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Encyclopédie méthodique/Architecture/verre

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VERRE, s. m. Rien de ce qui regarde la fabrication, la nature, les emplois innombrables du verre, et l’ancienneté de son usage, n’est du ressort de ce Dictionnaire ; nous renvoyons sur tous ces points au Dictionnaire d’Antiquités.

Ce n’est pas que le verre, dans la variété de ses modifications, ne puisse entrer, soit comme ornement et objets de décoration dans les intérieurs des édifices, soit comme objet de nécessité dans leur clôture, appliqué surtout aux fenêtres. Mais sous le premier rapport, nous ne voyons guère qu’on puisse imaginer d’autre emploi du verre, que celui de ce qu’on appelle des glaces. Nous en avons traité à ce mot. (Voyez Glace.) Sous le second rapport, c’est au mot vitre que cette notion appartient. Voyez Vitre.

Nous ne pouvons toutefois nous empêcher de faire connoître ici un des emplois les plus extraordinaires qu’on ait jamais fait du verre dans l’architecture. Pline, qui en a fait mention, avoue lui-même, que depuis, ce genre de luxe n’avoit plus eu d’exemple : inaudito etiam postea genere luxuriœ. On veut parler de ce théâtre construit par Scaurus pendant son édilité, théâtre temporaire dont la scène, composée de trois ordres de colonnes, avoit reçu dans sa décoration trois mille statues de bronze. Selon Pline, celle scène étoit à trois rangs de colonnes en hauteur, et il y en avoit trois cent soixante : scena ei triplex in altitudinem CCCLX columnarum. La partie inférieure, ajoute-t-il, étoit en marbre : ima pars scenœ è mannore fuit. Celle du milieu en verre : media vitro. Celle d’en haut, en buis doré : summa tabulsis inauratis.

Il y a sur l’interprétation du texte de Pline une difficulté. La scène, comme il le dit, avoit trois parties en hauteur, et on y comptoit trois cent soixante colonnes, ce qui sait cent vingt à chaque étage. Maintenant qu’entend-il par ima pars scenœ, par media, et par summa ? Dirons-nous qu’il s’agit là des colonnes de chaque étage, ou simplement de l’espace et de la superficie du fond sur lequel étoient appliquées les colonnes ? C’est, à ce qu’il me semble, ce qu’on ne sauroit trop décider.

S’il s’agit de rapporter aux colonnes de chaque étage, la triple division de la scène, l’ordre insérieur auroit eu ses colonnes en marbre, celui du milieu en verre, celui d’en haut en bois doré ; dans ce cas, les colonnes du milieu auraient été formées de tronçons de verre bombés. Si l’on doit restreindre l’emploi du marbre en bas, du verre dans le milieu, et du bois doré dans le haut, aux simples paremens et revêtemens des fonds sur lesquels se détachoient les colonnes, le verre auroit été alors employé en lames, ou morceaux de compartimens, peut-être coloriés. On ne sauroit trop dire alors quel bon effet auroit pu produire cet emploi du verre, puisque par luimême, en tant que matière transparente, et en quelque sorte privée de couleur, il doit être d’un médiocre agrément pour la vue. Peut-être ne fut-ce qu’une bizarrerie du luxe, qui, de l’aveu même de Pline, n’eut point d’imitateurs.

On emploie quelquefois le mot verre comme synonyme de vitre. Ainsi l’on dit :

Verre dormant. C’est un panneau de vitre, scellé en plâtre, dans une vue de servitude, derrière un treillis de cour. La coutume de Paris prescrit sur les verres dormans les règles suivantes. La grandeur des panneaux de vitre ne doit point excéder la largeur ordinaire des croisées des bâtimens ; les treillis et barreaux de fer doivent être attachés et scellés au milieu de l’épaisseur du mur.

Il y a aussi des verres dormans scellés en plâtre, dans les croisillons des vitraux des églises gothiques.

Verre (peinture sur.) Nous croyons ne pouvoir mieux faire pour mettre nos lecteurs au courant des notions relatives à un sujet où règne tant d’ignorance et de prévention, que de mettre sous leurs yeux le travail qu’a communiqué à l’Académie des beaux-Arts M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, et qu’il nous a permis de publier et d’insérer dans ce Dictionnaire.

Ce rapport fut lu par lui à l’Académie le 14 juin 1828.

Il règne un préjugé généralement répandu à l’égard de la peinture sur verre, savoir, que cet art est perdu, quoique depuis 1757 jusqu’à ce jour, on ait écrit et prouvé, que non-seulement ce prétendu secret n’en est point, et n’en sauroit être un, dans l’état actuel de nos sciences et de nos arts, mais que seulement le procédé de cette peinture a cessé d’être usuel, par le peu de besoin qu’on en a eu dans les monumens de l’architecture, (Voyez, au mot Vitres peintes, les raisons qui, ayant causé la désuétude de leur emploi, ont fait croire à la perte de l’art de les colorer.)

