Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3/S

La bibliothèque libre.


SAB


SABLE, s. m. Sorte de gravier fort mince, qui consiste en un nombre infini de petits cailloux de différentes formes et de diverses couleurs, comme blanches, jaunes, rouges et noires. On en distingue de plusieurs qualités.

Le sable de mer ou de rivière. Il est regardé comme le meilleur pour faire du bon mortier, et pour sabler les allées des jardins.

Le sable de terrain ou de sablonnière, ou de cave, ou fossile. C’est celui qu’on trouve dans certains cantons, au milieu dus champs. On s’en sert pour faire du mortier, pour sabler les allées des jardins, pour poser le pavé des rues. Le meilleur de cette sorte est celui qui est sans mélange de terre, et qui ne salit point les mains lorsqu’un le manie.

Le sable gras est celui qu’un trouve dans les prairies, dans les marais et dans les lieux voisins des rivières. Il est quelquefois noir.

Le sable vasard. On donne ce nom au sable qui est mêlé de vase, et qu’on trouve à la sonde dans différens terrains, à une grande profondeur.

Le sable bouillant. On appelle ainsi un sable fin, à travers lequel l’eau bouillonne. On trouve ordinairement des terrains de cette consistance dans la Flandre. Un pareil terrain n’est pas moins sûr pour fonder, en bloquant les fondemens à bain de mortier et avec célérité.

Nous apprenons de Vitruve, et nous voyons par les restes des constructions antiques, que les Anciens employèrent, comme nous, le sable à faire du mortier, en le mêlant à la chaux éteinte. Sur une partie de chaux on prenoit trois parties de sable de terrain ou de sablonnière, ou bien deux parties de sable de rivière ou de mer. Pour donner au mortier plus de consistance, on mêloit le sable de rivière d’un tiers de tuileaux, on tuiles pilées et passées au crible.

Les Anciens regardoient le sable de terrain comme meilleur que le sable de mer ou de rivière, parce que le sable de rivière sèche difficilement, et que celui de mer contient beaucoup de parties salines, qui pénètrent le mur et font écailler l’enduit ou la crépissure.

Les Anciens employoient trois sortes de sable de terrain, du noir, du blanc et du rouge ; ce dernier étoit préféré. On avoit de plus un sable volcanique que Vitruve appelle carbunculus, et que les Romains tiroient de l’Etrurie ; mais ils avoient soin de choisir parmi les sables de terrain, celui qui n’étoit mêlé d’aucune partie terreuse.

Les ouvriers appellent sable mâle celui qui, dans un même lit, est d’une couleur plus foncée que l’autre, qu’on nomme sable femelle.

Le gros sable s’appelle gravier, et on en tire un sable fin et délié, en le passant à la claie ser-


rée. On s’en sert pour sabler les aires battues des allées dans les jardin.

SABLER, v. act. C’est étendre du sable sur l’aire d’Une allee de jardin, D’une grotte, Ou de tout autre endroit.

SABLIÈRE, sub. f. On donne ce nom au lieu d’où on tire le sable ; mais on dit plus volontiers sablonnière.

Sablière, s f. (Terme de charpenterie.) C’est une pièce de bois couchée horizontalement a chaque étage d’un pan de bois, dans laquelle sont assemblés les poteaux, et qui porte les solives de chaque plancher.

C’est aussi une pièce de bois soutenue par des corbeaux de pierre ou de bois le long d’un mur, servant à porter l’about des solives d’un plancher.

C’est encore une pièce de bois, ou une espèce de membrure appliquée aux deux côtés en longueur d’une poutre, et soutenue par des étriers de fer, servant à recevoir dans des entailles l’about des solives, pour ne point altérer la force de la poutre par des entailles, comme on avoit le défaut de le pratiquer autrefois.

On donne aussi quelquefois le nom de sablières aux plates-formes qui reçoivent le pied des chevrons d’un comble. Voyez Plate-forme.

SABLON, s. m. Sable extrêmement fin, ordinairement blanc, et qu’on emploie à différens usages, et, par exemple, dans les sortes d’horloges qu’on nomme sabliers.

Sablonnière, sub. fém. Ce est le nom Qu’on Donne le plus gentiment aux Espèces d’fouilles D’où l’sur le pneu le sable.

SABOT, s. m. Masse de fer D’une forme conique, Ayant Au pourtour de Sa Trois de base sur Quatre bandes de fer d’environ Deux pieds de long sur Dont arme la pointe d’pilote non avant de l’enfoncer en terre, versez Qu’il Parce ainsi FACILEMENT Les Terrains durs Qui PEUVENT SE Rencontrer un fils passage.

SAC, s. m. On se sert de sacs remplis de terre ou d’autres matières à plus d’un usage, surtout dans les travaux des siéges et des fortifications.

Nous citerons ici l’emploi que fit de sacs remplis de sable l’architecte Chersiphron, pour la construction des plates-bandes du temple d’Ephèse. « Une chose (dit Pline, qui raconte ce fait) tient du prodige : c’est qu’il ait pu élever à une telle hauteur, des masses aussi volumineuses que les pierres des plates-bandes de l’architrave. Voici le moyen dont il usa : avec des sacs remplis de sable, il pratiqua nue montée douce, dont le sommet surmontoit les chapiteaux des colonnes. Sur ces sacs vinrent se reposer les plates-bandes ; puis, vidant peu à peu les sacs inférieurs, tout l’assemblage s’assit en sa place. . . Le precédé réu sit d’abord moins bien pour la pierre de l’entre-colonnement du milieu. . . ; mais elle se rectifia et se remit d’aplomb par sa propre pesanteur. »

SACCHETTI (Jean-Baptiste), élève d’Ivara, et son successeur dans la reconstruction du palais du roi, à Madrid.

L’ancien palais commencé par Charles-Quint, continué par ses successeurs, sous la direction de Louis et Gaspard de Vega, de Jean-Baptiste de Tolède, de Jean de Herrera, de François et de Jean de Mora, fut réduit en cendres l’an 1734. Ivara avot présenté, pour le rebâtir, un nouveau plan, et même un grand modèle en relief, qui s’est conservé. Ce devoit être un vaste quadrangle de 1700 pieds de long sur chacune de ses quatre faces. La grande coup devoit avoir 700 pieds de long sur 400 de largeur. Sa hauteur auroit été de cent pieds. On y auroit compté 2000 colonnes. Un grand ordre corinthien devoit régner dans toute l’élévation ; mais il auroit fallu faire choix d’un autre emplacement. Le roi voulut qu’on relevât le nouveau palais sur le terrain de l’ancien, et Sacchetti fut chargé de l’entreprise, après la mort d’Ivara.

Il nous manque, pour apprécier ce grand ouvrage, de pouvoir le faire d’après des plans et des dessins fidèles ; nous nous contenterons de la notice succincte que nous trouvons sur ce palais dans laDescrizzione odeporica della Spagna, par Dom Antonio Conca.

Sacchetti nommé architecte du roi, chercha à se rapprocher, autant qu’il fut possible, dans un emplacement plus resserré, du goût de son maître, et à se conformer en même temps aux intentions du roi quant à l’étendue, et à l’obligation de n’employer de bois dans la construction, que pour les portes et les fenêtres ; tout le reste de l’édifice devant être mis, par le choix des matières et les procédés de la construction, à l’abri de toute possibilité d’incendie.

Antonio Conca met, avec raison, au nombre des magnificences de cet édifice son extraordinaire solidité, L’on ne peut nier effectivement que la solidité, quand elle est portée fort loin, n’ait aussi sa magnificence. Quelques critiques, à ce qu’il paoît, ont cru que l’épaisseur des murs y avoit été poussée à l’excès : cependant, lorsqu’on réfléchit à la poussée de toutes les voûtes, auxquelles la masse des murs doit faire résistance, on est fort éloigné de trouver du trop dans le sys-


tème de toute cette construction, où l’on a encore été obligé d’employer des armatures de fer.

Le palais forme un carré de 470 pieds de long dans chacune des lignes de ses quatre façades. Sa hauteur jusqu’à la corniche est de cent pieds.

Six portes donnent entrée dans ce palais une seule est ouverte dans la face orientale, et elle conduit à un petit vestibule où les voilures ne sauroient entrer. Les cinq autres portes sont à la façade principale, trois dans le milieu, les deux autres à une distance suffisante. Par ces portes et par celle du centre, les voitures entrent dans une vaste cour de 140 pieds en carré. Les trois portes du milieu donnent entrée dans un vestibule spacieux ; un moindre correspond aux deux autres portes collatérales.

La cour est environnée de portiques formant une façade de chaque côté, avec piédroits ornés de pilastres ; au-dessus est une galerie vitrée par où l’on entre dans les appartemens du roi.

L’escalier et sa rampe en balustres sont d’un marbre blanc et noir, et offrent un assemblage de sculpture et d’architecture, dont on doit admirer plutôt la richesse que le goût.

Sacellum. Diminutif de sacrum. Il paroît Que Le sacellum répondoit à that des appelons BNO Petites Chapelles, non Celles Qu’on Voit Dans les églises, Mais Celles Qui sont isolées et Bâties sur les routes, DANS LES campagnes, etc.

SACOME, s. m. Ce terme is emprunté à l’italien. Ce est le profil exact de tout membre, De toute moulure, DANS LES ordonnances d’architecture.

Sacrarium. Les Romains appeloient AINSI, DANS LES maisons, juin Espèce de chapelle domestique.

Sur appeloit also of this nom, DANS LES temples, le lieu ou L’sur serroit Les choses sacrées, et à Peu près that appelons BNO sacristie.

SACRISTIE, s. f. On appelle de ce nom, dans les églises, une pièce ordinairement de plain-pied avec elle, où l’on dépose et où l’on conserve les choses sacrées, les ornemens, et tout ce qui a rapport au service divin : c’est là aussi que les prêtres se préparent et s’habillent pour officier.

Les sacristies sont, en conséquence, revêtues de lambris, et garnies d’armoires et de tables ; on y pratique aussi souvent un autel.

La grandeur d’une sacristie doit être proportionnée à celle de l’église et aux besoins du culte, besoins qui varient selon la population, selon le nombre des desservans, selon la fréquentation des fidèles, et beaucoup d’autres causes.

On pourroit citer des sacristies qui sont elles seules des monumens remarquables ; mais aucune certainement n’approche, pour l’importance et l’étendue, de la nouvelle sacristie de Saint-Pierre à Rome. Jadis une des chapelles de cette vaste basilique servoit de sacristie ; mais, étant devenue beaucoup trop petite, le pape Pie VI a fait construire en dehors de l’église, et attenant à elle, la nouvelle sacristie, qui est un bâtiment considérable, dont malheureusement le goût n’a pas répondu à la dépense qui y fut affectée. Mais si l’architecture au dehors s’est trouvée fort loin de répondre à ce qu’un édifice tel que Saint-Pierre devoit exiger, on ne peut s’empêcher d’y admirer dans l’intérieur la grandeur de la salle principale, l’ordre et la distribution de toutes les parties destinées au service.

Nous citerons, sous un autre rapport, la nouvelle sacristie de l’église de Saint-Denis près Paris. C’est une pièce d’une belle proportion, décorée avec goût, et ornée d’une suite de tableaux représentant l’histoire de saint Louis, ouvrages des meilleurs peintres de ce temps, et qui, exécutés pour le lieu qu’ils décorent, offrent un ensemble de décoration aussi remarquable par son harmonie et sa convenance, que par le mérite de la peinture.

SAGE, adj. Voyez SAGESSE.

SAGESSE, sub. fém. Ce mot exprime une des plus importantes qualités, dans les mœurs et la conduite des hommes entr’eux : on s’en sert aussi pour exprimer, dans les beaux-arts, ce mérite également important, et par lequel leurs ouvrages sont doués de la faculté de satisfaire la raison, l’intelligence et le goût.

La sagesse, dans les actions humaines, est toujours accompagnée de l’ordre. Le principe d’ordre ne sauroit se séparer de la sagesse. Il suffit, pour le prouver, de dire que désordre et folie vont toujours ensemble.

Mais les ouvrages de l’homme ne sont autre chose que la manifestation de l’homme lui-même, qui s’y représente et s’y peint, c’est-à-dire, qui y retrace et y développe, soit ses vertus, soit ses vices, soit ses qualités, soit ses défauts.

Il est donc fort naturel d’appliquer à ses ouvrages les noms des qualités, bonnes ou mauvaises, qui le caractérisent. C’est pourquoi la théorie des beaux-arts a transporté dans son vocabulaire presque tous les noms qui composent celui de la morale. Aussi trouve-t-on, dans l’analyse qu’on fait de la valeur des ouvrages, qu’il y a de la hardiesse ou de la timidité, de la force ou de la foiblesse, de l’orgueil et de l’ambition, de la richesse et de la pauvreté, de la sobriété et de la modération, etc. etc.

Le mot sagesse, appliqué aux ouvrages de l’art, y exprime l’apparence des rapports, des principes et des effets que l’on découvre dans les actions et la conduite de l’homme sage, qui ne fait rien sans un but déterminé, sans s’appuyer


sur des moyens certains, sans, en prévoir les résultats. Or, voilà ce que fait aussi l’artiste auquel on reconnoît de la sagesse. Qu’on examine les œuvres de tous ceux qu’on renomme pour cette qualité dans la peinture ; qu’y remarque-t-on ? un esprit juste, qui n’invente rien d’inutile, rien qui ne tende à expliquer le sujet qu’il représente. De là la clarté de sa composition. On y remarque une imagination vive à la fois et bien réglée, qui a fait prévoir à l’artiste, entre toutes les manières de présenter son sujet, celle qui doit produire le plus d’impression. De là le charme de l’expression.

Le talent qu’on appelle sage, et l’ouvrage qui se recommande par la sagesse, offrent donc un juste tempérament de diverses qualités, savoir, du jugement et du goût, de la raison et de l’imagination, si bien équilibrées entr’elles, qu’aucune ne prédomine sur l’autre.

Qu’on fasse l’épreuve inverse de cette théorie, et qu’on suppose un esprit dont le jugement, non guidé par le goût, soit la qualité exclusive, au lieu de la sagesse, on aura de la froideur. Si l’imagination seule s’empare de toutes les places, et bannit toutes les autres qualités, au lieu de la sagesse, ou aura de l’emportement, de l’irrégulier, de la bizarrerie.

Mais s’il est un art, entre tous, où la sagesse doive être la qualité principale, c’est l’architecture, dont l’ordre est le principe, dont le jugement est le moyen, et dont le but est, avant tout, de satisfaire la raison.

C’est particulièrement chez les Modernes, que cette qualité a dû se faire d’autant plus remarquer, et d’autant plus devenir l’objet des préceptes de la théorie, que l’on a vu prévaloir le principe opposé avec un excès inconnu aux siècles de l’antiquité. Ce n’est pas qu’en comparant entr’eux, les ouvrages et les momumens qui furent autrefois élevés à de si grandes distances de temps et de pays, il n’y ait lieu d’y reconnoître des degrés différens de sagesse. Plus d’une cause ayant introduit dans l’architecture de nouveaux besoins, et par conséquent de nouveaux principes du variété, on peut sans doute classer aussi les ouvrages, en raison de ce qu’ils s’approchent plus ou moins de ce type primitif de l’ordre, père de la sagesse. Cependant on doit dire que s’il s’en trouve qu’on no puisse pas recommander, comme modèles à suivre d’un goût pur et sage. il ne s’en trouve point qu’on puisse noter, comme exemples à fuir d’un goût opposé, c’est-à-dire, déréglé et désordonné.

On peut dire qu’il en fut à peu près de même dans les deux premiers siècles du renouvellement des arts et du goût antique dans l’architecture. Il est assez probable que ce n’étoit guère alors l’usage, ni de recommander, ni de vanter la sagesse dans les compositions de cet art. Des plans ordinairement simples, des moyens de construction naturels et sans recherche scientifique, des élévations régulières dans les masses et l’emploi des ordres, de la sobriété dans la décoration, voilà ce qu’on remarque, comme général, dans presque tous les édifices jusqu’au dix-septième siècle.

Ce fut à cette époque, ainsi qu’on l’a montré bien des fois, qu’un goût d’innovation désordonnée porta les esprits à tourmenter toutes les parties de l’architecture. Un système de déraison remplaça partout le bon sens des Anciens. On ne vit plus dans toutes les formes de l’art de bâtir, que de l’arbitraire, et on en fit un jeu, où chacun crut inventer, en se jetant dans les champs infinis du caprice. On traça des plans, non en vue des besoins de l’édifice, mais uniquement dans l’intention de créer des configurations inusitées. De pareils plans exigèrent des procédés plus subtils, pour la construction des masses contournées et irrégulières. Les sciences mathématiques vinrent prêter leur secours à ces exécutions difficultueuses. Les façades des monumens n’eurent plus de lignes droites ; les ordres de colonnes devinrent des objets de badinage, et toutes les sortes d’ornemens, compilés sans raison, mutilés sans goût, mêlés et déplacés arbitrairement, n’eurent plus de signification pour l’esprit, et devinrent le jouet de toutes les fantaisies.

Il nous semble que ce portrait fidèle de l’architecture de Boromini, de ses successeurs, et des imitateurs qui prirent à tâche encore d’exagérer ses vices, doit présenter à tout esprit droit, l’image de la folie introduite dans l’art de bâtir.

Dès-lors l’idée de sagesse a dû à son idée contraire, de s’accréditer dans la théorie de l’architecture, et l’on a fait un mérite principal, une qualité distinctive, de ce qui sembloit ne devoir être qu’une condition sine quá non, imposée à l’architecte par la nature de son art.

Il a donc fallu établir, qu’avant tout, il doit y avoir de la sagesse dans un plan, c’est-à-dire, qu’il faut le composer de lignes simples, régulières, formant entre toutes les parties de l’édifice, des communications naturelles, et des rapports commandés par le besoin d’y coordonner une élévation, qui ait elle-même de la sagesse.

Les écarts et les abus d’une fausse application des sciences mathématiques à la construction, ont appris que les édifices ne sont pas faits pour donner à l’architecte l’occasion d’imaginer des tours de force ; que la solidité, qui est un des principes de la beauté en architecture, doit être obtenue par des moyens simples, et que la vraie solidité est toujours compagne de la sagesse.

Les yeux désabusés des prestiges d’une variété ennemie du grand principe de l’unité, ont fait rejeter des élévations, tous ces contournemens mixtilignes, tous ces ressauts multipliés, toutes ces découpures qui, en rompant la continuité dans les lignes, ne présentent plus les surfaces et les façades des édifices, que comme un composé bizarre de formes étrangères à toute espèce de type, créations désordonnées d’un esprit ennemi


de tout ordre : enfin, l’esprit d’ordre rentré dans les élévations, y a ramené la sagesse.

Il en a été de même du faux goût de l’ornement et de la décoration, qui, usé aussi par ses propres excès, par son insignifiance, par la confusion de tous ses détails, devoit ramener à l’emploi sage et raisonné de tous ces signes qui, s’ils sont muets pour la raison, cessent bientôt aussi de parler aux yeux.

SAGUNTE. Très-ancienne ville de l’antique Espagne, dont le terrain est occupé aujourd’hui par la ville de Murviedro, où l’on conserve plus d’un reste très-remarquable d’architecture romaine, entr’autres ceux d’un cirque, fort dégradé à la vérité, mais dont on mesure encore l’étendue. On lui trouve mille vingt-six palmes de longueur, sur trois cent vingt-six de largeur. Sa construction, dit Antonio Conca, de qui nous tirons ces notions, est un ouvrage rustique. Il ne reste que les fondations du mur qui étoit du côté du fleuve ; l’autre mur, du côté de la ville moderne, a encore de beaux vestiges de sa construction, qui en quelques endroits, s’élèvent à la hauteur de trente palmes. Elle se compose de grosses pierres bleues, qui ont six palmes d’épaisseur dans le bas du mur, jusqu’à la hauteur de huit à neuf palmes, et elles vont en diminuant de volume à mesure de l’élévation. Le demi-cercle du cirque, du côté de l’orient, subsiste en entier. Tout contre, et sur une ligne parallèle au site qu’occupent les meta, existe un édifice formé de grandes pierres bleues, avec une porte quadrangulaire, haute de dix palmes et large de six. C’étoit l’entrée d’un petit temple où étoient les statues des divinités auxquelles les jeux étoient consacrés. On distingue encore avec beaucoup d’évidence, les restes de la spina, ainsi que les vestiges d’un petit mur ou parapet de douze palmes d’élévation, qui régnoit alentour des gradins, pour garantir les spectateurs du danger des combats d’animaux qui se donnoient dans ce cirque ; car on y voit encore les loges et caveaux où on les renfermoit. Une de ces loges, bien conservée, a quinze palmes de long sur dix de large.

On a recueilli beaucoup de fragmens d’antiquités fort curieux dans l’antique Sagunte ; des inscriptions en caractères inconnus, sur des briques longues de trois palmes et d’un demi-palme d’épaisseur ; des restes de ces machines de guerre, appelées béliers, et une infinité de poteries et de fragmens de vases d’une terre rouge de la plus grande dureté.

Mais le monument le plus considérable de Sagunte, et un des plus entiers, entre tous ceux du même genre, qui se sont plus ou moins conservés dans les ruines des villes antiques, est le théâtre, dont nous ne pourrons donner ici qu’une notice fort abrégée.

Il est pratiqué dans la partie orientale de la montague, et on a profité d’une de ses cavités pour son emplacement, circonstance qui, réunie à l’art de la construction, fit que la voix des acteurs s’entendoit aussi distinctement des degrés les plus éloignés de la scène, que de ceux qui en étoient rapprochés. Sa largeur totale est de quatre cent soixante-quatorze palmes, dont soixante-quatorze forment le diamètre de l’orchestre, en comptant d’un angle à l’autre du gradin inférieur ; chacun des deux côtés, à partir du même angle jusqu’au mur intérieur, est de cent quatre-vingt-quinze palmes ; la scène, d’un angle à l’autre, a deux cent quarante-quatre palmes de longueur, et quarante-quatre de largeur.

On distingue encore les trois divisions de la scène, c’est-à-dire, les trois entrées en arcades. Le proscenium a cent douze palmes de longueur, et trente de large. On ne voit plus que les restes du pulpitum. L’orchestre contenu dans la périphérie du premier gradin d’en bas, a soixante-quatorze palmes de diamètre.

Le théâtre, ou ce que nous appellerions l’amphithéâtre, se compose de trente-trois gradins, en y comprenant deux précinctions (ou paliers). On y compte neuf petits escaliers qui divisoient les cunei, un dans le centre, et quatre de chaque côté.

Au-dessus du gradin supérieur, s’élève le portique, circulant tout à l’entour du théâtre : on lui trouve seize palmes et un quart de large et quatorze de hauteur. Il avoit six portes donnant sur l’amphithéâtre, et six autres dégageoient du côté de la montagne.

On trouve dans l’Antiquité expliquée de Montfaucon, tom. II, pag. 244, un plan fort incomplet de ce théâtre, accompagné d’une description faite dans le temps, par Dom Manuel Marti, doyen de la collégiale d’Alicante, mais qui contient un grand nombre d’inexactitudes. Depuis, a paru sur ce monument, une Dissertation beaucoup plus et beaucoup mieux détaillée, par Dom Henrico Palos, citoyen deSagunte. Elle a servi à la description qu’en a donnée Antonio Conca, et d’où nous avons extrait ce peu de détails.

Ce fut le même Dom Henrico Palos, qui, après avoir déblayé les ruines de ce théâtre, le fit disposer avec des décorations convenables, et le mit en état de servir de nouveau aux représentations scéniques ; ce qui eut lieu le 31 août, les 1, 2 et 3 septembre 1785, pour les fêtes qui furent données dans cette ville. L’expérience qui fut faite alors de sa capacité, prouve qu’il dut contenir jadis dix mille spectateurs.

Saignée, s. f. Petite rigole qu’on fait verser étancher l’eau D’une fondation OU D’UN fossé, when is aime le Plus Haut Que le terrain Qui en is voisin, et au Québec par conséquente il ya de la pente.

SAILLANT, adj. Se dit de Tout ce qui avance ou qui sort en dehors de la surface d’un bâtiment,


ou de toute partie du bâtiment même qui lui fait avant-corps, ou de la projecture d’un bastion, d’un angle de fortification. Ainsi saillant est opposé à rentrant. On dit angle saillant, angle rentrant.

SAILLIE, sub. f. , ou PROJECTURE. C’est l’avance que font, dans l’architecture, les membres, profils, moulures ou ornemens au-delà du nu des murs, soit sans encorbellement, comme les pilastres, les tables, les chambranles, les cadres, les plinthes, les archivoltes, les architraves, etc. , soit avec encorbellement, comme les corniches, les balcons, les trompes, les galeries de charpente, les fermes de pignon, etc.

La saillie ou la projecture des parties et des membres de l’architecture, est pour cet art comme l’ombre dans la peinture, ce qui contribue à l’effet de ses ouvrages. Rien ne paroît plus froid qu’un édifice qui n’offre aucune saillie. On éprouve singulièrement cette impression lorsque, quittant la ville de Rome, où tous les édifices, tant publics que particuliers, ont des couronnemens d’une grande saillie, on arrive à Naples, où toutes les maisons, qui sont en terrasse, n’ont à leur sommet aucune projecture. Il semble des bâtimens non terminés, ou de simples murs percés de fenêtres.

En plus grand, on peut faire la même comparaison, et on éprouve la même impression lorsqu’on considère tous les édifices de l’Egypte en parallèle avec ceux de l’architecture grecque. En Egypte, le plus grand nombre des temples ne présentent dans leur couronnement, d’autre saillie que celle d’une grande scotie, et plusieurs même se terminent par de simples filets d’ornemens qui excèdent à peine le nu du mur. Cela dut être la conséquence, ainsi qu’on l’a dit ailleurs, du principe originaire de l’art de bâtir dans ce pays, où très-certainement l’usage des terrasses fut général, et où celui des toitures et de l’emploi du bois en charpente, ne put jamais influer sur les pratiques imitatives de l’architecture. De-là, pour le goût, la froideur et la monotonie d’aspect des édifices égyptiens.

C’est à l’emploi du bois, c’est aux pratiques de la charpente, que l’architecture grecque, au contraire, fut redevable de ces grandes projectures, effets naturels de la construction en bois, et que l’art de bâtir eu pierre fut s’approprier : de-là (et nous ne le répéterons pas ici) la richesse de détails et la variété d’effets, que cette imitation introduisit dans les édifices. Aussi voyons-nous que l’ordre où se sont conservés avec le plus de fidélité, les formes et les types de la construction en bois, je veux dire l’ordre dorique, est celui qui, dans ses frontons, dans ses profils, dans ses chapiteaux et son abaque, offre les plus grandes saillies.

Maintenant on peut faire, sur les monumens comparés de l’ordre dorique, l’expérience de l’impression que produit le plus on le moins de saillie dans les œuvres de l’architecture. Si l’on rapproche l’ordre dorique ancien de la Grèce, de l’ordre dorique postérieur, et tel qu’on le voit à Rome, on reste convaincu que le premier doit à ses grandes saillies, le caractère de force et l’effet mâle et vigoureux, qu’on ne sauroit attendre du second. Il y a de cela plus d’une raison : d’abord, il est certain que dans toute architecture, de grandes projectures dans les masses et leurs détails, produisent nécessairement de grandes masses d’ombre et de lumière, et par conséquent des oppositions, qui donnent à ses aspects du mouvement, de la variété, et en multiplient les effets. C’est ce que nous avons eu occasion d’observer à l’article PILASTRE (voyez ce mot), en comparant l’effet toujours le même d’une ordonnance en bas-relief, à celui des colonnes isolées, dont les aspects varient toujours, selon les effets de la lumière ou la position du spectateur. Dans la surface unie d’un édifice, il n’y a rien pour les effets de la perspective, et ce qui est monotone en dessin, reste également uniforme pour l’œil et insipide pour l’esprit. Disons ensuite que de grandes saillies dans les masses des édifices, comme celles des ordonnances doriques grecques, comme celles des grands entablemens qui servent de couronnemens à tous les genres de monumens, ne peuvent avoir lieu qu’à l’aide do matériaux d’une dimension et d’un volume proportionné à cet emploi : or, toute construction qui s’annonce ainsi, porte en soi l’idée de force, de puissance et de solidité, et dès-lors en impose par l’union de qualités qui forcent à l’admiration. C’est par ce caractère énergique de saillie très-prononcée que les monumens de Florence, à part des autres mérites qu’ils peuvent avoir, occupent un des premiers rangs dans les œuvres de l’art de bâtir moderne.

Saillir, v. agir. Avancer, paroître en Dehors, déborder. Il signifié also sortir avec impétuosité, Comme L’eau qui sorte d’ajutage et non Qui s’élève en l’air.

SAINT-CHAMAS, village de Provence à quelque distance de la petite rivière de Touloubre, sur laquelle subsiste encore en son entier un pont antique d’une construction romaine, appelé par les gens du pays le Pont Surian. Il est bâti en plein cintre entre deux rochers, et de niveau avec le chemin qui va d’Arles à Aix. Ce pont n’a qu’une seule arche de six toises de diamètre, construite de gros quartiers de pierres de trois pieds. Sa longueur est de onze toises.

A chacune des extrémités du pont, s’élève un arc. Celui qui se présente du côté d’Aix, a une frise dont les ornemens occupent les deux tiers ; l’espace qui reste est rempli par une inscription, portant les noms de ceux qui sirent les frais du


monument. La face intérieure de la frise est couverte d’ornemens sans inscription.

Plusieurs antiquaires ont qualifié d’arcs de triomphe les deux arcs de ce pont ; mais c’est là une de ces opinions dénuées de critique, qu’il est même inutile aujourd’hui de réfuter. L’usage de ces arcs aux deux extrémités des ponts, fut assez commun dans les ouvrages des Romains : probablement il naquit de la nécessité de fermer l’entrée des ponts, comme leur sortie, par des portes. Ce fut ensuite un motif d’élever des monumens honorifiques aux bienfaiteurs des villes, et peut-être à ceux qui avoient sait construire les ponts, ou d’autres monumens utiles. Enfin, on peut croire aussi qu’on fit de ces arcs uniquement dans des vues d’embellissement, et pour compléter l’ensemble du pont. Nous allons voir un nouvel exemple de cet usage à l’article suivant.

SAINTES, ville de France, anciennement capitale de la Saintonge. Son nom latin est Mediolanum Santonum. On croit aussi qu’elle s’appela Santona et urbs Santonica.

Du temps d’Ammien Marcellin, elle étoit une des plus florissantes de l’Aquitaine. Entr’autres restes d’antiquités qu’elle a conservés, on compte un fort beau pont bâti sur la Charente, et qui se termine par un fort bel arc, qu’on croit avoir été élevé sous Tibère. Il y a sur ce monument une inscription latine, mais si effacée qu’on ne sauroit la lire.

Près de l’église de Saint-Eutrope sont les restes d’un amphithéâtre antique, bâti de petites pierres, et encore assez bien conservé, pour qu’on puisse juger de sa configuration ovale, de son élévation et de l’ordonnance de ses étages. On appelle ces restes les Arcs.

SALLE, s. f. C’est le nom qu’on donne à toute pièce qui est réputée la plus grande, soit dans les édifices publics, soit dans les palais, soit dans les maisons particulières. Nous indiquerons dans la suite, par les noms divers qu’on leur donne, les différens emplois des salles, selon la nature des édifices où elles se trouvent.

Nous avons dit que le mot salle exprime toujours, relativement à chaque espèce de bâtiment, une très-grande pièce. Les Anciens confirment cette définition, et Vitruve va nous le prouver par la description qu’il nous a donnée des salles des palais, que l’on nommoit Œci.

Généralement, dit-il (lib. VI, cap. 5), ces différentes salles, sous les noms de Triclinia, Œci, Exedrœ, devoient avoir en longueur le double de leur largeur. Quant à leur élévation, elle devoit être égale à la somme de leur longueur ajoutée à la largeur.

Les salles appelées Œci, continue Vitruve, sont de deux genres : il y a celles qu’on nomme corinthiennes, et il y a les tétrastyles, qu’on nomme égyptiennes. On leur donne en longueur et en largeur les mêmes dimensions qu’aux Triclinia (salles à manger) ; mais à cause des colonnes dont on les orne, il faut nécessairement leur donner plus d’étendue. Voici donc en quoi consiste la différence entre ces deux sortes de salles. La salle corinthienne n’a qu’un seul ordre de colonnes, placées, ou sur un socle, ou simplement à terre ; elles sont surmontées d’un architrave et d’une corniche soit en bois, soit revêtus de stuc, d’où part et s’élève une couverture en voûte circulaire. Dans la salle égyptienne, au contraire de l’architrave du premier rang de colonnes, partent des plates-bandes qui vont reposer sur le mur d’enceinte, et reçoivent un assemblage de plancher, et un pavement découvert formant promenoir tout à l’entour. Sur l’architrave, et à-plomb des colonnes dont on a parlé, s’élève un second ordre plus petit d’un quart que l’ordre inférieur, dont la corniche reçoit la couverture el les ornemens. Entre les colonnes d’en haut sont placées les fenêtres ; ce qui fait que cette sorte de salle ressemble à une basilique, plutôt qu’à la salle corinthienne.

Les Grecs, ajoute Vitruve, ont des salles qu’ils appellent cizicènes. On les tourne ordinairement vers le nord, de manière qu’on y ait la vue des jardins, et leur porte s’ouvre dans le milieu. Elles doivent avoir en longueur et en largeur assez d’espace pour qu’on puisse y placer commodément deux tables l’une en regard de l’autre. A droite et à gauche, elles ont des fenêtres en guise de portes, pour que l’on puisse de dessus les lits jouir de l’aspect des jardins. On leur donne en hauteur une fois et demie leur largeur.

On ne sauroit assigner, dans l’architecture moderne, aux salles les plus étendues et les plus remarquables, de formes particulières ni un caractère général, qui puissent devenir l’objet d’une théorie ou d’une description.

Dans les édifices publics il se trouve de très grandes et de fort belles salles destinées à toutes sortes d’usages, mais dont les formes et les proportions ne sont ni fixées par des règles, ni même déterminées par leur emploi. Le mot salle est aujourd’hui celui d’une infinité de pièces, qu’on ne sauroit ni classer dans un ordre méthodique, ni décrire en particulier dans cet article, sans être obligé de répéter ce qui se trouve décrit dans beaucoup d’autres.

Un genre de monumens publics fut toutefois, pendant long-temps, celui qui offrit l’usage le plus constant de très-grandes salles, destinées à des réunions nombreuses et à des banquets publics, je parle des hôtels ou maisons de ville. Dans les temps anciens, et sous le régime municipal de ces temps, la maison de ville, ou comme on l’appelle encore, la maison commune, étoit une sorte de rendez-vous des corps et communautés, et l’usage y avoit établi des festins publics auxquels il falloit destiner une très-grande salle. Cette salle étoit, dans le plan de ces édifices, la partie principale, et l’on voit aujourd’hui, par l’hôtel-de-ville de Paris, qu’elle en occupoit la presque totalité : aussi peut-on encore citer la grande salle de cet édifice, comme une des plus grandes qu’il y ait dans cette ville. On doit en dire autant de l’hôtel-de-ville d’Amsterdam, dont nous avons décrit l’architecture extérieure à l’article de son architecte (voyez Campen). Cet extérieur en est effectivement, pour l’art, ce qu’il y a de plus remarquable, et aucun autre monument de ce genre ne peut, sous ce rapport, lui être comparé. Cependant sa grande salle, qui occupe presque toute la capacité du bâtiment, est, à quelques égards, digne d’être citée, moins par la pureté des formes et son goût de décoration, que pour la grandeur de sa dimension et la richesse de ses ornemens et de ses matériaux. C’est là, en effet, que les Hollandais, qui n’ont ni pierres ni marbres, se sont plus à mettre en œuvre les plus beaux matériaux, dont ils avoient l’usage de lester leurs vaisseaux, usage auquel cette ville doit d’avoir peut-être plus de marbres qu’aucune autre.

Si les hôtels-de-ville, dont nous avons fait mention à leur article (voyez Hôtel), avoient été construits à des époques, où l’art antique avoit remplacé l’art appelé gothique, nous aurions eu, sans doute, à faire mention de salles où les architectes auroient cherché à faire revivre les descriptions que Vitruve nous a données des salles de banquet des Grecs et des Romains.

C’est à ce renouvellement de la bonne architecture, que Paris doit, dans le Palais-de-Justice, la vaste salle à deux nefs collatérales, qu’on appelle la Salle des pas perdus, ouvrage de Jacques Debrosses, et que nous avons décrite à l’article biographique de cet architecte. C’est certainement le plus grand vaisseau, en fait de salle, qui soit à Paris, et peut-être ailleurs.

La grande salle qu’on appeloit de la Seigneurie, au palais vieux, à Florence, est encore un de ces monumens dus aux causes publiques qui ne se sont pins renouvelées depuis. Là où le Gouvernement exige de nombreuses réunions, et repose sur des assemblées de corps, de peuple, ou de sénat, il faut leur construire de vastes salles, Ainsi, au mot Phocicum, nous avons rapporté la description de la belle et grande salle, où se réunissoient tous les députés de ce qu’on pouvoit appeler les Etats-Généraux de la Phocide.

L’aristocratie, gouvernement où le pouvoir est entre les mains d’un fort grand nombre de familles nobles, demande aussi de fort grands lieux de réunion. La salle du palais vieux, à Florence, fut de ce nombre ; Venise en a de semblables, et la grande salle du Sénat, à Gênes, restaurée dans ces derniers temps, offre, pour l’architecture, un des plus beaux et des plus riches ouvrages modernes.

On voit que jusqu’ici nous n’avons parlé que de salles faisant partie des monumens publics, et construites pour des usages politiques.

S’il étoit maintenant question de considérer les salles, comme entrant dans la composition des palais, ce point de vue nous offriroit un si grand nombre d’objets, que leur description, ou même leur énumération, deviendroit impossible. Qui ne voit, d’ailleurs, que ces objets rentrent tout naturellement dans la description des palais ? Un grand palais, en effet, peut avoir quelque salle principale pour l’étendue on la richesse ; mais son ensemble n’est, si l’on peut dire, et selon l’usage des distributions, et selon la manière de parler, qu’une suite de salles. Ainsi, comme l’on sait, toutes les pièces d’un grand palais reçoivent chacune un nom particuler, ou de son emploi, ou de l’objet principal de la décoration, et l’on dit : salle des Gardes, salle du Conseil, salle du Tróne, salle des Maréchaux, salle de l’horloge, salle d’Apollon, salle de Diane. En décrivant les intérieurs du palais du T. à Mantoue, nous avons parcouru une suite de salles, qu’on appelle : salle de Phaéton, salle de Psyché, salle des Géants, etc.

Ces salles ne sout donc point des ouvrages particuliers d’architecture, qui soient dans le cas de recevoir des règles, ou d’être soumis à des préceptes applicables à eux seuls. Leurs dimensions, leurs proportions, leur décoration et leur richesse, sont subordonnées à une multitude de convenances, qui rentrent dans celles des préceptes généraux.

Il faut d’ailleurs excepter du nombre des pièces dont se composent les appartemens, celles qui, ayant des destinations spéciales, obligées et caractéristiques, comme chambre à coucher, cabinet, bibliothèque, galerie, trouvent, à leurs articles, les notions qui les concernent, ainsi qu’au mot DISTRIBUTION.

Si, des palais, on passe aux maisons particulières, le mot salle, beaucoup plus restreint, ne se donne guère qu’à deux sortes de pièces, c’est-à-dire, à celle où l’on mange, et à celle où l’on reçoit, sous les noms de salle à manger et salle de compagnie, qu’on appelle plus communément salon.

Nous nous contenterons donc de faire, à cet article, une courte énumération des pièces auxquelles l’usage, d’après leur emploi, a affecté des noms particuliers.

Ainsi l’on dit :

Salle à manger. C’est, dans les maisons de quelqu’importance, une pièce séparée de l’appartement, et placée volontiers à rez-de-chaussée. Elle doit être bien éclairée, et ses fenêtres, autant que cela est possible, doivent donner sur le jardin, et procurer quelqu’aspect agréable. La salle à manger doit être pavée en carreaux de marbre ou de toute autre matière, qui permette


d’en laver l’aire. Sa décoration admet volontiers des peintures agréables, des vues de paysage, etc. Elle doit avoir des buffets et des fontaines.

Salle d’assemblée. Dans les palais et les maisons particulières, c’est une pièce où l’on reçoit compagnie. Voyez SALON.

Salle d’audience. C’est, dans les appartemens des fonctionnaires publics, une pièce où ils donnent audience. Elle précède ordinairement le cabinet. Elle doit être garnie de siéges, meublée simplement, et décorée avec plus de gravité que de magnificence.

Salle de bain. Ainsi appelle-t-on, dans l’ensemble des grands appartemens, une petite pièce où sont disposés le bassin et la cuve pour se baigner.

Salle de bal. C’est une salle qui ne se pratique guère que dans les grands palais. Elle doit être décorée avec élégance, et recevoir une tribune élevée, pour y placer les symphonistes. Telle est la salle de baldu grand appartement du Roi, à Versailles.

Salle de ballets, de comédie, de machines. Voyez THÉATRE.

Salle de billard. Est, dans toute maison, soit de ville, soit de campagne, une salle où est placé un jeu de billard. Cette sorte de salle est ordinirement boisée et garnie d’armoires, contenant les choses et les instrumens nécessaires pour le service de ce jeu. On doit y supprimer les glaces et tous autres ornemens fragiles.

Salle des gardes. Première pièce de l’appartement d’un prince, où se tiennent les officiers de sa garde.

Salle du commun. Pièce près des cuisines et des offices, dans les grandes maisons, où mangent les domestiques.

SALLE D’ARMES, s. f. On donne ce nom à une espèce de galerie, qui sert de magasin d’armes rangées dans un bel ordre et bien entretenues. On affecte dans ce rangement une ordonnance symétrique et décorative. On fait servir les différentes sortes d’armes selon leurs dimensions et leurs formes, à composer, soit des trophées, soit des pilastres, des colonnes, des pyramides, des frises, etc. , et à simuler tous les ornemens de l’architecture. Ces collections d’armes deviennent aussi un répertoire instructif en ce genre, où l’on voit rassemblé ce que les temps anciens avoient imaginé, et ce que les temps modernes ont perfectionné, dans l’art de fabriquer pour les hommes des moyens de se détruire. Il y a à Paris une des plus belles collections d’armes, à partir des siècles reculés. Ce qu’elle renferme de curieux, sous tous les rapports, lui a fait donner le nom assez impropre de Muséum d’artillerie.

Les salles d’armes font ordinairement partie des arsenaux. Il y en avoit une jadis d’une grande étendue et d’un fort bel arrangement, dans l’arsenal de Venise.

Le nom de salle d’armes se donne aussi au lieu où l’on apprend à tirer des armes. Le nom de salle d’escrime lui conviendroit mieux.

SALLE DE JARDIN OU CHAMPÊTRE Dans l’art du jardinage régulier, on emprunte souvent à l’architecture ses plans, les motifs de ses compositions, les dessins de ses élévations, les formes de sa décoration. De-là plus d’un nom de bâtiment donné à des plantations, à des espaces, où l’on se plaît à forcer la nature d’imiter à son tour les ouvrages de l’art.

Comme les arbres font aisément l’effet des colonnes, comme des charmilles se prêtent volontiers à remplacer les murs, et comme, avec une multitude d’arbustes qu’on taille à volonté dans toutes les formes, de plantes qu’on fait circuler et qu’on façonne en guirlandes, on peut contrefaire un grand nombre de parties d’édifices, il a été fort naturel de ménager, dans les jardins, des lieux de réunion, qu’on appelle salles champêtres.

Les marronniers, les tilleuls de Hollande, les ormes, lorsqu’ils sont bien choisis, sont les arbres dont on se sert volontiers pour faire des salles champêtres. Lorsqu’on veut que leur enceinte soit close, on établit à l’entour des treillages qu’on garnit de fleurs et de verdures, ou on les entoure de charmilles. Ces salles servent volontiers pour les bals, et si l’on veut prolonger la fête dans la nuit, on les illumine par des lanternes de toutes couleurs, qu’on suspend en guirlandes d’un arbre à l’autre.

La salle du bal du petit parc de Versailles, est une salle champêtre disposée pour la danse : elle est entourée d’un amphithéâtre formé de siéges ou de degrés en gazon. Le milieu, un peu relevé et sur un plan ovale, est comme l’arène de cette espèce de cirque, où l’on exécute les danses.

SALLE D’EAU s. f. C’est une fontaine pratiquée dans un espace plus bas que le rez-de-chaussée, où on descend par quelques marches, et dont l’aire est pavée de coin partimens en marbre. C’est aussi, dans un jardin, une salle de verdure, décorée de bassins, de figures, de groupes qui jettent de l’eau, et de fontaines jaillissantes.

SALLE DE SPECTACLE. Est un synonyme de théâtre, dans nos usages. Les théâtres ayant été, dans le renouvellement des arts, des sortes de dépendances des palais de souverains ou de ceux des princes, on leur donna le nom de salle. Depuis qu’ils sont devenus des monumens isolés et publics, on ne laisse pas de les appeler encore du même nom, surtout quand on parle de leur intérieur ; et l’on dit que la salle est remplie, que la salle étoit vide, etc.


SALON, s. m. Ce mot est le même que le mot italien salone, qui est un augmentatif de sala, et signifie une grande salle.

Quoique salon en français, selon l’usage actuel, ou ne signifie pas toujours une grande salle, ou exprime encore une autre idée, toujours est-il vrai, que selon les erremens de la distribution ordinaire des appartemens, ce mot s’applique à la pièce qui, entre toutes celles dont se compose l’appartement, est souvent la plus grande et toujours la plus richement ornée.

Le salon est ce qu’on appeloit, et ce qu’on appelle encore la salle de compagnie. C’est la pièce de réunion, où l’on reçoit le monde, et où, par conséquent, selon la grandeur des maisons, on rassemble le plus d’objets de commodité, d’agrément, de goût et de luxe.

On ne sauroit prescrire rien de déterminé en ce genre, ni pour la grandeur, ni pour la forme, ni pour la décoration. Il est sensible, qu’à cet égard, il se donnera autant de mesures qu’il s’en trouve dans les différens états de la société.

Quant à la grandeur, c’est la dimension de la maison qui règle celle de toutes les pièces de l’appartement, et par conséquent du salon. Dans les palais, le salon doit occuper ene grande étendue ; cette étendue est déterminée, non-seulement par la nécessité des réunions nombreuses qu’on y reçoit, mais encore par une sorte d’étiquette, qui veut que l’importance du matir s’annonce par celle de son habitation, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Dans les palais, on donnera souvent au salon la hauteur de deux étages, de manière qu’il puisse recevoir des jours d’en haut. Du reste, il est ssez reçu que lesalon, à quelqu’espèce de maison qu’il appartienne, doit, dans la proportion de son appartement, en être la pièce la plus spacieuse. Les palais dont les maîtres sont condamnés à la magnificence, ont souvent aussi ce qu’on appelle de doubles appartemens, c’est-à-dire, où chacune des pièces est répétée, une fois en grand, une fois en petit : les premières servent pour les jours de grande compagnie, les secondes pour les jours de petite société. Ainsi, près de la grande salle à manger, on en pratique une plus petite. Il y a de même grand et petit cabinet, grand et petit salon.

Pour ce qui est de la forme des salons, rien ne fait la loi de leur en donner une plutôt qu’une autre. Il est certain que la forme quadrangulaire est tout à la fois la plus naturelle et la plus ordinaire. On peut même dire, que dans les habitations moyennes, d’où l’art proprement dit de l’architecture est généralement exclus, il est fort rare qu’il se trouve une raison de donner au salon d’autre configuration que celle du carré, ou d’un carré long, dont la longueur est à la largeur, comme 4 à 3, ou tout au plus comme 2 à 1. Il n’est question, pour le salon des maisons des particuliers, que de régularité, de symétrie dans les pièces, et l’ameublement en fait la seule décoration. A l’égard des palais, on y voit des salons pratiqués dans toutes les sortes de formes. La plus ordinaire est, à la vérité, la forme quadrangulaire ; mais on citeroit beaucoup d’appartemens dont le salon tout-à-fait circulaire. L’on obtient volontiers celle forme, en construisant la façade de l’édifice de manière à ce qu’elle produise une partie demi-circulaire en saillie ; à l’intérieur, le reste du cercle est formé par des cloisons. Il y a aussi des salons ovales, et il s’en fait d’octogones. Reste à savoir si ces variétés, qui produisent des embarras et des difficultés dans l’ensemble des plans et dans l’ajustement des élévations, offrent autant de commodités pour l’usage, et beaucoup plus d’agrément pour l’emploi du l’architecture et de la décoration.

La décoration des salons, dans les palais, ne sauroit être l’objet d’une théorie particulière. C’est ici le domaine de l’architecture, et l’on ne sauroit rien dire sur ce point, qu’on ne l’ait dit dans une multitude d’autres articles.

Ce qu’il faut toutefois remarquer, à l’égard de la décoration des salons, c’est qu’il entre dans l’harmonie générale des palais et de leurs appartemens, que la richesse des ordonnances, des ornemens et des matières, qui font aussi partie de la décoration, y soit tellement graduée, qu’il y ait une progression sensible d’une pièce a une autre, et que salon soit, en fait de magnificence, le point culminant de l’ensemble. L’emploi des ordres, soit en colonnes, soit eu pilastres, et surtout de l’ordre corinthien, avec ses détails accessoires, étant, quant au fond de l’art, le maximum de la décoration, il importe de le réserver pour la décoration du salons. Trop souvent on a vu la richesse de l’architecture employée jusque dans les escaliers, ne laisser aucun moyen d’enchérir à l’égard des intérieurs.

Quand on prétend que le salons réclame le plus haut degré de la décoration, c’est toujours, bien entendu, relativement au genre et au caractère du palais, et relativement encore à sa destination, comme à la dignité du propriétaire. Il y a de grands palais, ainsi qu’il y a de grands personnages, qui se refusent à un luxe trop marqué, à une profusion de ces richesses qui ne sont que du faste. Plus d’une convenance commande à l’architecte de se conformer à ces considérations, et l’architecture a, dans Je genre et l’emploi de ses richesses, des degrés pour tous les rangs, Il y a aussi une richesse modeste qui, sans mêler à l’or l’éclat des marbres précieux, sait allier le goût à la bienséance, sait briller par la simplicité, et s’adapter à tous les caractères. Voyez APPARTEMENT.

On appelle salon à l’italienne, celui qui comprend deux étages dans sa hauteur, et qui, ordinairement, n’est éclairé que par les fenêtres de l’étage supérieur.

On appelle salon de treillage, un grand espace


qu’on ménage dans les bosquets d’un jardin, qu’on entoure et qu’on couvre de treillages en fer et en bois, et qu’on garait de verdures.

SALONIQUE, C’est le nom qu’on donne aujourd’hui à l’antique ville de Thessalonique.

Nous trouvons dans le troisième tome des Antiquités d’ Athènes, par Stuart, le dessin d’un reste de monument fort curieux, qui est situé dans le quartier des Juifs de Salonique.

Cinq colonnes corinthiennes, élevées chacune sur son piédestal, supportent un entablement, au-dessus duquel règne un attique formé de pilastres quadrangulaires isolés. Sur les deux faces les plus larges de ces pilastres, sont sculptées des figures d’un très-fort relief, dont la hauteur est presqu’égale à celle du pilastre ; les têtes de quelques-unes de ces figures anticipent sur les profils du chapiteau.

D’un côté, les figures représentent une Victoire, un Télèphe, un Ganymède et une femme drapée, à laquelle on ne sauroit donner un nom. De l’autre côte, on voit Léda, une Bacchante couronnée de pampres, un Bacchus et une Bacchante jouant de la flûte.

L’attique, ainsi décoré, supporte un entablement. Il est assez difficile aujourd’hui de déterminer le genre d’édifice dont cette ruine faisoit partie. Quoique les figures qu’on vient de désigner sembleroient avoir pu convenir à la décoration d’un théâtre, on n’a cependant rien trouvé sur les lieux qui tendît à motiver une semblable supposition. Quant aux traditions populaires qui régnent à Salonique sur ce monument, elles reposent sur des contes merveilleux, dont l’imagination a fait seule les frais.

Ce qui seul pourroit tendre à quelques suppositions vraisemblables sur l’édifice de Salonique, c’est le rapprochement que la critique des monumens antiques en feroit, avec d’autres où se trouvent les mêmes particularités. Plus on découvrira dans le champ de l’antiquité, plus on trouvera de points de comparaison entre des ouvrages qui, considérés jusqu’alors isolément, ne pouvoient guère donner pour l’interprétation de leur emploi, que des présomptions arbitraires.

Nous ne saurions donc nous empêcher de rapprocher du monument de Salonique, celui qui existoit jadis à Bordeaux, et qu’on appeloit les tuteles. On en voit la gravure dans la traduction de Vitruve, par Perrault (pag. 227, édition de 1684), qui a pris soin d’en conserver le souvenir, avant qu’on procédât à sa démolition. Le lecteur qui rapprochera ces deux monumens, y trouvera une conformité frappante. Tous deux présentent une ordonnance corinthienne ; tous deux, au-dessus de l’entablement, ont un attique formé de piédroits, sur les deux faces principales desquelles sont sculptées des figures de bas-relief. La seule différence est, qu’à Salonique cet attique porte un entablement, lorsqu’à Bordeaux il porte un rang d’arcades couronné par une corniche.

On ne sauroit, ni dans l’un ni dans l’autre édifice, donner le nom de caryatides à ces figures, qui s’adossent aux montans des piédroits des deux attiques, bien qu’elles en aient l’apparence. Toutefois le grand temple de Jupiter olympien, à Agrigente, nous, a appris, d’après les recherches qui y ont été faites dans ces dernières années, que l’intérieur de sa nef étoit formée de grands piliers quadrangulaires, au-dessus desquels s’élevoient des figures colossales d’allantes, dans l’attitude de supporter les plates-bandes de l’entablement.

On vient encore tout récemment de découvrir à Pompéia, un intérieur, où des figures de Caryatides font l’office de colonnes. Il est donc permis de croire, que l’usage des allantes ou caryatides étoit beaucoup plus commun qu’on ne pense, dans l’architecture des Anciens. On peut des-lors supposer que les figures adossées des piédroits aux monumens de Salonique et de Bordeaux, étoient en quelque sorte des caryatides de bas-relief, ou du moins tenoient à ce système de décoration et de pratiques assez usuelles.

Si donc il est constant qu’on le mit en œuvre dans un des plus grands temples de l’antiquité, on voit qu’il faut être très-réservé à tirer de cet emploi, des conséquences positives ou négatives, pour expliquer la destination des édifices. Nous ne dirons point ce que peut être le monument de Salonique, mais nous dirons que des figures, en semblant de caryatides ou d’atlantes, ne doivent pas faire exclure du rang d’édifices sacrés, ceux où il s’en trouve ainsi, puisque de véritables atlantes de ronde bosse, formoient le second ordre de la nef intérieure d’un temple à Agrigente.

Salpêtrière, s. f. Ce est ordinairement, Dans l’arsenal des Nations Unies, le lieu ou L’fait sur le salpêtre, et Où sont, un TEC effet, PLUSIEURS rangs de cuves souscripteurs sur des fourneaux souterrains.

SALVI (Nicolas), né en 1699, mort en 1751.

Nicolas Salvi fut un homme des plus instruits de son temps. A d’heureuses dispositions, s’étoit jointe une éducation qui l’eût mis à même de choisir le genre de connoissances auquel il auroit voulu se consacrer. Mais dans ses premières années il ne fil point de choix. Il cultiva d’abord les belles-lettres, et fut reçu comme poëte dans les différentes Académies de Rome. Il s’appliqua bientôt à la philosophie et aux sciences mathématiques. Il étudia la médecine. Enfin, il semble qu’il auroit eu en vue de réaliser dans sa personne, le portrait un peu imaginaire, que Vitruve nous a laissé d’un parfait architecture. Le goût de l’architecture finit par l’emporter chez lui. Il reçut des leçons d’Antoine Cannevari, et mieux encore de Vitruve, dont il avoit acquis personnellement l’intelligence dans l’original même.


Cannevari ayant été appelé en Portugal, pout le service du roi Jean V, Salvi resta chargé de toutes les entreprises que son maître avoit à Rome. Il rebâtit le Baptistère de Saint-Paul hors des murs, éleva le grand autel de l’église de Saint-Eustache, et celui de Saint-Laurent et Damase ; construisit la petite église de la villa Bolognetti, hors de la porte Pie. Il donna encore le dessin du grand autel de Saint-Pantaléon, qui ne fut pas exécuté ; mais il exécuta ceux de la superbe église de Mont-Cassin, et de Santa-Maria de Gradi, pour les Dominicains de Viterbe.

Mais l’ouvrage le plus considérable et le plus célèbre de Nicolas Suivi, est la grande fontaine du Trévi à Rome, qui seule feroit la réputation d’une ville. Elle tient sans doute, en ce genre de monumens, le premier rang, et il ne lui manque qu’une placé proportionnée au spectacle qu’elle présente. Sous le rapport de magnificence, aucune autre fontaine ne peut lui être comparée, et l’on n’en peut trouver d’équivalente ailleurs, que dans les décorations hydrauliques des jardins de Versailles ; mais la supériorité de la fontaine de Trévi tient encore, à ce que ses eaux sont perpétuelles (aquœ perennes), tandis qu’à Versailles elles proviennent d’un réservoir qui se tarit en peu de temps. La fontaine dé Trévi est, au contraire, le réceptacle, de l’aqueduc de l’acqua vergine. L’architecte eut des-lors à sa disposition une masse d’eau toujours courante, qu’il put diriger à son gré, et dont il put obtenir toutes les sortes d’effets.

Ce grand ouvrage ne s’acheva point sans de graves contradictions. Salivi eut un grand nombre d’envieux et de critiques, et l’on conçoit qu’en ce genre il y avoit matière à bien des rivalités. Un semblable projet éveille toutes les ambitions, et comme l’imagination en fait facilement les frais, chacun se figure aisément avoir trouvé des motifs plus heureux.

Pour ce qui regarde la partie hydraulique, c’est-à-dire l’emploi des eaux dans ce monument, on ne sauroit nier que ce ne soit une très-grande scène ; mais peut-être a-t-on reproche avec raison à Nicolas Salvi de lui avoir donné une trop grande étendue, d’avoir, dès-lors, un peu trop divisé ses eaux, d’avoir plus visé à la multiplicité d’effets qu’à l’unité.

La position de cette vaste fontaine, adossée à un palais, ne fut peut-être pas du choix de l’architecte. Selon l’idée décorative de sa composition, qui représente Neptune sur son char, dont les tritons attèlent les chevaux marins, il eût sans doute convenu que le dieu des eaux parût sortir d’une demeure, dont le style et le caractère eussent été assortis à ce que la poésie de ce sujet devoit suggérer. Sans doute le palais de Neptune n’auroit du avoir ni étages ni fenêtres ; mais peut-être l’architecte ne fut-il pas le maître de sou emplacement.

Le personnage principal, comme on l’a dit, est Neptune représenté dans une dimension très-colossale, debout, prêt à monter sur un char formé par une coquille ; il semble sortir d’une niche que décorent des colonnes ioniques. Les chevaux et les tritons se trouvent au milieu d’un amas considérable de rochers, au travers desquels les eaux jaillissent ou tombent de différentes manières, et forment toutes sortes de chutes.

Quelques critiques pensent que ces rochers, ainsi disposés, ressemblent trop à un amas de ruines, et qu’on n’aperçoit pas assez dans tous les échappemens d’eau, la source de la cascade qui pourroit les produire ; mais, en ce genre, la critique est facile, et peut-être la hauteur des conduits qui amènent l’eau à cette fontaine n’a-t-elle pas permis de leur donner une disposition plus pittoresque.

Quant à l’architecture du palais auquel s’adosse la composition de cette fontaine, nous croyons aussi qu’elle supporteroit beaucoup d’observations. Le temps qui vit élever ce monument n’etoit plus celui de la bizarrerie ni des formes, in des ornemens contournés et bigarrés de l’âge précédent, mais ce n’étoit pas encore celui où le goût de l’antiquité devoit reprendre l’empire. Obligé d’assortir la composition de tout cet ensemble à une devanture de palais, l’architecte pouvoit se dispenser sans doute d’élever sur un soubassement rustique, tout en rochers, nu ordre aussi élégant et aussi riche que le corinthien. Le style qui eût convenu à cette façade auroit dû être celui des bossages. Une multitude de monumens des plus grands maîtres de l’Italie, auroient pu ossrir des modèles applicables au genre de cette compostion, soit dans l’emploi des ordres, soit dans les détails des fenêtres et le caractère des orœmens.

Salvi avoit sait encore quatre dessins pour la même fontaine, à peu près du même goût, mais d’un mérite inférieur à celui qui fut exécuté.

La fontaine de Trévi fut treize ans à terminer : non que le travail ail rempli tout cet espace de temps, mais toutes sortes de tracasseries le saisoient interrompre, et on le reprenoit lorsque les clameurs de la critique avoient cessé. Salvi avoit trop à cœur d’achever son ouvrage, pour se laisser décourager et l’abandonner : aussi refusa-t-il les offres de la cour de Turin, qui desiroit l’avoir à son service après la mort d’Ivara. Il refusa encore les propositions qui lui surent faites, pour élever la façade de la cathédrale de Milan. Il ne voulut pas non plus aller à Naples, où on vouloit le charger de bâtir le palais de Caserte et l’hôpital général, qui depuis ont été construis sur les dessins du célèbre Van-Vilelli.

Salvi fut chargé par Auguste II, roi de Pologne, de lui faire le plan d’un théâtre dans le goût antique, avec un ensemble de salles ct de dépendances, non-seulement pour le spectacle, mais encore pour le jeu, les concerts et les bals.


Salvi donna trois projets pour la façade de Saint-Jean-de-Latran à Rome. Les compositions de ces frontispices présentent toujours deux ordres d’architecture avec portiques ; mais on préféra le dessin de Galilei.

Les travaux de la fontaine de Trévi, les contrariétés plus pénibles encore que ces travaux, les fréquentes visites qu’il étoit obligé de faire dans les conduits de l’aqua vergine, affoiblirent, dit-on, sa santé et affectèrent son tempérament, d’ailleurs fort délicat. Il tomba en paralysie ; mais il vécut encore cinq ans dans cet état de langueur, sans renoncer à son art. Ne pouvant plusse servir de ses mains, il fit encore dessiner par un de ses élèves trois projets, pour la façade de l’église des Saints-Apôtres. L’un de ces projets n’avoit qu’un seul ordre de colonnes ; les autres étoient à deux ordres, selon l’usage des portails de cette époque.

On a vanté l’honnêteté de Nicolas Salvi, ses mœurs et sa sincérité. Quoique naturellement réfléchi, il avoit il répartie vive et spirituelle. Le caractère de son architecture, malgré les incorrections qu’on y remarque, ne manque pas de simplicité, et a un certain agrément qui lui est propre.

SANESE (Georgio). On est souvent en peine de savoir sous quel nom placer, par ordre alphabétique, les artistes italiens du quinzième siècle. L’usage des prénoms et celui des sobriquets, ou encore des noms de pays, a fait, dans la suite, oublier les noms de famille. Ainsi, nous ne saurions dire quel nom fut véritablement celui de Francesco di Georgio Sanese. Taut est que cet architecte ayant été omis sous les deux premiers noms, nous avons dû lui donner place sous le dernier.

Georgio Sanese (c’est ainsi qu’on l’appelle le plus souvent) naquit en 1423, et mourut en 1470. Il étoit, dit-on, de la famille Martini devienne de Sienne ; et, selon l’usage de son temps, réunissant des talens divers, il fut sculpteur fort habile, amateur en peinture, bon ingénieur, et savant architecte.

C’est sous ce dernier titre qu’il est le plus connu, et il le doit au célèbre palais qu’il construisit, vers le milieu du quinzième siècle, à Urbin, pour le duc Frédéric de feltre. C’est un de ces monumens qui confirment l’opinion que le quinzième siècle, moins renommé aujourd’hui que le suivant qui recueillit toutes les gloires, doit, non-seulement les partager avec lui, mais peut encore lui disputer plus d’une sorte de prééminence. N’y eût-il que l’avantage d’avoir fait renaître, dans tous les arts, les grands principes de l’antiquité, d’avoir produit des modèles dont plusieurs n’ont point été égalés depuis, d’avoir aplani toutes les voies au retour du bon goût, le quinzième siècle peut encore se vanter d’avoir donné naissance à tous les maîtres qui ont formé les grands hommes du seizième.

L’architecture, surtout, lui fut redevable d’un grand nombre de monumens et d’édifices, qui ne furent point surpassés pour la grandeur de la masse, la simplicité des plans, la justesse des proportions et la noblesse de l’ordonnance. Tels furent ceux de Bruneleschi, à Florence, de Leon. Batista Alberti, à Rimini et à Mantoue ; tel fut le palais de Georgio Sanesa à Urbin, dans lequel on s’accorde à vanter, et le mérite de la décoration, et même celui de la distribution. On y trouve encore certaines parties d’escaliers d’une invention particulière, et d’une exécution ingénïeuse.

Ce palais est bâti en briques, et d’une extrême solidité. Sa façade se recommande plutôt par le grand caractère, que par un style élégant, soit dans les portes, soit dans la forme des fenêtres qui manquent d’une proportion agréable.

La principale cour est un rectangle, ou carré long, environné de portiques en arcades, soutenues par des colonnes isolées, de travertin d’une séule pièce. L’ordre est du genre de celui que les Modernes ont appelé composite, et la base en est attique. Au-dessus des arcades règne un entablement, qui porte un second ordre de pilastres corinthiens, entre lesquels sont disposées les fenêtres, de manière que leur ouverture correspond à celle des arcades du rez-de-chaussée. La masse est couronnée par un entablement, dans la division duquel on a pratiqué les fenêtres d’un petit appartement, et en retraite est encore un autre petit étage de service.

Le grand escalier est commode et spacieux. La salle principale a cent pieds de long et cinquante de hauteur. Elle est couverte par une voûte à lunettes. Toutes les pièces de ce palais, sont également voûtées.

Georgio Sanese fit les dessins et les modèles que lni demanda le pape Pie II, pour le palais de l’évêché de Corsiguano, sa patrie, à laquelle il donna et le litre de ville, et le nom de Pienza, qui étoit le sien propre.

SANGALLO (DA) GIULIANO et ANTONIO, architectes florentins. Le premier naquit en 1443 et mourut en 1517. Le second mourut eu 1534.

Si l’on a associé dans un même article ces deux architectes, c’est moins parce qu’ils furent srères, et qu’un même talent ainsi qu’un même goût dut les réunir dans les mêmes travaux, que pour éviter la confusion qui auroit pu naitre entr’eux, ou du moins entre l’un d’eux, et un autre Antoine Sangallo, leur neveu, qui, devenu plus célèbre, occupe un des premiers rangs dans l’histoire des architectes.

Le père de Julien et d’Antoine Sangallo s’appeloit François Giamberti, architecte de quelque mérite, qui vivoit sous Côme de Médicis, sur-


nommé le Père de la patrie, et grand-père de Laurent-le-Magnifique. Il fut employé par lui dans tous les travaux de ce temps. Quant à ses deux fils, il leur fit apprendre l’art de la sculpture eu bois, et la perspective, à l’école de Francione, artiste fort recommandable alors. Julien avoit les dispositions les plus heureuses pour réussir dans tout ce qu’on lui donnoit à entreprendie. On avoit voulu faire de lui un sculpteur. Il fit voir en peu de temps qu’il l’étoit, et les belles sculptures du chœur de pise déposent encore aujourd’hui-de la précocité, comme de l’excellence de son talent. Il lui survint bientôt une nouvelle occasion de montrer sa capacité, dans un genre fort différent. Laurent de Médicis eut besoin d’un ingénieur pour un siége qu’il avoit à soutenir. Julien de Sangallo devint ingénieur, et, qui plus est, excellent artilleur. Il perfectionna l’art de manœuvrer le canon, et servit les projets de Laurent au-delà de son attente. Aussi en reçut-il des témoignages de bienveillance, qui ne se bornèrent point à de vaines paroles.

L’architecture fixa enfin son goût el sa vocation : son premier ouvrage fut, à Florence, le cloître des Carmélites de Santa-Madalena de Pazzi. La partie qu’il en exécuta est celie où règne un ordre ionique. Il y copia un chapiteau antique, trouvé dans les ruines de Fiesole, et qui passoit alors pour être unique en son genre. Ce qui le distingue du chapiteau ionique ordinaire, c’est cette espèce de gorgerin ou de frise, qui se trouve entre le collarin el l’astragale ; c’est encore la sorme de la volute, qui descend jusqu’au collarin. Or, ces deux variétés sont précisément celles qui distinguent le chapiteau ionique que du temple d’Erechtée à Athènes. Julien de Sangallo avoit, donné une preuve de son goût, en faisant revivre ce mode élégant de chapiteau. Malheureusement la manque de sonds ne permit pas d’achever ce cloître.

Laurent de Médicis avoit appris à distinguer le mérite de Julien de Sangallo. Il n’hésita point de le préférer à ses anciens et à son maître, en voyant le modèle qu’il lui avoit commandé, en concurrence avec eux, pour le palais qu’il projetoit de faire bâtir, entre Florence et Pistoia, dans le lieu qu’on appelle Poggio a Caiano. Julien eut ordre de mettre sur-le-champ la main à l’œuvre. L’édifice qu’il exécuta, fit voir des choses alors nouvelles en architecture. Telle fut la voûte en berceau qui couronne la vaste salle de ce palais. Ou n’avoit, jusqu’à ce moment, osé en entreprendre de cette hardiesse. Laurent de Médicis n’en croyoit pas l’exécution possible, attendu la grande largeur du local. Julien, pour le rassurer, se mit à en construire une selon le même système de courbe, dans une maison qu’il bâtissoit pour lui-même à Florence. Enfin, l’ouvrage eut un succès complet, et procura à son auteur une grande réputation.

Le duc de Calabre lui demanda un modèle de palais pour Naples. Julien s’occupoit de ce travail, lorsque l’évêque d’Ostie, qui depuis fut pape sous le nom de Jules II, le chargea de restaurer les fortifications de cette ville. Julien perdit à ce travail deux années, et il chargea pendant ce temps, Antoine son frère, de terminer le modèle du palais de Naples ; mais Laurent de Médicis conseilla à Juliend’aller en personne le présenter.

Julien partit donc pour Naples avec son modèle. L’ouvrage eut un grand succès, et l’ordre fut donné d’en entreprendre sur-le-champ l’exécution. On en jeta les fondemens près de Castel-Nuovo. Cela fait, l’architecte demanda et obtint la permission de retourner à Florence. Le roi lui fit de riches présens en chevaux, en étosses précieuses, avec un vase d’argent contenant plusieurs centaines de ducats, Julien pria le roi de lui permettre de n’accepter ni l’or ni l’argent, dont son protecteur Laureut-le-Magnifique l’empêchoit d’avoir besoin ; que s’il plaisoit au roi de lui témoigner sa satisfaction d’une autre manière, il oseroit le prier de lui concéder quelques morceaux d’antiquité, à son choix. Julien eut alors la liberté de choisir une belle tête de l’empereur Adrien, une statue de femme nue, plus grande que nature, et un Cupidon endormi, tous morceaux de ronde bosse, dont il fit hommage à Laurent-le-Magnifique, aussi charmé delà nature du présent, que srappé du rare désintéressement de celui, qui avoit préséré les richesses de l’art à celles de la fortune.

Julien, de retour à Florence, fut chargé, par Laurent, de construire un vaste couvent pour cent religieux de l’ordre des frères ermites de Saint-Augustin. L’ouvrage de Julien obtint la préférence sur les projets de plusieurs autres. Il mit la main à l’œuvre, et l’édifice fut élevé hors de la porte Santo-Gallo. Ce fut là l’origine du nom sous lequel Julien fut connu depuis, et ce fut Laurent de Médicis qui, ayant pris l’habitude de lui donner ce surnom, la fit contracter à tout le monde. Julien se plaignit un jour à lui, en plaisantant, de ce que lui ayant fait perdre le nom ancien de sa famille, il reculeroit au lieu d’avancer dans le chemin de la noblesse. Il vaut mieux, lui répondit Laurent, qu’au lieu de recevoir un nom de ton ancienne famille, tu en donnes un nouveau, par ton mérite, à une famille nouvelle.

Malheureusement le nom de Sangallo n’a pusaire subsister ni même achever les entreprises qu’interrompit la mort de Laurent de Médicis. Le siége de Florence, en 1530, détruisit tout ce qui avoit été commencé du grand couvent, et au temps de Vasari, il ne restoit vestige ni de maison, ni d’église.

Un grand palais pour Giuliano Gondi, riche marchand florentin, eut encore le sort de ne ponvoir être terminé dans son entier. La mort du


propriétaire força Sangallo de le laisser inachevé. I’areille mésaventure arriva à plusieurs de ses ouvrages, que les troubles et les guerres de cette époque firent abandonner.

Après la mort de Laurent de Médicis, il se retira à Prato, où il construisit l’église de Notre-Dame-des-Priions. De-là il fut mandé à Lorette, pourterminer la coupole de l’église, dont on croyoit es piliers trop foibles pour supporter le poids d’une voûte. Sangallo prétendit que les craintes étoient mal fondées, et on le chargea de cette construction. Il fit venir de la pouzzolane de Rome, pour faire, avec de la chaux, le mortier propre à opérer la liaison des matériaux. L’ouvrage réussit en tout point, et la coupole, en moins de trois ans, fut terminée.

