Aller au contenu

Encyclopédie méthodique/Architecture/vitre

La bibliothèque libre.

VITRE, s. f. , de vitrum, qui veut dire verre. On donne ce nom à des carreaux ou plaques de verre, de toutes formes et de dimensions différentes, dont on remplit les espaces plus ou moins grands, que forment les montans ou les traverses des châssis, le plus souvent en bois, qui servent à fermer les ouvertures des fenêtres. La vitre sert ainsi de clôture, et en même temps qu’elle intercepte l’action de l’air extérieur, elle laisse passage à la lumière dans l’intérieur des chambres et des appartemens.

Nous avons eu déjà occasion de faire voir, que l’usage du verre remonte à la plus haute antiquité. Les textes des plus anciens écrivains, et les restes les plus nombreux d’ouvrages les plus antiques en verre, ne sauroient permettre d’en douter. (Voyez Verre.) Il ne paroît pas qu’il en ait été de même des carreaux de verre appliqués aux châssis des fenêtres. Au mot Pierre spéculaire nous avons rendu compte de quelques-unes de causes qui rendirent moins nécessaires, qu’on ne pourroit le croire, chez les Anciens, l’usage des carreaux de vitre. Beaucoup de matières équivalentes en tenoient lieu quant à la transparence ; et à l’égard de la clôture que produit aussi la vitre, chacun sait par combien de sortes d’objets on peut y suppléer, et combien la différence des mœurs et du climat rendoit les intérieurs des maisons, moins susceptibles de certains agrémens et des commodités qu’exigent aujourd’hui, et dans nos pays, la manière de vivre et les usages de la société.

Cependant, il paroît qu’au temps de Sénèque l’usage des carreaux de vitre devint usuel dans les maisons. C’est à peu près vers son époque, et même plus tard, que les villes d’Herculanum et de Pompeia furent ensevelies sous les différentes éruptions du Vésuve. Or, on a trouvé dans les ruines de cette dernière ville, non-seulement des carreaux de vitre, mais même des châssis de métal avec leurs vitres.

Nous voyons, par une multitude de passages et d’autorités historiques, les carreaux de vitre employés dans le moyen âge, et devenir, par le secours de la peinture sur verre, les matériaux usuels de ces grands vitrages, dont les plus anciennes de nos églises virent orner les grandes vertures de leurs fenêtres.

Vitres (peinture sur). A l’article Peinture sur verre (voyez Verre), nous avons fait connoître, dans le travail que nous a communiqué sur cet art M. Brongniart, membre de l’Académie des sciences, et le plus expérimenté de tous nos savans en cette matière, quels sont les divers procédés de ce genre de peinture, ce qu’on devoit penser des préjugés qui règnent à cet égard sur la supériorité des Anciens, et à quel degré de perfection les tentatives modernes ont porté les moyens de renouveler, si on l’encourageoit, cette sorte de peinture décorative.

L’article présent n’aura pour objet que de rechercher les causes qui donnèrent autrefois la vogue à l’emploi de la peinture sur les vitres des fenêtres, les causes qui en ont amené la désuétude, et ce qu’on peut encore se promettre du renouvellement de cet usage.

Et d’abord, nous croyons pouvoir avancer que l’antiquité grecque ou romaine ne connut ou n’employa point ce genre d’ornement dans les édifices Non qu’on veuille nier que les Anciens dont nous parlons, plus habiles qu’on ne le croit d’ordinaire dans le travail du verre, aient méconnu le secret de le colorer. (Pour ne pas alonger inutilement cet article de citations archéologiques, nous renverrons le lecteur à l’article Verre du Dictionnaire d’Antiquités de l’Encyclopédie, où de nombreuses autorités déposent du savoir des Anciens en cette partie.) Il n’y a d’ailleurs personne qui ne sache à quel point le travail des mosaïques employa les émaux, c’est-à-dire des cubes de verre colorié dans la pâte.

