Essai sur l’inégalité des races humaines/Livre deuxième/Chapitre III

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CHAPITRE III.

Les Chananéens maritimes.

Au temps d’Abraham, la civilisation chamite était dans tout l’éclat de son perfectionnement et de ses vices[1]. Un de ses territoires les plus remarquables était la Palestine[2], où les villes de Chanaan florissaient, grâce à leur commerce alimenté par des colonies innombrables déjà. Ce qui pouvait manquer, en population, à toutes ces villes était amplement compensé par cette circonstance heureuse, que nul concurrent ne leur disputait encore les immenses profits de leurs manufactures d’étoffes, de leurs teintureries, de leur navigation et de leur transit (1)[3].

Toutes les ressources de richesses que je viens d’énumérer restaient concentrées entre les mains de leurs créateurs. Mais, comme pour prouver combien c’est une faible marque de la force vitale des nations qu’un commerce productif, les Phéniciens, déchus de l’antique énergie qui les avait amenés jadis des bords de la mer Persique aux rives de la Méditerranée, n’avaient conservé aucune indépendance politique réelle (2)[4]. Ils se gouvernaient, le plus souvent, il est vrai, par leurs propres lois et dans leurs formes aristocratiques anciennes. Mais, en fait, la puissance assyrienne avait annulé leur indépendance. Ils recevaient et respectaient les ordres venus des contrées de l’Euphrate (3)[5]. Lorsque, dans quelques mouvements intérieurs, ils essayaient de secouer ce joug, leur unique ressource était de se tourner vers l’Égypte et de substituer l’influence de Memphis à celle de Ninive. De véritable isonomie, il n’en était plus question.

Outre la prépondérance des deux grands empires entre lesquels les villes chananéennes se trouvaient resserrées, un motif d’une autre nature forçait les Phéniciens aux plus constants ménagements envers ces puissants voisins. Les territoires de l’Assyrie et de l’Égypte, mais surtout de l’Assyrie, étaient les grands débouchés du commerce de Sidon et de Tyr. À la vérité, les Chananéens allaient, sur d’autres points encore, porter les étoffes de pourpre, les verreries, les parfums et les denrées de toutes sortes, dont leurs magasins regorgeaient. Mais quand la proue élevée de leurs navires noirs et longs venait toucher la grève encore si jeune des côtes grecques ou les rivages de l’Italie, de l’Afrique, de l’Espagne, l’équipage ne faisait là que d’assez maigres profits. La longue barque était tirée à terre par les rameurs noirs, aux tuniques rouges, courtes et serrées. Les populations aborigènes entouraient, la convoitise et l’étonnement peints sur le visage, ces navigateurs arrogants qui commençaient par disposer autour de leur navire les groupes prudemment armés de leurs mercenaires sémites ; puis on étalait devant les rois et les chefs, accourus de tous les points de la contrée, ce que contenaient les flancs du vaisseau. Autant que possible, on cherchait à obtenir en échange des métaux précieux. C’était ce qu’on demandait à l’Espagne, riche en ce genre. Avec les Grecs, on traitait surtout pour des troupeaux, pour des bois principalement, comme en Afrique pour des esclaves. Quand l’occasion s’y prêtait et que le marchand se jugeait le plus fort, sans scrupule il se jetait, avec son monde, sur les belles filles, vierges royales ou servantes, sur les enfants, sur les jeunes garçons, sur les hommes faits, et rapportait joyeusement dans les marchés de sa patrie les fruits abondants de ce commerce sans foi qui, dès la plus haute antiquité, a rendu célèbres l’avidité, la lâcheté et la perfidie des Chamites et de leurs alliés. On comprend, de reste, quelle aversion dangereuse devaient inspirer ces marchands sur les côtes, où ils ne s’étaient pas encore assuré, par des établissements fixes, la haute main et la domination absolue. En somme, ce qu’ils faisaient par tous ces pays, c’était une exploitation des richesses locales. Donnant peu pour obtenir ou extorquer, ou arracher, beaucoup, leurs opérations se bornaient à un commerce de troc, et leurs plus beaux produits, comme leurs plus précieuses denrées, ne trouvaient pas là de placement. La grande importance de l’Occident ne consistait donc nullement pour eux dans ce qu’ils y apportaient, mais bien dans ce qu’ils en tiraient, au meilleur marché possible. Nos régions fournissaient la matière première, que Tyr, Sidon, les autres cités chananéennes travaillaient, façonnaient ou faisaient valoir ailleurs, chez les Égyptiens et dans les contrées mésopotamiques.