A Rome, Sangallo fut chargé, par le pape Alexandre VI, de restaurer le plasond de Sainte-Marie-Majeure. On dit que sa dorure fut faite avec le premier or qu’on transporta d’Amérique en Europe.

Le cardinal de la Rovère, le même qui, comme évêque d’Ostie, avoit autrefois employé les talens de Sangallo, lui fit faire le modèle du palais de San-Pietro in vincoli ; bientôt après, un autre modèle de palais pour Savone, sa patrie, où il vouloit que l’architecte allât lui-même entreprendre l’ouvrage. Mais Sangallo étoit retenu à Rome par Alexandre VI. Antoine, son frère, le suppléa dans ses travaux, et lorsque l’édifice tiroit à sa fin, Julien, d’après les instances du cardinal, se rendit à Savone, et mit la dernière main à la construction.

En retournant à Florence, qui étoit en guerre avec Pise, malgré le sauf-conduit qu’on lui avoit donné à Lucques, il fut fait prisonnier par les Pisans, et retenu pendant six mois, jusqu’à ce qu’il eût payé 300ducats.

Alexandre VI mort, et Paul II, qui lui succéda, ayant survécu de sort peu, le cardinal de la Rovère fut créé pape, sous le nom de Jules II. Julien de Sangallo conçut les plus grandes espérances. Le Pape, en effet, le reçut avec toutes sortes de caresses, et le chargea tout d’abord des premiers ouvrages qui se présentèrent. Dès-lors il étoit question entre Jules II et Michel Ange, de l’entreprise du célèbre mausolée, dont on a parlé ailleurs (voyez BUONAROTI). Sangallo la savorisoit aussi de ses vœux, et engageoit le Pape à construire une chapelle exprès pour un si vaste ouvrage, dont la vieille basilique de Saint-Pierre n’étoit plus digne (voyez, sur cet objet, les articles de Lazari Bramante et de Rossellino). Divers projets surent présentés pour cette chapelle, et enfin l’idée vint de saire un nouveau Saint-Pierre. Bramante étoit, sur ces entrefaites, arrivé à Rome. Il fut si bien s’introduire à la cour du Pape, cl se faire si bien venir de lui, qu’il l’emporta sur tous les concurrens, et fut chargé de la construction de la nouvelle basilique.

Sangallo, blessé de cette préférence, quoique le Pape l’eût associé à Bramante pour tous les autres travaux, retourna à Florence, non sans y rapporter un grand nombre de présens, dont le pontise avoit honoré son talent. Le gonfalonier Pierre Soderini, charmé de l’incident qui rendoit à Florence son habile concitoyen, se hâta de lui confier des travaux ; qui l’occupèrent pendant six mois. Bientôt une lettre du Pape redemanda Sangallo. Il fut obligé de revenir à Rome ; mais le Pape, qui croyoit l’employer comme architecture, l’obligea de le servir comme ingénieur, dans les guerres qu’il avoit à soutenir. Nouvelle demande de congé de la part de Sangallo. Enfin, le I’ape lui rendit sa liberté, et accompagna la permission qu’il lui donnoit d’en user, d’une bourse de cinq cents écus, l’assurant qu’il pouvoit toujours compter sur sa bienveillance.

Sangallo espéroit se reposer enfin dans sa patrie, mais les circonstances du temps ne permettoient le repos à personne. A peine arrivé, il fut employé par le gonsalonier Soderini, au siége de I’ise, à construire, sur l’Arno, un pont fort ingénieux, qui se levoit et s’abaissoit selon la hauteur des eaux, et offroit, dans ses assemblages, la construction la plus solide. Cet ouvrage contribua à la prompte reddition de Pise. Bientôt après, il fut chargé de bâtir avec la plus grande célérité la forteresse de cette ville, où se trouve aujourd’hui la porte d’ordre dorique, qu’on appelle la porte Saint-Marc.

Après Jules II, Léon X, son successeur, pensa à remplacer Bramante, que la mort venoit d’enlever, dans la place d’architecte de Saint-Pierre. Il jeta les yeux sur Sangallo, qui revit encore une fois Rome. Mais, affoibli déjà par son grand âge, et tourmenté de la pierre, il obtint aisément du pontife la dispense de se charger d’un tel fardeau. Il passa encore deux années à Florence. Il mourat à l’âge de soixante-quatorze ans ; mais il se survécut encore pendant plusieurs années dans la personne de son srère.

Antoine Sangallo commença aussi par la sculpture en bois, y acquit un rare talent, et se fit beaucoup d’honneur, surtout par ses grands crucifix, tels que celui du maître-autel de l’Annonciade, à Florence, celui des religieux de San-Gallo, à Saint-Jacques-des-Fossés, et plusieurs autres qu’on renomme.

Julien, son srère, ne tarda point à lui inspirer le goût de l’architecture, et à lui en communiquer le savoir. La grande pratique qu’Antoine avoit acquise dans le travail du bois, le rendoit surtout extrêmement propre au travail des modèles d’édifices, qu’à cette époque on faisoit en bois. Il fut d’un grand secours à son frère dans cette sorte d’ouvrage, et le suppléa encore en beaucoup de ses entreprises. Julien étant engagé dans les travaux du palais de Savone, se fit remplacer quelque temps auprès du Pape par


Antoine, qui fut en gagner les bonnes grâces. On lui confia les ouvrages de fortification qui ont fait du mausolée d’Adrien, une citadelle, puis, la construction du château-fort de Civita-Castellana.

Les deux frères se succédoient et se remplaçoient mutuellement dans les mêmes travaux, et auprès de leurs ordonnateurs. Ainsi quand Julien quitta Florence pour aller à Rome, il chargea Antoine de faire le modèle de la nouvelle forteresse d’Arezzo. Cela le mit en rapport plus intime avec le gouvernement florentin, qui lui confia la surintendance de toutes les fortifications. Il coopéra, avec son frère, à la construction du pout mécanique sur l’Arno, dont nous avons parlé dans l’article précédent.

L’ouvrage d’architecture plus remarquable d’Antoine Sangallo, fut l’église de Monte-Pulciano, qui est hors de la porte San-Biaggio, monument aussi remarquable par la beauté de sa construction en pierre blanche, que par la conception de son ensemble, et une rare perfection d’exécution dans toutes ses parties. De lui surent encore deux palais : l’un qu’il commença dans la même ville pour le cardinal Antonio del Monte ; l’autre, pour le même cardinal, à Monte San-Savino.

Il seroit trop long de rendre compte de tous les édifices dont il fit et donna les modèles, de toutes les villes dont il fit ou dont il augmenta les sortifications. Sur la fin de sa vie, il chercha le repos dans les douces occupations de l’agriculture, genre d’art plus sédentaire, et où il avoit acquis beaucoup de connoissances.

SANGALLO (Antonio), architecte florentin, mort en 1546. La date de sa naissance est incertaine.

Le talent dans les beaux-arts est rarement héréditaire : le génie n’est pas un bien de famille. Il y a cependant des exceptions en ce genre. La famille des Sangallo eu est une. Quatre de ses membres ont successivement illustré leur nom dans l’architecture ; car aux deux dont on a donné déjà l’histoire, il saudroit joindre Giamberti, leur père, qui eut aussi, dans son temps, sa réputation.

Antoine Sangallo, celui anquel est consacré cet article, ne tenoit que par sa mère à la famille des Sangallo, dont il prit le nom. C’étoit contracter l’engagement de devenir habile, car un grand nom impose de grandes obligations, Son père l’avoit destiné à la profession de menuisier ; mais le jeune Antoine avoit entendu parler de ses oncles maternels Giuliano et Antonio di Sangallo, et du grand crédit dout ils jouissaient dans l’architecture, à Rome. Il se rendit dans cette ville, n’étant encore architecte que par le désir de le devenir, et l’espérance d’y trouver les leçons et les exemples de ses parens. L’appui qu’il en attendoit lui manqua bientôt. Ses protecteurs naturels quittèrent Rome, et il fut obligé d’en chercher d’autres, qui ne manquent jamais, le travail et l’étude.

C’est par leur moyen qu’il se recommanda auprès de Bramante. Ce célèbre architecte étoit devenu paralytique ; cependant son esprit avoit conservé toute son activité. Il ne lui falloit qu’un antre corps, mais docile aux ordres da sa pensée, capable de recevoir et de transmettre toutes ses idées. Il trouva dans le jeune Sangallo, ce ministre fidèle, intelligent et zélé. Après beaucoup d’épreuves de son exactitude et de la rare facilité avec laquelle il savoit s’identifier à ses conceptions, il en fit son véritable substitut. Bramante continua ainsi jusqu’à sa mort à bâtir par les mains d’Antoine Sangallo.

L’occasion étoit belle à un jeune homme, pour se produire ; Bramante étoit le plus célèbre architecte, et le plus en vogue, qu’il y eût alors. Etre ainsi son suppléant, c’étoit se préparer à devenir un jour son successeur. Aussi eut-il bientôt une réputation qui fit présager ses succès futurs.

Ce qui lui fait réellement honneur, c’est qu’à l’école de Bramante, il devint très-habile constructeur, et l’on sait que la construction, ne fut pas le mérite principal de cet architecte. Les élèves sont si portés à imiter les défauts de leurs maîtres, qu’on sait déjà gré à ceux qui ne les outrent pas. Mais savoir en profiter pour les fuir, et se distinguer par les qualités contraires, est un effort assez remarquable. C’est ce que fit Antoine Sangallo, qu’on renomme à bon droit Pour un des meilleurs constructeurs qu’ait eu l’architecture.

Telle étoit déjà l’opinion établie sur son compte, que le cardinal Alexandre Farnèse (depuis pape sous le nom du Paul III), voulant restaurer son vieux palais de Campo di Fiore, s’adressa à lui pour avoir quelques projets. L’intention du cardinal alors n’étoit pas de faire un palais à neuf, encore moins de faire ce fameux palais Farnèse qui, à tout prendre, pour sa masse, sa régularité et la pureté de l’architecture, a tenu jusqu’ici le premier rang entre tous les grands palais. Heureusement le génie de Sangallo fut prophétique. Parmi les divers projets qu’il présenta au cardinal, il s’en trouva un que celui-ci adopta. Ce projet, commencé d’abord sur une moindre échelle, eut cela de particulier, qu’il fut susceptible, comme nous le verrons dans la suite, de s’agrandir et de pouvoir se prêter, sans qu’on détruisît l’ouvrage déjà fait, aux grandes dimensions qu’exigea bientôt la haute fortune des Farnèse.

Un des premiers ouvrages de Sangallo, à Rome, et que l’on ne compte point parmi les meilleurs, est l’église de la Madone de Lorette, place de la colonne Trajane. Il ne fut pas, au reste, l’auteur


des plans ; l’édifice fut commencé en 1507, lors qu’il n’étoit encore qu’élève. Vasari ne lui en attribue que l’achèvement et la décoration. Sur une masse carrée, et ornée de pilastres composites accouplés, s’élève une coupole à double voûte, dont le tambour est octogone, et paroît généralement trop élevé. L’intérieur du dôme, qui seul forme toute l’église, est également à huit pans. Le principal mérite qui recommande cette coupole, c’est d’avoir été la première construite à Rome, dans le système de double voûte. Elle a 45 pieds 6 pouces de diamètre intérieur, et 86 pieds 8 pouces de hauteur, jusqu’au-dessous de la lanterne. Le style général de cette architecture, ses formes et ses détails, ont de la lourdeur, et l’architecte Giacomo del Duca a enchéri encore sur ce caractère, par l’énorme et vicieuse lanterne dont il a couronné le monument.

Vers le même temps, Sangallo éleva un palais, que nous désignerons par le lieu qu’il occupe, faute de pouvoir indiquer le nom du propriétaire actuel, savoir, en face du palais de Venise. Il est peu considérable par sa masse, mais il l’est beaucoup par tout ce qui fait le mérite d’un semblable édifice. Dès l’origine, il fut réputé être le plus commode, le mieux distribué, le plus élégant dans ses intérieurs, de tous les palais de Rome. Quoique depuis cette époque, ce qu’on a le plus perfectionné, soit précisément cette partie de dispositions et d’agrémens intérieurs, le petit palais dont il s’agit, ne semble point avoir vieilli. On n’entend parler que de ce qui peut avoir rapport avec l’usage. Du reste, il est rempli de ces sortes de beautés, qui, non-seulement ne vieillissent point, mais qui sont saites pour rajeunir le goût de tous les siècles. Tel est le charme de ces beaux intérieurs où l’errin del Vaga a laissé des modèles de son talent inimitable pour la décoration. Il faudroit citer l’élégance des escaliers et des portiques de la cour de ce palais, et celle de sa façade simple, mais de cette simplicité qui est la vraie richesse de l’architecture, s’il est vrai qu’en ce genre, comme en bien d’autres, le faste de la parure ne soit trop souvent que le déguisement de la pauvreté.

Ce petit palais est un ouvrage classique pour les architectes. Chambranles de portes et de croisées, profils d’entablement, détails d’exécution, tout y est de ce beau style du siècle d’or de l’architecture moderne. On trouve cependant, et avec raison, les colonnes de la porte dorique d’entrée, montées sur des piédestaux trop élevés, et l’on fait aussi le même reproche aux colonnes des portiques de la cour.

Divers autres palais plus ou moins importans, qu’il seroit difficile d’indiquer aujourd’hui, de manière à les faire connoître, occupèrent Sangallo à Rome et dans les environs, et augmentèrent à la fois sa fortune et sa réputation.

Bramante mort, le pape Léon X lui avoit donné, pour successeur dans la construction de Saint-Pierre, Raphael, auquel fut bientôt adjoint Joconde. Julien de, Sangallo vint ensuite. Joconde quitta, Rome etJulien de Sangallo se trouva forcé par ses infirmités de regagner Florence. Personne alors n’avoit plus de droit qu’Antoine Sangallo de remplir une place qui le faisoit succéder à son oncle et à son premier maître. Aussi le cardinal Alexandre Farnèse n’eut point de peine à obtenir ce choix de Léon X. Cependant la construction de Saint-pierre ne fit pas de grands progrès sous sa direction. Il fortifia les fondations et les piliers de Bramante, mais toute la dépense s’enfouissoit en terre. La succession des architectes, produite par les circonstances, multiplioit les projets. Chacun faisoit un nouveau modèle, et l’indécision ne faisoit qu’augmenter. Nous parlerons plus bas du modèle exécuté par Antoine Sangallo. Tout magnifique qu’il soit, il ne put fixer les opinions, et on verra que, malgré, et peut-être a cause de sa magnificence, il n’y a point de sujet de le regretter.

Du reste, sous le rapport de ses moyens de solidité, le monument n’auroit pu tomber dans des mains plus sûres et plus expérimentées. Antoine Sangallo eut plus d’une fois à réparer les erreurs de ses contemporains. Il rendit cet important service au bâtiment des Loges du Vatican. Par trop d’égards et de complaisances pour des locataires du palais, Raphael avoit ménagé, dans les soubassemens de sa construction, beaucoup de caveaux et de vides, qui devoient en affoiblir les points d’appui. Aussi, peu de temps après sa mort, ces belles galeries, menaçoient ruine. Antoine Sangallo les reprit en sous-œuvre ; il remplit les vides, renforça les fondations, et redonna à tout cet ensemble une solidité qui, depuis lors, ne s’est point démentie. Beaucoup de parties du Vatican lui ont la même obligation. Il rensorça un des côtés de la chapelle Sixtine. Il agrandit la pièce qui’la précède, y ouvrit ces deux vastes fenêtres que l’éclairent, et en fit une des plus grandes salles que l’on connoisse. La chapelle l’auline lui doit aussi sa magnificence, et, par ses soins, toutes les parties du Vatican, au moyen d’escaliers ingénieusement pratiqués, se trouvèrent mises en communication avec l’église de Saint-Pierre.

En général, ces sortes du travaux, ne sont guère propres à indemniser, par beaucoup de gloire, l’architecte qui s’y livre. Cependant Sangallo se fit, et très-justement, un grand honneur dans la restauration de l’église de Lorette, la même dont Julien de Sangallo, son oncle, avoit três-habilement exécuté la coupole, mais en présumant trop bien de la solidité de ses piliers, construits par Julien de Mayano (voyez l’article précédent). Cependant l’an 1526, la


bâtisse, qui jusqu’alors n’avoit pas manifesté le moindre effet, vint à se lésarder et à s’ouvrir, non-seulement dans les grands arcs du dôme, mais dans tout le reste de l’église, au point de menacer d’une ruine inévitable et prochaine. Le mal provenoit des fondations qui n’étoient ni assez fortes, ni assez profondes. Antoine Sangallo, chargé par le pape. Clément VII de remédier à ce mal, se mit à étayer toute la construction et à soutenir toutes les arcades avec de sortes armatures. Il y resit des fondations, rensorça les murs et les piliers en dedans et en dehors. Après leur avoir redonné une solidité à toute épreuve, il profita de cette refaçon, pour changer et améliorer l’ordonnance générale, et resaire d’autres profils, un autre entablement, et il parvint, en lui redonnant une forme nouvelle, à rendre cette église, devenue son ouvrage, une des plus belles de l’Italie.

Nous dirons donc ici, avec Vasari, que restaurer ainsi, c’est créer, et même faire quelque chose de plus difficile. En effet, créer un édifice est chose naturelle, mais le ressusciter (ajoute-til), cela tient du miracle.

Antoine Sangallo étoit trop habile constructeur, pour n’être pas un grand ingénieur. Presque toute sa vie fut partagée entre les travaux d’architecure civile et ceux de l’architecture militaire. En fait de fortifications, son coup d’essai fut l’exécution de celles de Civita-Vecchia. Son projet eut l’avantage d’être préféré aux dessins des plus habiles ingénieurs, que le Pape avoit réunis. La citadelle d’Ancône, celle qui est à Florence, près de la porte à Prato ; celle de Népi, pour le duc de Castro, sont des monumens de son savoir, auxquels on pourroit en ajouter beaucoup d’autres, qui suffiroient chacun à la réputation des plus habiles constructeurs ; cependant nous n’en dirons rien, non plus que des sortifications de Pérouse, d’Ascoli, etc. Ces travaux d’architecture militaire font sans doute honneur à l’artiste ; mais ils n’annoncent que trop des époques ordinairement funestes à l’art.

Il en est peu qui aient été aussi désastreuses, et pour les arts, et pour les artistes, que celle de l’an 1527, où Rome fut prise, pillée et saccagée par les troupes allemandes. Les plus beaux monumens surent violés, beaucoup d’artistes périrent, et presque tous se dispersèrent. Clément VII se retira à Orviette avec la Cour pontificale.

Le manque d’eau se saisant éprouver dans la ville, Sangallo y construisit un puits, qu’on doit mettre en tête des plus beaux ouvrages de ce genre. Il est construit tout en pierres de taille, dans un diamètre de vingt-cinq brasses. Deux escaliers en spirale, pratiqués l’un au-dessus de l’autre, dans le tuf, conduisent jusqu’au fond les bêtes de somme qui vont y chercher de l’eau. Par l’une de ces pentes, elles arrivent jusqu’au pont, où on les charge, et remontant par l’autre sans être obligées de retourner en arrière, elles trouvent, pour sortir, une porte différente et opposée à la première. L’ouverture du puits est si spacieuse, que la lumière du jour s’y répand jusqu’au fond, de manière que les pentes ou escaliers adossés au mur, bâti circulairement, reçoivent un jour suffisant des fenêtres pratiquées dans tout sa hauteur. Ce grand et bel ouvrage ne fut pas complétement achevé sous Clément VII. Il restoit à terminer ce que nous appelons la mardelle, et les Italiens la bocca. Elle le fut sons Paul III, mais par un autre architecte, et d’après un autre dessin que celui de Sangallo.

Bossrand sait mention d’un puits semblable au château de Chambord. Ce sera probablement une imitation de celui d’Orviette ; car Chambord ne fut construit que long-temps après cette époque. Il y en a un du même genre à Turin.

Si la variété des talens d’Antoine Sangallo se prêtoit aux inventions les plus diverses, son activité, égale à son génie, lui donnoit les moyens de suffire à toutes. On a remarqué qu’il conduisoit à la sois des travaux dans cinq villes, savoir, les ouvrages de sortification à Ancône, de semblables à Florence, l’entreprise de la restauration dont on a parlé à Lorette ; à Rome, les travaux du Vatican et la construction du puits d’Orviette.

L’an 1536, cet enchaînement, inconnu aux hommes, de causes et d’effets qui leur semblent extraordinaires, et qu’ils appellent les jeux de la fortune, ramena l’empereur Charles-Quint triomphant de Tunis, et comme protecteur de la chrétienté, dans cette métropole du monde chrétien, que ses armées, neus ans auparavant, avoient traitée plus cruellement quen’auroient pu le faire les infidèles. Rome célébra son entrée par des fêtes magnifiques, et ce fut Antoine Sangallo qui fut chargé d’en faire et d’en diriger les décorations.

Il éleva sur la place de Venise, vis-à-vis le palais de Saint-Marc, un arc de triomphe, décoré, sur chacune de ses deux grandes saces, par quatre colonnes corinthiennes, qui supportoient un entablement saisant ressaut sur chacune d’elles. Entre les Colonnes étoient peints des bas-reliefs, représentant les plus belles actions de l’Empereur. Dans le haut, s’élevoient les statues des princes de la maison d’Autriche. Aux quatre angles étoient des figures de captifs. D’après les descriptions qui s’en sont conservées, ce monument temporaire offroit tous les détails et tous les ornemens réunis des plus beaux arcs antiques ; et le décorateur, libre d’employer les couleurs, pour donner, avec peu de frais, à chaque partie, l’apparence des plus beaux marbres et des métaux les plus précieux, en avoit fait un spectacle de Variétés, de richesses et de luxe, auquel la réalité de l’architecture ne sauroit jamais atteindre. Nonobstaut cet avantage, qui est le privilége de l’architecture feinte, on jugea que si le monu-


ment eût pu être exécuté avec les matériaux et les moyens ordinaires de l’art, on l’eût compté parmi ses chefs-d’œuvre. Mais il eut le sort des ouvrages de ce genre. Destiné à briller un moment, sa durée ne fut que de quelques jours, et il disparut avec les circonstances qui l’avoient fait naître.

Il n’appartient qu’à l’art de la gravure, de perpétuer les ouvrages de décoration, auxquels donnent lieu les fêtes publiques ; et les arts pourroient gagner plus qu’on ne pense à la conservation de ces productions éphémères de leur nature. D’abord, ce seroit un moyen de conserver de beaux exemples et d’utiles leçons, à ceux qui se trouvent chargés de semblables travaux ; mais on doit dire ensuite que l’histoire du goût et du génie des architectes, y trouveroit les meilleurs renseignemens. C’est, en effet, dans ces sortes d’inventions, que, libre de toutes les entraves de l’économie, qui restreint et tronque si souvent les plus beaux projets, l’imagination de l’artiste prend sans crainte tout son essor, et développe toutes ses richesses. Mais alors la gravure n’avoit pas encore pris son extension, et ne pouvoit point suppléer à l’insuffisance de l’histoire.

Un reproche qu’on est en droit de faire aux siècles qui ont suivi Sangallo, c’est d’avoir laissé à Rome, sans le terminer, un monument à peu près du même genre, mais réel, et de la construction la plus solide. Je parle de la porte dite di San-Spirito, qui termine la grande et belle rue de la Longara. Elle est construite en superbe pierre travertine, et arec une solidité qui ajoute au caractère énergique de son architecture. Vasari nous apprend qu’après la mort d’Antoine Sangallo, qui ne termina point cet ouvrage, l’envie, non-seulement s’opposa à son achèvement, mais essaya même d’en obtenir la démolition. Heureusement ces tentatives n’eurent aucun succès ; mais il est resté, jusqu’à nos jours, dans le même état d’imperfection. Une dépense légère suffiroit pour en compléter l’ensemble, et donner à l’architecture un des plus beaux modèles de porte qu’il y ait.

Antoine Sangallo construisit pour lui-même, dans la rue Grulia, un très-beau palais, qui depuis appartint au cardinal Riccio, et fut ensuite acquis et agrandi par la famille Sachetti, dont il a porté le nom jusqu’à nos jours. Sa façade se compose de deux étages, entre lesquels est pratiqué un plus petit (ou mezzanino). Chaque étage a sept fenêtres de sace ; au rez-de-chaussée, la porte occupe la place de la fenêtre du milieu. Les chambrantes des senêtres de ce rez-de-chaussée ont leur encadrement un peu trop chargé de profils, les consoles en sont lourdes et ont trop de saillie. Même observation relativement à la porte. L’ouverture des fenêtres du premier étage est un peu pyramidale. L’antiquité en offre des exemples, et Antoine Sangallo l’a encore pratiqué dans le rez-de-chaussée du palais Farnèse. Du reste, l’ordonnance générale et la disposition de la façade du palais Sachetti, sont d’un goût sage et régulier, et portent un grand caractère de solidité. Cet ouvrage se trouve dans le Recueil de Falda, mis au rang des plus remarquables palais de Rome.

Paul III (Farnèse) venoit de monter sur le siége pontifical. Jusqu’alors la construction de l’église de Saint-Pierre avoit été traversée par tous les genres de contre-temps imaginables. Disons-le même, cette entreprise, conçue si en grand par Bramaute, avoit été mal commencée par lui. Je ne veux point parler de la foiblesse de ses moyens de construction, à laquelle il fallut depuis remédier ; je parle de la minière incohérente et décousue, dont (peut-être par nécessité) on avoit procédé, dès l’origine, à la formation de l’édifice. Un monument d’une aussi grande étendue, composé de tant de parties faites pour se communiquer de la force et des appuis respectifs, auroit dû s’élever tout ensemble sur une fondation générale, et sur un plateau ou massif commun à toute la superficie. C’est le seul moyen d’éviter les inégalités de tassement dans les matériaux. Alors, toutes les parties montant ensemble, sont ensemble leur effet. Tous les arcs se bandant à la fois, s’arc-boutent l’un par l’autre. Il y a, dans la pratique matérielle de la bâtisse, une certaine unité de temps et d’action, aussi nécessaire que le sont, dans leur genre, les autres unités, Construire un édifice par morceaux détachés, est un inconvénient moins apparent, mais plus réel, que seroit celui de le projeter par fragmens séparés.

Tel fut cependant celui dans lequel tomba la construction de Bramante. Cet architecte se trouva en quelque sorte forcé de commencer, par la partie du monument qu’il auroit dû élever la dernière. Gêné par la vieille église de Saint-Pierre, qu’on ne voulut point abattre en entier, avant que la nouvelle fût en quelque sorte prête à la remplacer, il se mit à construire les grands arcs du dôme, sur des piliers isolés, au lieu qu’il n’auroit dû y procéder qu’après l’achèvement des arcs des ness qui devoient servir à les contrebutter. Probablement si l’on eût pris ce parti, il ne s’y seroit manifesté aucun effet, et il eût peut-être été suffisant de renforcer les fondations. Peut-être aussi, faute d’avoir sait cette observation, s’effraya-t-on, plus qu’on n’auroit dû, des lésardes survenues dans les piliers du dôme.

Sous Léon X, successeur de Jules II, Raphael, Joconde et Julien de Sangallo ne s’occupèrent que du soin de fortifier les fondations des piliers. Ce soin étoit utile et même indispensable, vu le manque de plateau dont on a parlé. Il fut résolu aussi de les grossir, quoiqu’ils eussent quarante-deux pieds de large à chacune de leurs deux grandes saces, et vingt-un d’épaisseur à l’ouverture


des arcs. Mais, comme, on l’a dit des trois premiers successeurs de Bramante, l’un mourut, et les deux autres se retirèrent sans avoir rien fait de décisif.

Balthazar Peruzzi et Antoine Sangallo leur succédèrent, et entreprirent, chacun dans leurs projets particuliers, de réduire à une croix grecque, ou à quatre croisillons égaux, le projet en croix latine de Bramante. Celui des deux qui, du reste, en conservoit le plus les dispositions de détails, étoit Balthazar Peruzzi. Léon X avoit adopté son plan.

Mais Léon X mourut en 1521, et avec lui les arts semblèrent aussi près de s’éteindre. Le règne d’Adrien VI fut un interrègne de dix-neus mois pour les artistes. La construction de Saint-Pierre éprouva une pareille suspension de travaux. Clément VII parut. C’étoit un Médicis : son nom seul devoit ressusciter les arts. Ils brilloient effectivement de nouveau, lorsque les catastrophes de son pontificat les replongèrent encore dans l’oubli, avec les travaux de Saint-Pierre, qui restèrent, non sans un notable préjudice, suspendus pendant près de douze années. Durant cet espace de temps, Peruzzi ne fil autre chose qu’achever la tribune, ou l’hémicycle du sond de l’église. Il mourut en 1536, et laissa Antoine Sangallo seul chef des travaux.

Tout présageoit à cet artiste l’honneur de terminer les indécisions, dont cette grande entreprise avoit enfin besoin de sortir. Celui qui pouvoit les résoudre (Paul III) le vouloit aussi. Il étoit le protecteur déclaré de Sangallo. Aussi lui commanda-t-il un modèle en relief, dont la grandeur et la dépense, annoncent que le Pape n’entendoit plus, qu’on marchât sans un but définitivement fixé.

Ce modèle qui nous est parvenu, et qu’on voit aujourd’hui dans une des pièces du Belvédère, fut exécuté en bois, sous la direction de Sangallo, par Antoine Labaco, son élève, et son travail coûta la somme de 5184 écus d’or. Il a 35 palmes de long, 26 de large et 20 de hauteur. Considéré comme travail de modèle, c’est un objet digne d’admiration. Quant au projet en lui-même, c’est-à-dire, sous le rapport de l’invention et du goût, il faut être d’accord avec Michel Ange, et avouer qu’il y a eu beaucoup à gagner de toute manière, à ne point l’exécuter.

De tous les projets de la basilique de Saint-Pierre, il n’y en eut pas de plus compliqué dans le plan, de moins simple dans l’élévation, et d’une décoration plus chargée, que celui de Sangallo. Tout en réduisant, comme l’avoit projeté Balthazar Peruzzi, comme le fit depuis Michel Ange, la croix latine du plan de Bramante, à la sorme de croix grecque, il prolongeoit son édifice par un vestibule démesuré, qui n’étoit rien moins qu’un temple mis en avant d’un temple. L’intérieur de ce dernier auroit été rempli de petites parties en renfoncement, de chapelles détournées, qui n’auroient fait qu’accroître la dépense, sans ajouter à la grandeur réelle ou apparente du vaisseau. Quant à l’élévation extérieure, c’est un composé de tout ce qu’on peut accumuler de membres, de détails, de ressauts, les uns à nôté des autres. Ce n’est qu’ordres sur ordres, portiques sur portiques, arcades sur arcades, masses sur masses, etc. ; toutefois chaque chose belle en soi. On croit voir que Sangallo auroit eu l’ambition de réunir le Panthéon, le Mausolée d’Adrien, le Colisée etc. Enfin, c’est une compilation de tout ce que l’architecture pourroit dire de grand et de beau, Cependant, au milieu de toute la pompe architecturale de ce modèle, ce que tout le monde observe du premier coup d’œil, c’est que le monument devient petit, que la coupole perd, avec sa forme l’idée de sa grandeur réelle, et que le frontispice du temple n’est autre chose qu’un château de cartes. On ne sauroit dire, en outre, à quel point cette complication de parties, en augmentant le travail de la main-d’œuvre, auroit aussi augmenté la dépense.

Michel Ange s’opposoit à l’exécution de ce projet, avec toute la liberté d’un homme qui ne prétendoit ni supplanter Sangallo, ni devenir en rien son rival. Forcé dans la suite de le devenir, il fit de son dispendieux modèle la critique à la fois la plus juste et la plus péremptoire ; ce fut un nouveau modèle qui nu coûta que 25 écus, et d’après lequel Saint-Pierre fut construit.

Ce n’est pas la seule démonstration, mais c’est une des plus remarquables, qu’en fait de bâtiment, le bon goût est presque toujours compagnon de l’économie. On a de Michel Ange une lettre, dans laquelle il développe tous les inconvéniens du projet de Sangallo, et Vasari nous apprend qu’il traitoit de gothique cet amas de clochers, de pyramides et de pointes dont il est hérissé.

Malgré toutes ces critiques trop bien fondées, on ne peut refuser, ainsi qu’on l’a déjà dit, au modèle de Sangallo, un fort grand mérite dans les détails. Chaque partie, prise séparément, dénote un excellent architecte. Tout y est empreint du meilleur style d’ajustement. Ce sont les formes de l’antique, chacune prise et imitée séparément avec beaucoup de talent. Pour ce qui est de la construction, Sangallo, dans ce modèle, s’y est montré homme supérieur, et il falloit l’être eu ce genre, seulement pour imaginer un plan aussi compliqué.

Du reste, Antoine Sangallo a singulièrement et puissamment contribué a raffermir et à consolider la construction de Bramante, et a préparer une solide asiette aux constructions postérieures. Tout en travaillant ainsi dans la vue de son projet, il n’a pas été inutile à celui de Michel Ange. La quantité de matériaux qu’il fit enfouir dans les fondations de l’édifice, fut prodigieuse. Si on en voyait l’étendue en dehors, dit Vasari,


l’on auroit peine à en concevoir l’emploi. Ces travaux cachés firent effectivement la fortune de Lorenzetto, qui en eut l’entreprise à tant la canne, comme nous dirions à tant la toise. Voilà ce que fit Sangallo pour l’avantage de la construction de Saint-Pierre. Su mort, survenue en 1546, contribua encore à faire abandonner son projet. Michel Ange devoit avoir l’honneur de triompher de toutes les irrésolutions, et d’être le véritable auteur du plus grand temple du Monde.

Mais Sangallo le fut d’un des plus grands palais de Rome, et du plus beau peut-être de-l’architecture moderne.

Je veux parler du palais Farnèse, dont on a déjà vu qu’il avoit jeté les fondemens, comme s’il en eût prévu le futur agrandis sèment. Le pape Paul IlI ne pouvoit plus donnen suite au projet qu’il avoit agréé, onétant que cardinal. Il n’y avoit encore d’élevé que la façade du côté de la place, jusqu’au premier étage, et un seul côte de la cour. Antoine Sangallo n’eut besoin, sans changer ce qui étoit fait, que d’agrandir son plan dans tous les sens. A l’intérieur, il augmenta la dimension des appartemens, des salles, de l’escalier, et il porta cet ensemble à la plus haute proportion qu’aient reçue les palais de Rome. Sous quelque point de vue qu’on embrasse l’ensemble de cette ville, du haut des collines et des monumens qui permettent à l’œil de parcourir les grandes masses de tous ses édifices, celle du palais Farnèse domine, et se détache toujours, comme une des plus imposantes. On trouve des palais de souveràins d’une beaucoup plus grande étendue. On voit dans divers autres édifices, des parties d’architecture plus riches, plus magnifiques et plus variées ; mais on ne citeroit peutêtre point un corps complet de bâtiment, plus régulier dans son plan, plus uniforme dans ses quatre faces, d’une construction plus soignée, d’une distribution mieux entendue, une cour environnée de plus beaux portiques, un tout mieux achevé, et plus d’accord tant dans l’intérieur qu’a l’extérieur.

Sangallo n’eut pas, à la vérité, l’avantage de terminer eu entier ce grand ouvrage. On sait que lebel entablement qui couronne le palais est de Michel Ange, qui achevea aussi, comme on l’a dit à son article (voyez BUONAROTI), le troisième ordre et l’élage supérieur de la cour. La grande Loggia, qui donne sur la rue Giulia, passe encore pour être l’ouvrage de Vignole. Mais avoir donné, le plan giénéral de ce grand corps d’architecture, le dessin de toutes les parties, l’idée première de tous les détails qu’on y admire, c’est avoir acquis, et au-delà, le droit d’en être réputé l’architecte. Ainsi, sans frustrer tous les continuateurs de cette entreprise, d’une part d’honneur qui leur appartient, c’étoit à l’article d’Antoine Sangallo qu’il convenoit d’en placer la description générale.

Le palais Farnèse forme un grand quadrangle de sent quatre-vingts pieds dans son petit côte, de deux cent quarante dans son côté le plus long.

Sa construction à l’extérieur est en briques, excepté les portes, les chambranles des croisées, l’entablement et la loggia sur la rue Giulia, qui sont en pierre traverline. Quant à l’intérieur de la cour, il est construit tout en entier de la même pierre, et dans aucun édifice on n’a porté plus loin la précision et la beauté de l’appareil, le choix et le travail de cette pierre. Vasari, dans son Traité préliminaire, a vanté l’excellence de cette construction, ainsi que la manière dont tous les détails y sont traités. Il est certain que, depuis les ouvrages des anciens Romains, rien n’a paru de plus parfait en ce genre. On doit dire même que la construction, sous le rapport de soin et de pureté, est supérieure dans le palais Farnèse, à celle de plus d’un édifice antique, tel, par exemple, que le Colisée, et elle peut entrer en parallèle avec celle du théâtre de Marcellus.

L’élévation extérieure est formée de trois étages ou rangs de fenêtres, en comptant celui du rez-de-chaussée, qui règnent de la manière la plus uniforme dans les quatre faces du palais. Cette symétrie n’est interrompue que parla loggia dont on a parlé, et sur une seule face. Quant à la face qui regarde la place, et qui est celle de la principale entrée, il n’y a d’exception à cette uniformité au premier étage, que pour la fenêtre du milieu qui est couronnée d’un écusson.

Les chambranles du rez-de-chaussée sont d’un caractère qui convient à cet étage, c’est-à-dire, d’un genre plus simple et d’une proportion plus courte que ceux de l’étage principal.

Ceux-ci sont du mode le plus riche que comporte l’architecture, c’est-à-dire, du genre des niches qu’on appelle à tabernacle. Ils se composent d’un encadrement accompagné de deux colonnes, dont les piédestaux ont en hauteur celle de l’appui des fenêtres. Ces colonnes d’ordre corinthien sont surmontées de frontons alternativement circulaires et angulaires. On a déjà parlé de la fenêtre du milieu de cette façade, et de sa différence ; elle n’est remarquable que par les quatre petites colonnes de marbre qui l’accompagnent, & par la suppression du fronton que remplace un écusson. Du reste, on ne citeroit nulle part une plus belle ordonnance d’étage, un plus bel accord et un ensemble plus régulier, dans toute la circonférence de cette grande masse.

Ce qu’on n’admire pas moins, c’est l’heureux espacement des étages, et des parties lisses sur lesquelles se détachent les bandeaux élégamment ornés, qui séparent et distinguent ces étages. L’architecte n’a pas négligé d’observer dans ces bandeaux, une progression de richesses qui vont toujours en croissant jusqu’à l’entablement.

Le troisième rang de fenêtres présente la même régularité d’ordonnance, et toutefois, dans leurs


chambranles, un choix de formes moins pures et de proportions mains sévères. Tout porte à croire que cet étage supérieur an dehors, comme on le sait de celui de l’intérieur de la cour, ne fut pas exécuté par Sangallo, et probablement ne le fut pas sur ses dessins. C’est précisément le goût sage, réguant dans tout ce qu’on sat avoir été son ouvrage, qui fait présumer qu’un goût différent du sien, aura imaginé ces fenêtres cintrées par le haut, sous un fronton dont la base est supprimée, et ces doubles consoles servant de support aux colonnes ioniques qui accompagnent les chambranles. Une recherche de variété sans motif, annonce déjà le style de l’école de Michel Ange.

On doit toutefois à ce dernier le grand et bel entablement qui couronne, avec autant de goût que de richesse, toute cette masse. On en a parlé à l’article de Michel Ange. Voyez BUONAROTI.

Tout ce qu’on vient de décrire appartient à la façade du palais qui donne sur la place, ainsi qu’aux deux faces latérales, qui participent, sans aucune exception, au même dessin, soit d’ensemble, soit de détail. La façade qui donne sur la rue Giulia, diffère des trois autres, seulement dans le corps du milieu, qui se forme d’un triple rang en hauteur d’arcades en pierres. L’ordre inférieur est dorique. Celui du premier étage est ionique, et la loggia de l’étage supérieur est une galeries ouverte par trois grandes arcades, dont les piédroits sont ornés de colonnes corinthiennes. C’est une répétition des trois ordres de la cour pour le goût, la forme et la dimension.

On ignore si cette loggia étoit entrée dans les projets de Sangallo, on si elle fut la suite de ceux de Michel Ange ou de Vignole, qui rachevèrent le troisième étage de la cour, ainsi que des vues d’agrandissement qu’avoit conçues le pape Paul III. Il est certain que, selon les intentions de ce Pontife, la façade principale du palais devoit être celle qui donne aujourd’hui sur la rue Giulia. Le seule décoration dont on vient de parler, l’annonce assez. Une seconde cour devoit, de ce côté, occuper l’emplacement où jadis étoit le bâtiment qui renfermoit le groupe (aujourd’hui à Naples) que l’on appeloit le Taureau Farnèse. Un pont devoit être construit dans cette direction, sur le Tibre, et établir une communication entre ce grand palais et celui qu’on appelle encore aujourd’hui la Farnesina, ouvrage de Balthazar Peruzzi.

Autant l’extérieur du palais Farnèse présente de sagesse et de simplicité dans l’ensemble de sa masse, et la disposition générale de ses parties, autant, lorsqu’on entre dans sa cour, les portiques quiy conduisent et ceux qui l’environnent, et l’architecture de tout cet intérieur, offrent de richesse et de magnificence. Le porche d’entrée du côté de la place est du genre le plus noble. Deux rangées de colonnes en marbre, isolées, au nombre chacune de six, élevées sur des piédestaux, soutiennnent une voûte en plein cintre, richement ornée de caissons. Les deux rangs de colonnes forment, de chaque côté de l’allée principale, deux allées collatérales plus petites. Des colonnes engagées dans le mur, répondent aux colonnes isolées, et leurs entre-colonnemens ont des niches.

Le quadrangle de la cour a, entre les colonnes des portiques, quatre-vingt-trois pieds d’étendue dans chacun de ses côtés. Son élévation se compose des trois ordonnances dont nous avons vu la répétition, dans le corps du milieu de la façade du palais, sur la rue Giulia, Deux rangs d’arcades en portiques ouverts, avec galerie circulant à l’entour, forment le rez-de-chaussée et le premier étage. Le rang inférieur des portiques est en piédroits avec colonnes doriques, dont la frise est ornée de triglyphes et de métopes, où sont sculptés des symboles divers. Il n’y a guère d’architecture mieux traitée, plus correcte et plus classique. On remarque cependant que les piédroits de ces portiques ont comme une double imposte l’une au-dessus de l’autre, particularité dont il y a peu d’exemples. Quand on en cherche la raison, on voit que cette imposte se compose, non-seulement des profils des chapiteaux de la colonnade d’entrée, mais encore de ceux qui en forment l’entablement et la corniche.

Le second rang de portiques est aussi en arcades et piédroits occupés par un ordre ionique. La frise est ornée de festons continus. C’est pour la beauté de la construction, la correction des formes et la pureté d’exécution, le même goût et la même manière. Vasari a prétendu que cet étage fut construit par Michel Ange. Rien cependant ne dénote une utre main ; rien surtout n’y indique le moindre changement de direction. S’il saut admettre la notion de Vasari, ce sera en reconnoissant que le dessin de cet étage, étant arrêté, et peut-être aussi sa construction étant déjà avancée, Michel Ange, en le terminant, ne put que continuer le projet de Sangallo.

Il n’en est pas de même du troisième ordre formant le second étage au-dessus de celui du rez-de-chaussée. Cet étage n’est plus en portiques et galeries ouvertes. Il présente la devanture d’une façade percée de croisées, dont les trumeaux sont décorés de pilastres corinthiens. Il y a, dans cet étage, toutes sortes de caractères indicatifs du style de Michel Ange et de son goût d’ajustement. On ne sauroit y méconnoitre le genre maigre et alongé de ses chambranles, les petits détails capricieux des ornemens de leurs frontons, et cette pratique de ressauts ou de pilastres doublés, dont on trouveroit difficilement des exemples avant Michel Ange.

On feroit un article beaucoup trop long, si, après avoir parcouru les détails de l’architecture extérieure du palais Farnèse, on prétendoit, entrer dans ceux de sa distribution intérieure. Elle présente partout l’intelligence d’un architecte consommé, qui sait réunir, à la régularité des lignes, la commodité des dégagemens dont, selon les mœurs de chaque siècle, les habitations ont besoin. Tout, au palais Farnèse, est taillé en grand : c’est un palais toujours digne d’être habité par un prince. Quoique, depuis long-temps, il soit resté inoccupé, par le hasard qui a transporté au roi de Naples tous les biens de la famille Franèse, et quoiqu’une grande partie de ses richesses intérieures en ait été enlevée, on y admire toutefois encore la magnifique galerie peinte et décorée par Annibal Carache, et qui a servi de type et de modèle, à toutes celles qui ont été faites depuis dans le même genre.

Mais, comme on l’a déjà dit, l’architecture de la cour du palais Farnèse est restée aussi, dans son genre, la plus parfaite imitation du style antique de construction, qui résulte de l’alliance des colonnes avec les arcades. Ce style plus lourd, sans doute, et moins élégant, mais beaucoup plus solide que celui des colonnades, est, par cette raison-la même, préférable, lorsqu’il s’agit d’élever plusieurs étages les uns sur les autres. Le bel effet et la durée de cette méthode de construire, sont prouvés par les restes encore aujourd’hui si durables des théâtres et des amphithéâtres antiques. La cour du palais Farnèse rivalisera toujours avec ces monumens de l’art et du génie de l’ancienne Rome.

De temps immémorial, il a régné des différends entre les habitans de Term et ceux de Narni, au sujet du lac de la Marmora, et du débouché qu’il falloit donner à ses eaux, les uns s’opposant aux opérations que les autres sollicitoient, et réciproquement. Cette contestation, qui remonte aux temps les plus anciens, se reproduisoit de temps en temps, et on n’avoit pu réussir a en empêcher le renouvellement. Paul III chargea Sangallo de cette commission difficile. Il l’accepta, quoiqu’infirme et âgé. C’étoit au milieu des plus grandes chaleurs, qu’il se livroit aux travaux de cette opération difficulteuse. Il fut surpris d’une fièvre qui, en peu de jours, termina sa vie.

Son corps fut transporté de Terni à Rome, et après de pompeuses obsèques, auxquelles assistèrent tous les artistes et un grand nombre d’autres personnes, il fut déposé près de la chapelle du pape Sixte, dans l’ancien Saint-Pierre, et cette épitaphe fat placée sur son tombeau.

Antonio Sancti Galli entino, urbe muniendâ ac publ, operibus prœcipueque D. Petri templo ornan, architec facile principi, dùm Velini lacus emissem parat, Paulo Pont. Max, auctore, lnteramne intempestivè extincto, Isabella Dela mœstiss, posuit 1546. III. Kalend octobris.

SANMICHELI, né à Vérone en 1484, mort en 1549.

L’Italie dut à plus d’une cause, dont on ne parlera point ici, cette primauté, mais surtout cette priorité ; qu’elle a obtenue snr toutes les nations de l’Europe, dans un grand nombre de travaux d’art et de science. Il est certain que jamais elle ne cessa de voir luire quelque rayon de cette ancienne lumière, dont elle avoit été jadis le foyer, et dont le reste de l’Europe n’avoit recu que des lueurs fugitives, bientôt obscurcies dans la nuit du moyen âge. Partout, le sol de l’Italie moderne avoit conserve des débris de la magnificence de l’ancienne. Sa langue même, dialecte dégénéré du latin, avoit continué de mettre ses nouveaux habitans, en rapport avec les traditions et les counoissances de l’antiqueite ; et lorsque la chute de l’empire d’Orient ent fait resluer chez elle les savans de Byzance, les Italiens se trouvèrent initiés a la culture, des lettres grecques, lorsque partout ailleurs on’en ignoroit les élémens.

La division de l’Italie moderne, morcèlee en petits états rivaux et jaloux les ans des autres, y produisit encore une émutation qui y multipliales esforts en tout genre, Plusieurs de ces petits états florissoient par le commerce, quand le commerce étoit ou inconnu ou dédainage dans les plus grands royaumes. Il n’y eut point jusqu’à l’art de la guerre, qui ne dut alors une sorte de persectionnement aux querelles sans cesse renalssantes de ce grand nombre de villes limitrophes, Il est avoué depuis long-temps que l’Italie ent même l’lionneur de changer et d’améliorer, dans le seizième siècle, tout le système de la fortification des places ; et Sanmicheli fut l’auteur de cette révolution.

Si son talent s’étoit borné à cette science, si l’on n’avoit á remplir son article que de l’énumération des bastions qu’il éleva, des citadelles ou des remparts dont il changea le système, et de ces travaux dont la solidité doit saire le principal mérite, nous aurions laissé aux trairés du génie militaire, le soin de faire valoir, avec l’étendue nécessaire, les services qu’il a rendus à l’art de la défense des places.

Mais Sanmicheli sut, comme beaucoup d’architectes de son temps, et même beaucoup mieux qu’aucun d’eux, réunir aux profondes connoissances de l’ingénieur militaire, à la science la plus consommée dans la construction, le talent, le goût et le génie de figurer dans la première classe des grands architectes du seizième siècle, dont il fut peut-être le plus habile comme constructeur ; et il a de plus le droit d’être encore vanté dans les travaux de simple construction, pour avoir su y porter, avec un succès très-rare et une habileté particulière, le génie de l’architecte.

Il y auroit, dans la réalité, deux notices histo-


riques à faire sur lui, comme il y avoit en lui deux artistes, dont un seul eût pu prétendre à la plus grands célébrité.

Nous ne nous proposons toutefois que de retracer, dune inamere fort abrégée, l’ensemble des mérites et des travaux de Sanmicheli, et, pour ne point établir trop de confusion dans leur description, nous traiterons d’abord succinctement des ouvrages d’architecturé militaire, qui occupèrent une si grande partie de sa vie, réservant le reste de cet article aux ouvrages qui sont plus spécialement l’objet de ce Dictiontraire.

Sanmicheli eut pour preariers, maltres son péreet son oucle, tres-bons architectes, mais dont Il devoit, par la suite, surpasser le urerite et dès-lors éteindre la réputation. Il apprit d’eux les éléments de l’architecture ; bientôt son génie lui fit pressentir qu’il y avoit line école supérieure à celle des maitres de son temps, et que les maîtres de cette écote étoient les moumens de l’antiquité, dont l’amphithéâtre de Vérone lui avoit déjà révélé l’ existence et la vertu. A l’age de seize ans il quitta sa ville natale, pour aller apprendre son art dans les édifices de l’ancienne Rome. Il en étudia les principes, les formes et le goût, et il se les appropria, non-seulement par les dessins qu’il en frt, par les mesures qu’il en prit, mais par cette étude raisonnée qui en approfondit la théroie, et cherche dans l’effet de chaque ouvrage, la cause qui le lui fait produire. Ainsi parvint il en fort peu de temps à acquérir, tant dans Rome, que dans les pays voisins, la réputation d’un architecte consommé.

Il l’augmenta par les travaux, dont nous parlerons plus bas, à la cathédrale d’Orvietto, par la construction de l’église de Monte-Fiascone, et par d’autres ouvrages pour des particuliers, qui attirèment sur lui l’attention de Clément VII. Ce Pape, au milieu séntoit le besoin de fortifier le plus grand nombre des villes de l’Etat ecclésiastique, et surtout Parme et Plaisance, plus exposées que les autres, et par leur éloignement de Rome, et par leur proximité avec les puissances belligérantes. Il chargea de ces soins importans Sanmicheli, et il l’associa à Antoine Sangallo. Tous deux s’acquittèrent de cette pénible mission à l’entière satisfaction du Pontife. Ainsi, Sanmicheli se trouva porté dans un genre de travaux qui dévoient un jour immortaliser son nom.

Il eut, après plusieurs années qu’exigea de lui cette commission, le desir de retourner dans sa patrie pour revoir sa famille, et aussi dans l’intention d’examiner les forteresses de la république de Venise. Il visita Trévise et Padoue, sans autre vue que d’en étudier, sous le rapport de l’art, les constructions militaires. Le gouvernement vénitien lui soupçonna d’autres projets, et le fit arrêter comme espion. L’examen de sa conduite et de sa personne ne tarda pas a démontrer qu’on s’étoit mépris. Non-seulement on lui rendit la liberté, mais on le pria de s’attacher au service de la république. Il a’en excusa, alléguant qu’il étoit pour l’instant retenu par ses obligations envers le Pape ; mais il promit qu’avant peu, il chercheroit à se dégager pour venir servir sa patrie. Il tint parole, et obtint du Pape son congé, autant par ses prières que par les pressantes sollicitations de Venise.

Sanmicheli, dès-lors, se voua avec une grande ardeur à la science et aux travaux de l’architecture militaire.

C’est, dans le fait, a lui qu’est due l’invention au nouveau système de la fortification des places. L’honneur cependant ne lui en a point été attribué pendant long-temps. Cela s’explique par le changement survenu dans l’importance politique des nations, qui devinrent le théâtre des plus grandes guerres, lorsque l’Italie cessa de peser dans la balance des puissances belligérantes de l’Europe.

Avant Sanmicheli, tons les boulevards se bâtissoient en forme circulaire ou carrée. Le premier, il abandonna cette méthode ; il en introduisit une nouvelle, en changeant la forme des bastions, qu’il fit triangulaires ou pentagones. Deux angles sont formés par la rencontre des flancs avec les courtines, deux autres par les flancs et les faces, et le cinquième enfin, par la rencontre des deux faces. Il imagina les chambres basses des slanes, qui non-seulement doublent le feu des défenses, mais qui flanquent ou défendent toute la courtine et la face du bastion voisin, nettoient la fossé, le chemin couvert et le glacis. Le secret de celte construction consistoit à trouver le moyen, que toutes les parties de l’enceinte de la place sussent défendues par les flancs des bastions. Dans la méthode opposée, celle des bastions circulaires ou quadrangulaires, tels qu’on les faisoit, leur front, c’est-à-dire, l’espace qui reste dans le triangle formé par les tires des bastions latéraux, se trouvoit sans défense.

C’est là la découverte de Sanmicheli. Vauban, dans la suite, et beaucoup d’autres ingénieurs, n’ont fait autre chose que la modifier.

Sanmicheli construisit à Vérone cinq ou six bastions, dans le système qu’on vient d’exposer, et depuis près de trais cents ans, ils subsistent avec la même solidité. Ce fut en 1527 qu’il éleva le premier de tous, celui qu’on appelle le bastion de la Magdeleine. C’est de cet ouvrage que datent la fin de l’ancienne manière de fortifier les places, et le commencement de la nouvelle. Encouragé depuis par sa propre expérience, il s’enhardit par de nouveaux esforts, et marcha de plus en plus vers la persection. On le vit, d’après ses principes, fortifier Legnano, Orzi-Nuovo et Castello. Ces travaux reçurent une approbation universelle de la part des hommes instruits, et surtout du duc d’Urbin, capitaine-général des


troupes de la république de Venise. C’étoit à qui emploieroit Sanmicheli. François Sforce, duc de Milan, eut quelque peine à obtenir des Vénitiens trois mois de son temps, qu’il fut payer libéralement, et par des présens et par des honneurs.

Sanmicheli visita une seconde fois toutes les places fortes, et tous les châteaux des Etats de Venise. Il en répara les anciennes fortifications, et en améliora partout le système. Ce fut sur ses plans que surent exécuté les ouvrages de Zara en Dalmatie, par son neveu, le même qui éleva la superbe forteresse de Saint-Nicolas, à l’embouchure du port de Sebenico. Comme la république de Venise étoit alors en guerre avec les Turcs, Sanmicheli fortifia avec le plus grand soin Chypre, Candie, la Canée, Retino et Na poli de Romanie. Tous ces ouvrages furent, pendant long-temps, l’écueil où vint se briser la puissance Ottomane.

Mais le monument le plus remarquable du savoir de Sanmicheli, est la forteresse de Lido, qui est à l’entrée du port de Venise. On jugeoit impossible de fonder solidement une masse aussi énorme dans un terrain marécageux, battu continuellement par les vagues de la mer et par le flux et reflux, Toutefois, il en vint à bout avec un rare succès ; il y employa la pierre d’Istrie, si propre à résister aux intempéries des saisons. Celle masse est si bien construite, qu’on la prendroit pour un rocher taillé par l’art. Son appareil au dehors est en bossages. Son intérieur devoit présenter une très-belle place, qui n’a point été terminée.

Sanmicheli avoit trop de mérite, et trop d’admirateurs, pour n’avoir pas aussi des envieux. Ceux-ci publièrent alors que la grosse artillerie, dont cette forteresse devoit être garnie, en auroit infailliblement causé la ruine si l’on s’en fût servi. Sanmicheli demanda, avec instance, que l’on y conduisît les plus sortes pièces de l’arsenal de Venise, pour en garnir les embrasures, et qu’on en sit tout à la fois une décharge générale. On résolut de faire l’expérience. Ces terribles décharges ne produisirent d’autre effet que de publier la gloire de l’architecte, et la honte de ses détracteurs. Aucun indice de lésarde ou de désunion ne se manisesta dans la moindre partie de la construction. De pareilles critiques, lorsqu’elles manquent de fondement, ne servent qu’à accroître la réputation de ceux qui en triomphent. Celle de Sanmicheli ne fit que s’augmenter et s’étendre, au point que l’empereur Charles-Quint, et François Ier. , désirèrent se l’attacher, ainsi que Jean, son neveu ; mais tous deux préférèrent de servir leur patrie.

L’histoire de l’architecture, dans les beaux siècles de l’Italie, nous montre, ainsi que le sait voir la vie de ses plus célèbres artistes, qu’alors le même homme réunissoit, dans une théorie et une pratique communes, toutes les parties de l’art de bâtir, qui depuis se sont isoléeè, et que mous voyons aujourd’hui divisées entre plusieurs professions, sans contact les unes avec les autres. Ce qu’on appelle le génie militaire, le savoir de l’ingénieur civil, celui des routes et des ponts, l’art même de tracer des jardins, semblent être aujourd’hui des arts qu’il seroit interdit de pratiquer ensemble, avec celui de l’architecture proprement dite. Nous n’entrerons point dans les raisons qui ont pu faire aux gouvernemens modernes la loi de séparer, par des institutions distinctes, l’exercice de toutes ces parties d’un même art ; mais no ne pouvons nous empêcher de faire remarquer le résultat de cette distinction, dans l’exercice et la pratique de chacune de ces branches.

Il devoit en arriver ce que nous voyons qui arrive effectivement, au grand détriment de l’architecture. C’est que les uns, livrés uniquement à la construction, à ses procèdes pratiques, et au matériel de l’art, ne portent plus, dans ce qu’ils bâtissent, ni goût, ni sentiment des belles proportions, ni aucune idée de richesse décorative, tandis que les autres, bornés trop souvent aux spéculations de l’architecture, en dessins et en projets, restent presqu’étrangers à ces notions positive de la construction, que la pratique seule fait acquérir.

L’exemple de Sanmicheli, à la fois ingénieur civil et militaire, en même temps qu’architecte, va nous montrer l’accord de toutes les parties de la science et de l’art, dans ses ouvrages, et l’appui qu’elles se prêtoient. Nul ne fut plus grand constructeur dans ses monumens de pure architecture ; nul ne fut mieux faire entrer le charme de l’architecture dans des travaux de pure construction.

C’est ce qu’il pratiqua avec un rare succès, dans les portes d’entrée des bastions et sortifications des murs de ville. Le maréchal de Vauban enseigne, avec tous les ingénieurs modernes, que les portes doivent être placées dans le milieu des courtines, entre deux bastions, et qu’elles doivent servir en même temps de cavalier. Longtemps auparavant, Sanmicheli avoit établi ce principe, et l’on en trouve les résultats dans tous ses ouvrages. Témoins les portes de Vérone, aussi recommandables aux yeux de l’ingénieur, qu’à ceux de l’architecte.

La porta nuova, la première qu’il fit construire, est un édifice carré, dont l’intérieur est soutenu par plusieurs rangs de gros piliers de pierre de taille. Il y a des corps-de-garde, des pièces pour l’artillerie et tous les engins militaires, le tout disposé avec autant de goût que de noblesse. Les deux faces sont ornées d’un ordre dorique, dans les plus belles proportions. Tout y a un caractère grave et robuste, tel que le comporte un semblable monument. La façade extérieure a son mur embelli de deux pyramides de marbre engagées,


et qui s’élèvent du fond du fossé. Les deux extrémités de la saçade intérieure communiquent à deux galeries voûtées, par où l’on descend dans les souterrains. Deux escaliers fort ingénieux sont pratiqués aux angles du bâtiment, qui est couvert de dalles de pierre, en recouvrement l’une sur l’autre. Le tout est surmonté d’une sorte de loggia, soutenue par de petits piliers de pierre, pour couvrir les soldats et les munitions de guerre.

On jugea dans le temps, qu’il ne se pouvoit rien imaginer de plus parsait que l’ensemble architectural de cette porte. Sanmicheli prouva, peu de temps après, le contraire, dans ta construction de la porta del Palio. Elle est en marbre blanc, et décorée d’un ordre dorique. On y compte en dehors huit colonnes cannelées, d’une hauteur considérable et d’un seul bloc. Cet édifice ‘renferme de vastes chambres pour les soldats, et de grandes pièces pour contenir les munitions nécessaires. Du côté de la ville, s’élève une grande galerie, dont les murs sont intérieurement en bossages avec pilastres, au dehors en colonnes d’ordre dorique, sans base, engagées dans la façade de la moitié de leur diamètre. Un bel entablement dorique règne tout alentour, et couronne l’ensemble de la construction. Celte porte plaisoit tellement à Sforce Pallavicini, général des troupes vénitiennes, qu’il prétendoit qu’en Europe on ne citeroit pas un plus bel édifice.

On doit aussi faire mention de la porte de Saint-Zénon, composée par Sanmicheli dans un style sévère et riche tout à la fois. C’est encore un monument quadrangulaire, orné de colonnes doriques, réparties sur des montans en bossages. Quoique belle et d’un très-beau genre, elle est inférieure aux deux dont on vient de parler.

Nous renverrons, au reste, le lecteur qui voudroit avoir plus de détails sur ces beaux ouvrages de Sanmicheli à la Verona illustrata de Massei, qui s’est plu à en donner des descriptions trèsétendues. Nous n’avons cité quelques-uns de ces travaux de l’art de la fortification des places, embellis par le goîit des plus nobles compositions, que pour faire voir comment, aux beaux siècles de l’architecture, toutes les parties de la science et de l’art de bâtir se trouvoient réunies dans la théorie comme dans la pratique, et pour montrer que Sanmicheli, modèle des constructeurs et des ingénieurs, le fut aussi des plus habiles architectes vénitiens. , dont il eut la gloire d’être le prédécesseur, ce que va nous prouver la notice abrégée de ses ouvrages d’architecture civile.

Ses premiers travaux, comme on l’a dit plus haut, en ce genre, furent à Orvietto, dont les habitans l’appelèrent pour lu faire architecte de leur célèbre cathédrale, qui a occupé les talens d’une foule d’artistes renommés. Ceux de Monte Fiascone le chargèrent de la construction de leur. principale église. C’est un dôme à huit pans d’une très-belle proportion. Ce dôme ou cette coupole constitue taute l’église, et sorme un ensemble des plus élégans. Monte-Fiascone renferme encore plusieurs petits palais d’un excellent goût d’architecture, dont les portes et les senêtres sont du meilleur style, et qu’on croit avoir été bâtis sur les dessins de Sanmicheli.

Mais c’est surtout ; à Vérone, sa patrie, qu’il paroît avoir consacré avec prédilection son lalent. Un des premiers et des plus agréables ouvrages qu’il y sit, fut, dans San-Bernardino, la chapelle Guareschi. C’est un petit temple circulaire, Orné d’un ordre corinthien. On y voit quatre Rensoncemens ; trois sont pour des autels, la porte occupe le quatrième. Quatre niches avec statues ornent les intervalles de ces renfoneemens. Les autels, les piédestaux, les srontons, leurs corniches, tout se consorme à la courbe du cercle parsait que décrit cet intérieur. Le jour y entre par quatre ouvertures flanquées de deux colonnes. De ces huit colones, quatre ont des cannelures perpendiculaires, et quatre eu spirale, seulement dans les deux tiers supérieurs de leur sût. Rien de plus parfait que l’exécution des sculptures en ornements de ce petit temple. C’est là surtout qu’il faut admirer la beauté de cette pierre particulière aux environs de Vérone, la plus précieuse que l’on connoisse après le marbre blanc, pour la couleur, la finesse, et la plus propre au travail du ciseau par sa fermeté. On la nomme bronzine, parce que, lorsqu’on la travaille, elle résonne comme le métal. Cette belle chapelle ne fut point terminée sous les yeux de Sanmicheli, que d’autres occupations appelèrent ailleurs, et l’absence de sa surveillance su fait remarquer, dans plusieurs, abus et. défauts, qui Causèrent à son auteur de vifs regrets. On l’entendit plusieurs fois se plaindre avec ses amis, de ce qu’il n’étoit pas assez riche, pour acheter ce monument, et le soustraire à l’avarice du propriétaire, qui, par une vile épargne, gâtoit ses idées et altéroit son invention.

Il faut citer de Sanmicheli, divers autres ouvrages, tels que :

La façade de Sainte-Marie in Organo, qui appartient aux Olivetains de Vérone, dont il n’a sait que donner le dessin : l’exécution n’eut lieu qu’après sa mort ;

La belle église de Notre-Dame, dite in Campagina : c’est une rotonde périptėre, ou environnée extérieurement de colonnes ; le plan en est des plus heureux ; l’exécution livrée à d’autres mains, ne répondit point à la beauté de la composition ;

Le projet d’un lazaret, dont l’économie gâta encore l’ordonnance et le bel ensemble ;

Le campanile de l’église du couvent de Saint-Georges, dont on confia la bâtisse à, un constructeur ignorant, et qu’il fallut ensuite reconstruire à nouveaux srais ;

Les travaux qu’il entreprit pour renforcer les


murs de l’église de Saint-Georges, et sur lesquels il parvint à élever, arec la plus, grande solidité, la coupole qu’on y admire aujourd’hui ;

La chapelle des Conti della ‘Torve, dans leur maison de campagne, édifice en forme de temple circulaire.

Le mausolée du procurateur de Saint-Mare, Contarini, dans l’église de Saint-Antoine à Padoue, est un ouvrage où Sanmicheli, sortant d pratiques ordinaires des sépultures de son te pe conçut l’idée, moins d’un tombeau, que d’un monument honorifique, dans lequel l’architecture et la sculpture, unissant leurs moyens, ‘ se plurent à retracer, par des trophées, des statues, des symboles et emblêmes’ divers, les exploits militaires du général vénitien.

Vérone a conservé plusieurs palais dont l’architecture est de Sanmicheli, et dont Maffei, dans sa Verona illustrata, a sait dessinor les façades, d’une dimension suffisante pour démontrer que, si cet architecte fut profiter des exemples que lui ossrirent ses prédécesseurs à Rome et a Florence, il peut et doit passer pour avoir servi lui-même de modèle, aux maîtres de la grande école vénitienne, qui l’uni suivi.

On ne sauroit douter que Sanmicheli ait étndié dans les belles et nobles ordonnances de palais exécutés avant lui, par les Bramante, Balthazar Peruzzi, Jules Romain, Sangallo, etc. , ce grand genre de masses simples et imposantes, cette heureuse application desordres et des détails de l’architecture antique, aux sormes et aux besoins des habitations. On retrouve, en esset, dans les compositions de ses façades, la même richesse de style, la même vartété d’ornemens, le même emploi des resends et des bossages, les mêmes dispositions et les in mêmes espacemens de fenêtres, les mêmes couronnemens, enfin la même régularité de profils. On diroit de même que ce sont des restes d’édisices antiques. D’autres architectes, et surtout Palladio, ont pu se distinguer par des plans plus variés et plus nombreux, part des compositions plus ingénieuses et plus élégantes, mais Sanmicheli aura toujours, dans sa patrie, l’avantage d’y avoir le premier introduit le beau style de l’architecture civile.

Le palais Canossa est vanté par Maffei, pour la commodité de ses distributions intérieures. Sa saçade ossre peut-être le défaut d’une division trop égale dans sa hauteur, entre l’étage du rez-de-chaussée, orné de bossages, qui sert de soubassement, et l’étage où est l’ordonnance principale. Disons même que ce soubassement est plus élevé que ce qu’il supporte. Un ordre de pilastres corinthiens accouplés règne entre les fenêtres cintrées de l’étage principal, et divise aussi celles du mezzanino qui est au-dessus. On prétend que plus d’un changement moderne a gâté certaines dispositions de l’intérieur, et en a altéré les belles proportions.

Une disposition de façade plus harmonieuse est celle du palais Bevilaqna ; l’étage à rez-de-chaussée est d’une proportion mieux adaptée à un soubassement. Il se compose d’un portique en arcades, dont les piédroits sont ornés de pilastres doriques. Le tout est taillé en bossage ; l’entablement supporte un balcon continu. L’étage supérieur est percé de trois grandes fenêtres en arcades, entremêlées de quatre plus petites cintrées, et au-dessus desquelles sont les petites fenêtres d’un mezzanino. Une ordonnance de colonnes corinthiennes, très-également espacées, décore et divise avec beaucoup de régularité cet étage. On observe, que de ces colonnes, les unes ont des cannelures perpendiculaires, les autres les ont en spirales. Cette particularité déjà été remarquée à la chapelle Guareschi. Etoit-ce de la part de Sanmicheli une recherche inspirée par le goût de la variété ? L’entablement de ce palais est lourd, et s’éloigne de la pureté ordinaire du style de l’architecte. Aussi croit-on que cet ouvrage, comme beaucoup de ceux qu’il sit, ne fut pas terminé par lui.

Mais il nous semble qu’entre toutes les façades de palais dont Massei a publié les dessins celle du palais Pompei se recommande singulièrement par l’ensemble. simple et harmonieux de son ordonnance, par l’unité de sa composition, et le beau rapport de toutes les. parties entr’elles. Un sort bel ordre de portiques ou d’arcades, formant les fenêtres de l’étage principal, a ses piédroits ornés de colonnes doriques, ayant chacune un socle qui repose sur les piédestaux placés entre les balcons de chacune des ouvertures. Au sommet du bandeau de chaque arcade, est sculpté un mascaron. L’entablement a. une frise avec triglyphes et métopes, et une corniche d’un caractere conforme au style dorique. De petites ouvertures sont pratiquées au-dessus de l’entablement, et en retraite, de manière à ne faire aucunement partie de cette façade. L’ordre de portiques servant de fenêtres, avec les colonnes dont on vient de parler, repose sur un soubassement très-simple, d’un goût sort mâle. Il est percé, de même par au rang égal d’arcades a bossages. Six de ces arcades sont des seutres, la septieme ou celle du milieu est l’ouverture, de la porte.

Sanmicheli ne se répète dans aucune de ses compositions de palais. Il sait en diversifier les aspects, les sormes, les ordonnances et les détails, sans sacrifier à aucun caprice. C’est toujours son style et sa manière, mais aucune de ses inventions ne ressemble a l’autre ; on croit voir même qu’il y chercha plus de variété que ne l’avoient fait ses prédécesseurs, li paroit encore avoir affectionné l’emploi des arcades, soit dans les soubassemens, soit, pour les ouvertures des fenêtres. Dans le palais Masfei, il se plut cependant à réunir les doux formes, et sa façade


est peut-être l’assemblage le plus complet des divers genres de richesses, que peuvent recevoir de pareils édifices.

L’étage inférieur, servant de soubassement, est en arcades à bossages très-saillans, et les colonnes qui viennent en avant des piédroits, sont également traversées par des bandeaux de bossages, dans le goût de ceux du palais Pitti. Il est visible qu’ici Sanmicheli a pris modèle sur les palais de Florence. Le premier étage de ce palais est du genre le plus noble qui puisse être appliqué à un palais. Un ordre de colonnes corinthiennes se détache sur les trumeaux à bossages des fenêtres, dont les chambranles sont surmoutés de srontons, alternativement angulaires et circulaires. L’entablement qui couronne cet étage porte une ringhiera ou balcon continu, lequel règne au-dessous d’un étage attique extrêmement orné. Les fenêtres de ce petit étage ont un encadrement sort simple, mais les trumeaux qui les divisent reçoivent des cartels, et au milieu de chaque trumeau s’élève, en manière de terme, un atlante, qui supporte un entablement, lequel profile sur le chapiteau de chacun de ces atlantes. On désireroit, sans doute, dans le couronnement de ce palais, la suppression d’une frise enrichie de sculpture, au-dessus de l’entablement dont on a parlé ; car, si l’on compte encore la balustrade ornée de statues, qui fait l’amortissement désinitif de cette masse, on est obligé d’y reconnoître une cumulation dé parties, qui ajoute à la hauteur, sans augmenter la grandeur morale, et une redondance d’ornemens qui augmente le luxe sans ajouter à la vraie richesse.

Cette critique, que nous croyons fondée, pourroit bien, au reste, ne pas tomber sur Sanmicheli. Nous avons en effet observé déjà, d’après les renseignemens conservés par l’histoire, que les grands et nombreux travaux qui, en des genres si divers, occupèrent sa longue et laborieuse vie, l’empêchèrent souvent de mettre là dernière main à plus d’une sorte d’entreprise.