Nous avons fait voir par quels moyens habituels les Anciens suppléèrent, dans leurs specularia, aux carreaux de vitre (voyez Fenêtres, Spéculaire), qui, à ce qu’il paroît, si l’on en croit un passage de Sénèque (lettre 90), ne furent guère en usage à Rome que de son temps. Faut-il restreindre à Rome la notion de cet écrivain ? On seroit tenté de le croire, ou de penser au moins qu’il entend parler, non de l’invention des carreaux de vitre, mais de leur application aux fenêtres devenue plus générale, au lieu de la pierre spéculaire, à laquelle les mots perlucente testâ ne semblent pas convenir. Des carreaux de vitre montés sur un châssis métallique, et retrouvés dans la petite ville de Pompeia, ensevelie sous les cendres du Vésuve, l’an 79 de notre ère, semblent devoir prouver que l’usage dont parle Sénèque étoit répandu ailleurs qu’à Rome.

Quelqu’opinion qu’on se forme de l’usage des vitres dans l’antiquité, et tout en reconnoissant que, vu la grande pratique des Anciens dans le travail du verre, aucune raison fondée sur la difficulté d’obtenir de cette matière, des tables ou des carreaux, ne put en tendre l’emploi ni rare ni dispendieux, il sera toutefois permis de douter qu’ils aient essayé d’appliquer à leurs vitraux des verres coloriés, encore moins des verres peints ou ornés de peinture, selon le vrai sens de ce mot.

En distinguant soigneusement, en ce genre, les verres qu’il faut appeler teints, plutôt que peints, c’est-à-dire les verres coloriés à la verrerie, dans la pâte, d’avec les verres peints, c’est-à-dire qui reçoivent des couleurs superposées et que l’action de la chaleur y incorpore, il est assez naturel de penser que vers les derniers siècles, ou ceux du bas-empire, à Constantinople surtout, la grande pratique de la mosaïque en émaux, auroit pu propager le goût de certaines marqueteries en petits morceaux de verre coloriés dans la pâte.

Ce goût s’est encore conservé, dans ce pays jusqu’à notre temps, et contribue aujourd’hui à former les enjolivemens des vitraux dans les intérieurs des maisons. Mais quel qu’ait pu être l’emploi de ce goût d’ornement, dans le bas-empire, il est tout-à-fait invraisemblable que l’art de peindre en grand sur des vitraux, art difficultueux et dispendieux, ait trouvé alors les occasions de se propager, en supposant qu’on l’eût connu.

Il paroît probable que ce sera la construction des églises chrétiennes qui aura fait accueillir ce genre d’ornement. La grandeur des fenêtres et des vitraux que ces églises demandèrent, l’aura d’autant plus naturellement favorisé, que dans cette entière décadence du dessin et des arts d’imitation, beaucoup de procédés techniques et métallurgiques, ne laissoient pas de survivre par les routines des ateliers. Les autorités positives nous manquent pour constater quel put être, jusqu’aux siècles qui virent élever dans le moyen âge les églises gothiques, l’état des procédés propres à faire des vitraux en verre de couleur.

Mais vers le douzième siècle, furent commencées d’être construites, en pierre, dans toute l’Europe chrétienne, ces nombreuses et vastes églises, qui, selon toutes les apparences, remplacèrent d’anciennes constructions en bois. A cette époque, toute idée d’art et de peinture avoit disparu, excepté dans cet sortes de travaux de manufacture, que les corporations ouvrières de ce temps, pratiquoient et perpétuoient. La peinture sur vitres fut de ce nombre. Elle continua d’être appliquée, soit en ornemens, dans les compartimens des grandes rosaces, et dans les encadremens ; soit en compositions de figures, dans les panneaux des grandes fenêtres, qui furent ainsi converties, si l’on peut dire, en tableaux.

Ces tableaux, dont quelques belles substances colorantes faisoient le charme, et dont le soleil ou la clarté du jour faisoient l’effet, étoient composés d’une multitude de petites pièces de verre, les unes coloriées dans la verrerie ; les autres revêtues de couleurs superposées, et réunies comme un travail de marqueterie, par de petites bandes de plomb, ou affermies par de petites tringles de fer. Mais la hauteur où étaient ces vitraux, et la distance d’où on les voyoit, rendoient peu sensibles ces sortes de ligamens, qui, en interrompant la continuité des parties, seroient un grave inconvénient vus, de près, et surtout dans des ouvrages soumis aux convenances d’une véritable imitation. Il n’étoit d’ailleurs question, pour le goût de ces temps, et, en raison des connoissances d’art répandues alors, que de plaire aux yeux, par un mélange brillant et varie de toutes sortes de configurations coloriées.

