Esprit des lois (1777)/L14/C5
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Que les mauvais législateurs sont ceux qui ont favorisé les vices du climat, & les bons sont ceux qui s’y sont opposés.
Les Indiens croient que le repos &
le néant sont le fondement de toutes
choses, & la fin où elles aboutissent. Ils
regardent donc l’entiere inaction comme
l’état le plus parfait & l’objet de leurs
désirs. Ils donnent au souverain être[1]
le surnom d’immobile. Les Siamois
croient que la félicité[2] suprême
consiste à n’être point obligé d’animer
une machine & de faire agir un corps.
Dans ces pays, où la chaleur excessive énerve & accable, le repos est si délicieux, & le mouvement si pénible, que ce systême de métaphysique paroît naturel ; &[3] Foë, législateur des Indes, a suivi ce qu’il sentoit, lorsqu’il a mis les hommes dans un état extrêmement passif : mais la doctrine, née de la paresse du climat, la favorisant à son tour, a causé mille maux.
Les législateurs de la Chine furent plus sensés, lorsque considérant les hommes, non pas dans l’état paisible où ils seront quelque jour, mais dans l’action propre à leur faire remplir les devoirs de la vie, ils firent leur religion, leur philosophie & leurs lois toutes pratiques. Plus les causes physiques portent les hommes au repos, plus les causes morales les en doivent éloigner.
- ↑ Panamanack. Voyez Kircher.
- ↑ La Loubere, relation de Siam, p. 446.
- ↑ Foë veut réduire le cœur au pur vide. « Nous avons des yeux & des oreilles ; mais la perfection est de ne voir ni entendre : une bouche, des mains etc. la perfection est que ces membres soient dans l’inaction. » Ceci est tiré du dialogue d’un Philosophe Chinois, rapporté par le P. du Halde, tom. III.