La seule énumération de ses ouvrages seroit la matière d’un long article. Obligés di choisir dans celui-ci, entre tant dé palais et d’édifices, quelques uns des plus notables, nous ne pouvons encore nous empêcher de citer, avec Vasari, le célèbre palais Soranzo, construit à Castel-Franco, entre Padoue et Trévise, sur le territoire de Venise, et qu’on répute une des plus grandes, des plus belles et des plus commodes habitations de campagne qu’il y ait dans un pays peuplé de demeures, qui rappellent le luxe et la richesse des anciens patriciens de Rome.

L’aristocratie n’est peut-être pas le gouvernement le plus favorable a ces vastes entreprises de l’art de bâtir, que la puissance seule des monarques peut concevoir et exécuter ; mais il n’en est pas qui fournisse à l’architecture des palais de ville et de campagne de plus nombreuses occasions, des motifs mieux en rapport avec ce degré de grandeur sans ostentation, de richesse sans trop de pompe, qui convient aux familles patriciennes. C’est encore dans le gouvernement aristocratique, que ces familles distinguées ont le plus d’intérêt à perpétuer leur existence ; et les palais auxquels s’attache leur nom, deviennent tout naturellement les monumens les plus conformes à celte honorable ambition. On ne sauroit dire ce que, dans toute l’Italie, l’architecture moderne a dû au principe politique dont on vient de retracer l’influence ; et peut-être les changemens survenus dans les idées et les mœurs des temps modernes, suffisent-ils pour nous rendre compte de l’etat de pénurie et de mesquinerie où l’architecture se trouve aujourd’hui partout réduite.

Venise, entre tous les Etats de l’Italie, est peut-être celui, où se montrent avec le plus d’évidence les effets du principe politique de l’aristocratie, dans leur rapport avec l’architecture. Sanmicheli y a laissé, dans plus d’an palais, des monumens de son talent, et de ce goût d’architecture appliqué aux habitations, dont il semble y avoir donné les premiers modèles, si bien imités depuis, et peut-être surpassés par Palladio, (Voyez ce nom. ) Tels sont les deux palais qu’il fit pour la famille des Cortari, l’un à Piombino, l’autre dans Venise même, près l’église de Saint-Paul ; tel le palais de la maison de Bregadini, qu’il restaura, et dont il embellit tous les intérieurs.

Mais on s’accorde à mettre au premier rang de ses ouvrages le palais Grimani à Venise, un des plus magnifiques de cette ville. La dépense de sa construction fut prodigieuse ; il est situé sur le grand canal, près de l’église de Saint-Luc, et c’est undes monuments les plus remarquables, entre tons ceux dont l’architecture a décoré les deux rives de ce canal, qui est, en quelque sorte la grande rue d’une ville bâtie, comme par enchantement, au milieu des eaux de la mer. Sanmicheli eut encore le malheur de ne pouvoir terminer cette grande entreprise ; la mort le surprit au milieu de sa construction, et là comme dans plus d’une autre occasion, il arriva que les continuateurs, par la manie d’améliorer, altérèrent le projet qu’ils auroient dû respecter.

Sanmicheli, comme on doit le penser, ne put satisfaire à ses innombrables entreprises, sans l’aide de quelque coopérateur habile et intelligent. Il fut assez heureux pour trouver cette ressource dans un élève, qui etoit son neveu, nommé Jean-Jérôme, sujet distingué, qui, s’étant livré surtout aux travaux des fortifications, lui fut de la plus grande utilité, le suppléa dans beaucoup d’entreprises, et sur lequel il pouvoit se reposer avec confiance, de tous les soins et détails pratiques de la construction. Jean-Jérôme est cité


comme ayant, non-seulement pris part aux grands travaux militaires deSanmicheli, mais comme seul auteur, lui-même, de plusieurs de ceux qu’on lui attribue. Son mérite personnel fut tellement reconnu, que le gouvernement vénitien lui assigna un traitement égal à celui de son oncle, et sa réputation s’étoit accrue an point qu’on le jugeoit même supérieur à lui, dans certaines parties de la construction militaire. Nul alors ne l’égaloit dans l’art de lever les terrains, de dresser les plans, de faire les modèles en relief, nonseulement des constructions, mail des sites même où l’on devoit bâtir.

Sanmicheli jouissoit, avec une extrême satisfaction, des succès d’un neveu dont la réputation rejaillissoit sur celui qui l’avoit formé, et dont la rave activité lui permettoit le repos dont sa vieillesse avoit besoin ; cependant il eut le malheur de le perdre. Jean-Jérôme avoit été envoyé dans l’ile de Chypre, pour en visiter les fortification. Les fatigues qu’il eut à essuyer, et les grandes chaleurs de l’été, lui causèrent une fièvre pernicieuse, qui l’enleva en huit jours, à l’âge de quarante-cinq ans.

Cette mort fut très-sensible au Sénat. Elle lui enlevoit un sujet que personne ne pouvoit dignement remplacer. Mais la plus grande douleur fut celle de Sanmicheli qui perdoit dans ce neveu son soutien, et la dernière espérance de sa famille. Malgré les efforts qu’il fit pour vaincre ou cacher sa douleur, et peut-être par ses efforts même, il fut en peu de jours attaqué de la maladie qui le mit, au tombeau. Son corps fut porté dans l’église de Saint-Thomas, dont il avoit donné le modèle.

Sanmicheli fut de ce petit nombre d’hommes, chez lesquels les qualités du caractère et du cœur se trouvèrent à légal des dons de l’esprit et de l’imagination. Son humeur étoit grava, mais toutefois mêlée d’enjouement. Religieux par principe et par inclination, il n’entreprenoit aucun ouvrage sans faire chanter une messe solennelle, pour invoquer à son appui l’assistance d’en haut. Généreux et obligeant sans mesure, ses amis disposoient de sa fortune comme lui-même. Irreprochable dans ses mœurs, il mena une vie constamment exemplaire, et Vasari raconte, que tourmenté par le souvenir d’une liaison, que dans sa jeunesse il avoit eue à Monte-Fiascone, avec la femme d’un tailleur de marbre, dont il avoit obtenu les faveurs, et sachant que cette femme, devenue pauvre, avoit une fille dont il auroit pu être le père, il lui envoya 50 écus d’or pour la marier. La mère eut beau le dissuader et lever tous ses soupçons à cet égard, illa sorça de garder la somme. La république de Venise voulut plus d’une fois le combler de faveurs, mais il conjura le Sénat de les reporter sur ses neveux. Ses qualités morales le firent chérir, autant que ses talens le firent admirer de tous ses contemporains, et Michel Ange ne prononçoit son nom qu’avec vénération.

SANSIO. —— SANZIO. Nom patronimique de Raphaël. Voyez RAPHAEL.

SANSOVINO. Voyez TATTI.

SANTI DI TITO de Borgo San Sepolcro, né eu l538, mort en 1603, fut un des bons architectes de son époque.

Venu fort jeune à Florence, où il étudia la peinture, dans l’école principalement d’Agnolo Bronzino, il se fit une grande réputation, par un nombre considérable d’ouvrages répandus en diverses villes, et dont an peut voir le détail, dans la notice assez étendue qu’en a donnée Baldinucci.

Selon l’usage presqu’universel de son temps, Santi di Tito réunit le savoir et la pratique de l’architecture, à ses antres talens. Le biographe dont on vient de parler, se contente du citer, sans en donner de description, un certain nombre d’édifices qu’il construisit, mais qui ne paroissent point avoir acquis ce degré de célébrité qui, dans un siècle fécond en grands talens, fait briller d’un éclat particulier un petit nombre de noms, au détriment de beaucoup d’autres. Il y a aussi pour les œuvres de l’architecture, je veux dire pour leur célébrité, et pour celle de leurs auteurs, un certain bonheur attaché, soit à la destination des ouvrages, soit à la position des lieux qu’ils occupent, soit à l’illustration des personnages pour lesquels ils sont exécutés.

Le plus grand nomltre des travaux d’architecture de Santi di Tito ne paroît pas avoir joui de ces avantages, si l’on en juge par la courte énumération qu’en fait Baldinucci. Ce fut, dit-il, sur son modèle que fat construite, pour les Spini, à Peretola, une villa dans un plan octogone. Il travailla pour Augustin Dini à Ciogoli, pour les Corsini, à Casciano, á Monte Olivetto, dans la villa des Strozzi, appelée il Boschetto, à Monte Venturini, au grand autel de la paroisse. Dans Florence il construisis diverses habitations, du nombre desquelles fut sa propre maison, rue delle Route, où il mourut.

Selon Baldinucci, l’architecture de Santi di Tito quoiqu’un général, dans plusieurs de ses ouvrages, on puisse lu recommander sous le rapport d’une bonne proportion, passoit pour offrir une manière où l’on ne trouvait ni grande invention, ni magnificence : Che non tiens gran cosa del nuovo e del magnifico.

It nous semble qu’on en portera le même jugement, en jetant les yeux sur la façade du palais Dardinelli a Florence, que Ruggieri a fait entrer dans sa Scella di Architettura civile tom 3, pl. 59 et 60. On voit dans cette ordonnance un genre grave et simple, des fenêtres d’une bonne proportion, avec des détails fort corrects ; mais tout cet ensemble, n’importe par quelle raison, et peut-être aussi, par le manque d’un couron-


nement, par une distribution ingrate de pleins et de vides, ne présente à l’œil aucune harmonie qui soit propre à le fixer et à lui plaire.

SAPINES, pl s. f. . Solives de bois de sapin, Qu’on scelle de niveau sur des tasseaux, Quand on Veut tendre des corbeaux pour Ouvrir les terres et dresser les murs.

On fait des planchers de longues sapines, et un se en SERT also Dans les échafaudages.

SAPPER, v. act. C’est abattre par sous-œuvre, et par le pied, soit un mur avec des marteaux, des masses et pinces, soit une bute, eu l’achevalant et l’étrésillonnant par-dessous, avec des étais et des dosses, qu’on brûle ensuite par le pied, pour faire ébouler le tout.

Sapper se dit aussi de l’action de faire sauter une masse quelconque par le moyen d’une mine, c’est-à-dire de la poudre à canon.

On appelle sappe, soit l’ouverture que l’on pratique pour faire écrouler une masse quelconque, soit l’action même de Sapper.

SARCOPHAGE, s. m. Ce mot composé de deux mots grecs, sarcos, chair, et fagein, manger, indique la consomption des corps qui a lieu dans les caisses où l’on renferme les morts.

Le sarcophage, quant à sa forme, est une caisse le plus ordinairement parallélépipède, comme : le sont les cercueils modernes, ct comme le suient bien certainement ceux qu’originairement on fît en bois. Chez les peuples où la conservation des corps se lioit étroitement à certains dogmes religieux, le premier luxe des tombeaux fut celui de la solidité. On y chercha le moyen de les mettre, autant que possible, à l’abri de la violation et de la destruction (voyez SEPULCRE, SEPULCRETUM, TOMBEAU, PYRAMIDE) ; la vanité et l’orgueil vinrent ensuite ajouter à ce luxe celui de la richesse et de la magnificence.

Aux cercueils en bois succédèrent donc les caisses d’une matière plus solide. On en fil en terre cuite, en pierre, en marbre, en porphyre, et l’antiquité nous eu a transmis de toutes ces sortes. Leur forme est en général la même, parce qu’elle leur étoit commandée par un type invariable. Leurs diversités les plus ordinaires consistent dans leur dimension et dans leurs couvercles. On trouve des sarcophagesd’une telle largeur, qu’évidemment ils forent destinés à renfermer deux corps l’un à côté de l’autre Les différences de hauteur sont moins Sensibles ; cependant il y eu a d’une assez grande élévation, mais proportionnée à leurs autres dimensions. Les couvercles qui fermoient les sarcophages de marbre, consistaient quelquefois dans une seule dalle de la même matière ; quelquefois ces couvercles prennent la forme d’une sorte de toiture, qui se termine par des frontons ; d’autres fois aussi on les d’autres surmontés des figures mêmes des personnages, représentés vivans et couchés sur des sortes de matelas.

Il n’entre point dans le sujet d’un Dictionnaire d’architecture de parcourir et de décrire, même en abrégé, toutes les variétés d’ornenens, de figures, de bas-reliefs historiques, mythologiques ou allégoriques, qui furent, sur les surfaces des sarcophages une source inépuisable pour la sculpture, de travaux, d’inventions, de compositions plus ou moins remarquables. L’usage des sarcophages en marbre étant devenu, à ce qu’il paroît, extrêmement commun pourles gens riches, il dut arriver, ce qu’un grand usage amené amène naturellement, que le commerce s’en empara, et que les ouvriers en ce genre tinrent des approvisionnements de caisses plus ou moins dispendieuses, pour satisfaire à tons les degrés de fortune. On voit encore sur plus d’une de ces caisses, l’espace du milieu de leur devanture, rempli par un médaillon représentant un personnage, dont la tète est restée en masse, destinée à être terminée d’après le portrait de celui pour qui on eu feroit l’acquisition. Le nombre infini de sujets de composition qui se trouvent répétés sur les saces des sarcophages, semble bien ans i donner à entendre qu’il n’y avoit souvent aucun rapport entre les sujets de ces bas-reliefs et le personnage qui y fut renfermé. Au reste, les nombreuses considérations auxquelles les sculptures des sarcophages antiques peuvent donner lieu, sont, connue on l’a déjà dit, étrangères à l’architecture.

Ce qui peut regarder cet art en fait de sarcophages, doit se réduire à certaines imitations, qui s’y trouvent fréquemment répétées. des formes, des détails et de la décoration des édifiées. Tantôt on voit leurs surfaces ornées de cannelures en spirale ; tantôt elles offrent les profils, les moulures des piédestaux el des corniches, et l’ou en voit qui sont couronnées par des frises remplies de figures, Le beausarcophage en pierre travertine, trouvé au tombeau de Scipion, a le haut de sa surface antérieure orné des triglyphes et des métopes de l’ordre dorique. Souvent des colonnes placées aux angles donnent l’idée d’une ordonnance architecturale. Quelquefois le champ antérieur se trouve distribué en portiques formés par des colonnes, entre lesquelles s’élèvent des statues. Les couvercles, on l’a déjà dit, ne sont parfois autre chose que des froutons, soit triangulaires, soit arrondis, et se terminant à leurs angles par ce qu’un appelle les cornes, qu’on voit à un grand nombre de nippes et d’autels. Il se trouve encore de ces couvercles, qui non-seulement. sont des imitations de fumions, mais dont la sommité est taillée dans tentes ses faces, de manière à figurer les tuiles des toitures.

Il y a enfin sur les sarcophages et parmi les sujets que la sculpture y a représentes, beaucoup de monumens d’architecture figurés avec plus ou moins d’exactitude. Ce n’est pas là, sans doute,


que l’architecte trouvera des modèles pour l’art. mais toujours y peut-on rencontrer des renseignemens qui, comme ceux des édifiées gravés sur les monnaies, peuvent fournir, pour l’histoire des variétés de l’architecture, quelques autorités plus ou moins plausibles, et servir de documens propres à suppléer les ouvrages et les exemples que le temps a détruits.

SAS, s. m. Sorte de tamis, de figure cylindrique, formé d’une toile ou réseau de crin, par les trous de laquelle passe la poussière des corps. Plus le tissu de ce réseau est serré, plus est fine la poussière des corps que l’on tamise.

Ainsi, lorsque le plâtre a été concassé et battu, on le passe d’abord à la claie, ce qui donne une poussière composée de très-gros grains. Quand on veut avoir du plâtre plus fin pour les enduits, ou les ouvrages délicats, on le passe dans des sas ou tamis dont le réseau est plus ou moins serré.

SAS. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est un bassin placé sur la longueur d’une rivière, ou d’un canal, bordé de quais, et terminé par deux écluses situées à l’endroit d’une chute qu’on suppose naître de la pente du terrain, et appropriées de manière qu’on peut se rendre maître de la dépense des eaux, et de la hauteur où l’on veut les élever dans le sas. Ces écluses servent à faire passer les bateaux de la partie d’amont dans celle d’aval, et réciproquement de la partie d’aval dans celle d’amont.

Si l’on veut faire passer un bateau d’une rivière basse dans une rivière liante, on l’introduit dans le sas, après quoi on forme les portes de l’écluse. Aussitôt on ouvre les portes de l’échue opposée, afin que l’eau qui patte par les guichets remplisse le sas jusqu’au niveau de lu rivière du côté d’amont. Alors le bateau monte au-dessus de la chute, et les portes île l’écluse étant ouvertes. il passe dans la rivière dont les eaux étoient plus élevées. On recommence ce jeu des écluses autant qu’il y a de bateaux à faire passer. C’est ainsi que les bâtimens de mer passent, à Ostende, du port dans le canal de Bruges, et de ce canal au port, à quelque hauteur que soient les marées. Ce sas est un des beaux ouvrages d’architecture hydraulique qu’il y ait.

SATYRUS. On associe ordinairement le nom de cet architecte avec celui de Pytheus, et on leur attribue la construction du célèbre tombeau de Mausole. (Voy. Pytheus. ) Cependant, comme il paroît que ce dernier n’a fait que terminer par une pyramide de vingt-quatre degrés surmontés d’un char de victoire, la masse de ce grande tombeau, on doit croire que Satyrus fut le seul auteur de l ‘ouvrage, qui ne recouper qu’après coup le couronnement pyramidal de Pytheus. (Voyez la description de ce monument au mot Mausolée.)

SAVONIÈRE, s. f. Grand bâtiment sur la forme de galerie, ou L’fait sur le savon. Il Contient des réservoirs à huile et soude, des cuves et fourneaux à rez-de-chaussée. Aux Étages Supérieurs Sont Les mises pour figer le savon et les Séchoirs pour le Sécher.

SAUTERELLE, s. f. Instrument composé de deux règles de bois, de même longueur, et assemblées par un de leurs bouts, en charnière, comme un compas, de sorte que les jambes étant mobiles, il sert à prendre et à tracer toutes sortes d’angles. On l’appelle aussi fausse équerre ou équerre mobile.

SAUTERELLE GRADUÉE. C’est une sauterelle qui a autour du centre d’un de ses bras un demi-cercle divisé en cent quatre-vingts degrés, dont le diamètre est d’équerre avec les côtés de ce bras ; en sorte que le bout de l’autre bras étant coupé en angle droit jusqu’auprès du centre, marque, à mesure qu’il se meut, la quantité de degrés qu’a l’ouverture de l’angle que l’on prend. On la nomme aussi récipiangle.

SCABELON, s. m. Vient du latin scabellum, qu’où Traduit en français par le mot escabeau. D’après fils étymologie, le scabelon seroit non marche-pied, meuble de Commodité Aujourd’hui, jadis Qui FUT Un signe d’honneur, et Qui, Comme tel, Étroit réservé aux siéges Qu’on Appelle Trônes. AINSI en trouve-t-on a toutes les divinités représentées sur des antiquités Trônes.

Sur Donne also CE nom à des Espèces de socles, de Quelque forme Qu’on les Fasse, et destiner Qu’on A être des supports de bustes, de candélabres, etc.

SCAGLIOLA (scaiole). Ce mot désigne, en italien, la pierre spéculaire ou sélénite, dont on forme des panneaux ou des tables, auxquels on donne, par le moyen de pâtes coloriées qu’on y incruste, l’apparence des marbres les plus précieux.

Ce procédé est devenu le rival de celui de la mosaique, et de celui qu’on appelle comesso. Il peut même arriver à rendre l’effet de certains tableaux d’ornement, d’architecture, de paysage, etc. Mais il ne faut pas confondre ces diverses sortes de procédés.

L’art de la scagliola, qui se nomme aussi mischia, du mélange des couleurs qu’on y emploie, a pour but d’imiter jusqu’à un certain point la peinture. On prépare à cet effet une table de stucblanc, composé de gypse ou de sélénite calcinée et réduite en poussière très-fine, mêlée avec une forte colle. On trace sur cette table le dessin des ornemens ou des figures qu’on veut rendre sensibles. Ensuite on enlève la matière avec un outil tranchant, et l’ou remplit le vide de ces traits ainsi creusés,


avec des pâtes du même stnc, mais diversement colorées, selon la nature des sujets à exprimer.

La table qui reçoit cette peinture par incrustation, étant rie la même matière que celle qu’on y incruste, le tout forme un massif solide, qu’on peut polir dans la deruière perfection, sans que l’œil puisse apercevoir la plus légère trace d’assemblage.

Ce genre d’art paroît avoir été pratiqué très-anciennement, bien que peut-être on en ait, dans les temps modernes, perfectionné les procédés et multiplié les applications. Quoique les Florentins réclament l’invention do la scagliola, on en trouve cependant l’usage à une époque antérieure eu Lombardie. C’est à Carpi, dans les états de Modène, qui, selon Lanzi, un certain Guido Saisi, né en 1584, mort en 1649, paroît l’avoir mise en honneur le premier, Il commença par exécuter des corniches et d’autres membres d’architecture, qui ont l’apparence des plus beaux marbres. Un de ses élèves, dans la même ville, surpassa les travaux précédens, à l’autel d’une église où les colonnes semblent être de porphyre. Tous les ornemens de diverses couleurs y sont entremêlés de médaillons avec figures.

Jusqu’alors l’art de la scagliola avoit surtout imité les marbres et les pierres de toute espèce. On en revêtissoit les baldaquins, les devants d’autel ; on en faisoit des comparutions d’arabesques, des tables de tout genre.

Mais vers le milieu du dix-huitième siècle, cet art fut porté à Florence au point de rivaliser avec la peinture, par l’entente du clair-obscur et du coloris, par le mélange adouci des teintes et leur dégradation. On exécuta surtout, parce procédé, des tableaux de paysage et d’architecture, qui paraissent ne le céder en rien au fini et à l’effet de la peinture à l’huile.

Florence a conservé encore et perfectionné un autre procédé d’imitattion de la peinture. Nous n’en avons dit qu’un mot à l’article MOSAЇQUE, dont il est toutefois une branche fort curieuse ; c’est ce qu’onappelle lavoro a comnesso, ou travail en pièces de rapport, qui sont des pierres dures rares et précieuses.

Vitruve semble en avoir fait une mention assez claire, lorsqu’il parle de ce travail à compartiments de marbres de rapport qu’il appelle seetile, distinct de celui à tesserœ, c’est-à-dire la mosaïque proprement dite, qui se compose de petits cubes ou dés de forme régulière et de couleurs diverses, dont on faisoit de si beaux pavemens.

Le commesso n’a jamais été porté nulle part à un plus haut point, de perfection qu’à Florence, soit sous le règne des Médicis, soit encore dans ces derniers temps. On a effectivement entrepris de lutter contre la mosaïque dans certains tableaux, surtout ceux qui offrent des imitations d’architecture, de ruines, de Heurs, de coquillages, de vases, et en général d’objets qu’on appelle de nature morte.

L’infériorité, de ce genre à l’égard de la mosaïque, tient à la nécessite d’employer en compartiments, des matières d’une plus grande étendue, qui dès-lors ne se prêtent point à ces dégradations insensibles des couleurs d’où résulte l’illusion. Ce oui en fait le mérite d’ailleurs, c’est précisément cette difficulté ; c’est ensuite la rareté des matières, c’est leur dureté, et la crierie d’un tel gente de travail.

Ce genre de luxe a été porté nu plus haut degré, dans plusieurs des églises de Palerme en Sicile, où l’on voit non-seulement des tables et des devants d’autel de ce travail, mais où l’on admire les piédroits, les arcades et les détails de la construction, entièrement revêtus de compartiments arabesques les plus composés et les plus diversifiés, et formés avec la plus étonnante précision et le plus grand éclat, de toutes les pierres précieuses qui entrent dans le lavaro a commesso.

SCAMOZZI (VINCENZO), né en 1552, mort en 1616.

D’après les notions que Temanza nous a données sur cet architecte célèbre, il aurait eu pour premier maitre Dominique Scamozzi son père, connu à Vicence, sa patrie, comme bon constructeur, employé encore comme ingénieur habile à lever les plans des villes et des terrains, et qui s’étoit acquis par ces diverses ressources, avec une existence honorable, assez d’aisance pour bien élever sa famille. Cela suffit pour nous indiquer comment Vincent Scamozzi se trouva naturellement porté à étudier l’architecture.

Mais la date de sa naissance, et le pays où il vit le jour, nom disent tout aussi bien comment il devint un des plus grands architectes de son temps. L’architecture étroit en effet alors singulièrement en honneur dans sa patrie. Cétoit l’époque où une impulsion générale portoit tous les riches, tous les personnages, tous les hommes en dignité à se distinguer par des habitations, qui dévoient témoigner après eux de leur goût et de leur amour pour les beaux arts. L’Etat de Venise étroit devenu alors le chef-lieu de l’architecture civile. San Micheli, Sansovino, Palladio, y avoient transporté, si l’on peut dire, l’école de cet art. Ce fut la que devait se former Vincent Scamozzi.

Déjà quelques projets, fruits de ses premières années, avaient annoncé un continuateur du goût de ces grands, maîtres, et un sujet qui leur promet toit un digue successeur. A l’âge de dix-sept ans, il avoit fait pour les comtes Alexandre et Camille Godi, le projet d’un palais de sou invention, qui à la vérité ne fut pas exécuté, mais qui méritoit de l’être. On y remarqua surtout, l’intelligence avec laquelle il avoit su faire sortir d’un terrain fort irrégulier, un plan, dont toutes les parties se


trouvoient comme redressées, et ramenées à une régularité parfaite. Scamozzi nous a lui-même transmis. dans son Idea dell architettura (parte prima, lib. 3, ch. 16), le plan et l’élévation d’une assez grande maison de campagne, qu’il construisit à Villa Verla, pour le comte Leonard, Verlato, et il nous apprend que ce fut un des ouvrages de sa première jeunesse (secondo i nostri giovanili disegni). C’est un fort beau corps de bâtiment, dout l’étage principal se trouve élevé sur un très-haut soubassement rustique. Huit colonnes ioniques y forment comme une sorte d’avant-corps peu saillant, et du côté de la cour, la même ordonnance se trouve répétée à une loggia, dont la saillie comprend les escaliers. Symétrie dans le plan, élégance dans l’élévation, tout y annonce le beau style de l’école vénitienne.

Mais le jeune Scamozzi comprit bientôt qu’il y avoit à recevoir de cette école d’autres leçons, je parle de ces leçons pratiques, sans lesquelles l’architecte, simple théoricien, court risque, ou de faire des projeta inexécutables, ou d’être obligé de l’aire exécuter ses idées par ceux qui, ne les ayant point conçues, n’en sauroient saisir l’esprit. C’est pourquoi il se rendit à Venise, où se trouvoient en construction beaucoup de monumens des premiers maîtres d’alors. Lui-même, il nous apprend, qu’il s’étudia à saisir sur le chantier les porteclés qu’ils mettaient en œuvre. On ne sauroit douter qu’il n’ait dû beaucoup apprendre dans les ouvrages de Palladio, et que le goût, le style et la science de ce grand-homme, n’aient exercé sur lui une très-active influence, Rien, au reste, ne le prouve mieux, quoiqu’il ait pris à tâche de dissimuler cette sorte d’obligation, que ses propres travaux, où on doit savoir gré d’avoir suivi les traces de ses illustres prédécesseurs.

Dans tout art il se donne une époque, où le génie étant arrivé à une certaine hauteur, une sorte de point d’arrêt semble interdire à ceux qui surviennent, les moyens d’aller plus loin. C’est le moment où l’orgueil de l’esprit se révolte de plus d’une manière. Les uns se persuadent que c’est en faisant du nouveau, qu’ils s’élèveront au-dessus de leurs anciens, et voilà le principe habituel du mauvais goût et de la bizarrerie. D’autres arrivés sans effort, grâce aux efforts faits avant eux, à une bailleur dout ils ont trouvé tous les chemins frayés et aplanis, s’approprient le mérite d’un talent dout ils doivent une grande partie aux ouvrages qui les ont précédés ; l’amour-propre leur conseille alors de paroîtrs dédaigner ce qui s’est fait, et tout en restant imitateurs, ils ambitionnent de passer pour originaux, enfin de ne paroître les obligés de personne.

Ce dernier genre de travers fut celui de Scamozzi. L’histoire, qui nous l’a révélé, nous apprend, que tout en étudiant le génie de Palladio dans ses œuvres, il avoit affecté de n’avoir aucun rapport avec lui, ni avec les autres maîtres habiles de ce temps, dans la crainte, nous dit-on, de donner à soupçonner qu’il eût appris d’eux quelque chose. Le même sentiment domine dans ses écrits sur I architecture, où il se montre en général mal intentionné contre Palladio, et porté à dépriser sa manière, quel qu’ail été, chez lui, le motif intime de cette façon d’agir et de penser, n’ayant à traiter ici que de l’artiste, et de ses œuvres, noua dirons, que quand un principe d’émulation portée trop loin auroit aveuglé Scamozzi dans ses opinions, ses ouvrages ont heureusement contredit et ses sentimens, et ses discours, et qu’aucun architecte n’a mieux montré ruminent on peut marcher à la suite des plus habiles maîtres, sans se faire leur copiste : car aucun n’a approché plus près que lui de Palladio.

Il ne larda point à se faire une réputation, par quelques travaux qui dénotèrent en lui l’homme ingénieux, et le constructeur intelligent. Ainsi l’église du Sauveur, à Venise, venoit d’être terminée par Tullio Lombarde, lorsqu’on s’aperçut après coup qu’elle manquoit d’une lumière suffisante. Scamozzi, appelé pour remédier à ce défaut, y réussit heureusement, sans rien ôter à la majestueuse simplicité de son intérieur, Il se contenta d’ouvrir par en haut, en les surmontant d’une lanterne les trois coupoles de l’église, et le vaisseau reçut de ces ouvertures le jour qui lui manquoit.

A ces premiers travaux il joignit plus d’un genre d’éludés, qui dévoient l’mitier à toutes les sciences de l’architecture et de l’antiquité. Il se livra à l’interprétation de Vitruve, à la lecture des meilleurs auteurs, et de L’histoire grecque et romaine, à la pratique de la perspective, en sorte qu’a l’âge où l’on est encore élève, il auroit pu enseigner plus que son art. Le palais du comte Francesco Trissin, qui s’éleva alors sur ses dessins à Vicence, pendant, qu’il étroit à Rome, montra le talent d’un artiste qui sembloit n’avoir plus lien à apprendre.

Mais Scamozzi en savoit déjà trop, pour ne pas croire qu’il ne lui restât encore beaucoup à savoir. Il lui restoit dans le fait, pour un homme qui ambitionnait l’originalité, à finir de se former, non plus sur les ouvrages des maîtres de son époque, mais sur ces grands modèles de l’antiquité qui avaient formé ces maîtres, et qui sont devenus pour l’architecture, ce que la nature est pour les autres arts, l’exemplaire le plus parlait des règles du beau et du vrai. Il alla à Rome, et y mesura tous les restes des monumens antiques, leva le plan général des thermes de Dioclétien et du Colisée, dont il fit, en dessin, l’entière restauration, et de beaucoup d’autres ruines. Il passa six mois à Naples et dans ses environs, se livrant aux mêmes recherches. Lui-même nous apprend que dans les deux années qu’il y employa, il profita plus qu’il n’avoit fait dans les dix années de ses premières études.

Il revint en 1580 à Vicence sa ville natale, mais


Vicence ne lui offroit point cette perspective de grands travaux, auxquels il se sentoit appelé par ses études et par les connaissances dont il avoit fait une si ample provision. La riche al puissante Venise étoit le seul théâtre alors digne de son talent. Palladio étroit mort depuis peu. Il y avoit un grand héritage à recueillir. Un ouvrage important vint bientôt mettre au grand jour, et faire connoître celui à qui il devoit écheoir. Il étoit question d’ériger au doge Nicolas del ponte, un magnifique mausolée dans l’église de la Charité, en face des mausolées des doges Barbarighi. Scamozzi en fut chargé. C’est dire assez, que l’architecture étoit appelée à eu faire particulièrement les frais. Aussi se compose-t-il d’une ordonnance de quatre colonnes composites, qui s’élèvent sur un très-beau soubassement. Le milieu est une arcade, audessus de laquelle sont une urne à l’antique, et le buste du doge ; les deux entre-colonnemens latéraux sont occupés par des niches avec statues. Un attique orné de figures, et de la meilleure sculpture, couronne cette masse construite en pierre d’lstrie, et cet ensemble a toujours passé pour une des plus belles compositions en ce genre.

Scamozzi dut au crédit que lui douna cet ouvrage, d’être heureusement préféré à deux très-médiocres artistes, pour construire le muséum des statues antiques, qui sert d’avant-salle à la bibliothèque de Saint-Marc, et en même temps le vaste édifice des nouvelles Procuraties, destiné à terminer la seconde aile de la grande place qui fait face à la basilique. Ces deux monumens ne furent achevés qu’après un laps de plusieurs années, et nous aurons lieu de revenir sur le second. Plus d’un incident vint faire diversion à ces travaux.

Ainsi Grégoire XIII, ayant été remplacé sur le siége de Saint-Pierre par Sixte V, la république envoya féliciter le nouveau pontife, par quatre personnages qui desirèrent emmener avec eux Scamozzi. Ce fut pour lui une bonne fortune, d’être mis à même de revoir Rome, et d’y vérifier quelques résultats de ses premières études. Sixte V s’occupoit alors du choix des moyens propres à dresser le grand obélisque, qui décote aujourd’hui la place de Saint-Pierre. Scamozzi s’intéressa à cette entreprise, en homme fait pour bien juger du projet de Fontana, et l’opération terminée, il retourna avec les ambassadeurs à Venise.

Palladio étoit mort avant d’avoir terminé dans l’intérieur de son théâtre olympique, à Vicence, cette partie qu’on appelle la scène, et il n’en avoit laissé aucuns dessins. Sylla son fils, appelé à continuer ses entreposes, n’avoit pas les connoissances du genre de celles qu’exigeait ce travail. On jeta les yeux sur Scamozzi et tes fêtes auxquelles donna lieu le passage de l’impératrice Marie d’Autriche, devinrent pour lui l’occasion de terminer l’ouvrage de Palladio : ce qu’il lit avec beaucoup de succès, ayant étudié dans les restes de l’antiquité la disposition de la scena selon les usages du théâtre antique.

Une grande construction étoit alors en projet à Venise, et occupoit tous les esprits. Il s’agissoit de remplacer en pierre, le pout de bois qui unissoit les deux parties de la ville que divise le grand canal. Les plus habiles architectes avoient, depuis long-temps, exercé leur talent sur un projet, dans lequel il convenoit qu’un ouvrage d’utilité publique, devînt un monument du goût de la ville qui en saisoit les frais. Mais les circonstances politiques avoient épuisé les ressources de la république, et la construction du pont de Rialto avoit été renvoyée à des temps plus tranquilles. Scamozzi fut enfin invité a présenter ses idées. Il fit deux dessins, l’un d’une seule arche, l’autre de trois. Il paroît que l’économie donna la préférence au projet d’Antonio del Ponte. Quoi qu’il en soit, Scamozzi dans son Traité d’architecture, et encore ailleurs, réclama l’honneur d’avoir donné le projet du pont actuel. Plus d’une sorte d’autorités rapportées par Temanza détruisent cette prétention.

Scamozzi éprouva un plus grand désagrément dans l’entreprise du monastère et de l’église de Santa Maria della Celestia, que l’explosion et l’incendie de l’arsenal, en 1569, avoient obligé de rebâtir. Un très-beau projet avoit été adopté par les religieuses. Scamozzi s’y étoit proposé une imitation du Panthéon de Rome. On ne sauroit dire quelles disficultés et quelles intrigues en arrêtèrent l’exécution. L’édifice en étoit arrivé à l’entablement du second ordre. Il fut interrompu, et après plusieurs années de débats et de contradictions, le tout fut détruit.

Notre architecte fut plus heureux auprès de Vespasien Gonzague, duc de Sabionetta, qui lui fit construire un théâtre dans le genre de celui de Vicence, c’est-à-dire dans le système des théâtres antiques. C’est là qu’il fut se montrer digne successeur de Palladio. Mais son ouvrage n’eut pas l’avantage de se conserver, et l’on n’en a l’idée que par les dessins qu’il a laissés.

Le sénateur Pierre Duodo, personnage aussi recommandable par ses grands services, que distingué par ses connoissances et son goût, avoit une amitié particulière pour Scamozzi. Envoyé en Pologne pour présenter au nouveau roi Sigismond les hommages de la république, il invita notre architecte à l’accompagner dans ce voyage. C’étoit une heureuse occasion pour lui d’étendre ses idées, de multiplier les connoissances, dont il avoit besoin pour le grand ouvrage, dans lequel il s’étoit proposé de faire une sorte de traité général, et en même temps d’histoire complète de l’architecture et des monumens de tous les pays. Scamozzi accepta donc avec empressement la proposition de ce voyage, dans lequel il visita un grand nombre des principales villes de l’Allemagne.


De retour à Venise, il bâtit pour son illustre protecteur un palais, près de Santa Maria Giubanico, où il prouva qu’on peut exprimer, dans le style le plus simple, le caractère de majesté et de grandeur qui convient à l’habitation d’un grand. Ce fut encore là qu’il fit montre de ce talent qui avoit distingué ses premiers essais, en tirant d’un site ingrat un parti heureux, et faisant sortir d’un espace étroit, l’aspect d’une grande masse. On ne sait ce qui empêcha qu’il ait exécuté sur le grand canal le projet d’un palais pour le cardinal Frédéric Cornaro. Ce palais devoit saire pendant à celui du même nom, que Sansovino avoit construit pour la même samille. Le dessin qu’il nous en a conservé, dans son Traité d’architecture, part, 1, pag, 245, ajoute aux regrets des amateurs de la belle architecture. Mais il est dans la destinée de cet art, que les plus grandes choses éprouvent les plus grandes contradictions. Trop heureux sont les talens qui peuvent arriver à se produire dans des monuments dignes d’eux, c’est-à-dire dont la grandeur et l’importance promettent une longue durée à leurs ouvrages et à leur renommée.

Scamozzi eut enfince bonheur ; car lorsqu’il s’œcupoit à bâtir, sur la terre ferme, de charmantes habitations, près de Castel-Franco, pour les frères Jean et Georges Cornaro, à Loregia pour Jérôme Contarini, Venise le réclama tout entier pour achever les salles du Muséum, el les nouvelles Procuraties de la place de Saint-Marc.

Dans le premier de ces ouvrages il fit preuve d’une rare intelligence ; car il avoit à lutter contre des irrégularités produites par des dispositions antécédentes, qui avoient fait négliger d’établir entre les ouvertures de ce local une correspondance symétrique. Toutefois il parvint à y faire régner avec beaucoup d’accord, une ordonnance en pilastres corinthiens, et l’inégalité d’espace eu certaines parties y est dissimulée avec tant d’adresse, qu’il faut, pour s’en apercevoir, une attention dont le commun des spectateurs est incapable. Quant à la disposition interne du local, dans son rapport avec les objets de sculpture qu’il devoit mettre en évidence, on convient qu’il étoit disficile d’en imaginer une mieux appropriée à son objet. L’esparce partagé en trois allées dans la longueur de la salle, par des massifs dont la hauteur répond à celle du soubassement de l’ordre, a donné lieu de multiplier les objets d’art, et de les exposer commodément à la vue des amateurs.

Dès l’année l582, Scamozzi avoit été choisi pour la continuation des travaux commencés par Sansovino, sur la place qui regarde le palais ducal. Bientôt il embrassa un plan beaucoup plus vaste. La place Saint-Marcn’ avoit alors de construit qu’un des grands côtés actuels. C’est celui qu’on appelle le bâtiment des Procuratie vechie, élevé depuis déjà quelque temps par l’architecte Buono : car il en fut de cette belle place, comme de presque toutes les grandes choses en architecture ; rarement sont-elles le résultat d’un projet conçu tout ensemble, et par un seul. Scamozzi proposa et sit agréer un nouveau projet qui embrassoit la totalité de la place Saint-Marc, raccordée au bâtiment de la bibliothèque, sur la place du palais, et à l’église de San Geminiano, enfin mise en accord par les lignes avec la façade de SaintMarc. Il fit un modele en bois de tous ces corps de bâtimens, et eut l’art de le faire approuver par le doge Grimani et les procurateurs. Alors prit naissance le grand édifice des Procuratie nuove, en face et en pendant de celui dont on a parlé.

Il arriva toutefois dans cette occasion, ce qui survient aux entreprises conçues et exécutées en des temps et par des artistes divers. La régularité et la symétrie de la place Saint-Marc auroient exigé que l’aile de bâtiment destinée à être mise en regard de celle qui existoit déjà, lui fût tout-à-fait semblable. Cependant déjà Sansovino, dans l’architecture l’édifice de là Bibliothèque, sur la place du palais, avoit adopté une élévation, d’une toute autre ordonnance que celle des Procuratie vechie. Dans l’intention de rachever selon le même goût la place Saint-Marc, il s’étoit contenté de se raccorder avec l’édifice de Buono et de Lombardi seulement par la hauteur. Au lieu de trois étapes, il n’en faisoit que deux, et c’étoit par la hauteur du couronnement de son second ordre, qu’il regagnoit la dimension nécessaire à la symétrie de l’ensemble.

Sansovino mort, Scamozzi ne tint aucun compte des intentions de son prédécesseur. Il prétendit que deux étages ne suffiroient pas au besoin de faire dans ce bâtiment, neuf habitations pour les procurateurs qui dévoient y être logés, et il prit le parti de l’élever d’un troisième ordre. On a sait de cela un grand sujet de reproche à Scamozzi. Il est très-vrai que cette grande aile, qui est l’aile gauche de la place Saint-Marc, n’a d’autre rapport avec celle qui lui fait face, que les portiques ouverts du rez-de-chaussée, et d’avoir comme elle trois étages. Mais elle en diffère par un surcroît d’élévation et par le genre de ses ordonnances. Elle a encore l’inconvénient dêtre plus haute que le corps de bâtiment qui lui fait suite, sur la place du palais, et celui où se trouve San Geminiano. Que résulte-t-il de cela ? qu’il arriva à Scamozzi de faire ce qu’avoit déjà fait Sausovino, c’est-à-dire de faire du nouveau.

Du reste, il nous semble que la place de SaintMarc auroit été beaucoup plus belle si elle eût pu être entièrement selon le projet de Scamozzi. Maintenant si l’on considère en lui-même, et en lui seul, le vaste édifice des Proçuratie nuove, on doit avouer que c’est un des plus grands et des plus beaux monumens qu’il y ait d’architecture civile. Scamozzi y a employé les trois ordres d’architecture dans les meilleures proportions, avec le plus de régularité, de justesse, de goût et de


richesse, que puisse comporter leur disposition adaptée à des piédroits, à des arcades et aux ouvertures des fenêtres.

Le premier rang de portiques sormant rez-de-chaussée, est orné de colonnes d’ordre dorique. Les archivoltes ont des figures sculptées ; la clef de chaque arcade est un mascaron en relief. La srise a ses métopes remplies de symboles variés. Audessus de sa corniche s’élève un stylobate coupé par les balcons en balustres à double renflement des fenêtres de l’étage du milieu, lesquelles consistent aussi en arcades, mais d’une moindre ouverture que celles d’en bas. L’ordonnance de cet étage est ionique, et offre une progression sensible de richesse et d’élégance. Indépendamment de l’orde ionique adossé aux piédroits des arcades, avec archivoltes remplies de figures sculptées de bas-relief, des colonnes du même ordre, mais plus petites, soutiennent l’imposte des arcades. La frise du grand ordre est ornée d’un enroulement continu. Le troisième étage se compose d’un ordre corinthien qui orne les trumeaux des fenêtres, lesquelles sont surmontées de srontons alternati- vement angulaires et circulaires, et accompagnées de petites colonnes également corinthiennes ; le grand ordre supporte le riche entablement qui règne sur toute l’étendue de cette masse.

Le troisième etage dont on vient d’abréger la description, est celui dont on fait, avons-nous déjà dit, un reproche à Scamozzi, comme établissant une irrégularité de mesure en hauteur, avec celui du corps de bâtiment qui lui est opposé dans la place Saint-Marc. Toutefois il n’est aucun critique qui ne convienne, que cet étage est le plus beau de tous, cl on peut le dire aujourd’hui, le plus riche, le plus noble, le mieux ordonné qu’on puisse citer dans quelque édifice que ce soit. On a déjà vu que la place Saint-Marc, résultat de travaux et d’artistes successifs, ne fut jamais projetée dans un ensemble uniforme. L’irrégularité seule de son plan, dont aucunes lignes ne se correspondent, montre qu’il ne faut pas juger de cet ensemble, comme d’une création dont l’unité seroit la première obligation. Qui sait même s’il n’étoit pas entré dans les intentions de Scamozzi, et de ceux qui approuvèrent son projet de remplacer l’architecture des Procuraties vieilles par celle des nouvelles ? Quoi qu’il en soit, en se bornant à la critique partielle de l’ouvrage de Scamozzi, on peut affirmer qu’il a élevé là un des plus parfaits modèles d’architecture ; qu’il n’existoit avant, et qu’il n’a été produit depuis aucun corps d’édifice plus complet dans ses ordonnances, plus classique dans ses détails, mieux terminé dans toutes ses parties, plus simple et plus varié tout à la fois ; ajoutons que c’est un des plus étendus que l’on connoisse. Il a été donné à peu d’architectes de construire un palais à trois ordres l’un sur l’autre, et dont la devanture se compose de trente-neuf arcades ou trente-neuf ouvertures de face, sur une longueur de quatre cents pieds.

Combien il eût été à desirer que moins distrait par des soins multipliés, pur des travaux qui le forçoient d’être, si l’on peut dire, en plusieurs lieux à la fois, il eût pu suivre par lui-même et jusqu’à la sin cette vaste entreprise ! Les connoisseurs y distinguent les parties dont il dirigea personnellement l’exécution, et qui sont les treize premières arcades, dont encore on croit qu’il faut soustraire les trois qui forment le commencement de la bibliothèque, et qu’on attribue à Sansovino. Depuis on sait que le bâtiment fui dirigé par des constructeurs, hommes de métier plutôt qu’artistes, tels que François Bernardino, Marco della Carita et Balihazar Longhena. Aussi un œil attentif saisit-il, en suivant cette continuité d’arcades, des variations sensibles de goût dans les détails, et enfin une progression de négligence, qui annonce un déclin survenu dans la manière de faire les ornemens et de traiter les profils, bien qu’on ait fidèlement suivi les proportions et l’eurythmie du dessin général. Ces observations critiques, comme l’un voit, s’adressent à des circonstances indépendantes de l’auteur du monument, et ne sauroient altérer ni diminuer l’honneur qui lui est dû.

Après un aussi grand ouvrage, qui sans doute est le ches-d’œuvre de Scamozzi, il semble qu’il seroit assez inutile, du moins pour sa gloire, d’énumérer les nombreux édifices qu’il construisit dans le Vicentin, sur la Brenta et à Venise. On peut voir sinon des dessins rendus, au moins des esquisses de la plupart de ces constructions, telles que les palais Ferretti, Priuli et Godi, dans son ouvrage sur l’architecture. Partout ce sont des plans fort réguliers, des élévations sages, des ensembles élégans et variés, dans lesquels il s’est montré digne successeur de Palladio, mais sans qu’on puisse dire qu’il ait égalé ce grand maître, pour la pureté du goût, pour l’invention des plans, et la fécondité d’idées ingénieuses appropriées à chaque entreprise.

Scamozzi nourrissoit d’ailleurs plus d’une sorte d’ambition, et il est arrivé à beaucoup de ses projets d’être privés, dans leur exécution, de la surveillance de leur auteur. Avide de gloire et infatigable, il eût mieux aimé succomber sous le poids des commandes de travaux, qu’il recevoit de toute part, que d’en resuser une seule. A tant de soins et d’occupations, se joignoit le désir de publier son grand ouvrage de l’Architecture universale. C’étoit ou ce devoit être une sorte d’encyclopédie de l’art, où se seroient trouvés réunis, aux préceptes et aux règles, les exemples de tout ce que l’Europe d’alors renfermoit de monumens remarquables en tout genre. Une semblable entreprise seroit encore fort difficile aujourd’hui, que les rapports de communication entre les disférens Etats sont devenus plus, nombreux, et les moyens de


multiplier les dessins plus faciles. Scamozzi ne pouvait donc réaliser son projet, qu’en visitant personnellement les pays dont il vouloit faire connoître les édifices.

Dans cette vue, il cultivoit avec soin l’amitié des principaux sénateurs de Venise, que le Gouvernement choisissoit pour les ambassades qu’il envoyoit chez les dissérentes puissances. Ce fut à ces liaisons qu’il dut plus d une fois de faire, sans que ce fût a ses frais, de longs voyages dont la dépense eût été au-dessus de ses moyens. Plus d’un ambassadeur se plut à l’avoir pour compagnon de voyage, et à lui procurer ainsi, dans chaque pays, ‘ une sorte d’appui et de patronage utile aux recherches dont il avoit besoin. Il fit quatre voyages à Rome, deux à Naples, visita deux fois l’Allemagne, en revint la dernière fois par la Lorraine, vit la capitale de la France et retourna à Venise en tenant minutieusement, et jour par jour, registre de tout ce qu’il voyoit. Ce journal n’éloit pas seulement eu descriptions ; il renfermoit les dessins à la plume de tout ce qui entroit dans le projet de son vaste recueil, n’oubliant rien de ce qui a rapport à la diversité des matériaux, des procédés et des manières de bâtir.

Ses voyages contribuèrent encore à répandre de plus en plus la renommée de son talent hors de sa patrie. On lui demandoit de toute part des projets et des modèles de palais. Il nous en a laissé lui-même des dessins dans ses traités d’architecture. Mais il paroît que l’on ne fut pas toujours fidèle aux plans qu’il envoyait ; et l’on en trouve la preuve dans le palais de Robert Strozzi à Florence, où l’on se permit des changemens qui n’altérèrent pas médiocrement sa composition. On devroit retrouver à Gênes, mais on n’y reconnoît plus le beau modèle du palais Ravaschieri, dont il envoya de Venise tous les dessins, et qui eût été un de ses plus beaux ouvrages, à en juger par l’esquisse qu’il nous en a conservée. Il nous apprend lui-même qu’il cul fort à se plaindre de la manière dont on reconnut la peine qu’il s’étoit donnée.

Plus heureux à Bergame, il réussit, pendant le temps qu’il y séjourna, a faire élever, par l’ordre du podestat Jules Contarini, un des plus beaux palais qu’il ait composés, et qui est celui du gouvernement de cette ville. Il a 163 pieds, sur 111. Il se compose dans sa façade d’un ordre dorique a rez-de-chaussée surmonté d’un ionique, et le tout se termine par un attique. Le chevalier Fino, un des principaux et des plus riches personnages de Bergame, profita du séjour de Scamozzi dans cette ville, pour avoir de lui le projet d’un palais qui devoit occuper un très-bel emplacement. L’édifice d’après le dessin que son auteur nous en a transmis, a 188 pieds de face sur 93 de côté. Le plan en est grandement conçu, el avec autant da régularité que le site le permit. La façade a seize fenêtres de face, L’élévation consiste, en en un soubassement à bossages, qui comprend l’etage du rez-de-chaussée, et un petit mezzanino ou entresol. L’étage principal est orné d’une ordonnance de pilastres ioniques, et au-dessous de l’entablement se trouve encore un petit étage de service. Deux grandes portes en arcades, flanquées de colonnes doriques, donnent entrée dans le palais. Scamozzi nous apprend que nonobstant le désir qu’avoit ce seigneur, de voir élever ce palais, pour la construction duquel il avoit déjà préparé les terrains et amassé les matériaux, il n’avoit pas encore mis la main à l’œuvre.

A Bergame il eut de même l’occasion de montrer ce que son talent auroit pu faire dans une entreprise plus importante, la reconstruction de la cathédrale, ouvrage déjà fort suranné d’Antoine Filarète, auquel Vasari, dans la vie de cet architecte, a trouve de nombreux défauts, et qui étoit loin de satisfaire à la pieuse ambition de la ville. Palladio lui avoit déjà présenté un projet. Scamozzi fut invité, à en faire un nouveau. Ni l’un ni l’autre ne fut mis en œuvre. L’honneur de l’entreprise devoit appartenir au chevalier Fontana.

Mais l’érection d’un temple beaucoup plus considérable étoit réservée à son génie. Dans le dernier voyage qu’il avoit fait en Allemagne avec l’ambassadeur de Venise, il avoit eu l’avantage d’être connu de l’archevêque de Salzbourg, dont l’intention étoit, dès que les troubles seroient appaisés dans son pays, de reconstruire sa cathédrale. Il se souvint du Scamozzi et l’invita à se rendre auprès de lui, pour former le plan et arrêter l’idée du monument projeté. Scamozzi accepta l’invitation, prit la route de Trente, et le voilà de nouveau à Salzbourg, où l’archevêque lui fit la plus honorable réception. Apres s’être bien concerté sur les lieux, après avoir reçu toutes les instructions nécessaires et fait agréer la pensée générale de ce grand édifice, il revint à Venise, où il passa trois années, à en mûrir le projet, à en combiner tous les détails, et à fixer son ensemble, dans un modèle définitif. Temanza, qui en possédoit les plans, coupes et élévations, ne tarit point d’éloges sur cette conception, qui fut enfin réalisée, et recut son dernier achèvement après la mort de Scamozzi. Si l’auteur n’eut pas l’avantage de la conduire lui-même, sil’on put s’écarter, en quelques points, de ses intentions, des témoignages contemporains assurent que, pour l’ensemble, on en respecta fidèlement l’esprit et les données générales.

Temanza nous apprend que ce temple ayant en longueur 400 pieds vénitiens, sur 290 de large dans sa croisée, forme par son plan une croix latine, se terminant au chevet et dans les deux bras de la croix par une partie circulaire. Une grande coupole réunit les quatre nefs, et une seconde coupole s’élève dans le fond au-dessus de l’autel. Sept portes donnent entrée dans le temple ; trois sont pratiquées sous l’atrium, les quatre


autres le sont aux angles des bras de la croix. L’intérieur est à trois nefs. Celle du milieu a 57 pieds de large ; sa longueur jusqu’au centre de l’apside du fond, est de 313 pieds. La bailleur jusqu’au sommet de li voûte est de 96 pieds. Il paroit que Scamozzi eut l’intention de faire dans son église un tout plus régulier et plus accompli que celui de Saint-Pierre de Rome. Ce que Temanza se contente d’affirmer, c’est qu’il s’y trouve un ensemble plus correct, une plus grande unité jointe à plus de variété dans la composition, un parfait accord de toutes les parties, et où la majesté ne dispute rien à la simplicité. Selon ce judicieux critique, cet ouvrage est le plus excellent qu’il ait vu entre tous ceux de Scamozzi, et suffiroit pour le faire placer au premier rang des architectes.

Il est peut-être malheureux pour la gloire de Scamozzi, qu’une ambition trop ardente, et une activité démesurée, l’aient porté à trop d’entreprises, à se charger de trop de travaux divers, et sur trop de points, à briguer trop de sortes d’emplois, et à vouloir parcourir, dans les divers domaines de son art, toutes les routes delà renommée. Aucun architecte ne mena une vie aussi agitée. Quand on se rend compte de tous les ouvrages ou qui lui furent offerts, ou qu’il entreprit sans les terminer on se persuade qu’il eût obtenu une plus grande somme d’honneur, en se bornant à ce qu’il lui eût été permis d’achever, ou de surveiller personnellement, tant il importe à la perfection des édifices d’être exécutés par celui qui les a conçus.

Non content de réunir aux travaux pratiques de l’architecture, les études théoriques qui doivent compléter le talent de l’artiste, il ambitionna encore de briller dans cette partie scientifique, qui embrasse les recherches historiques des temps anciens et modernes, qui exige la connnoissance des langues, la critique des monumens, et de nombreux parallèles entre les ouvrages de tous les peuples. Nous avons vu que de très-bonne heure, il avoit conçule plan d’un vaste ouvrage, qui pour répondre au titre qu’il lui donna, et a l’idée que ce titre renferme, n’auroit exigé rien moins que la vie entière d’un homme, et des ressources bien supérieures à celles que les courses qu’il fit en divers pays, et l’état des nations qu’il visita, pou- voient lui fournir.

Son Idea dell’architettura universale l’occupa à toutes les époques de sa vie. Il avoit formé d’abord son plan sur une division de douze livres, qu’il restreignit depuis à dix. Encore faut-il dire, que lorsqu’il annonçoit dix livres dans le frontispice qu’il mit à la tête de l’ouvrage on 1625, de fait chacune des deux grandes divisions n’en contenoit que trois. On croit qu’il avoit esfectivement composé les quatre autres, mais il est vraisemblable d’une part, le desir de les améliorer, et de l’autre, l’impatience de la publicité, lui firent mettre au jour cette production mutilée, que la mort ne lui permit pas de compléter.

Si Scamozzi, comme il y a lieu de le croire, par l’importance qu’il mit à cette œuvre, fonda sur son exécution, un de ses premiers titres à la renommée, il lui est arrivé, comme à beaucoup d’autres, d’être aveuglé. ; par, la vanité, sur la nature propre de son mérite, La postérité n’a point du tout ratifie l’opinion qu’il s’étoit faite du succès d’une entreprise, qui étoit beaucoup au-dessus de ses forces. Il est extrêmement difficile de soutenir la lecture de cet ouvrage, mélange très confus d’une multitude de notions, de faits, d’observations, de détails prolixes, qu’il eût été nécessaire de soumettre à un ordre tout autrement méthodique. D’Aviler nous semble en avoir très-bien jugé, et il a rendu à Scamozzi un vrai service, dans l’abréviation qu’il a faite de la partie de son ouvrage qu’on peut regarder comme classique ; je veux parler de son sixième livre, qui traite des ordres, et dont il jugea encore nécessaire de supprimer beaucoup de choses superflues.

« On n’a pas jugé à propos (dit-il) de traduire tout entier le sixième livre, qui contient les ordres, ni aussi d’en extraire seulement le sens, et faire d’autres discours, parce que, si d’un côté on a voulu éviter ta prolixité, de l’autre on n’a voulu rien mettre que ce qu’a dit Scamozzi. On sait que tout ce qu’on a retranché est fort beau, mais aussi qu’il est fort peu convenable au sujet, telles que sont quantité d’histoires et de fables, tout ce qui regarde la géographie ancienne, et les raisonnemens de physique et de morale, qui sont de pure spéculation, et pour entretenir tout autres gens que ceux de sa profession. Mais lorsqu’il a fallu expliquer ce qui étoit purement d’architecture, on a suivi l’auteur mot à mot, comme dans la description du chapiteau ionique, dans les manières de diminuer les colonnes, et dans plusieurs autres choses. » « Ce qu’il y a de plus remarquable dans l’architecture de Scamozzi, c’est qu’elle est fondée sur les raisons les plus vraisemblables de la nature, sur la doctrine de Vitruve et sur les exemples des plus excellens édifices de l’antiquité Sa manière profiler est géométrique, mais elle est si contrainte par les figures dont il se sert pour décrire les moulures, que la grâce du dessin n’y a presque point de part, ce qui a donné à cet auteur la réputation d’avoir une manière sèche, qui provient de la quantité des moulures qui entrent dans ses profils, dont il y en a plus de rondes que de carrées, et de ce qu’elles ne sont pas mêlées alternativement, ainsi qu il est nécessaire, pour les rendre plus variées ; joint que ces moulures ainsi tracées seulement par les règles de la géométrie, n’ont qu’un même contour, quoiqu’elles le doivent changer, selon le lieu d’où elles sont vues, et les différens ordres où elles sont employées. »

« La méthode dont il divise chaque membre, paroît d’abord embarrassée ; mais lorsqu’on y fait réflexion, et qu’on y est accoutumé, elle est assez facile et d’un grand usage, pour trouver l’harmonie dans les proportions. Celle méthode est que, pour le général, il se sert du diamètre inférieur de la colonne, divisé en soixante parties, comme ont fait Palladio et plusieurs autres ; mais pour le détail de ses moulures, il se sert d’un dénominateur, c’est-à-dire qu’il prend un membre, dont la grandeur règle la hauteur des autres, par celle même grandeur multipliée pour les plus grandes, et subdivisée pour les plus petites. »

On ne saurait refuser à Scamozzi d’avoir été un des plus savans architectes des temps modernes, et on doit le placer parmi le petit nombre de ceux qui ont fait autorité dans leur art, autant par leurs exemples, que par les leçons qu’ont données leurs écrits. Le grand Blondel, ayant à choisir, ainsi qu’il le dit, parmi les modernes, les trois architectes qui nous ont laissé les préceptes les plus conformes à la beauté des anciens édifices, et qui ont l’approbation la plus universelle, a concentré son choix sur Scamozzi, Vignole et Palladio. On remarque même qu’outre cet honorable témoignage, il lui donne encore souvent le pas et la préférence sur tous.

D’Aviler a donc rendu un service à l’architecture, par l’extrait qu’il fit du traité des ordres de Scamozzi, et en séparant cette partie vraiment classique, de ce volumineux amas de notions, dont personne ne soutiendroit aujourd’hui la lecture. Un ingénieur hollandais, Samuel du Ry, suivant l’exemple de d’Aviler, se plut encore à recueillir, d’une manière fort abrégée, quelques notions de ses autres livres, qui sont d’une application pratique à la construction, mais surtout les dessins, accompagnés de descriptions, d’un fort grand nombre de palais et d’édifices ou construits ou projetés par Scamozzi, et que cet architecte avoit insérés dans son ouvrage, comme exemples propres à justifier sa théorie.

Scamozzi s’étoit familiarisé, par l’étude de Vitruve, aux recherches d’antiquité, qu’un architecte lettré peut faire chez les écrivains latins. Ainsi nous trouvons de lui des dissertations appuyées d’exemples, et de faits puisés dans l’histoire ancienne, sur les habitations des Grecs et des Romains, et accompagnées de plans et d’élévations propres à faire comprendre ce que les descriptions écrites ou verbales des monumens ne sauroient souvent faire deviner. Nous ne dirons pas que sa dissertation sur les Scamilli impares de Vitruve ait éclairci entièrement, ce que ces mots auront peut-être toujours d’obscur, saute d’autres passages, où l’emploi des mêmes termes en fournisse une application plus distincte. Mais ce genre de travail prouve à quel point Scamozzi avoit en l’ambition d’embrasser toutes les parties de l’art auquel il s’étoit livré. Ainsi se plut-il encore à restituer par le dessin la maison de Pline à Laurentum, et eu calquant le plan de cette restitution, sur les détails descriptifs de l’écrivain, il donna peut-être le premier exemple de celle manière de traduction, qui parvient à faire revire des monumens perdus, on peut le dire, soit pour l’érudit, qui dans les mots ne sait souvent pas voir les choses étrangères à ses études, soit pour l’artiste, que des études d’un tout autre genre n’auront point initié à l’intelligence des textes anciens.

Il n’est, pas facile en morale de tracer avec une grande évidence, la ligne de distinction entre ce légitime amour de gloire, ressort si actif des talens, et celle vanité orgueilleuse qui met avant l’envie du bien, celle de la louange. L’histoire a encore plus de peine à faire ce discernement entre les artistes dont de grandi travaux ont illustré les noms, et dont la postérité est réduite à connoître les œuvres, sans pouvoir apprécier le principe moral qui les inspira. Il n’en est pas de même de Scamozzi, qui s’est révélé tout entier dans ses entreprises, dans ses écrits, et surtout par un monument particulier, où il a consigné de la manière la plus expresse, et ses sentiment habituels, et la haute opinion qu’il avoit de son mérite, et le desir que son nom se perpétuant, la gloire qui y seroit attachée devînt l’entrelien des âges à venir. Je veux parler du testament où il déposa ses dernières volontés.

Sentant sa sin approcher, quoiqu’encore d’un âge peu avancé, et ne laissant point d’héritiers directs, il dicta à un de ses amis son acte testamentaire qui fut ensuite revêtu des formalités légales.

Dans le préambule de cet acte, Scamozzi relate, énumère et développe tous les titres qu’il s’est acquis à la célébrité par tous les genres de travaux auxquels il s’est livré, par tous les monumens dont il a embelli non-seulement sa pallie, mais tous les Etats de l’Europe. Il ne doute pas que ses écrits et ses édifices ne doivent procurer à son nom une gloire éternelle : non siano perconservare la memoria del mio nome a pari del l’Eternita. N’ayant point de postérité, et se voyant privé d’enfans propres à conserver et à propager le nom de Scamozzi, il a résolu de se donner un fils adoptif, auquel il léguera tous ses biens, sous la condition de porter son nom. Il entend le choisir à Vicence, dans une famille honnête, bien élevé, adonné aux études littéraires, et particulièrement à celles de l’architecture, et qui sera tenu de porter son nom de famille et de baptême. Il veut qu’il adopte les armes de sa famille. Il entend que sa fortune passe par fidéi-commis, et de la même manière et aux mêmes conditions, au fils adoptif que celui qu’il va nommer sera tenu de se choisir, d’accord avec les exécuteurs de ses volontés. Il institue ainsi pour sou sils adoptif el légataire uni-


versel, François Gregori, fils aîné de Messir Isoppo de Gregori de Vicence. Il veut que son héritier, après lui avoir ordonné un honorable convoi, lui fasse élever un monument spéculeral en pierre, avec son portrait, épitaphe, etc. , le tout digne de lui, e degna d’un par moi.

Scamozzi survécut peu à la rédaction de ses dispositions testamentaires. Il fut enterré selon qu’il l’avoit desiré, dans l’église de Saint-Jean et Paul, et avec toute la pompe funéraire qui lui étoit due. A l’égard du mausolée, il ne put être exécuté avec son buste, selon ses vœux. L’héritier qu’il s’étoit donné étant mort peu de temps après, des contestations s’élevèrent entre ses exécuteurs testamentaires et Messer Gregori, père du fils adoptif de Scamozzi. Mais dans le cours du siècle, Bonaventure Gregori, descendant du premier légataire, lui fit un autre monument avec son buste, dans l’église de Saint-Laurent, et deux inscriptions, dont Temanza nous apprend que la seconde n’étoit déjà plus lisible de son temps.

De tous ces monumens de la vanité de Scamozzi, le seul qui dure encore (on ne parle pas de ses ouvrages) est l’hérédité de son nom, qui, au moyen de la substitution dont on a parlé, s’est perpétuée sur divers sujets. Le dernier connu par son talent, et qui changea son nom contre celui de Scamozzi, fut Ottavio Bertotti, architecte habile, auquel ou doit te recueil des Œuvres de Palladio, très-belle édition, dans laquelle l’auteur a fait preuve d’autant de goût que de jugement, et d’une saine critique, en excluant de cette collection, tout ce que l’on attribue faussement à ce grand architecte.

On doit savoir gré à Bertotti, devenu l’héritier de la fortune et du nom de Scamozzi, de n’avoir point hérité de l’espèce de passion jalouse de son père adoptif contre Palladio. Du reste, il se fit encore connoître dans sa pairie par des travaux où l’on aime à trouver la continuité du bon goût de l’école vénitienne dans l’architecture.

SCELLEMENT, s. m. Se dit de la Manière d’embaucheur et de Retenir Dans mur un, une pièce de bois ous de fer, Avec des matières Qu’on introduit DANS LE trou, au Québec doivent Occuper CES pièces, et QUI, SELON Leur nature, are Corps et Adhésion Avec l’objet à sceller.

SCELLER, v. act. C’est fixer et engager dans un mur, ou toute autre partie des bâtimens, les pièces de bois ou de fer, ou de tout autre métal qu’on veut y rendre fixes. On emploie ainsi diverses matières en sc’ellement, selon la diversité des objets à sceller. Dans les parties de maçonnerie ou emploie soit le mortier, soit le plâtre. S’il s’agit, pur exemple, de sceller des gonds dans les constructions en pierre ou en maçonnerie, après qu’on a sait le trou qui doit recevoir le gond, ou y introduit des tuileaux ou des morceaux de briques qui, se mêlant avec le plâtre liquide, donnent à l’objet qu’il faut fixer la plus grande fermeté. On emploie le plus souvent à sceller les grilles et les barres de fer, le plomb fondu. Depuis quelques années on a mis en œuvre, et avec assez de succès, pour des scellemens de fers d’appui, le soufre liquéfié au feu.

SCÈNE, s. f. , du latin scena. C’est le même mot ; mais ce mot, en français, tout en exprimant, sous un certain rapport, une idée à peu de chose près semblable, ne laisse pas de nous présenter, selon les pratiques fort diverses de la construction des théâtres et du la représentation scénique, deux objets distincts entr’eux.

Dans l’usage de la langue, en français, et selon les erremens du théâtre moderne, on appelle scène, quant à l’idée matérielle du ce mot, le lieu du théâtre compris entre la toile du fond, les coulisses de l’un et de l’autre côté, et ce qu’on appelle la rampe qui le sépare du reste de la salle. C’est là que se représente l’action, que se tiennent les acteurs, et que se passe le spectacle. On voit que le mot scène, entendu dans le sens que l’usage actuel lui donne, et que l’objet même qu’il exprime, selon les pratiques de la représentation dramatique dans nos théâtres, ne sauroient donner lieu ni à beaucoup de descriptions, ni à de longs développemens, surtout en sait d’architecture. Ce que le sujet peut comporter d’observations, ou de préceptes, quant à l’étendue et quant aux rapports de proportion, que notre scène doit avoir avec les spectateurs, se trouvera sort naturellement au mot THÉATRE. Voy. ce mot.

La scène, telle qu’on la doit entendre, et telle qu’on la pratiquoit dans les théâtres grecs et romains, étoit au contraire un ouvrage d’architecture des plus remarquables. C’étoit une construction importante et susceptible de la plus riche décoration. Au lieu d’être le lieu, le terrain même sur lequel l’action est censée se passer et où les acteurs se tiennent, c’étoit une façade de bâtiment servant de fond, au lieu appelé proscenium, avant-scène, lieu beaucoup plus large, mais beaucoup moins profond, relativement parlant, que le lieu de la scène moderne ; cet espace étoit resserré par le mur de lascena d’un côté, et par le pluteus de l’autre.

Pour bien comprendre les raisons qui établirent une telle dissemblance, dans la représentation dramatique, entre le lieu de l’action chez les Anciens, et le même lieu chez les Modernes, il faut se rendre compte de deux causes principales, dont la première lient à la différence des mœurs chez les ans et chez les autres, et la seconde à la différence du principe ou du système imitatif de l’art, dans l’antiquité et dans lus temps modernes.


Avant même de parler de la différence des mœurs, qui étant, en quelque sorte, le modèle primitif de l’art dramatique, imposent à son imitation des conditions sort diverses, il convient de faire remarquer, que cet art prit très-certainement naissance en Grèce, et qu’aucun usage étranger n’ayant influé sur son développement, ce fut une nécessité aux poëtes qui se succédèrent, d’approprier leurs compositions aux types et aux données naturellement simples que prescrivait un vaste local, établi en plein air, pour une immense assemblée, à laquelle on ne pouvoit présenter, au lieu des petits détails d’intrigue domestique, que des tableaux tracés grandement, d’après de grands événemens politiques, ou d’après des sujets de mœurs peu compliqués. Il n’eu fut pas ainsi des temps modernes. L’art dramatique, en se reproduisant d’après les ouvrages de l’antiquité, partit du point où ces ouvrages l’avoient porté. Resserré, par les conditions nouvelles des usages scéniques, dans des espaces, ou des locaux bien plus étroits, ayant à s’adresser à un bien moindre nombre d’auditeurs, il lui fut naturel d’enchérir de détails, sur les compositions antiques, et d’imaginer des actions ou des sujets beaucoup plus variés, et exigeant dès-lors d’être placés, pour la vraisemblance de l’imitation, dans des lieux dont les conventions de l’ancien théâtre ne permettoient pas de disposer.

C’est ici qu’il convient de montrer, que les mœurs dans l’antiquité contribuèrent encore plus puissamment à mettre dans la représentation scénique, ce que nous appelons l’action, en un lieu extérieur, à la différence de l’usage moderne, qui la place le plus souvent dans l’intérieur des maisons on des édifices.

Chez les Anciens, surtout aux premiers âges de la tragédie, le chœur étoit une partie constitutive, non pas seulement du spectacle, mais de l’action. Le chœur, ou du moins le coryphée, étoit souvent lui-même un personnage parlant. Or, il n’y avoit rien que de naturel à voir ainsi le chœur représentant une multitude dans un lieu public. La chose eût été le plus souvent invraisemblable, si l’action eût été censée avoir lieu dans un intérieur d’habitation.

Il paroît d’ailleurs qu’il eût été contraire aux bienséances, de faire sur le théâtre ce que ne pouvoit pas autoriser l’usage général, c’est-à-dire d’introduire, en quelque sorte, les spectateurs dans l’intérieur des maisona, qui particulièrement chez les Grecs, n’étoient pas à beaucoup près aussi accessibles à tout le monde, qu’elles le sont dans les mœurs modernes. Il n’eût pas, ainsi, été loisible au poëte, de montrer au public le gynécée, ou l’habitation des semmes, qui paroît n’avoir été accessible à aucun autre homme qu’au maître de la maison. Or, cette observance d’usages domestiques devoit avoir lieu, non-seulement dans la comédie, mais encore dans la représentation des sujets tragiques tragiques ou héroïques. Voilà pourquoi on ne voyoit pas au théâre Alcetste mourir dans sa chambre, mais bien eu avant de l’atrium du palais. Il eût été disconvenant de faire entrer les acteus (et surtout le chœur) dans l’appartement de la princesse. Cette sorte de sujétion nous explique beaucoup de choses dans la composition des drames antiques, et la conduite de ces drames, les conventions auxquelles ils paroissent avoir été subordonnés, nous sont voir que la sujétion des usages reçus, influa pour beaucoup sur les inventions des poètes.