Or, on ne sauroit nier que ce spectacle de vitraux coloriés, n’ait été, dans les églises gothiques, un de leurs principaux mérites ; et n’ait contribué, par un effet mystérieux, à produire des impressions conformes aux sentiment religieux. Ce genre de décoration, né avec le système de la bâtisse gothique, devoit, dans chaque pays, subsister autant que le goût auquel il avoir été approprié.

La renaissance des arts de l’antiquité, c’està-dire du goût de la véritable imitation, devoit, en ramenant l’architecture et la peinture, aux principes de l’ordre, et de la vérité naturelle, discréditer l’emploi d’un genre et d’un procédé de peinture, plus soumis à la pratique routinière des manufactures, qu’au talent et au génie de l’artiste. La peinture renaissante en Italie, s’empara de nouveau de la décoration des églises. Aussi voyons-nous dès le quinzième siècle, disparoître la peinture sur vitres, malgré les améliorations qu’elle avait elle-même éprouvées.

La France suivit, mais plus tard, et plus lentement, le mouvement imprimé en Italie, à tous les arts d’imitation. Le goût gothique beaucoup plus répandu par l’architecture, et surtout par celle des églises, n’y fut réellement déraciné que dans le dix-septième siècle. Déjà la peinture était arrivée à un très-haut point, mais plus d’une circonstance l’avoit empêchée de prendre son essor, dans la décoration des églises. Aussi voyons-nous encore dans ce siècle, des vitraux d’église et de cloître, perpétuer l’ancienne pratique, toutefois avec un meilleur goût de composition, de dessin et de couleur. Il devoit cependant arriver, et il arriva, qu’en France au dix-septième siècle, comme en Italie au quinze et seizième, la véritable peinture employée selon le génie qui lui convient, et appliquée à ses plus nobles emplois, dut faire tomber dans l’oubli la peinture sur vitres ; et l’on voit que cette sorte d’art, liée au goût de la construction, gothique disparut avec elle.

Dans la vérité, le succès qu’elle avoit eu en l’absence de la véritable peinture, dut discontinuer, lorsque celle-ci lui opposa, et la science du dessin, et la grandeur des compositions, et la vérité du coloris, et la facilité du transport, et les variétés des tons, ses procédés et l’économie de son exécution. Il est en effet dans la destinée de la peinture sur vitres, de ne pouvoir être employée qu’en fenêtres, et de ne pouvoir recevoir son effet que de la transparence de la matière ; ce qui fait qu’elle ne peut s’accommoder que d’une seule position, lorsque toute espèce de local est propre à recevoir les autres sortes de peinture. Son très-grave inconvénient est encore, de ne pouvoir exister que sur la matière la plus fragile, de ne pouvoir se pratiquer que sur des assemblages dé carreaux de verre, plus ou moins multipliés, ce qui offre à la composition et à l’ensemble des figures, plus d’un genre de difficultés et de désagrémens.

D’ailleurs ce genre de magnificence, noble mais triste, dont on décoroit les églises, offroit de plus grands inconvéniens dans les palais des princes. Il produisoit à leur intérieur une sorte d’obscurité, surtout quand le sujet qu’on peignait étoit riche et composé. La difficulté d’ouvrir les châssis des fenêtres, et la crainte de casser les vitraux, empêchoient de renouveler l’air, et l’interception des rayons de la lumière ajoutoit a l’insalubrité. Cette réunion d’inconvéniens fit décheoir la peinture sur vitres avec tant de rapidité, que le célèbre Palissy fut obligé d’y renoncer. Il tourna son talent du côté de la poterie, et se réduisit, pour vivre, à peindre sur la faïence.

Voilà les vraies considérations qui tendent à expliquer la désuétude de ce genre d’art, désuétude qu’on ne sauroit attribuer, comme on a pu le voir (voyez Verre (Peinture sur)), à l’ignorance des procédés, qui n’ont jamais manqué de se reproduire de temps à autre, dans des essais que le goût régnant et celui de l’architecture ont nécessairement manqué d’encourager.