Les faits et les citations qui suivent vont prouver que cet ancien préjugé a été combattu à plusieurs époques.

On trouve le passage suivant, dans le Journal économique de mars 1757, pag. 135. « C’est une opinion commune que l’on a perdu l’art de peindre le verre, comme faisaient nos Anciens. Cette idée est si fort répandue, que dans une compagnie de gens de talent, quelqu’un ne craignit pas de l’avancer. Je soutins que nous possédons ce secret, qu’il ne paroissoit perdu, que parce que nous n’étions plus dans le goût de nous servir de verres colorés et peints, etc.
« Si cet art eût été réellement perdu vers le dix-septième siècle, il aurait au moins été retrouvé un grand nombre de fois depuis cette époque ; car outre Le Viel, qui l’a décrit en 1774, et dont la famille pratiquait cet art depuis deux siècles, un certain D. Manuel Morero Apariccio disoit dans la Gazette d’Autrecht du 14 décembre 1773, qu’il venoit de retrouver ce secret perdu. Enfin en 1802, M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, lut un mémoire sur les couleurs vitrifiables, où il prouva avec toute l’évidence possible, que l’art de la peinture sur verre n’étoit point perdu, qu’on avoit donné tous les moyens de l’exercer, et qu’on avoit fait en ce genre des pièces plus ou moins nombreuses et variées.
« Les circonstances ayant donné lieu d’examiner de nouveau cette question, et différens morceaux de peinture sur verre, par plusieurs artistes, ayant été adressés à l’Académie des beaux-arts, pour en porter un jugement, le même M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, a bien voulu nous communiquer l’excellent mémoire dont nous allons extraire les principales notions. »
Des Différentes classes de peinture sur verre.
« Pour établir l’état actuel de cet art, il est indispensable de faire remarquer que cette sorte peinture doit être divisée en plusieurs classes, qui se distinguent par des procédés et des résultats très-différent. C’est pour avoir confondu ces classes et ces procédés, que beaucoup de personnes croient, que le secret de la peinture sur verre est perdu, et que d’autres élèvent la prétention de l’avoir retrouvé, parce qu’elles comparent presque toujours la peinture, qu’elles ont faite par un procédé, à celle qui a été faite par un autre. Elles n’ont pas de peine à prouver ainsi que ce qu’on leur montre est bien différent de ce qu’elles font.
« On peut diviser en trois classes, les différentes sortes de peinture sur verre.
« La première est celle de la peinture en verre, au moyen de verres teints ou coloriés dans la masse.
« La seconde classe est celle de la peinture sur verre blanc, avec des couleurs vitrifiables appliquées au pinceau, et cuites à la moufle.
« La troisième classe est la peinture sur glace.
« Je ne puis avoir la prétention de décrire avec détail dans cette notice, les procédés qui appartiennent à chacune de ces classes ; mais je dois, pour faire apprécier plus nettement leur différence, développer les procédés essentiels, qui les caractérisent et qui les distinguent. Je dois donc aussi dire, que les procédés étant souvent appelés au secours les uns des autres, on pourroit établir une quatrième classe renfermant la peinture sur verre et en verre, qui résultent du mélange de ces procédés.
1re. classe. « Nous l’appelons plutôt peinture en verre que peinture sur verre, parce que ses plus grands effets résultent de l’assemblage des pièces de verres de diverses couleurs, destinés à faire le fond des teintes principales.
« On emploie donc dans cette première classe, principalement et presqu’uniquement, des verres colorés dans leur masse, ou, ce qui revient au même, des verres de couleur. Le nombre en est assez borné. Ce sont des bleus de nuances différentes, mais en général d’autant plus beaux, qu’ils sont plus intenses. C’est la couleur la plus facile à obtenir. Des verts rarement d’une couleur très-éclatante, et obtenus par le cuivre et le fer ; des violets de divers degrés d’intensité dus au manganèse ; quelquefois des jaunes dus à l’introduction de la fumée dans le verre au moyen de la sciure de bois ; et enfin des rouges. Ces verres rouges, teints dans leur masse, sont les plus difficiles à obtenir. Les personnes qui ont des notions de chimie, le concevront facilement, quand elles sauront, qu’on n’a pu avoir jusqu’à présent, des verres teints d’un beau rouge purpurin, ni par le fer, ni par l’or, mais uniquement par le protoxyde de cuivre. Celles qui veulent absolument que les procédés de la peinture sur verre soient perdus, pourroient ici trouver un appui à leur opinion, si on leur disoit qu’en effet, pendant très-long-temps, on n’a plus sait de ces verres rouges. Mais cette prétendue perte de procédé rentre dans celle qu’on signaloit au commencement de cet article. Le tour de main pour faire prendre à une masse vitrée, fondue dans un creuset de verrerie, la teinte purpurine que lui donne le protoxyde de cuivre, et pour la lui faire conserver, lorsqu’elle a été soufflée et étendue en vitre, est difficile à atteindre. L’exécution en paroîtra encore plus difficile, quand on saura, que ces vitres rouges, comme beaucoup de verres teints employés dans la peinture sur verre, sont composées de deux couches, l’une de verre incolore et limpide, et l’autre, beaucoup plus mince que la première, du verre coloré en rouge. On verra tout à l’heure le but de cette disposition.