De-là peut-être naquit encore chez les Grecs cette habitude du ne demander à leur imitation scénique, comme toutefois cela eut lieu dans les autres arts, qu’une vraisemblance de réalité imitative, je veux dire de cette illusion dont tant de personnes se font une fausse idée, en croyant que le point suprême de toute imitation doit être de tromper les sens, et de faire arriver l’objet imité à ce degré de ressemblance, qui opéreroit sa confusion avec l’objet imitable.

Lorsqu on examine ce point de théorie, dans la composition même et dans la récitation des drames anciens, on se persuade bientôt, et on reste convaincu, que ni le poëte ne croyoit devoir au spectateur, ni le spectateur n’exige oit du poëte, que la représentation scénique devînt un miroir, qui répétât la réalité, au point de faire croire à sa présence. Toutes sortes de détails nous prouvent, que selon l’esprit de l’art, on n’exigeoit point de l’imitation dramatique d’aller an-desà de celle d’un tableau (par exemple), dans lequel la peinture ne prétend, comme on le sait, qu’à une illusion conventionnelle. Ainsi de la seule récitation toujours mesurée, toujours accompagnée d’instrumens, on conclut, qu’il devait être bien plus difficile, qu’avec la déclamation libre, de se prêter à cette déception, qui donne au discours de l’acteur l’apparence d’une improvisation spontanée, et il eu étoit ainsi des accessoires qui, pour les yeux, concourent à l’illusion dramatique.

Metastasio a fait la même observation sur le matériel de la partie scénique du théâtre des Anciens. Il paroît avoir fort bien démontré que c’étoit au spectateur, à prendre, plus qu’on ne croit, la peine de se figurer les changemens de scènes, qui dans le cours de la pièce, étoient indiqués plus encore à l’esprit qu’aux yeux, et rendus moins sensibles qu’intelligibles. Ce qui signifie que c’étoit à l’imagination à compléter l’indication et à rachever l’illusion.

Tout ceci nom explique fort bien, ce me semble, la différence qu’on remarque dans le théâtre ancien et le théâtre moderne, sur le lieu de l’action scénique, sur l’endroit précis où se tenoient les acteurs, et où la représentation avoit lieu.

Dès qu’il n’entrait point dans les usages des Anciens, ainsi qu’en fait foi le plus grand nombre de leurs drames, de placer leur action dans des intérieurs, rarement ce qu’on appelle la décora-


tion scénique avoit à représenter autre chose que des vues de monumens, de places publiques, de façades de palais, d’extérieurs de maisons, ou de paysages et de sites agrestes.

Il nous pareît donc qu’avant qu’on eût construit dans les villes des théâtres en matières solides, je veux dire en pierre ou en marbre, l’usage ayant été de les faire en bois, ce qu’on appeloit la scène, c’est-à-dire cette grande devanture qui saisoit face à ce qu’on appeloit théâtre ou le lieu des spectateurs, ne fut aussi qu’une construction économique et temporaire. Il paroît bien vraisemblable qu’au temps d’Eschyle, par exemple, temps bien marqué par les commencemens de l’art dramatique, qui n’avoit consisté auparavant que dans le chœur, l’édifice d’Athènes, destiné à de semblables représentations, n’étoit qu’une édifice de charpente, et que ce qu’on appelle la scène ne put consister qu’en peinture figurant à peu de frais l’architecture. Je pense qu’un peut le conclure du passade même, dans lequel Vitruve nous dit que lorsqu Esshyle donnait (sans doute dans ses ouvrages) des leçons de tragédic docente tragœdiam, Agatarchus peignit pour lui une scène, scenam pinxit et à cette occasion composa un traité de perspective, qui fut suivi d’écrits faits par d’autres sur la même matière Or, le sujet de ce traité que Vitruve nous développe, n’est autre chose que l’art de mere en perspective, sur une surface plane, des édifices, avec des lointains, etc. D’où je pense qu’on doit insérer, que la scène ainsi peinte par Agatarchus, sur le mur ou la cloison qui faisoit face aux spectateurs, étoit une simple toile représentant, avec les couleurs et les lignes, ce nue depuis on fit, comme on va le voir, avec les plus somptueuses matières.

Lorsque, dans la suite, la richesse et le luxe eurent amené le besoin d’agrandir et d’embellir les monumens publics, chaque ville mit au nombre des constructions de première nécessité, si l’on peut dire, celle d’un théâtre solidement bâti, soit en pierre, soit en brique, soit en marbre, et cet édifice, destiné primitivement aux représentations scéniques, devint encore souvent un lieu public d’assemblée, pour les affaires politiques. Il fut donc naturel du réaliser en ordonnances d’architecture réelle, et avec la magnificence de l’art développé, les espèces de décorations, dont le seul pinceau avoit jusqu’alors fait les frais, et donné les modèles.

La scène (scena) devint alors une composition architecturale, qui n’ayant d’abord d’autre emploi que de servir de fond à la représentation, et au spectacle scénique, fut ensuite regardée comme devant contribuer hors des jeux dramatiques, à l’embellissement de l’intérieur du monument.

Il n’entre point dans notre sujet d’expliquer les parties de la scène, dans leur rapport avec la composition des pièces, avec le jeu des acteurs. Je me contente de dire, que cette devanture devoit être percée de trois portes, celle du milieu plus grande que les deux collatérals. Au travers de ces trois ouvertures, on devait apercevoir des objets peints en perspective, se raccordant avec le caractère de la décoratin principale, comme le faisoient aussi, ces prismes mobiles, placés de chaque côté, en retour de la scène, et qui paroissent avoir eu le même emploi que les fermes, ou les coulisses du théâtre moderne.

Si l’on vouloit entrer dans tous les détails d’une matière qui est fort loin d’être épuisée par les commentateurs, ce seroit encore ici le lieu de rassembler plus d’un passage, qui nous prouveroit que lascène solide et construite d’élémens qui ne pouvoient plus changer, devoit avoir besoin, pour être mise d’accord avec certains sujets, d’offrir aux yeux de nouvelles décorations, au moyen de toiles diversement peintes, à peu près comme, dans le théâtre moderne, on change de toiles de fond, quand l’action exige un changement de lieu.

Le passage d’Ovide (qu’on a ipporté au mot RIDEAU) nous démontre comme usuelle, la pratique de toiles mobiles et suspendues, qu’on élevoit et qu’on baissoit à volonté, sur le lieu même de la représentation dramatique, á la différence, que ces toiles s’abaissoient et se perdoient sous le sol de la scène, au lieu de s’élever, comme on fait aujourd’hui, dans les combles, ce qui devoit être, puisque les théâtres n’avoient aucune converture, si ce n’est dans le postsceniun. Or, d’une part ces toiles étoient peintes et représentoient des figures, puisqu’ Ovide décrit dans ses vers, l’effet que produisoit l’ascension graduelle de personnages, dont on apercevoit d’abord les lêtes, puis les corps, jusqu’à ce qu’on vit leurs pieds, se poser sur leur support.

Lorsque les rideaux se lèvent (dit-il), les figures s’élèvent, on voit d’abord leur visage, peu à peu les autres parties de leur corps, jusqu à ce que leur ascension graduelle les fasse paroître en totalité, et que leurs pieds viennent à se poser sur leur support.


Sic ubi tolluntur festis aulea theatris
Surgere signa solent, primumque ostendere vultum,
Catera paulaùm placidoque educta tenore,
Tota patent, imoque pedes in margine ponunt.


D’autre part, il semble qu’on pourroit inférer du mot signa, particulièrement affecté aux figures sculptées, que ces personnages étoient des statues, ce qui donneroit à entendre que, sur ces toiles peintes, on figuroit des compostions d’architecture feinte, dans lesquelles on faisoit entrer des statues, comme on sait qu’on se plut à les multiplier dans les scènes solidement construites.

On peut donc croire qu’il y avoit des scènes de rechange, adaptées aux sujets des représentations, et plus d’un passage, où il est question de décora-


teurs devenus célèbres par la peinture des scènes, semblent encore le confirmer. Ainsi Apaturius d’Alabande, comme Vitruve le raconte, avoit peint sur un théâtre des Abderitains, une scène à deux étages (le second ordre s’appeloit episcenium), remplie de toutes sortes de caprices. Des centaures y faisoient office de colonnes ; il y avoit des frontons recourbés, et toutes sortes de bizarreries d’idées et de compositions, dont la nouveauté avoit flatté les yeux du penple d’Abdère. Mais le philosophe Licinius s’étant élevé contre cette peinture, et en ayant montré l’invraisemblance et l’absurdité, nous voyons Apaturius enlever sa scène (scenam sustulit) et en refaire une autre, conforme aux principes de la vérité imitative. Cela paroît prouver que la scène d’Apaturius étoit peinie sur une toile mobile.

Au reste, on peut croire que la peinture des scènes fut une des causes qui purent amener dans l’ornement et les décorations peintes des Anciens, beaucoup d’inventions et d’idées capricieuses. Peut-être est-ce là qu’on peut trouver, sans trop d’invraisemblance, les modèles de ces décorations d’architecture arabesque, dont les peintures d’Herculanum et de Pompeia nous offrent un si grand nombre d’exemples. Il est assez probable que les peintres de scènes dûrent être aussi les peintres de ces décorations d’intérieur, où leur pinceausejouoit en toute liberté, et pour lesquelles probablement ils trouvoient des yeux, déjà habiltués aux ; caprices que le théâtre avoît propagés et accrédités.

Il faut dire encore, que de toutes les compositions architecturales des Anciens, celles de leurs scènes, d’après les vestiges qu’on en connoit, et les descriptions qui en restent, furent les ouvrages où l’architecture se donna le plus de liberté.

Dans le fait, ce qu’on appeloit, comme on l’a vu, scène, n’étoit poiat un véritable édifice. Ce n’étoit à proprement parler, qu’une devanture, qu’un frontispice purement décoratif, ou, si l’on veut, un mur orné d’architecture, et par conséquent un ensemble libre de toute sujétion. C’est bien probablement à cette liberté, à cette absence d’emploi, qu’on peut attribuer le goût assez général de la disposition et de la décoration, tant de l’ensemble, que des détails de ces ouvrages. On y trouve les ordres appliqués, et les colonnes réparties avec beaucoup moins de correction qu’ailleurs. Il n’est pas rare d’y voir les colonnes accouplées, comme au théâtre d’Antium et au théâtre de Pola. Les niches y sont multipliées. Il y a pour toutes. les sortes d’objets de décoration, des champs réservés, sans aucune raison qui semble les rendre nécessaires. Tout prouve que la scène étoit une construction véritablement, et on pourroit dire, uniquement destinée au plaisir des yeux, comme aussi à donner une idée de richesse, d’élégance et de variété analogue au spectacle.

Le plus souvent, la scène se composait de deux étages de colonnes l’un au-dessus de l’autre. On voit encore au mur de la scène du théâtre d’Orange, les arrachemens des pierres qui indiquent cette double ordonnance.

Selon Vitruve (l. 5, ch. 7), la scène devoit se composer ainsi. Dans le bas, dit-il, règne un stylobate continu, ayant en hauteur la douzième partie du diamètre de l’orchestre. Les colonnes qu’on y place, y compris le chapiteau et la base, ont en hanteur le quart de ce même diamètre. La hauteur de l’entablement est égale à la cinquième partie de la colonne. Au-dessus de ce rang de colonnes est un autre piédestal continu, qui a, en élévation, la moitié de celui d’en bas. Il reçoit des colonnes plus petites du quart, que celles du rang inférieur. Son entablement a pour hauteur la cinquième partie des colonnes auxquelles il appartient. Quelquefois (continue Vitruve) on y ajoute encore un troisième rang de colonnes, dont le piédestal n’a que la moitié de la hauteur de celui du milieu, et les colonnes aussi, sont d’un quart plus petites, que celles de la rangée qui est au-dessous.

On comprend aisément que ces règles de Vitruve ne reposent que sur une théorie plus ou moins arbitraire ; car, on le répète, aucun ouvrage d’architecture, n’offrit plus de liberté à l’architecte, et par conséquent ne dut présenter plus de variétés dans sa composition.

Rien n’approcha jamais de la magnificence que les Romains portèrent à cette partie de leurs théâtres, ni de la profusion d’ornemens, en tableaux, en tapisseries, en bronzes, eu statues, qu’ils se plurent à y entasser.

Nous lisons dans Pline, que Claudius Pulcher fut le premier qui y déploya toutes les richesses de la peinture. Caius Antonius, enchérissant sur ceux qui l’avoient précédé, fit argenter la scène. Son exemple fut suivi par Lucius Murena. Petreius vint ensuite qui la fit dorer. Quintus Catulus la fit revêtir en ivoire.

Mais nul n’égale Scaurus, qui, pendant son édilité, fit construire un théâtre, non pas, dit Pline, du genre de ceux qu’où élève pour peu de temps. Le sien fut bâti pour durer éternellement, et il pouvoit renfermer quatre-vingt mille spectateurs. Il y pratiqua une scène à trois rangs de colonnes l’un sur l’autre : elle étoit décorée, dans toute sa hauteur, de trois cent soixante colonnes. L’ordonnance inférieure étoit de marbre, et ses colonnes avoient trente-huit pieds de haut. L’ordonnance du milieu étoit de verre, genre de luxe dont on n’a plus revu d’exemple. Les colonnes de l’ordre supérieur étoient en bois doré. Le nombre des statues de bronze placées dans les entre-colonnemens, montoit à trois mille.

Rien, comme on le voit, ne ressemble moins à la scène théâtre grec et romain, que ce qu’on appelle scène sur le théâtre moderne. Ce que nous désignons aujourd’hui par ce mot, est précisément ce que l’on appeloit autrefois proscenium, avant-


scène. C’étoit sur cet espace, qui précédoit la scène, qu’avoit lieu l’action ou le spectacle. Notre avant-scène à nous n’est synonyme de celui des Anciens, qu’en tant que nous donnons ce nom à un espace, qui est l’espace antérieur de celui qui est pour nous la scène.

Le fond de l’espace où l’action se représente, au lieu d’être un corps de bâtisse, d’architecture, ou de décoration permanent et solide, consiste aujourd’hui en une grande toile, ou un châssis, sur lequel on peint tantôt le fond du local fermé, de la pièce intérieure que demande le sujet du drame, tantôt, et selon les divers besoins du spectacle, la vue en perspective, soit des parties éloignées ou renfoncées de ce lieu, soit des fonds de ville, de places publiques, de campagnes, de forêts, de paysage. La partie antérieure de ces différens lieux est figurée par le moyen de châssis en coulisses, sur lesquels on peint, soit les membres de construction ou d’architecture, qui composent l’intérieur du lieu représenté, soit les arbres, plantes et autres objets, de manière à ce qu’ils se raccordent avec ce qui est peint sur la toile du fond.

Les changemens du scène se sont en substituant une autre toile à celle du fond, et d’autres coulisses de droite et de gauche, à celles qui figuroient les parties latérales de l’intérieur, ou de l’espace quelconque renfermé par la scène. Voy. THÉATRE.

SCÉNOGRAPHIE, s. f. C’est à proprement parles, et d’après la composition de ce mot, l’art de peindre des scènes, et ce mot seul nous apprendroit, à part des notions contenues dans l’article précédent, que la peinture fit très-souvent les frais de la décoration des scènes, soit sur les théâtres qui n’avoient pas de scène en architecture solide et réelle, soit dans les cas où des toiles mobiles, selon que l’exigeait le sujet des pièces, venoient couvrir, plus ou moins, la scène construite et décorée à demeure.

Mais le mot scénogrophie, par suite des opérations qu’enseigne la science de l’optique, nécessaire à l’exécution de ces sortes de peintures, a donné son nom, ainsi que nous le voyons dans Vitruve, à l’art que nous appelons perspective. (Voyez ce mot. )

SCIAGE, s. m. On appelle l’effet AINSI Qui provient de l’’action de la scie, DANS LES matières OU DANS LES corps Qui were Soumis à action this.

On appelle bois de sciage, Celui Qui was refendu Dans Une grosse pièce par les scieurs de longtemps. Telles Sont Les Planches de differentes épaisseurs ; Tels Sont Les madriers, chevrons les, les solives, etc.

SCIE, s. f. Lame de fer ou d’acier, plus ou moins large et longue, dentelée ou non dentelée, dont on se sert pour scier les marbres, les bois, etc. La scie en montée différemment, et reçoit des noms divers, selon la diversité de ses usages, ou des matières auxquelles on applique son action. On dit :

Scie en passe-partout. C’est celle dont la lame est dentelée, ayant à chaque extrémité un anneau ou œil, dans lequel on met un morceau de bois rond servant de manche. On les emploie à couper certaines pierres tendres ; alors les dents ne sont pas ce qu’on appelle détournées. Ou s’en sert pour couper les grosses pièces de bois. Dans ce cas, les dents de la lame sont détournées à droite et à gauche alternativement, avec un tourne-à-gauche.

Scie sans dents. Est celle dont la lame est droite et unie dans sa monture ; elle sert à scier les marbres et les pierres dures. On favorise l’action de son frottement en versant dans ce qu’on appelle le sciage ou du grès pulvérisé, ou du sablon mêlé avec de l’eau.

Scie à scier de long et à refendre. Scie dont la lame est dentelée, ajustée, dans le milieu de sa monture, ayant un affutage ou main à chaque extrémité. Elle sert à refendre les bois de charpente et de menuiserie.

Scie de charpentier. Est une grande lame dentelée, ajustée dans sa monture, dont les charpentiers se servent pour débiter les bois de longueur, et faire les entailles pour les paumes et tenons.

Les menuisiers ont encore différentes scies, qui chacune ont leur nom, selon le genre de leur emploi. Mais cette nomenclature deviendroit par trop étrangère à la construction en général, et à ce qui est le principal objet de ce Dictionnaire.

SCIER, v. act. Couper du bois ou toute autre matière avec une scie.

SCIEUR, s. m. Nom qu’on donne à l’ouvrier qui scie. On appelle scieurs de long, ceux qui scient des poutres, pour en faire des ais, de madriers, des solives.

SCIOGRAPHIE, s. f. Il paroît qu’on devroit écrire scia, le mot venant des deux mots grecs scia, ombre, et graphein, représenter. Il signifie représentation de l’ombre ou par le moyen de l’ombre. Galiani pense qu’il faut lire dans Vitruve scenographia au lieu de sciographia, qui dans tous les cas ne seroit qu’une partie de l’orthographia.

SCIURE, s. f. Poudre qui tombe de la matière qu’on scie.

SCOTIE, s. f. C’est le nom d’une moulure dont l’architecture fait fréquemment emploi. Son nom vient du grec scotias, obscur, ténébreux, parce que cette moulure étant profondément creuse, reçoit effectivement ou produit beaucoup d’ombre dans sa cavité.

La scotie est donc une moulure concave qu’on pratique le plus ordinairement entre les tores de la base d’une colonne ; elle se termine par deux filets ou deux petits membres carrés.

On l’appelle quelquefois nacelle, membre creux et trochile, du mot grec trochilos, qui signifie une poulie.

La scotie se place surtout aux bases attiques et corinthiennes. L’usage est d’en placer deux dans la base corinthienne. On les nomme, l’une supérieure, l’autre inférieure. Cette dernière est plus grande que l’autre.

SCULPTURE, s. f. (Art de sculpter.) Cet art considéré dans les élémens d’imitation de la nature qui lui sont propres, et dans sa théorie spéciale, étant indépendant de l’architecture, sembleroit n’avoir aucun droit de trouver place dans ce Dictionnaire.

Si toutefois nous l’y faisons entrer, ce sera, comme nous avons déjà fait à l’égard de la peinture, uniquement sous les rapports que son travail et ses ouvrages ont avec l’art de bâtir. Or, j’en trouve trois principaux, dont le développement importe aux connoissances de l’architecte.

Le premier consiste dans les divers emplois que l’architecture en fait ; le second dans la valeur qu’un emploi bien entendu de la sculpture peut donner aux édifices ; le troisième rapport est celui de l’accord qui doit régner entre le style et le goût du sculpteur, et le style ou le goût du monument auquel ses ouvrages s’appliquent.

C’est à quelques notions fort générales sur ces trois points, que nous restreindrons cet article, en renvoyant aux mots Bas-relief, Buste, Ornement, Statues, etc.

Des divers emplois de la sculpture dans les édifices.

Si l’on vouloit chercher dans la nature même des choses (ce qui paroît toutefois assez inutile) quel est le principe de la liaison de la sculpture avec l’architecture, il suffiroit de considérer l’espèce de ressemblance qui existe entre les deux arts, dans l’ordre seul de la matière dont leurs travaux dépendent. En effet, les œuvres de la sculpture ne se produisent aux yeux, que par l’entremise formelle des matériaux qu’elle emploie ; et l’architecture aussi n’acquiert de consistance, qu’à l’aide des matières qu’elle met en œuvre ; si bien que, réduit à la simple idée de l’exécution mécanique, l’art de bâtir ne parvient à réaliser ses conceptions qu’en usant de la plupart des procédés et des moyens pratiques, qui lui sont communs avec l’art de sculpter.

L’art du sculpteur étant entré nécessairement, dès l’origine de l’architecture, dans l’élaboration matérielle des édifices, il fut très-naturel qu’elle se l’associât plus intimement, dès que le goût se développant, il lui fallut faire servir les ornemens même à varier les inventions, à caractériser les différens modes, à multiplier les formes, les combinaisons et les effets de ses ouvrages.

L’art du sculpteur, par exemple, devint indispensable à l’architecte pour établir cette variété, de caractère, qui fixe le genre propre de chacun, des ordres. On comprit que les proportions affectées aux formes constitutives de chaque mode d’ordonnance, acquerroient encore une vertu nouvelle et une action plus certaine sur les sens et sur l’esprit, lorsqu’une mesure plus ou moins grande et un choix diversement gradué d’ornemens, se trouveroient mis eu rapport avec les impressions dépendantes de leur type caractéristique. Ainsi l’ordre dorique, qui exprime la force et la solidité, n’eut point à réclamer de la sculpture, l’élégance et le luxe d’ornemens qui conviennent aux deux autres ordres. Les triglyphes, représentation commémorative de la construction primitive en bois, excluant dans la frise tout autre parti de décoration, les intervalles qui les séparent surent les seuls espaces que le sculpteur put remplir. Du reste tous les profils, soit du chapiteau, soit de l’entablement, dûrent rester lisses, et l’on citeroit à peine dans l’antiquité grecque une exception à cette règle. L’ionique dut au contraire à la sculpture, et l’élégance de son chapiteau, et les détails diversement variés de sa frise, de ses mutules, des tores de sa base, de toutes les moulures découpées de sa corniche. La sculpture fut encore appelée à prononcer avec toute l’énergie de ses moyens, le plus haut caractère de la richesse dans toutes les parties de l’ordre corinthien. Il suffit de citer le chapiteau de ce nom, pour faire sentir et comment la sculpture, dans cet ordre, se trouva identifiée à l’architecture, et combien les ressources de l’ornement ajoutent de valeur à celles des proportions.

Plus de développemens à cet égard seroient inutiles. L’on voit que l’art de sculpter est, dans la réalité, partie nécessaire de l’architecture, qui lui doit un des plus énergiques moyens de son langage, en tant qu’il sert puissamment à en fixer les idées, à les rendre intelligibles, et à renforcer ses impressions.

Mais outre cet emploi, qu’on peut appeler obligé, de la sculpture dans les œuvres de l’architecte, qui pourroit nombrer tous les genres d’obligations que lui a l’architecture ? Il suffit de penser que l’art des ornemens est la moindre des parties de l’art de sculpter, lequel comprend deux grandes divisions, celle des bas-reliefs et celle des statues.

L’emploi des bas-reliefs offre surtout aux édifices, non-seulement une décoration que rien ne sauroit remplacer, mais encore le moyen le plus facile de rendre leur destination sensible.

On ne sauroit dire sous combien de rapports et


à combien de parties des édifices. les Anciens firent servir la sculpture en bas-relief. Peut-être seroit-ïl plus facile, et surtout plus court, de désigner les parties qui paroissent n’avoir jamais reçu de figures en bas-relief. On parle ici de l’architecture grecque, car on sait assez qu’en Egypte, l’usage presque général l fut de couvrir la totalité des édifices, et de chacune de leurs parties, avec de la sculpture hiéroglyphique en bas-relief, exécutée selon les divers procédés de ce pays.

On avouera que les sculptures en bas-relief des Egyptiens, ne furent réellement autre chose dans leur emploi sur les édifices, que de véritables inscriptions, et il faut dire que c’est naturellement à cette fonction que doit s’arrêter l’art dont on parle, lorsque des causes puissantes empêchent le développement de l’imitation, Chez les Grecs, où la sculpture ne trouva point, même dès son origine, autant d’entraves qu’en Egypte, on voit cependant que tes bas-reliefs appliqués à l’architecture ne furent aussi d’abord qu’une sorte d’écriture. (Voyez BAS-RELIEF. ) Lors même que l’imitation eut fait des progrès en tout genre, il faut reconnoître que les figures, tout en recevant la plus grande perfection, ne s’écartèrent point du système, qui tendoit à les faire regarder comme des signes convenus, comme les caractères d’un mode d écrire et du retracer les idées des choses et des personnes, sur des fonds dont on n’étoit libre de disposer, qu’au gré, et selon les convenances de l’architecture.

Il est en effet permis de croire que l’emploi de la sculpture en bas-relief, ne sortit jamais de la sphère des attributions architecturales. Je m’explique Dans les temps modernes, comme on le sait, les sculpteurs se sont exercés à exécuter des bas-reliefs, en quelque sorte comme des tableaux, c’est-à-dire indépendans de toute destination fixe, et surtout de l’emploi ou de l’application qu’on en peut faire à l extérieur des édifices. De-là naquit ce genre pittoresque, qu’on remarque même aux ouvrages du quinzième siècle, où des vues perspectives donnent aux compositions, des lointains qui détruisent pour l’effet, et pour les yeux, l’apparence du fond réel, ou de la superficie sur laquelle les figures se détachent. C’est là le genre de bas-relief que la sculpture antique ne nous présente point, et soit qu’on prétende que ce fut, chez les Anciens, système raisonné, ou seulement ignorance de la part du sculpteur, des procédés de la perspective linéaire, on peut affirmer qu’on n’en trouve aucune trace.

Je suis très-porté à croire que cela est dû, en grande partie, à cet emploi si général et si multiplié, que l’architecture fit de la sculpture en bas-relief. En effet, il faut encore regarder comme ouvrage de l’architecture, ce nombre infini d’objets, tels que vases, trépieds, candélabres, autels, cippes funéraires, urnes sépulcrales, etc. D’où provient cette multitude de bas-reliefs antiques, aujourd’hui séparés des monumens sur lesquels ils furent exécutés.

Ainsi tout nous dit, dans quel esprit l’architecture antique employoit la sculpture de bas-relief. Or, il nous semble que le simple bon sens doit toujours en prescribe le même emploi, soit dans les frises des entablemens, soit autour des murs d’enceinte, soit sur les vases. , et sur toute superficie qui ne sauroit admettre l’idée d’un renfoncement.

A moins, en effet, de quelque cas particulier, où la sculpture en bas-relief se trouvera appelée à remplacer la peinture, dans un cadre donné et indépendant de la construction du monument, l’emploi que la nature des choses lui assigne, doit constamment se réduire à être une sorte d’écriture figurative, c’est-à-dire que les personnages, les faits et les choses qu’elle représente, doivent, autant pour son intérêt que pour celui de l’architecture, se développer sur un petit nombre de plans, et de manière à ce que la superficie des membres ou des parties de l’édifice n’en soient ni n’en paroissent altérées.

Quant à la sculpture en statues, tout le monde en connoît les emplois divers dans l’architecture, et on sait assez sous combien, de rapports elles contribuent à l’embellissement des édifices, soit qu’on les place comme couronnemens de leurs sommets, soit qu’on les adosse aux murs, soit qu’elles occupent les intervalles des colonnes, soit qu’elles remplissent les niches qu’on leur destine.

La connoissance plus exacte que les voyageurs nous ont donnée de plus d’un temple en Grèce, nous a révélé un emploi des statues, qui pourroit avoir été plus fréquent qu’on ne pense, et sur lequel on n’avoit eu précédemment que des notions conjecturales. Je veux parler des statues placées dans les tympans des frontons. Il est avéré, par les figures mêmes qu’on a déplacées des frontons ruinés du temple de Minerve à Athènes, et qui ont été transportées a Londres, que l’espace intérieur de ces frontons étoit occupé de chaque côté du temple, par plus d’une vingtaine de figures qui étoient des statues susceptibles d’être isolées, et aussi bien terminées dans la partie adossée au tympan que dans celle qui faisoit face an spectateur. Pareil emploi de statues avoit eu lieu dans les frontons du temple d’Epine, ainsi que l’ont prouvé les restes de statues trouvés au bas des frontispices de ce temple, parmi les débris ou ils s’étoient conservés, Ces faits bien constans ont fait présumer que certaines suites de statues antiques, telles que celle de la famille de Niobé, avoient pu occuper de semblables espaces. Cet emploi jusqu’ici inconnu des statues dans les édifices, ne doit pas cependant exclure celui de la sculpture en bas-relief appliquée aux frontons ; l’on peut croire même que la grande saillie des statues ne permit de les y placer, qu’à raison de la profondeur que le fronton recevoit ; et cette profondeur étoit une des conséquences naturelles de la grande


projecture des membres et des profils de l’ordre dorique.

De la valeur que la sculpture donne aux édifices.

Quand on se figure ce grand nombre d’emplois affectés à la sculpture, dans les ouvrages de l’architecture, il est facile d’imaginer tout ce que ce dernier art en reçoit de valeur, tant pour le plaisir des yeux que pour celui de l’esprit. Combien de superficies et d’espaces donnés par la construction, commandés par la solidité, et par une multitude de besoins ou de sujétions, resteroient insignifians, et vides d’effet, comme d’impression sur les sens, si la sculpture ne venoit, avec les variétés de ses ornemens, en rompre la monotonie, en corriger la froideur ! A ne considérer les travaux de la sculptureque sous ce rapport, on est obligé de reconnoître qu’ils deviennent pour l’architecture, un moyen dont la privation elle-même ne laisse pas de contribuer à caractériser les édifices. S’il en est qui doivent leur valeur au luxe et à l’abondance des sculptures d’ornement, il y en a d’autres dont l’effet, l’impression et la beauté tiennent précisément à l’absence totale de ces accessoires. Qu’on suppose un pays où l’architecture, sans aucune coopération de la sculpture, seroit réduite à l’uniformité de la matière, et aux seules variétés de formes ou de proportions, il n’est pas malaisé de pressentir ce quo cette sorte d’unisson produiroit d’indifférence, sur le plus grand nombre des hommes.

La sculpture, par tout ce qu’elle répand da variétés dans les édifices, semble en quelque sorte leur donner un principe de vie ; elle en multiplie les espaces en les diversifiant, elle y crée des besoins qui deviennent des plaisirs, elle y introduit des objets de comparaison, qui font mieux apprécier les distances et les dimensions, elle fournit à la vue des échelles de rapports et de mesures.

Est-il nécessaire de dire à quel point, les sujets que l’architecte demande au sculpteur, de traiter sur les emplacemens qu’il lui fournit, contribuent à satisfaire l’intelligence et l’esprit du spectateur, soit en l’instruisant de la destination du local, soit en lui retraçant les souvenirs qui s’y rattachent, soit en éveillant en lui des idées qui ajoutent le charme de l’impression morale, au plaisir de la sensation physique ? N’est-ce pas au choix ou judicieux ou ingénieux des objets, soit historiques, soit poétiques ou allégoriques, que te ciseau du sculpteur retrace, tant en dedans qu’au dehors des édifices, que le spectateur doit de pouvoir apprécier avec la connoissance même de l’emploi d’un monument, cet heureux effet de l’harmonie morale, qui en met toutes les parties d’accord aven l’ensemble, et fait respectivement servir à un but commun l’utile et l’agréable ?

Si tels sont les avantages que l’architecture retire de son union avec la sculpture, on conçoit combien il importe à la valeur même des édifices, que les différent genres d’ornemens produits par le ciseau, n’y soient pas (comme cela arrive trop souvent) des espèces de lieux communs qui se rencontrant partout, ne disent rien nulle part. Sans doute, l’architecte a quelquefois besoin de remplir certains vides, d’occuper l’œil du spectateur, de sauver quelques irrégularités, ou d’établir quelques points de symétrie, et l’on connoît une multitude d’objets et d’inventions banales qui viennent sans peine se présenter à la routine du décorateur. C’est au choix de ces objets qu’on reconnoîtra le goût de l’architecte. Il n’y en a point dans ce grand répertoire d’ornemens qu’on répète trop souvent sans raison, qui ne puisse, par des accessoires significatifs, par des ajustemens nouveaux, retrouver une valeur de signification analogue au monument où on l’appliquera.

De l’accord du style de la sculpture avec celui de l’architecture.

Quelle que soit la valeur que les édifices doivent aux œuvres de la sculpture, il y a, comme on vient de le voir, à côté de ces avantages, des inconvéniens à éviter. L’abus nuit toujours de l’usage et il est dans la nature de tout usage, que l’un perde de vue le principe de son utilité. La routine familiarise les yeux avec des objets, auxquels l’esprit s’habitue a ne plus demander de signification. L’architecte lui-même finit souvent par employer les signes ou les images des objets, comme feroit celui qui associeront les caractères dé l’écriture, sans s’informer du sens qu’ils peuvent former. Cet abus arrivera surtout si l’architecte, cessant d’être l’ordonnateur de l’ensemble et des moindres détails, laisse ou libre arbitre du sculpteur, et le choix des ornemens, el le choix du style, du goût, et de la manière des objets, soit en bas-relief, soit eu statues qui s’associeront à son architecture. Cet accord de style entre les deux arts est bien plus important qu’on ne pense.

Ce qu’on appelle style ou manière, dans les arts du dessin, est une qualité qui peut s’entendre, se sentir, ou se définir diversement ; mais entre les différentes idées qu’on en donne, la plus sensible est celle qui résulte avec évidence de son effet, parce qu’elle est facile à saisir par les yeux. Selon celle idée, le style est ce qui donne aux ouvrages de l’art, une physionomie particulière et tellement distincte, que personne ne s’y méprend. Ainsi il n’y a pas moyen de confondre la sculpture antique, par exemple, avec celle de Bernin, ni les statues composées, exécutées dans un principe simple, dans des attitudes le plus souvent rectilignes, avec celles où un désir désordonné do variété, s’étudia d’introduite les effets pittoresques, les poses contrastées, tes mouvemens hors de tout aplomb.


Or, il s’agit de savoir, lequel de ces deux systèmes de sculpture convient le mieux à l’architecture. Mais évidemment cet art, en admettant les statues dans sa décoration, ne peut leur donner que des emplacemens, qui se composent de formes plus ou moins régulières, et surtout de lignes droites dans les élévations. Le seul sentiment de l’accord ou de l’harmonie des lignes, indiquera donc que les statues, soit nues, soit drapées, dans des poses et avec des ajustemens, que nous appellerons à l’antique (pour les définir d un seul mot), si on les place, ou entre des colonnes ou dans des niches, y seront un meilleur effet que celles dont les mouvemens, les membres, les draperies volantes, contrasteront avec les masses ou les formes environnantes. Il en est de même des statues décoratives, qui surmontent les faites ou les couronnemens des monumens. Quelques critiques ont blâmé l’emploi des statues situées dans ces sortes d’emplacemens, sous le prétexte, que là ou l’on ne sauroit supposer la présence d’hommes vivans, on ne devroit pas s’en permettre la représentation. Idée fausse, et qui n’est qu’une des nombreuses méprises du goût moderne, dans les convenances de l’imitation, que l’on confond avec cette illusion, dont le propre est de faire prendre l’image pour la réalité.

Il est douteux que jamais les Anciens aient entendu sous ce rapport, l’imitation qui appartient surtout à la sculpture, où le seul manque de couleurs naturelles, est un invincible obstacle à cette déception, qu’on regarderoit comme le but ou le chef-d’œuvre de l’art. Mais de quelque minière que le statuaire l’entende, et à quelque point qu’il se propose de porter l’effet de son imitation, sur les sens du spectateur, toujours faut-il convenir que l’architecte est tenu d’en considérer tout autrement les productions. Jamais il ne peut avoir dans l’intention d’employer les figures, c’est-à-dire de les faire considérer comme êtres vivans. Les statues ne sont pour lui que des statues ; el la sculpture, soit par les ouvrages en bas-relief, soit par les simulacres en ronde bosse, n’est dans ses vrais rapports avec l’architecture, qu’un moyen d’orner les édifices, d’expliquer leur destination, et d’y ajouter un nouvel intérêt.

Toutefois ou voit que les deux arts travaillent en quelque sorte de concert, emploient des instrumens communs, et s’exercent en général sur la même matière. Or, voilà ce qui rend encore indispensable entr’eux, un même goût dans le travail, un même genre de procédé dans l’élaboration de la matière. Selon la dimension des édifices, selon l’ordre qui y sera employé, selon le degré de caractère plus ou moins sévère, plus ou moins riche ou gracieux, le ciseau du sculpteur est tenu de donner à ses ouvrages, plus ou moins de largeur ou de pureté, plus ou moins de hardiesse où de précision, plus ou moins de saillie ou de douceur ; et cette harmonie de caractère, dont il est si facile de reconnoitre la nécessité à l’égard des ornemens, et des sculptures adhérentes aux fonds même ou aux masses de l’architecture, on comprend aussi qu’elle n’est guère moins importante dans l’exécution des statues, quoique moins étroitement liées à la construction.

Cette théorie de goût ne s’adresse toutefois qu’à l’emploi des statues, que l’architecte introduit dans ses compositions, comme destinées à en faire partie, soit pur le rôle qu’elles doivent y jouer sous le rapport de décoration, soit par celui que leur impose la destination de l’édifice. Mille raisons, mille convenances peuvent donner accès à des statues, auxquelles ne sauroient s’appliquer ces considérations, susceptibles sans doute de plus d’une sorte de modification et de temperamens.

SEC, SÉCHERESSE, s. f. Le dotant qu’on appelle ainsi, dans les arts du dessin, paroit tenir particulièrement au procédé d’exécution, parce que son effet est de nature à affecter surtout les yeux qui en jugent sacilement.

L’effet de ce qu’on appelle sécheresse, eu peinture, résulte surtout d’un manque de sondu dans l’emploi des teintes, ou d’une application des couleurs, telle que les contours des figures restent tracés, avec un excès de pureté, qui les empêche de tourner de se mêler avec le sond. Cet effet peut provenir encore d’un excès de petits détails dans la délinéation méme des objets, d’une prétention à faire, par exemple, compter les cheveux, les poils, les plus légères modifications de l’épiderme. On n’a besoin, pour se figurer ce qu’est la sécheresse, que de se rappeler les premiers ouvrages de la peinture à la renaissance, an quatorzième siècle.

Les mêmes défauts sont remarquables dans les premières sculptures de ce temps La maigreur des formes, le soir excessif des plus légers détails, une trop grande finesse d’outil même, produisent lasécheresse dans les œuvres de la sculpture.

Il nous paroit donc qu’à l’égard de l’architecture, l’effet de la sécheresse sera aussi plus particulièrement rendu sensible, dans cette partie de l’art, qui dépend du travail de la matière, et de l’emploi du ciseau : non que l’architecte ne puisse encore y concourir, en multipliant par trop les membres, en ne laissant point entr’eux les intervalles nécessaires au développement qu’exigent les yeux. Mais il est évident que lu manière seule de traiter soit les profils, soit les ornemens, avec trop de maigreur, avec des angles trop aigus, avec un outil si l’on peut dire trop tranchant, donnera aux formes une sorte d’aspérité. Trop de petites parties souillés entre des filets, des listels, ou des tures pressés eu quelque sorte les uns contre les autres, produiront des ombres multipliées, de petits qui donnent a l’aspect général cette dureté qu’on appelle de la sécheresse.


SECTION, s. f. Se dit du point de ous des lignes se coupent, et encore de la ligne Dans Laquelle des plans se rencontrent.

Section se dit also de la superficie d’un corps, après Qu’on en une partie retranché juin. Ce est la superficie apparente d’un corps coupé.

SEGESTE, ville antique de Sicile, dont on voit encore des rentes, assez distants de l’endroit où existe aujourd’hui le temple dont on parlera tout a l’heure, lequel peut-être en était jadis aussi éloigne, si l’un suppose que la ville étoit plus voisine de la mer.

Du reste on trouve à quelque distance de ce temple. , des fragmens d’anciennes voûtes fort ruinées, des vestiges assez informes d’un théâtre qu’on distingue à peine, des débris de citernes, construites en pierres d’une grande dimension. Tout indiqua qu’il y avoit là une ville considérable. Mais il faudroit faire sur ces terrains auiourd’hui fort déserts, des recherches particulières, pour reconnoitre quelle fut la forme et quelle fut l’êtendue du cette ville.

C’étoit, à ce qu’il semble, avant d’arriver à la ville même de Segeste, mie s’élevoit le superbe temple consacré, dit-on, a Cérès, dout il subsiste aujourd’hui le corps le plus intègre qui te sait peut être conservé dans toute l’antiquité. On entend parler de la colonnade qui environnait la cella, et dont toutes les colonnes sont encore debout, avec les deux frontons du pronaos et du posticum.

Le plan du temple est un carré long de cent soixante-dix-sept pieds, sur soixante-quatorze dans les côtés, en comptant les colonnes d’angle. Les colonnes ont vingt-huit pieds six pouces de haut, et six pieds quatre pouces de diamètre. L’entre colonnement général est de sept pieds un pouce, excepté entre les deux colonnes qui formoient l’entrée, ce qui fait une différence de neuf pouces en plus, mais qui devient insensible à lœil. L’entablement a dix pieds dix pouces de hauteur.

Le fronton est fart surbaissé, ce qui fait que le temple n’a eu tout que cinquante-huit pieds d’élévation, en y comprenant même les trois degrés qui règnent au pourtour. Les colonnes ont de dix à treize assises de pierres. Ce qui forme une singularité au temple de Segeste, c’est que les colonnes ont une enveloppe de matière, qui excède leur diamètre de deux ou trois pouces, et dont elles sont entourées dans toute leur hauteur. Les bossages conservés pour la commodité de la construction existent encore aux bases des colonnes, ainsi qu’à beaucoup de pierres du soubassement, ou des gradins du temple qui ne sont point enterrés. On trouve de ces bossages répandus dans beaucoup d’autres partiel de cette construction, et même à quelques pierres des frontons, ce qui sembleroit in liquer que ce temple u’a point été absolument terminé, ni dès-lors consacré. Peut être est-ce par cette raison qu’il aura échappe, etant surtout eloigné de la ville, aux incendies et aux pillages des barbares.

Nous avons emprunté ces détails au quatrième volume du Voyage pittoresque de Naples et de Sicile, par l’abbé de Saint-Non, qui est, jusqu’à présent, l’ouvrage où le temple de Segeste soit le mieux décrit. On en trouve dans le voyage de William Wilkins un dessin plus rendu, mais accompagne de peu d’observations. Nous devons donc relever quelques erreurs dans l’extrait qu’on vient de rapporter.

Et d’abord ce n’est pas une singularité particulière au temple de Segeste, que telle espèce do tambour, comme le nomme la description, qui excède le fût de la colonne et l’entoure dans toute sa hauteur. On peut voir a l’article CANNELURE, ce qui est dit de cette sorte d’enveloppe qu’on trouve aux colonnes du temple de Segeste, ainsi qu’à celles du temple de Thoricion, et je crois encore à quelques autres temples d’ordre dorique grec. Cette prétendue enveloppe n’est autre chose que l’excédant de matière laissé au diamètre de la colonne, pour être abattu lors de l’exécution des cannelures, ainsi qu’on l’a sait voir, par un procédé extrêmement simple, à l’article cité.

Or, rien ne confirme mieux l’opinion que le temple de Segeste n’avoit point été terminé. Ce fait étant rendu constant, explique aussi les petits bossages laissés à un grand nombre de pierres, et doit démentir l’idée qui semble avoir été adoptée dans son dessin par William Wilkins, savoir, que c’eût été un ornement du soubassement.

Reste encore dans ce monument un objet de doute ou de discussion. Les pierres qui, sous chaque colonne, leur font, dans l’état actuel, un socle ou une base carrée, étoient-elles destinées à jouer ce rôle, ou bien les intervalles qui les séparent aujourd’hui, devoient-ils etre remplis par des pierres d’une égale bailleur, ce qui auroit donné au temple un degré de plus ? William Wilkins, dans son dessin, adopte cette dernière opinion. Or il nous paroit que ce temple supposé terminé, étant entièrement conforme a tous ceux d’ordre dorique grec qu’où connoit, et dont toutes les colonnes sont constamment privées de base dans ces colonnades périptères, on doit conclure que les prétendus socles carés du temple de Segeste, ne-sout qu’une nouvelle preuve d’un édifice non achevé.

Il ne manque à l’extérieur de ce temple, que quelques pierres du fronton, détachées et renversées sans doute par quelqu’accident particulier. La seconde colonne de la face orientale, ayant été endommagée par le tonnerre, elle a été réparée autant qu’elle pouvoit l’être. L’intérieur de cette colonnade est absolument vide. Il saudroit y faire des souilles, pour s’assurer si l’on y avoit construit, ou seulement commencé le mur de la cella.

SELINUNTE, anciennement SELINUM, ville an-


tique de Sicile. Diodore de Sicile nous apprend que celle ville fut entièrement pillée par Aunibal, que ses maisons lurent brûlées et abattues ; mais il n’est pas dit précisément qu’il en ait sait renverser les temples ; on peut mémo conclure le contraire du texte de cet écrivain.

L’étal de ruine dans lequel se présentent anjourd’hui les restes des temples de Selinunte, montre assez que leur destruction fut effet d’une toute autre cause. Il est aisé de voir par l’ordre qui règne dans la position des matériaux, parles parallèles qu’ils out conservés dans leur chute, par les lignes droites où se trouvent encore des morceaux entiers d’entablement, que la démolition y a été l’ouvrage de violentes secousses de tremblemens de terre, qui auront renversé toutes les colonnes, et dans une direction uniforme, c’est-à-dire du couchant a l’orient.

Le plus petit de ces temples, celui du milieu, a conservé en place toutes les assises de ses colonnes. Cet édifice avoit six colonnes de face sur treize dans ses slance, en comptant deux sois celles des angles. Elles ont cinq pieds cinq pouces de diametre et leur entre-colonnement est de huit pieds cinq pouces. Elles sont cannelées, sans base, et portent sur le degré supérieur du soubassement. Ce temple paroît avoir été le plus achevé et le plus soigné dans ses détails, mais il est plus ruine que les autres dans sa partie intérieure.

Le second temple placés près du précédent, et dans une ligne parallèle à lui, est beaucoup plus ruiné el donne moins de prise au dessinateur, qui cherche à en rassembler les élemens. Il avoit également six colonnes dans ses sronts, et treize dans ses flancs, en comptant deux fois celles des angles. Ses dimensions sont plus considérables. Du reste, c’est le même style d’ordre dorique.

Les dessinateurs du Voyage pittoresque de l’abbé de Saint-Non, passèrent des ruines de ces deux temples à celles du plus grand de tous, qu’on croit avoir été le temple de Jupiter Olympien. Il étoit d’une dimension qu’on doit appeler colossale. Le diamètre des colonnes, à leur assise inférieure, étoit de dix pieds, et la mesure de l’eutre-colonnement etoit égale à’ celle de ce diamètre. Ce temple étoit un pseudodiptère. Il avoit huit colonnes de sront et seize aux ailes, ou slancs.

Tout l’emplacement do ce vaste’ édifice est couvert de blocs de pierres énormes, entas ées les unes sur les autres. Quelques-unes plus distinctes par la position que leur a donnée leur chute, laissent mieux apercevoir la place qu’elles ont dû occuper. Certaines pierres de l’entablement ont vingt-quatre pieds dix pouces de longueur. Il paroit que l’intérieur de dix temple étoit décoré de deux ordres de colonnes l’un sur l’autre.

On remarque dans les colonnes des sronts et dans celles des flanes, que quelques-unes seulement furent cannelées, ce qui prouve que ‘l’achèvement vement du monumens fut interrompu pu pur la guerre, et que depuis, les circonstances obligèrent de laisser l’ouvrage imparsait.

Nous n’avons sait mention ici que de trois temples, dont le Voyage de l’abbé de Saint-Non donne une description abrégée. Nous devons dire cependant qu’on y trouve encore la notion de l’existence de trois autres temples du même ordre dorique grec, également renversés, mais dont les matériaux peuvent fournir aux dessinateurs les moyens d’en restituer l’ensemble.

Il manque ainsi, comme on voit, aux antiquités de la Sicile, un ouvrage qui en embrasse toutes les parties. Nous terminerons cet article, avec le regret de n’avoir pu profiter des lumières, que doit répandre sur ce pays un nouveau voyageur (M. Hittorf), mais aussi avec l’espoir que la publication des dessins que nous avons vus, ne laissera plus rien a désirer aux architectes et aux amateurs de l’antiquité.

SELLERIE, s. f. Nom Qu’on Donne Arboisien basse-cour, OU DANS UN lieu voisin des écuries, à la pièce ou L’LIENT en ordre sur les selles et les harnois des chevaux.

SELLETTE, s. f. On appelle AINSI Une pièce de bois moisée, arrondie SES PAR Extrêmités, Posée de niveau, au haut de l’arbre d’engin non, et sur Laquelle are assemble Les Deux Liens Qui présage le sauconneau.

SEMELLE, s. f. Espèce de tirant fait D’une plate-forme, Où sont assemble les pieds de la forme d’comble non, verser eu empecher l’écartement.

SEMELLE D’ÉTAIE. Pièce de bois couchée à plat sous le pied d’étaie juin, D’UN chevalement OU D’UN Pointai.

SÉMINAIRE. s. m. On donne ce nom à un établissement, à une maison de communauté dépendante ordinairement de l’évêché, où l’on reçoit et où l’on instruit les jeunes gens qui se destinent à l’état ecclésiastique, de tout ce qu’ils doivent apprendre pour en remplir un jour les sonctions.

Les enseignemens de ce genre étant assez nombreux, et les études auxquelles ont à se livrer ceux qui doivent recevoir les ordres sacrés, étant assez multipliées, le séminaire participe, sous plus d’un rapport, des établissement d’éducation et d’instruction publique.

Il doit y avoir des salles consacrées aux differens cours, aux diverses sortes d’exercites, et aux réunions qu’ils exigent.

Cette espèce d’établissement devant recevoir un nombre plus ou moins considérable d’élèves qui y sont domiciliés, on y doit pratiquer autant de petites chambres ou de cellules, que la maison soit renfermer de séminaristes. Il y aura en outre des pièces de nécessite, telles que résectoires,


cuisines, offices, de grandes salles destinées à toutes les provisions.

Un séminaire doit avoir une chapelle avec toutes ses dépendances, quelques appartenons pour les supérieurs, une bibliothèque, des corridors pour pouvoir s’y promener à couvert, et une ou plusieurs grandes cours servant de lieux de récréation.

Le caractère extérieur de l’architecture d’un séminaire doit être simple, grave, cl participer de celui des édifices religieux.

SENTIERS, s. m. pl. (Terme de jardinage. ) Ce est Ainsi Qu’on Appelle Dans Les Jardins Soit du genre régulier, Soit du genre irrégulier, de petites allées et de petits chemins Qu’on pratique OU DANS LES parterres, OU DANS LES taillis, bocages, etc.

SEPTIZONE, s. m. , en latin septizonium. Nom qu’on donna jadis à Rome, au mausolée que Septime Sévère fit élever pour lui et sa famille. Suétone, dans la vie de Titus, nous apprend qu’un antre monument du même nom, se trouvoit dans le dixième quartier de la ville. Il semble qu’on peut inférer de-la, que ces monumens, au lieu d’avoir donné leur nom à la forme de construction que la composition du mot nous indique, le reçurent plutôt d’un type déjà consacré et usité longtemps auparavant.

Septizone signifie effectivement édifice compose de sept zones, ou rangs de constructions. Y eut-il de ces édifiées à sept étages, et destinés a d’autres usages, qu’à celui des sépultures ? C’est ce qu’on ne sauroit affirmer. Mais l’histoire nous en montre un très-ancien modèle dans le bûcher d’Ephœstion, dont nous avons donné la description au mot MAUSOLÉE. (Voy. ce mot. ) Lorsqu’ ainsi que nous l’avons fait à cet article, on compare et la disposition de ce monument funéraire, et la forme des bûchers d’apothéose des empereurs romains, à la disposition et à la forme des grands mausolées qui en surent très-certainement les imitations, ou voit que l’usage de ces constructions, pyramidales à plusieurs étages, fut aussi ancien que général chez les Grecs et les Romains.

Le bûcher d’Esphœstion, d’après la description de Diodore, devoit comprendre sept étages en retraite l’un sur l’autre. Les bûchers de consécration sur les médailles nous montrent aussi plusieurs étages, au nombre de trois, de quatre ou de cinq. Ces variétés, s’il faut s’en rapporter rigoureuse ment aux types des monnoies, donneroient à penser que le nombre de sept étages n’avoit rien d’obligatoire. Peut-être ce nombre tenant à quelqu’opinion particulière, ne fut-il point outre-passé dans ces sortes de constructions, et par cette raison, il aura donné son nom à tous les édifices funéraires exécutés selon celle forme.

Quoi qu’il en soit, les restes du septizone de Septime Sévère, que plus d’un dessin nous a fait connoître, s’étaient conservés jusqu’à Sixte-Quint, qui le fit détruire parte qu’il menaçoit ruine. Il paroît qu’il avoit été construit aux dépens d’autres édifices, car on y voyoit des colonnes de diverses matières et de différentes formes. Selon les notions qui nous en ont été transmises, il se composoit de rangs de colonnes adossées à un mur percé par intervalles de petites fenêtres, qui sans doute éclairoient les escaliers par où l’on montoit an faîte de l’édifice. Il ne restoit au temps de Sixte-Quint que les trois rangs de colonnes inférieurs, et c’est en raison de la hauteur de sa masse dépouillée de colonnes, qu’on l’a restitué, avec les sept ordonnances que présentent les dessins qu’on en a faits.

Quelques-uns ont voulu ne faire qu’un seul monument, du septizone de Sévère et de celui qui, d’après la notion de Suétone, existent près de l’endroit où étoit né Titus, c’est-à-dire long-temps avant Septime-Sévère. On a prétendu que le monument dont ce dernier avoit fait son mausolée, étoit un ouvrage commencé long-temps avant lui, et auquel il auroit donné son nom, pour l’avoir terminé et lui avoir affecté sa vraie destination.

On ne sauroit nier que ces monumens aient été multipliés beaucoup plus qu’on ne pense, car il se trouve dans plus d’une ville antique des restes de constructions qui doivent avoir été des septizones, à ne prendre ce mot que sous le rapport d’étages multipliés et en forme pyramidale. De ce nombre surent indubitablement les grands mausolées, qui, avant d’être des constructions en pierre ou en marbre, avoient commencé pur être des montagnes de terre, à plusieurs rangs de terrasses, comme le tombeau d’Alyattes en Lydie et celui d’Auguste à Rome. (V. TOMBEAU, SÉPULCRE. )On doit (architecturalement parlant) regarder comme ayant été des septizones, les phares, ou les édifices servant de fanal, sur les ports de mer (voyez PHARE), et enfin il paroît probable que beaucoup de constructions ou d’habitations particulières, à Rome, auront été disposées et bâties en forme de septizone.

SÉPULCRAL, adj. m. On donne cette épithète à plus d’un ouvrage d’art, soit en sculpture, soit en architecture, destiné à l’usage des sépultures. Ainsi l’on dit : urne sépulcrale (Voyez URNE), inscriptionsépulcrale (voyez EPITAPHE), colonne sépulcrale (voyez COLONNE), monument sépulcral (voyez MAUSOLÉE, SÉPULCRE, TOMBEAU).

Mais on dit aussi caractère sépulcral, et c’est sous ce dernier rapport que je me propose de traiter brièvement la notion qu’exprime le mot de cet article, quoiqu’on en ait déjà parlé au mot CARACTÈRE.

Les institutions modernes n’ont jusqu’à présent offert à l’architecture que peu d’occasions d’édifices consacres aux sépultures. C’étoit jadis, comme on l’a dit plut d’une fois, à l’art de bâtir que l’on


confioit plus ordinairement le soin de conserver les restes mortels de l’homme. Trop de faits et de monumens déposent de cet usage, pour qu’il soit nécessaire d’en rappeler ici le souvenir. Tout le monde sait aussi que le christianisme ayant introduit de nouvelles croyances, les églises el les lieux qui les environnent, devenus dépositaires des corps morts, les monumens funéraires entrèrent plus particulièrement dam le domaine de la sculpture. (Voyez MAUSOLÉE. ) Cependant l’usage assez ancien des cimetières construits et indépendans des églises, s’est renouvelé de nos jours, et il est probable qu’en se propageant, il fournira de nouveau à l’architecture les occasions de monumens qui invoqueront les moyens, c’est-à-dire l’art de leur imprimer le caractère sépulcral. Nous pouvons mettre encore au nombre des ouvrages auxquels doivent appartenir et l’épithète et le caractère sépulcral, certaines chapelles ou constructions religieuses, destinées aux sépultures.

C’est à ces sortes de monumens qu’il importe d’assigner un caractère qui, à l’extérieur d’abord, en annonce bien la destination. Or, il nous paroît que ce n’est point à inventer du nouveau en ce genre, que l’architecte doit viser, mais bien à user de ces formes consacrées par un long usage, de ces types dont tout le monde comprend le sens, et qui, sans le secours d’aucune inscription, apprennent aux yeux leur signification. On trouvera dans les nombreux ouvrages de l’antiquité, un assez grand nombre de formes soit générales, soit de détail, qui perpétuellement et exclusivement appliquées jadis aux monumens funéraires, se sont depuis naturalisées plus ou moins chez les modernes, et se sont introduites dans la langue de leurs arts.

Telle est, sans aucun doute, la forme pyramidale. On n’entend point qu’il puisse être question, dans les usages de notre architecture et de nos institutions religieuses, de renouveler en grand les entreprises des Egyptiens. Il suffit que la forme dont il s’agit soit devenue l’expression la plus simple et la plus claire de sépulture, et qu’elle emporte encore, avec soi, l’idée de durée et en quelque sorte d’éternité, pour qu’il soit, on peut le dire, impossible de la remplacer par un signe plus caractéristique. Un grand nombre de monumens funéraires grecs et romains nous en montre l’emploi réuni, à celui des masses les plus variées, à des colonnades, etc. , et servant seulement de couronnement aux tombeaux construits sur des plans et avec des dispositions que l’Egypte ne connut pas.

Ce mélange, qui trouve de si nombreuses autorités dans l’architecture grecque et romaine, peut encore s’assortir aux monumens funéraires de l’architecture moderne, et aucune autre forme ne pourra donner à leur extérieur le caractère qui leur est propre.

Ce n’est pas que l’architecte ne soit libre de puiser encore dans beaucoup du sarcophages, qui furent aussi taillés à l’instar des édifices, plus d’un détail capable d’imprimer le caractère sépulcral à ses compositions. On veut parler surtout de ces couvercles du tombeaux taillés eu manière de srontons, accompagnés de tes sormes qui se reploient aux angles, et qu’un appelle les cornes, à certains autels quadrilatères.

Quant à l’intérieur d’une chapelle consacrée à la sépulture, l’Italie moderne a plus d’un modèle à nous offrir, des ressources que l’on peut tirer de la couleur même de certains matériaux. Nul doute que la couleur qui affecte si vivement les sens, doive se compter au nombre des moyens qui contribueront au caractère sépulcral. N’employer que de ces sortes de moyens, ce seroit, on en convient, une puérilité peu digne de l’art. Les dédaigner par trop, ce seroit aussi par trop méconoitre la pari qui, dans tous les ouvrages des arts, doit appartenir au sentiment, ou, si l’un veut, à cet instinct, qu’on ne saurait empêcher d’être le juge en première instance de tous leurs effets. Disons donc que des colonnes du marbre noir, que des revêtissemens de granit soncé, ou d’autres matières sombres, produiront nécessairement une impression sérieuse et analogue au local, et que si l’on joint à cet effet, celui d’une certaine obscurité mystérieuse, le caractère sépulcral s’en trouvera sensiblement renforcé. On ne prétend pas remplacer pur ces impressions, si l’on peut dire physiques, celles qui doivent naitre, avant tout, du mode d’architecture, du genre de l’ordonnance, du choix des proportions, des profils, des détails, et même du goût de construction, toutes choses qui constituent le fond de l’art, et sur lesquelles l’artiste doit trouver dans son talent les inspirations nécessaires.

SÉPULCRE, s. m. Ce mot est un des synonymes assez nombreux dans la langue française, qui désignent soit lus lieux, soit les monumens destinés à l’inhumation. Il nous paroît que ce mot, en latin (sepulchrum), étoit plus générique qu’il ne l’est en français, où lu mol tombeau semble avoir aujourd’hui prévalu a l’égard des monumens sunéraires.

Sépulcre, chez les Romains, semble avoir signifié plus particulièrement un local soit creusé ou excavé, soit construit avec plus un moins de frais et d’étendue, et qui pouvoit être destiné à l’inhumation ou à la sépulture d’une samille. C’est le terme, du moins, qu’on trouve le plus ordinairement employé à cette désignation chez les écrivains. Il indique ordinairement une réunion de morts. C’est dans ce sens que l’entend Tertullien, lorsqu’il dit : Qu’est-ce que les sépulcres, sinon des hôtetelleries de cadavres ? Comme le mot tombeau est, en français, celui que l’usage applique le plus généralement aux sépultures, qui sont des


ouvrages de l’art plus ou moins considérables, c’est à ce mot que nous renverrons l’abrégé des notons nombreuses, que fournissent les sormes si diverses, que les Anciens donnèrent à leurs monumens sunéraires. Voyez TOMBEAU.

SEPULCRETUM. C’est le nom qu’on donna, dans l’antiquité. à des lieux d’inhumation qui semblent répondre à ce que nous appelons cimetière.

Cependant le cimetière, par le fait de ses usage, est un terrain consacré à la sépulture de la multitude, et l’un doit dire du plus grand nombre des cimetières, qu’ils ne comportent point de distinctions ni de séparations de lieu ou de construction, soit pour les personnes, soit pour les familles. Les édifices sacrés et les églises surent long-temps les seuls dépositaires des monumens funéraires. VoyezMAUSOLÉE.

Ce qui répond, dans l’antiquité, à ce que nous appelons cimetière on lieu public d’inhumation, et qu’on appeloit sepulcretum, a reçu, depuis quelques années, do nouvelles lumières, par les découvertes nombreuses qu’on a faites dans la grande Grèce, la Sicile et la Campanie, de sépultures publiques situées tout près de beaucoup de villes, soit le long des routes, soit sur des terrains disposés pour cette destination.

La plupart de ces lieux de sépulture avoient très-anciennement été oubliés, et Suétone nous dit que, du temps de Jules-César, la colonie envoyée à Capoue rencontra dans les travaux qu’elle saisoit pour des constructions nouvelles, d’anciennes sépultures qui attirèrent l’attention, par les vases curieux qu’on y découvrait. Il en fut de même des temps modernes. Depuis long-temps on avoit trouvé dans beaucoup de souilles saites de hasard aux environs de Naples et en Sicile, des tombeaux renfermant de ces vases peints auxquels on donna d’abord, pur erreur, le nom de vases étrusques. L’es prit d’investigation et la recherche des monumens de l’antiquité prenant un accroissement progressif, on découvrit de plus en plus de ces tombeaux, et les vases aussi curieux par leur forme que précieux par leurs peintures, surent tellement recherchés, qu’on mit et plus de soin et plus de méthode dans leur découverte, et dans celle dus lieux qui les recèlent.

Des explorations réitérées oui donc sait connoître qu’à une époque quelconque, presque toutes les villes avoient dans leur voisinage une espèce de cimetière, c’et-à-dire de local propre à recevoir, dans un ordre sort régulier, des sépultures particulières qui renfermoient un au deux corps. On a observé plus d’une sorte de pratique pour former ces sortes d’hypogées. Quelquefois chaque sépulcre est creusé sort profondément sur le penchant d’une montagne, et l’on y pénétrait par un puits refermé à sou orifice. D’autres sois il se saisoit une tranchée très-profonde, et chaque sépulcre, ou, si l’on veut, cercueil, fait et sabriqué comme on le dira plus bas, venoit se ranger à côté d’un autre, et quand cette rangée étoit complète, on la recouvroit de terre, et par-dessus cette couche de terre, on établissoit une nouvelle rangée des mêmes cercueils. On a découvert ainsi jusqu’à trois de ces rangées, les unes au-dessus des autres, que la terre avoit recouvertes et dérobées, pendant une très-longue suite de siècles, à la violation.

Les cercueils qui renferment les corps dont on retrouve encore les restes, étoient faits de deux manières : les uns sont d’un seul bloc ; c’est ainsi qu’on les voit particulièrement dans la Pouille, ils sorment un rectangle parfait : d’autres ont leur couvercle fait en forme de toit. Quant à ceux qui sont construits ou faits par assemblage, ils se composent, dans leurs longs côtés, de six grosses pierres jointes ensemble, et de deux pierres semblables formant chacun de leurs petits côtés. Lorsque ces cercueils ont huit on dix palmes de long, on compte à leurs grands côtés dix à douze pierres élevées en deux assises, et toujours deux aux petits côtés. C’est une règle constante. Les couvercles ont plus d’une variété. Les uns sont plats, et d’une seule pierre, laquelle s’emboîte très-exactement, et entre dans l’entaille qui la reçoit : tels sont ceux dont la matière a plus de consistance. Le plus souvent les converties horizontaux, qui sont de tuf, sont faits de trois morceaux, quelquefois de deux, et quelquefois, dans l’intérieur de la caisse, il y a de petites colonnes pour servir de support au couvercle et l’empêcher de se rompre. Les couvertures des autres tombes sont faites quelquefois en angle ou en manière de toiture, souvent d’une seule pièce, quelquefois de deux, et l’on en trouve où les pierres sont disposées pyramidalement en dehors et en forme de gradins.

L’intérieur de ces cercueils ne contient ordinairement qu’un seul corps ; on en trouve où deux squelettes sont placés parallèlement sur une petite élévation. Il règne ordinairement en dedans, vers le haut, un rebord sur lequel on plaçoit les objets qu’on enterrait avec les morts, et c’est là, ainsi qu’autour des corps, qu’on trouve ces vases peints que les découvertes récentes ont extrêmement multiplies, et qui sont devenus un des objets les plus curieux, les plus instructifs, et les mieux conservés de toute l’antiquité.

Je ne porterai pas plus loin, sur cette matière, les notions, dont j’ai emprunté quelques détails à l’ouvrage du chanoine Jorio, célèbre investigateur d’antiquités à. Naples, ouvrage dans lequel il a le premier fait connoître, une multitude de particularités relatives à cette partie des sépultures chez les Anciens.

SÉPULTURE, s. f. Ce mot, quoiqu’il paroisse embrasser, dans l’ordre d’idées qu’il rappelle, la notion la plus générale, paroît cependant res-


treint par l’usage actuel, à indiquer particulièrement un lieu d’inhumation, plutôt que les monumens sunéraires mêmes, ou les sormes que les pratiques diverses des peuples leur ont données.

Ainsi on vient de voir dans l’article précédent, que les villes du la grande Grèce et de la Sicile avoient leurs sépultures situées en dehors de leurs murs, et assez ordinairement le long des routes ; et l’on a vu que l’usage assez général fut de les receler profondément en terre.

L’usage des Romains fut tout différent sur ce dernier point. Les sépultures aussi se portèrent hors de l’enceinte de Rome, et tous ses environs se peuplèrent de tombeaux, mais visibles, et construits avec plus ou moins de grandeur et de luxe. Voyez TOMBEAU.

Nous ignorons, et rien n’a pu encore nous donner de notions précises sur le mode de sépulture qui dut avoir lieu pour la multitude ;car il faut bien se garder de croire que soit la crémation, soit l’inhumation en des tombes particulières, aient été pratiquées à l’égard du grand nombre d’habitans des dernières classes, dans les villes populeuse Beaucoup de villes antiques ont conservé encore dans leurs enviions un grand nombre de ruines de tombeaux, et il en est peu qui n’aient en ainsi leur necropolis ou ville des morts. Mais quelque étendue qu’aient eue ces lieux de sépulture, il est indubitable que les restes des monumens funéraires qu’on y trouve, n’ont pu appartenir qu’aux familles distinguées, aux gens plus ou moins fortunés. Il dut y avoir des sépultures communes pour le commun des hommes, et peut-être le temps, ainsi que d’autres moyens de consomption, en ont-ils depuis bien des siècles effacé les traces.

Ces lieux de sépulture publique et commune, on les nomme aujourd’hui cimetières. (Voyez ce mot. ) Cependant on appelle encore sépulture, des lieux ou des monumens destinés à recevoir les tombeaux des plus grands personnages. Ainsi on dira que la sépulture des rois de France et de la famille royale, est dans l’église de Saint-Denis. Il y avoit jadis près de cette église une chapelle où étoit la sépulturedes Valois. La sépulture des grands-ducs de Toscane est dans la magnifique rotonde, qui termine l’église de Saint-Laurent à Florence.

On dit encore (mais seulement de quelques familles distinguées ), qu’elles ont leur sépulture en tel pays, dans telle chapelle. D’où il résulte que sépulture se dit ordinairement, non des tombeaux, monumens funéraires, mausolées, etc. , mais du lieu où reposent les corps et où se placent leurs tombes.

SÉRAIL, s. m. Ce mot, dans sa signification originaire, veut dire habitation, palais. Il se dit par excellence du palais qu’occupe le Grand-Seigneur à Constantinople.

C’est un grand enclos qui aboutit à la pointe de terre où fut bâtie l’antique Bysance, sur le Bosphore de Thrace, et à la jonction de la mer Egée et du Pont-Euxin. Il est en forme de triangle, dont un côté. s’appuie à la terre et tourche à la ville ; les deux autres sont bordés par la mer, et par une rivière qui s’y jette. Son circuit est d’environ trois milles. Du côté de la mer, il est fermé par de sortes murailles très-élevées. Ces murailles sont flanquées, de ce même côté, par des tours carrées, placées à une assez grande distance les unes des autres. Du côté de la ville, il y a des tours rondes, moins distantes entr’elles. C’est dans ces tours que se tiennent ceux qui veillent à la garde du sérail.

Les étrangers ne peuvent voir de ce palais que les deux premières cours, la salle où se tient le Divan, qui est à l’extrémité de la seconde, et la salle d’audience. Ces deux salles sont d’une médiocre beauté.

Quant au reste des appartemens, on suit qu’il y a quantité de marbres et de porphyres ; que la distribution de ces intérieurs est assez confuse, et n’a rien de régulier ; que, pour la plupart, les chambres reçoivent fort peu de jour, qu’elles ont pour unique ornement d’assez riches tapis, qui en couvrent le plancher, et des brocards d’or et d’argent, dont quelques-uns sont relevés par des broderies de perles.

A l’entour du sérail, du côté du port, sont deux kiosques ou pavillons. L’un situé sur le quai, est fort peu élevé, et il est soutenu par plusieurs belles colonnes de marbre. Le Grand-Seigneur y vient souvent, et c’est à cet endroit qu’il s’embarque, quand il veut se promener sur la mer. L’autre pavillon est bâti sur des arcades.

Il y a encore à Constantinople d’autres sérails. L’un, qu’on appelle le vieux sérail, appartient au Grand-Seigneur. Il n’est destiné qu’au logement des femmes, du Grand-Seigneur dernier mort. Ce palais est bien bâti, est environné du hautes murailles, et n’a d’autre ouverture que celle de la porte. Les autres sérails appartiennent à différons particuliers. Les dehors n’offrent aucune beauté, pour mieux faire briller à l’extérieur celui du Grand-Seigneur ; mais les intérieurs ont beaucoup de magnificence. L’or et l’azur sont prodigués dans les plafonds, de très-beaux tapis couvrent les planchers, les murailles soul revêtues de carreaux de porcelaine.

Toutes les salles et toutes les chambres ont des espèces d’estrades élevées d’un demi-pied ou d’un pied, couvertes de tapis beaucoup plus riches que ceux du reste des planchers, avec quantité decoussins en broderie, appuyés contre les murailles. Les appartemens des semmes sont séparés de ceux du maître. Il n’y entre que des eunuques.

SERLIO, né à Bologne en 1518, mort à Fontainebleau en 1578.

Le nom de cet habile architecte n’est guère connu que des artistes, et encore l’est-il presque antiquement par ses écrits, On doute en effet qu’il


subsiste de lui quelque monument encore entier. Ayant quitté l’Italie fort jeune, et n’y étant point retourné, les biographes italiens n’ont eu presque aucune occasion d’en parler ; et le temps ou il vint en France, sous François Ier. , ayant été celui de la première période des arts dans ce pays, il dut participer au sort commun à tous les artistes qui y travaillèrent alors. Le goût des arts u’étoit pas assez répandu, pour que les contemporains se fissent un devoir, ou un plaisir, d’en décrire les ouvrages, ou de recueillir des notions sur leurs auteurs.

