Encyclopédie méthodique/Physique/ATTRACTION ÉLECTRIQUE

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ATTRACTION ÉLECTRIQUE. On donne ce nom à la tendance qu’on obſerve entre deux corps quelconques dont l’un eſt électriſé & l’autre ne l’eſt pas quelle que ſoit l’eſpèce d’électricité qui règne ; tendance qui les porte à ſe rapprocher & à s’unir. Suppoſons qu’un corps ſoit électriſé poſitivement ou négativement, il attirera dans l’un & l’autre cas, les corps légers qu’on lui préſentera ; & cette attraction aura lieu ſi le corps eſt électriſé par frottement ou par communication. Si un tube de verre, un globe, ou un plateau de verre ſont frottés, ils attireront des fils, de la pouſſière de bois, du ſon, &c. ; de même le conducteur de la machine électrique poſitive attire à ſoi des corps légers. Les phénomènes ſont les mêmes en frottant un bâton de cire d’Eſpagne, ou des plateaux de bitume & de mastic, & les corps qui recevront par communication cette électricité négative, exerceront auſſi la même attraction ſur tous les corps légers. L’expérience prouve donc que l’attraction électrique a lieu entre deux corps, dont l’un eſt électriſé poſitivement ou négativement, par frottement ou par communication.

Il eſt inutile d’ajouter que c’eſt toujours le corps le plus léger qui ſe porte vers le plus peſant, ſoit que l’électricité ait été communiquée à ce dernier ou au premier.

L’attraction électrique eſt un des premiers phénomènes d’électricité qui ait été connu ; car ſix cents ans avant l’ère chrétienne, Thalès de Milet découvrit cette propriété, en frottant de l’ambre ; il s’aperçut auſſitôt que les corps légers étoient attirés & venoient s’appliquer ſur l’ambre. Cette vertu fut encore remarquée dans la ſuite, dans le verre & tous les bitumes, dans les pierres précieuſes, & dans un grand nombre d’autres ſubſtances, comme nous le dirons en ſon lieu.

Quant à la cauſe des attractions électriques, il y a deux principaux ſyſtêmes ; car il eſt inutile de parler d’un grand nombre de tentatives malheureuſes, faites par pluſieurs phyſiciens, dont les opinions ſont abſolument dans l’oubli. M. l’abbé Nollet regarde, comme cauſe de l’attraction électrique, l’impulſion de la matière affluente qui ſort de tous les corps environnans & qui, venant ſe rendre au conducteur, pouſſe & entraîne avec elle tous les corps légers qui ſe trouvent ſur ſa route. Cette explication eſt certainement très-mécanique ; mais elle ſuppoſe une matière affluente, dont l’exiſtence n’eſt rien moins que conſtatée, ainſi que nous l’avons prouvé à l’article Affluences.

Dans le ſyſtême de Franklin & des modernes, l’attraction s’explique en partant de quelques principes prouvés par l’expérience. Tout corps électriſé repouſſe conſtamment un autre corps électriſé, & attire celui qui ne l’eſt pas. La matière commune & le fluide électrique s’attirent mutuellement ; mais les particules du fluide électrique ſe repouſſent réciproquement. Le premier principe eſt prouvé par l’expérience, quant à ſes deux parties. On verra des preuves de la première à l’article Répulsion, & à celui d’Électricité ; la ſeconde a été conſtatée au commencement de cet article, en rapportant en abrégé les expériences les plus ſimples, & le ſera encore au mot Électricité. Le ſecond principe comprend également deux parties : la première eſt une ſuite néceſſaire de la ſeconde partie du principe précédent, & ſe trouve confirmée par toutes les expériences des attractions électriques ; la ſeconde partie du dernier principe eſt démontrée par la divergence des rayons électriques ; par celle des aigrettes de verre, des échevaux de fil, & par toutes les répulſions électriques des corps qui ſont dans un état actuel d’électricité, leſquels ne ſe repouſſent mutuellement, qu’à cauſe qu’il y a une répulſion dans toutes les parties du fluide électrique. Ainſi, comme la répulſion des corps électriſés eſt bien expliquée par la répulſion des parties du fluide électrique, qui eſt un fait général bien prouvé, de même l’attraction des corps légers non électriſés par ceux qui ſont électriſés, eſt réellement produite par l’attraction qui règne entre le fluide électrique & la matière commune de tous les corps : fait général non moins prouvé que l’autre. Avoir montré que ces phénomènes dépendent d’une loi générale, c’eſt les avoir expliqués, c’eſt-à-dire, c’eſt en avoir aſſigné la cauſe. On n’explique pas d’une autre manière les phénomènes du magnétiſme, ceux de la communication du mouvement, &c. Ceux de l’attraction univerſelle qui règne entre toutes les parties de la matière. La différence qu’il y a entre l’attraction électrique & l’attraction univerſelle, conſiſte en ce que dans la première, toutes les parties de la matière électrique ſe repouſſent ; au contraire, toutes celles de la ſeconde s’attirent ; mais dans l’une & dans l’autre, l’attraction eſt proportionnelle à la quantité de matière, & agit en raiſon inverſe du carré des diſtances, comme M. Coulomb l’a prouvé. Voyez Cohésion électrique.

