portes de villes de guerre, des greniers, des halles, des marchés, etc.

Il est d’autres monumens, dont le genre rustique fera, au contraire, l’agrément, parce qu’employé avec goût et intelligence, il s’assortit merveilleusement à leur emploi et au caractère pittoresque qu’ils comportent. Il nous suffira de nommer ici les châteaux d’eaux, les réservoirs, les fontaines, les grottes, etc. , tous édifices qu’un genre de construction simple, et de matériaux dressés et bien polis, ne distingueroit pas suffisamment des autres. Dans les jardins surtout, et là où l’effet de l’architecture doit s’unir à l’effet des eaux tombantes ou jaillissantes, on aime que quelque chose d’irrégulier, et qui semble moins sentir la main de l’art, s’accorde avec ce que la nature fait elle-même, dans les lieux qu’elle a destinés à servir de réceptacle ou de théâtre aux eaux.

C’est là que des pierres rustiquement taillées, des colonnes qui semblent avoir été enveloppées par des stalactites naturels, des ordonnances entremêlées de rocaille, des imitations de plantes aquatiques, et tous les accessoires du genre rustique, trouveront leur emploi, et pourront produire des compositions ingénieuses.

RUSTIQUER, v. act. Ce verbe exprime l’action par laquelle on donne aux matériaux l’apparence rustique dont on a parlé dans l’article précédent.

On se sert aussi de ce terme, dans les ouvrages de la sculpture. Ainsi, on rustique beaucoup d’accessoires des statues ou des bas-reliefs, et on le fait, pour les détacher des parties où le marbre reçoit un plus ou moins grand poli. C’est une sorte de couleur qui produit, dans la même matière, de légères oppositions, et fait mieux ressortir l’effet des chairs ou des draperies. Ainsi, lorsqu’on veut qu’une partie d’étoffe serve de contraste à une autre, on lui donne, au moyen d’une gradine plus ou moins dentelée, une apparence de rudesse. On rustique plus fortement les rochers, les terrains, les troncs d’arbres. Pour ces différens effets on se sert, ou de la pointe, ou d’un outil dentelé.

Dans le bâtiment, c’est ordinairement avec la pointe qu’on pique la pierre qu’on veut rustiquer. Il y a aussi des marteaux dentelés qui effectuent sur la matière un travail plus ou moins sensible.