Vasari ne nous a rien appris de Serlio, sinon qu’il sui élève du célèbre Balthazar Peruzzi, et qu’il hérita de lui beaucoup de dessins des antiquités de Rome, qu’il fut mettre eu œuvre dans les troisième et quatrième livres de son Traité d’architecture (Libro d’Architectura).

Nous lisons dans nue vie do Serlio, par d’Argenville, qui n’indique pas les sources où il a puisé ses notions, qu’il quitta trop jeune l’Italie pour y élever quantité de monumens remarquables. . . . . Que François Ier. le fit venir en France en 1541. Effectivement, cet architecte n’auroit eu alors que vingt-trois ans, et il y a lieu de présumer qu’à cet âge, il n’avoit pas encore eu l’occasion de se faire connoître assez, pour être appelé loin de Rome où il avoit étudié, à Venise, par exemple, où d’Argenville prétend qu’il construisit la célèbre école de Saint-Roch. Le même biographe, dans le peu de mots qu’il dit de cet édifice, remarque que le goût des croisées au rez-de-chaussée de cet édifice est un peu gothique. Cela seul auroit dû lui rendre difficile à croire, qu’un élève de Balthazar Peruzzi, à une époque où Venise employoit les talens des San Micheli, des Sansovino, des Palladio, eût fait rétrograder l’art vers le goût gothique. La vérité est que les détails de l’école de Saint-Roch, sans être vraiment entachés de gothique, sont encore en arrière du beau style des maîtres qu’on vient de citer. Aussi attribue-t-on cette architecture à l’école de Buono ou Lombardo, c’est-à-dire celle de la sin du quatorzième siècle, et Serlio ne put v avoir aucune part.

Je crois que c’est également sans aucune autorité, qu’on lui attribue, et le palais Grimani à Venise, et le palais Malvezzi à Bologne ; à moins qu’on ne suppose ce qui a nu être, mais ce qui auroit besoin de preuves, que ces édifices auroient été élevés, soit d’après ses dessins, soit sur les modèles qu’il anroit envoyés dans ces villes. Probablement il ne doit y avoir de Serlio aucun édifice en Italie.

Une sorte de ftalité a voulu, qu’en France il subsite à peine quelque reste bien conservé, des travaux nombreux qu’il dut y exécuter.

François Ier. avoit sormé le projet de remplacer par un véritable palais, les vieilles el disparates constructions auxquelles on donnoit le nom de Louvre. Serlio fut donc appelé par lui, pour l’exécution de cette grande entreprise. Nous manquons aujourd’hui des notions nécessaires pour retrouver dans les parties diffèrentes du palais actuel, les traditions de tous les travaux commèncés, abandonnés et modifiés depuis, qui s’y sont succédés, jusqu’à l’époque de son achèvement. On ne doit pas douter qu’il n’y ait eu de l’ouvrage de Serlio. Mais su borna-t-il à quelques parties, à quelques corps séparés, ou y eut-il de lui un projet général ? Dans ce dernier cas, on a peine à croire que cet architecte n’en eût pas inséré les dessins dans le livre de son Traité, où il traite de l’architecture des palais.

Si l’on ajoute foi à une opinion qui s’est perpétuée sur cet objet, Serlio auroit sait un projet du Louvre, mais l’ierre Lescot un auroit, dans le même temps, présenté un autre, supérieur au sien, tant pour la beauté des proportions, que pour lu régularité de l’édifice, et l’architecte italien auroit eu la générosité peu commune, de conseiller lui-même l’adoption du projet de son rival. Pareil trait de désintéressement a été raconté de Bernin, à l’égard de la colonnade du Louvre par Perrault. Nous avons sait voir aux articles BERNIN et PERRAULT, que la chose ne put point avoir lieu, et que si l’histoire en eut cours alors, ce ne fut qu’une répétition de ce qui avoit été raconté un siècle auparavant, de Serlio et de Lescot.

Quoi qu’il en soit, François Ier. ne tarda point à employer Serlio dans d’autres ouvrages, et il lui donna la conduite des bâtimens qu’il saisoit construire à Fontainebleu ; c’est là qu’on devroit pouvoir retrouver de grands et précieux modèles de son talent, si toutes sortes de circonstances n’eussent contribué à suspendre l’exécution de ses projets, et si une succession de changement et d’additions, sous les règnes suivans, n’eût achevé de dénaturer ce qui reste de lui.

Serlio fit une longue résidence à Fontainebleau, et outre quelques parties importantes du château royal par lui construites, on tient qu’il fit encore exécuter dans celle ville plusieurs édifices, à la vérité peu importans. Aussi attribue-t-on à son séjour en ce pays un goût particulier de bâtir, qui se fuit remarquer surtout, par l’arrangement ou l’appareil artistement combiné du grès avec la brique, et encore à des profils et des corniches qui ne se composent que de briques.

Les parties du château encore existantes, qu’on reconnoît pour avoir été son ouvrage, sont, pour la plupart, celles qui se voient entre la cour en fer à cheval et les parterres, et particulièrement dans la grande et belle cour qui est située sur la pièce d’eau. Elle est décorée d’un ordre dorique, d’un caractère ferme et d’un bon profil. L’ordre est dans des proportions élégantes. Les détails et les ornemens y sont exécutés avec goût et avec recherche.

On attribue encore à Serlio l’invention d’une grotte décorée de caryatides, qu’on doit appeler moins sculptées, que construites ; cha-


que membre ou pour mieux dire, chaque muscle, est formé par un bloc de pierre, eu sorte que cette sculpture semble être un opus incertum.

Serlio avoit sans doute fait exécuter dans les intérieurs du château, un grand nombre de partis d’ornement et de décoration, dont il reste à peine des souvenirs, tant il s’y est opéré de restaurations et de changement, sous lesquels ont disparu le caractère et le dessin de l’ouvrage primitif.

Dans la ville et sur la place, près du château, on voit encore aujourd’hui une belle porte d’un style appelé rustique : elle est pratiquée dans un mur de clôture. Les colonnes soul aussi en bossages. Mais la pureté des profils annonce l’habile architecte. Ce genre de portes en bossages fut très en vogue au siècle de Serlio. Les architectes les plus célèbres en ont composé à l’envi. Ainsi en trouvons-nous dans la plupart des traités d’architecture. Serlio s’est exercé en ce genre avec prédilection et la sixième section de son Libro de Architectura contient, un recueil sort nombreux de ces compositions de portes. On en trouve une sous le n° 7, qui a beaucoup de ressemblance avec celle de Fontainebleau.

Le seul ouvrage de Serlio qui a survécu à ses autres travaux, et sur lequel s’est sondée la juste réputation dont il jouit, et que lui accordent tous les maîtres de l’art, est son Traite d’architecture Il fut composé particulièrement à Fontainebleau. Quoiqu’écrit à différentes époques, et publié partiellement, dans un ordre différent de celui qu’exige la classification des matières, ses six sections comprennent, avec beaucoup de méthode, toutes les parties de l’art, et forment un corps très-complet.

Les écrits de Serlio ont été réunis, dans l’édition de 1569, en un seul ouvrage divisé en sept livres.

Le premier est un petit traité de géométrie relative à l’architecture.

Le second traite de la perspective.

Le troisième comprend les plans, les mesures, les profils et les représentations d’un grand nombre d’édifices antiques d’Italie, et hors d’Italie. C’est dans ce livre qu’il est probable, que Serlio aura mis en lumière les dessins de son maître Balthazar Peruzzi.

Le quatrième livre est, sous le titre de règles générales de l’architecture, un traité des cinq ordres, où la doctrine de Vitruve se trouve exposée fidèlement et savamment commentée.

Au cinquième livre, Serlio traite, comme le dit le titre qu’il lui a donné, de diverses sortes de saints temples selon la forme des chrétiens. L’auteur s’est borné à nous apprendre, comment les temples des payens ont été changés en églises chrétiennes, et comment les autels destinés aux sacrifices des animaux, ont pris la forme actuelle, pour célébrer le saint sacrifice de la messe.

Le titre du sixième livre annonce qu’il est le recueil, dont on a parlé plus haut, de ces projets de portes rustiques, aeuxquels Serlio se plut à laisser s’exercer le caprice de son crayon, pour occuper ses loisirs à Fontainebleau. On dit que les éloges qu’il entendoit prodiguer à la porte du palais bâti par le Cardinal de Ferrare, et les copies qu’un sui en demandoit, lui firent naître l’idée d’en composer selon le même goût irrégulier et capricieux, une trentaine qu’il accompagna de vingt autres d’un style sage et pur, comme pour servir de correct il au genre des premières, ou pour témoigner qu’il n’avoit prétendu que faire voir dans celles-ci, la facilite qu’il y a d’être sécond, lorsqu’on n’a en vue que de ‘faire du nouveau.

Lé septième livre de l’édition de 1569 renferme des observations sur La construction de différons bâtimens civils.

Les guerres civiles qui troublèrent le royaume sous Charles IX, obligèrent Serlio de se retirer à Lyon. La goutte, peu de temps après, vint troubler la douceur du repos dont il avoit espéré jouir. Il se vit réduit à vendre, pour subsister, quelquesuns de ses dessins. Dans des momens plus calmes, il revînt à Fontaineblean où il finit ses jours en 1578, âgé de soixante ans.

Serlio compta, dit-on, parmi ses élèves le célèbre Philander, qui avoit commencé l’étude de l’architecture à Rhodes, et il ne lut fut pas inutile dans l’éditiou de Vitruve, que celui-ci avoit entreprise. Le disciple fut de quelque secours à son maître, par ses connoissances littéraires, pour l’interprétation de la doctrine de Vitruve.

On a observe’ que Serlio, quoique sort attaché aux principes de l’architecte latin, dans sa théorie, ne pareil pas y avoir été aussi fidèle dans la pratique ; du moins on entend, par ce dernier mot, les détails et les profils des cinq ordres dont il a donné les modèles dans ses traités. A cet égard, chaque architecte a pris les mêmes libertés. Vitruve lui-même n’est pas toujours d’accord avec les monumens antiques qui nous sont restés. Aussi doit-on regarder les règles que chacun propose en ce genre, comme une espèce de moyen terme, entre les nombreuses variétés qui doivent avoir résulté jadis, et qui résultent encore aujourd’hui, de toutes les causes accidentelles propres à modifier l’aspect, le caractère cl les proportions des édifices.

SERPENTE. On appelle of this nom juin Sorte de papier Extrêmement fin et transparent, ne pas sur soi SERT pour Prendre le trait d’ONU dessin, d’estampe juin, Verser le Rendre ainsi encore transparent, on y passe juin couche de vernis.

SERPENTIN, INE. Marbre on pierre. Les Anciens appelèrent ophites, du mot grec ophis, serpent, le marbre ou la pierre que nous nommons serpentin ou serpentine s parce qu’il a la couleur de la peau du serpent. En effet, son fond est noirâtre, avec des taches, ou des raies vertes et


jaunâtres. Cette matière est rare, et on ne l’emploie guère qu’en incrustations. Les plus grands morceaux qu’on en cite, sont quelques taries dans les compartimens de l’attique intérieur du Panthéon à Rome, et dans la même ville, deux colonnes à l’église de Saint-Laurent in Lucina. On en a fait des tables qui servent à l’ornement de quelques intérieurs de palais.

Il y a aussi du serpentin tendre qui vient d’Allemagne, et dont on sait des vases ; mais on n’eu use point dans les ouvrages d’architecture.

SERRE, s. f. Considérée comme simple objet d’utilité dans la culture et le jardinage, la serre est un bâtiment dans lequel on relire, pour les mettre à couvert des rigueurs de l’hiver, les arbrisseaux ou les plantes qui ne sauraient résister au froid. On donne le nom de serre chaude à la serre où l’on construit des fourneaux, qu’on pratique dans le local souterrain, d’où l’on dirige les tuyaux de chaleur, qui tempèrent à volonté l’air du local occupé par les plantes. C’est par ce moyeu qu’on parvient à avoir des fleurs, des fruits et des productions précoces.

Il est inutile dédire que la serre doit être exposée au midi, percée de façon à recevoir le plus qu’il se pourra des rayons du soleil, et garnie de grands vitraux a doubles châssis.

La serre devient naturellement un objet d’agrément, dans les grands jardins, et peut offeir à l’architecte le motif d’une composition heureuse quant à l’extérieur, et qui, dans son intérieur, fournisse une promenade, ou un refuge contre les intempéries des saisons.

Une serre habilement construite, et disposée avec goût, où l’on cultive avec soin de ces plantes exotiques, qui fleurissent en toutes sortes de saisons, paroît surtout convenir à ce qu’un appelle un jardin d’hiver. Placée au bout d’un parterre, elle formera un point de vue qui peut devenir pittoresque, en été, par les variétés de vases remplis d’arbustes ou de piaules qu’on dispose en amphithéâtre, et qui ornent toutes les ouvertures. En hiver, lorsqu’on l’ouvre à certaines heures, elle sait quelquefois illusion, et produit une sensation qui contraste agréablement avec celle de la saison. Son intérieur peut être aussi disposé de façon à offrir pinceurs allées pour la promenade, et des lieux de repos. On joint volontiers à la serre des volières qui semblent donner à ce lieu une sorte de vie el de mouvement, propres à rappeler ou à faire pressentir les charmes du printemps.

SERRÉ. Sur Emploie de participe Comme adjectif, pour Exprimer, en architecture, l’espacement Que l’sur Donne aux Colonnes, Soit Dans l’ancien ordre dorique des Grecs, Soit Dans this ordonnance Que Vitruve Appelle pycnostyle, et Où il recommande CES treprise colonnemens Étroits, ne pas t’aspérité donnoit à l’édifice des Nations Unies, plus caractère mâle et plus solide. L’aspérité de Vitruve consistoit Fait DANS L’espacement des Colonnes serrées.

SERRURE, s. f. Sorte de machine qu’on exécute en fer, en cuivre on en bois, et qu on applique à un ventail de porte ou d’armoire pour les fermer, et qui s’ouvre avec une clef.

Dans les temps reculés l’on employoit à la clôture des portes de beaucoup plus simples procédés. On se contentoit quelquefois d’attacher la porte avec des cordes, et le nœud de la corde faisoit l’office de nos serrures. D’autres fis, on plaçoit transversalement dans l’intérieur de la maison, et devant la porte, un verrou de bois, supporté, sans doute, des deux côtés par un lien en fer ; dans ce verrou étoit fixé un morceau de fer ovale, qui servoit à lier le verrou avec la porte, et à l’y fixer. Ce fer étoit creusé, et dans l’intérieur il y avoit un écrou à cris, dans lequel s’adaptoit un fer, dont le bout étoit garni d’une vis, et qui tenoit lieu de clef. Lorsqu on vouloit ouvrir cette espèce de serrure, on vissoit la clef dans le fer ovale creux, et on le reliroit ; alors la porte détachée du verrou s’ouvroit, et on ôtoit celui-ci. On ouvroit ainsi les portes quand on étoit dans l’intérieur de la maison, et pour les fermer, on remettoit le verrou et on y enfonçoit le morceau de fer creux ovale. Afin de pouvoir fermer et ouvrir, lorsque l’an étoit en dehors de la maison, on tailloit dans la porte, audessus de l’endroit où étoit la noix, c’est-à-dire le fer ovale creux, une ouverture assez grande pour y pouvoir passer la main, enfoncer ta noix dans le verrou ou la retirer.

Il y eut dans l’antiquité plusieurs autres manières de serrure dont le détail seroit ici hors de propos, ces procédés n’ayant plus aucune application, depuis que ces moyens plus ou moins grossiers ont été remplacés par l’art des Modernes, chez lesquels des mœurs fort différentes, et une multitude de besoins domestiques, ont donné lieu à imaginer bien d’autres expédiées et de bien plus commodes. Chez les Anciens, d’ailleurs, les portes des intérieurs des maisons, des armoires et des meubles, pouvoient se passer de serrures. Ou se contentoit d’y mettre le scellé avec un cachet, et cet usage est encore ce qui nous explique le nombre infini de sceaux et d anneaux qui nous sont parvenus.

Aujourd’hui, l’usage des serrures en fer est devenu général, et il forme une sorte d’art mécanique susceptible des plus nombreuses variétés. Ce qu’on appelle une serrure de sureté, est un assemblage de pièces plus ou moins compliquées. Les plus importantes sont les pênes, les ressorts, les moraillions, le foncet, le palastre, la cloison, les gâchettes, les auberons, les rouets, les râteaux, le canon, la broche, les estoquiaux, la bouterolle, les cramponets, etc. Au dehors, la serrure est garnie d’une entrée ou écusson.

On donne aux serrures différens noms. On dit :


SERRURE A BOSSE. C’est celle dont la couverture est carrée et enfoncée, formant une cloison oblique ; l’entrée est percée au milieu de relie couverture, sur laquelle, au-dessus de l’entrée, sont placés intérieurement deux crampons portant un petit pêne, derrière lequel est un ressort monté sur un estoquiau. Son foncet porte quelquefois une broche avec un fer à rouet, ou une bouterolle ; au-dessus de l’entrée est une auberonière, par où passe l’auberon du moraillon, à travers lequel passe le pêne pour fermer.

SERRURE TREFLIÈRE. Est une serrure qui ne peut s’ouvrir que par un côté, qui n’a qu’une entrée. Telles sont les serrures a bosse, et celles qu’on pose aux ventaux d’armoire, etc.

SERRRURE BENDARDE. Est celle qui peut s’ouvrir des deux côtés, qui a une entrée dans la couverture ou le foncet, et une autre dans le palastre.

SERRURE A HOUSSETTE. Serrure dont le pêne est à demi-tour, se fermant de lui-même, en laissant tomber le couvercle d’un coffre.

SERRURE A UN PÊNE EN BORD Est celle dont : le pêne est plié en équerre par le bout, et recourbé en demi-rond, pour faire place au ressort.

SERRUERE A DEUX FERMETRURES Serrure de coffre, dont le pêne est fendu ou coude en équerre, pour passer dans deux cramponets. On en sait à trois, quatre fermetures. et au-delà, pour lesquelles ou multiplie les ressorts. Ces serrures sont ordinairement composées de pênes à pignon, avec des crémaillères que la clef sait mouvoir.

SERRURE A RESSORT. On appelle ainsi celle dont le pêne se ferme de lui-même, par un ressort, et qu on ouvre par un seul demi-tour de clef en dehors, et en poussant un bouton par-dedans.

SERRUERE A PÊNE DORMANT. Serrure dont le pêne ne peut cire ouvert ni fermé, que par le moyen de la clef, et qui a un ressort, lequel entre dans un cran à côté du pêne, et qui empêche qu’un puisse l’ouvrir avec le crochet.

SERRURE A CLENCHE, ou LOQUET, ou CADOLE. C’est une serrure à pêne donnant, qui porte un loquet sur le bord inférieur du palastre, lequel s ouvre et se ferme par-dehors et par-dedans, avec : un bouton, un gland, ou une olive.

SERRURE A PASSE-PARTOUT. Serrure qui a deux entrées, l’une à côté de l’autre, el par conséquent qui est à doux clefs. Telles sont les serrures des appartemens, des maisons royales et de divers établissemens. Ces serrures sont toutes différemment garnies ; elles ont chacune leur entrée particulière. Mais la seconde entrée est saite pour une clef, qui doit être en ire les niai us du concierge, du maitre de la maison, ou du supérieur, cl cène clef a ta propriété de pouvoir ouvrir les serrures de toutes les portes.

SERRURERIE. L’art de faire des serrures a donné son nom à l’art de la serrurerie, quoique les serrures sassent aujourd’hui la moindre partie d une profession, qui embrasse un très-grand nombre de travaux et d’emplois, lorsqu’on y comprend, comme cela se doit, les ouvrages si multipliés du fer, et les applications innombrables qu’on en sait dans le bâtiment, à tous les accessoires d’utilité ou de décoration des édifices.

Il n’est ni dans l’esprit ni du ressort de ce Dictionuaire, d’embrasser les procédés de travailler le fer. A ce dernier mol, nous avons cru devoir nous contenter de l’énumération des différens noms qu’un donne au fer, selon sa grosseur, ses façons, ses usages et ses défauts. Ces nombreuses dénominations expliquent suffisamment toutes les variétés que le travail donne a celle matiere, considérée généralment dans ses rapports aveu la bâtisse. Voyez FER.

La serrurerie en multiplie encore les emplois pour les besoins de la vie, par des travaux et des genres d’industrie, dont le détail seroit la matière d’un ouvrage spécial.

La serrurerie, vue sous un rapport plus particulier avec l’art proprement dit de l’architecture, ne sauroit donc nous occuper, qu’en considérant ses travaux comme pouvant dans plus d’un emploi, contribuer a la décorai ion des édifice. Nous avons consacré déjà nu article a l’emploi qu’on a sait des grands unvraies de serurrerie, comme objets de clôture, sous le nom de grille, (V. ce mot. ) Nous ne répéteront donc point ici, que cet ait peut, dans tous ses de sins, s’approprier une multitude de formes, de deuils, qui constituent la peinture et la sculpture d’ornement.

SERVANDONI, né en 1695, mort en 1766.

Cet artiste qui s’est acquis, dans le dernier siècle, une trés-grande célébrité, la dut a deux genres, dont un seul auroit fait sa réputation. La peinture qu’il cultiva d’abord, le conduisît aux études de l architecture, et l’architecture dont il posséda le génie, vint ensuite lui prêter les grands moyens qu’il mit en œlivre avec tant d’éclat, dans l’an des décorations de théâtre et delà composition des fêtes publiques.

Né a Florence, il y contracta d’abord un goût très-vis pour le dessin e la peinture. Le genre de peinture auquel il se livra dès ses premières années, et le inaitre dont il prit les premières leçons (le célèbre Pannini), influèrent bien certainement sur la direction que devoit naturellement suivre son génie. Pannini s’étoit fait alors remarquer par une espece de compositions, qui rénnissoit les vues


de paysage, à celles des monument on des ruines de l’architecture antique. Celle réunion d’objets exige que le paysagiste soit architecte, ou que l’architecte soit paysagiste.

A cette école, Servandoni commença à devenir l’un et l’aune. Ses tableaux de ruines et de paysages qui décorent aujourd’hui les cabinets des amateurs, surent les préludes des grandes conceptions, auxquelles son talent devoit être un jour appelé.

Il lui falloit agrandir le cercle de ses études. Dans cette vue il alla à Rome, où il étudia sérieusement l’architecture sous Jean-Joseph de Rossi, mais plus utilement encore dans les monument d’antiquité de la ville immortelle. Il ne s’étoit propose d’abord, que demeure plus de correction et une plus grande vérité, dans la représentation de ces magnifiques débris, que n’en mettent ordinairement les peintres du genre auquel il s’étoit adonné.

Servandoni paroissoit travailler pour la gloire plus que pour la sortune. Or, il arrive plus souvent a la gloire de donner la fortune, qu’à la soi lune de conduire à la gloire. Sa renommée ne tarda point à s’étendre. Entraîné aussi par le goût des voyages, il passa en Portugal, où il peignit des décorations pour l’Opéra italien, et donna plus d’un projet de différentes fêtes. Les succès qu’il obtint passèrent ses espérances. Il fut décoré de l’ordre de Christ j c’est pour cela que depuis on l’appeia généralement le chevalier Servandoni.

En 1724 il vint en France. Sa réputation qui l’y avoit devancé, lui procura bientôt la direction des décorations de l’Opéra. Ce fut en 1728 qu’il développa pour la première suis, dans l’opéra d’Orion, lu magie de son art. Tout Paris se trouva transporte près des embouehmes du Nil, au milieu des ruines et des débris des pyramides, Il paroît qu’on connut pour la première lois à ce théâtre ce que peuvent produire d’illusion, la belle composition des lignes, la vérité des formes propres aux monumens, le prestige des deux perspectives linéaire et aérienne, joint au charme de la couleur et à l’effet de la lumière.

Aussi, des ce moment, le spectacle de l’Opéra prit une forme nouvelle. Pendant l’espace d’environ dix-huit ans, que la partie de ses décorations fut confiée a Servandom, il en exécuta plus de soixante, et l’on convint qu’il avoit laissé bien loin derrière lui tous ses prédécesseurs. On met au nombre de ses plus belles compositions, celle du palais de Ninus, du temple de Minerve, des Champs-ELyées du palais du Soleil, et de la mosquée de Scanderberg, où ta perspective, l’illumination et la richesse de l’exécution, produisirent chez les spectateurs un enthousiasme extraordinaire.

Toutefois on jugea que l’artiste s’étoit surpassé lui-même, dans la décoration du génie du sen pour l’opéra de l’empire de l’Amour. L’heureuse des lumières et le brillant des couleurs, y produisoient un effet impossible à décrire. D’une urne transparente placée au milieu du théâtre, sembloient partir des rayons lumineux, qui jetoient sur toute la décoration un éclat que les yeux avoient de la peine à soutenir. Servandoni eut dans ses décorations un mérite qui manque en général à beaucoup de ces ouvrages, où les décorateurs se croyant libres de tout faire, s’affranchissent souvent des liens, non-seulement du vrai, mais même du vraisemblable. Pour lui il ne se permettoit aucune élévation d’édifices, dont le plan n’auroit pas pu justifier la possibilité en exécution.

En 1731, l’Académie royale de peinture et sculpture l’admit dans son sein, comme peintre paysagiste. Son morceau de réception fut une composition fort pittoresque, où se trouvoit représenté un temple avec des ruines.

L’année suivante, Servandoni exposa son modèle du portail de Saint-Sulpice, et bientôt la première pierre en fut posée. Nous en parlerons à la fin de cet article, avec ses autres travaux d’architecture, pour ne pas interrompre la suite des entreprises décoratives, qui ont acquis à son nom une si grande célébrité.

Les décorations scéniques ne sont ordinairement qu’un accessoire aux plaisirs du théàtre, et n’y contribuent qu’en complétant l’effet du spectacle. Mais tel fut le talent de Servandoni en ce genre, et telle l’admiration du public, qu’il parvint à attirer la foule, par une espèce de spectacle, qui consistoit uniquement en décorations. En 1738 il obtint la jouissance de la salle des machines aux Tuileries, et il y donna de nombreuses représentations, non pas seulement de certaines vues d’édifices célèbres, mais de véritables drames, si l’on peut dire, où les personnages n’étoient que les accessoires, et dont l’objet principal étoit une succession de scènes destinées particulièrement à parler aux yeux. Nous avons rendu compte de quelques-unes de ces compostions ailleurs. Voyez DÉCORATION.

Dans la même année, Servandoni eut deux occasions, d’exercer d’une autre manière son rare talent pour la décoration.

La première fut la fête donnée pour la paix. Il fut chargé d’exécuter le mouument qui devoit servir au feu d’artifice. Il fit une grande construction de forme pyramidale, sur un plan carré. Un grand soubassement étoit orné de pilastres doriques, audevant desquels on voyoit des statues figurées en marbre, représentant la paix, l’abondance, et d’autres personnages allégoriques ; la masse pyramidale éloit couronnée à, son sommet par un globe plein d’artifice.

Dans la seconde fête donnée à l’occasion du mariage d’Elisabeth de France, avec don Philippe, infant d’Espagne, Servandoni surpassa tous ceux qui l’avoient précédé en ce genre, et l’opinion est


encore qu’il n’y a été surpassé" par personne. Il avoit choisi pour emplacement de ses décorations, l’espace que parcourt la Seine depuis le PontNeuf, jusqu’au Pont-Royal, heureuse situation pour faire participer au spectacle un nombre prodigieux de spectateurs. Ce fut sur les terrains qu’occupe la statue d’Henri IV, et en avant du Pont-Neuf, que fut construit le bâtiment devant servir à l’exécution du feu d’artifice. Ce bâtiment étoit un temple de forme parallélogramme, entouré de colonnes doriques de quatre pieds et demi de diamètre, et de trente-deux pieds de hauteur. Toutes les richesses de l’architecture en ornemens, en bas-reliefs, en statues, y avoient été prodiguées. Sur ce temple consacré à l’hymen, s’élevoit un attique avec une terrasse, soutenant un couronnement, qui portoit à quatre-vingts pieds l’élévation de toute cette masse. Entre le Pont-Neuf et le Pont-Royal on avoit construit, sur deux bateaux accouplés, un salon octogone. Les bateaux étoient cachés par des rochers qui sembloient sortir de l’eau. Huit escaliers conduisoient à une terrasse dont le salon accupoit presque toute la superficie. Il étoit formé par huit arcades, d’où pendoient des lustres en transparens colorés. Du milieu du salon s’élevoit une colonne isolée, avec de pareils transparens rangés par étage. L’intérieur de cette vaste pièce destiné pour la musique, étoit garni de gradins en amphithéâtre occupés par les musiciens. Louis XV et toute sa cour honorèrent cette fête de leur présence, et plus de quatre-vingt mille spectateurs purent y assister commodément.

Servandoni reprit avec encore plus d’éclat et de succès, les travaux de son spectacle de décorations. En 1740 il composa la descente d’Enée aux enfers, et il y fit exécuter sept changemens de scènes. Le sujet qu’il avoit choisi permettoit beaucoup plus de variétés et de contrastes que les précédais. Il favorisait au plus haut point les passages rapides des ténèbres à la lumière, du terrible au gracieux. L’artiste paroît avoir, dans ce spectacle, atteint la perfection, ce que l’admiration des spectateurs lui témoigna de la manière la plus incontestable.

L’énumération de toutes les inventions de Servandoni, en ce genre, alongeroit beaucoup trop cet article, sans ajouter à sa gloire. Qu’il nous suffise de citer encore les litres de plusieurs autres compositions, telles que le retour d’Ulysse à Ithaque en 1741, et l’année suivante, l’histoire de Léandre et Héro, en 1754 la forêt enchantée du Tasse, en 1755 et années suivantes, l’histoire d’Alceste, la conquête du Mogol par Tamas-KouliKan, la chute des anges rebelles d’après Millon.

En 1755, Servandoni fut mandé à ta cour du roi de Pologne, électeur de Saxe, Il y fit les décorations de I opéra d’Aétius. Ses succès lui méritèrent, outre un présent considérable, vingt mille francs d’appointemens, avec le titre d’architecte décorateur de Sa Majesté Polonaise.

Mais des monumens d’une plus longue durée dévoient procurer à Servandoni une gloire moins fugitive, et lui assigner un rang plus honorable dans les arts. Un vaste monument, l’église de Saint-Sulpice, à Paris, avoit été commencé en 1646, sur les dessins de Leveau. La première pierre en avoit été posée la même année par la reine Anne d’Autriche, alors régente du royaume. Les travaux interrompus en 1678 ne furent repris qu’en 1718, sous la conduite d’Oppenord, directeur général des bâtimens et jardins du duc d’Orléans, alors régent du royaume. Cet architecte jouissoit en son temps, d’une grande réputation comme dessinateur ; mais si l’on consulte le recueil gravé de ses œuvres, on remarque en lui, un des héritiers du goût licencieux, qui avoit perverti l’architecture en Italie dans le siècle précédent, et un continateur de l’école des Boromini et des Guarini.

C’étoit surtont dans les portails d églises, que la bizarrerie de cette école s’étoit le plus hardiment développée. La grande hanteur des nefs dans les temples chrétiens, les diversités d’élévation et de plan, n’avoient guère permis d’appliquer à la décoration de leurs frontispices, l’unité et la simplicité des péristyle du temple antique, et nous avons montré ailleurs (voyez PORTAIL), les difficultés qu’éprouvèrent les plus grands architectes modernes, à coordonner la hauteur des devantures d’église, avec les dispositions régulières qu’exigent les ordres de colonnes.

L’église de Saint-Sulpice, une des plus grandes et des plus élevées qu’il y ait, alloit subir l’application banale de ces ordonnances plaquées, et à masses irrégulières, que le goût du temps et la routine avoient aceréditées. Les fondemens du portail étoient déjà jetés, et cette grande composition alloit être continuée sur les dessins d’Oppenord. C’est dire assez, qu’elle auroit offert re faux système de lignes contournées ou brisées, de formes ondulées, dans lequel on s’étoit habitué à chercher la richesse et la variété de l’art.

Servandoni parut. Il présenta un nouveau modèle, qui resta pendant un an exposé à la critique. L’ascendant de sa réputation, et peut-être aussi l’attrait de la nouveauté, lui conquirent tous les suffrages.

C’étoit, en effet, une nouveauté alors, qu’une façade d’église formée par des lignes droite !, qu’une ordonnance régulière de colonnes, qu’une architecture où enfin les ordres reparoissoient avec leur véritable emploi, avec leur caractère propre, avec la pureté de leurs profils, avec la justesse de leurs proportions. Ajoutons que Servandoni avoit le goût du grand, et que dans son portail il fut réunir à des masses larges, imposantes et variées, une disposition qui, avec un couronnement, s’il eût été digne d’elle, seroit peut-être la plus heureuse qu’on ait jusqu’ici imaginée, pour s’adapter à la grande élévation de nos églises.

En montant l’architecture de son portail sur une


aussi grande échelle, en adoptant le parti de ses deux ordonnances, sans ressaut, sans avant et sans arrière-corps, dans une longueur de 184 pieds, il trouva le moyen de donner à l’ensemble une grande majesté, et de procurer à l’église un porche d’une très-vaste étendue. La partie la plus remarquable de cette masse, est sans contredit celle de l’ordre inférieur, dont le caractère et les détails se rapprochent beaucoup plus qu’on ne l’avoit fait jusqu’alors, du caractère et de la forme de l’ancien dorique grec, dont, à cette époque, on connoissoit fort peu les monumens. Servandoni, obligé de donner une grande solidité an support de l’étage supérieur, a pris le parti de doubler les colonnes de son rez-de-chaussée, non comme l’avoit fait Perrault, à la colonnade du Louvre, dans le sens de la longueur, mais dans le sens de la profondeur de la galerie formée par les colonnes. De cette sorte, les colonnes, lorsqu’on les voit en avant, ont l’avantage de l’isolement, et surtout celui de donner des entre-colonnemens égaux, et des espaces parfaitement réguliers pour les triglypes et les métopes. On diroit, à la vue de son ordre dorique, que Servandoniauroit eu quelqu’avant-goût de ce dorique grec, dont il est à douter toutefois, qu’à cette époque, il ait pu avoir une connoissance positive. Il y a dans le genre des cannelures à vive arête, dans la manière large et serme à la fois de son chapiteau, de ses triglyphes, de ses mutules, quelque chose de grandiose, qu’on ne trouve point dans presque tous les doriques de l’école de sou temps.

Le second étage de ce portail offre une galerie en arcades, dont les piédroits sont revêtus d’un ordre adossé de colonnes ioniques. Il paroît certain que Servandoni avoit établi un fronton au-dessus de cette ordonnance. Ce fronton entre les deux tours qui flanquent ce frontispice, de voit-il faire un heureux effet ? Peut-être n’y a-t-il pas lieu de le regretter. On prétend qu’ayant été srappé de la foudre en 1770, il en étoit venu à menacer ruine. On le détruisit tout-à-fait, et au-dessus de l’entablement de l’ordre ionique, on éleva des statues qui portoient sur des piédestaux qu’on voit encore. Il seroit à souhaiter qu’on les y replaçât. Si le fronton étoit de trop, entre les deux masses qui pouvoient démentir son emploi, une rangée de statues corrigeroit peut-être le grand vide qui règne entre les deux tours.

Ces tours qui accompagnent le portail, s’y trouvent fort habilement jointes, sans en rompre l’unité, Plus d’un changement a déjà eu lieu dans les masses qui en forment les deux étages supérieurs. Un architecte nommé Maclaurin, leur fit subir une première modification qui ne fut pas heureuse. Depuis, M. Chalgrin fit un projet beaucoup plus d’accord avec le tout. Ce projet n’a reçu encore son exécution que dans une des deux tours. Il reste à terminer la seconde selon le même dessin.

Une grande place en avant de l’église étoit entrée dans le plan général de Servandoni. Une seule maison qu’on voit encore, et qui est d’une tressolide construction, indique le caractère d’habitations simples et nobles à la fois, dont il auroit entouré cette enceinte. Mais ce local resta long-temps sans pouvoir être déblayé ; depuis quelques années, l’étendue qu’on lui a donnée ne permet plus de faire revivre les projets de cet architecte.

On trouve cités dans la vie de Servandoni par d’Argenville, un assez grand nombre de travaux d’un genre inférieur, comme portes de maisons, escaliers, chapelles, dont il seroit, je crois, assez difficile aujourd’hui, soit de démontrer l’authenticité soit même de retrouver les vestiges.

Dans le très-grand nombre d’inventions qui exercèrent son génie, on s’est plu à faire remarquer un modèle et des dessins de temple pour les Grands-Augustins, à Paris, les projets d’un arc de triomphe à la porte de la Conférence, d’un grand théâtre avec toutes ses dépendances, mais surtout d’une place qui devoit être celle de Louis XV, entre les Tuileries et les Champs-Elysées. Cette place, destinée aussi aux fêtes publiques, auroit rassemblé dans ses galeries vingt-cinq mille personnes, sans compter la soule innombrable que l’enceinte même auroit pu contenir. Elle devoit être ornée de 360 colonnes et de 136 arcades, tant intérieures qu’extérieures.

Lorsqu’on pense à la quantité d’ouvrages de tout genre dont Servandoni fut chargé, tant en France qu’en d’autres pays, et qui ont assuré à son nom une gloire aussi étendue que durable, on est porté à croire qu’il auroit dû laisser une immense fortune. Il n’en fut rien, C’est qu’il ne comprit jamais ce que signifie le mot économie. Ami de la bonne chère et de la joie, c’étoit un besoin pour lui d’associer à ses plaisirs de nombreux amis, car les amis de cette sorte ne sont jamais rares. L’argent fuyoit de ses mains plus vîte qu’il n’y venoit, et les poursuites de ses créanciers le forcèrent plus d’une fois de chercher une retraite en d’autres pays.

Après beaucoup de voyages, de travaux, de contre-temps, il vint de nouveau se fixer à Paris, où il cessa d’être occupé, et mourut en 1766.

SERVI (CONSTANTIN DE), né à Florence en 1554, mort en 1622.

Cet artiste d’une famille des plus distinguées de Florence, fut tout à la fois peintre, ingénieur et architecte.

Il voyagea par toute l’Europe, et son mérite personnel lui mérita l’accueil de toutes les cours.

Le grand Sophi de Perse le demanda au granddue Cosme de Médicis. Constantin de Servi se rendit en Perse, où il demeura environ un an ; mais on ignore à quels travaux il fut employé.

De retour à Florence, il eut la surintendance de tous les ouvrages de la galerie, et des travaux de la magnifique chapelle de Saint-Laurent. On


sait que les ouvrages dont il s’agit ici, sont ces mosaïques composées de pierres précieuses, que les Italiens appellent Lavoro a commesso. De ce genre sont ces belles tables qui ornent les plus riches cabinets, et qui forment des espèces de tableaux, ou compositions de toutes sortes d’objets, propres à être exécutés avec des pierres précieuses, dont les couleurs répondent à celles des objets naturels eux-mêmes. Ce sont particulièrement des plantes, des fleurs, des coquilles, des oiseaux, etc.

Constantin de Servi alla en Angleterre, où il s’attacha au prince de Galles, qui le nomma surintendant de ses palais, avec une pension de 800 écus romains.

D’Angleterre il passa en Hollande, où il fut employé par les Etats-Généraux de ce pays. Il s’y attira l’estime de tout le monde, et surtout celle du comte Maurice de Nassau. Il y fit le dessin du palais que ce prince vouloit faire construire pour sa résidente à la Haye. De retour en Toscane, il devoit envoyer au prince le modèle en relief de cet édifice. On ne sait ni si l’envoi eut lieu, ni si le projet reçut son exécution.

Après beaucoup d’autres excursions en divers pays de l’Europe, Constantin de Servi se fixa définitivement en Toscane, où le grand-duc, dans le dessin de se l’attacher, lui donna le commandement de Lucignano. (Cet article est emprunté à Milizia. )

SERVICE, s. m. Ce mot is employee, Dans la bâtisse, pour Exprimer le transports des Matériaux Soit du chantier au pied du bâtiment, de Soit Cet endroit Sur Le tas.

De plus édifice is Élevé, plus le non de service is longue et difficile, lorsqu’on arrive au terme de son fils achevement.

Sur Donne CE nom A PLUS D’UN échafandage Que l’Construit sur DANS LES batimens, pour le Service de Leur bâtisse. On dit non pont de services, non Escalier de service, etc.

SERVITUDE, s. f. Ce. terme appartient à la jurisprudence des bâtimens. On le définit un droit sur la propriété d’autrui, pour un passage, pour n jour, pour un évier, ou toute autre sujétion à laquelle un voisin est légalement soumis.

La servitude s’appelle active ou passive. On l’appelle active à l’égard de celui qui en profite, et passive à l’égard de celui qui en souffre.

La servitude s’appelle réciproque, quand deux voisins ont l’un sur l’autre un droit paroil.

Il y a des servitudes pour un temps ; il y en a d’autres à perpétuité. (On peut consulter sur cet objet les Lois et Coutumes des bâtimens, par Desgodets. )

Nous distinguerons servitude de sujétion. Le premier de ces mots, ainsi qu’on l’a dit, exprime, dans les bâtimens, certaines conventions stipulées entre voisins, et garanties par les lois. Le second, beaucoup plus général, exprime une multitude derapports plus ou moins gênans, auxquels l’architecte est tenu d’avoir égard, dans la conception et l’exécution de ses projets ; et ces rapporta dépendent des besoins divers, souvent des caprices des particuliers, quelquefois aussi des convenances locales et impérieuses du terrain et de son site. Voyez SUJÉTION.

SÉVÈRE, SÉVÉRITÉ. On donne ce nom, dans tous les arts, à une sorte de goût, de style, de manière dont un ouvrage est conçu el exécuté, et par suite on le donne encore à l’ouvrage même.

Sévère est l’opposé d’agréable. Le style sévère, dans un édifice, est celui qui n’y admet que ce qui constitue le nécessaire, et néglige toutes les formes, tous les ornemens accessoires, d’où résulte l’impression de la variété, de la richesse et du luxe.

Le plus nécessaire, dans un édifice quel qu’il soit, est, sans contredit, la solidité. Mais l’architecture exige le mérite de la solidité, d’abord dans la réalité de la chose, ensuite dans son apparence. La solidité réelle et positive peut tenir uniquement et à certains matériaux, et à un certain emploi de ces matériaux, dont l’effet n’aura aucun rapport sensible avec le goût, ni avec les impressions de nos sens. Mais la solidité apparente résulte de certaines dispositions de masses, d’un certain accord entre les pleins et les vides, d’une certaine rectitude de lignes, qui produisent l’impression de la qualité qu’on appelle sévérité.

Ainsi des masses uniformes, de grandes surfaces lisses, de grandes parties rectilignes sans ressaut, sans interruption, porteront le caractère d’une grande solidité, parce que l’instinct seul, sans parler du raisonnement, nous apprend que le temps et la destruction ont moins du prise sur ce qui est simple, que sur ce qui est composé. Voyez SOLIDITÉ

Qui ne voit au contraire, que la diversité des masses, la multiplicité des percés, les plans contournes et mixtilignes, ne peuvent point ne pas produire pour l’esprit, le sentiment de foiblesse et d’inconsistance, comme ils doivent en opérer l’effet dans la réalité ?

Ce qu’on appelle sévérité en architecture, tiendra donc à une grande simplicité de plan, à une grande uniformité d’élévation, el aussi à une grande économie d’ornemens.

On entend peut-être mieux la sévérité sous ce dernier rapport.

Effectivement, c’est ainsi qu’on l’explique, et qu’on la définit dans les arts du discours. On y distingue le style sévère et le style orné. Le premier est celui des écrivains et des orateurs ordinairement les plus anciens, qui, dans chaque sujet, occupés principalement des choses plus que des mats, jaloux d’instruire plutôt que du plaire, de prouver, eu s’emparant de la raison plutôt que


de l’imagination, ont négligé les charmes de la diction, et préféré la solidité de la logique aux fleurs de la rhétorique. On reconnoît le style orné, à une certaine prétention dans la variété des tournures dans le choix des formes, dans la recherche des images, dans le soin de flatter agréablement l’oreille par des mouvemens cadencés, et des chutes variées.

Il en est de même du style sévère en architecture. Les maîtres de ce style se font remarquer par l’attention qu’ils portent, avant tout, aux qualités fondamentales de l’art de bâtir, par le soin qu’ils ont de ne rien mettre de superflu dans leurs compositions, de s’en tenir à l’expression propre de chaque caractère, et à l’exécution scrupuleuse des proportions de chaque ordre, de ne rien innover dans les types reçus, de subordonner les ornemens, c’est-à-dire l’agréable à l’utile, c’est-à-dire aux formes constitutives des membres dont se compose lu corps d’un édifice.

Si l’on veut retourner cette définition et prendre l’inverse de chacune des notions qu’elle renferme on trouvera qu’il s’est donné dans l’architecture nu style remarquable par l’affectation de nier ou de dissimuler ce qui est le principal d’un édifice, et de faire prévaloir sur le nécessaire, précisément ce qui est le superflu, par la prétention à une variété de formes, de lignes, de contours, tendante à détruire toute idée d’ordre, de type constitutif et indicatif de chaque caractère, remarquable surtout par l’ambition des nouveautés, plaisir le desir de flatter les yeux, au préjudice du plaisir de l’esprit et de la raison.

En appliquant la notion de ces deux styles aux monumens de l’architecture, il n’y a personne qui ne range sous l’indication du premier, c’est-à-dire du style sévèrê, le plus grand nombre des édifices du quinzième et du seizième siècle. Je dis le plus grand nombre, parce qu’il s’y en trouve, parmi ceux du quinzième, quelques-uns, surtout a Florence, où la sévérité peut paroître excessive, et d’autres, parmi ceux du seizième siècle, qui tiennent un milieu très-heureux entre la sévérité et le relâchement des principes : car la sévérité a aussi différens degrés. Mais personne n’hésitera d’appliquer la notion du second style, c’est-à-dire opposé, au style sévère, au goût qui régna dans le dixseptième siècle.

L’idée précise de sévérité, en architecture, peut être rendue sensible à l’esprit comme aux yeux, dans les ordres, par le dorique grec, où le principe de solidité, de nécessité, d’utilité, se trouve écrit en caractères qu’aucun œil ne peut méconnoitre.

Cette idée se manifeste encore clairement dans certains édifices, du genre de ceux qui ne sauroient, sans une inconvenance révoltante, admettre ni les variétés de formes, ni le luxe des ornemens, ni les badinages des détails, auxquels le caprice aime à se livrer. Tels sont des portes de citadelles ou de fortification, des prisons, des arsenaux, des magasins, etc.

SEUIL, s. m. C’est la partie inférieure d’une porte, ou la pierre qui est entre ses tableaux. Elle ne differe du pas, qu’eu ce qu’elle est arrasee d’après le mur.

Le seuil a quelquefois une feuillure pour recevoir le battement de la porte mobile.

SEUIL D’ECLUSE. (Terme ‘architecture hydraulique. ) Pièce de bois qui, étant posée de travers entre deux poteaux, au fond de l’eau, sert à appuyer par le bas, la porte ou les aiguilles d’une écluse, ou d’un pertuis.

SEUIL DE PONT-LEVIS. Grosse pièce de bois avec feuillure, arrêtée au bord de la contrescarpe d’un fossé, pour recevoir le battement d’un pout-levis quand ou l’abaisse. On l’appelle aussi sommier.

SGRAFFITO. Mot italien qui exprime un certain genre de peinture ou plutôt de dessin en grisaille sur mur, et qu’on a traduit jadis en français par le mot égratigné, manière égratignée. C’est ce que signifie en effet le mot italien, et ce mot exprime assez bien la nature du procédé, par le- quel on exécute cette sorte de dessin, ou pour mieux dire, de gravure sur murailles.

Voici comment on y procède.

On forme sur le mur en maçonnerie qu’on veut ainsi décorer, un enduit fait de sable et de chaux, ou l’on mêle une cendre de paille brûlée, qui donne un mortier, en raison de la quantité qu’on y introduit une teinte noirâtre ou grisâtre plus ou moins forte. Lorsque la couche de ce mortier est sèche, on y passe une teinture de chaux délayée dans de l’eau de colle. Dessus cette teinture blanche on trace les dessins de la composition qu’on veut exécute, avec des cartons ou papiers piqués, en faisant usage d’un petit sac rempli de charbon pilé, qu’on srappe sur le trait indiqué par les petits trous des piqûres, de façon que la poussière passant à travers ces trous, marque les traits du dessin en points noirs.

Le peintre se sert alors d’une pointe de ser pour fixer sou trait, ou de plusieurs pointes en manière de fourchette, qui forment des hachures, lesquelles enlevant la teinte blanche el découvrant l’enduit du mortier noir qui est dessous, produisent d’une manière très-expéditive un dessin engrisaille, c’est-à-dire en blanc et noir. Il est encore facile de former des demi-teintes, en passant par endroit un gris léger, sur les parties qu’on veut éteindre.

On a jadis usé fréquemment, à Rome, de cette manière de décorer les murailles, à peu de fiais, et encore aujourd’hui la pratique-t-on à Gênes, au dehors des maisons. Cette méthode de décoraration plus simple que la fresque, a encore l’avan-


tage tage de mieux résister aux injures du temps. Quelques restes de sgraffito de la main de Polydore, élève de Raphaël, ont subsisté jusqu’à nos jours, et il est à croire que le plus grand nombre a dû sa destruction moins au laps du temps, qu’aux changemens survenus dans beaucoup des habitations qui en étoient ornées.

SIEGE, s. m. Dans son acception ordinaire, ce mot signifie un meuble fait pour s’asseoir. Il s’en fait de toutes sortes de matières, et de formes diverses. On donne en effet ce nom et à des meubles portatifs et mobiles, et à des bancs de pierre, tels uns les degrés des théâtres anciens, où s’asseyaient les spectateurs.

Les sièges, par la dignité de quelques-uns de leurs usages, par la richesse de leur matière, par la beauté de leur-formes el la variété de leurs ornemens ont été jadis, el sont encore quelquefois d’importantes compositions, où le génie de la décoration architecturale trouve à s’exercer.

L’antiquité nous a laissé quelques monumens durables du goût que ses artistes portèrent à de tels ouvrages. On a trouvé dans l’Attique deux siégés sculptés en marbre, et dont les ornemens désignent clairement l’usage. La partie antérieure présente deux chouettes d’un assez grand relief, et qui semblent supporter soit la banquette, soit les bras du siège. Sur la partie latérale d’un de ces deux sièges, est sculptée la table où l’on placcit les couronnes, les palmes et les différens prix donnés aux vainqueurs dans les jeux du stade. It est bien probable que ce sont les sièges des Agonothètes juges des combats.

Plus d’un siège de marbre ou de porphyre s’est trouve dans les ruines des Thermes à Rome, et orne aujourd’hui les musées de cette ville.

Mais de tous les objets auxquels le nom général de siège convient, il n’en est point qu’on puisse comparer pour la grandeur, la richesse el le goût de la composition, aux trônes des divinités, surtout de celles qui étoient d’or et d’ivoire. Nous en renvoyons la description au mot TRONE DES DIVINITES. Voyez TRONE.

Signinum (OPUS). Ce est le nom Que Donne Vitruve ( lib. 2. bouchon. 4. lib. 8. bouchon. 7. ) À une Sorte de mortier, ne pas sur l’utilisation de faisoit verser les puits et les citernes. Ou mèloit ensemble Cinq partis de pur sable, de chaux et Deux. Ou bien remuoit CE mélange, et Ou y mettoit faire petits morceaux de Pierre ou de tuf, du Poids d’environ juin Livré ; attenante sur le battoit Avec des masses de bois Garnies de fer. SELON Pline, sur le faisoit also signinum opus Avec des tuiles pilées et de la chaux.

SILVANI (GHERARDO), né en 1579, mort en 1675.

Silvani fut un des derniers architectes du seizième siècle à Florence, c’est-à-dire de ceux qui persistèrent dans ce goût sage, pur et grandiose, auquel cette ville doit d’être encore aujourd’hui, dans ses monumens, une des belles écoles de l’architecture.

Il devint architecte, comme beaucoup l’étaient devenus avant lui, sans avoir fait de l’art de bâtir sa première on principale étude. Né de parens très-honorables, mais déchus de leur fortune, par l’effet des causes poliliques, Silvani, tout eu se livrant aux occupations du négoce dans la maison de son père, nourrissoit déjà la passion qui dévoit faire de lui un artiste célèbre. Il fut placé pour apprendre la sculpture chez Valerio Cioli, un des plus habiles maîtres de ce temps ; mais il le perdit au bout d’un an. Il perdit encore au bout de trois mois de. séjour dans son école, le célèbre Bandini. Une autre sorte de fatalité l’empêcha d’entrer chez Jean de Bologne. Un sort plus heureux le fixa chez Jean Caiccini, où il trouva enfin à être employé selon son mérite.

Il faut lue dam Beldinucci, qui en fait mention avec le plus grand soin, les détails de tous les travaux auxquels Silvani dut enfin sa réputation comme sculpteur, et les occasions qui le firent architecte.

Ce fut en 1612 qu’il fut chargé de rebâtir la grande chapelle de Saint-Pierre-Majeur : il en fit le modèle de relief, en donna les dessiôns, et exécuta en entier l’ouvrage tel qu’on le voit aujourd’hui.

Vers le même temps, le grand-duc Cosme II ayanl dessein d’agrandir le palais pitti, commanda un modèle à Silvani en concurrence avec Jules Parigi. Il nous manque un dessin pour bien comprendre l’idée que Baldinucci nous a transmise du projet de Silvani. Sa description donne toutefois à croire que ce fut une très-grande conception. Peut être que sa grandeur même en empêcha l’adoption Il arriva, comme on l’a vu souvent ailleurs, qu’on se rabattit au projet le plus économique, celui de donner deux ailes au palais.

Silvani ne fut pas plus heureux dans le projet et le modèle de palais, que lui avoit commandé l’archiduchesse d’Autriche, Marie-Madeleine, pour sa campagne de Poggio Imperiale, Silvani étoit un homme doux, modeste, ennemi de toute brigue, qui ne paroissoit jamais que quand il étoit appelé ; et il ne manque jamais d’hommes qui, sans être appelés, et même parce qu’on ne les appelle point, se piésentent toujours les premiers. Or, notreaichitectě trouva long-temps sur son chemin de pareils hommes. Cependant il dut à la meilleure de toutes les protections, celle du talent, d’assez nombreuses occasions de l’exercer, d’agrandir le cercle de ses entreprises, et d’augmenter sa fortune. Jusqu’alors les travaux de la sculpture y avoient presqu’uniquement contribué. Mais ayant épousé la petite-fille du célèbre Bernard Buontalenti, dont il ent quatorze enfant, il dut s’adonner de préférence à l’architecture.


Il serait difficile, dit Baldinucci, de nombrer tous lus ouvrages qui remplirent le cours de sa longue vie. Nous trouvons qu’il refit à neuf le palais du comte Alberto dé Bardi ; qu’il en éleva un autre très-grand et très-beau an podestat de Montale ; qu’il restaura et embellit la chapelle des Salviati dans l’église de Santa Croce ; qu’il exécuta, d’après son modèle, une très-belle maison de Campagne pour le sénateur Alexandre Guadagni, qu’il termina le bâtiment de Pierre Guicardini, ainsi que le grand escalier et la chapelle commencés par Cigoli, et que la mort l’avoit empêché d’achever ; qu’il restaura et refit dans un goût plus moderne l’église de Saint-Simnon, avec la décoration du grand autel, du checur et des chapelles ; qu’à Volterra il termina un palais pour l’amiral Inghirai, qu’il lui commença une maison de campagne, ouvrage que la mort de l’amiral fit abandonner.

A Pistoia, Silvani acheva la plus grande partie du nouveau palais de la Sapienza, à Florence l’oratoire commencé jadis par Caccini son maître. On met au nombre de ses plus grands travaux la restauration, ou pour mieux dire le renouvellement du palais de Luca degli Albizzi, et où l’on admira l’habileté avec laquelle il sut, profitant des vieilles bâtisses, les transformer en une toute nouvelle architecture. Tous les travaux qu’on vient de citer, il les exécuta dans le court espace de six années.

L’église des Théatins avoit été commeucée par Matteo Nigetti, qui en négligeoit l’exécution. On fut obligé de lui donner un successeur. Silvani fut chargé non de continuer, mais de recommencer l’entreprise. Il fît un nouveau modèle sur un plan beaucoup plus étendu, et il trouva un moyen ingénieux d’mtgmen’er le local destiné à l’habitation des religieux, placée sur un espace étroit, el qui ne permettoit aucun agrandissement. Il rebâtit dans le méme temps le couvent de Sainte-Maie des Anges, dont était supérieur sou frère don Slvador Silvani.

Le savant Jean-Baptiste Stozzi commanda à Silvani de lui faire une façade pour son palais, près de la Trinité. Strozzi étoit aveugle. Mais telle étoit alors l’influence des mœurs, particulièment sur l’architecture, que tont homme riche devoit annoncer par l’extérieur de sa maison, son goût et son amour pour les arts. Ainsi, quoique privé, par son infirmité, de pouvoir jouir de la décoration de son palais, Strozzi n’en eut pas moins l’ambition de payer son tribut à l’usage de son temps, et l’on rapporte qu’à défaut de la vue, le laei lui servit à connoitre et à juger le modèle que Silvani lui présenta. On peut, ce nous semble, atlirmer que ce nouvean moyen de critique ne le trompa point, et l’on s’en convaincra en voyant la façade de ce palais, rapportée par Ruggieri, tum. 3, pl. 52 de so Studiod’ Archittetura civile. Milizia, dans la vie extrêmement abrégée d’un des architectes les plus féconds qu’ait produits la Toscane, n’a consacré que deux lignes au jugement de ce palais lais, qui, dit-il, a trois étages mal proportionnés. On ne voit pus sur quoi repose cette laconique censure. Les trois étages dont il s’agit, nous paroissent au contraire offrir, non pas si l’on veut, un modèle de façade bien original, mais très-certainement, une conformité fort heureuse, avec, les meilleurs ouvrages du seizième siècle. Silvani, comme Baldinucci nous l’apprend, ne fit autre chose que la façade dece palais (la facciata di sua casa), Dès-lors il dut l’adapter à des divisions en largeur et hauteur déjà données. C’est donc des détails qu’il faut porter un jugement, plutôt que de la conception d’un nouvel ensemble. Or, on peut affirmer que toutes les formes des’ fenêtres, que leurs chambranles, les ordres qui les décorent, que les intervalles des étages, que la porte d’entrée les pilastres qui la flanquent, ainsi que ceux des angles du bâtiment, l’entablement dorique qui les surmonte, sont autant de parties et de détails où se retrouvent le style, la manière et les principes des plus habiles prédécesseurs de Silvani. Peut-être y aurơit-il à critiquer, dans cet ensemble, comme un peu étrangères à la composition, les petites fenêtres de nécessité. , en œil-de-bœuf, de l’étage d’en haut. Peut-être encore y desireroiton on un entablement qui couronnât toute cette masse, d’une manière plus digue d’elle.

Il faut citer comme un des meilleurs ouvrages de Silvani et des beaux monumens de Florence, le palais Capponi (in Via larga). L’architecture, outre mille difficultés dépendantes des sites, des terrains, et de toutes sortes de sujétions qui entravent le génie de l’artiste, éprouve encore de plus grands obstacles de la part des ordonnateurs, qui souvent veulent plut qu’ils ne peuvent, et après avoir accepté des projets au-dessus de leurs moyens, se trouvent forcés de les rapetisser ou de les laisser imparfaits. C’est ce qui arriva au palais Capponi. Le propriétaire se lassa de l’entreprise qu’if avoit approuvée, ou plutôt de la dépense qu’elle exigeoit. Il obligea Silvani d’en réduire l’élévation déjà fort avancée. Or, on conçoit ce que peut perdre, aux yeux des gens de goût, un édifice dont tous les rapports avoient été calculés, lorsqu’on en vient, par la suppression d’une partie de son élévation, à lui donner une largeur qui semble alors disproportionnée. Malgré çe défaut, qu’on ne doit pas imputer à l’architecte, ce palais est encore un des plus remarquables monumens de l’architecture toscane.

Silvani éprouva un désagrément d’un autre genre, au palais qu’il fit pour les frères Castelli, riches négocians de cette époque, et qu’on appelle aujourd’hui le palais Marucelli, et liens Castelli, avant de s’adresser à Silvani, s’étoient ingéré à en donner eux-mêmes les projets, et en avoient commencé l’exécution sous la direction de gens peu versés dans l’art. Ils curent enfin recours à


Silvani, qui fut obligé, pour réduire à un meilleur dessin, les constructions malhabilement commencées sans perdre toute la dépense déjà faite, de se soumettre à des données fort gênantes, tant de la part des travaux qu’il falloit conserver, que pour satisfaire aux caprices des propriétaires. Toutefois ce palais, considéré surtout dans sa façade fut jugé en son temps, et l’est encore aujourd’hui, comme un des excellons ouvrages entre tous ceux qu’on admire à Florence.

La réputation de Silvani s’élevant de jour en jour, le grand-duc Ferdinand Il ne crut pas pouvoir confier à un talent plus éprouvé la place d’architecte de la cathédrale, qui venoit de vaquer par la mort de Jules Perigi. Ce grand édifice avoit besoin de plus d’une réparation. Silvani y en opéra de plus d’un genre, et des plus importantes, soit en déchargeant les reins des voûtes du poids de matériaux inutiles qu’on y avoit laissés, soit en renouvelant plusieurs parties de charpente, tous travaux qui améliorèrent singulièrement la construction. Mais il eut encore l’ambition de donner enfin un frontispice à cette grande basilique, qui, comme plusieurs autres à Florence, étoit restée imparfaite dans sa façade. Cependant son projet n’eut pas plus de succès que beaucoup d’autres, et Sainte-Marie-des-Fleurs, ce chef-d’œuvre du quinzième siècle, est arrivée jusqu’au dix-neuvième, sans avoir pu recevoir ce Complément, sujet perpétuel de concours et de déba s restés sans décision.

Le vieux pont de Pisc étoit tombé dans une crue d’eau du fleuve, l’an 1635. Il fut question d’en rebâtir un nouveau. Silvani fut appelé pour en donner les dessins. Sou avis étoit de diminuer, autant qu’il seroit possible, le nombre des arches, et par conséquent des piles. Il proposait de faire le pont à une seule pile, c’est-à-dire de deux arches, ou de trois arches, avec deux seules piles ; et il en présenta le modèle, avec l’engagement de terminer le tout au plus tard en trois années. Mais survint entre les concurrens un certain Bartolotti, qui se fit fort d’exécuter le pont sans pile et d’une seule arche. Il le fit en effet, mais le premier janvier 1644, le pont s’écroula. Plusieurs années s’écoulèrent, et après un assez long temps, on eu vint à le rebâtir avec trois arches et deux piles, selon le projet de Silvani. Toutefois il n’eut pas l’honneur de l’exécution. Son grand âge l’eût empêché de se livrer à ce travail, et l’ouvrage fut confié à Francesco Nave, architecte romain.

Aucun architecte n’a peut-ètre à offrir une liste d’ouvrages aussi nombreuse que Silvani. Ce qu’on peut attribuer à trois causes, l’infatigable activité de l’artiste, la longueur d’une carrière poussée jusqu’à quatre-vingt-seize aus, mais surtout l’état de l’architecture et le goût, ou pour mieux dire, l’usage du temps où il vécut. Chaque âge amène avec soi des causes différentes, dont les effets se réalisent dans les œuvres de bâtir. Lorsque de grandes choses ont été faites et produites en architecture, le goût s’en propage, et de proche en proche, un certain courant de mode tend à tout renouveler. C’est ce qui étoit arrivé au temps de Silvani. Les deux siècles qui le précédèrent, avoient mis l’architecture dans le plus grand honneur. De toutes parts s’étoient élevés de grands et magnifiques monumens ; les princes, les grands, de simples particuliers opulens, avoient mis leur ambition dans la grandeur et la beauté de leurs habitations. Ces exemples produisirent de nombreuses imitations. Chacun voulut, selon ses moyens, suivre le mouvement imprimé au luxe. Il se crée alors, pour tous les degrés d’ambition, un certain art de remettra à neuf les anciens bâtimens, de les changer d’habit si l’on peut dire, et de leur redonner une physionomie plus moderne. C’est l’âge des refaçons, des restaurations, des remaniemens, et cet âge-là fur celui où vécut Silvani.

On l’a déjà vu occupé de semblables soins, et Baldinucci va encore se contenter d’énumérer les travaux infinis (dit-il)qui l’occupèrent en ce genre. Le infinite restaurazioni e riduzioni al moderno di chiese di ville di nostri cittadini, etc. De ce nombre furent la villa du sénature Ugolini à San Martino a Strada celle de Guichardini à Valdipesa ; celle de Giulio Morelli et du sénateur de la même famille, ainsi que leur maison à Florence ; le Casin du marquis Salviati, et son palais d’habitation ; la villa du sénateur Luigi Altoviti a Romitizzo ; la maison du prieur Sébastien Ximennès ; la villa du sénateur Lorenzo Strozzi à Valdipesa ; la maison du chevalier del Rosso, ainsi que sa façade ; celle de Jean-André del Rosso ; celle du marquis Vincenzio Capponi ; le superbe salon du palais Galli, dans la rue dé Pandolphini ; la grande salle du palais Pucei ; la façade de la maison Gianfigliazzi, sur le bord de l’Arno. Quelques-uns de ces édifices et d’autres encore, soit convens, soit églises, entièrement construits par lui, furent son ouvrage en propre. Mais le plus grand nombre ne fit pas moins d’honneur à son talent, par l’intelligence et l’habileté avec lesquelles il fut redonner, en quelque sorte, une nouvelle existence à d’anciennes bâtisses, conçues sans goût, et exécutées sans aucune considération d’art.

Silvani ne fut pas moins recommandable parses qualités morales, que par ses talens. Ce fut un homme de bonnes mœurs, désintéressé, charitable appliqué à tous ses devoirs, et les remplissant avec le zèle le plus scrupuleux. L’extrême vieillesse où il parvint, ne le ralentit jamais, surtout dans. la surveillance de la cathédrale, Confiée à ses soins. . On raconte qu’il ne diminua rien de l’assiduité de ses inspections, continuant de monter, tout seul, les centaines de degrés qui conduisent au sommet de la coupole de la tour. Tout ce qu’on put obtenir de lui. sui qu’il se fit accompagnér de quelqu’un, et il choisit pour aide ; et pour compa-


gnon un ouvrier de la fabrique, centenaire luimême.

SIMBLEAU, s. m. Ce est le cordeau ou La ficelle Avec quoi les charpentiers tracent juin circonférence, when sa grandeur surpasse la Portée d compas non.

SIMÉTRIE. Voyez SYMÉTRIE

SIMPLE, SIMPLICITÉ, Nous réunissons d’autant plus volontiers, sous ces deux mots, les notions de la qualité qu’ils expriment, que le mot simple, qui est un adjectif, s’emploie souvent aussi substantivement, et l’on dit le simple, en l’opposant au composé. On dit le simple, comme on dit le beau le grand, pour la beauté, la grandeur, etc.

Le simple donc, ou la simplicité, est, dans tous les arts, une qualité essentielle, en tant qu’elle est un des principes les plus actifs, et les plus sensibles du plaisir que leurs ouvrages nous procurent

En effet, de quelque genre que soient ces ouvrages, qu’ils soient de nature à s’adresser plus particulièrement ou à l’intelligence, ou à l’imagination, ou au sentiment, ou à toute autre des facultés de notre ame que l’on voudra, et qu’ils s’y adressent soit par un de nos sens, soit par an autre, ce que demande avant tout chacune de ces facultés, et ce que vent chacun des sens qui leur sert de ministre, c’est de concevoir, de se figurer, et de jouir facilement.

Ainsi nous demandons aux idées et aux images de se présenter à notre ame dans l’ordre le plus clair, et sous des formes qui se laissent saisir sans confusion.

C’est cette manière d’être des idées, des formes, des lignes, des contours et de leurs figures, que nous appelons simplicité.

Il y u entre la simplicité et l’unité, des rapports qui font très-facilement confondre la nature et les effets de chacune. Cependant leurs notions sont distinctes. Lorsqu’ Horace a dit. . . . . sit quodvis simplex duntaxat et unum, il n’a probablement pas entendu réunir ces mots, comme de parfaits synonymes, comme l’expression redondante d’une seule et même notion. Quoiqu’il soit vrai de dire, que les effets de ces deux qualités doivent souvent se rencontrer ensemble, que le principe d’unité empreint dans un ouvrage, y est peut-être le résultat de l’esprit de simplicité, et que ; réciproquement, là doit régner le mérite de la simplicité, où se découvre le principe d’unité, toutefois l’analyse métaphysique sait appliquer à chacune, un caractère distinctif.

L’unité consiste particulièrement, dans les arts d’imitation, à produire la liaison de toutes les parties avec le tout, à ramener tous les détails a un point fixe, à faire enfin que chaque chose, eu quelque genre que ce soit, offre une combinaison nécessaire, d’où l’on ne puisse rien détacher, sans que l’ensemble en soit détruit, Voyez UNITÉ.

On voit qu’une semblable qualité doit réellement coopérer aux effets qu’on attend de la simplicité.

Cependant nous dirons que du son côté la simplicité, à l’égard des arts d’imitation, consiste à établir dans les élémens dont se compose chaque ouvrage, l’ordre le plus naturel, à en disposer les idées et les images avec cette économie qui nous les présente, comme le fait. la nature, c’est-à-dire de manière, que le principal n’y soit jamais offusqué par les accessoires, que tous les détails y soient distribués et gradués en leur rang, pour faire Valoir et briller l’ensemble.

Il y a au reste dans le développement de la théorie de ces deux qualités, tant d’applications diverses, que de nombreux volumes n’en épuiseroient pas la matière. Il en est de la simplicité comme de l’unité. Il doit y avoir de l’unité dans la conception première d’un ouvrage ; dans son plan, dans son but, dans ses moyens d’exécution.

Nous en dirons autant de la simplicité ; et comme tous les arts se tiennent par un lieu commun, il n’y a point de précepte applicable, sur le sujet dont il s’agit, à l’éloquence, à la poésie, à la musique, à la peinture, qui soit étranger à l’architecture.

Trois sortes de simplicité doivent donc se trouver dans l’œuvre de l’architecte. Simplicité de conception dans la plan général d’un édifice. Simplicité dans l’effet général qui doit en manifester le but. Simplicité dans les moyens d’où dépend son exécution.

C’est dans la conception première, ou le plan général d’un édifice, que la simplicité doit avant tout régner. J’entends par conception et plan de l’édifice, l’idée fondamentale qui repose sur la nature et la destination du monument.

Tout ouvrage d’architecture est un assemblage de parties, auxquelles l’architecte donne l’être. Considéré sous ce rapport très-abstrait, il y a sans doute un art d’assembler ces parties pour le plus grand plaisir des yeux, qui doit entrer aussi dans les combinaisons du génie de l’artiste. Mais l’architecture n’existant au fond, que par et pour les besoins de la société, l’architecte entendroit mal les obligations qui lui sont imposées, si, dans ses plans et ses conceptions, il bornoit son art et le mérite de la simplicité, à tracer des lignes dont la régularité, l’uniformité : et la symétrie pourroient recommander l’ensemble, mais indépendamment de ce que la raison y doit desirer. L’antiquité sans doute, nous a transmis en plus d’un genre d’édifices des modèles de simplicité dans les plans, que l’architecte doit toujours avoir le désir d’imiter. Toutefois nous dirons que c’est plus encore l’esprit de cette simplicité, que sa réalité, qu’il doit s’approprier. Les mœurs des sociétés


modernes, des besoins plus compliqués, des institutions d’un autre genre, ont établi d’assez grandes différences entre des monumens consacrés, si l’on veut, au même emploi chez les Anciens et chez les Modernes, mais qui ne peuvent plus admettre dans leur disposition une parfaite ressemblance.

Ainsi le type du temple grec n’est quelque chose d’aussi simple, sous tous les rapports, que parce que les formes du culte extérieur, c’est-à-dire les pratiques et les cérémonies religieuses, prescrivoient on ne peut pas moins de sujétions à l’architecte. La diversité des climats en met également une très-grande dans les intérieurs d’un grand nombre de monumens. Sans aucun doute, toutes ces causes exigent, pour la conception des plans, une plus grande multiplicité de choses et de détails chez les Modernes. Mais la simplicité entendue comme elle doit l’être, et non réduite mathématiquement à la moindre expression, brillera tout autant, et peut-être avec plus de mérite et d’éclat, dans la composition d’un monument, que des besoins nombreux et divers tendent à compliquer. Un très-grand nombre de pièces, ou de divisions, peut se trouver distribué sur une vaste étendue de terrain, de manière à se développer ave Clarté, par une succession de dégagemens, qui les fasse parcourir facilement, sans présenter à l’esprit et aux yeux l’idée ou l’image d’un labyrinthe.