« Cependant ces procédés ne sont pas perdus, Ils ont été trop bien décrits par Audiquer de Blancourt. M. P. Robert de Sèvres les possède, et M. Bontemps, directeur des travaux de la verrerie de Choisy, en a fait à cette verrerie en 1823 ; il en a sait en 1826 ; il vient d’en refaire encore pour Sèvres en 1828, et il continuera d’en faire, s’il reçoit des commandes assez considérables pour le dédommager de ses tentatives et d’une fabrication réelle.
« Voilà donc à quoi se réduit la prétendue perte des procédés de la peinture sur verre.
« Je ne parle pas des jaunes, des gris, qui sont le blanc ou le verre d’apparence dépoli, du noir, parce que ces couleurs ne sont presque jamais données à la masse du verre, mais seulement à sa surface, au moyen des oxydes vitrifiables, qui y sont appliqués et cuits ensuite à un feu de mousse, couleurs que l’on sait facilement, et d’autant mieux, qu’on est plus instruit en chimie, plus industrieux et plus habile manipulateur.
« Mais les verres teints dans leur masse, ne sont pas du domaine de la peinture sur verre proprement dite, telle que peuvent l’exécuter des procédés analogues à l’art des peintures sur porcelaine. C’est une dépendance de l’art de la verrerie ; c’est aux fabriques de verrerie qu’il faut les demander ; et on répète qu’à l’exception des verres ronges purpurins, toutes les verreries de France, qui s’adonnent à ce genre de fabrication, sont facilement et bien toutes les autres couleurs, et la plupart de leurs nuances. Cette classe de peintures sur verre est elle-même susceptible se diviser en deux sections, selon qu’on a pour objet de faire de grands panneaux, en vitraux d’église, ou de petits vitraux de cloître ou d’appartement ; mais la base du procède est la même.
« Dans l’un et l’autre cas, le peintre en verre doit se procurer les verres teints les plus beaux et les plus convenables à son objet, sous le rapport du ton, de l’épaisseur, de la dureté. Ils sont destinés à faire les teintes plates de toutes les parties du tableau. Il les coupe en conséquence, et y faits avec des couleurs vitrifiables, qui se reduisent presqu’uniquement à des gris, des bruns, des noirs, ou des roussâtres, les ombres ou demi-teintes qui doivent faire tourner les figures, ou dessiner les plis des draperies, Il les découpe, les réunit arec des plombs, et en sait des panneaux plus ou moins grands. Comme les nus ou le carnation, ne sont pas susceptibles d’être faits avec des verres teints, et qu on ne connoissois autrefois dans cet art aucune couleur propre à donner les nuances nécessaires, on remarquera que les têtes et les figures sont toujours d’une couleur terne, roussâtre, on camayeux, seules teintes que pouvoient former les couleurs que l’on possédoit alors. Il n’y a pas une carnation, pas un fruit, pas un groupe de fleurs, tous objets qui exigent une véritable peinture au pinceau, avec ses effets, ses nuances, ses passages. J’ai bien examiné tout ce qui a été sait dans les églises de Paris, et qui appartient à celle première classe. J’ai recueilli pour la manufacture beaucoup de fragmens de têtes et de figures, et aucune ne m’a sait voir une véritable peinture.
« Dans cette peinture en grand, les verres teints à deux couches, l’une incolore et l’autre colorée, n’étoient pas nécessaires. Aussi la plupart de ces verres sont-ils teints en plein, à l’exception des rouges qu’on ne pouvoit point faire autrement.
« Mon intention n’étant point de décrire les procédés de la peinture sur verre, mais seulement de caractériser ses différentes classes, pour voir dans le moment actuel, quel est l’état de chacune de ces classes, je dois borner à ce qui précède ce que j’ai à dire sur la première section de la première classe.
« Mais lorsqu’il s’agit de faire de ces petits tableaux qui doivent être vus de près, et se faire remarquer par l’éclat de leur couleur et la finesse de leur exécution, on a recours aux verres à doux couches, l’une teinte, et l’autre incolore. On enlève avec la meule la couche coloriée ; on met à nu la couche limpide, en lui donnant exactement les contours de l’objet à représenter ; on recouvre cette place creuse et incolore de la couleur qu’on veut donner à l’objet, et on obtient ainsi un ornement ou toute autre chose, d’une couleur différente de celle du fond sur lequel il est peint ; par exemple, des fleurs de lys d’un jaune d’or, sur un fond bleu, ou une bordure d’hermine sur un fond rouge, etc.