Ce n’était pas seulement en Europe et en Afrique que les Phéniciens allaient chercher les éléments de leurs spéculations. Par des relations très antiques avec les Arabes kouschites et les enfants de Joktan, ils prenaient part au commerce des parfums, des épices, de l’ivoire et de l’ébène, provenant de l’Yémen ou de lieux beaucoup plus éloignés, tels que la côte orientale d’Afrique, de l’Inde, ou même de l’extrême Orient (1)[6]. Pourtant n’ayant pas là, comme pour les produits de l’Europe, un monopole absolu, leur attention restait fixée de préférence sur les pays occidentaux, et c’était entre ces terres accaparées et les deux grands centres de la civilisation contemporaine qu’ils jouaient, dans toute sa plénitude, le rôle avantageux de facteurs uniques.

Leur existence et leur prospérité se trouvaient ainsi liées d’une manière étroite aux destinées de Ninive et de Thèbes. Quand ces pays souffraient, aussitôt la consommation était en baisse, et immédiatement le coup portait sur l’industrie et le commerce chananéens. Si les rois de la Mésopotamie croyaient avoir à se plaindre des États marchands de la Phénicie, ou bien s’ils voulaient, dans une querelle, les amener à composition sans tirer l’épée, quelques mesures fiscales dirigées contre l’introduction des denrées de l’Occident dans les pays assyriens ou dans les provinces égyptiennes nuisaient beaucoup plus aux patriciens de Tyr, les atteignaient plus profondément et plus sensiblement dans leur existence et, par là, dans leur tranquillité intérieure, que si l’on avait envoyé contre eux d’innombrables armées de cavaliers et de chars. Voilà donc, dans la plus lointaine antiquité, les Phéniciens, si fiers de leur activité mercantile, si dépravés, si abaissés par les vices un peu ignobles, compagnons inséparables de ce genre de mérite, réduits à ne posséder que l’ombre de l’indépendance et vivant serviteurs humiliés de leurs puissants acheteurs.

Le gouvernement des villes de la côte avait jadis commencé par être sévèrement théocratique. C’était l’usage de la race de Cham. En effet, les premiers vainqueurs blancs s’étaient montrés au milieu des populations noires avec l’appareil d’une telle supériorité d’intelligence, de volonté et de force, que ces masses superstitieuses ne purent dépeindre mieux la sensation d’admiration et d’épouvante qu’elles en éprouvèrent qu’en les déclarant dieux. C’est par suite d’une idée toute semblable que les peuples de l’Amérique, aux temps de la découverte, demandaient aux Espagnols s’ils ne venaient pas du ciel, s’ils n’étaient pas des dieux, et, malgré les réponses négatives dictées aux conquérants par la foi chrétienne, leurs vaincus persistaient à les soupçonner véhémentement de cacher leur qualité. C’est de même encore que, de nos jours, les tribus de l’Afrique orientale ne dépeignent pas autrement l’état dans lequel ils voient les Européens qu’en disant : ce sont des dieux (1)[7].

Les Chamites blancs, médiocrement retenus par les délicatesses de conscience des temps modernes, n’avaient vraisemblablement eu aucune peine à se résoudre aux adorations. Mais lorsque le sang se mêla, et qu’à la race pure succédèrent partout les mulâtres, le noir découvrit des traces nombreuses d’humanité dans le maître que sa fille ou sa sœur avait mis au monde. Le nouvel hybride, toutefois, était puissant et hautain. Il tenait aux anciens vainqueurs par sa généalogie, et si le règne des divinités finit, celui de leurs prêtres commença. Le despotisme, pour changer de forme, n’en fut pas moins aveuglément vénéré. Les Chananéens conservaient dans leur histoire (1)[8] l’exposé très complet de ce double état de choses. Ils avaient été gouvernés par Melkart et Baal, et plus tard par les pontifes de ces êtres surhumains (2)[9].

