Esprit des lois (1777)/L18/C2

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CHAPITRE II.

Continuation du même sujet.


Ces pays fertiles sont des plaines, où l’on ne peut rien disputer au plus fort : on se soumet donc à lui ; & quand on lui est soumis, l’esprit de liberté n’y sauroit revenir ; les biens de la campagne sont un gage de la fidélité. Mais dans les pays de montagnes, on peut conserver ce que l’on a, & l’on a peu à conserver. La liberté, c’est-à-dire le gouvernement dont on jouit, est le seul bien qui mérite qu’on le défende. Elle regne donc plus dans les pays montagneux & difficiles, que dans ceux que la nature sembloit avoir plus favorisés.

Les montagnards conservent un gouvernement plus modéré, parce qu’ils ne sont pas si fort exposés à la conquête. Ils se défendent aisément, ils sont attaqués difficilement ; les munitions de guerre & de bouche sont assemblées & portées contr’eux avec beaucoup de dépense, le pays n’en fournit point. Il est donc plus difficile de leur faire la guerre, plus dangereux de l’entreprendre ; & toutes les lois que l’on fait pour la sureté du peuple y ont moins de lieu.