« Dans l’une ou l’autre section de cette classe de peinture, les couleurs d’ombre, ou celles qui sont nécessaires, soit pour donner des teintes, que les verres de couleur ne fourniroient pas, soit pour peindre les objets qu’on veut figurer, sont mises avec plus ou moins d’épaisseur, sur l’une ou sur l’autre surface du verre, et fondues au feu que l’on nomme de moufle. Les couleurs y adhèrent avec une force au moins égale à celle qui fait tenir les couleurs sur la porcelaine. Elle sont néanmoins susceptibles d’une légère altération par les météores atmosphériques. C’est une imperfection que les Anciens n’ont pu éviter. Si on croit le contraire, c’est parce que l’on confond sans cesse dans leurs tableaux, les parties faites avec des morceaux de verre teints dans la masse, et celles qui résultent des couleurs appliquées à la surface du verre et cuites à la moufle. Mais comme ces dernières couleurs étoient chez les Anciens en très-petit nombre, et qu’elles ne sont pas toutes altérables, on les a pour ainsi dite oubliées, pour ne remarquer que les parties en verre teint, dues non pas à la peinture sur verre, mais à la verrerie qui les a fabriquées et fournies.
« 2°. Classe. Elle renferme la véritable peinture sur verre, art à peine connu des Anciens et porté déjà à un haut degré de perfection, depuis que les connoisances de la chimie moderne sont venues l’aider.
« Il consiste à peindre sur du verre blanc des sujets de toutes sortes de figures, ornemens, fleurs, avec des couleurs vitrifiables, c’est-à-dire composées d’oxydes métalliques, et semblables aux couleurs d’émail ou de porcelaines, et à fixer ces couleurs sur le verre, en les y incorporant an moyen d’une chaleur incandescente qui ramollit le verre et fond les couleurs.
« Le mérite de ces peintures résulte, comme celui des porcelaines, du concours de deux talens, de celui du chimiste fabricant, qui fournit au peintre sur verre des couleurs appropriées, belles et bonnes, et qui sait cuire à propos ces peintures, et de celui du peintre qui doit connaître l’effet des couleurs, effet qui paroîtra différent, quand elle seront vues par réfraction, de celui qu’elles présenteront quand on les verra par réflexion, et qui doit savoir, comme artiste, donner à ses peintures, les tons, les nuances, et les effets que demande l’objet qu’elles représentent, et l’usage auquel elles sont destinées.
« Les couleurs doivent donc avoir beaucoup de puissance, sans qu’on soit obligé de les mettre épaisses ; car cette épaisseur leur enleveroit de la transparence, et les feroit paroitre lourdes et sombres. Il faut savoir mettre sur chaque face de verre, les teintes qui doivent concourir par leur superposition à l’effet recherché.
« Ici il n’y a plus de verres teints, plus de plombs, plus de réunion ; mais comme on ne peut pas peindre un sujet, ou une figure de grandeur naturelle, sur une seule pièce de verre, parce qu’on n’en fait pas de cette dimension, et parce qu’en supposant qu’on parvint à en faire, elles n’auroient aucune solidité, on est obligé de peindre ces grandes figures ou ces tableaux, sur des pièces de verre rectangulaires, qu’on réunit ensemble, au moyen d’une monture en fer, ce qui place le sujet derrière une espèce de grille.
« Ces peintures sont fixées par la cuisson à la moufle, à plusieurs feux. Le nombre des feux, va jusqu’à quatre, et peut aller au-delà. Les couleurs sont incorporées dans le verre. Elles sont aussi solides, pour ne pas dire plus, que les couleurs employées par les Anciens pour les ombres à donner aux parties faites sur les verres teints. Il n’y a donc aucune objection fondée à faire contre ce genre de peinture, sous le rapport de la solidité des couleurs, mais il peut y en avoir sous celui de l’effet.
« En général les peintures sur verre ne sont pas destinées à être vues de près. Leur principale destination, leur véritable place, est de remplir les immenses et hautes fenêtres des églises et des temples. Il faut donc que les peintures, vues de loin et sur le ciel, par l’œil déjà fatigué de la lumière directe qui lui arrive, soient montées à un ton élevé et brillant. Or il n’est pas probable qu’on y arrive au moyen des seuls verres peints. Il faudra avoir recours, comme l’ont fait les Anciens, aux verres teints dans la masse, et on obtiendra par la réunion de ce moyen, avec celui des peintures réelles, des carnations, des fleurs, moyens qui, ainsi que je l’ai dit plus haut, étoient inconnus des Anciens. On obtiendra alors des effets plus brillaus, et quelquefois aussi harmonieux que ceux des tableaux à l’huile.
« Les plombs de réunion ne doivent pas être regardés comme un obstacle. Placés avec discernement, ils augmenteront l’effet loin de lui nuire, et ils sont, dans beaucoup de cas, préférables au grillage de fer qui s’interpose entre le spectateur et le tableau.
« C’est la réunion de ce moyen des verres teints dans la masse, avec les verres réellement peints, qui constitue cette classe mixte dont j’ai parlé plus haut. Ce moyen n’est pas absolument nouveau ; les Anciens l’ont employé, mais avec une grande imperfection, ainsi que je viens de le dire.