Ce besoin de nouveauté qui tourmente les sociétés modernes, et qu’on ne trouve guère le moyen de satisfaire qu’en ressuscitant de l’ancien, a tenté depuis un certain nombre d’année, en Angleterre surtout, de faire rétrograder le goût de bâtir jusqu’au gothique, et on a vu des églises nouvelles bâties à neuf dans ce système. Faudroit-il attribuer à cette bizarrerie en construction, l’idée de renouveler aussi le genre de peinture qui accompagna jadis les monumens des siècles d’ignorante ? Il y a déjà près de quarante années que l’art des vitraux peints s’est reproduit chez les Anglais, dans des ouvrages qui sont l’illusion des tableaux en figures. On en donnoit pour raison, que les images de tout genre ne pouvant point trouver place dans les églises protestantes, on avoit regardé les vitraux peints comme un moyen d’éluder en faveur des arts du dessin la défense religieuse. Depuis celle époque, l’art de peindre sur vitres, et de transformer de nouveau les fenêtres en tableaux, paroît avoir occupé plus d’un artiste.

On a vu à l’article Verre (Peinture sur), que des artistes anglais avoient été appelés à Paris pour y exécuter de ces sortes de tableaux, et il a été prouvé dans ce même article, que le prétendu secret des Anciens en ce genre n’en étoit pas un ; qu’il n’avoit pas cessé d’être connu, et qu’avant les travaux des artistes anglais, d’assez nombreux ouvrages faits à Paris témoignoient que ce n’étoit point l’art qui avoit manqué à cet emploi, mais bien l’emploi des ouvrages qui avoit manqué à l’art.

Maintenant, les seules questions à résoudre seroient de savoir : 1°. si un procédé aussi dispendieux peut être renouvelé avec avantage, tant que le besoin n’en favorisera point l’exploitation ; 2°. si ce besoin peut se reproduire naturellement dans nos édifices et dans leur décoration ; 3°. s’il importe réellement de faire renaître ou d’encourager l’exigence d’un semblable besoin.

Quant à la première question, on ne peut se dissimuler que vainement toute invention, toute industrie, toute fabrication se trouveront importées, excitées, cultivées dans des temps et des pays où manqueroient les principes qui peuvent les faire prospérer. Chaque plante, chaque production de la nature veut un sol et un ciel propice, dont les soins de la culture la plus assidue, ne remplaceront ou ne compenseront jamais l’absence. Réciproquement, le défaut de culture ne se trouvera pas toujours corrigé par les causes naturelles. Il en est de même des productions des arts. Leur succès dépend d’abord, entre beaucoup de causes naturelles, de celle qu’on doit appeler le besoin. Dès qu’un art n’a point ses racines dans le fond de quelque emploi nécessaire et commandé par quelque usage public ; dès qu’il ne se lie ni à certains besoins, ni à un certain nombre de pratiques agréables qui sont partie des mœurs et des plaisirs de la société, cet art pourra bien devenir un objet de luxe ou de curiosité ; mais si ce luxe est dispendieux, s’il ne trouve d’aliment que dans la munificence d’une protection particulière, sa destinée sera de passer promptement et de disparoître. Or, lorsqu’un applique ces considérations à des ouvrages qui sont déjà par eux-mêmes, dans chaque pays, les objets de la plus grande dépense, je veux dire les ouvrages de l’architecture, en grand surtout, tels que temples, palais, monumens publics, on ne sauroit présumer qu’un genre de peinture aussi dispendieux, et toutefois nécessairement inférieur à tous ceux qui entrent aujourd’hui dans la décoration, puisse devenir une sorte de besoin, comme autrefois, lorsqu’il étoit le seul luxe de décoration intérieure des églises.

