Esprit des lois (1777)/L26/C4

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CHAPITRE IV.

Continuation du même sujet.


Gondebaud[1] roi de bourgogne, vouloit que si la femme ou le fils de celui qui avoit volé, ne révéloit pas le crime, ils fussent réduits en esclavage. Cette loi étoit contre la nature. Comment une femme pouvoit-elle être accusatrice de son mari ? Comment un fils pouvoit-il être accusateur de son pere ? Pour venger une action criminelle, il en ordonnoit une plus criminelle encore.

La loi de[2] Recessuinde permettoit aux enfans de la femme adultere, ou à ceux de son mari, de l’accuser, & de mettre à la question les esclaves de la maison. Loi inique, qui, pour conserver les mœurs, renversoit la nature, d’où tirent leur origine les mœurs.

Nous voyons avec plaisir sur nos théâtres un jeune héros montrer autant d’horreur pour découvrir le crime de sa belle-mere, qu’il en avoit eu pour le crime même ; il ose à peine, dans sa surprise, accusé, jugé, condamné, proscrit & couvert d’infamie, faire quelques réflexions sur le sang abominable dont Phedre est sortie : il abandonne ce qu’il a de plus cher, & l’objet le plus tendre, tout ce qui parle à son cœur, tout ce qui peut l’indigner, pour aller se livrer à la vengeance des dieux qu’il n’a point méritée. Ce sont les accens de la nature qui causent ce plaisir ; c’est la plus douce de toutes les voix.


  1. La loi des Bourguignons, tit. 41/
  2. Dans le code des Wisigoths, liv. III, tit. 4, §. 13.