Esprit des lois (1777)/L6/C3

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CHAPITRE III.

Dans quels gouvernemens, & dans quels cas on doit juger selon un texte précis de la Loi.


Plus le gouvernement approche de la république, plus la maniere de juger devient fixe ; & c’étoit un vice de la république de Lacédémone, que les éphores jugeassent arbitrairement, sans qu’il y eût des lois pour les diriger. À Rome, les premiers consuls jugerent comme les éphores ; on en sentit les inconvéniens, & l’on fit des lois précises.

Dans les états despotiques, il n’y a point de loi ; le juge est lui-même sa regle. Dans les états monarchiques, il y a une loi ; & là où elle ne l’est pas, il en cherche l’esprit. Dans le gouvernement républicain, il est de la nature de la constitution, que les juges suivent la lettre de la loi. Il n’y a point de citoyen contre qui on puisse interpréter une loi, quand il s’agit de ses biens, de son honneur, ou de sa vie.

À Rome, les juges prononçoient seulement que l’accusé étoit coupable d’un certain crime, & la peine se trouvoit dans la loi, comme on le voit dans diverses lois qui furent faites. De même, en Angleterre, les jurés décident si l’accusé est coupable ou non du fait qui a été porté devant eux ; & s’il est déclaré coupable, le juge prononce la peine que la loi inflige pour ce fait : & pour cela, il ne lui faut que des yeux.