Encyclopédie méthodique/Physique/ARTILLERIE

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ARTILLERIE (l’) eſt l’art qui apprend à faire uſage des armes à feu ; dans un ſens plus étendu, il a pour objet la conſtruction de ces armes, & de tout ce qui a rapport à l’emploi de la poudre à canon dans l’art savant & terrible des combats. L’artillerie auroit alors trois parties principales, celle de tirer les canons, de jeter des bombes, de creuſer & de conduire des mines, qui toutes ont une théorie, & exigent une grande pratique. St.-Remi, Belidor, Leblond, Dulacq & pluſieurs autres ont donné des traités particuliers ſur ce ſujet.

L’artillerie chez les anciens étoit bien différente de la nôtre, car ils ne connoiſſoient pas la poudre à canon dont l’invention eſt moderne ; leurs armes de jet étoient les balistes, les catapultes, &c. bien inférieures à nos armes à feu, quoi qu’en diſent le Chevalier Folard & ſes ſectateurs. « Quelle différence en effet, de ces machines compliquées, auxquelles il falloit des chars pour les voiturer, & qu’on ne mettoit en batterie qu’avec peine, des machines dont les montans & les bras donnoient tant de priſes aux batteries oppoſées, qu’on ne pouvoit mettre en action qu’à force de leviers, de cordages, de moufles, de treuils, auxquelles on oppoſoit des tours de charpente qui réſiſtoient à leurs efforts pendant des temps infinis ! quelle différence de ces machines à nos bouches à feu qui ſe chargent aiſément & qui ſe mettent en batterie ſur l’affût même qui ſert à leur transport ! quelle différence dans la longueur & la juſteſſe des portées, dans la force des mobiles projetés & dans la rapidité des effets ! voyez ces boulevards détruits & réduits ſi promptement dans un monceau de décombres, des fronts entiers de fortification que le ricochet force d’abandonner, des retranchemens ouverts & renverſés, des files entières de cavalerie & d’infanterie emportés, le feu, l’effroi, l’épouvante, la mort portés à des diſtances incroyables par la force inexplicable du fluide élaſtique de la foudre, mis en action par l’inflammation ſubite : comparez ces reſſorts avec celui des machines anciennes, & jugez. »

L’origine de l’artillerie ne peut être que poſtérieure à la découverte de la poudre à canon, qu’on attribue avec quelque fondement à Roger Bacon, cordelier d’Oxfort, qui en fait la deſcription dans ſon traité de nullitate magiæ, imprimé en 1216 à Oxfort. Voyez la notice de ſa vie, article BACON. Dès que la découverte qu’il avoit faite de la poudre à canon eut été répandue dans le public, les ingénieurs en firent auſſitôt uſage dans le ſiége des places ; ils renfermèrent ce mélange de ſalpètre, de ſoufre & de charbon, dans de longs cylindres formés de lames de fer jointes enſemble & fortement attachées avec des anneaux de cuivre : ce furent-là les premiers canons. On mit au-deſſus de la poudre, un bouchon, & au-deſſus du bouchon, des pierres rondes & fort peſantes. L’exploſion de la poudre chaſſoit ces pierres avec violence, & par leur choc elles abbattoient les tours des places fortifiées. Mais le diamètre de ces canons étoit énorme. L’uſage du canon étoit connu en France avant 1338 : on a prétendu qu’en 1380, les Vénitiens s’en ſervirent dans leur guerre contre les Génois. Mahomet II fit battre les murs de Conſtantinople, en 1453, avec des pièces du calibre de douze cents livres, qui ne tiraient que quatre fois par jour. Lorſqu’on eut enſuite trouvé le moyen de fondre des boulets de fer, on fondit des canons de bronze, beaucoup plus petits ; après vinrent les canons de fer, qui furent coulés, & après forés. Mais l’hiſtoire ne nous apprend pas quelles ont été les époques & les degrés ſucceſſifs de perfection auxquels cet art deſtructeur eſt enfin parvenu ; elle eſt telle, cette perfection, que l’artillerie ſemble preſque ſeule décider du ſort des combats. (Voyez Poudre à canon, Canon, Bombe.)