« Le tableau que la manufacture royale de porcelaine exécute en ce moment, et qui doit remplir une des fenêtres de la nouvelle église de Notre-Dame-de-Lorette, est fait par ce procédé mixte, et j’ai lieu d’espérer qu’il atteindra complètement le véritable but de la peinture sur verre, et un effet vif et senti au moyen de couleurs transparentes et inaltérables.
« La 3°. classe est tout-à-fait moderne, et je la crois entièrement due à M. Dihl. C’est la peinture sur glace.
« Les procédés de fabrication des couleurs et de cuisson, sont généralement les mêmes que ceux de la peinture sur verre de la seconde classe. Les différences, et il y en a, consistent dans la fusibilité des couleurs, et dans la différence de cuire des glaces ou pièces de verre de quinze à dix-huit décimètres de côté, d’un seul morceau.
« Les procédés d’application ne sont pas les mêmes. Comme en raison de l’épaisseur de la glace, ou ne pourroit pas peindre des deux côtés de manière à ce que les couleurs se posassent toujours exactement l’une sur l’autre, dans toutes les positions où l’on regarderoit le tableau, et qu’il faut cependant, pour donner aux couleurs de la force sans lourdeur, les placer sur deux surfaces de verres, on donne une partie de l’effet du tableau sur une glace, et on complète cet effet, en appliquant les couleurs et les tons nécessaires sur la surface d’une autre glace. On applique ces deux surfaces l’une contre l’autre de manière que la peinture soit entre deux épaisseurs de glace On obtient par ce moyen des tableaux d’un effet suffisant et agréable, parce que leur lumière est celle du soleil mais il est probable que cet effet ne pourroit jamais être mené au ton nécessaire pour les vitraux d’église : d’ailleurs le prix en est, et en doit être toujours très-élevé. Il est inutile d’en exposer les motifs. M. Dihl a fait, comme je l’ai dit, les premiers tableaux de ce genre en 1800 et 1801. La manufacture de Sèvres en a sait un semblable, et uniquement comme imitatrice de M. Dihl, en 1801. Depuis lors on n’a plus rien fait dans ce genre, parce qu’il n’a pas beaucoup d’applications, et que ses produits sont très-chers. »
De l’état actuel de la peinture sur verre.
« Je comprends par l’état actuel la période qui s’étend de 1800 à 1828.
« L’usage et par conséquent la pratique de la véritable peinture sur verre, avec des couleurs vitrifiables, a cessé vers le milieu du dix-septième siècle. Depuis ce temps, et notamment vers la fin du dix-huitième, il s’est présenté de temps en temps, des chimistes ou des peintres, et principalement des Allemands, qui ont prétendu avoir retrouvé cet art, comme le prétendront tous ceux qui se donneront la peine d’essayer des couleurs de porcelaine sur un morceau de vitre. Mais l’art ne consiste pas uniquement à faire tenir quelques couleurs sur du verre ; il s’étend à la pratique de tous les procédés, et personne, que je sache, n’a mis ces procédés en pratique en grand, parce qu’aucune demande n’étoit faite.
« M. Dihl, en faisant paroître des glaces peintes vers 1798 ou 1800, a réveillé l’attention des Français, et peut-être aussi des autres nations, sur la peinture sur verre. J’étois depuis peu à la manufacture de Sèvres, j’avois peu de notions de cet art ; néanmoins, en étudiant l’ouvrage de Le Viel, et ceux des anciens chimistes qui se sont occupés de cette matière, en m’aidant de la pratique du sieur Méraud, chargé alors de la préparation des couleurs de la manufacture, je parvins à présenter, à la première classe de l’Institut, une série assez complète de couleurs sur verre ; c’étoient des vitres peintes par le procédé de la deuxième classe, c’est-à-dire, avec couleurs vitrifiables fondues par le feu de moufle sur le verre de vitre blanc, sans le secours d’aucun verre teint, et par conséquent sans l’emploi de plombs. C’étoit un essai qui n’eut pas de suite, parce que personne ne demanda de vitraux. Il étoit imparfait à beaucoup d’égards, mais il suffisoit pour faire voir qu’avec des recherches et de la pratique, on pourroit arriver à faire comme les Anciens. La question du rouge purpurin ne fut pas abordée. Cette tentative et les principes de fabrication employés pour le faire, ont été décrits dans le Mémoire que j’ai cité au commencement de cette notice : les pièces sont déposées dans la collection de la Manufacture royale de Sèvres.
« La continuation de l’église de Sainte-Geneviève fit penser de nouveau aux peintures sur verre ; les architectes firent des projets et des demandes, mais les vitraux qu’ils vouloient y placer ne devoient présenter que des ornemens à teintes plates, par conséquent, de panneaux faits presqu’uniquement par le procédé de la première classe. Ils rentroient alors dans le domaine de la verrerie et de la vitrerie.