Ceci nous conduit à la seconde question. Est-il probable que le goût du public en vienne naturellement à regretter la pratique de ce procédé de peinture et de ses applications, au point de lui rendre, dans l’opinion, l’importance qu’elle accorde à ces arts, dont on s’est suit un besoin ? Nous répondrons que rien n’est moins probable. La fausse idée qu’on s’étoit faite du prétendu secret de cette peinture, et de l’ignorance de notre temps à cet égard, a pu éveiller cette espèce d’amour-propre, qui souffriroit d’une infériorité trop réelle, dans un art si intimement lié à la science de la chimie et aux procédés métallurgiques. Mais dès qu’il est reconnu que l’on n’ignore rien, et même qu’on peut défier la science du passé sur tous les points d’exécution en ce genre, il n’est plus permis de croire que la peinture sur vitres puisse devenir même un besoin d’amour-propre. Ne seroit-il pas permis encore de présumer, que très-naturellement l’esprit du temps actuel, que les circonstances qui ont si singulièrement diminué les ressources des établissemens religieux, et détourné dés intérêts matériels du culte les affections protectrices de ce genre de peinture, s’opposeroient à son rétablissement, loin d’en seconder les entreprises ?

Mais importe-t-il réellement de prendre les moyens, quels qu’ils puissent être, de faire revivre l’art de faire des tableaux sur verre, en encourageant, par des exemples, tout ce qui pourroit reproduire le besoin ? La réponse à cette troisième question ne sauroit être difficile.

On a déjà vu que la peinture sur vitres en figures avoit dû la vogue qu’elle obtint, dans le moyen âge, à la tradition des procédés techniques de la mosaïque et des opérations métallurgiques conservées par les corporations, lorsque tous les arts du dessin se trouvèrent enveloppés dans une ignorance générale, et qu’à défaut de toute autre peinture, l’architecture gothique avoit protégé singulièrement l’art de transformer en tableaux les vitraux de ses grandes et nombreuses fenêtres dans les églises. Si l’on examine ensuite les entreprises de cet art, à ses diverses époques, on voit qu’à celle où il jeta le plus d’éclat, dans les compositions et les figures de ces sortes de tableaux, ce qu’un y admira, et ce qu’on y admire encore le plus, se réduit uniquement à la beauté des substances colorantes. Pour ce qui fait le fond de l’art de peindre, il y est entièrement livré à la routine la plus ignorante, et effectivement cette manière de composer de grandes scènes, par une réunion de petits morceaux de verre coloriés, assemblés avec des plombs, ne pouvoit que présenter les plus grands obstacles au succès de compositions, vues d’ailleurs de trop loin, pour qu’on pût y chercher autre chose que le plaisir des yeux. Que si on examine les travaux de cet art, à sa dernière époque, c’est-à-dire depuis la renaissance des beaux-arts, et de la peinture en particulier, on avouera qu’il s’est fait des ouvrages sort recommandables par le bon goût de la composition, du dessin et de la vérité. Mais ce furent surtout de petits vitraux placés sous l’œil, dans les cloîtres, et d’autres locaux d’une petite dimension.

Cependant ce genre de peinture en petit, difficultueux et dispendieux de sa nature, devoit bientôt disparoître, ainsi qu’on l’a vu, dès que la vraie peinture, avec ses nombreuses et immenses ressources, avec ses procédés plus ou moins expéditifs, selon les genres, fut rentrée dans son domaine et eut reconquis son légitime empire. Pouvoit-il en arriver autrement, et la peinture sur vitres, par la seule raison qu’elle n’a d’emploi que sur le verre, ne devoit-elle pas être bientôt abandonnée ?

Quelle raison y auroit-il donc aujourd’hui de faire renaître l’emploi d’une peinture qui ne reposeroit que sur un besoin factice, qu’aucune utilité ne motiveroit, et qui hors des vitraux, que leur position éloigneroit de la vue et des accidens d’une destination usuelle, resteroit toujours au-dessous des autres productions du pinceau ?

Quelque perfection que ce genre puisse atteindre en grand, par l’exécution d’un peintre habile, on peut affirmer que jamais il ne lui sera donné d arriver à tous les degrés de hardiesse, de liberté, de correction, de charme et d’harmonie des autres genres. Que faire ensuite des produits d’un art dont la fragilité permet à peine le déplacement, qui ne sauroit trouver place dans les collections de tableaux, qui n’est propre qu’à faire des châssis, que le moindre accident peut détruire et que rien ne peut réparer ?