Il appartient surtout à la nature où à la destination de l’édifice, d’inspirer à l’architecte la pensée générale, qui doit servir de type à son invention ; car il n’est pas de monument que son emploi ne doive assujettir à une première donnée simple, qui devient le premier régulateur de sa composition. Quelque diversité et quelque multiplicité que présente dans ses détails, le programme d’un édifice, il s’y trouvera toujours le mérite de la simplicité, si l’artiste a su subordonner toutes ses parties à un motif général, qui en contienne, si l’on peut dire, l’explication. Ce motif général est pour l’architecture ce qu’il est pour les compositions poétiques. Le poëme le plus étendu, le plus varié dans les divers chants dont il se compose, peut reposer également sur un sujet simple dans sa nature, et des-lors susceptible de développemens qui, pour être nombreux, ne détournent jamais l’attention de l’objet principal. Or, tel est en tout genre l’avantage de la simplicité, dans ce qui est la conception première d’un ouvrage.

La seconde sorte de simplicité, dans un monument, avons-nous dit, est celle de son effet. J’entends par le mot effet, l’impression que tout ouvrage fait sur nous. Cette impression, dans les œuvres de l’architecture, résulte particulièrement de ce qu’on appelle l’élévation, qui, pour le plus grand nombre des hommes, constitue l’essentiel d’un monument, et qui pour tout le monde est réellement ce que la figure extérieure est à tous les corps. Il y a sans doute entre le plan et l’élévation une connexion naturelle, mais dont l’effet n’est saisi que par le petit nombre. En beaucoup de cas aussi, une élévation vicieuse, compliquée, tourmentée dans ses détails, peut avoir lieu sur un plan simple et judicieusement ordonné.

La simplicité d’effet exige donc, que l’ordonnance générale d’une élévation se développe par des lignes peu interrompues. L’usage des ressauts, des avant-corps, ne doit avoir lieu qu’autant qu’une nécessité sensible l’exige. Il y a toujours dans les partis d’architecture les plus simples, dans l’emploi le plus uniforme des ordres et de tous leurs accessoires assez de détails pour empêcher l’effet d’un édifice de tomber dans la monotonie. Imaginer des élévations mixtilignes, pour y introduire sans besoin des diversités, c’est faire de l’architecture un jeu vraiment puéril, c’est dégrader l’art, en substituant à l’idée d’utile et de nécessaire, qui doit toujours s’y manifester, pour contenter la raison, celle de caprice et d’arbitraire, qui ne seroit d’un édifice qu’un ouvrage de mode, genre de goût qui ne peut appartenir qu’aux productions d’un luxe éphémère.

La simplicité d’effet résulte également de l’emploi judicieux et modéré des ornemens. C’est une erreur en architecture, comme dans tous les autres arts, de croire, qu’en fait d’ornemens, la richesse dépende de la prodigalité. Tout ce qui devient trop abondant, devient vil. La surcharge des ornemens en déprécie infailliblement la valeur. La confusion, qui est le résultat de cette exagération, détruit pour l’œil et pour l’esprit, l’impression et le sentiment qu’on a vonlu produire. Oui, le simple est en tout, non le principe, mais le vrai moyen de l’art d’orner, c’est-à-dive de donner aux ornemens leur valeur. Si cette valeur leur manque, ils ont manqué leur but. Qu’est-ce qu’un moyen qui ne produit pas son effet ? Tous les ouvrages de l’esprit, les inventions du poëte, les compositions de l’orateur ou de l’écrivain, nous démontrent que toujours, et en tout pays, l’abus des images, l’emploi continuel des figures ou des ornemens du style, en apprauvissant le discours, font naître le dégoùt ou l’indifférence pour les richesses qu’on y prodigue. Il suffit de même de se représenter, en idée, l’effet’un de ces péristyles, de ces frontispices de monumens, où une succesion bien ordonnée de parties, de membres, de profils, d’ordres, de chapiteaux, de détails d’ornemens, a lieu sur des sonds lisses, sur des vides bien ménagés, où toutes ces choses sont réparties avec une économie qui permette a l’œil de les parcourir avec facilité, et à l’esprit d’en saisir aisément la raison, d’en embrasser l’ensemble et les détails, et d’y admirer le lien qui les unit. Que l ou compare à cette impression, celle que sont éprouver, soit les monumens de l’Inde, dans leurs compositions bigarrées d’une multitude de sormes, ou de découpures multipliées, soit les frontispices de ces églises gothiques surchargés de sculptures


sans nombre, où nul repos n’est offert aux yeux et où la confusion des détails opère sur l’esprit, le même effet que celui d’une foule dans laquelle on ne peut distinguer personne. On aura, je pense, dans ce parallèle, l’idée la plus claire de la qualité qu’on appelle simplicité d’effet en anchitecture, et de la confusion qui en est le contraire.

Le troisième genre de simplicité qui nous a paru devoir caractériser essentiellement l’ouvrage de l’architecte, est celui des moyens d’exécution.

Ce qu’on doit entendre ici par moyens d’exécution, comprend une idée plus étendue qu’on ne pense, en la restreignant aux seuls procédés de la construction. Ce n’est pas que la simplicité dans ces procédés, ne soit un des élémens matériels de la qualité morale donl il s’agit ici surtout. Effectivement, partout où l’art de bâtir, moins développé par la pratique ou par la science, a formé les premières constructions, on observe que la plus graude simplicité régna dans les conceptions, les plans et les élévations. Ce fut peu à peu, et avec le secours d’instrumens plus variés, qu’on oa mettre aussi plus de variété dans l’emploi des matériaux, qu’on substitua des voûtes aux plates bandes, qu’on s’enhardit à faire porter des masses les unes sur les autres, à élever de plus en plus les plafonds et les couvertures, à ployer enfin toute espèce de matière, au gré des contours qu’on voulut donner à la forme générale du bâtiment.

Il est dans la nature de l’homme et de toutes ses inventions de ne s’arrêter jamais. Si la nouveauté a des bornes, le désir du nouveau n’en a point, et l’on en veut même lorsqu’il n’y en a plus. Cependant on prend pour tel le bizarre et l’extravagant, et c’est en ce genre, il faut l’avouer, qu’il n’y a plus de terme, Le simple est un, comme la vérité. Le composé est comme le saux, ses diversités sont infinies. Qui pourroit nombrer celles du mauvais goût en architecture lorsque l’abus dela science de construire, vient lui prêter ses difficultés, ses problèmes, ses solutions, ses porte-àfaux, ses badinages, ses tours de force ?

J’en ai dit assez pour faire comprendre comment le trop simple, dans les moyens d’exécution, peut comprimer ou arrêter l’essor du génie de l’architecture, et combien l’abus de la diversité, dans les procédés de la construction, peut y introduire de caprices qui la dégradent. La simplicité d’exécution tient donc le milieu entre ces deux excès. Elle ne se refuse point à la grandeur, à la hardiesse, aux mouvemens heureux des plans et des élévations, mais elle veut que tout ce que produisent soit l’art, soil la science même, rende aux yeux un compte sacile et clair de la manière dont tout est exécuté, que l’onvrage non-seulement soit solide, mais le paroisse à l’œil le moins expérimeuté.

La simplicité d’exécution, ou du système de construstion, a une double influence sur les ouvrages. Je parle ne l’influence morale on de celle du goût. Il à étés plus d’une fois question, à plus d’un article de ce Dictionnaire, du système imitatif de la construction primitive en bois, qui devint le type de l’architecture grecque, et nom avons eu plus d’une occasion de montrer que de tous les modèles fournis par les besoins locaux e-par l’instinct de chaqne contrée, à l’imitation que l’art peut en faire, celui de la construction en bois (ou de la cabane) dut nécessairement procurer à l’architecture, ce juste milieu qui réunit la variété à la simplicité.

On aperçoit dès-lors, que le système de construction émané de l’imitation dont on parle, ayant produit un ensemble de formes, qui doivent leur raison au modèle qu’elles suivent, plus l’architecte restera fidèle aux données de ce type primitif, dans les procédés de sa construction, plus la forme générale de son édifice acquerra de simplicité. Nous avons fait voir ailleurs, que c’est pour avoir abandonné ce principe originaire, que l’architecture libre de toute règle, tomba dans ce chaos de bizarreries, où il ne fut plus possible de trouver un terme aux écarts de la raison, parce qu’il étoit impossible de leur trouver un principe.

La supériorité de l’architecture grecque sur toutes les autres, provient très-certainement de la nature de son principe, à la fois simple et varié. C’est dans ce principe, considéré comme moyen d’exécution, que la construction trouve la solidité, qui repose elle-même sur la simplicité : c’est dans ce principe que la composition trouve l’obligation de respecter cette alliance du besoin avec le plaisir, qui n’est elle-même que l’union de la raison et du goût, dans les formes que l’art donne aux édifices.

Ou doit reconnoître la même influence de ce principe sur ce qu’on appelle la décoration, ou l’art d orner l’architecture. Quel terme assigner aux inventions du goût d’orner, quel frein aux caprices et à la confusion de tous les élémens décoratifs, si l’action du principe constitutif de l’art n’intervient comme régulateur en ce genre ? La simplicité, qualité essentielle dans ce qui fait l’ornement de l’architecture, trouve dans la simplicité du système de construction, ou d’exécution, tout à la fois son principe, sa règle, et l’exemple de ce juste milieu, en deçà ou au-delà duquel, on n’aperçoit que luxe ou pauvreté.

SIMPULE, s. m. (en latin simpulum. ) C’est le nom que les anciens romains donnaient à un vase servant aux sacrifices. Il servoit à faire des libations. Probablement on en usoit aussi, ce que semble indiquer la forme de son anse, pour puiser du liquide dans un autre vase plus grand. Les cabinets d’antiquités conservent de ces sortes de vases eu bronze.

On tes voit aussi fréquemment figurés comme ornemens en bas-relief, soit sur les superficies latérales des autels en marbre, soit dans les


frises, ou autres emplacemens de l’architecture. Ils y sont ordinairement réunis à d’autres instrumens de sacrifices, tels que la patère, l’aspergille, etc.

La religion chrétienne a, dans les pratiques de son culte, admis plus d’un objet, auquel on trouve de la ressemblance avec ceux du paganisme. Ainsi quelques-uns des vases qui servent au saint sacrifice, ont dû inspirer aussi aux artistes d’en répéter I’image dans les ornemens des temples. C’est par une suite fort naturelle de cet esprit d’imitation, qn’on voit sculptés sur plusieurs espaces des membres de l’architecture des églises, certains vases qui rappellent la forme du simpulum antique.

SINGE, s. m. Machine composée d’un treuil tournant sur deux chevalets faits en croix de Saint-André, qui a des leviers, bras ou manivelles à chacune de ses extrémités, pour le faire tourner. Cette machine sert à élever des fardeaux au haut d’un bâtiment, à tirer les terres de la fouille d’un puits, et à monter on descendre les mœllons et le mortier.

On appelle encore singe, un instrument composé de règles mobiles, les unes au-dessus des autres, dont on se sert pour copier des dessins et les réduire. On donne aussi à cet instrument le nom depantographe.

SINGLER, v. act. C’est tracer des lignes par un cordeau tendu, et qu’on a blanchi ou noirci auparavant, avec une poussière qui se détache sur le corps où l’on veut faire un tracé, par le mouvement de vibration qu’on donne à la corde.

Singler est aussi, dans le toisé, prendre avec un cordeau le pourtour d’une voûte, le développement des marches d’un escalier, et de sa coquille, ou avec une bande de parchemin contourner les moulures d’une corniche, et de tout autre ornement qui ne peut pas être mesuré avec le pied ou la toise.

SINGLIOTS, s. m. pl. On appelle AINSI les foyers Ou centres de l’ovale du jardinier, Autour desquels glisse le cordeau ne circula Qui SERT à le traceur.

Siparium. Voyez RIDEAU,

SISTRE, s. m. Instrument de musique originaire d’Egypte, ET QUI Vint Ë Rome with the superstitions de Ce pays. Nous ne en mentionner ici Faisons Que Comme being non symbole de l’art égyptien, et Pouvant encore, Dans certains CAS, Figurer en Façon d’ornement Dans Quelques compositions d’architecture.

SISTYLE. Voyez Systylé.

SITUATION, s. f. Se dit particulièrement, en architecture, de la manière dont un édifice, par le lieu qu’il occupe, se présente à la vue du spectateur.

Les villes, pour la plupart, sont dès résultats de causes naturelles, qui ont déterminé leur première fondtion et leur accroissement dans certains lieux, par préférence à d’autres. Parmi ces causes naturelles, on peut compter la qualité du territoire, la proximité d’une rivière, la salubrité du site, garantie par telle ou telle exposition. Les causes politiques ont encore influé sur le choix des positions, qu’exige ou que conseille, pour les cas de guerre, la position des lieux escarpés et montueux. De là, beaucoup de villes situées sur des hauteurs, et qui présentent au paysagiste des aspects pittoresques et variés, sorte d’avantage ou d’agrément qui n’entra jamais pour rien dans les raisons qui firent naître une ville en de tels endroits.

S’il n’est guère possible que des raisons d’agrément ou de beauté visuelle déterminent l’emplacement des villes, il n’est ni rare ni difficile que l’art et le goût président au choix d’une situation convenable aux monumens dont les cités s’embellissent, et l’on en citeroit plus d’un exemple si ces choses n’étoient pas trop connues. Qui peut ignorer combien un grand édifice placé sur une hauteur qui domine la ville, reçoit d’une telle situation, de grandeur et de majesté, et combien il en communique à tout ce qui l’entoure ? Il est ainsi des situations que donne et peut seule donner la nature. Il en est d’autres qui sont à la disposition des hommes. L’ouverture d’une grande rue en face d’un édifice, une place proportionnée a ses dimensions, des percés multipliés, qui, en y aboutissant de différens côtés, contribuent à le faire voir de loin sous tous ses aspects, sont des moyens de faire valoir sa situation ; et ces moyens peuvent dépendre de la prévoyance des ordonnateurs, ou quelquefois résulter, après coup, des améliorations que procure la saine police des villes. Mais il importe beaucoup que de tels soins accompagnent, dès leur origine, la création des monumens, tant il est quelquefois difficile d’obtenir, surtout dans les villes populeuses, les terrains nécessaires à une belle situation.

La connoissance de la situation qu’on destine aux édifices, est une des premières obligations que l’architecte doit s’imposer.

Quoiqu’il y ait, dans l’architecture, une beauté positive, qui se fonde sur plus d’un point indépendant des accompangnemens d’un édifice, il y a toutefois un mérite d’accord et d’effet, qui tient aux relations de l’espace et du lieu qu’il occupe. Un édifice n’est pas de nature, comme un tableau, à ne pouvoir être vu que d’un point déterminé, au-delà ou en deçà duquel on ne voit point, ou l’on voit trop et trop peu. Les masses de l’archi-


tecture doivent satisfaire le spectateur, à des points d’éloignement divers ; c’est pourquoi certains détails auront besoin d’être prononcés avec plus ou moins de saillie et d’énergie, pour correspondre à l’effet qu’ils doivent produire de loin.

On a donné plus d’une raison de la grande saillie que la sculpture imprima aux figures des métopes du temple dorique de Minerve à Athènes. Outre le besoin de correspondre à la saillie des figures en ronde bosse du fronton, il m’a toujours semblé que ce temple, placé sur l’Acropolis, et devant être vu de toutes les parties de la ville, l’artiste avoit dû prendre en considération l’effet que ce couronnement de l’édifice pouvoit produire de loin, pour être d’accord avec celui de la densité des colonnes.

Quelle règle prescrire à l’architecte sur cette matière ? Aucune, ce me semble. Il y a de ces convenances que te goût seul fait apprécier. Les effets produits par les situations, c’est-à-dire par les différentes manières dont l’œuvre de l’architecte, selon les distances, se présente à la vue, sont si nombreux, que l’artiste n’est tenu que de choisir entre les plus importans, et de régler en conséquence, sur quelques-uns de ces points de vue, la proportion et la saillie tant de la masse générale, que de la masse principale, quoique subordonnée de chacune des parties.

SOCLE, s. m. Zoccolo en italien, vient du latin soccus, chaussure.

Ainsi on a comparé le corps inférieur sur lequel s’élève, soit un piédestal, soit une colonne, à la semelle ou sandale qui se trouve placée sous le pied de l’homme.

Effectivement, le socle, à quelqu’espèced, objet qu’il s’applique en architecture, est toujours le corps qui sert de support à tous les autres membres.

Dans les corps isolés, tels que colonnes, piédestaux, bases quelconques, le socle est un solide, carré le plus souvent, qui a moins de hauteur que de largeur, et qui se place sous les moulures et profils. On lui donne aussi le nom de plinthe.

On appelle socle continu le même objet placé de même au bas d’une ordonnance ou d’un bâtiment mais qui, au lieu d’être isole’, règne de niveau dans une façade, comme tous les autres profils. VoyezSOUBASSEMENT.

SOFITE ou SOFFITE, s. m. De l’italien soffitto, qui veut dire plafond. On peut user de ce nom en français, comme étant synonyme du mot plafond, et il exprimera le dessous d’un plancher, surtout de celui qui, formé par des solives croisées, offre les compartimens ornés de rosaces qu’on appelle caissons. Effectivement, le mot plafond, pur sa composition, ne rend point, ou rend mal l’image de ces dessous de plaucher.

Au reste, on a plus ordinairement appliqué en français le mot italien soffite à ces surfaces vues en dessous des architraves, par exemple, ou des larmiers, et qui reçoivent, selon le caractère de chaque ordre, plus ou moins d’ornemens, et des ornemens de divers genres.

Ainsi, l’ordre dorique a ordinairement les soffites de sa corniche ornés de gouttes faites en forme de clochettes, disposées sur plusieurs rangs correspondans au droit des gouttes qui sont eu bas des triglyphes.

L’ordre ionique nous montre quelquefois soffite de sa corniche orné de petites rosaces séparées par de petits denticules.

Le soffite de la corniche dans l’ordre corinthien est, selon la progression de richesses affectée à cet ordre, divisé en compartimens de petits caissons, ornés de rosaces et séparés par des modillons en forme de consoles sculptées avec enroulemens.

SOIGNÉ, adject. Quelles que soient les beautés de tout ouvrage d’art, quelque mérite fondamental qu’offre un édifice, dans sa conception, son plan et son ordonnance, il laissera beaucoup à désirer, si une exécution soignée ne donne à chaque partie, ce fini qui en complète la forme, et qui, par un faire précieux, relève jusqu’à la valeur d’une matière commune ou vulgaire.

Sous ce rapport, l’architecture participe à quelques-unes des propriétés de la sculpture (voyez SCULPTURE), qui entre pour beaucoup dans son travail ; aussi doit-elle encore lui emprunter le charme que cet art donne à ses ouvrages, en imprimant à leur matière, ce fini mécanique, distinct sans doute de celui que donne la science, mais qui le fait briller avec plus d’avantage, et qui a encore celui de plaire aux yeux du plus grand nombre.

Le soigné, le rendu précieux dans les œuvres de l’architecture, comme dans tout autre ouvrage, peut sans doute se rencontrer avec des formes vicieuses, des détails incorrects, et un ensemble défectueux. Or, il est certain que ce fini, dont on parle, ne peut ni corriger ni compenser le vice élémentaire du fond des choses ; aussi ne le donnet-on ici que comme un complément des autres mérites. J’ajouterai, qu’il forme toujours un préjuge favorable à l’opinion qu’on prend, et de l’artiste et de son travail.

SOL, s. m. Du latin solum. Ce est la superficie de la terre, l’aire Proprement dite, de la place sur le bâtiment des Nations Unies Laquelle élève.

Also CE le mot de Les Latins, pour Exprimer juin superficie quelconque distincte À du terrain, et sur Laquelle sur élevoit différens objets. AINSI Pline (ou for better dire Varrou), décrivant les Cinq corps pyramidaux du tombeau de Porsenna, Qui en formoient l’amortissement, et Qui conséquente par portaient Sur une superficie fort élévée Au-dessus du terrain, dit : quas Supra quinque


uno solo pyramides. Il Faut entender et traduire uno solo by a Seule plate-forme.

SOLES, pl s. f. . On appelle AINSI Toutes les pièces de bois, posees de plat, Qui Servent A faire les empattemens des machines, Telles Que grues, engins, etc. Sur les Nomme racinaux, Quand, Au lieu d’être des plaques, Elles Ont presqu’autant d ‘Épaisseur duc d’Étendue.

En maçonnerie, On entend par semelles les jetées de plâtre au panier, au Québec les maçons police Avec la truelle, verser les ex-enduits.

SOLIDE, s. m. Ce mot DEVIENT non substantif Quand Ou l’Emploie, par exemple, dans L’utilisation de la géométrie, pour Exprimer ous signifiant un corps Qui a trois dimensions, longueur, largeur et Profondeur.

Sur Emploie encore CE mot substantivement en Architecture et Dans Les constructions verser entr’autres Designer droits incorporels, non massif Ou un corps Epais en maçonnerie. Sur le dit also du fond d’un terrain non Dans les fondemens D’UN édifice.

SOLIDE, Adj. des Deux genres. VoyezSolidité.

SOLIDITÉ, s. f. Qualité essentielle de l’art de bâtir, de laquelle dépend particulièrement la durée des édifices, et qui fait aussi une partie plus importante, qu’on ne pense, de leur beauté. Disons même que sans le mérite de la solidité, ceux de l’agrément, de la commodité, de la richesse, perdroient bientôt leur valeur.

Il est dans la nature de l’homme d’estimer et de chercher tout ce qui peut rendre ses œuvres durables. Comme il existe en lui un sentiment invincible, qui le porte à prolonger la durée de son existence, tant au physique, par les moyens conservateurs de la santé et par la reproduction de son être, qu’au moral, par le désir de perpétuer sou souvenir et son nom, il ne se peut pas que ce sentiment n’agisse point également sur les ouvrages de ses mains. Or, l’architecture est, entre tous les arts, celui qui peut le plus satisfaire ce désir de perpétuité, qui est le propre des nations, comme des particuliers.

Les peuples auciens nous ont laissé à cet égard de mémorables exemples de cette passion, et des moyens que sait employer, pour la satisfaite, l’art de bâtir. Les restes d’une infinité de leurs édifices déposent, jusque dans leurs ruines, des soins qu’on avoit pris d’assurer leur durée, par la solidité attachée à leurs matériaux, et à la manière de les employer. L’état de destruction du plus grand nombre de ces monumens, n’a rien qui contredise l’opinion qu’on avance ici. Tous les efforts de l’homme, en effet, ne peuvent rien produire d’éternel. L’idée d’immortalité, à l’égard des productions de la créature, n’est qu’une hyperbole perbole du langage. Le temps est leur ennemi naturel, et tout doit devenir sa proie. Si l’on ajoute à ce principe de ruine, les causes innombrables qui travaillent à accélérer toute destruction, les fléaux naturels, les guerres, les révolutions, les vicissitudes politiques qui changent la face des Empires, loin d’attribuer au manque de solidité, l’état de dégradation dans lequel se trouve le plus grand nombre des édifices antiques, on y verra au contraire la preuve la plus convaincante, qu’ils surent doués de ce mérite, à un très-haut degré, puisque la réunion de tous les élémens de destruction, n’a pu les faire disparoître.

Ce mérite se découvre plus clairement encore, dans ceux de ces monumens que le hasard seul a conservés, ou que quelques causes particulières à leur destination auront préservés, Il en existe, comme on sait, soit à Rome, soit en d’autres lieux, qui ont à peu près deux mille ans d’antiquité, et où l’on ne trouve d’autre marque de vétusté, que celle d’une teinte rembrunie ; et toutesons sans qu’on en ait pris le moindre soin. Cependant, en dépit même de tous les accidens qui ont pu les atteindre, ils promettent de transmettre encore à bien des siècles futurs, les leçons de solidité, que des ouvrages beaucoup plus modernes n’ont pu même faire passer jusqu’à nous.

Ce goût pour la solidité semble avoir été toujours en diminuant, depuis les temps qu’il faut appeler antiques. Les édifices du moyen âge ne sauroient soutenir le parallèle avec ceux des siècles précédons ; et si l’on excepte quelques ouvrages de l’art de bâtir, des deux premiers siècles du renouvellement des arts, siècles où les mœurs, les opinions et le goût des particuliers, ramenèrent dans l’érection des palais le luxe de la solidité, on ne sauroit présager une longue durée au plus grand nombre des constructions de cet âge.

Que seroit-ce, si l’on vouloit examiner sous ce rapport le goût du temps où nous vivons, c’est-à-dire sous le rapport des opinions et des mœurs, qui ont une influence si particulière sur les moyens d’où résulte la solidité. On ne sauroit nier que la solidité bien entendue ne soit ou ne puisse être, selon les différences du but qu’on se propose, tantôt économique, tantôt dispendieuse. Elle est une économie, dans les édifices qu’on destine à être d’une longue durée, puisqu’elle rend inutiles les réparations, les refaçons, les remaniemens qu’une construction débile amène nécessairement après un petit nombre d’années, puisqu’elle éloigne le plus qu’il est possible le besoin de les reconstruire. Elle économise dune pour l’avenir. Mais par cela même elle est dispendieuse pour le présent. Ainsi on bâtira avecsolidité ou sans solidité, selon qu’an gré des mœurs et des opinions régnantes, un principe plus ou moins égoïste bornera à la jouissance du moment, ou é’endra à celle des temps futurs, les entreprises de Part de bâtir.

Le mépris de la solidité, on la recherche des


moyens économiques, tient encore, en raison des pays et des temps, à certaines causes, parmi lesquelles on peut distinguer quelquefois le manque des matériaux, que la nature ne dispense pas également partout ; quelquefois cette grande division des fortunes entre les particuliers, qui prescrit au plus grand nombre l’épargne des matières et des procédés ; quelquefois l’esprit de commerce et d’industrie, qui ne calcule dans la construction des habitations, que le revenu de leurs locations ; quelquefois les systèmes de gouvernement, d’où résulte, entre tous, cette sorte d’égalité apparente, qui trouve plus de facilité à se manifester dans l’économie, que par la dépense des bâtimens.

Or, toutes ces causes, et beaucoup d’autres, réagissent également sur la construction des monumens publics, parce qu’il est très-naturel, que ce qu’on appelle l’esprit public d’un peuple, se compose des habitudes et des opinions particulières. Lorsque le sentiment qui dirige les habitudes, se concentre dans les jouissances personnelles, et dans celles du présent, les dépenses publiques, qui ne se sont qu’aux dépens des contributions particulières, éprouvent bientôt cette action des calculs de l’intérêt, qui met, avant toute autre considération, celle de l’économie. Le premier point de vue qui se présente aux ordonnateurs, est le point de vue de la dépense. Alors la première condition qu’on impose à l’architecte, n’est point de faire ce qu’il y a de mieux, mais ce qui coûte le moins. Cependant comme la grandeur, cette qualité pricipale des monumens, ne sauroit avoir lieu, prise dans le sens positif de dimension, sans de dispendieuses fondations, sans un emploi de matériaux choisis, sans de longues et profondes combinaisons, qui exigent un laps de temps considérable, et un grand concours de moyens, l’esprit d’économie trouve plus expédient de se déterminer pour les projets d’une moindre dimension. De là le rapetissement de toutes les compositions ; de là le rabais sur tout ce qui peut garantir aux édifices une longue durée, et perpétuer en ce genre la gloire d’un pays.

Nous n’avons voulu, par ces considérations, que faire comprendre, quelle est, sous le point de vue moral, et dans ses rapports politiques avec l’architecture, l’importance de la solidité.

Nous nous croyons dispensés d’en recommander le mérite, dans ses rapports techniques et positifs avec les travaux de cet art. Du reste on ne doit pas non plus s’attendre à trouver ici on traité, ni un ensemble des lois de la solidité. Tout ce qui composeroit cet ensemble se rencontre à tons les articles de construction qui sont partie de œ Dictionnaire, et nous y renvoyons le lecteur.

On se bornera, dans cet article, à l’exposé succinct des principaux élémens pratiques de la solidité.

Il faut mettre en première ligne de ces élémens, la bonté des fondations ou de l’assiette sur laquelle s’élevera l’édifice. C’est là que toute économie est préjudiciable. La fondation étant ce qui porte la construction, il saut qu’elle soit portée elle-même par un sol, qui ne puisse éprouver ni pression ni mouvement, et l’un doit creuser jusqu’à ce qu’on trouve celle qualité dans le terrain, ou il faut y suppléer, au besoin, par des plates-formes solides, par des pilotis, et par tous les procédés qu’on a rapportés au mot FONDATION. (Voyez cet article. ) Généralement toute la dépense qu’on porte aux sondations, bien qu’elle soit perdue pour les yeux, et semble l’être pour le moment présent, est pour l’avenir de l’édifice une véritable économie, puisque là est la principale garantie d’une consistance, qui épargnera dans la suite des dépenses de restauration, qu’on a vu quelquefois égaler celles de leur construction.

Tout édifice étant un composé de parties, le principe de la solidité veut que l’on considère ces parties composantes, d’abord en elles-mêmes, ensuite dans leur composition ou leur liaison.

Considérées en elles-mêmes, les parties de l’édifice sont les matériaux qu’on y emploie. Or, du choix de ces matériaux dépendra le plus ou moins de solidité dans la construction.

Ce choix a deux objets ; le premier est le genre des matières, le second la qualité de chacune. Lorsque la nature des causes physiques ou des considérations morales permet à l’architecte de choisir entre tous les matériaux, sans aucun doute les marbres et les pierres auront la préférence, et parmi les pierres, celles qui offriront le plus de dureté. C’est évidemment par ce choix de la qualité des pierres, que des édifices, qui datent de deux ou trois mille ans, sont parvenus jusqu’à nous, encore intègres dans les parties qui en subsistent ; ce qui prouve que leur état de ruine est dû à un tout autre principe qu’à celui du défaut de la matière. (Voyez PIERRE. ) La brique peut tenir, après les pierres, le second rang pour la solidité des constructions. La brique est en quelque sorte une pierre artificielle, susceptible d’une grande consistance, selon le degré de sa fabrication, et lorsqu’elle est employée avec un bon mortier, elle forme un tout peut-être plus compact qu’on ne peut l’obtenir des pierres ; et elle a, dans la construction des voûtes, l’avantage de la légèreté, de la facilité d’exécution, et d’une plus grande durée. On voit en effet des arcades en briques, dont une moitié a été détruite, et dont l’autre moitié reste depuis un nombre considérable d’années, suspendue en l’air, sans annoncer le moindre commencement de dissolution, (Voy. BRIQUE. ) Après l’emploi de la brique, on doit mettre la maçonnerie en mœllons, ou petites pierres en revêtement, sur un massif en blocage. Les Romains ont fait en ce genre des constructions très-solides, dont Vitruve a décrit les procédés, et dont il a été question à divers articles


de ce Dictionnaire. (Voyez INCERTUM OPUS, RETICULATUM. ) Le bois doit se ranger an dernier rang des matières qui peuvent servir à faire des bâtimens solides : non que, dans les constructions des maisons ordinaires, on n’emploie cette matière en plus d’un pays, de façon à produire des ouvrages durables ; mais comme nous n’entendons traiter ici de la solidité, que dans son rapport avec l’art de l’architecture, c’est-à-dire avec les édifices qui sont du ressort de cet art, le bois ne peut entrer dans les considérations du genre qui nous occupe, que comme servant, le plus ordinairement, dans les combles, aux toitures, et par conséquent exigeant aussi ce bon choix de matériaux, qui contribue à la longue durée des monumens. Voyez Bors.

Si c’est du choix du genre des matériaux, et de la qualité de leur espèce, que doit dépendre, avant tout, la solidité, le second point que l’architecte doit avoir en vue, sera la manière d’opérer la meilleure composition, c’est-à-dire la liaison des parties.

Les principes de solidité qui se rapportent à cet objet peuvent se diviser en deux classes : l’une qui comprend les simples notions que donne le bon sens et l’expérience ; l’autre qui embrasse les connoissances mathématiques, sur lesquelles se fonde la science de la construction.

Il faut reconnoître qu’il se donne effectivement, dans l’art de bâtir, deux classes d’édifices, les uns simples dans leurs plans, dans leurs élévations, et dans la combinaison de leur ensemble ; les autres composés d’élémens très-variés, pour satisfaire, soit à des besoins plus compliqués, soit à des goûts plus recherchés.

Les édifices de la première classe trouvent leurs modèles, par exemple, dans les entreprises de l’Egypte, dans un assez grand nombre des temples grecs, soumis en général à un type assez uniforme, où l’on ne connoît que des lignes droites, des plans simples, des intérieurs qui ne demandèrent aucune combinaison de voûtes, de résistances et de poussées, La solidité de semblables monumens fut un résultat même de leur simplicité. Le seul bon sens apprit aux architectes, que l’effet de la durée dans leurs constructions, dépendoit de l’art d’unir si bien toutes les parties, et tous tes matériaux, que cette union produisît un juste équilibre de forces, et tel, qu’une partie ne pût point céder, indépendamment d’une autre, ni se soutenir sans offrir un soutien à celle qui l’avoisinoit, qu’aucune pression ne pût s’opérer sans trouver une résistance capable de lui opposer un obstacle. Le même instinct de la solidité apprit encore, que moins il y a de parties dans une construction, moins il y a de chances pour la désunion, qui est le premier agent de la destruction. Aussi voyons-nous que, presque dans tous les pays, les plus anciens édifices se composent de blocs de pierre d’une dimension prodigieuse. Or, le simple bon sens et l’expérience suffisent, pour faire comprendre qu’il importe à la solidité des édifices, d’y diminuer, autant qu’il est possible, la quantité des matériaux, en augmentant le volume de leur masse, selon que la nature le permet.

Ce que l’on dit à cet égard s’applique uniquement aux constructions en pierre ; celles qui sont on maçonnerie, soit de brique, soit de blocage, loin d’infirmer la valeur de cette règle, lui donneroient, s’il en étoit besoin, une force nouvelle, puisqu’il entre dans la perfection de ce procédé de construction, que les masses qu’elle produit ne fassent qu’un tout indivisible. Il en est de même de certaines maçonneries d’écumes de lave ou scories de volcan, qui ressemblent à des éponges, mais ayant la dureté du fer, et qui offrent : une infinité de pores ou de petits trous, dans lesquels le mortier entre et s’incorpore avec la matière.

Un des grands moyens de solidité dans les édifices, de quelque nature qu’ils soient, est donc celui de la liaison que l’on procure aux matériaux qu’on emploie. Le plus ordinaire consiste dans la composition des mortiers (voyez CIMENT, MORTIER) dont on use, surtout pour les constructions en pierrailles, en mœllons, briques, etc. Les pierres de taille, selon leur dureté, reçoivent aussi entre leurs joints plus ou moins de mortier. Mais les Anciens nous ont laissé de nombreux exemples de la liaison des pierres, par des crampons de métal (voyez CRAMPON) ; le bronze fut plus particulièrement employé à cet effet. Les ruines de l’Egypte nous sont voir des tenons de bois qui servirent de liaison aux pierres, et le fer est le métal que les Modernes y appliquent de préférence.

Les moyens de solidité dont on vient de faire mention regardent surtout la construction, considérée dans un système simple, et sans ce qu’on appelle science. Il n’y a aucun doute que des usages et des besoins plus compliqués, que des bâtimens destinés à de nouveaux emplois, que la direction des esprits et des études vers les sciences mathématiques, ont dû amener dans l’architecture, des compositions dont l’exécution ne sauroit avoir lieu, que par les ressources pratiques, dépendantes du calcul des forces et des résistances, que par les connoissances de la mécanique, que par les opérations géométriques, qui démontrent la vertu des différentes sortes de courbes à employer dans les voûtes. C’est à l’aide de cette science que les Modernes ont osé élever des masses, dont la dimension surpasse en hardiesse tout ce que les Anciens ont fait. L’art des voûtes de toutes sortes de figures, a fourni à l’architecture des combinaisons nouvelles, qui ont amené à leur suite l’amour du merveilleux et le goût du difficile. Peut-être est-il permis de croire que l’architecture, en sacrifiant les idées et les sormes simples, aux inventions composées et difficultueuses, a seulement échangé un genre de gran-


deur pour un autre, et le plaisir facile de l’admiration, contre le sentiment souvent pénible, et toujours moins durable, de l’étonnement.

Ce qu’il faut dire en effet du principe de solidité, dans son rapport avec les sensations que l’architecture doit produire, c’est qu’il importe, plus qu’on ne pense, qu’il soit mis à découvert. Tout artifice qui tend à le déguiser, va directement contre l’esprit de l’art, et contre cet instinct de raison qui nous porte à mettre l’utile avant tout, dans les ouvrages qui particulièrement reposent sur le besoin. Or, lasolidité étant le premier besoin des édifices, et la durée qui en dépend étant le principal résultat que nous en exigeons, non-seulement nous voulons qu’ils soient solides, mais nous voulons encore le savoir, et pour le savoir, le plus grand nombre des hommes veut en être instruit par l’apparence elle-même, veut en pouvoir juger par ses propres sentimens, et non sur la seule garantie des savans.

Ce qui met tout le monde en état de porter un jugement certain sur cet article, c’est l’observation constante du principe, qui veut que le fort porte le foible. Ainsi a-t-on eu de tout temps une grande admiration pour les masses pyramidales, sortes de formes où l’on ne sauroit s’empêcher de voir la solidité portée, par la seule nature de ces constructions, au plus grand excès, puisqu’il est dans les conditions de cette structure, que la solidité du support augmente, à mesure que diminue le poids qui doit être supporté.

Lorsqu'il arrive que par un système de construction inverse, comme dans celle des trompes, malgré l’artifice qui en assure la solidité, nous voyons la force supportante diminuer pour la vue, à mesure que s’accroît la masse supportée, cette contradiction choque l’instinct ; et il est vrai de dire qu’on ne doit employer cette méthode de bâtir, que dans les cas où elle est dictée par une nécessité impérieuse. Ce n’est pas qu’il n’entre aussi dans quelques habitudes de notre esprit d’estimer et d’admirer le difficile, uniquement parce qu’il est difficile ; mais ce goût des tours de force appartient surtout à cette période de temps, où toutes les notions de l’antiquité étant oubliées, et toute saine théorie inconnue, ou chercha le beau dans l’extraordinaire, la grandeur dans l’exagération, la richesse dans la prodigalité, et la solidité dans une multitude de moyens factices, d’armatures étrangères, de contre-sorts et d’arcsboutans, qui toutesois en dénonçant à la raison le vice de la hardiesse même, peuvent surprendre un moment le suffrage des yeux.

SOLIN, s. m. Sur Donne CE nom à l’espace Qui is Entre les épisodes des solives posees Sur une poutre, Sur une sablière ous sur mur de l’ONU. This is espace ordinairement REMPLI de maçonnerie.

On appelle also solin l’arête, Soit de plâtre, de mortier Soit, qu’on fait aux couvertures des toits, le temps d’Un Mur de pignon, pour sceller et Arrêter les premières tuiles Ou ardoises.

SOLIVE, s. f. Pièce de bois, de brin ou de sciage, qui sert à former les planchers.

Il y a des solives de différentes grosseurs, selon la longueur de leur portée.

Les moindres solives sont de cinq à sept pouces de gros, pour les travées qui ont depuis neuf jusqu’à quinze pieds d’étendue. Les solives de


quinze pieds ont six pouces sur huit d’épaisseur ; celles de vingt-un pieds ont huit pouces sur dix ; celles de vingt-quatre pieds ont neuf pouces sur onze ; celles de vingt-sept pieds ont dix pouces sur douze. Ces proportions sont générales pour toutes les solives. Il y a cependant quelques différences sur cette règle de dimension, entre les solives ordinaires et les solives qu’on appelle d’enchevêtrure, comme on va le voir dans la table suivante :

TABLE des dimensions des solives, eu égard à leur longueur.

SOLIVES D’ENCHEVÉTRURE. SOLIVES ORDINAIRES. Longueur. Largeur. Hauteur. Largeur. Hauteur. 6 pieds. 5 pouces. 7 pouces. 4 pouces. 5 pouces. 9 6 7 4 6 12 6 8 5 7 15 8 9 6 7 18 9 10 6 8 21 10 11 7 8 24 11 12 8 9


Les solives d’une grande portée doivent être liées ensemble avec des liernes entaillées, et posées en travers par-dessus, ou avec, des étrésillons entre chacune. Selon la coutume de Paris (article 206), il n’y a que les solives d’enchevêtrure qu’on peut mettre dans un mur mitoyen, et dans un mur même non mitoyen, mais elles doivent porter sur des sablières. On les pose de champ, et la distance qui les sépare doit être égale à leur hauteur : ce qui donne à leur disposition une apparence agréable de symétrie.

La disposition des solives, telle qu’on la pratique, a servi de modèle, comme on l’a dit plus d’une fois, à l’imitation que l’architecture a faite de l’emploi primitif du bois, dans les constructions en pierre, et c’est cette disposition que l’ordre dorique nous représente, par les triglyphes et les métopes.

Le mot de solive vient du mot solum, plateforme, plancher.

SOLIVE DE BRIN. On nomme ainsi celle qui est de toute la longueur d’un arbre équarri.

SOLIVE DE SCIAGE. Solive que l’on a débitée dans un gros arbre, selon la longueur de cet arbre.

SOLIVE PASSANTE. Solive de bois de brin qui fait la largeur d’un plancher sous poutre. Cette solive se pose sur les murs de refend, plutôt que sur les murs de face, parce que ceux-ci en diminuent la solidité, et qu’elle s’y pourrit. Lorsque l’on est obligé d’y poser des solives de cette espèce, on la fait porter sur une sablière portée par des corbeaux.

SOLIVE D’ENCHEVÉTRURE. On appelle de ce nom les deux plus fortes solives d’un plancher, lesquelles servent à porter le CHEVÊTRE (voyez ce mot), et qui sont ordinairement de brin. On donne le même nom aux plus courtes solives qui sont assemblées dans le chevêtre.

SOLIVEAU, s. m. Moyenne pièce de bois d’environ six pouces Cinq à de gros, HNE Laquelle, plus courte Qu’une solive ordinaire.

SOMMELLERIE, s. f. Est Un lieu Situé au rez-de-chaussée d’Une grande maison, et près de la pièce Qu’on Appelle bureau. Cet endroit SERT à Garder le vin de la cave ; et ordinairement il une juin communication Avec la cave nominale juin descente Particulière.

SOMMET, s. m. C’est le point culminant de tout corps. On donne ce nom à ce qui forme aussi le point le plus élevé des édifices et des différentes parties dont ils se composent.

Ainsi le sommet d’un temple antique est le fronton qui le couronne. Le sommet de ce fronton recevoit souvent une statue ou quelqu’autre ornement. Le sommet d’un obélisque consistoit dans un corps qu’on appeloit pyramidium. Ce ' portoit souvent à son sommet un globe ou un style chez lui Romains. Plus d’une pyramide paroissant se terminer en pointe, avoit toutefois à son sommet petite plate-forme sur laquelle, d’après les descriptions des écrivains, on plaçoit une statue. Nous lisons dans Pline, qui a emprunté cette notion à Varron, que les cinq pyramides de l’étage inférieur du tombeau de Porsenna portoient à leur sommetun globe de bronze surmonté d’un pileus, auquel étoient attachées des clochettes formant un carillon.

Le sommet d’un édifice peut se terminer, soit en terrasse ou plate-forme, soit en toiture ou comble plus ou moins aigu. Il entre généralement dans l’instinct ou le goût de la décoration, de frapper les yeux par quelqu’objet d’ornement, qui s’élevant au-dessus du sommet de toute construction, en fasse pyramider la forme et ajoute à sa hauteur. Nous avons indiqué ailleurs quelles surent jadis les pratiques de l’architecture à cet égard, et ce qu’elles peuvent être encore aujourd’hui. Voyez COURONNEMENT.

SOMMIER, s. m. C’est dans la construction, s’il s’agit d’une arcade, la première pierre qui pose de chaque côté sur les piédroits.

C’est, lorsqu’il s’agit d’une plate-bande, la pierre qui pose d’aplomb, d’un côté et de l’autre sur une colonne ou un pilastre. Le sommier, dans le langage de l’architecture, s’appelle architrave, qui signifie maîtresse poutre.

Dans la charpente ou la construction en bois, le sommier est une pièce de bois qui porte sur deux piédroits et sert de linteau, soit à une porte, soit à une croisée, et quelquefois à des ouvertures plus considérables. On voit effectivement construire beaucoup de maisons de commerce où l’on pratique, pour l’ouverture que demandent les boutiques, des sommiers qui consistent en une poutre d’une assez grande épaisseur, et sur laquelle tombe la charge des trumeaux an maçonerie, qui s’élèvent dans une bailleur de quatre ou cinq étages. Rien de plus périlleux que cette méthode ; aussi arrive-t-il qu’un est obligé de soulager le sommier par un montant de fer. Lorsqu’on emploie ainsi le sommier de charpente, la solidité veut, tout au moins, que les trumeaux ne portent que sur ses extrémités, et que les baies ou les ouvertures des fenêtres seules correspondent au point de centre du sommier.

On appelle sommier la pièce de bois qui portant une grosse cloche, sert de base à la lame, et au bout de laquelle sont attachés les tourillons de fer.

Ou donne encore le nom de sommier à des pièces de bois, comme des poutres, qui portent le plancher d’un pont de bois.

Il y a de même, dans plus d’une machine, des pièces de bois servant à divers usages, et auxquelles on donne le nom de sommier.


SOMMIER. Voyez SEUIL DE PONT-LEVIS.

SONDER, v. agir. Le SE SERT of this verbe, pour expimer l’opération par Laquelle sur reconnoît la qualité du fond d’un terrain non Ou L’On veut bâtir.

Un efffet this, sur soi SERT D’UN gros tarier, Qu’on Appelle sonde, Dont les bras de fer, de Trois pieds Chacun, s’emboîtent L’un dans l’autre Avec de bonnes Clavettes.

Quelque bon Que Paroisse terrain de l’ONU, sur ne jamais Doit fonder Dessus sans l’Avoir préalablement sonde.

SONNETTE, s. f. Machine Composée de deux de Montans à-plomb, poulies AVEC, ET soutenus de Deux arbres Avec éleveur non ; le tout porté Sur un assemblage De semelles. This Machine, Le Moyen du mouton enleve une force nominale de Bras with the cordages, Sert à enfoncer des pieux et des pilotes. A CHAQUE corvée Qué les hommes de la police pour frapper, sur Leur crie, Apres un certains Nombre de coups, au renard pour les faire Cesser Même en temps, et au lard pour les faire recommencer Tous Ensemble.

SORIA (Jean-Baptiste), architecte romain, né en l581, mort en 1651.

Nous ignorons sous quel maître il apprit son art. Mais comme, avant de recevoir les leçons d’un maître en particulier, on ne peut point ne pas être l’élève de son siècle, c’est-à-dire des exemples et des ouvrages qui influent sur la direction du goût de chaque époque, il est visible, par les monumens qu’a construits Jean-Baptiste Soria, qu’il fut un des suivans de Pierre de Cortone, de Carle Maderne, des Longhi, et de cette école nombreuse du dix-septieme siècle, qui, sans tomber dans les écarts de Boromini, n’a su véritablement imprimer à ses ouvrages aucun autre caractère que celui de l’absence de tout caractère.

Le siècle où vécut Soria se fait distinguer à Rome, dans la construction d’un assez grand nombre d’églises, qui surent remarquables par leur richesse, plus que par leur beauté, et qui n’ajoutèrent rien aux inventions des siècles précédens. On les reconnoît à une physionomie assez uniforme dans leur plan, comme dans leur élévation, et surtout à la monotonie de ces devantures banales, de ces frontispices en placage, compositions froides et sans caractère, qui surent, comme on l’a vu à l’article PORTAIL, d’insipides répétitions les unes des autres.

Jean-Baptiste Soria ne s’est guère sait connoître que par ces sortes d’ouvrages, dans lesquels il est juste de dire qu’il eut le mérite, en se conformant à cette espèce de mode, de n’y point ambitionner de formes ni d’accessoires bizarres, étrangers à l’ajustement des ordonnances de colonnes Voilà, ce nous semble, ce qu’on peut dire de mieux de son portail de S. Carlo de Catenari. Deux ordres, l’un au-dessus de l’autre, de pilastres en bas corinthiens, en haut composites, y forment un léger avant-corps couronné d’un fronton. Cette façade n’a réellement rien qu’on y puisse ou louer ou blâmer dans sa composition générale. Si un meilleur choix d’ornemens, si des détails plus purs de chambranles aux portes et aux fenêtres, si plus de caractère dans les profils et dans les entablemens se fussent trouvés réunis à l’ensemble, d’ailleurs simple, de ce frontispice, on l’auroit peut-être cité comme un des meilleurs en son genre.

Nous croyons qu’on n’eu sauroit dire autant du portail de Sainte-Marie de la Victoire, également à deux ordres l’un au-dessus de l’autre. Ici se fait mieux sentir l’inconvénient de la hauteur des nefs, lorsque la largeur de l’édifice n’y correspond point. Soria employa dans ce portail tous les moyens d’exhaussement qu’il put trouver, pour masquer l’extrémité du pignon de la grande nef. Il plaça chacune de ses ordonnances sur un piédestal fort élevé, et au-dessus de son fronton il pratiqua une sorte de rampe qui lui sert d’alongement : ressource malheureuse et addition contre nature. Ou peut encore se plaindre d’avoir à compter dans cette façade quatre frontons superposés, en y comprenant effectivement ceux de la porte d’entrée, et de la grande fenêtre du second étage.

Il est difficile de parler avec plus d’éloge de ses frontispices aux églises de Saint-Chrysogone, et de Sainte-Catherine de Sienne à Monte Magna Napoli.

Le meilleur ouvrage en ce genre de Soria paroît être le portique et la saçade de San Gregorio, une lui fit exécuter son protecteur le cardinal Scipion Borghèse. On ne peut refuser à cette composition. qui toutefois est, selon l’usage d’alors, a deux ordres de colonnes l’un au-dessus de l’autre, un certain caractère d’élégance plus de correction, de simplicité ou d’unité que de coutume, Elle a encore le mérite d’une apparence heureuse, ce qu’elle doit, sans doute, eu partie à sa situation et à son soubassement, élevé sur une montée en gradins. Ajoutons que les deux étages, qui toutefois auroient aussi bien convenu à un palais qu’à une église, forment une masse assez bien proportionnée, et exemple des vices ordinaires aux portails de ce siècle.

Ce qu’on lui a reproché, c’est particulièrement d’être sans connexion avec le monument qu’elle précède, et qu’elle devroit mieux annoncer. On entre par le portique, dans une fort belle cour environnée dune galerie, au fond de laquelle se présente l’église. On regrette donc que l’architecte, qui pouvoit disposer d’un semblable local, n’ait pas eu l’idée d’un plan et d’une composition à la fois simples et pittoresques, qui, en réunissant pour l’œil le portique d’entrée avec le temple auquel il auroit servi de vestibule, eût formé de


ces deux masses, un tout harmonieux et majestueux tout ensemble.

SOSTRATE. Nom d’un des plus célèbres architectes de l’antiquité.

Il étoit de Guide, et, selon Pline, ce fut lui qui éleva dans sa patrie les jardins suspendus qu’on y admiroit. On sait assez que par jardins suspendus, il faut entendre des plantations, que nous dirions en terrasses. Or, il paroît que le mot suspendu, pensilis, ne peut donner ici d’autre idée que celle de portiques on d’arcades soutenant la masse de terre où les arbres avoient leur racine ; et c’est ainsi qu’un pareil ouvrage devoit être celui d’un architecte.

Mais ce qui a le plus illustré nom de Sostmte, c’est la grande et magnifique composition du fanal qu’il construisit pour Alexandrie, sous Ptolémée Philadelphe, dans. la petite île de Pharos, qui depuis donna son nom à cette sorte d’édifice. Voyez PHARE.

A cet article, nous avons rapporté les détails qui ont été recueillis sur la composition et les dimensions de ce monument, sur sa durée et sur son entière destruction.

Nous n’ajouterons ici que quelques mots sur l’inscription que Sostrate y avoit fait graver. Elle portoit ces mots : Sostrate de Guide, fils de Dexiphanes, aux Dieux conservateurs pour ceux qui naviguent. Les écrivains sont d’accord sur ce point. Mais selon Lucien (dans son Traité sur la manière dont on doit écrire l’histoire), l’architecte, après avoir gravé secrètement cette inscription qui devoit perpétuer son nom, crut devoir en dérober la vue aux spectateurs. A cet effet, il la cacha en la surchargeant d’un enduit à la chaux, sur lequel il écrivit le nom du roi régnant. Le temps fit tomber cet enduit, et le nom deSostrate reparut. Pline avance le contraire, et il loue la magnanimité du roi Ptolémée, pour avoir permis à Sostrate de Guide, architecte du monument, d’y inscrire son propre nom. (Plin. L. 36. ch. 12. )

On lit dans Cedrenus. que Cléopâtre employa, l’architecte mécanicien Dexiophanes à joindre, par de grands travaux, au moyen d’une jetée dans la mer, l’île de Pharos et son fanal à la ville d’Alexandrie. Voyez PHARE.

SOUBASSEMENT, s. m. La formation de ce mot indique assez sa signification. Il a été forme, du mot. italien basamento, qui exprime sort bien la différence du support isolé appelé base, lequel s’applique aussi à un corps isolé, d’avec le support continu qu’on voit régner sous toute l’étendue d’une construction.

Les Anciens avoient deux mots pour rendre l’idée de soubassement, selon que la masse qu’on y imposoit, étoit en colonnes ou sans colonnes. L’unde ces mots est stylobates, composé du mot porter et du mot colonne ; l’autre est stéréobate, qui est formé du mot porter et du mot solide.

Il paroît donc résulter de ces deux mots, que stylobates (stylobate en français) devoit s’appliquer à un corps qui porte des colonnes, et que stéréobates devoit signifier le corps de construction qui sert de support à une masse quelconque. Cependant nous voyons que Vitruve, dans son chapitre 3e. du IIIe. livre, se sert indifféremment de ces deux mots par rapport aux colonnes.

Gagliani, dans son Commentaire sur ces deux espèces de synonymes, prétend que communément le mot stéréobate signifie le petit mur d’appui qu’on établit sous les colonnes, mais lisse et sans aucun ornement ; tandis que stylobate exprime particulièrement ce support qui est orné d’une base profilée et d’une corniche.

Laissant de côté cette discussion, nous dirons qu’en français le mot stylobate est particulièrement employé à signifier ce qui supporte des colonnes, et que le mot soubassement a une acception plus générale, qui, par la composition du mot, peut dans le fait s’appliquer à tout, mais paroît mieux convenir aux masses de bâtimens sans colonnes, qu’aux colonnades mêmes.

Soubassement exprime donc, en architecture, l’idée générale d’une masse considérable et étendue, qui en supporte une semblable. On pourroit sans doute donner aussi ce nom à une levée de terre, à une terrasse, sur laquelle s’éleveroit une autre masse. On pourra le donner encore à un piédestal continu, mais peu élevé, sur lequel seroient rangés, comme cela se pratique dans certaines galeries d’objets d’art, des statues, des vases et autres monumens du même genre.

Mais dans la construction des édifices, on appellera soubassement cette partie de leur élévation, qui est, à leur égard, ce qu’est la base à une colonne, ou le piédestal à une statue. Or, ce premier effet dusoubassement est de donner une plus grande valeur, et un agrément de plus à tout édifice. Indépendamment de l’importante considération relative à la salubrité de tout local, il est certain que l’aspect d’un monument, dont l’ordonnance posera sur le terrain, paroîtra plus lourd à l’œil et semblera privé d’élégance.

Les Grecs ne manquèrent jamais d’élever leurs temples sur de très-hauts soubassemens, qui ajoutent singulièrement à leur dignité. On doit en effet donner le nom de soubassement à ces trois rangs de degrés très-hauts, qu’on voit régner uniformément sous les colonnades des temples doriques périptères. D’autres temples ont un soubassement qui règne seulement de trois côtés, et qui vient aboutir aux degrés placés en avant de la face antérieure. Tel est, par exemple, le temple de Nîmes, qui est un pseudo-périptère. Cette sorte de soubassement a son socle profilé et sa corniche. Plus d’exemples de cette pratique des Anciens dans les élévations de leurs temples, seroient inu-


tiles, tant ils sont connus des architectes et des antiquaires.

L’usage des soubassement est moins apparent dans les églises modernes, qui souvent ne sorment point un ensemble aussi déterminé par leur plan et leurs élévations, que les temples antiques ; toutefois, si l’architecture n’y traite point cette partie dans un caractère aussi prononcé, on peut dire qu’il en est peu, lorsqu’une ordonnance de colonnes on de pilastres en décore l’extérieur, où cette ordonnance ne repose sur une base continue, comme cela se voit à la grande basilique de Saint-Pierre à Rome.

Mais où le soubassement nous semble jouer un rôle important, chez les Modernes, c’est dans l’architecture des palais, et surtout de ceux du seizième siècle en Italie. On en citeroit fort peu où cette partie ne soit traitée avec un soin très-particulier. Le plus souvent elle se compose de bossages ou de resends distribués avec beaucoup d’art, et de manière à faire un contraste heureux avec le reste de la construction. La saillie du soubassement tend encore à le détacher, et offre à l’ordonnance des étages supérieurs une sorte d’assiette, qui fait mieux valoir leur importance. Quelquesois le soubassementcomprend dans les compartimens des bossages les petites ouvertures d’un étage, qui est celui des pièces de service. Le plus souvent il n’est percé que par les fenêtres du rez-de-chaussée. Dans, ces cas il semble être le piédestal de l’édifice. Il arrive aussi qu’il se borne à n’en être que le socle.

C’est dans les palais de San Micheli, de Palladio, de Sansovino, de Scamozzi, qu’on peut étudier toutes les formes, toutes les variétés et tous les genres de proportion, que l’architecture sait donner auxsoubassemens des palais, (Voyez ce qui en est dit aux articles de la vie de ces grands maîtres, où l’on a décrit leurs plus beaux ouvrages. )

SOUCHE DE CHEMINÉE, s. f. C’est un tyan composé de plusieurs tuyaux de cheminée, qui paroit au-dessus d’un comble. Il ne doit être élevé que de trois pieds au-dessus du faîte.

Les tuyaux d’une souche de cheminée sont, ou adossés les uns au-devant des autres, comme cela se pratiquoit anciennement, ou rangés sur une même ligne, et se joignant par leur épaisseur, comme cela a lieu lorsqu ils sont dévoyés.

Les souches de cheminée sont ordinairement en plâtre pur, pigeonné à la main, et on les enduit des deux côtés aven du plâtre au panier. Dans les bâtimens considérables, on les construit de pierre, ou de brique de quatre pouces, avec mortier fin et crampons de fer.

SOUCHE FEINTE. Souche qu’on élève sur un toit, pour répondre à la hauteur, à la figure, à la situation des autres, et leur faire symétrie.

SOUCHE RONDE. Tuyau de cheminée de figure cylindrique, en manière de colonne creuse, qui sort hors du comble, ainsi qu’il y en a dans d’anciens bâtimens. Ces sortes de souches ne se partagent point par des languettes pour plusieurs tuyaux ; mais elles sont accouplées ou groupées.

SOUCHET, s. m. Voyez PIERRE DE SOUCHET, À l’article de la Pierre de SES according Défauts.

SOUCHEVER, v. agir. Ce est, Dans Une carrière, oter Avec la masse et les pièces de fer la pierre de souchet, pour faire tomber les bancs de pierre Qui sont dessous.

SOUCHEVEUR, s. m. Ouvrier de carrière, sur un support Qui Travaille particuliérement à oter le souchet, pour separer les bancs de pierre et les faire tomber.

SOUDER, v. agir. Attacher, joindre ensemble les Extrêmités de Deux pièces de métal, Soit en les mettant au feu jusqu’a that the Soit métal blanc et presqu’en fusion, et les incorporant salle L’un dans l’autre Avec le marteau, CE qu ‘sur les pratique à l’Egard du fer, Soit en employant la soudure, Ce Qui a lieu à l’Egard du plomb, de l’étain, de l’or et de l’argent.

SOUDURE, s. f. On emploie particulièrement dans le bâtiment la soudure pour le plomb. On fait un mélange de deux livres de plomb avec une livre d’étain, et il sert à joindre dans les couvertures, les tables de plomb ou de cuivre. On nomme cette soudure, soudure au tiers.

En maçonnerie, on entend par soudure, du plâtre serré, dont on se sert pour raccorder deux enduits qui n’ont pu être faits en même temps, sur un mur ou sur un lambris.

SOUDURE EN LOSANGE OU EN ÉPI Grosse soudure, avec bavures en manière d’arête de poisson. On la nomme soudure plate, quand elle est plut étroite, et qu’elle n’a d’autre saillie que ion arête.

SOUFAITE, s. m. Pièce de bois d’comble un, Posée de niveau au-dessous du faîte, Liée par des entre-toises, liernes, ous croix de Saint-André, Avec les fermes.

SOUFRE, s. m. Substance minérale combustible et fusible, Qui, lorsqu’elle is fondue, pénètre DANS LES moindres cavités. On se en SERT Avec Assez d’avantage pour sceller des grilles, des barreaux de fer Dans Les Endroits bas, this Matière n’étant pas sujette A être altérée par l’humidité.

SOULAGER, v. agir. Le SE SERT au figuré of this mot Dans la construction, pour Exprimer l’effet Qui resulte des Moyens Qu’on Emploie, Soit Pour sûr de


partager, plus d’appui des Nations Unies LE POIDS D’une masse, pour Soit opposant Une résistance à la poussée D’une voûte. AINSI sur Soulage poitrail non OÜ non sommier Qui porte le trumeau D’une façade de maison, en Lui Donnant verser soutien de l’ONU Montant ous de fer Ou de bois debout, ous tout Autre. Sur Soulage le mur de la retombée D’une voûte, contrefort Un par sur l’arc-boutant.

SOUPAPE, s. f. (Terme d’architecture hydraulique. ) Platine de cuivre, ronde comme une assiette, avec un trou au milieu, en forme d’entonnoir, dans lequel s’emboîte quelquefois une boule, mais plus ordinairement une autre platine, en sorte qu’elle le bouche exactement, étant dirigée par sa tige, qui passe dans la gaîne soudée au-dessous de la première platine.

La soupape sert dans le fond des réservoirs et des bassins, pour les vider, en l’ouvrant avec une bascule ou une vis, dans le commencement des conduites, pour pouvoir les mettre à sec sans vider les réservoirs, quand on veut y travailler. On met aussi des soupapes dans les ventouses des conduits, pour laisser passer l’air et empêcher l’eau de sortir.

Les soupapes diffèrent des clapets, en ce que ceux-ci n’ont qu’un simple trou couvert d’une plaque, qui s’élève et s’abaisse par le moyen d’une charnière. Les clapets, toutefois, peuvent servir partout où l’on met des soupapes.

SOUPENTE, s. f. Espèce d’entresol, dont le plancher est sormé de chevrons couverts de planches jointes à rainures et languettes, et qu’on pratique dans la hauteur d’étages fort élevés. pour donner aux grands appartemens de petits logemens de commodité.

SOUPENTE DE CHEMINÉE. Espèce de potence ou lien de fer, qui relient la hotte ou le faux manteau d’une cheminée de cuisine.

SOUPENTE DE MACHINE. Pièce de bois qui, retenue à-plomb par le haut, est suspendue pour soutenir le treuil et la roue d’une machine. Telles sont les soupentes d’une grue, qui sont retenues par la grande moise, pour en porter le treuil et la grande roue qu’on appelle à tambour.

Dans les moulins à eau, ces sortes de soupentes se baissent avec des coins et des crans, selon la crue ou la décrue des eaux, pour en faire tourner les roues par le moyen de leurs alichons.

SOUPIRAIL, s. m. C’est le nom qu’on donne à une baie en glacis, pratiquée dans l’épaisseur d’un mur de fondement, dont les deux jouées sont rampantes, pour donner de l’air et un peu de jour aux lieux souterrains. L’ouverture des soupiraux se place ordinairement dans le soubassement des fenêtres du rez-de-chaussée.

SOUPIRAIL D’AQUEDUC. (Terme d’architecture hydraulique. )On appelle du ce nom une certaine ouverture en abat-jour dans un aqueduc couvert, ou à-plomb dans un aqueduc souterrain, et qu’on pratique d’espace en espace, pour donner de l’échappée à l’air, qui, s’il y restoit renfermé, s’opposeroit au cours de l’eau.

SOURCES, s. f. pl. (Jardinage. ) C’est un grand agrément pour un jardin, surtout du genre irrégulier, que d’avoir dans son terrain des sources, qui donnent à l’art les moyens naturels d’en conduire les eaux, de les distribuer au gré des différens sites, et selon les effets qu’on prétend en tirer, pour l’embellissement et pour l’ utilité. On peut voir ce qui a été dit à cet égard a l’article EAU.

Dans les jardins, on appelle sources plusieurs rigoles de plomb, de rocaille ou de marbre, qui sont ordinairement bordées de mousse ou de gazon, et qui, par leurs détours et sinuosités, forment au milieu des bosquets plantés sans symétrie, et sur un terrain en pente, une espèce de labyrinthe d’eau, ayant quelques jets aux endroits où ces rigoles se croisent.

SOUS-CHEVRON, s. m. Pièce de bois d’dôme non, ous d’comble non en dôme, Dans Laquelle is assemblé non debout de bois, Appelé clef, Qui retient Deux chevrons Courbes.

SOUS-FAITE. Voyez SOUFAITE.

SOUTERRAIN, adj. et subst. On appelle ainsi tout lieu qui se trouve sous terre, soit qu’il soit l’ouvrage de la nature, soit qu’il ait été ainsi pratiqué par l’art.

Les souterrains naturels sont ceux qu’on appelle grottes, antres ou cavernes. Au mot GROTTE (voyez ce terme) nous avons fait mention de quelques-unes des plus célèbres productions de la nature en ce genre, et nous y renverrons le lecteur.

Ce que les souterrains naturels, considérés en général, nous offrent comme ayant eu, ou pu avoir quelques rapports avec l’art de bâtir, nous l’avons fait voir à l’article ARCHITECTURE, en recherchant quelques-unes de ces causes locales, qui ont pu influer dès les premiers âges de certaines nations, sur te goût et les pratiques de leur architecture. On ne sauroit nier en effet que, dans quelques pays, les premières sociétés n’aient pu profiter des grottes ou des souterrains naturels, pour en faire leurs habitations, et selon la nature facile à exploiter de certains matériaux, n’aient pu se creuser des demeures qu’on appellera souterrains. Cependant on doit dire que l’esprit systématique a beaucoup exagéré les conséquences de ce fait, et qu’on s’est souvent mépris sur les causes qui en beaucoup de pays, et surtout dans le voisinage de beaucoup de


villes, ont produit de grandes et nombreuses excavations. Si l’on accorde que l’Egypte a pu devoir l’extrême simplicité de son architecture et de ses procédés de construction aux habitudes des souterrains et des excavations, que plus d’une cause bien connue multiplia dans cette contrée, il faudra aussi reconnoître que beaucoup de ces souterrains, qui dans des temps postérieurs auront servi d’asyle ou de retraite à plus d’une sorte d’habitans, avoient été originairement creusés pour un tout autre emploi, c’est-à-dire pour extraire les pierres employées aux grandes constructions des temps précédens.

Or, telle fut certainement l’origine de ce grand nombre d’excavations souterraines que nous présentent les environs de beaucoup de villes anciennes et modernes. Qui ne sait pas, par exemple, que ces vastes souterrains qu’on appelle catacombes à Rome, à Naples, à Syracuse et ailleurs (voyez CATACOMBE), ne devinrent des lieux de sépulture, qu’après avoir cessé d’être les carrières d’où l’on avoit extrait pendant des siècles, les terres, les sables, les matériaux propres à la bâtisse ? Ainsi Paris se trouve environné de souterrains dont l’étendue ira toujours en croissant ; et quelqu’étonnant que pourra paroître un jour ce long travail des siècles, nous n’avons toutefois aucune admiration pour ces résultats d’opérations purement mécaniques.

Il faut la réserver, cette admiration, pour les souterrains qui furent réellement des ouvrages de l’art, c’est-à-dire qui nous présentent une image ou une répétition des monumens construits sur terre, et qui eurent une destination religieuse ou politique.

Si nous en croyons l’histoire ancienne, et les découvertes modernes, aucun peuple n’eut plus d’occasions de pratiquer ce genre d’architecture, que le peuple égyptien, et ce fut surtout à l’époque où le siège du gouvernement étoit établi à Thèbes ; car on convient assez maintenant que ce fut de ce point que les institutions, les mœurs, et les pratiques des arts et de l’architecture, se répandirent, soit en remontant le Nil vers l’Ethiopie, soit en descendant vers le Delta. L’usage des sépultures favorisa, particulièrement dans la Thébaïde, le travail des souterrains. C’étoit dans de profondes excavations que les rois cherchoient à dérober aux recherches des âges futurs, les lieux qui devoient recevoir leurs corps. La description du tombeau découvert récemment par Belzoni, et qu’il a cru être celui de Psamméticus, peut donner la plus juste idée de cette sorte de monumens, où l’on retrouve le même goût de disposition d’ornemens, et de peintures hiéroglyphiques que dans les édifices construits, avec cette différence que tout s’y est trouvé intact et dans un état de conservation qui s’explique, quand on pense que l’air et la lumière n’y avoient pas pénétré depuis quelques milliers d’années. Ce qui étonne encore dans cette sorte de travail c’est la difficulté qu’on dut éprouver de creuser à une aussi grande profondeur, non pas une seule chambre, mais une suite de chambres sépulcrales, et même à deux étages. La découverte de ce souterrain, due en partie au hasard, comme nous l’apprend Belzoni, doit faire penser que beaucoup d’autres ouvrages du même genre, attendent encore de semblables recherches.

Si quelque chose peut nous confirmer dans l’opinion que les Egyptiens, peut-être parce que les limites de leur territoire étoient bornées par la nature, furent portés à en augmenter l’étendue dans leurs entreprises souterraines, et s’y adonnèrent constamment, c’est la notion conservée par Pline, que la ville même de Thèbes étoit traversée sous terre, par des conduits qui auroient passé sous le fleuve. Pline, il est vrai, semble révoquer ce fait en doute, sous prétexte qu’Homère n’en a point parlé. C’est peut-être la moindre des raisons qu’on put opposer à cette tradition, que nous ne nous chargeons pas toutefois de défendre.

N’ayant point à faire ici l’histoire des entreprises souterraines des Egyptiens, mais nous bornant à constater leur goût pour cette pratique, nous ferons encore mention du célèbre édifice construit dans la basse Egypte, sous le nom de Labyrinthe. Les trois auteurs qui en ont parlé avec le plus d’étendue, Hérodote, Strabon et Pline, s’accordent à y faire mention de parties souterraines. Quant aux appartemens souterrains, dit le premier de ces écrivains, je ne sais que ce qu’on m’en. a dit ; les gouverneurs du Labyrinthe ne permirent point qu’on me les montrât. Strabon parle de cryptes longues et nombreuses, qui communiquoient entr’elles par des chemins tortueux. De là (dit Pline), on entre dans des chambres souterraines par des conduits creusés aussi sous terre.

Du reste, que les Egyptiens aient encore excavé des montagnes, pour en faire des monumens semblables à ceux qu’ils construisoient sur terre, c’est ce qu’a prouvé la découverte récemment faite du monument d’Ypsamboul, dont M. Gan a donné les détails et la fidèle représentation, dans son ouvrage sur les monumens de la Nubie. Cette excavation souterraine a cela de particulier, qu’elle fut faite dans la masse d’une montagne de pierre ; que l’architecture, ses colonnes, ses détails, ses ornemens, les statues et les colosses qui décorent le monument, sont taillés à même le rocher. Les sables ayant recouvert cette construction souterraine et obstrué son entrée, tout l’ouvrage a été trouvé dans un état de conservation parfaite.

On ne sauroit dire combien d’autres souterrains du même genre on découvriroit dans ce pays, si les recherches et les travaux dispendieux que ces découvertes exigent, au lieu d’être le produit des efforts de quelques particuliers pouvoient avoir


lieu aux dépens d’un gouvernement intéressé à en faire les frais.

Des différences sensibles de terrains, d’usages et d’institutions publiques, suffisent à expliquer, pourquoi l’histoire et les recherches modernes ne présentent aux investigations des voyageurs en Grèce, ni le même goût dans ce pays pour les travaux souterrains, ni l’usage de ces sortes de constructions établies dans les profondeurs du sol. Cependant la Grèce eut aussi ses grottes mystérieuses, soit données par la nature, soit modifiées par l’art. La plus célèbre fut celle de Trophonius, mais on ne sauroit dire quelle fut dans cette cavité souterraine la part du travail de l’homme. La nature du sol de la Grèce, pays hérissé de montagnes, dont plusieurs offrent les traces de volcans et de feux souterrains, fait voir combien les seules causes physiques, dûrent préparer de retraites déjà accommodées aux besoins des habitans encore sauvages de ces contrées. A mesure que la civilisation augmenta et que les villes se multiplièrent, la superstition dut s’emparer de ces lieux, où l’on plaça le berceau des êtres mythologiques, et il n’y eut point de grotte ou de souterrain, qui ne devint un monument de quelque naissance mystérieuse, de quelqu’événement fabuleux.

Ainsi voyons-nous le promontoire du Ténare, dont la base avoit été excavée par l’action des feux souterrains, devenir un monument religieux. C’est à l’entrée de ces cavernes noircies par la fumée des volcans, que les mythologistes placèrent, nonseulement les portes de l’Enfer poétique, mais encore le trône des vents. la route des orages, et l’étable des chevaux de Neptune, dont le temple creusé dans le roc en sorme de grottes, étoit environné d’une forêt de sapins, qui par son obscurité augmentoit l’horreur de ce local. La lecture de Pausanias nous donneroit lieu de recueillir beaucoup d’autres notions de ce genre sur les excavations nombreuses d’un pays, où la religion eut l’art de s’emparer, en quelque sorte, de la nature entière de tous les accidens des terrains, des montagnes, des rochers, de toutes les sources, de toutes les rivières, de tous les aspects, de toutes les illusions de l’homme et de toutes les traditions de la crédulité, pour rendre l’idée de la Divinité présente en tous lieux.