« M. Mortelègue, fabricant de couleurs, a exposé, de 1809 à 1811, et jusqu’en 1823, différent tableaux peints sur verre et cuits à la moufle, appartenant à la deuxième-classe, c’est-à-dire, faits par le procédé connu des Anciens, sous le nom de verre émaillé, et sans le secours de verres teints. L’absence de ce moyen et celle du verre purpurin, firent que ces tableaux parurent inférieurs à ceux des Anciens, sous le rapport de la beauté des couleurs.
« M. Pâris a fait voir, en 1823 et 1824, quelques peintures du même genre, exécutées par le concours des deux procédés, des verres peints et des verres teints. L’un de ces vilraux est à la Sorbonne, où il produit assez d’effet. Les rouges teints ne sont pas dus au cuivre, mais à du cristal coloré par de l’oxyde d’or, seul exemple de ce genre de coloration que l’on puisse encore citer.
« M. Le Clair a produit, dès le commencement de 1826, quelques peintures sur verre, faites par le second procédé, ou des verres émaillés. Ces essais parurent assez satisfaisans.
« Ces peintures pourroient manquer de belles couleurs, du prestige des oppositions, et de celui du placement ; mais on peut assurer que le talent dont M. Mortelègue a donné des preuves ; dans la fabrication des couleurs de porcelaine, lui eût fait porter cet art à la perfection, si cet artiste français eût été chargé de quelques commandes, qui eussent pu l’engager à s’y adonner.
« J’ai désiré que la Manufacture royale de Sèvres, qui la première avoit donné, en 1802, des preuves qu’on pouvoit peindre sur vitres, quand on le voudroit, ne restât pas en arrière. J’ai donc, en 1823, encouragé M. Pierre Robert, peintre, à s’en occuper. Je lui ai donné, pour cela, tous les secours et les moyens qui dépendoient de moi ; néanmoins, n’ayant aucune commande à exécuter, nous n’avons pu former à Sèvrer, à cette époque, aucun atelier, aucun établissement en grand, et nous avons dû nous borner à produire des échantillons, pour faire voir aux savons, aux artistes, aux amateurs, ce qu’on pouvoit déjà faire, et par conséquent ce qu’on pourroit encore faire.
« M. Robert a exécuté successivement, en 1823, en 1824 et en 1825, des vitraux peints par les deux procédés, c’est-à-dire, en employant des verres teints et peints concurrement, ou en se passant entièrement des premiers. Il n’a pu employer en verres teints que ceux que lui fournissoient les verreries, et par conséquent, il a dû chercher à remplacer par des mélanges et des superpositions ingénieuses de couleurs, le verre purpurin, qu aucune verrerie ne fournissoit alors. On voit, par les pièces de 1823, de 1824 et de 1825, comment il a successivement amélioré ses couleurs et ses teintes, et comment il est parvenu, dans le grand panneau de la Sainte-Chapelle à suppléer presqu’entièrement le verre purpurin au moyen des vouées tirés de l’or.
« Les progrès résultant d’une pratique aussi peu active, que l’exécution de cinq à six petites vitres, sont cependant sort remarquables. M. Robert présenta, en 1825, un bouquet quet peint sur vitre, avec ses couleurs et sous la direction de M. Schilt. Ce bouquet est d’autant plus remarquable, que je ne connois aucune peinture de ce genre dans les vitraux anciens, qu’il est bien sous tous les rapports, et que ce pourroit être un genre de décoration très-convenable pour des monumens religieux, ainsi nue pour des maisons ou des châteaux.
« Enfin, comme on parloit toujours des procédés des Anciens, qui étoient perdus, qu’on disoit que les vitraux modernes en différoient beaucoup, j’ai voulu prouver l’erreur de cette opinion, en faisant copier exactement par M. Robert, une grande partie d’une fenêtre de la Sainte-Chapelle. Cette copie, faite presqu’à s’y tromper, est exposée, depuis 1826, dans la collection de Sèvres.
« Ces publications successives, ces essais, mis sous les yeux du public et des artistes à Sèvres, et dans les expositions publiques de la Manufacture, au jour de l’an, ne servirent à rien ; ils ne détruisirent pas l’opinion enracinée que l’art de peindre sur verre étoit perdu, et n’empêchèrent pas de croire qu’il venoit d’être retrouvé en Angleterre. Ainsi, l’ignorance trop générale où l’on étoit de l’état de cet art en France, et le desir très-louable de nous en faire jouir, en l’y important, engagèrent à aller, en 1826, chercher des artistes anglais pour transporter à Paris un art que l’on y possédoit depuis 1802, et dont on avoit vu successivement des produits en 1809, 1811, 1823, 1824 et 1825. Mais ces produits avoient été présentés sous de petites dimensions, parce qu’on ne fait pas sans commande des panneaux de croisées très-dispendieux, et qui n’ont de place que dans les édifices pour lesquels ils ont été commandés. On vit donc en septembre 1826 un grand tableau représentant le mariage de la Vierge, pour la chapelle de la Vierge de Saint-Etience-du-Mont ; et enfin, on fit venir, pour d’autres croisées, trois autres tableaux entièrement faits en Angleterre.