Quand les Sémites arrivèrent, la révolution fit un pas en avant. Les Sémites étaient, au fond, plus proches parents des dieux que les dynasties hiératiques des Chamites noirs. Ils avaient quitté plus récemment la souche commune, et leur sang, bien qu’assez altéré, l’était moins que celui des métis dont ils venaient partager les richesses et soutenir l’existence politique, chaque jour plus débile. Toutefois, les prêtres phéniciens ne seraient pas tombés d’accord de cette supériorité de noblesse, et l’auraient-ils voulu qu’ils ne l’auraient pas pu, car l’essence noire prédominait tellement dans leurs veines, qu’ils avaient oublié le Dieu de leurs dieux et l’origine réelle de ces derniers. Ils se considéraient, avec eux, comme autochtones (3)[10]. C’est dire qu’ils avaient adopté les superstitions grossières des ancêtres de leurs mères. Pour ces gens dégénérés, point de migration blanche de Tylos sur la côte méditerranéenne. Melkart et son peuple étaient sortis du limon sur lequel s’élevaient leurs demeures. Dans d’autres pays et dans d’autres temps, les Hindous, les Grecs, les Italiens et d’autres nations empruntèrent la même erreur aux mêmes sources.

Mais les faits vont à leurs conséquences, sans se soucier du concours des opinions. Les Sémites ne purent, sans doute, devenir des dieux puisqu’ils n’avaient pas le sang pur et que, prépondérants, ils ne l’étaient pas assez pour agir sur les imaginations au degré nécessaire à l’apothéose. Les Chamites noirs surent également leur refuser l’entrée des sacerdoces réservés depuis tant de siècles aux mêmes familles. Alors les Sémites humilièrent la théocratie et, plus haut qu’elle, placèrent le gouvernement et le pouvoir du sabre. Après une lutte assez vive, de sacerdotal, monarchique et absolu, le gouvernement des villes phéniciennes devint aristocratique, républicain et absolu, ne gardant ainsi de la triade de forces qu’il remplaçait que la dernière.

Il ne détruisit pas complètement les deux autres, fidèle en cela au rôle réformateur, modificateur, plutôt que révolutionnaire, imposé à ses actes par son origine, si voisine de celle des Chamites noirs, et dès lors respectueuse pour le fond de leurs œuvres. Parmi les grandeurs de son aristocratie, il fit une place des plus honorables aux pontificats. Il leur assigna dans l’État le second rang, et continua à en laisser les honneurs aux nobles familles chamites qui jusqu’alors les avaient possédés. La royauté ne fut pas traitée si bien. Peut-être, d’ailleurs, les Chamites noirs eux-mêmes n’en avaient-ils jamais que médiocrement développé la puissance, comme on est tenté de le croire pour les États assyriens.

Soit qu’on acceptât désormais, dans le gouvernement des villes phéniciennes, un chef unique, ou bien, combinaison plus fréquente, que la couronne dédoublée se partageât entre deux rois intentionnellement choisis dans deux maisons rivales, l’autorité de ces chefs suprêmes devint entièrement limitée, surveillée, contrainte, et on ne leur accorda guère, avec plénitude, que des prérogatives sans effet et des splendeurs sans liberté. Il est permis de croire que les Sémites étendirent à toutes les contrées où ils dominèrent cette jalouse surveillance de la puissance monarchique, et qu’à Ninive comme à Babylone, les titulaires de l’empire ne furent, sous leur inspiration, que les représentants sans initiative des prêtres et des nobles.

Telle fut l’organisation sortie de la fusion des Chamites noirs de la Phénicie avec les Sémites. Les rois, autrement dit les suffètes, vivaient dans des palais somptueux. Rien ne semblait ni trop beau ni trop bon pour rehausser la magnificence dont les vrais maîtres de l’État se plaisaient à en orner la double tête. Des multitudes d’esclaves des deux sexes, splendidement vêtus, étaient aux ordres de ces mortels accablés sous l’étalage des jouissances. Des eunuques par troupeaux gardaient l’entrée de leurs jardins et de leurs gynécées. Des femmes de tous les pays leur étaient amenées par les navires voyageurs. Ils mangeaient dans l’or, ils se couronnaient de diamants et de perles, d’améthystes, de rubis, de topazes, et la pourpre, si, exaltée par l’imagination antique, était la couleur respectueusement réservée à tous leurs vêtements. En dehors de cette vie somptueuse et des formes de vénération que la loi commandait d’y ajouter, il n’y avait rien. Les suffètes donnaient leur avis sur les affaires publiques comme les autres nobles, rien de plus ; ou s’ils allaient au delà, c’était par l’usage d’une influence personnelle qui avait été disputée avant d’être subie ; car l’action légale et régulière, et même la puissance exécutive, se concentraient entre les mains des chefs des grandes maisons (1)[11].