Quelques écrivains ont tenté d’établir quelques systèmes sur certaines excavations qu’on trouve en Grèce, telles que les grottes de Nauplie dans l’Argolide, et qu’on a prétendu être l’ouvrage des Cyclopes. Nul doute que le travail des mines, en quelques contrées de ce pays, n’ait donné lieu, ainsi que celui des carrières, à de grands travaux souterrains. On a voulu déduire de certains faits de ce genre l’existence d’une sorte d’architecture troglodyte, qui auroit précédé la pélasgique. Ces recherches savantes sout étrangères aux seules notions dont j’ai voulu faire la matière de cet article. Des excavations qui ont pu avoir des objets d’utilité particulière, ne prouvent point qu’on ait eu l’intention de faire sous terre des ouvrages semblables aux monumens construits. Or, ce caractère bien distinctif dans la nature des travaux souterrains je prétends qu’on ne l’a point trouvé en Grèce comme en Egypte, et la modique grotte de Pan à Athènes, celle d’Archidamas consacrée aux Nymphes, travaux où l’art entra pour quelque chose, sont de trop petits ouvrages pour constater, chez les Grecs, l’usage et le goût de ces substructions ensouies sous terre et à si grands frais, dont l’Egypte nous a conservé tant et de si étonnans modèles.

Après l’Egypte, le pays le plus connu pour le goût et la pratique de ces ouvrages, qu’on peut appeler d’architecture souterraine, ou par excavation, est sans contredit l’Inde. Nous avons eu déjà l’occasion d’observer (voyez Indienne-architecture), que le plus grand nombre des entreprises de ce pays, ne doit pas porter le nom de construction proprement dite, puisqu’ils sont, soit des rochers isolés, façonnés par la ciseau en forme de monumens, soit des excavations pratiquées dans des bancs de pierre, où l’on mit la masse même à contribution, pour y sculpter supports, plafonds, ornemens, etc.

Nous avons déjà parlé de l’Italie, en faisant mention des grandes excavations produites par les carrières aux environs de quelques grandes villes, et auxquelles on a depuis donné le nom de catacombes. En envisageant, comme nous l’avons prétendu faire en cet article, les souterrains dans leur rapport avec l’architecture, il nous semble que les anciens habitans de l’Italie n’ont réellement laissé que très-peu de vestiges de leur goût pour les ouvrages souterrains, du genre qu’on a déjà spécifié. Les sépultures seules ont pu donner lieu â des travaux de ce genre. (Voyez Secpulcretum.) Il est certain qu’outre l’espèce de tombeaux dont nous avons parlé à cet article, et qui précédèrent le temps de la domination de Rome, les Romains, sans adopter l’usage des sépulcres entièrement souterrains, ne laissèrent pas de pratiquer souvent dans les constructions de leurs tombeaux et mausolées, des divisions propres à recevoir les sarcophages, et dont le plan étoit inférieur au sol. Le seul nom d’hypogée qu’on leur donnoit, témoigne encore de cet usage. Généralement cependant, autant qu’on peut le conclure des restes nombreux de leurs monumens funéraires, les excavations souterraines furent rarement appliquées à cet usage. La pratique de la crémation des corps favorisa surtout l’emploi des columbarium, destinés particulièrement à recevoir dans de trèspetites niches les urnes qu’on y rassembloit en très-grand nombre.

Ce n’est pas qu’on ne puisse citer des travaux assez considérables d’excavations, pratiquées par les Romains pour d’autres usages, comme, par exemple, cette montagne perforée qu’on appelle la grotte de Pausilippe, pour abréger le chemin de Naples à Pouzzol. Les environs de Baies nous montrent encore de semblables travaux commencés pour le même objet d’utilité, et l’on présume que ce que l’on appelle la grotte de la Sybille fut également une route souterraine restée sans exécution.

De semblables travaux furent exécutés par les Romains pour la décharge de quelques lacs, tels que celui d’Albano, qui, avant qu’on leur eût ouvert d’issue, étoient sujets à des crues d’eau, et à des débordemens funestes aux campagnes voisines.

L’énumération et la description des grauds travaux de ce genre, chez les peuples anciens et modernes, pourroient devenir sans doute le sujet et lu matière d’un ouvrage aussi curieux qu’intéressant, mais dont le moindre abrégé seroit, comme on l’a dit, hors de toute mesure avec cet article, et encore étranger à l’objet principal de ce Dictionnaire.

Ce seroit dans le Dictionnaire des ponts et chaussées qu’il seroit convenable de réunir l’historique de ces sortes d’entreprises. On sait que déjà plus d’un canal a obligé de lui pratiquer, dans plus d’un endroit, un lit souterrain, comme on le voit au canal de Saint-Maur, exécuté depuis peu d’années. Les aqueducs ont souvent aussi nécessité de grandes et pénibles excavations, pour procurer aux eaux leur courant et leur niveau, à travers les montagnes.

Il se fait dans ce moment un prodigieux travail de ce genre à Londres, C’est un très-grand et large chemin pratiqué sous la Tamise pour suppléer, dans un endroit qui réunira les deux parties de la ville, à la construction d’un pont qui eût gêné la navigation.

SPÉCULAIRE (pierre). Au mot Phengites nous avons déjà placé une courte notion de ces espèces d’albâtres gypseux et transparens, auxquels on donnoit le nom de pierre spéculaire. Elle se débitoit en lames aussi minces qu’on le vouloit, et elle faisoit dans les fenêtres, chez les Anciens, l’office du verre. Il paroît que ce que nous appelons fenêtre ou châssis de fenêtre, chez les Romains s’appeloit specularis ou specularia, et le lapis specularis aura été ainsi nommé, comme étant la pierre employée en carreaux de fenêtres.

A l’article Verre ou Vitre, nous discuterons la question relative à l’emploi du verre en carreaux de vitre. (Voy. Vitre et Verre.) Nous bornerons l’article Spéculaire à faire connoître les variétés de la pierre à laquelle on donne ce nom, et les propriétés de sa nature transparente, dans l’emploi qu’on en fit chez les Anciens.

Il peut y avoir eu jadis plus d’une cause qui ait rendu l’emploi du verre, appliqué aux fenêtres, moins commun qu’il n’auroit pu l’être. On peut se permettre de croire que ce ne fut, ni l’ignorance du verre, connu de tout temps, ni la cherté, ni la difficulté d’en faire des carreaux, sorte d’emploi le plus simple de tous. Si le verre paroît, d’après quelques passages des écrivains, avoir été tardivement mis en œuvre à Rome, dans les fenêtres, ne seroit-ce pas, parce que différentes sortes de pierres spéculaires, faisant l’office de vitre, outre l’ancienne habitude, réunissoient à une plus grande solidité, des avantages très-réels ?

Il y avoit en effet de nombreuses variétés dans les pierres spéculaires ; il s’en trouvoit dont la transparence égaloit celle du cristal et du verre le plus diaphane. Quand Pline veut parler de la limpidité du vernis qu’Apelle mettoit sur ses tableaux, il ne prend pour point de comparaison ni le verre ni le cristal, mais « à travers ce vernis l’on voyoit (dit-il) sa peinture comme au travers d’une pierre spéculaire » Veluti per lapidem specularem intuentibus.

Le même écrivain nous apprend qu’on tiroit des pierres spéculaires de beaucoup de pays différens. L’Espagne jadis en avoit approvisionné Rome. Depuis on en avoit fait venir de Chypre, de Cappadoce, de Sicile, et plus récemment encore d’Afrique.

L’Espagne fournissoit les meilleures. La Cappadoce dounoit de plus grandes dalles, mais leur qualité étoit plus molle, et leur transparence étoit plus terne. On en exploitait aussi dans le territoire de Bologne en Italie, d’une moindre étendue, sujettes à avoir des taches, et quelquefois des durillons d’une substance siliceuse.

Pline nous décrit une espèce de pierre spéculaire, que l’on trouvoit sous terre, renfermée entre des pierres plus dures, saxo inclusus ; ce qui nous paroît ressembler beaucoup aux feuilles de talc, qui sont entre les pierres a plâtre. Mais, selon lui, on en comptoit encore une autre espèce fossile, dont les plus grandes lames ne passoient pas la longueur de cinq pieds. Nunquam adhuc quinque pedum longitudine amplior.

On voit par cette énumération des espèces de pierre spéculaire, et par la dimension que quelques-unes avoient, pourquoi on put souvent en préférer l’emploi, dans bien des circonstances, à celui des carreaux de verre. Mais un des avantages réels de cette substance sur celle du verre, c’est qu’elle étoit inaltérable. C’étoit, selon Pline, le privilège de l’espèce de pierre spéculaire blanche, sed candido mira natura. Quoique tendre, elle résistoit à toutes les injures des saisons, et elle ne vieillissait point.

Or, rien ne fut mieux adapté aux besoins d’éclairer l’intérieur des grands monumens. Il paroît d’après divers passages des auteurs, que la manière d’employer ces sortes de vitraux, étoit de les sceller dans les murs mêmes. Les clathra des fenêtres de l’amphithéâtre de Pola forment des entrelacs, dont les traverses ou barreaux (comme l’on voudra dire) sont de pierre, et il est probable que leurs intervalles furent remplis de pierre spéculaire.

Juba, cité par Pline, écrivoit qu’on trouvoit en Arabie une pierre aussi transparente que le verre, dont on faisoit les carreaux des fenêtres. In Arabiâ quoque esse lapidem vitri modo translucentem quo utuntur pro specularibus.

Au temps de Néron, on avoit trouvé en Cappadoce une qualité de pierre, qu’on appela Phengites, à cause de son éclat et de sa transparence. (Voyez ce mot.) Pline, en parlant du temple de la Fortune, construit de cette pierre, qui transmettoit la lumière dans son intérieur, ajoute que cet intérieur se trouvoit éclairé par un autre moyen que celui des spéculaires. Alio quam specularium modo. Quelques commentateurs veulent qu’on lise haud alio quant specularium. Peu importe la version qu’on adopte, il est visible que dans l’une comme dans l’autre, Pline compare ce moyen d’éclairer un intérieur par la transparence de ses murs, au moyen usité de la pierre spéculaire commune.

Si, d’après le passage de Sénèque (voy. VERRE, ) l’emploi des vitraux proprement dits, ou des carreaux de verre, semble n’avoir daté à Rome que de son siècle, il y a moins lieu qu’on ne pense de s’étonner que l’usage en ait été aussi tardif. Entre les causes qui l’ont répandu si généralement chez les Modernes, il saut compter sans doute le bon marché de la fabrication du verre, mais particulièrement aussi le manque presqn’absolu de ces pierres transparentes, qui étaient autrefois aussi nombreuses que diverses, et qui donnoient un véritable équivalent du verre.

Si la nature nous eût fourni avec abondance ces matières transparentes d’un débit si facile, qui pourroit dire jusqu’à quel point leur exploitation économique, eût retardé ou diminué la pratique des carreaux de verre, surtout s’il est vrai, comme on est porté à le croire, que la pierre spéculaire, appliquée aux fenêtres, avoit plus d’un avantage sur les vitraux ? Or, il paroît qu’elle pouvoit d’abord être moins fragile que le verre. Une de ses propriétés, ensuite, étoit de mieux préserver delà chaleur, en interceptant les rayons du soleil. C’est ce que remarquèrent, selon Philon (de légatione ad Caium), les ambassadeurs d’Alexandrie. En comparant, dit-il, les propriétés des pierres transparentes avec celles du verre blanc, ils observèrent que ces pierres, en transmettant la lumière, préservent à la fois et de l’action de l’air et de l’ardeur du soleil.

Les voyageurs ont trouvé encore en Grèce, plus d’un exemple de cette manière d’éclairer les intérieurs, par le moyen de pierres transparentes. Or, tout porte à croire que cette pratique moderne, en ce pays, est une tradition de l’ancien usage, si dans quelques endroits même, les pierres spéculaires qu’on y voit ne sont pas des restes d’antiquité.

Cornelio Magui et Chandler décrivent, avec les mêmes circonstances, les fenêtres du l’église du couvent de Saint-Luc en Béotie, la plus belle de la Grèce moderne. Ces fenêtres, au lieu de carreaux de verre, ont de carreaux de pierre transparente. La chiesa, dit Cornelio Magui, e di bella architecture incrustata di marmi fini ; e in carte finestre spiccano pietre con vene trasparenti rossicie. Selon Chandler, « les bas côtés ou galeries de cette église sont éclairés par des morceaux de marbre transparent, appelé jadis phengites. Il sont placés dans le mur par compartimens carrés, et répandent une lumière jaune ; vus eu dehors, ils ressemblent à la pierre commune et sont grossièrement taillés. »

Plusieurs de ces pierres, qui selon la nature de leur substance, ou peut-être par le laps des années, ont pu acquérir une transparence rougeâtre, sont devenues, en vertu d’une opinion superstitieuse des Grecs modernes, dépositaires de ce qu’ils appellent le feu sacré, qui, à un certain jour de l’année, est censé descendre du ciel. C’est à cette croyance qu’on dut probablement, dans le temple de Minerve à Athènes, converti en église chrétienne, la conservation de quelques dalles de pierre spèculaire, qui au temps de Spon, Wheler, Cornelio Magui, la Guilletiere, etc. , étoient encore visibles, et étoient tenus pour des objets miraculeux à cause de leur rougeur diaphane.

« Les pierres transparentes du temple d’Athènes (dit la Guilletiere) sont taillées en rectangle ou carré long. Chacune est à peu près longue de trois pieds, sur un et demi de largeur. On plaçoit derrière elles des lampes, ce qui leur donnoit une couleur rougeâtre. Les Turcs les regardoient avec beaucoup de vénération. »

Cornelio Magui rapporte la même chose, et Spon et Wheler, qui avoient vu, dans plus d’un endroit de la Grèce, des carreaux de pierre spèculaire, n’hésitent point, à l’aspect des dalles miraculeuses d’Athènes, d’y reconnoître le phengites de Pline.

Nous pourrions citer encore les fenêtres de l’église de San Miniato à Florence, toutes garnies de pierres transparentes, qui tiennent lieu de vitres, si cet exemple n’étoit fort connu, et si nous ne craignions d’alonger par trop cet article.

SPECUS. On appeloit ainsi le canal, où l’eau couloit dans les aqueducs élevés au-dessus de la superficie du sol. Il étoit construit, ou en pierres de taille ou en briques. On lui donnoit, sur cent pieds de longueur, au moins un demi-pied de pente, et on le couvroit d’une voûte, soit pour le préserver des ordures que le veut auroit pu y porter, soit pour empêcher l’action du soleil, et l’introduction dus eaux pluviales, qui auroient pu se mêler à celles des sources, qu’on vouloit faire parvenir, dans toute leur pureté, aux lieux de leur destination.

Quelquefois, ces canaux étoient couverts de


dalles de pierre posées horizontalement. L’Aqua Claudia, l’Aqua Marcia se trouvèrent supportées par un seul et même rang d’arcades. Les canaux des eaux qu’on appeloit l’Anio vetus et l’Aqua Claudia avoient aussi leur specus ou conduit particulier, placé sur la même construction.

SPHAERISTERIUM. Lieu destiné chez les Anciens, soit dans les gymnases, soit dans les maisons des riches particuliers, à l’exercice où l’on employoit la balle. Cet exercice et ce lieu paroissent répondre au jeu de paume moderne, et au bâtiment qui reçoit son nom de ce jeu.

Pline le Jeune décrivant ses deux maisons de campagne de Laurentum et de Toscane, y place un sphœristerium. L’empereur Vespasien en avoit un dans son palais ; et, selon Lampride, Alexandre Sévère s’exerçoit souvent au jeu de balle dans son sphéristère.

SPHÈRE, s. f. Corps parfaitement rond, qu’on nomme aussi globe ou boule, et qu’on emploie souvent dans les ouvrages de l’architecture. Pline appelle orbis, le globe ou corps sphérique de bronze, qui terminoit le sommet de chacune des cinq pyramides inférieures du tombeau de Porsenna à Clusium. Nous voyons que la maîtresse borne milliaire des Romains au Capitole, et de laquelle partoient toutes les autres bornes, étoit surmontée d’un globe de bronze. Les Modernes en placent volontiers à la pointe des clochers, et en beaucoup d’autres lieux, comme simples oruemens.

SPHÉROÏDE, s. m. Corps Formé par la révolution D’une ellipse sur fils hache. Sur Donne Volontiers au contour D’UN dôme La Moitié D’UN sphéroïde, Être Parce Qu’il de obole, plus haut Qu’une demisphère, Tant pour lu Solidité Qui resulte du Peu de poussée of this courbe, Qué pour en Rendre la proportion en plus élégante.

SPHINX, s. m. Si nous parlons ici de cet animal fabuleux, ce n’est pas, comme on le pense bien, pour en rechercher l’explication allégorique en Egypte, ou en expliquer la tradition mythologique en Grèce ; ces détails ne sont point dans les attributions d’un Dictionnaire, qui doit se restreindre, en chaque sujet, à ce qui touche plus ou moins directement l’architecture, ses monumens et leurs objets de décoration.

Contentons-nous donc de faire remarquer que le Sphinx, sous le rapport de l’art, c’est-à-dire des images qu’on en fit, nous offre plusieurs variétés, entre lesquelles on doit remarquer celle du. Sphinxthébain, dont plus d’un ouvrage grec : nous a conservé la ressemblance. Phidias, dans la composition du trône de son Jupiter Olympien, avoit placé comme soutiens des bras du siège, des Sphinxs enlevant les enfans des Thébains.

D’après ces images, il paraîtroit qu’il n’y eut aucun rapport d’allégorie, entre le Sphinx de l’Egypte, et celui que la mythologie grecque nous représente comme une sorte de monstre à tête de femme, sur un corps de lion ailé, proposant des énigmes, et dévorant ceux qui ne les pouvoient pas deviner. Rien de commun, comme on voit, entre cette création du mythe grec, et celle du caractère hiéroglyphique des Égyptiens, excepté l’union fantastique de deux animaux, qui en Grèce ne paroît avoir rien signifié, si ce n’est une tradition imitative du symbole le plus usité en Egypte ; car il est douteux que l’idée de secret, de mystère ou d’énigme, appliquée par les Grecs au Sphinx, ait été généralement reçue en Egypte.

Si nous en croyons ce que donne à entendre, pour ce pays, l’idée d’une telle association de deux natures, savoir, d’un corps de lion et d’une tête de semme, et ce que presque tous ceux qui ont tenté de pénétrer l’esprit de quelques hiéroglyphes nous assurent, cette union de deux êtres n’exprima rien autre chose, que l’état où est le Nil quand il inonde l’Egypte. Comme ses inoudations arrivent aux mois de juillet et d’août, lorsque le soleil parcourt les signes du Lion et de la Vierge, les Egyptiens auroient réuni sous ce double emblème, les signes de l’époque qui étoit pour eux celle de la prospérité de leur pays.

Aucun signe en effet ne fut plus multiplié en Egypte, L’ouvrage de ce genre le plus célèbre et le plus considérable fut le Sphinx colossal, dont on vit long-temps la tête sortir hors des subles qui avoient enseveli le reste de la figure, près d’une des plus grandes pyramides. On douta longtemps s’il étoit formé de plusieurs blocs rapportés ou non. Des fouilles faites il y a quelques années, par le consul d’Angleterre au Caire, M. Salt, l’ont mis tout-à-fait à découvert, et on a avéré qu’il avoit été taillé à même la masse de pierre, qui forme en ce lieu la base des pyramides. Le déblaiement intégral de ce colosse, a sait voir un petit escalier qui communiquoit à la porte, d’un petit temple, placé entre les pattes du Sphinx. Ce petit temple se présentoit sous la forme des monolythes égyptiens.

Les ruines aujourd’hui bien connues des temples égyptiens, ont consirmé ce que les anciens historiens nous avoient appris, de l’emploi multiplié des Sphinxs pour former les avenues des édifices sacrés. On les y voit encore placés sur deux lignes parallèles, les uns en face des autres, et chacun sur une base. Ce sont là les espèces d’allées qui semblent conduire vers le temple. Ainsi les écrivains anciens avoient décrit ces avenues. Ainsi les retrouve-t-on encore avec plus ou moins de mutilation, dans les plaines de l’antique Thèbes.

Du reste, ces avenues, dans lesquelles les Egyptiens avoient singulièrement multiplié ces représentations de figures composées de deux espèces l’animaux, qu’on appelle aujourd’hui du nom de


Sphinx, nous prouvent qu’il y eut des variétés dans ces mélanges de nature, d’où il faut conclure que ce que nous appelons Sphinx, n’est pas nécessairement un composé d’un corps de lion avec une tête de semme.

D’abord on met sous ce nom, devenu général, des figures qui ne sous autre chose que des lions, sans aucune association d’une autre espèce d’animal. Rien n’est plus commun que ces ouvrages, qui, outre le caractère sans art de la sculpture égyptienne, font voir encore sur leur base des signes biéroglyphiques. On en voit d’autres d’un meilleur travail, et qu’on doit supposer avoir été des copies saites dans des temps postérieurs, et peut-être sous la domination des Romains. Tels sont ceux qui sont placés à Rome comme ornemens de la fontaine de Termini, et qui jettent de l’eau.

Les voyageurs modernes nous ont fait connoître, sous le nom de Sphinx un mélange d’espèces autre que celui dont on se forme ordinairement l’idée. Ainsi à Thèbes, il y a des avenues telles qu’on les a décrites, qui se composent de figures représentant des lions à tête de bélier. On a cherché à donner de cette réunion de deux animaux divers, des explications qui ne peuvent être qu’arbitraires. Comment deviner les idées que les Egyptiens avoient prétendu exprimer par ces amalgames de signes, dont la clef est probablement perdue ?

Le Sphinx, mélange d’un corps de lion et d’un buste de femme, paroît être celui dont les répétitions se sont le plus propagées et multipliées hors de l’Egypte, surtout dans les sculptures d’ornement des Grecs et des Romains, comme on en voit à un des plus élégans trépieds de bronze, trouvé dans les ruines de Pompéia et conservé au Muséum de Naples. Mais il est à croire que réduite à cet emploi purement décoratif, cette figure n’y conserva plus aucune valeur, même d’allégorie morale. C’est du moins ce qu’il est permis d’affirmer de l’emploi que les Modernes en font, soit dans ce qu’on appellel’arabesque, soit dans l’application purement routinière qu’on en sait à toutes sortes de meubles, d’objets de luxe ou de caprice.

SPINA (épine). C’est le nom que les Romains, donnaient à cette partie exhaussée ordinairement sur plusieurs degrés, en manière de plate-forme, qui s’étendoit au milieu et dans presque toute la longueur du cirque, qu’elle séparoit en deux allées où les courses avoient lieu.

On lui donna ce nom, parce que cette sorte de construction partageoit l’arêne du cirque, comme l’épine du dos partage le corps de l’homme.

Les médailles nous ont conservé sur les types où sont représentés des cirques, d’assez sidéles imitations de la spina et des objets dont ils étoient ornés. Aux deux extrémités, s’élevoient les bornes an nombre de trois, placées sur un piédestal commun, et saites eu forme du cônes alongés. C’étoit entre ces bornes et la spina que devoient passer les chars, et comme cet espace étoit assez etroit, c’étoit à ce tournant qu’il étoit facile d’échouer.

Les principaux monumens que les médailles nous font voir, dans la longueur de la spina, sont des autels à diverses divinités, de petites édicules ou chapelles, des colonnes isolées surmoutées des statues de la Victoire, des trépieds, des portiques de la différens genres, des colonnes supportant des frontons, ou des plates-bandes couronnées par les symboles de Neptune, de Castor et Pollux, des statues et des groupes.

Ce fut pour l’ornement de la spina de leurs cirques, que les Romains enlevèrent à l’Egypte les obélisques, qu’ils placèrent quelquesois au milieu, quelquesois aux extrémités. Plusieurs de ces obélisques se retrouvent encore aujourd’hui dans Rome moderne, placés aux mêmes endroits qu’ils occupèrent jadis. Tel est celui de la place Navone, reste elle-même et souvenir de l’emplacement où étoit le Circus Agonalis, qui donna à la place moderne le nom de Piazza, Nagona, et par corruption Navona.

Nous renvoyons du reste le lecteur au mot CIRQUE, où l’on s’est étendu sur la description, tant de l’ensemble, que des détails et des particularités de ces monumens du la magnifocence romaine. VoyezCIRQUE.

SPIRAL, adj. m. On appelle ainsi un corps, une ligne qui environne un objet quelconque en tournant. La ligne spirale est celle qui en tournant s’éloigne toujours de son centre. Telle est la ligne dont est formée la volute du chapiteau ionique ; telle est, en particulier, la ligne que décrivent les cercles d’une vis autour d’un cylindre.

La colonne qu’on appelle torse est formée par une ligne spirale. Il y a dans l’antique plus d’un exemple de cannelures en spirale. On peut citer à cet égard les colonnes du petit temple de Clitumne près Spoletto, qui sont ainsi cannelées dans le tiers insérieur de leur sût.

SPOLETTO (jadis SPOLETUM), ville antique de l’Ombrie, aujourd’hui dans les États de l’Eglise.

La ville moderne a conservé, du moins dans ses environs, plus d’un reste témoin de sa magnificence passée. Hors de ses murs est une petite église, dont le sanctuaire est pratiqué dans un temple dit de la Concorde, dont il subsiste encore six colonnes corinthiennes, trois de chaque côté, et dont la frise est dorique : ce qui semble indiquer que ce fut un ouvrage sait dans les bas siècles, des débris de quelqu’autre monument.

On voit les restes d’un temple de Jupiter dans le couvent de Saint-André, et d’un temple qu’on appelle de Mars, au-delà de la rivière, là où est


l’église de Saint-Isaac ou de Saint-Julien. Il y a aussi des vestiges d’un palais de Théodoric.

Un aqueduc très-considérable, bâti par les Romains, amène l’eau de Monte Luco, à six milles de Spoletto et de la Caprareccia, qui en est à trois milles. Les conduites passent sur an pont de 600 pieds de longueur et de 300 pieds de haut, qui joint les deux montages, et qu’on appelle Ponte delle Torri. Ces eaux passent aussi sur le Ponte Sanguinario, qui joint le Monte Sant’Angelo avec Monte Luco.

A neuf milles de Spoletto on trouve à gauche sur le chemin, un petit temple antique bâti vers la source du Clitumnus, qui a donné à ce monument le nom sous lequel on le désigne ordinairement. On ne connoît pas l’époque de sa construction, mais son goût extrêmement orné, permet de croire qu’il ne doit pas appartenir à une trèshaute antiquité.

Plus d’une particularité, sa conservation et sa situation pittoresque en sont un des restes d’architecture romaine les plus intéressans. La disposition de son plan est surtout remarquable par sa singularité. Sa façade se trouvant sur une pente escarpée qui conduit au Clitumne, le péristyle antérieur n’a point d’entrée. L’architecte a reporté en arrière-corps deux petites entrées, qui, avec leur avant-corps, forment dans le plan une sorte de croix. Chacune de ces entrées, avec son avantcorps moins élevé que le corps principal du temple, repose sur un soubassement très-haut, qui donne une sort grande élégance à tout l’ensemble. Trois escaliers, ou rangs de degrés, conduisent à chacune des entrées latérales. Un de ces escaliers est en sace, les deux autres sont de côté, et aboutissent à un petit vestibule formé de deux pilastres d’angle carrés et isolés, et de deux colonnes, d’où l’on passe dans une petite pièce quadrangulaire.

Cette pièce vous introduit dans une espèce d’atrium ou d’avant-temple, qui a son côté antérieur borné par le péristyle de face dont on a parlé, lequel se compose de quatre colonnes également espacées, et de deux pilastres d’angle carrés et isolés, qui figurent les antes, mais détachées du mur du pronaos.

De ce pronaos, ou avant-temple, on arrive au corps principal du temple, dont le plan est un carré long, se terminant dans le fond par une grande niche, surmontée d’un fronton que supportent, de chaque côté, deux colonnes adossées au mur et posant sur un stylobate commun.

Tout l’édifice n’a guère que vingt-cinq pieds de hauteur, dont huit pour le soubassement général.

Quoiqu’en général l’ordonnance et les profils de cette architecture soient d’un bon goût, quelques détails de sa décoration autorisent à penser, que ce monument nu doit pas remonter à une époque sort ancienne. Ainsi la niche du fond du temple nous offre no cintre inscrit dans un fronton dont la base est coupée, sorte de licence qu’on ne trouve guère qu’à Spalatro et aux monumens des bas siècles. Le luxe et la variété des ornemens sculptés sur le sût des colonnes, semblent également annoncer un goût, dont on citeroit difficilement des exemples, dans les ouvrages réputés pour être ceux du meilleur temps de l’architecture. On ne peut guère s’empêcher de regarder comme l’abus d’une recherche capricieuse, les diversités décoratives de l’ordonnance corinthienne du grand péristyle. Le pilastre d’angle a ses cannelures en hauteur ; la colonne qui lui est voisine est cannelée dans toute sa longueur en spiral. Les deux colonnes du milieu ont la totalité de leur fût ornée de seuillages en écailles, comme on le voit à certaines tiges de candélabres, toutes inventions que le goût admet volontiers dans les objets, qui sont du ressort de ce qu’on appelle l’ornement, et que la gravité de l’architecture repousse ou dédaigne.

Palladio a essayé d’excuser cette recherche d’ornemens, par la petite proportion du temple. Selon lui, les Anciens ne se permirent d’aussi légers détails qu’à l’égard des petits édifices, et négligèrent ces soins minutieux dans les grands monumens. On pourroit accorder qu’il en ait été ainsi, et même par beaucoup de raisons indépendantes du goût, sans que cela prouvât que les Anciens aient eu là-dessus le moindre système, et sans qu’on doive s’en autoriser pour faire une règle, de ce qui peut-être ne fut qu’une exception.

STADE, s. m. C’est le nom d’une mesure itinéraire chez les Grecs, qui varia de longueur selon les différens pays, et dont les variétés, par les confusions résultantes du même mot, pour exprimer des mesures différentes, ont donné lieu à de nombreuses discussions étrangères à notre objet.

C’est du nom de cette mesure, qu’on appela chez les Grecs le lieu destiné aux divers exercices du corps, et aux différens genres de course, parce qu’on donna à ces sortes de lieux, de terrains, ou de monumens, la longueur déterminée par le stade itinéraire.

Nous n’avons à parler ici du stade que sous ce dernier rapport.

Il faut donc distinguer les stades du genre ainsi désigné, selon leur emploi public ou particulier.

Considéré selon ce dernier emploi, le stade étoit, à proprement parler, une partie nécessaire de l’édifice appelé Gymnase. (Voyez ce mot. ) C’en là qu’on se livroit aux divers exercices athlétiques, qui entroient plus ou moins dans les habitudes ordinaires de la vie, et dans l’éducation de la jeunesse. Ce lieu, selon la description de Vitruve, étoit disposé de manière que ceux que la curiosité ou l’oisiveté y conduisoit, pouvoient y voir commodément les combats des athlètes. L’espace, beaucoup plus long que large,


étoit arrondi par une de ses extrémités, et garni de plusieurs gradins sur lesquels on s’asseyoit.

Le stade, considéré sous le point de vue de monument, et de l’emploi beaucoup plus important, que lui donnèrent les établissemens gymnastiques de la Grèce et de Rome pour les jeux publics, étoit le lieu même où se célébroient ces jeux. C’est ainsi qu’on nommoit stade olympique l’endroit où se tenoit la célèbre réunion des villes de la Grèce pour les jeux olympiques. On appeloit à Delphes stade pythiquele lieu où se faisoient les jeux pythiques, etc.

La lice, ou la carrière appelée le stade, étoit un espace de terrain d’une étendue déterminée, selon les mesures itinéraires de chaque pays, et entouré d’une levée de terre, on espèce de terrasse, dont quelquefois la nature avoit sait d’abord les premiers frais, et que l’art saçonna depuis. Tel étoit le stade d’Olympie. On y avoit pratiqué, sans doute à une de ses extrémités, une tribune pour ceux qui présidoient à la célébration des jeux.

La longueur du stade varioit donc selon les lieux. Celui d’Olympie avoit six cents pieds. La description que Pausanias nous en a laissée, donne à connoître que ce stade étoit précédé d’une autre enceinte, destinée aux courses de chevaux, longue de quatre cents pieds, et autour de laquelle on avoit pratiqué des loges, qu’on distribuoit par la voie du sort, à ceux qui amenoient des chevaux pour concourir aux prix. La construction de cette enceinte se terminoit à l’endroit même qui étoit le point de départ des concurrens, et ce point de départ, appelé aphesis, avoit donné son nom à tout le bâtiment, qui, soit par son plan, disposé de manière a aboutir en angle (dont la base touchoit le portique d’Aguaptus), soit parce que son élévation pouvoit en affecter la forme, ressembloit (dit l’écrivain) à une proue de vaisseau.

On distinguoit trois parties dans les stades, l’entrée, le milieu de la carrière et son extrémité. L’entrée avoit plusieurs noms ; on l’appeloit apheteria, du verbe grec qui signifie laisser aller, parce que c’étoit de cet endroit que partoient les concurrens. Comme à cet endroit on marquoit l’entrée de ta carrière par une simple ligue tracée sur le terrain, dans la largeur du stade, on lui donnoit le nom degramnè (ligne). A cette ligne superficielle, qui marquoit originairement l’entrée de la carrière, on substitua dans la suite une espèce de petit gradin, auquel on donna le nom de balbis, qui devint aussi la démarcation de l’espace formant véritablement l’entrée de la lice.

Il paroît que le bâtiment appelé aphesis, ou l’hippodrome d’Olympie, fut, soit par la disposition de ses loges, soit par les détails de sa constructions, ainsi que de sa décoration, un ouvrage remarquable et digne d’admiration. Cleaetas, son auteur, en étoit si glorieux, dit Pausanias, que sur une statue qu’il avait faite à Athènes, et à laquelle il inscrivit son nom, il fit une mention spéciale de l’Aphesis d’Olympie en ces termes : Je suis l’ouvrage de Cleœtas, fils d’Aristocles, inventeur de l’Ippaphesis d’Olympie.

Il faut conclure, et des paroles de Pausanias sur la levée do terre, ou terrasse qui environnoit le stade d’Olympie, et des mentions qu’il fait ailleurs, d’autres stades dont le circuit étoit en gradins de marbre, que jamais les Eléens ne firent une semblable dépense. Il est vrai que les mots, amas de terre, ne signifient pas que cette terrasse se borna à n’être qu’une butte naturelle, ou même augmentée par art. Rien n’empêche d’y voir une terrasse dans le sens où nous entendons encore aujourd’hui ce mot, et qui auroit été soutenue par des épaulemens ou constructions en pierre.

Mais nous savons que plus d’un stade en Grèce, fut entouré dans tout son pourtour par des constructions dispendieuses. Sur l’isthme de Corinthe il y avoit, selon Pausanias, un stade construit en marbre blanc. A Delphes, dans la partie supérieure de la ville, on voyoit un stade bâti d’abord uniquement en pierres du Parnasse, et que dans la suite Hérodes Atticus fit décorer en marbre penthélique. Unstade que Pausanias cite comme un des plus magnifiques et des plus remarquables, étoit celui qu’avoit construit à Athènes Herodes Atticus ; il étoit de marbre penthélique et d’une grandeur extraordinaire.

Tous les stades dont nous entendons parler ici, sont ceux qui formoient des édifices indépendans des gymnases. On en feroit une longue énumération, seulement à ne citer que ceux dont les auteurs ont fait mention, ou dont les voyageurs ont retrouvé les restes. Ainsi Pausanias nous fait counoître celui d’Argos, dans lequel se célébroient les jeux sacrés de Jupiter Néméen et de Junon ; celui d’Epidaure, ceux de Megalopolis, de Tégée et de beaucoup d’autres villes. Chandler et Pococke nous apprennent qu’à Smyrne el à Ephèse, il y avoit un stade distinct du gymnase de ces villes. A Alabanda, Chandler a vu les ruines d’un stade qui sert aujourd’hui de marché à la ville moderne bâtie en cet endroit. A Laodicée, on a aussi trouvé les ruines d’un stade, dont le dessin existe dans les Ionian antiquities.

Le cirque fut le monument qui chez les Romains remplaça le stade des Grecs, autant pour les nsages que pour la forme ; seulement il l’emporta en grandeur et en magnificence. Voyez CIRQUE, SPINA.

STALACTITES, s. m. pl. On appelle ainsi les dépôts formés dans les fentes des grottes et des cavernes, par des eaux qui y filtrent goutte à goutte, et laissent couche par couche la terre calcaire qu’elles abandonnent. Leur réunion ressemble à ces congélations qui se forment le long et au bord des toits dans les dégels.


On se sert quelquefois des stalactites, ouvrages de la nature, pour la décoration des fontaines ou des grottes artificielles dans les jardins. A défaut des stalactites naturelles, la sculpture en fait des imitations, où l’art peut facilement défier la nature.

STALLE, s. f. Sur Donne CE nom à des sièges Dont le fond se lève et se baisse à volonté, et qu’on pratique autour du chœur d’église juin, pour l’utilisation des Prêtres.

Les stalles soi police eu bois, et chacune Version is séparée de sa voisine par Une cloison Qui arriver Jusqu’au coude, et insérez d’appui est quand le siége is relevé. Il ya de CES de les REMARQUABLES par la perfection de Leur menuiserie, et Par les sculptures Dont Elle Est Quelquefois ornée.

STATUE, s. f. A l’article SCULPTURE (voyez ce terme), nous avons dit quelque chose des emplois divers, auxquels l’architecture applique les statues dans les édifices. N’ayant encore ici à considérer lesstatues, que sous les rapports qui sont communs à l’architecture, et comme partie de la décoration des monumens, nous serons d’autant plus obligés de resserrer les notions relatives au mot de cet article, que si nous sortions du cadre qu’il nous prescrit, nous devrions entrer dans un sujet immense.

Bornons-nous donc à dire, sous quels rapports les statues entrent dans le domaine de l’architecture.

Les trois points de vue principaux sous lesquels l’architecte a besoin de considérer les statues qu’il admet dans ses compositions, sont celui de la décoration, celui de la proportion, celui du style.

J’aurois pu dire qu’avant tout les statues ont, avec la destination de chaque édifice, un rapport de convenance et de signification, qui fait le principal mérite de leur emploi pour l’esprit. Mais quoique ce rapport soit des plus importans, il m’a semblé que ce point de vue purement moral, pouvoit paroître un peu en dehors des théories pratiques de l’art.

Supposant donc, comme un point incontestable, que les statues doivent, par leur sujet, correspondre à ce qui est l’objet même, ou la destination des monumens, l’architecte doit les considérer comme un de ses principaux moyens de décoration.

Il en sera à cet égard des statues, comme de tous les autres objets décoratifs qui entrent dans l’ensemble d’un édifice. A part ce que ces objets peuvent avoir d’instructif el de significatif pour l’intelligence le goût les considère et doit les employer, d’après les principes de celle harmonie visuelle, qui a pour objet unique de plaire aux yeux. On sait que chaque mode d ordonnance a sa mesure d’ornement, prescrite par la différence des sensations analogues à son caractère. Or cette mesure dépend autant de la quantité que de la qualité, et nous ne répéterons pas ici ce qui a été dit à tant d’articles de ce Dictionnaire, savoir, que l’ornement, considéré en général, comme la monnoie, devient vil s’il est trop multiplié, que son effet et sa valeur dépendent des contrastes qu’on y oppose, et que ces oppositions sont les parties lisses qui reposent la vue, les espaces qui interrompent et détachent les objets ; enfin, qu’en ce genre comme en tout autre, le plaisir demande aussi ses privations.

Les statues, envisagées comme ornement de l’architecture, recevront les mêmes lois de goût dans l’emploi qu’on en fera. En placer partout et sans motif, les multiplier indéfiniment, en faire une sorte de lieu commun, pour remplir des intervalles, pour meubler des espaces inutiles, c’est leur ôter toute valeur.

Je n’ignore pas ce qu’il est possible de dire en faveur de la profusion des statues, surtout si l’on entend se prévaloir de ce que les récits des historiens, et plus d’une description, nous apprennent sur la prodigalité qui eut lieu chez les Anciens à cet égard.

Mais d’abord il faut prendre en considération les mœurs des peuples qu’on prétend imiter, les usages civils et religieux, qui, sans tenir compte des règles du goût, dûrent faire la loi dans une multitude de cas. L’usage des statues fut infini chez les Grecs. S’il eut fallu ménager à chaque simulacre une place, un point de vue, une convenance d’optique ou de disposition, des villes qui comptoient plus de statues que de citoyens n’auroient pu suffire à loger leurs habitans. Il dut arriver (ce que nous apercevons dans les notions que l’histoire nous permet de consulter) qu’une multitude de réunions de statues, comme dans l’Altis d’Olympie, se trouvèrent placées sans aucun égard à aucune disposition symétrique, ni quant à leur mesure ni quant à leur rapport, avec celles qui les avoisinoient, ni enfin selon aucun plan préalablement établi. Aucune conséquence à tirer de là pour l’emploi de statues, lorsqu’elles n’ont rien d’obligé, quant au nombre, quant à la mesure, ni quant à la place, c’est-à-dire s’il s’agit d’un monument fait exprès, et où l’œuvre du statuaire entre, et doit entrer aux mêmes conditions que celui du sculpteur d’ornement.

Que voyons-nous également à Rome, dès que l’esprit d’imitation et de conquête eut importé par milliers les ouvrages du ciseau grec ? Tout fut plein de statues ; et comme elles devinrent des espèces de trophées do victoire, c’étoit dans le but de flatter la vanité, et non de plaire au goût qu’on les prodigua comme objets d’ostentation dans certains monumens publics. Croirons-nous, par exemple, que le bon goût ait présidé à la décoration de ces théâtres (voyez SCÈNE) où nous lisons qu’on entassa une fois jusqu’à trois mille statues ?

Si nous avons à chercher quelques exemples instructifs chez les Anciens, d’un emploi décoratif de statues bien entendu dans l’architecture, il nous semble que nous les trouverons en consultant, et certains restes, et certaines descriptions de leurs temples.

Ainsi nous y voyons les statues employées à décorer, tantôt les sommités et les acrotères des frontons de leurs péristyles, tantôt les dessous des portiques et les espaces des entre-colonnemens. D’autres temples nous font encore voir leur intérieur orné de niches qui furent remplies de statues. La divinité principale du temple y occupoit la place principale, soit au fond, soit au milieu du naos.

C’est dans de pareils emplois qu’il faut considérer les statues, comme objets d’ornemens pour l’architecture, et c’est là seulement qu’on peut appliquer à cet emploi les règles de goût, qui en peuvent limiter le nombre et prescrire la proportion.

Lorsque l’architecte peut disposer de l’emploi des statues, dans leur rapport avec le bon effet qui doit en revenir à l’édifice, après la considération de leur nombre et de leur disposition, il s’occupera d’en régler les dimensions relatives a celles de son monument. Nul doute que dans hypothèse où nous plaçons l’architecte, comme libre ordonnateur du tout et de ses parties, il ne soit tenu d’établir un rapport de proportion entre l’ornement et l’objet à orner.

Vainement objecteroit-on ici les nombreux et imposans exemples de l’antiquité grecque, et l’usage de placer des divinités colossales dans des intérieurs de temple d’une modique étendue. Nous avons déjà parlé de cette pratique (voyez COLOSSAL), et nous avons montré à l’égard du Jupiter d’Olympie (que son temple n’auroit pu contenir debout), qu’une grande et belle idée avoit pu suggérer cette ingénieuse disproportion. Mais il faut croire que ce fut habituellement par système, et non comme exception, qu’on faisoit dans une stature ainsi colossale les simulacres des divinités, et sans aucun rapport de proportion avec le local qu’elles occupaient. L’on vouloit frapper ainsi les sens de la multitude, et exprimer d’une façon matérielle, l’idée de la supériorité des Dieux sur les hommes. Le colossal n’étoit pas relatif, mais réellement positif dans ces statues.

On ne sauroit donc se prévaloir de ces exemples dans une théorie dégoût, qui cherche à établir des règles générales, et applicables à l’emploi décoratif des statues, uniquement sous le rapport d’harmonie.

Il est sensible qu’il y aura un certain rapport naturel de mesure à observer, par exemple, entre les colonnes d’une colonnade, et les statues qu’on placera dans les entre-colonnemens. Des statues qui ne seroient que de grandeur naturelle, deviendroient ridicules à côté de colonnes de cinquante pieds de hauteur. Même ridicule, mais disproportion peut-être plus choquante encore, entre desstatues colossales et de petites colonnes. Sans vouloir pousser trop loin ici une comparaison, dont l’idée exagérée cesseroit d’être de la raison, on pourroit dire que les statues qui accompagnent l’architecture, qui entrent dans les espaces, et qui occupent l’intérieur d’un édifice, peuvent se considérer comme étant ses habitans, et dès-lors établissent entr’eux et leur demeure une certaine corrélation nécessaire de dimension.

Mais quelles seront les règles fixes de ce genre de rapports ? Nous dirons à cet égard, comme pour les proportions mêmes de l’architecture, qu’il n’y a rien que l’on puisse déterminer par la rigueur mathématique. Les arts de goût, de génie et d’invention ne sont tels, que parce qu’on ne sauroit y rien soumettre à la démonstration du calcul. Comme le génie et le goût ne sauroient se définir qu’au sentiment, et par le sentiment, il en est de même de ce qu’on appelle leurs règles. Le génie les trouve et les fait ; le goût en jouit ; le sentiment les explique. Et quoique ces sortes de vérités ne se puissent pas démontrer, et quoique la froide raison puisse les méconnaître et les nier, elles n’en sont pas moins de tous les temps, et n’en restent pas moins applicables à tous les ouvrages.

Nous avons dit que les statues a voient encore avec l’architecture, un rapport d’harmonie important à observer, c’est celui du style de leur sculpture.

Il a été déjà fait quelques observations sur cet objet au mot SCULPTURE. On peut dire que cet accord de style entre les deux arts, est un effet naturel du cours ordinaire des choses, dans la direction que suivent assez simultanément tous les arts du dessin. Il y a effectivement entr’eux une telle communauté de manière, que naturellement le même courant d’opinion et de goût, porte les artistes contemporains à donner, chacun dans leur art, la même physionomie à leurs productions. J’entends par-la une certaine expression sensible aux yeux, comme à l’esprit, de quelques qualités générales, résultat assez nécessaire, soit de la direction des écoles, soit de la pente des esprits, et du penchant qui les porte à vouloir du nouveau.

Pour celui qui sait lire dans les ouvrages de chaque siècle les effets de ces causes, il est évident que le goût de la sculpture s’est toujours trouvé le même, que celui de l’architecture dont elle fut appelée à décorer les édifices. Chez les Anciens, timide et peu développée dans les monumens du premier âge, simple mais grandiose au siècle de l’entier développement de l’art de bâtir, lourde et négligée à l’époque de la décadence, elle suivit toutes les phases que le génie de l’architecture fut tenu de parcourir. Si nous


examinons de même le cours de cet art depuis la renaissance, nous verrons que la sculpture, d’abord maigre et roide, ensuite riche et abondante, enfin licencieuse et désordonnée, a marqué aussi du même sceau, en Italie, le goût des trois époques les plus distinctes de l’architecture. Aussi faut-il dire qu’il y a eu accord parfait de style entre les deux arts à chacune de ces époques.

Concluroit-on de là que l’architecte doit toujours compter sur cette coïncidence naturelle de manière entr’eux, certain que le style de son édifice rencontrera toujours une correspondance obligée dans le style des autres arts ? Ce seroit tirer, de données très-générales, une application beaucoup trop rigoureuse. Ce qu’on vient de dire ne sert qu’à montrer, quelle est l’intention de la nature, et par conséquent quelle doit être l’attention de l’artiste, dans le choix des moyens particuliers dont il peut user, pour faire de son œuvre un tout complet et parfait sous le rapport de l’harmonie du style.

Le style est dans les arts du dessin, comme dans ceux du discours, ce qu’est le caractère de physionomie de chaque homme, ce qui le différencie des autres par des traits légers, si l’on veut, mais qui n’en sont pas moins capables d’y établir de notables dissemblances. Ces grands traits, que nous venons de faire remarquer dans tes grandes époques de l’art, sont en quelque sorte, comme ceux qui séparent les races, les genres, les espèces ; ce qui n’empêche pas qu’il n’y ait entre les individus d’innombrables variétés. Il en est de même de chaque artiste, son talent participe, si l’on veut, du style ou de la physionomie de son époque. Mais il n’en a pas moins son style à lui, sa physionomie en propre, et la propriété de correspondre au style de tel architecte, à la physionomie de tel ou tel monument.

C’est donc sous ce point de vue, qu’il importe à l’architecte de comprendre ce que, dans l’emploi qu’il fera des statues, comme ornemens de ses édifices, il y aura d’accord ou de désaccord entre des figures simples ou composées, sages ou maniérées, finies ou peu achevées, et le genre de ses ordonnances, l’effet de ses masses, l’exécution de leurs détails. Voyez, du reste, sur cet objet l’article SCULPTURE.

On a donné aux statues qui entrent dans la décoration des édifices, des places, des jardins, un assez grand nombre de noms relatifs, soit à leurs positions, soit à leurs destinations, soit a leurs sujets. Nous n’en citerons ici que les plus usités.

Ainsi l’on dit :

STATUE ALLÉGORIQUE. C’est celle dont l’objet est d’exprimer la personnification de quelque qualité abstraite, comme la prudence, la force, la justice, ou des effets de la nature et de ses œuvres, comme les saisons, les parties du jour, les élémens ; ou des nations, des royaumes, des villes, des provinces qu’on représente avec les symboles de leurs productions ou de leurs propriétés, etc.

STATUE COLOSSALE. Statue qui excède la mesure ordinaire des corps. Toute figure au-dessus de six pieds passe pour colossale ; mais il y a de nombreux degrés en ce genre. Les Anciens ont fait des statuesqui ont eu plus de cent pieds d’élévation, Il faut distinguer les figures colossales du genre relatif d’avec celles d’un colossal absolu. On fait les premières pour satisfaire à la distance qui doit les séparer de la vue, mais dans l’intention qu’elles ne paraissent pas aussi grandes qu’elles sont. Les statues du genre colossal absolu, sont celles que l’on fait pour qu’elles paroissent réellement des colosses. Voyezl’article ci-dessus et les mot COLOSSE, COLOSSAL.

STATUE CURULE. Statue ordinairement assise chez les Romains, qui la nommèrent ainsi de la chaise ou du siège qu’on appeloit sella curulis. Quelques-uns veulent que l’étymologie de l’adjectif curulis soit le substantif currus, char, et ils pensent que statua curulis doit s’entendre des statues ou des figures représentées dans des biges ou des quadriges, sortes de monumens qui surent très-multipliés chez les Anciens, surtout chez les Romains. Les commentateurs sont divisés, et sur l’étymologie du mot, et sur l’idée précise de son emploi, relativement aux figures que ce mot désigne. Ne seroit-il pas possible d’accorder les deux opinions, en considérant que la statue appelée curule, qui doit désigner une statue, assise, du nom de sella curulis, peut encore avoir désigné la même position, selon l’autre étymologie, puisqu’il y avoit des chars où l’on étoit assis, et où la sculpture représenta ainsi les personnages auxquels on élevoit de semblables monumens ?

STATUE ÉQUESTRE. On appelle ainsi l’ouvrage de sculpture, dans lequel le personnage est représenté à cheval. Les statues de ce genre, ordinairement en bronze, surent très-nombreuses dans l’antiquité ; mais elles ont presque toutes péri par l’effet des révolutions. Une seule, celle de Marc-Aurèle, qu’on voit aujourd’hui au Capitole, a échappé à la destruction. Deux statues équestres d’une beaucoup plus petite proportion, celles des Balbus, père et fils, et qui sont en marbre, ont été tirées des ruines d’Herculanum. On ne pourroit citer de tant d’autres que des fragmens.

Le goût des statues équestres en bronze s’est reproduit, chez les Modernes, avec le renouvellement des arts. Les plus anciennes sont celles qui furent élevées en Italie dans les villes de Venise, de Padoue, de Florence. Les plus considérables furent celles que la France érigea en l’honneur de ses rois, tant à Paris que dans plus d’une grande ville. Détruites toutes par le fanatisme


révolutionnaire, elles se relèvent à l’envi. Paris en compte déjà deux de terminées, celle de Henri IV et celle de Louis XIV. Une autre de ce dernier roi vient d’être placée à Lyon. D’autres sont encore sous la main des artistes.

Il existe de grandes statues équestres en bronze à Copenhague, à Saint-Pétersbourg, à Vienne, et Londres en compte quelques-unes beaucoup moins importantes.

STATUE GRECQUE OU A LA GRECQUE. Il faut entendre par-là, non toute statue faite en Grèce, mais ce que les Romains désignoient ainsi, et ce qu’on peut désigner encore, pour distinguer ces ouvrages, de ce qu’en terme d’art on appellera statue romaine. Voyez plus bas.

Les Romains appeloient donc figure à la grecque toute figure de personnages romains, qui, au lieu d’être habillés, étoient, selon l’usage des Grecs, représentés nus, usage que les jeux du stade avoient accrédité. Ils nommoient aussi ces figures Achilléennes, du nom d’Achille, qu’on faisoit nu la lance en main, car les Grecs représentoient aussi les guerriers sans vêtement. De là le mot de Pline : Greca res est nihil velare.

STATUE HYDRAULIQUE. Nom qu’on donne à toute figure qui sert d’ornement à une fontaine, à une grotte, à un bassin, et qui y fait l’office de jeu d’eau ou de robinet, par quelqu’une de ses parties, ou par quelqu’atrribut qu’elle tient.

C’étoit une statue hydraulique que cette jolie figure antique d’un Amour avec une oie, dont le bec recevoit, comme on le voit encore aujourd’hui, un conduit de métal par lequel l’eau sembloit s’échapper de l’animal lui-même.

C’est une statue hydraulique que celle du Triton de la fontaine Barberine à Rome, qui souffle dans une conque, d’où l’eau sort en jeu d’eau.

On citeroit dans les ouvrages hydrauliques modernes, dans les cascades des jardins, et surtout à Versailles, une multitude de figures d’hommes ou d’animaux, qui recèlent les conduits de métal d’où sortent, sous toutes sortes de jets, de bouillons et de formes diverses, les eaux que l’art y a conduites.

STATUE PÉDESTRE. C’est une statue représentée en pied. Cependant cette définition seroit trop générale, et elle s’appliqueroit à trop de sujets, tant est commun l’usage de faire ainsi le plus grand nombre des statues.

Le nom de statue pédestre s’applique donc particulièrement à ces statues honorifiques et monumentales, qu’on élève à d’illustres personnages, et on leur donne volontiers cette dénomination, pour les distinguer, non des statues curules ou assises, mais des statues équestres. Ainsi, parmi les statues des rois de France que la révolution a détruites, il en existoit de pédestres, en bronze, dans plus d’une ville. Telle étoit, dans la ville de Reims, la statue pédestre de Louis XV, qui depuis peu vient d’être refaite en bronze, cl replacée sur sa même base. Telle est, dans la cour de l’hôtel-de-ville de Paris, la statue en bronze de Louis XIV, faite par Coisevox.

STATUE PERSIQUE. On a donné quelquefois ce nom à des figuras d’hommes, faisant dans l’architecture fonction de colonnes. Cette dénomination leur vint du récit de Vitruve, qui décrit un portique de Sparte, lequel avoit, en place de colonnes, des statues représentant des Perses, monument de la victoire remportée sur l’armée de Xerxès. Cette étymologie fait pendant, chez cet auteur, à celles desstatues féminines appelées caryatides, du nom des femmes de Carie. Sans contester ici, que ces deux explications purent être autrefois accréditées, par l’opinion régnante au temps de Vitruve, on peut croire que l’emploi de statues, soit viriles, soit féminines, en place de colonnes, peut, ou avoir précédé l’époque historique que Vitruve leur assigne, on avoir été tout-à-fait indépendant des faits auxquels il prétend en attribuer l’origine. Les figures colossales en forme d’Atlantes ou de Télamons, qui formoient comme l’ordre supérieur de la nef du temple de Jupiter Olympien à Agrigente, étoient alternativement viriles et féminines. Voyez TÉLAMON, CARYATIDE, PERSIQUE.

STATUE ROMAINE OU A LA ROMAINE. On appelle ainsi, pour les distinguer des statues grecques ou à la grecque (voyez plus haut), les statues, soit qu’elles soient réellement antiques, soit que l’art des Modernes les ait habillées dans le costume romain.

Les Romains distinguoient les statues de ceux de leurs compatriotes auxquels ils eu élevoient, suivant la diversité des vêtemens qu’on leur donnoit.

On appelait paludatœ les statues des empereurs, avec un loug manteau par-dessus leur cuirasse. On donnoit le nom de thoracatœ aux statues militaires, seulement avec la cotte d’armes. Les statues des simples soldats s’ appeloient loricatœ. Quant aux statues de personnages représentés sous le costume civil, on appeloit trabeatœ celles des sénateurs, des augures ; togatœ celles des personnes revêtues de la toge, et tunicatœ celles de ceux qui n’avoient que le vêtement de dessous, c’est-á-dire la tunique, La stola étoit l’habillement que les femmes portoient par-dessus la tunique, et les statues vêtues de la stola étoient nommées stolatœ.

STÈLE, s. f. Ce mot est grec et signifia (ce qu’ou lui fait signifier encore aujourd’hui, dans la langue de l’archéologie) une colonne, un cippe, un terme, pent-être même un obélisque,


c’est-à-dire toute espèce de monument en pierre, d’une forme plus ou moins alongée, circulaire ou quadrangulaire, se terminant peut-être sonvent en pointe, et sur lesquels on gravoit des inscriptions, des symboles, etc.

Une inscription grecque, trouvée depuis peu d’années en Egypte, sur un socle qui avoit appartenu à un obélisque transporté à Londres, fait mention de la conservation d’une stèle élevée en mémoire d’un bienfait obtenu par les auteurs de ce monument. On a conclu de là que le mot stèle avoit pu convenir et être donné aux pierres obéliscales.

Il paroît que, dans les plus anciens temps, les stèles étoient comme des espèces de fastes historiques, où l’on gravoit les événemens mémorables.

Si l’on consulte l’étymologie du mot, qui est ςαω, ancien verbe qui a fourni le futur ςησω au verbe ιςημι, et qui signifie être debout, ériger, etc. , stèle auroit simplement exprimé en grec l’idée de pierre debout. Or, comme dans toute l’antiquité on trouve l’usage de graver sur des pierres debout, n’importe de quelle forme et dans quelle dimension, les lois, les actes publics, et une multitude d’autres notions, il nous paroît que ce mot peut très-bien avoir renfermé, dans la manière de parler des Grecs, jusqu’aux obélisques égyptiens, qui n’étoient rien autre chose que d’énormes pierres debout, chargées d’inscriptions en caractères hiéroglyphiques.

STÉRÉOBATE. Ce mot est grec, et se compose de deux mots qui signifient, l’un solide, et l’autre, porter. Vitruve a latinisé ce mot, et s’en sert en le confondant même avec le mot stylobate.

Stéréobate se dit aussi dans le langage technique de l’architecture en français, mais on emploie beaucoup plus ordinairement le mot soubassement. Voyez ce terme.

Stéréobate exprime donc l’idée générale de soubassement. Quoique Vitruve s’en soit servi comme d’un synonyme de stylobate, Gagliani a fait observer que le mot stéréobate doit particulièrement signifier, dans les soubassemens de colonnades des temples, ce petit mur sur lequel s’élèvent les colonnes, avec cette distinction, qu’il doit être lisse et sans profils, tandis que le mot stylobate est réservé à signifier ces sortes de soubassemens, qui sont ornés de bases et de corniches. D’après cette théorie, le premier répondroit à ce qu’on appelle socle, et le second à ce qu’où appelle piédestal.

STÉRÉOTOMIE, s. f. Mot pris du grec, et Qui signifié Aujourd’hui, that la composition des Deux LUN. solide et coupé exprimoit jadis, savoir, coupé des solides. Voy. COUPE DES PIERRES.

STRATONICÉE. Ville de l’Asie mineure, dans la Carie, où il s’est conservé un assez bon nombre de restes d’antiquités.

Quoique cette ville, comme son nom l’indique, remonte à un âge assez reculé, puisqu’elle reçut ce nom de Stratonice, femme d’Antiochus Soter, il paroît qu’elle fut rebâtie en grande partie par Adrien. On croit en effet, dit M. de Choiseul-Gouffier, retrouver dans ses ruines l’empreinte d’un goût postérieur à l’ère des Seleucides, et peu digne de cette époque glorieuse pour les arts.

Stratonicée avoit été célèbre par deux grands temples, celui d’Hécate et celui de Jupiter Chrysacoreus, où se réunissoient les habitans des villes de la Carie. On n’y en reconnoît plus aujourd’hui le moindre vestige, mais on y trouve ceux de plusieurs autres monumens.

Tel est le mur d’une enceinte carrée, un peu plus longue que large, formé par une muraille de marbre blanc. Les faces extérieures de ce monument sont décorées d’une base et d’une corniche de sort bon goût. Au-dessous de celle-ci sont des ornemens circulaires en forme de patères ou de boucliers. Les deux degrés qui s’élèvent au-dessus de la corniche, et qui indiquent des retraites de pierres en forme pyramidale, firent soupçonner que le monument avoit été du genre sépulchral. Cette conjecture se trouva confirmée par une longue inscription grecque, en tête de laquelle on lit : Monument de Philecus.

Parmi les ruines de Stratonicée, on remarque les restes d’une muraille qui paroît avoir formé l’enceinte d’une cour, dont l’intérieur étoit décoré par des colonnes corinthiennes. Elles sont trop espacées pour que les architraves pussent porter de l’une à l’autre. Leur fût est entièrement lisse ; leur hauteur a neuf diamètres, et le diamètre est de quatre à cinq pieds. Le plan du chapiteau est elliptique. Il diffère du corinthien ordinaire par la grandeur des volutes, par l’ordonnance, la forme et la division des feuilles, qui sont celles de l’olivier.

Le voyageur à qui nous empruntons ces détails, fait mention, au milieu des débris de cette ville, des restes encore fort remarquables d’un théâtre en marbre, dont le plan, dit-il, ne diffère de celui de Telmissus que par quelques détails. Il y a remarqué que les accoudoirs qui terminent les gradins, au bord des escaliers, sont ornés de pattes d’aigles d’une belle exécution. La décoration de la scène étoit ornée de colonnes et de statues, dont on voit encore les débris à la place qu’elle occupoit. Il y a des tambours de colonnes ovales.

Au milieu d’une très-grande quantité de décombres, une porte encore entière attire l’attention. Les profils de son couronnement offrent plus d’une particularité. Premièrement, la corniche sculptée au-dessus du linteau du chambranle pose immédiatement dessus, sans frise ni architrave. Secondement, au lieu de profiler dans son retour


de chaque côté, elle est coupée perpendiculairement.

On voit à Stratonicée, entre quelques fragmens de sculpture, un autel circulaire avec des têtes de taureau et des guirlandes. Sur cet autel on découvre une inscription fort endommagée. Un débris d’entablement a conservé sur sa frise un bas-relief représentant une course de chars. Extrait du Voyage pittoresque de la Grèce, par M. de Choiseul-Gouffier.

STRIURE, s. f. Ce est, Arboisien colonne cannelée, each with cannelure fils listel. Voyez Cannelure.

STRUCTURE, s. f. Ce mot, forme du latin structura, est, Quoique Pris ordinairement Dans acception juin, plus noble, non synonyme du mot bâtisse. Il Exprime La Manière Dont non édifice Construit is. Il Différé de la construction, en sens CE, Qué CE dernier mot s’applique généralement, Soit à this partie de l’architecture Qui Comprend tout Ce qu’il ya DANS CET art de matériel, de mécanique, de scientifique, Soit à la qualité Ou des Matériaux de Leur emploi Dans bâtiment des Nations Unies ; la structure, bien au contraire, terme, plus relevé, et si l’On Peut dire du langage poétique en genre CE, embrasse les Rapports Exterieurs de l’art Qui se manifestent aux yeux par la hardiesse des masses, la beauté des formes, les proportions des ordonnances, et l’habileté de l’exécution apparente.

STUC, s. m. De l’italien stucco, qui signifie matière propre à boucher, enduit, etc.

On appelle ainsi une composition, ou une espèce de mortier fait avec de la poudre de marbre et de la chaux, dont on se sert, dans l’architecture, pour faire des enduits ou revêtemens, des ornemens, et toutes sortes de figures en bas-relief.

Il nous est resté, dans un grand nombre de ruines d’édifices anciens, des ouvrages de stuc, dont la conservation prouve quelle peut en être la durée. La construction des Romains fut surtout favorable à l’emploi du stuc. Soit qu’ils usassent de cette sorte de maçonnerie, ou de simples pierrailles et d’autres petits matériaux, étoient rendus adhérens entr’eux par le mortier liquide de chaux et de pouzzolane ; soit qu’ils usassent de la brique, de l’opus incertum ou du reticulatum, dont les joints se remplissoient de même mortier, ils couvroient ces bâtisses d’enduits de stuc qui s’y attachoient avec une grande ténacité. Sur ces enduits communs, ils étendoient une nouvelle couche d’un stuc beaucoup plus fin, qui pouvoit recevoir un beau poli. Cet enduit de stuc recevoit, ou de la peinture ou des figures faites en bas-relief de la même composition, mais encore plus soignée. C’est de ce genre de stuc que doit parler Vitruve sous les mots albarium opus ou opus coronarium.

Cette matière servoit à faire les corniches, les profils, et tous les détails de l’architecture. C’est le même procédé qui fut retrouvé au temps de Raphaël, pour la décoration des toges du Vatican, et dont les modèles furent fournis particulièrement par les Thermes de Titus.

Le stuc, tel qu’on l’emploie encore aujourd’hui à Rome, se compose, ainsi qu’on l’a dit, d’un mélange de chaux et de poussière de marbre, dans des proportions variées, selon l’emploi qu’on en veut faire. Immédiatement après que ce mélange a été opéré, il forme une pâte plus ou moins molle et ductile, et qu’on applique très-facilement et à loisir aux endroits où l’on veut s’en servir. C’est là un de ses avantages sur le plâtre, qui ne garde que très-peu de temps sa ductilité. Lorsque le stuc a pris un peu de consistance, on lui donne, soit avec des moules, soit à l’aide de divers instrumens, la forme générale de l’objet qu’on veut représenter. Pendant cette opération, sa consistance augmente encore. On peut alors le tailler, le façonner, le gratter, et il se prête en cet état, comme une argile encore flexible, au travail du stucateur. Il durcit enfin peu à peu et il acquiert une solidité que le plâtre ne sauroit avoir, et qui l’emporte sur celle de beaucoup de pierres. Ajoutons qu’il n’est point sujet à se fendiller comme le plâtre, qu’il reçoit autant de fini qu’on peut en desirer, et qu’il conserve inaltérables les couleurs qu’on lui donne.

Le stuc en revêtemens lisses, lorsqu’il est préparé avec soin, et dans une saison qui lui permet de durcir avant d’être exposé aux intempéries de la pluie ou du froid, acquiert même à l’extérieur des édifices, une très-grande solidité.

Les ornemens en stuc ont l’avantage d’être beaucoup plus économiques, que ne le sont les mêmes objets sculptés en pierre ou en bois. Cette économie pour les ornemens qui se ré pètent, comme sont, par exemple, les rosaces dans les caissons des voûtes, tient à ce qu’ils peuvent être jetés en moule, et qu’ils n’ont plus besoin que d’un léger réparage. Bramante fut le premier à employer cette uréthode dans la décoration des voûtes qu’il a voit commencées à Saint-Pierre. Voyez l’article LAZARI dit BRAMANTE.

On fait en France des stucs qui sont une composition de poussière de marbre et de gypse, où l’on introduit des couleurs, et à laquelle on donne un poli qui la fait ressembler entièrement aux marbres pour le brillant. Ces sortes de revètemens se conservent assez long-temps dans les endroits secs, mais l’humidité leur fait perdre facilement l’éclat qu’ils avoient reçu.

L’usage a donné le nom de stucs, non pas seulement aux enduits et à leur matière, mais encore aux ouvrages de sculpture et d’ornement qu’on exécute avec cette composition. Ainsi s’appellent les figures qui font partie dos ornemens arabesques des loges du Vatican, et qu’on connoît sous le


nom de stucs de Raphaël. Cet art a acquis, dans l’école de ce grand peintre, toute la perfection que les Anciens lui avoient donnée, tant pour la composition de la matière, que pour le goût et l’heureux emploi qu’on en fit. Ainsi Jules Romain le transporta à Mantoue (voyez l’article PIPPI), où il exécuta en stuc la célèbre frise dont nous avons parlé à son article, ainsi qu’une multitude d’autres objets de décor intérieur.

STYLE, s. m. L’étymologie de ce mot dont on use en français, dans un sens fort détourné de sa primitive acception, est le mot stylus latin, ou le mot grec σιυλος. L’un et l’antre, dans chacune de ces deux langues, signifia tantôt un corps circulaire comme une colonne, tantôt un poinçon rond comme un crayon, aigu d’un côté, avec une tête aplatie de l’autre, dont on se servoit pour écrire sur des feuilles préparées avec un enduit quelconque de cire. Le côté aigu servoit à tracer les caractères sur cet enduit, et le côté plat servoit à effacer. Le style, comme on le voit, et comme nous le montre plus d’un monument figuré, dans les peintures d’Herculanum, tencit, en certains cas, lieu de plume ou de crayon, mais il pouvoit être aussi quelquefois une arme assez meurtrière, et l’histoire ancienne rapporte plus d’un exemple de l’emploi ou de l’abus qu’on avoit fait du stylus, soit pour se défendre en cas d’attaque, soit pour se suicider. Or, ce dangereux emploi se trouve encore confirmé par le nom de stylet, donné à une sorte de poignard, qui fut plus ou moins connu dans les temps modernes.

Pour arriver du suite à l’origine certaine de l’idée qui fut jadis, et est encore plus particulièrement aujourd’hui attachée au mot style, soit dans la littérature, soit dans les arts du dessin, il est facile de voir, et ceci n’a certainement pas besoin de longues preuves, que la notion morale de ce mot fut, comme beaucoup d’autres, une dérivation nécessaire de sa notion matérielle. Ou appliqua par métonymie â l’opération de l’esprit, dans l’art d’exprimer ses pensées avec les signes de l’écriture, l’idée de l’opération mécanique de la main, ou de l’instrument qui trace ces signes. L’homme est en effet toujours obligé, pour rendre sensibles les notions de l’intelligence, d’en emprunter les expressions aux sans et aux images de la matière. Le même mot style signifia donc ce qu’il y a de moins matériel, c’est-à-dire, et la conception des idées, et l’ait de les développer dans un ordre quelconque, comme il signifia ce qu’il y a de moins spirituel, c’est à-dire, l’outil, qui, docile à la main, donnoit, par le moyen des signes graphiques, de la couleur et du corps aux pensées.

Pareille transposition a encore lieu dans notre langue (et je crois dans toute langue), à l’égard d’autres notions et d’autres instrumens. Ainsi disons-nous (sans sortir du sujet de cet article), non-seulement de l’écrivain calligraphe, mais de l’écrivain homme de génie, qu’ils ont une belle plume, une plume hardie, brillante, habile. Le mot mêmeécrivain appliqué à ces deux hommes, nous sait voir comment, tout naturellement, l’instrument aigu employé à tracer des lettres, donna son nom au talent de rendre ses pensées, par le secours des mots et de leurs signes.

Le mot style fut donc, et a toujours continué d’être appliqué à ce talent, dans la littérature C’est aux ouvrages et aux dictionnaires qui traitent du cette partie étendue du domaine de l’esprit, que nous devrions nous contenter maintenant de renvoyer le lecteur, qui desireroit se rendre compte de toutes les variétés de cette notion, et par conséquent de l’emprunt qui en a été fait dans la théorie des arts du dessin.

Cependant il importe, pour qu’on puisse bien juger du lien qui unit les arts graphiques à ceux du discours, du faire remarquer, que ce qu’on appelle style, en littérature, se considère sous deux rapports principaux.

Selon le premier, on entend particulièrement la forme que l’écrivain donne à l’ensemble de ses pensées, selon la nature du sujet qu’il traite, des effets qu’il veut produite, et de l’accord de ce moyen, avec le but auquel il doit tendre. Il n’y a pas de traité d’éloquence ou de rhétorique, qui n’ait énuméré, et fait connoître par les épithètes qui les désignent, toutes les sortes de styles en rapport avec tous les genres d’ouvrage prosaïques, poétiques, historiques, philosophiques, didactiques, etc. , ou avec les différens dons de la raison, de l’imagination, de l’esprit, du sentiment, du goût, et de toutes les autres qualités de chaque écrivain.

Selon le second point de vue, le mot style désigne, dans une acception beaucoup plus généralisée, cette forme typique et caractéristique, que des causes très-générales impriment aux productions de l’esprit, selon les différences des climats, des impressions physiques, des habitudes, des mœurs, de l’action des gouvernemens et des institutions politiques ou morales.