« Ces tableaux ont été faits sous la direction de M. le comte de Noé ; ils sont exécutés par les procédés de la seconde classe, c’est-à-dire par celui des verres blancs peints avec des couleurs vitrifiables cuites à la moufle. Ils offrent déjà, sous le rapport des couleurs et des carnations, des résultats de beaucoup supérieurs à ceux des Anciens ; mais, à l’exception de leur dimension, ils ne présentent aucun résultat qu’on n’eût pu obtenir à Sèvres, si on eût eu une pareille commande.
« M. Robert à voulu prouver, en exécutant, pour H. Dusommerard, un petit tableau sur verre, et pour la Manufacture de porcelaine, une copie de la même grandeur que l’original du tableau de Vierge d’André Solario, qui fait partie de la galerie du Musée royal. Cette copie a été faite par M. Constantin, afin que le mérite des arts du dessin, en se réunissant à celui des arts industriels, ne fît pas attribuer à ceux-ci des défauts d’incorrection qui lui sont tout-à-fait étrangers, auxquels on ne devroit faire aucune attention, mais qui attirent presque toujours l’œil et la critique des spectateurs. Tout nouvellement, c’est-à-dire dans le premier semestre de 1828, nous avons vu trois nouvelles productions de l’art de peindre sur verre, qui établiront, je l’espère, pour les incrédules, que cet art n’est perdu dans aucune de ses parités, et que l’essor qu’on lui a donné, depuis deux ans, quoique encore foible en comparaison de l’activité qu’il avoit dans le seizième siècle, lui a fait trouver tout ce que la pratique enseigne, et l’a porté déjà au-dessus de ce que faisoient les Anciens.
« M. le préfet de la Seine a commandé à la Manufacture royale de Sèvres deux fenêtres avec ornemens et sujets de figures, pour l’église de Notre-Dame-de-Lorette, et M. le vicomte de la Rochefoucauld a établi, dans la Manufacture royale de porcelaine, et d’après la volonté du Roi, un atelier particulier de peinture sur verre. Une grande partie de ces fenêtres est déjà exécutée, avec un éclat de couleurs et un coloris de carnation, de beaucoup supérieur à ce que faisaient les Anciens dans ce genre. Les figures du milieu, qui seront faites par les procédés réunis de la première et de la seconde classe, produiront, par cette réunion, tout l’effet qu’on peut désirer.
« La fabrique anglaise, sous la direction de M. le comte de Noé, vient de terminer une tête de Christ, et deux figures d’une grande dimension, qui, faites entièrement par le procédé de la deuxième classe, sont supérieures, sous le rapport de la variété, de la force et de l’entente du coloris, non-seulement à ce que les Anciens ont produit dans le même genre, mais encore à ce que cette fabrique a déjà fait.
« Enfin, un jeune Suisse, M. Muller, de Berne, vient d’apporter à Paris des petits vitraux faits avec une grande perfection, par un procédé exactement et trop complètement conforme à celui des Anciens, et qui appartient à la 2e. section de la première classe. Il consiste principalement, comme on sait, à employer des verres teints à deux couches, etc. Je dis trop complétement, car la couleur roussâtre de ces carnations y a été scrupuleusement conservée. Mais M. Muller a dû faire faire dans les verreries de France, tous les verres colorés qui lui étoient nécessaires, sans en excepter le beau verre purpurin qui, comme je l’ai déjà dit, mais il faut le répéter, avoit déjà été fait à Choisy, sur les renseignement donnés par M. Pierre Robert.
« Je ne parle pas de MM. Le Gros d’Anisy, Muller de Strasbourg, Henri Ducrocq de Douai, Girard de Paris, etc., et d’une multitude d’autres artisans, artistes ou, fabricant qui ont présenté des essais incomplets de peinture sur verre, trop inférieurs à ceux que j’ai cités, pour qu’on puisse l’y arrêter.
« Néanmoins, M. Le Gros fit, 1800, avec le concours de MM. Perrenot et Candel, un portrait sur vitre du 1er. Consul en habit rouge purpurin, couleur qu’il obtint avec de l’argent. Ce portrait n’a été vu que de peu de personnes, et j’en ignorais l’existence en 1802.
« Tels sont les différens progrès qu’a faits la peinture sur verre depuis sa réapparition en 1800 et 1802, et sa véritable renaissance, premièrement en 1811, par M. Mortelègue, et secondement en 1823 et 1824, par MM. Pâris et Robert. Tel est son état actuel en join 1828. On voit qu’elle est déjà supérieure, sous let rapport des couleurs de fruits, de fleurs et de carnation, à ce que faisoient les Anciens ; qu’elle ne lui est pas inférieure sous le rapport des procédés, et sous celui des verres teints de toutes couleurs et de toutes les nuances, sans excepter le rouge-purpurin du protoxyde de cuivre.
« On voit que pour mériter maintenant d’être distingué dans cet art, il faut présenter des vitraux plus grands, plus solides, plus éclatans et plus variés de couleurs, faits par des procédés plus économiques, plus ingénieux, et non moins solides que ceux que l’on emploie actuellement. J’ajouterai enfin, qu’aucun des principaux procédés n’est un secret ; que tout au plus quelques nuances de couleurs sont la propriété de ceux qui les ont déjà découvertes. Je compte décrire ces procédés avec quelque détail. »