Seroit-ce d’ailleurs à une époque où le nombre des peintres surpasse à un degré aussi prodigieux le nombre des emplois à faire de leurs talens, qu’on iroit porter de grandes dépenses à un genre de peinture nécessairement inférieur et naturellement stérile ?

La peinture sur verre ou sur vitres, ne peut plus être qu’un objet de curiosité, propre uniquement à prouver que si l’on n’en sait que peu ou point, c’est qu’on n’en veut pas davantage ou qu’on n’en veut pas du tout.

Faudroit-il cependant exclure ce procédé curieux et intéressant des entreprises de l’architecture ? Nous croyons que le bon esprit, dans la culture et dans l’emploi des arts, ne doit rien rejeter ; qu’il peut, au contraire, et doit accueillir et admettre tout ; mais que ce bon esprit consiste à placer chaque chose en son lieu, dans la mesure qui lui convient, et avec le discernement des convenances qui lui appartiennent.

Ainsi, la grandeur des vitraux de nos églises en forme une partie assez considérable, pour que le goût doive admettre volontiers un genre d’ornemens qui arrête agréablement les yeux, sans prétendre à être une décoration trop importante, qui, sans intercepter le jour et la lumière que réclament les intérieurs, en tempère jusqu’à un certain point l’excès ; qui pouvant se composer de petits compartimens, rende leur exécution peu dispendieuse, leurs ligament moins sensibles, et leur réparation facile et de peu de dépense.

Or, le système de peinture qui seroit propre à remplir ces conditions, nous paroît devoir être celui qu’on appelle du nom général d’ornemens dans l’architecture. Il consiste en rinceaux, en enroulemens, en compositions de feuillages, de fleurs, de festons, de symboles variés, de tous les objets enfin que l’architecture dispose dans ses profils ou dans toutes les parties courantes, et qui se répètent, comme entrelas, postes, oves, perles, patères, etc.

Rien donc n’empêcheroit de faire servir la peinture sur verre à reproduire, dans de telles séries d’ornemens, les vives couleurs des objets naturels, qui deviendroient naturellement les encadremens des grands vitraux. Rien n’empêcheroit que, selon l’espace donné, les angles et le centre d’un vitrail, répétant certaines distributions des voûtes et des plafonds de l’’architecture, reproduisissent les compositions ingénieuses, les compartimens variés, et les diversités d’effet de l’arabesque.

La peinture sur vitres, comme cette dénomination l’indique d’une manière plus spéciale, ne pouvant réellement produire son effet pour les yeux, et par conséquent acquérir l’existence qui lui est propre, qu’au moyen de la transparence, exigeant dès-lors une situation qui mette son fond dans le cas de servir de vitre, on ne dissimulera point qu’il peut y avoir quelques emplois intéressans à faire, quoiqu’en petit, de cette sorte de procédé. Quand on dit en petit, c’est par comparaison aux vitraux des grandes églises. Comme cette peinture peut être pratiquée, soit sur de fort grands carreaux ou sur ce qu’on appelle des glaces, plus d’un ouvrage exécuté depuis peu de temps, sur de semblables tables de verre, nous montre que l’on peut y admettre des images de grandeur naturelle.

Pour en donner quelques exemples, un oratoire, une petite chapelle mystérieuse, recevroient avec beaucoup de convenance quelque belle tête de Vierge, quelque figure de sainteté, sur un vitrage dont la peinture même intercepteroit la lucidité : ce qui conviendroit au caractère du local.

Nous ne croirions pas non plus qu’il fût déplacé d’admettre ce genre de luxe dans quelques cabinets ou appartemens de palais, et d’en décorer les petits vitraux par quelques scènes agréables de certains portraits historiques ou d’objets allégoriques, partout enfin où lus fenêtres ne seroient pas exposées aux accidens que produisent un service habituel el la fréquentation d un public nombreux.

Il seroit vrai de dire que, restreinte à ce petit nombre d’emplois, la peinture sur vitres deviendrait un travail de luxe et de curiosité, qui ne pourroit que gagner une valeur nouvelle des secours et de l'influence de la véritable peinture, sans pouvoir lui porter préjudice, soit en usurpant les sommes que lui doivent procurer les grandes entreprises, soit en prétendant se substituer à elle, comme la chose arriva aux siècles qui virent élever les églises gothiques.