Dans ce dernier sens, style, appliqué à l’idée qu’on prend de la forme que chacun donne à l’expression de ses pensées, selon la propriété de ses facultés particulières, selon la nature des sujets qu’il traite, selon la diversité des genres auxquels se rapportent ses productions, selon l’influence des causes physiques, politiques ou morales, dans les diverses contrées, style, disons-nous, devient synonyme decaractère, ou de la manière propre, de la physionomie distinctive qui appartiennent à chaque ouvrage, à chaque auteur, à chaque genre, à chaque école, à chaque pays, à chaque siècle, etc.

Mais on voit combien il fut naturel, que cette acception du mot style, affectée aux œuvres littéraires, ou à l’art d’exprimer, par le discours, les idées ou les images des choses, entrât aussi dans le vocabulaire des arts du dessin. Ces arts doivent, en effet, être considérés comme un langage, et comme une manière d’écrire, qui emploie à la vérité les corps et la matière, mais particulièrement, pour exprimer, sous les formes sensibles, des rapports intellectuels, des affections morales, et produire, par d’autres agens, des effets qui sont également du ressort de l’imagination, de l’esprit et du goût.

Sans aucun doute, c’est de la littérature, que l’emploi moral du mot style aura passé dans la langue théorique des beaux-arts. Il seroit très-sacile, si un semblable parallèle ne devoit point trop alonger cet article, et en pure perte, de passer en revue toutes les nuances de goût qui ont fourni à la critique littéraire, cette foule d’épithètes, par les quelles se distinguent tous les genres de style. Nous serious voir que les désignations de style sublime, pompeux, énergique, brillant, modéré, tempéré, agréable, léger, prosaïque, poétique, historique, clair, confus, régulier, désordonné, noble, vulgaire, naturel, factice, etc. etc. , s’appliquent avec la même précision aux arts du dessin, se fondent sur les mêmes principes, s’appuient des mêmes exemples, et rencontrent, chez tous les hommes instruits, le même accord de vues, d’opinions et de sentimens.

Aipsi, dans la critique de ces arts, le mot style s’emploie de la même manière, et dans la même mesure, pour apprécier les différentes façons de voir, de comprendre, et de sentir les objets de la nature, soumis à l’imitation de l’artiste, pour déterminer les divers genres de forme, de composition, de proportion et d’harmonie qui doivent se trouver en rapport avec les diverses sortes des sujets tributaires de chaque art, selon le degré que chaque sujet occupe, dans la classe des êtres matériels, on dans la sphère des créations de la poésie ou de l’imagination.

Cette même critique de l’art distingue aussi, comme la critique littéraire, les différences notables de style, que les causes naturelles des climats, et les causes morales des habitudes ou des institutions politiques, impriment aux ouvrages, et dont chaque artiste reçoit plus ou moins l’influence, ainsi que celle du siècle où il a vécu.

Style, par conséquent, à l’égard des arts du dessin, de leurs ouvrages, des sujets de ces ouvrages, des facultés diverses et diversement modifiées de chaque artiste, exprime de même une manière d’être caractéristique, qui les sait reconnoître et distinguer avec plus ou moins d’évidence, et de la façon dont la nature imprime à chaque nation, à chaque pays, à chaque individu, une physionomie particulière.

C’est ainsi qu’un œil un peu éclairé distingue au premier abord les productions de l’art de chaque siècle, des différens maîtres qui y brillèrent, et les manières distinctes de chaque école.

Ainsi voyons-nous que, dans l’antiquité, le connoisseur discernoit, sans hésiter, le style (εργασια) de l’aucienne école attique, le style de la nouvelle, le style de l’école helladique, le style de l’école de Sicyone, de l’école d’Egine, de l’école de Corinthe, etc. Ainsi, le style de chaque période de l’art se manifestoit clairement. Et encore aujourd’hui, le savoir de l’artiste et de l’archéologue parvient aisément à discerner, au moins les grandes variétés de style qui séparent les productions d’âges distans les uns des autres.

Style est, dans le langage des arts du dessin, très-souvent synonyme de manière, et peut-être pourroit-on, pour trouver une distinction entre ces deux mots, dire, que manière comporteroit une idée plus spécialement applicable, soit à l’exécution de l’ouvrage, soit au talent pratique de l’artiste, lorsque le mot style désigneroit plutôt l’emploi des qualités morales qui déterminent la manière, ou encore le résultat de qualités générales qui influent sur le goût de chaque siècle, de chaque pays, de chaque école, de chaque genre.

Selon cette distinction, si l’on, parle, par exemple, des ouvrages de Raphaël, on dira qu’il a eu trois manières plutôt que trois styles. C’est que l’on compare le plus souvent ses productions, sous un certain rapport technique, qui se fait remarquer sensiblement aux yeux par l’exécution. Mais s’il s’agit de comparer le même maître dans l’ensemble des qualités qui embrassent la conception, la composition, la noblesse des formes, des caractères de tête, des ajustemens, avec Michel Ange, on dira, je pense, que ce dernier eut une manière de dessiner plus savante, une manière plus hardie, mais que Raphaël l’emporte sur lui par le style.

En suivant cette même distinction, si l’on compare l’école vénitienue à l’école romaine, la première sera autant supérieure à l’autre par la manière de peindre et de colorer, qu’elle lui cédera pour la noblesse et la grandeur du style.

Ceci me porte à faire remarquer, qu’on n’use guère du mot style à l’égard de la couleur et de l’harmonie des teintes. On dit le style du dessin, le style de composition, de draperies, etc. , et l’on ne dit pointstyle de couleur, style d’harmonie, mais plutôt manière de colorer, manière de clair-obscur, etc.

Ce qu’un vient de dire des arts d’imitation de la nature corporelle, nous paroît convenir également aux œuvres de l’architecture. Le mot style, en tant qu’il indique, dans cet art, des différences de système, de goût et de physionomie, soit entre les peuples, soit entre les siècles, soit entre les artistes de même époque, prend les mêmes acceptions, reçoit les mêmes distinctions.

Style, dans les monumens de l’art de bâtir,


indique, ce qui forme le trait caractéristique du goût local de chaque pays, ce qui fait que presque personne ne sauroit s’y méprendre. Ainsi le style égyptien se fait reconnoître à l’uniformité de ses masses, à la monotonie de ses détails, à la simplicité de ses lignes et à une grande recherche de solidité. Ainsi le style arabe ou gothique, opposé eu tout au style de l’Egypte, a une physionomie qui ne permet à personne de le méconnoître, au premier aspect.

Nous ne dirons rien ici du style de l’architecture grecque, parce que cet article n’a pas pour objet l’analyse de tous les styles mais seulement l’analyse de la notion, de la signification, el des acceptions du mot style. Nous nous contenterons donc de faire simplement remarquer, que ce mot s’applique aux diverses variétés que l’art de bâtir des Grecs a subies dans le cours des âges. Ainsi les architectes distinguent-ils dans les monumens et dans les variations de leurs goûts, plus d’une diversité de style.

On reconnoît le style antique grec, dans les formes et les proportions de l’ordre dorique sans base.

On reconnoît le style des époques suivantes, à l’alongement même des formes et des proportions du dorique, à l’emploi plus commun de ceux des ordres, qui comportent plus d’ornemens, chez les Romains surtout, à la préférence donnée au corinthien, à l’emploi et, il faut le dire, à l’excès de la richesse, à la profusion des ressources décoratives, et à l’abandon des types élémentaires, ou des principes qui forment la constitution de cet art.

Enfin, on appelle style du bas âge de l’architecture grecque ou graeco-romaine, celui qui se sait distinguer par une ignorance des raisons, qui avoient assigné à chaque forme sa place, à chaque emploi sa forme, à chaque destination sa physionomie. On le reconnoît à un mélange désordonné, produit par l’habitude même de faire servir des débris d’anciens édifices, à des édifices nouveaux, d’où naquit l’entière confusion des types et l’oubli de tout ordre.

Les architectes usent aussi du mot style pour désigner le goût de toutes les parties qui entrent dans l’ensemble de l’architecture. Ils reconnoissent un style de formes el de proportions, un style de profils et de détails, un style de décoration et d’ornemens.

Ainsi l’architecture, celui de tous les arts du dessin, qui semble le moins en rapport avec ce qu’on appelle l’art d’écrire ou la littérature, n’en a pas moins adopté l’espèce de métonymie qui transporta jadis à l’expression intellectuelle des idées, la notion de l’instrument, destiné, dans l’origine, à n’en tracer que les signes. Et pourquoi celle métaphore ne lui seroit-elle pas aussi justement applicable, s’il est vrai que, selon l’esprit qui constitue le genre de son imitation, cet art, par tel ou tel autre choix de formes et de proportions, sait rendre intelligibles aux yeux, telles ou telles conceptions abstraites, telles ou telles combinaisons de l’intelligence ; s’il est vrai que, par un emploi diversement modifié de parties, de membres, de détails et d’ornemens, il sait, comme à l’aide de signes de l’écriture, faire naître en nous des idées déterminées, des jugemens positifs, sur les objets sensibles qu’il crée ; s’il est vrai que, par les diverses modulations des accords qu’il produit, il sait exciter en nous les impressions de toutes les qualités morales, qui sont du ressort de son domaine imitatif ?

En terminant cet article, où après avoir montré l’origine de l’emploi du mot style, nous n’avons eu pour objet que de montrer la justesse et l’étendue de son application à tous les arts, il nous reste à dire, que dans les arts du dessin, on l’emploie encore d’une façon un peu plus vague, et qui n’est guère bien comprise que par les artistes qui professent, ou par les élèves qui étudient, comme lorsqu’on dit, qu’un ouvrage a du style, ou n’a point de style, qu’une composition, que des draperies, manquent de style.

Il noua paroît que, dans cette locution, où aucune épithète ne spécifie le genre, ou la nuance de style dont on parle, ce mot se doit entendre comme style par excellence, tel que celui de l’antique en sculpture, ou celui des plus grands peintres d’histoire en peinture. A moins qu’on ne puisse encore interpréter cette locution, par celle dont on use, en d’autres cas, comme lorsqu’on dit qu’un homme, un ouvrage, sont sans physionomie, ou sans caractère, c’est-à-dire manquent de ces traits qui particularisent les objets, les individus, et qui tendent à les faire facilement reconnoître et distinguer entre tous les autres.

STYLOBATE, s. m. Ce mot est grec, et il n’y a de francisé que sa terminaison. Στυλοξατες est composé de deux mots, σιυλος, colonne, et βατες du verbe βαινειν, porter, c’est-à-dire porte- colonne.

Quelques-uns, et Daviler entr’autres, considèrent le mot stylobate comme tout-à-fait synonyme de piédestal. En effet, le mot italien piedes-tallo, si l’on en croit les lexiques, auroit succédé au motpiedestylo, et alors il auroit, dans le mélange du mot grec stulos, colonne, et du mot italien piede, pied, signifié la même chose que stylobate.

Cependant l’étymologie grammaticale n’est pas toujours la raison des synonymies, et l’usage nous paroît avoir établi dans la langue technique de l’architecture, surtout en français, une différence assez sensible entre piédestal et stylobate.

On appelle généralement piédestal (voyez ce mot), tout corps, de quelque figure qu’on le fasse, qui sert de support isolé, à un fort grand nombre d’objets, et particulièrement à des statues. Mais dans son rapport avec l’architecture,


piédestal se dit d’un corps carré, qui a une base et une corniche, dont, les profils différent selon l’ordre de la colonne qu’on y impose. Dans ce sens, il est bien vrai que le piédestal sert de support à la colonne, mail non immédiatement, puisque la colonne ne laisse pas d’avoir encore son socle et les divers profils qui forment sa base. Ainsi il n’y a pas de raison d’affecter exclusivement au piédestal, l’idée de porte-colonne, plutôt qu’à la base qui en est le support immédiat.

Le mot stylobate, qui signifie la même chose que piédestal, si l’on interroge l’étymologie, nous paroît beaucoup plus propre à déterminer l’idée de support de colonnes, puisqu’en réalité il ne sauroit être affecté, comme le mot piédestal, à l’idée de supporter généralement beaucoup d’autres objets. Il est vrai aussi que dans les cas où on l’emploie à exprimer l’idée de support de colonnes, il pourra se trouver qu’il n’en soit pas le support immédiat, surtout s’il s’agit de colonnes ayant leur plinthe et leur base particulière.

Pour se rendre bien compte de l’emploi plus direct, et tout-à-sait spécial de stylobate comme support immédiat de colonnes, il faut se représenter chez les Grecs qui firent ce mot, ces temples périptères d’ordre dorique sans base, qui furent si généralement répandus dans toutes les contrées de la Grèce, et dont il existe encore aujourd’hui un si grand nombre de restes (voyez DORIQUE), que l’on seroit tenté de croire, qu’à une certaine époque, presque tous les temples furent construits selon ce type uniforme. Or, il est certain queles Grecs appelèrent stylobate, ce que nous appelons encore d’une manière plus générale, soubassement continu. Tel étoit autour du temple ce massif élevé de quatre, cinq ou six pieds, interrompu seulement en avant par les degrés très-élevés par où l’on montoit, ou tels étoient ces mêmes degrés disposés tout alentour de l’édifice. Il est sensible qu’un semblable soubassement, sur lequel s’élevoient les colonnes sans base de l’ordre dorique grec, étoient immédiatement et exclusivement le support des colonnes.

Le nom de stylobate lui convint donc, avec la plus grande exactitude de signification. Mais en admettant cette conjecture, on ne sauroit s’empêcher d’admettre aussi, que par analogie, le même nom fut donné à des soubassemens continus sur lesquels s’élevoient, dans, les ordonnances périptères, des files de colonnes ioniques ou corinthiennes qui avoient une base.

C’est à Cet emploi dans tes édifices ornés de colonnes, que dut être affecté postérieurement le mot stylobate ; quoiqu’on ne puisse pas nier qu’on ait pu, d’analogie en analogie, s’en servir encore comme synonyme de stéréobate, qui paroît mieux convenir à l’idée plus générale de soubassement en français. (Voyez au mot SOUBASSEMENT, la distinction proposée par Gagliani entre stylobate et stéréobate.)

Aujourd’hui on se du mot soubassement pour Signifier, dans chaque sorte d’édifice, toute espèce de partie de construction plus ou moins exhaussée, qui devient comme le piédestal du corps principal, et le mot stylobate est affecté plus particulièrement à tout corps de soubassement qui porte un ordre ou une rangée de colonnes.

SVELTE, adj. des deux genres. Ce mot emprunté à l’italien svelto, qui a aussi le substantif sveltezza, exprime, soit dans les corps vivans, soit dans les œuvres de l’imitation, une certaine qualité, qui tient à la grâce, à la délicatesse, mais surtout à la légèreté.

Ainsi svelte se dit, quant aux qualités corporelles, d’une taille légère, dégagée et généralement mince.

On admirera de même cet agrément dans le dessin, la proportion et l’ensemble d’une figure peinte ou sculptée, en tant que cette qualité n’ayant rien toutefois d’exagéré, contraste avec la lourdeur ou le manque d’élégance. Il paroît ainsi, d’après le dire de Pline, qu’on admira autrefois en Grèce, le style des statues de Lysippe, qui l’éloignant de la manière lourde et de la stature carrée, qu’un goût plus sévère donnoit à la conformation des corps, fut imprimer à ses figures ce caractère plus léger, qu’un pourroit exprimer par le mot svelte. Au reste, on sait que le goût dont ce mot est l’expression, convient à une certaine classe de sujets et de figures, et ne sauroit s’appliquer à toutes.

En définissant ce goût comme on vient de le faire, il est sensible qu’il y a peu d’ouvrages d’art, ou même d’industrie, auxquels la qualité de svelte ne puisse plus ou moins appartenir. Il y a dans tous les travaux de la main de l’homme, tant de manières de les rendre plus ou moins agréables, que les idées d’élégance et de délicatesse, comprises dans le mot svelte, en ameneront quelquefois l’emploi, surtout s’il s’agit d’ouvrages qui comportent des formes qu’on peut alonger ou raccourcir plus on moins, comme sont, par exemple, des vases, des trépieds, des candélabres, etc.

C’est sous ce rapport que l’architecture peut aussi s’approprier soit l’idée, soit la qualité de svelte. Sans parler des variétés de proportion dans chaque ordre de colonnes, dont la gravité ou la légèreté forment plus ou moins le caractère spécial, on conçoit que la construction toute seule, selon le genre des matériaux qu’elle emploie, selon, la nature des plans et des élévations, peut donner à ses supports une procérité, une ténnité de masse qui produira pour l’œil un effet assez semblable à celui d’une taille svelte dans un corps, ou d’une proportion légère dans les membres dont il se compose. Or, l’ensemble d’une construction semblable, soit à l’intérieur d’un édifice, soit à l’extérieur, pourra être aussi appelé svelte.


Cet effet frappera plus particulièrement les sens, dans les monumens de cette sorte de construction qu’on nomme gothique, où l’espèce de goût qui leur est propre, affranchi de toute règle, de tout système raisonné de rapports entre le tout et chacune de ses parties, se trouva libre de toute sujétion, et ne cherchant point la beauté dans la proportion, ne visa qu’à conquérir l’admiration de l’instinct, et la conquit en effet, précisément par la disproportion. Or, c’est le plus souvent à cela qu’est dû le caractère de ces supports élancés, qui n’ayant à éprouver ni charge, ni poussée, ont permis, dans les intérieurs, d’établir beaucoup plus de vide que de plein : et c’est de la procérité ou de l’exiguité des supports el de la grandeur des vides entr’eux, que résulte ce svelte que l’on vante dans quelques-unes de ces constructions.

De tout ceci, il semble qu’on pourroit conclure, que si le svelte, pour être une qualité louable, doit être restreint, comme toute autre qualité, entre certains termes, qui seront ici le trop lourd ou le trop léger, il en devra être du svelte dans l’ensemble et les parties d’un édifice, comme dans l’ensemble et les parties du corps humain et de ses imitations par l’art ; c’est-à-dire que comme la disproportion entra la grosseur et la hauteur du corps humain y produit la maigreur, et le vice d’un élancement frêle et désagréable, de même une impression semblable résultera pour les yeux et pour l’esprit de toute légèreté, procérité on hardiesse d’élévation qui sera due à un désaccord entre le diamètre du support et sa hauteur. Que si toutefois cela trouve des admirateurs, il en faut seulement conclure que dans les ouvrages de l’art, le sens ordinaire admire moins la chose eu elle-même, que la difficulté réelle ou apparente de son exécution.

SUJÉTION, s. f. On appelle ainsi, en architecture, soit dans la construction des édifies, soit dans la bâtisse des maisons et habitations, une certaine nécessité que l’artiste éprouve de se conformer aux besoins et aux convenances de quelques usages, ou de s’assujettir à certaines incommodités de voisinage ou de localité qui sont inhérentes aux terrains sur lesquels il bâtit. Sous ce dernier rapport, voyezle mot SERVITUDE.

Le mot sujétion, comme plus général, s’applique plus volontiers aux difficultés de faire accorder dans les plans et les élévations des édifices, la régularité, la beauté de l’ordonnance, les principes abstraits de l’harmonie, du l’art et du goût, avec ce qu’exigent l’emploi du monument, le service intérieur de ses convenances, la facilité de ses dégagemens, ou de ses abords, et ses rapports avec la destination principale. Quel que soil, en spéculation, le besoin de symétrie, de beauté et d’harmonie pour le plaisir de l’esprit et des yeux, il faut convenir que dans, a réalité, tout édifice devant être le résultat d’un besoin, c’est ce besoin qui doit faire la loi. L’architecture n’a pas, comme les autres arts, le privilège de travailler uniquement pour le plaisir. Toutefois, comme la chose a été développée ailleurs (voyez ARCHITECTURE), cet art a le secret, plus peut-être qu’aucun autre, de produire un plaisir qui lui est propre, c’est de faire sortir très-souvent la beauté que nous cherchons, du besoin que nous exigeons, et de nous plaire ainsi par le côté même qui sembloit devoir s’opposer au plaisir. Là est aussi le talent de l’architecte, et la difficulté d’une sujétion impérieuse deviendra quelquefois, sous la main de l’artiste ingénieux, le principe d’une beauté inattendue.

SUNIUM. Ancien bourg de l’Attique, situé sur le promontoire du même nom, où il s’est conservé des restes fort précieux d’antiquité, dont le recueil des Unedited antiquities nous a donné de fidèles détails, sur lesquels on n’avoit auparavant que de vagues notions, dans le voyage de Spon et Wheler.

Deux monumens principaux qui, par la pureté de leur style et de leur exécution, semblent devoir appartenir au meilleur temps de l’architecture, se recommandent à l’attention des artistes, comme des historiens de l’art.

Le premier est celui auquel on donne le nom de propylées. Il paroît que Sunium, comme Eleusis et Athénes, avoit son principal temple élevé sur une hauteur qui auroit été la citadelle de cette ville, et que cette citadelle auroit eu aussi, comme celles des deux villes qu’on vient de citer, une entrée décorée par l’architecture. Cependant les propylées de Sunium ont et moins de grandeur et un plan beaucoup plus simple.

Cet édifice en plan, tel que les dessins du recueil cité nous le présentent, se borne à un carré long-qui n’a pas toutefois en longueur le double de sa largeur. Il se compose de deux murs dans sa longueur, qui offrent deux restes de mur en retour de chaque côté de l’entrée principale. Du reste, on ne sauroit mieux comparer le tout ensemble qu’à ce que Vitruve a appelé le temple in antis. En effect, chacun des deux murs formant le corps de l’édifice, se termine à extrémité par une ante ou pilastre, qui se reploie, pour se raccorder aux deux colonnes, à quoi se borne son péristyle, qui, tel qu’il est, formeroit dans les grands temples périptères, ce qu’où nomme pronaos. Même plan, même disposition pour la partie postérieure. Le dessinateur de ce reste d’antiquité a complété cette façade, en rachevant au-dessus de l’architrave, le couronnement par un fronton et par une frise dorique ornée de triglyphes, dont les gouttes se sont conservées sur l’architrave. Rien de plus probable que cette restitution.

Du reste, l’ordre dorique de cet édifice nous paroît être fort semblable à celui du temple de Minerve à Athènes. Même l’orme, même galbe,


même proportion, en sorte que si l’on jugeoit de l’âge des monumens doriques, par l’alongement de la proportion de leurs colonnes, on devroit déclarer l’architecture dorique de Sunium, comme tout-à-fait contemporaine de celle du Parthenon. Ses colonnes ont également cinq diamètres de hauteur, avec une fraction en plus pour le chapiteau, et elles n’ont aussi qu’une assez modique diminution.

Il s’est conservé à Sunium des restes plus considérables d’un monument aussi plus important, d’un temple qui paroît avoir encore, comme à Altènes, couronné l’acropole de la ville. Ce temple avoit été vu et assez bien examiné par Wheler, qui, dans son voyage, fait mention des quatorze colonnes auxquelles il étoit alors réduit. C’est encore de quatorze colonnes que se compose la ruine de ce temple, dans les dessins de l’ouvrage que l’on a cité plus baut.

Il subsiste du péripteron de ce temple une file de neuf colonnes d’un côté, et seulement trois de l’autre, avec les deux colonnes du pronaos qui a conservé une de ses antes. Rien ne seroit plus facile, d’après ces données, que d’en rachever l’ensemble, tant étoit uniforme la disposition des temples grecs. Aussi peut-on assurer que celui-ci devoit avoir six colonnes dans ses fronts, et treize dans ses ailes, en y comptant les colonnes d’angle. Les frontons et les parties supérieures de l’entablement sont détruites, mais l’architrave subsiste encore, avec les gouttes qui indiquent les triglyphes. L’ordre dorique sans base de ce monument paroît être absolument le même que celui du Parthenon d’Athènes. Le temple s’élevoit sur trois degrés qui en formoient le stylobate. La superficie des colonnes, du côté surtout où elles sont exposées à l’air de la mer, est sensiblement rongée.

Il seroit fort à souhaiter qu’on pût faire des fouilles autour et dans l’enceinte des monumens de Sunium ; très-probablement on découvriroit, outre l’ensemble de leurs plans, des particularités. plus instructives que celles qui résultent de la seule vue de leurs ruines.

SUPERFICIE, s. f. Mot synonyme de surface, Qui se dit cependant, plus specialement en architecture et Dans la construction, lorsqu’on l’applique à la partie apparente des Diverses matières, sur Lesquelles s’exerce le travail des outils. AINSI sur dira enlever la superficie D’une pierre, D’UN bloc, etc. , polir la superficie d’Une Table de marbre ; et pour Toutes ous Pratiques de la CE genre de les opérations, sur employera le mot superficie de préférence A Celui de surface.

SUPERPOSITION, s. f. Ce mot Exprime, DANS L’architecture, la position de immédiate et sans intermédiaire, d’un corps au-Dessus d’Un Autre, comme, par exemple, la position de la base d’une colonne sur de juin, d’Une statue Sur une colonne, etc.

SUPPORT, s. m. Se dit en général de tout ce qui supporte un poids quelconque ; et dans l’architecture ou la construction, de tout corps soit simple, comme une colonne, soit compose, comme un pilier de maçonnerie, soit plis composé encore, comme une voûte, tous objets sur lesquels d’autres s’élèvent, et dont ils sont les soutiens. Tout support doit être, soit par sa solidité intrinsèque, soit par la nature de sa construction, soit par l’étendue de sa masse, proportionné à l’objet qu’il doit soutenir, et cela autant en vertu du principe de la solidité, que pour l’impression que nos yeux eu reçoivent. Rien ne les contrarie plus, que certaines colonnes de marbre, employées dans les édifices de la décadence des arts, à soutenir les retombées d’arcades plus épaisses même que les chapiteaux qui s’en trouvent débordés. La solidité réelle du support existe dans la dureté de la matière, mais l’apparence du sort supporté par le foible, donne à la réalité, un démenti dont l’effet est désagréable, et qui répugne à cet instinct du vrai et du convenable, qu’on appelle le goût.

SURBAISSÉ, participe adj. Se dit, en architecture, arc de tout, de Toute arcade, De toute voûte Qui a DEPUIS sa base JUSQU’A fils sommet, juin hauteur Moindre de La Moitié de sa largeur. La formesubraissée ne Doit Être employée au Québec lorsqu’elle is Nécessaire, Parce Qu’elle est généralement Moins solide, Moins simple, et par conséquents Moins belle Que la forme plein cintre. Voyez VOUTE.

SURBAISSEMENT, s. m. Ce est le trait de tout l’arc, du Toute arcade ous voûte surbaissée, et Qui a la Forme d’une partie d’ellipse.

SURBAISSER, v. agir. Elever arc non OÜ juin voûte à juin hauteur Moindre de Celle que Donne la hauteur de la demi-circonférence du cercle. On dit surbaisser et surhausser, pour dire, Donner un arc non Plus ou moins de la hauteur Qui correspondent à la Mesure de la Moitié de sa base.

SURCHARGE, s. f. Se dit de l’excès de la charge en volumes or in Épaisseur, QU’A non plancher par le trop du Matériaux de fils aire.

SURFACE, s. f. Se dit de Cé Qui n’a Qué dimensions de Deux, largeur et Longueur, sans Épaisseur, de Quelque Manière Que l’objet Soit Place. On dit la surface de mur d’un, D’UN plancher, D’une glace, etc.

SURPLOMB, s. f. On dit de Toute la construction Qu’elle est en surplomb, when surface sa sorte de la ligne verticale Que Donne et Indique la corde à Laquelle en cas de suspension plomb non, (Voyez Aplomb.) Cela Se entend particuliérement des contructions Dont la nature is d’être perpendiculaires, et non de Celles Qui affectent la forme pyramidale.

SURPLOMBER, v. agir. Ce est pour la construction juin, juin colonne, mur un, une façade d’édifice, Être hors de la ligne d’aplomb.

SYÈNE. Ville de l’antique Egypte, dont le nom moderne est Assouan. Son emplacement au sudouest de la ville nouvelle, étoit borné par le Nil d’une part, et de l’autre par des rochers de granit. Sun assiette occupoit le penchant de la montagne, contre l’ordinaire des villes égyptiennes.

Les Egyptiens ont couvert de sculptures et d’hiéroglyphes les surfaces lisses des rochers dans tous les environs de Syène, principalement les blocs qui sont à pic et baignés par les eaux. Ces figures sont de grandeurs différentes et plus ou moins profondément creusées.

Il n’existe plus de l’antique Syène qu’un temple, dont les restes occupent le penchant de la hauteur dont on a parlé. On y entre aujourd’hui, ou plutôt ou y descend, par la plate-forme, dont une grande partie est enfoncée, et l’on se trouve sur un sol formé de sable et de poussière.

Un portique de quatre colonnes, et des arrachemens de murailles, sont tout ce qu’on en peut reconnoître, tant il est ruiné et encombré. Sa largeur étoit d’environ quarante pieds. Ce qui subsiste de sa longueur a trente-quatre pieds. Le couronnement et les chapiteaux des colonnes sont encore à découvert, et il n’est pas fort difficile, d’après l’exemple d’autres monumens, de se représenter la façade extérieure de celui-ci, à peu près telle qu’elle devoit être. L’entrée étoit tournée du côté du fleuve. Au milieu des rochers et des masses de granit sur lesquelles ce temple est fondé, on est surpris de le trouver bâti en grès ; mais ce fait est bien plus commun et plus remarquable à Philae. En général, les constructions en granit sont beaucoup plus rares en Egypte qu’on ne le croit communément, et l’architecture ne paroît guère avoir employé cette matière, que dans la formation des monumens ou temples monolythes.

Deux colonnes du temple de Syène sortent des décombres, les deux autres ne sont plus visibles. On y distingue encore deux sortes de chapiteaux semblables par le galbe, c’est-à-dire par cette forme qui imite te calice du Lotus, mais variés dans leurs ornemens. Le plus voisin de la porte est de l’espèce la plus commune en Egypte. Les murailles ne sont qu’en partie couvertes de sculptures, d’ou l’on est porté à croire que le témple n’avoit pas été achevé. Ce qui reste des bas-reliefs est mal conservé, et l’on ne peut rien conclure de leurs sujets pour deviner à quelle divinité le temple avoit été consacré. Toute recherche à cet égard seroit superflue.

Quand on songe à la haute antiquité et à la célébrité de cette ville, on ne sauroit croire qu’elle n’ait eu qu’un aussi modique temple. Les villes nouvelles, qui, dans le cours des siècles, se sont succédées sur le même sol, auront accéléré la destruction de l’antique Syène. (Extrait de la description de l’Egypte, tom. I. )

SYMÉTRIE, s. f. , est, en français, le mot latin symetria, qui est lui-même le mot grec συνμετρια, dont la composition nous donne son explication. Or, ce mot grec se compose de l’adverbe συν, avec, et deμετρον, mesure. Ainsi la notion très-claire qu’il renferme, est celle, ou de ce qui est fait avec mesure, ou d’une mesure en rapport avec une autre. L’adverbe avec exprime nécessairement, ou un emploi, ou une corrélation de mesure.

Comme il y a très-certainement dans le mot grec que répète littéralement le mot symetria, une idée de rapport, les Latins l’ont ainsi traduit dans la langue de l’architecture, par le mot proportio, proportion, mot devenu, en français, général pour exprimer, non un simple rapport de parité ou d’identité entre deux mesures, entre deux objets, mais cet ensemble de rapports qui établit un système de corrélation plus abstraite, au moyen duquel, par une portion d’un tout, on peut connoître la dimension de ce tout, et par le tout juger de la dimension de chacune de ses portions.

Le mot proportion ayant, pour exprimer ce système général de corrélation, prévalu en français, sur le mot symétrie, ce dernier mot s’est trouvé, selon le langage ordinaire, borné à ne signifier guère autre chose, que le rapport de conformité exacte entre deux mesures, deux corps de bâtimens, deux objets quelconques.

Nous réserverons toutefois pour la fin de cet article, le peu de notions que sa théorie comporte sous cette dernière signification.

A prendre le mot symétrie, dans la sens plus étendu que Vitruve lui donne, en tant qu’il signifie proportion, nous croyons d’autant plus utile de nous y arrêter ici, que nous trouverons l’occasion de donner au sens d’un autre mot, que Vitruve met en parallèle avec symetria, un développement que nous avons omis, à l’article qui lui a déjà été consacré. Ce mot est eurythmia, eurythmie, dont on use souvent, sans peut-être se faire une idée exacte de sa signification.

Au mot EURYTHMIE nous nous sommes contentés de rapporter le passage fort concis de Vitruve, sur cette qualité de l’architecture, et nous avons renvoyé au mot SYMÉTRIE, pour la distinction de ces deux notions et le développement de leur théorie. C’est ce développement que nous allons essayer de donner ici, en faisant servir la comparaison des deux idées d’eurythmie et de symétrie,


et celle de chacune de leurs étymologies, à commenter le passage de Vitruve. Fixons donc, autant qu’il sera possible, un genre de notions, sur lequel l’équivoque du langage, et la disette d’autorités dans les textes anciens, a laissé une obscué que nous ne nous flattons pas toutefois de dissiper entièrement ; tant il est facile que certains mots de goût, que le sentiment s’explique, résistent à l’analyse rationnelle !

Des deux mots dont je me propose de discuter ici le sens et les emplois, l’un, symetria, symétrie, outre l’évidence étymologique de sa composition, se présente chez lis écrivains, si fréquemment, et si clairement affecté à une notion déterminée, qu’on ne sauroit bésiter sur sa signification. Mais l’autre eurythmia, eurythmie, ne se trouvant employé que deux seules fois, et par Vitruve tout seul (lib. 1 c. 2. lib. 6. c. 2. ), pour exprimer une des qualités de l’architecture, et l’explication qu’il en donne, étant ; faute d’exemples et d’applications sensibles, restée vague et abstraite, il devient nécessaire d’interroger ce que doit être son acception simple, et de chercher dans la composition du mot, d’abord ce qu’il ne peut pas exprimer, ensuite ce qu’il paroît devoir exprimer.

Ce mot, par lequel Vitruve prétend faire connoître une des qualités, ou, si l’on veut, une des beautés de l’architecture, se composant de l’adverbe ευ, bon ou beau, et du substantif ρυθμος, rythme, ou sauroit signifier autre chose, que beau rythme ou beauté de rythme. Nous avons donné plus haut l’étymologie du mot symetria. Pour se faire une idée un peu claire de la différence des deux qualités ex primées par symétrie et par eurythmie, ne conviendroit-il pas d’en chercher la distinction dans les mots mètre et rythme, qui en sont les élémens ?

Rien de plus commun, on en convient, que la confusion qui a lieu de la part de ceux qui se servent de ces deux mots dans le discours ordinaire. Cette confusion, ou doit le dire avant tout, résulte assez naturellement d’une certaine ressemblance ou proximité d’idée entr’eux, ainsi qu’on le verra. A l’égard de l’architecture, l’équivoque est encore plus facile, parce que le mot rythme, appartenant spécialement à la musique et à la prosodie, il n’a pu être appliqué aux qualités ou aux effets de l’architecture, qu’à raison d’une espèce d’analogie, en sorte que dans cet art, l’idée de rythme, transportée de la région des sons à celle des formes, n’a pu être qu’une métonymie, une espèce de métaphore.

Il s’agit donc de se rendre compte du sens propre et élémentaire du mot mètre, qui a formé symétrie, et du mot rythme, d’où vient eurythmie.

Or, on sait que mètre, metron en grec, signifie mesure, et que rythme, en grec ruthmos, signifie nombre.

On voit combien sont collatérales ces deux notions. Il est reconnu qu’en général le mot mètre s’applique à la mesure de l’étendue dans les corps, et que te mot rythme, qui signifie nombre, s’applique à la mesure dans le temps. Ainsi, rien de plus facile que de prendre réciproquement, et ces notions, et leurs expressions, les unes pour les autres.

Cependant, puisqu’il y a deux mots, procédant, sans aucun doute, de deux variétés d’idées, c’est dans ces variétés que nous trouvons l’explication propre des mots composés eurythmie et symérie. Je dois même dire, avant tout, que si l’idée de nombre, dans eurythmie, semble continuë à l’idée de mesure dans symétrie (entendue comme proportion), cette idée de proportion ne sauroit être identique avec celle de rythme, soit dans la musique, soit dans la poésie, d’où très-certainement elle a été transportée dans l’architecture, ce qui indique déjà, que tout ne sera point réciproque entr’elles.

Mais définissons avec plus de détail le rythme en musique et en poésie. Qu’est-ce que le rythme dans ces deux arts ? C’est, avons-nous déjà dit, la mesure du temps. Et qu’est-ce à leur égard que le temps ? C’est le plus ou le moins de lenteur ou de vitesse, qu’on met à prononcer les sons ou les syllabes des mots. C’est ce qui produit, en poésie, ce qu’on appelle la quantité, et détermine les longues et les brèves. C’est, en musique, ce qui produit la longueur ou la brièveté des sons, ce qui détermine leurs successions, et en règle les intervalles.

Ainsi déjà nous apercevons en poésie la différence du rythme et du mètre. Les vers peuvent être à la fois rythmiques et métriques, et ils peuvent êlre métriques, sans être rythmiques. Ils ont le rythme et le mètre lorsqu’un ordre, un principe, une convention quelconque, ont réglé la lenteur ou la vitesse de prononciation de chaque syllabe dans une langue, et ensuite déterminé le nombre de pieds qui constituent leur mesure.

Si telle est la nature du rythme, et si telle est la nature du mètre, il est certain que la notion du rythme, qui règle l’ordre et la succession des sons et de leurs intervalles, est très-distincte de celle du mètre, qui ne fait que déterminer la mesure du vers, selon qu’il a plus ou moins de pieds, soit que ces pieds ne soient que des syllabes sans rythme réglé, comme en français, soit que ces pieds soient composés de groupes de syllabes, nécessairement longues ni brèves comme en latin.

Quant au rythme dans la musique, on a reconnu qu’il consiste dans un certain ordre, en vertu duquel le musicien, selon ce qu’il doit exprimer, accélère ou ralentit la durée des sous, règle leurs intervalles, et produit une succession de mouvemens variés.

Maintenant, s’il est indubitable que l’idée de rythme a été transportée de la musique dans l’ar-


chitecture, il nous faut chercher quelle sorte de ressemblance peut rapprocher l’effet des formes qui s’adressent aux yeux, de l’effet des sons propres aux plaisirs de l’oreille.

Il me paroît que dans cette assimilation, le rythme, à l’égard des yeux, sera un certain ordre, qui opérera sur les formes et les parties des corps, sur leur disposition, sur leur succession et leurs intervalles, un plaisir, du même genre, que celui du rythme musical à l’égard de l’oreille. La diversité d’emploi des formes de l’architecture, les combinaisons variées de leurs dimensions et des intervalles de leurs parties, l’entremêlement de leurs saillies, les effets de leurs oppositions, de leur répétition, de leur simplicité ou de leur richesse, beaucoup d’autres de ces rapports, tout-à-fait distincts de ceux de la symétrie (ou proportion), ne semblent-ils pas correspondre dans leurs impressions sur les yeux, aux rapports par lesquels le rythme musical et poétique produit ses impressions sur l’oreille ?

Or, ne seroit-ce pas là ce que Vitruve a entendu spécifier, par le mot eurythmie, qui signifie beauté de rythme ou rythme par excellence, dans l’article du chapitre 2, liv. Ier. , où il énnmère et définit toutes les qualités qui constituent l’architecture ? Voici ses paroles :

Eurythmia est venusta species, commodusque in compositionibus membrorum aspectus ; hœc efficitur, cum membra operis convenientia sunt altitudinis ad latitudinem, latitudinis ad longitudinem et ad summam omnia respondeant suœ symetriae.

Item symetria est ex ipsius membris conveniens consensus, ex partibusque separatis, ad universœ, figurœ speciem ratœ partis responsus, ut in hominis corpore, è cubito, pede, palmo, digito cœterisque partibus symetros est, sic est in operum perfèctionibus : et primum in œdibus sacris, ut è columnarum crassitudinibus aut è triglypho, etc.

« L’eurythmie est cette beauté sensible, cet agréable aspect que donne la disposition des membres d’un ouvrage d’architecture : ce qui a lieu, lorsque ces membres ont une heureuse correspondance entre leur hauteur et leur largeur, entre leur largeur et leur longueur, de manière à s’accorder avec l’effet de la proportion générale. » « Quant à la symétrie, c’est l’accord uniforme, entr’eux, des membres d’un ouvrage, et la corrélation de chaque partie avec le tout ; comme on le voit dans le corps humain, où il existe un semblable rapport entre le bras, le pied, le palme (la main), le doigt et les autres parties. Ainsi en est-il dans les ouvrages parfaits. Par exemple, dans les temples, le module se prend ou du diamètre de la colonne, ou du triglyphe, etc. »

Remarquons d’abord, que ces deux articles, se suivent dans Vitruve, preuve qu’il n’a point regardé les deux mois comme contenant la même nation ; leur définition ensuite nous présente des idées fort distinctes.

Et effectivement, la symetria ou la proportion, telle que Vitruve l’explique, telle que le mot la définit, trouve dans la nature un type positif, un régulateur uniforme, dont on ne sauroit méconnoître l’évidence ; c’est celui qui assujettit chaque partie au tout par une correspondance réciproque et telle, que la partie fait connoître la mesure du tout, comme le tout, la mesure de chaque partie.

Mais l’eurythmie telle que Vitruve l’explique, telle que le mot même semble la définir, étant simplement un agréable rapport de mesures, d’espaces, ou d’intervalles, dans tes membres de l’architecture, ou d’un édifice, n’a point, dans la nature, de type aussi positivement applicable à l’ordre qu’elle doit suivre.

En un mot, le compas peut juger de la justesse des rapports de la symetria (ou proportion) ; quant à la justesse du rapport rythmique, l’œil n’a pour en juger, que le goût et le sentiment du beau.

Remarquons en effet, que le mot eurythmie l’indique ; il ne signifie que beauté de nombre ou de rythme. C’est qu’effectivement, tout rythme n’est pas nécessairement beau. Il y a en musique de bons et de mauvais rythmes ; c est-à-dire qu’il peut y avoir un bon et un mauvais emploi dans le chaut, comme dans la versification, des langues et des brèves, des intervalles des sons, de la succession des mouvemens vifs et lents, d’où résulteront des effets agréables ou non. De même, dans l’architecture, certaines répartitions d’espaces, certaines divisions de parties, certaines successions de membres ou de profils, produiront des impressions plus ou moins agréables. Mais, comme on l’a vu, Vitruve ne propose, à cet égard, ni exemple, ni modèle, ni règle ; et dans le fait, il n’y aura d’autre règle, que celle qui se fondera sur l’expérience des sensations, que les ouvrages de la nature et ceux de l’art nous font éprouver.

L’eurythmie reste donc dans le domaine de la théorie du goût.

Il n’en est pas ainsi de la symétrie, ou de la proportion, considérée dans sa nation élémentaire et théorique. L’assimilation des rapports réciproques du tout à chaque partie, dans le corps humain, nous présente une idée fixe et une règle évidente, de ce que peut être un édifice pour nous plaire, de la manière dont l’œuvre de la nature nous plaît : non que cela signifie, que tout rapport indistinctement emprunté à tous les corps, doive produire un heureux effet. On sait que la nature elle-même produit des exceptions à sa règle, c’est-à-dire des défectuosités. Ainsi peut faire l’architecture. Mais, je le répète, il ne s’agit


que de l’idée et de la notion de symétrie (on proportion). Or, il n’y a pas d’idée plus claire, de notion plus distincte.

Je pense donc que Perrault s’est trompé, en prétendant qu’eurythmie et symétrie sont deux synonymes. « Tous les interprètes (dit-il) ont cru que l’eurythmie et la proportion que Vitruve appellesymétrie, sont ici deux choses fort différentes, parce qu’il semble qu’il en donne deux définitions ; mais ces définitions, à le bien prendre, ne disent que la même chose, l’une et l’autre ne parlant, par un discours également embrouillé, que de la convenance, de la correspondance, et de la proportion que les parties ont au tout. »

Galiani, tout en reprochant á Perrault d’êtres tombé dans l’erreur, lorsqu’il regarde l’eurythmie et la symétrie comme deux synonymes, me paroît avoir établi leur distinction sur une signification abusive du mot eurythmie, faute d’être remonté à l’idée primaire de ce mot. Il ne pouvoit pas se tromper sur le sens de symétrie dans Vitruve ; aussi dit-il fort bien, que la symétrie n’est pas un rapport de situation entre les parties, mais un rapport de quantité de chaque partie. Mais voici comment il explique l’eurythmie. L’eurithmia e quella che insegna l’eguale distribuzione de membri di un édificio, accioche facciano grato aspetto. Ainsi, d’après cette explication, l’eurythmie ne seroit que ce qu’on appelle vulgairement, en français, symétrie, c’est-à-dire la parité ou la répétition identique des parties ou des membres, d’un côté comme de l’autre d’un édifice : notion sort différente de celle que présente Vitruve, et que présente le sens même du mot, à consulter son origine et sa formation.

D’où vient cette confusion d’idées ? Je l’ai déjà dit. C’est que la notion de rythme, notion essentielle et positive dans la musique et la poésie, n’est, à proprement parler, qu’une métaphore en architecture, puisqu’on a ainsi transporté l’idée d’ordre, d’intervalle, de succession des sons, de lenteur ou de vitesse des mouvemens pour l’oreille, à l’idée d’ordre, d’espaces et de succession des formes, pour les yeux et pour le plaisir de la faculté visuelle.

Mais cet ordre rythmique, pour être nommé et désigné dans l’architecture par un mot d’emprunt, n’y en existe pas moins. Le goût et le sentiment du beau ne sauroient hésiter à l’y reconnoître, comme aussi l’analogie et la justesse de la comparaison, qui lui a transporté l’idée et le nom de rythme.

Y a-t-il en effet, dans l’emploi des matières, des formes, des lignes, des contours, des espaces, des saillies, ou des épaisseurs, des ornemens, des détails enfin de l’architecture, et y a-t-il dans leur continuité, dans leur répétition, dans leur succession, dans les variétés que cette succession y produit, dans leur retour plus ou moins périodique, dans les moyens fournis à l’artiste par ce mélange, d’éviter l’ennui de l’uniformité, et de procurer la variété que l’œil recherche, y a-t-il, dis-je, dans le résultat de toutes ces combinaisons, une espèce d’ordre ou d’arrangement, qui permette d’en considérer les effets comme analogues, pour l’œil et l’esprit, aux effets résultant pour l’esprit et l’oreille, de l’ordre des sons employés selon toutes les variétés que leur sait éprouver le rythme ? Eh bien, si l’on est forcé d’en convenir, cet ordre ou cet arrangement de formes et de lignes, on l’aura, par une transposition d’idée sort naturelle, appelé rythme ; el selon que cet ordre sera parvenu à être agréable, on l’aura appelé beau, excellent. L’architecture aura eu, par suite de la métaphore, son eurythmie, qualité, comme on voit, très-distincte de la symetria ou proportion, telle qu’on est forcé de l’entendre.

Dans le sait, la définition que Vitruve a donnée de l’eurythmie, sans pénétrer jusqu’au fond de l’idée, ne contient rien qui combatte notre analyse. Le développement que nous donnons à cette notion, ne renferme rien, non plus, qui soit étranger à sa définition, laquelle, comme on l’a vu, n’exprime et ne donne à entendre, qu’une idée de beauté et d’agrément, dans l’aspect produit par la dispostion des membres d’un édifice, commodus in compositionibus membrorum aspectus. Le tout repose sur un accord de hauteur, de largeur, de longueur dans les membres, altitudinis ad latitudinem, latitudinis ad longitudinem, lequel répond à l’ensemble de la proportion générale, ad summam suœ symetriœ respondeant.

Par ces mots, accord réciproque dans les membres, de hauteur, de largeur et de longueur, Vitruve me paroît avoir spécifié précisément l’objet du rythme architectural, qui ne peut s’exercer et se faire sentir, que sur les dimensions des membres el les mesures des formes. Ce sout les différences et les mélanges de mesure, qui donnent le mouvement aux compositions de l’architecture.

Prenons pour exemple la modénature d’un entablement. Supposons (en laissant de côté les raisons qui en établissent les grandes divisions) que les dix ou douze membres, ou profils qu’on y compte, au lieu d’être de mesures différentes, fussent uniformément rangés chacun dans une hauteur égale, et sans aucune variété de saillie (on peut s’en former l’idée dans plus d’un monument égyptien, qui se termine ainsi, par une rangée de tores, ou de plates-bandes tout-à-fait uniformes). Cette répétition de formes toutes égales, et leur continuité, ne produiront-elles pas pour les yeux, la même impression d’indifférence, que la répétition et la continuité du même son, à intervalles toujours égaux, produisent pour l’oreille ? Mais que les membres ou les profils de cet entablement viennent, selon divers motifs, à se ranger dans un ordre de hauteurs et de mesures toutes différentes, et à se placer les uns au-dessus des autres,


avec des saillies inégales, qui produiront des effets de lumière et d’ombre différens, on voit tout de suite, que notre œil éveillé par cette diversité d’espaces, trouvera du plaisir à en comparer les mesures, et que l’esprit éprouvera cette impression de mouvement, que les modulations du rythme sont éprouver dans le chant.

Mais c’est la juste correspondance de hauteur, de largeur, de longueur des membres entr’eux (selon les paroles de Vitruve), qui forme l’excellence du rythme, ou l’eurythmie architecturale. Ici en effet, comme dans sa musique et la poésie (et on l’a déjà dit), les rapports de mesure peuvent être plus ou moins bien gradués. Les tores, les profils qui constituent les divisions d’une base de colonne, d’un chapiteau, d’un chambranle, d’un fronton, ont des rapports de hauteur, de largeur, non-seulement entr’eux, mais encore avec la colonne, le chambranle et le frontispice, dont ces membres font partie, et peuvent leur communiquer plus ou moins de lourdeur et de légèreté, rendre leur aspect plus ou moins agréable.

Enfin, il est évident que l’eurythmie entendue comme modulation des profils et des membres d’un édifice, comme consistant dans cette juste correspondance des rapports de hauteur, de largeur, de longueur, dont parle Vitruve, s’appliquera de même aux grandes parties d’un édifice, aux rapports généraux de ses grandes divisions, à la correspondance plus ou moins heureuse de la hauteur de la masse extérieure, et à la corrélation de la largeur d’un intérieur, avec sa longueur. On peut parcourir toutes les formes qui entrent dans les compositions de l’architecture, les portiques, les arcades, les cintres, les niches, les portes, les pleins et les vides, partout on verra qu’il peut y avoir un ordre de rapports dans les espacemens de chaque objet. On verra que cet ordre, selon qu’il paroîtra ressembler, plus ou moins, à celui que produit la beauté du rythme musical, dans la succession des sons, la mesure des temps et la justesse des mouvemens, présentera aux yeux un aspect plus ou moins agréable.

Cependant, de quelque manière qu’on définisse ou qu’on développe la notion de l’eurythmie, et son application aux œuvres de l’architecture, on doit reconnoître que cette notion n’a ni en elle-même, ni dans son application, une base aussi simple, aussi claire, aussi positive, que celle de la symétrie (ou proportion), qui, comme on l’a dit, repose sur cette imitation puisée dans l’organisation du corps humain, où le tout et chaque partie peuvent se servir réciproquement démesure.

Et voilà, encore un coup, la différence qui sépare l’eurythmie de la symétrie, et qui établit une dissemblance sensible dans la notion élémentaire de chacune.

Mais voici d’où procède la confusion qu’on en sait si facilement. C’est que l’une et l’autre qualité consiste en rapports, et en rapports dont le but est de nous plaire ; c’est qu’en fait de théorie d’art et de goût, il n’y a aucune notion qui ne soit contiguë à une autre, et n’en emprunte quelque chose. C’est que dans le fait, il n’y a, même en morale, aucune qualité qui ne participe de quelqu’autre, aucune vertu qui, bien qu’ayant un caractète propre, ne se trouve mêlée avec les attributs d’une autre vertu. Ainsi, force et modération, sagesse et courage, sont des vertus sort distinctes, et toutefois il n’y a pas de vraie force sans modération, point de modération sans force. Il en est de même de toutes les qualités dans les arts, et par conséquent de celles qui constituent le mérite de l’architecture. Le plaisir de l’eurythmie tient donc par quelques endroits, aux impressions que nous fait le système de la symétrie. Toutes deux captivent nos yeux et notre esprit, par un ensemble de rapports qui, bien qu’émanés d’une source différente, ne laissent pas de nous affecter d’une manière assez semblable. Il me semble, en effet, qu’on pourroit comparer la vertu de l’eurythmie et de la proportion en architecture, à celle de la mélodie et de l’harmonie en musique, qui, distinctes entr’elles par leur nature, se rapprochent souvent dans leurs effets, au point que le commun des hommes des confond, par la manière d’en jouir el de les apprécier.

Je me suis beaucoup plus étendu dans cette dissertation, sur la notion de l’eurythmie, que sur celle de la symétrie : d’abord, parce que l’idée de la première est beaucoup plus abstraite, et par conséquent moins claire que celle de la seconde ; ensuite, parce que symétrie, dans la langue de Vitruve, devant se traduire par proportion, c’est à ce dernier mot qu’il convient d’en renvoyer l’interprétation complète. Voyez PROPORTIONS.

Cependant symétrie a, an français, une acception exclusive que tout le monde connoît trop, pour que je m’y doive arrêter long-temps. J’en ai même assez dit déjà, pour qu’il me fût permis de finir, si je ne croyois devoir ajouter à la simple définition de cette idée, quelques considérations fort abrégées, sur ce qui nous sait trouver du plaisir dan l’emploi de la correspondance symétrique, qui est, en certains cas, une obligation plutôt qu’un mérite de l’architecture.

On appelle donc généralement symétrie dans cet art, et dans ses ouvrages, cette exacte parité de parties similaires, qui se répètent d’un côté comme de l’autre d’un ouvrage, d’un édifice, soit pour la dimension, soit dans la composition de la masse, soit par l’uniformité des détails.

Si l’on cherche la cause du plaisir que nous procure cette symétrie, qui divise ainsi un tout en deux parties égales et similaires, il me semble qu’on le trouvera dans ce sentiment qui nous fait admirer les œuvres de la nature, et nous invite à en transporter les lois dans les productions de nos arts. Or, il est à remarquer que la symétrie est affectée par la nature, à un tres-grand nom-


bre de choses créées, mais surtout, et je pense, sans aucune exception, à l’organisation extérieure des créatures vivantes et animées.

De là cette sorte d’instinct qui porte l’homme, dans tout ouvrage auquel il veut donner la valeur de l’unité, à lui affecter cette propriété, de laquelle dépend le caractère le plus apparent d’unité de plan, de moyens et de but. Si le corps humain, par exemple, au lieu de présenter de chaque côté la répétition identique des mêmes membres, se trouvoit inégalement pourvu de membres d’une façon à droite, et d’une autre forme à gauche, ne sembleroit-il pas qu’il y auroit plus d’un homme dans un seul homme ?

Or, il est tout aussi évident, que cet effet extérieur auroit lieu, à l’égard d’un édifice, dont les deu moitiés auroient des masses, des mesures et des détails insymétriques. Ce ne seroit plus un, ce seroit deux bâtimens.

La répétition identique des mêmes élémens et le principe de symétrie, sont tellement inhérens à la nature de l’architecture, que la plus nombreuse colonnade ne se compose, comme on sait, que d’une seule colonne répétée. Qu’on essaie, comme on en trouve des exemples chez quelques peuples, de diversifier les types et les mesures des colonnes, l’édifice va paroître un composé des morceaux de plusieurs. Le plaisir facile de l’unité aura disparu, pour être remplacé par le malaise pénible de la disparité.

Cependant on observe que la nature qui s’est assujettie à l’exacte symétrie, pour l’extérieur et l’apparence des corps, a suivi un tout autre-système, à l’égard des parties qui entrent dans l’organisation de leur intérieur, et que les yeux n’aperçoivent pas. Il en est de même en architecture ; tout ensemble dont notre œil peut embrasser la totalité, doit être soumis à la symétrie. Mais ce que nous exigeons de la façade d’un palais, ou de tout autre édifice semblable, ce seroit une sujétion puérile el ridicule, de prétendre y assujettir sans nécessité sa distribution intérieure. Trop de convenances et de besoins y sont une loi de la diversité, el s’opposent à une répétition symétrique, dont l’effet, d’ailleurs, ne sauroit plae qu’en spéculation, puisque, dans la réalité, il ne sauroit être saisi ni par l’œil, ni par l’esprit de tous ceux qui n’en connoissent, ou n’en peuvent point connoître le plan.

SYRACUSE. Ville la plus grande de l’antique Sicile, et une des plus considérables de l’antiquité, si l’on s’en rapporte aux descriptions des auteurs anciens, et surtout à celle de Cicéron. Nous allons la rapporter, ne seroit-ce que pour dédommager le lecteur de la pénurie des restes qu’une fortune ennemie semble y avoir à regret conservés.

« On vous a souvent rapporté (dit l’orateur romain) que Syracuse est la plus grands et la plus belle ville de toute la Grèce, et ce que l’on en dit est constant. C’est une ville si étendue, qu’on diroit qu’elle est composée de quatre autres. L’une est une île qui, quioiqu’enveloppée de deux ports, s’avance dans l’embouchure et l’entrée de l’un et l’autre port. C’est là qu’est bâtie la maison que le roi Hiéron avoit habitée, et dont les préteurs coutinuent de se servir. Elle renferme plusieurs édifices sacrés, mais principalement deux de beaucoup supérieurs aux autres. L’un est un temple de Diane ; l’autre qui, avant l’arrivée de Verrès, étoit très-orné, est consacré à Minerve. A l’extrémité de cette île est une fontaine d’eau douce, qui porte le nom d’Aréthuse, d’une grandeur incroyable, prodigieusement poissonneuse, et qui seroit toute couverte des flots de la mer, si, par un môle et une jetée de pierres, elle n’en étoit séparée. » « La seconde partie de Syracuse est appelée Acradine. Il y a une place très-spacieuse, de belles galeries, un prytanée en très-bon ordre, une salle magnifique pour le Conseil, un superbe temple de Jupiter Olympien, et les autres quartiers de cette partie sont partagés par une large rue continue, et par plusieurs rues de traverse qui contiennent des édifices particuliers. » « La troisième ville annexée à Syracuse se nomme Tycha, parce qu’il y avoit un très-ancien temple consacré à la Fortune. Il y a de plus un vaste gymnase et beaucoup d’édifices sacrés, ce qui rend ce quartier recommandable, et très-peuplé. » « Enfin, on appelle Neapolis quatrième ville, comme étant la dernière bâtie. Il y a tout en haut un très-grand théâtre, et en outre deux temples magnifiques, l’un de Cérès et l’autre de Proserpine, plus un superbe colosse d’Apollon qu’on appelle Téménites. »

On cherche vainement aujourd’hui dans l’enceinte des murailles de l’antique Syracuse, dont on évalue le circuit à vingt milles, la trace de presque tous ses monumens. Le seul, dont Cicéron a parlé, comme situé dans l’île, qu’on appelle encore aujourd’hui Ortygia (mot grec qui veut dire île), et qui présente encore des restes fort considérables, est le temple de Minerve, qu’on a très-anciennement transformé en église, devenue la cathédrale. Il paroît que dans des temps voisins du nôtre, on a démoli la partie occidentale de l’édifice antique, pour y bâtir le portail de goût moderne qu’on voit aujourd’hui. Le mur intérieur de la cella du temple a été ouvert en arcades, et l’on a muré les entre-colonnemens du peripteron, pour donner à l’église des bas côtés, et par conséquent plus de largeur.

On voit encore dans le mur latéral de l’église qui donne sur la rue, douze à treize colonnes engagées dans la construction nouvelle, de ma-


nière toutefois que plus de la moitié de leur diamètre est en saillie. Il est visible que le temple avoit autrefois treize colonnes dans ses flancs, en comptant les colonnes d’angle, et les frontispices en comptoient six. La place des colonnes du pronaos se voit encore dans l’intérieur de l’église. Ces colonnes sont d’ordre dorique sans base, et elles n’ont guère que cinq diamètres de hauteur.

On ne sait si l’on doit regretter que, pour faire de cet antique monument une église moderne, on l’ait ainsi mutilé, masqué et dénaturé. On peut dire que, si ce que l’on y a ajouté de murailles et de constructions étrangères le dénature, il est fort à croire que, sans ces changemens accessoires, il n’en existeroit plus rien.

C’est ce que nous ont persuadé les restes devenus aujourd’hui presqu’invisibles du temple de Diane. Ce temple célèbre, le premier qui fut élevé à Syracuse, est tellement détruit, et ce qui en reste est tellement recouvert et enseveli au milieu de toutes sortes de masures, qu’il faut en deviner l’emplacement, par quelques débris enclavés dans l’intérieur même de quelques habitations et de maisons élevées autour, et où ils sont comme enterrés. Deux colonnes doriques du genre de celles qu’on voit au temple de Minerve, existent encore dans un mur mitoyen de deux maisons, dont l’une, en 1779, était celle d’un notaire. On ne voyoit alors que la partie supérieure de leur fût, avec leurs chapiteaux entièrement dans le caractère de l’ancien dorique grec, et qui, sans doute aussi parce qu’on en est plus près, paroissent avoir une saillie et un caractère de force très-prononcé.

Ce qu’on appeloit autrefois à Syracuse, et qu’on nomme encore, la fontaine d’Aréthuse, a survécu à tous les monumens de l’art. C’est une propriété des ouvrages de la nature. Celui-ci est surtout merveilleux dans sa position, telle que Cicéron l’a décrite, par l’extraordinaire abondance et la pérennité des eaux. Il est probable qu’autrefois ce lieu avoit été décoré par l’art. Un vaste bassin devoit renfermer les eaux de la source, dans une enceinte où l’on nourrissoit des poissons. L’endroit précis d’où l’eau sort avec l’abondance d’une source qui donneroit naissance à un fleuve, étoit peut-être surmonté d’une œdicula. Aujourd’hui ce n’est plus qu’un très-grand lavoir. Le trop-plein s’échappe par divers petits canaux qui aboutissent à la mer.

De tant d’édifices, sacrés qui ornoient les divers quartiers de Syracuse, il n’existe plus d’autres vestiges, à l’exception des restes ci-dessus entionnes, que, dans le quartier appelé Acradine, deux fûts de colonnes tronqués, qu’on croit, avec beaucoup de vraisemblance, avoir appartenu au temple de Jupiter Olympien. Le genre de leurs cannelures indique qu’elles avoient été d’ordre dorique. Mirabella, qui écrivoit au commencement du dix-septième siècle, et qui est mort en 1624, dit qu’il y avoit encore six de ces colonnes parfaitement conservées ; qu’on voyoit clairement par ce qui restoit des débris de ce temple, qu’il avoit dû avoir douze colounes de longueur ; qu’à juger de celles qui étoient encore sur ed, le fût de ces colonnes, toutes d’une seule pierre, avoit vingt-cinq palmes de hauteur, sans compter les chapiteaux, et que, leur grosseur étoit telle, qu’il falloit trois hommes pour en embrasser la circonférence : Crassitudo verò tanta est, quantùm tres homines circumambire brachia possint.

En laissant Acradine à droite et entrant dans Néapolis, on trouve les restes d’un amphithéâtre bâti sur un terrain inégal. Cet édifice, moitié taillé dans le roc, et moitié construit en grosses pierres, avec des corridors voûtés, étoit d’une forme ovale fort a longée dans le plus grand diamètre de l’amphithéâtre, et fort resserrée sur le petit diamètre. Il paroît qu’en tout c’étoit un monument médiocre, et qui fut élevé par les Romains, pour l’usage seul de la colonie qu’ils y établirent. Du reste, l’édifice va se détruisant de plus en plus, on en abat journeement les corridors, et l’on enlève les restes des gradins, pour pouvoir plus aisément labourer sur son emplacement.

Près des ruines de cet amphithéâtre, on voit celles d’un autre monument, qui, bien que très délâbré, offre encore dans sa ruine un aspect assez intéressant. C’est le théâtre. Les gradins, qui étoient entièrement taillés dans le roc, seroient beaucoup mieux conservés, si l’on eût pu empêcher les habitans d’y venir prendre des matériaux pour leurs bâtisses. Malgré ces dégradations, on distingue encore une grande partie des gradins ; les deux repos ou paliers appelés prœcinctiones, qui servoient à la circulation des spectateurs, et les escaliers par où l’on entroit et par où l’on sortait.

Quant à l’exécution des parties de l’édifice, le peu qui en existe encore, suffit pour faire voir qu’elles avoient été faites avec le plus grand soin. On remarque que chaque gradin étoit entaillé dans son épaisseur, de manière à donner aux pieds de celui qui étoit plus haut, un rebord pour l’empêcher de gêner celui qui étoit assis au-dessous de lui. Il paroît qu’autour du théâtre, il régnoit une galerie circulaire, dont on aperçoit encore la plate-forme en quelques endroits. Elle portoit certainement un ordre d’architecture avec une galerie, ou un rang de loges couvertes. Mais tout cela a disparu. On distingue seulement très-bien les deux angles de l’avant-scène, et par conséquent il est encore possible d’évaluer son étendue.

Une inscription gravée en creux sur le montant d’un des degrés au-dessus de la première prœcinction, à partir d’en bas, porte ces deux mots en grec : BASILISSAS FILISTIDOS ; et vis-à-vis, à la même hauteur, on en a découvert une autre qui porte également en caractères grecs ces deux


mots un peu effacés : ACLEOS FRONITI. On a crn que la première indiquoit que le théâtre avoit été construit sous la reine Philistide, et que l’autre désignoit l’entrepreneur ou l’architecte de ce monument.

On ne sauroit douter qu’il n’ait été un des plus magnifiques de l’antiquité, puisque Diodore, en parlant des différens édifices qui ornoient plusieurs villes de la Sicile, au beau siècle de ce pays, et entr’autres du théâtre d’Argyrium, comme d’un des plus remarquables, avance que celui de Syracuse l’émportoit sur tous ceux de celte île. Syracusano excepto pulcherrimum.

Peu de villes eurent à leur disposition et dans leur voisinage, d’aussi prodigieux moyens d’exploiter la pierre la plus favorable à la construction. Partout on découvre des bancs dé rocher, dont la facile excavation procuroit à peu de frais des lieux de sépulture, ou des chambres sépulchrales de toute dimension. On entre dans beaucoup de ces hypogées, mais on en trouve très-peu qui offrent des vestiges d’art et de décoration. Une seule de ces petites excavations dans un plan circulaire avec des niches, a conservé à son entrée les restes de deux colonnes doriques engagées, et soutenant un entablement avec triglyphes, surmonté d’un fronton circulaire.

Rien ne fait mieux connoître à quel point, l’architecture avoit dû embellir de monumens nombreux et solides la ville de Syracuse, que la prodigieuse exploitation des carrières voisines de cette ville, et d’où ont été extraits les matériaux de toutes ses constructions. Ces carrières, qu’on appelle Latomies, forment par leur plan une véritable ville souterraine, creusée dans la masse des rochers découverts qui dominent Syracuse d’un côté. Cette sorte de ville a ses rues alignées, ses places, ses carrefours, et l’on ne s’étonne pas, en y entrant, qu’on ait pu destiner un tel emplacement à servir de prison. Il est probable encore qu’on employoit les prisonniers à l’extraction et à la taille des pierres.

Ces excavations, qui ne sont souterraines que par rapport à la montagne qu’elles pénètrent, n’avoient pas les inconvéniens et les difficultés de celles qui sont creusées, n’importe à quelle profondeur, sous le terrain de la plaine qui environne Paris. On s’y procuroit la pierre dans la hauteur de la roche ; cette pierre n’etoit pas par couche ou par lits, ce qui fit qu’on put y tailler des colonnes monolythes. On voit diverses tranchées faites dans l’élévation de la masse de ces rochers, et il en est qui furent commencées, et qui n’allèrent que jusqu’à une certaine distance. Telle est celle de la fabuleuse oreille de Denis-le-Tyran. Ce n’est qu’une ouverture faite à une partie de la montagne, d’où l’on a extrait, en ligne sinueuse, une quantité quelconque de pierres, et qu’on ne poussa point plus avant.

Naturellement à Syracuse, comme dans tant d’autres villes antiques, on fit servir plus ou moins anciennement tout ou partie des excavations de ces carrières à l’usage des sépultures. On y voit encore aujourd’hui les traces de cette pratique. Les latomies devinrent aussi des catacombes, et nous renvoyons le lecteur, pour plus de détails, à ce mot. Voyez CATACOMBES.

SYSTÈME, s. m. Ce mot est formé de deux termes grecs, la préposition sun et le verbe istèmi, qui, rapprochés, signifient ce qu’on exprime par ensemble, composition.

Un système, en quelque genre que ce soit, est un assemblage de plusieurs choses formant un tout. Il n’est point du ressort de ce Dictionnaire, de parcourir les applications diverses de ce mot, ni d’entrer dans les divers sens qu’il comporte, ni de traiter du bon ou du mauvais emploi de ce qu’on appelle, sous plus d’un rapport, l’esprit de système.

Nous bornant ici à expliquer dans quel sens on emploie le mot système en architecture, nous dirons qu’on en use ordinairement pour désigner la théorie du principe originaire d’où cet art est né, des causes premières qui lui ont imprimé son caractère spécial, des conditions qui lui sont imposées pour satisfaire à l’unité de son principe.

Ce que nous appelons système, en architecture, est antérieur aux règles. Les règles n’ont fait que déterminer pour l’artiste, les meilleurs moyens d’être fidèle aux types originaires qui constituent lesystème de l’art. Voyez l’article ARCHITECTURE.

Pour mieux faire comprendre ce que nous entendons par système, en architecture, il nous faut revenir sur quelques notions. Bien que nous n’admettions comme véritablement art, que l’architecture grecque, nous n’avons pas laissé cependant de reconnoître d’autres modes de bâtir, chez d’autres peuples et dans d’autres temps, modes qui, provenus de causes différentes, et d’élémens originaires distincts ; ont trouvé à se répandre et à se perpétuer en quelques contrées. Nous avons fait voir aussi, comment l’architecture n’ayant aucun modèle positif à imiter dans la nature, ne pouvoit tenir ce qui y supplée, que de certaines causes, de certains besoins donnés par la nature, à la vérité, mais qui, variables et divers selon les lieux, et les climats, devoient en recevoir aussi des moyens d’imitation différens : Que de ces causes locales avoient dû résulter effectivement des systèmes locaux de construction, d’ordre, d’embellissement : Qu’entre ces systèmes il y en avoit eu un plus fécond que tous les autres, plus susceptible de réunir les principes divers d’unité et de variété, de solidité et d’agrément, d’offrir l’heureuse combinaison du besoin et du plaisir, c’est-à-dire de ce qui peut à la fois satisfaire la raison, les sens et l’imagination : Et voilà ce qui nous a paru consti-


tuer la supériorité du système de l’architecture grecque, sur les systèmes des autres architectures.

Il résulte de là, que l’idée de système est applicable à plus une sorte d’architecture, et que chacune peut avoir le sien. Mais il ne s’ensuit pas, que tout système, bien qu’inspiré par les diverses causes qu’on peut appeler physiques et matérielles, soit également beau, et qu’il n’y en ait pas de préférable. Quand la nature elle-même auroit en divers pays, produit des édifices, ou des formes de bâtimens différens entr’eux, comme le sont, par exemple, les espèces soit d’animaux, soit de plantes, productions réelles et immédiates de sa volonté ou de sa puissance, il u’en faudroit pas conclure, que pour être l’ouvrage même de la nature, ces modes ou systèmes de bâtir auroient un égal mérite, qu’il ne devroit pas y avoir de supériité entre eux, et qu’il seroit interdit à l’intelligence, à la raison, au goût, de reconnoître la prééminence de l’un sur l’autre. Ce que l’on fait à l’égard de toutes les productions de la nature, à l’égard de tous les êtres crées, à plus forte raison peut-on le faire, à l’égard d’ouvrages qui ne sont que des conséquences indirectes des causes naturelles.

C’est pourquoi ayant développé à leurs différens articles, quelles nous ont paru être les causes naturelles, qui ont exercé une action plus ou moins nécessaire sur ce qu’on appelle les systèmes divers d’architecture, chez tous les peuples connus, il nous a semblé que le système grec étoit de tous, celui qui éloit le plus système, en tant qu’il est l’assemblage le plus complet des élémens qui peuvent former un tout, où chaque partie trouve une raison nécessaire, subordonnée à la raison nécessaire de l’ensemble, où chaque chose explique sa manière d’être, où chaque détail est à la fois conséquence et principe d’un autre détail, où enfin on ne sauroit rien ajouter, sans faire du superflu, d’où l’on ne sauroit rien enlever sans tout détruire. Or, il me semble que ce pourroit être là une définition assez satisfaisante du mot système.

SYSTYLE. Vitruve distingue dans l’architecture grecque cinq espèces de temples, par la différence de leurs entre-colonnemens. Cette méthode ne paroît pas reposer sur des faits bien positifs, ni sur des principes bien clairs. Il se pourroit que le mot species, qu’il emploie, ne signifia point ce que, méthodiquement parlant, nous entendons par espèce. Peut-être ce mot ne veut-il dire que manière, forme, apparence. Quoi qu’il en soit, le nom de systylos, composé de et de exprimant un rapprochement des colonnes, se donnoit dans les temples, à ceux où les colonnes moins serrées que dans le pinocstylos, l’étoient plus que dans le diastylos, et surtout que dans l’aréostylos.