Attractions électives. Toutes les ſubſtances naturelles n’ayant pas une tendance pour ſe combiner enſemble, Bergman a imaginé le nom d’attractions électrives, pour déſigner l’eſpèce de choix que l’expérience montre entre les corps qui, pour former entr’eux une combinaiſon, décompoſent ou ſéparent des matières auparavant unies.

Une force générale, connue ſous le nom d’attraction, tend à rapprocher juſqu’au point de contact toutes les ſubſtances de la nature ; mais les loix ſelon leſquelles cette force s’exerce, ne ſont pas par-tout les mêmes. Les grands corps de l’univers, ainſi que Newton l’a démontré, exercent leurs attractions en raiſon inverſe du quarré de leurs diſtances. Les petits corps qui ſont voiſins ſur la ſurface de la terre, s’attirent à peine au-delà du contact, ſelon des loix qui paroiſſent différentes entr’elles, peut-être à cauſe des circonſtances, telles que la figure & la ſituation, non-ſeulement du tout, mais même de chaque partie, & peut-être encore par un effet de la grande attraction de notre globe qui influe continuellement ſur ces loix. Puiſqu’il n’eſt aucun moyen pour reconnoître, dans chaque cas particulier, la figure & la poſition des molécules, il ne reſte donc plus qu’à déterminer, par des expériences exactes & nombreuſes, les rapports que les différens corps ont entr’eux à l’égard de l’attraction.

L’intenſité de l’attraction dans les petites diſtances, croiſſant dans la même proportion que le contact augmente, il s’enſuit qu’un petit corps attire plus fortement dans l’état liquide que dans l’état ſolide, & beaucoup plus fortement encore lorſqu’il eſt réduit en vapeur. L’objet de M. de Bergman, dans ſon traité des affinités, a été ſeulement de déterminer l’ordre des attractions, ſuivant leurs forces reſpectives ; car une meſure exacte de chacune en particulier, qu’on puiſſe exprimer en nombre, eſt encore à déſirer. Ce qu’on a fait relativement à ce dernier article, eſt bien peu de choſe. M. de Morveau a tâché de déterminer & d’expoſer par des nombres l’adhéſion du mercure avec quelques métaux. M. Achard a donné une grande table, dans laquelle les forces d’adhéſion de pluſieurs corps ſont tirées du calcul & de l’expérience. M. Kirvan a commencé depuis peu à meſurer les attractions d’une manière ingénieuſe, par la diminution de volume qui a lieu après la combinaiſon, penſant que la raiſon & la quantité de cette contraction, dépendent de l’intenſité de l’attraction.

L’attraction qu’on obſerve entre les petits corps à de petites diſtances, peut être appelée prochaine, par oppoſition à l’attraction éloignée, qui a lieu dans les grandes maſſes & à des diſtances immenſes. L’attraction prochaine eſt diſtinguée en pluſieurs eſpèces. Si des ſubſtances homogènes tendent à ſe réunir, il n’en réſulte qu’une augmentation de maſſe ſans changement de nature ; cet effet, dans ce cas, porte le nom d’attraction d’aggrégation. Lorſque des ſubſtances hétérogènes, mêlées enſemble & abandonnées à elles-mêmes, forment entr’elles de nouvelles combinaiſons, le changement qui leur arrive, a plus de rapport à leur qualité qu’à leur quantité, & c’eſt l’attraction de compoſition. Si ſon action ſe borne à réunir ſimplement deux ou pluſieurs ſubſtances, c’eſt l’attraction de diſſolution ou de fuſion, ſelon qu’elle eſt faite par la voie humide ou par la voie ſèche. Enfin l’attraction de compoſition ſe diviſe en attraction électrive ſimple & en attraction double. La première a lieu, lorſque de trois ſubſtances ſimples qui s’attirent mutuellement, deux ſe combinent à l’excluſion de la troiſième ; & la dernière, lorſque deux compoſés, formés ſeulement de deux principes prochains, viennent à changer réciproquement leurs principes à l’inſtant qu’ils ſont mêlés enſemble. C’eſt principalement ces deux dernières eſpèces que Bergman a examinées.

M. Geoffroy imagina, en 1718, de faire voir au premier coup-d’œil la ſérie des attractions électrives, en diſpoſant les ſignes chimiques dans un tableau, ſuivant un certain ordre. Ce tableau eſt devenu incomplet avec le temps ; pluſieurs ſavans l’ont étendu, & M. Bergman y a ajouté infiniment : néanmoins cet illuſtre ſavant dit lui-même qu’il eſt d’autant plus éloigné de la croire parfaite, qu’il faudroit plus de trente mille expériences exactes, pour donner un certain degré de perfection à cette eſquiſſe telle qu’il la présente. Voyez le traité des affinités chimiques, ou attractions électrives de Bergman.