Esprit des lois (1777)/L16/C9

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CHAPITRE IX.

Liaison du gouvernement domestique avec le politique.


Dans une république, la condition des citoyens est bornée, égale, douce, modérée ; tout s’y ressent de la liberté publique. L’empire sur les femmes n’y pourroit pas être si bien exercé ; & lorsque le climat a demandé cet empire, le gouvernement d’un seul a été le plus convenable. Voilà une des raisons qui a fait que le gouvernement populaire a toujours été difficile à établir en orient.

Au contraire, la servitude des femmes est très-conforme au génie du gouvernement despotique, qui aime à abuser de tout. Aussi a-t-on vu dans tous les temps, en Asie, marcher d’un pas égal la servitude domestique & le gouvernement despotique.

Dans un gouvernement où l’on demande sur-tout la tranquillité, & où la subordination extrême s’appelle la paix, il faut enfermer les femmes ; leurs intrigues seroient fatales au mari. Un gouvernement qui n’a pas le temps d’examiner la conduite des sujets, la tient pour suspecte, par cela seul qu’elle paroit & qu’elle le fait sentir.

Supposons un moment que la légéreté d’esprit & les indiscrétions, les goûts & les dégoûts de nos femmes, leurs passions grandes & petites, se trouvassent transportées dans un gouvernement d’orient, dans l’activité & dans cette liberté où elles sont parmi nous ; quel est le pere de famille qui pourroit être un moment tranquille ? Par-tout des gens suspects, par-tout des ennemis ; l’état seroit ébranlé, on verroit couler des flots de sang.