L’empire de la mode et la manie du changement, qui sont un des caractères très-distinctifs du goût des peuples modernes dans tous les arts du dessin, ont porté depuis quelque temps les esprits à rétrograder jusque dans les siècles d’ignorance, qui virent s’élever les monumens qu’on appelle gothiques. Par une inconséquence naturelle à cet esprit de changement qui, ne pouvant avoir aucun principe, n’adopte pas le bon parce qu’il est bon, mais parce qu’il sera nouveau, on voit les mêmes hommes qui flétrissent du nom de gothique, les idées, les opinions ou les habitudes anciennes, tendre à rappeler le goût d’architecture qu’on appelle ainsi, sans penser qu’il tient à des élément incompatibles avec les besoins actuels, avec les ressources des arts, et avec l’accord qui ne sauroit plus exister outre les principes de ces arts, et le genre de bâtisse du moyen âge.

C’est à cet esprit insatiable de changement, qu’on doit les essais et les tentatives qu’on voit se reproduire, pour ramener dans l’architecture la pratique de la peinture sur verre, qu’on croit ressusciter, comme si ses procédés avoient été perdus, et qu’on voudroit appliquer de nouveau à décorer les vitraux des églises ou des palais, usage qui n’eut de crédit, dans ces temps anciens, que parce qu’il n’y avoit plus d’autre peinture, et parce que la construction des églises gothiques n’offroit presqu’aucune surface à l’art de peindre.

Apres avoir montré, dans le savant rapport de M. Brongniart, que l’art de peindre sur verre, loin d’être perdu, sera pratiqué dès qu’on le voudra, avec une supériorité à laquelle n’auroient pas pu parvenir les artistes qui ont décoré les vitraux gothiques, il resteroit à traiter la question de convenance sur ce sujet. C’est-à-dire l’art de peindre sur verre dans les fenêtres est-il en accord avec les besoins actuels ? L’état de nos arts et le luxe de nos édifices réclament-ils l’emploi de ce genre de peinture ? Ce genre pourroit-il se reproduire et s’accréditer sans nuire à la véritable peinture ? Cette discussion trouvera sa place au mot Vitre (Peinture sur).