Pour ces derniers, collectivement, l’autorité n’avait pas de bornes. Du moment qu’un accord conclu entre eux avait pris le caractère impératif qui constitue la loi, tout devait plier devant cette loi, dont les législateurs eux-mêmes étaient les premières victimes. Nulle part et jamais cette abstraction ne ménageait les situations personnelles. Une rigueur inflexible en introduisait les redoutables effets jusque dans l’intérieur des familles, tyrannisait les rapports les plus intimes des époux, planait sur la tête du père, despote de ses enfants, mettait la contrainte entre l’individu et sa conscience. Dans l’État tout entier, depuis le dernier matelot, le plus infime ouvrier, jusqu’au grand prêtre du Dieu le plus révéré, jusqu’au noble le plus arrogant, la loi étendait le niveau terrible révélé par cette courte sentence  : Autant d’hommes, autant d’esclaves !

C’est ainsi que les Sémites, unis à la postérité de Cham, avaient compris et pratiquaient la science du gouvernement. J’insiste d’autant plus sur cette sévère conception, que nous la verrons, avec le sang sémitique, pénétrer dans les constitutions de presque tous les peuples de l’antiquité, et toucher même aux temps modernes, où elle ne recule, provisoirement, que devant les notions plus équitables et plus saines de la race germanique.

N’oublions pas d’analyser les inspirations qui avaient présidé à cette organisation rigoureuse. En ce qu’elles avaient de brutal et d’odieux, leur source, évidemment, trempait dans la nature noire, amie de l’absolu, facile à l’esclavage, s’attroupant volontiers dans une idée abstraite à qui elle ne demande pas de se laisser comprendre, mais de se faire craindre et obéir. Au contraire, dans les éléments d’une nature plus élevée, qu’on ne peut y méconnaître, dans cet essai de pondération entre la royauté, le sacerdoce et la noblesse armée, dans cet amour de la règle et de la légalité, on retrouve les instincts bien marqués que nous constaterons partout chez les peuples de race blanche.

Les villes chananéennes attiraient à elles de nombreuses troupes de Sémites, appartenant à tous les rameaux de la race, et par conséquent différemment mélangées. Les hommes qui arrivaient d’Assyrie apportaient, du mélange chamite particulier auquel ils avaient touché, un sang tout autre que celui du Sémite qui, venu de la basse Égypte ou du sud de l’Arabie, avait été longtemps en contact avec le nègre à chevelure laineuse. Le Chaldéen du nord, celui des montagnes de l’Arménie (1)[12], l’Hébreu, enfin, dans les alliages subis par sa race, avait eu plus de participation à l’essence blanche. Cet autre, qui descendait des régions voisines du Caucase, pouvait déjà, directement ou indirectement, apporter dans ses veines un ressouvenir de l’espèce jaune. Telles bandes sorties de la Phrygie avaient pour mères des femmes grecques.

Autant de nouvelles émigrations, autant d’éléments ethniques nouveaux qui venaient s’accoster dans les cités phéniciennes. Outre ces différents rapports de la famille sémitique, il y avait encore des Chamites du Pays, des Chamites fournis par les grands États de l’est, et encore des Arabes cuschites et des Égyptiens et des nègres purs. En somme, les deux familles blanche et noire, et quelque peu même l’espèce jaune, se combinaient de mille manières différentes au milieu de Chanaan, s’y renouvelaient sans cesse et y abondaient constamment, de manière à y former des variétés et des types jusque-là inconnus.

Un tel concours avait lieu parce que la Phénicie offrait de l’occupation à tout ce monde. Les travaux de ses ports, de ses fabriques, de ses caravanes, demandaient beaucoup de bras. Tyr et Sidon, outre qu’elles étaient de grandes villes maritimes et commerciales à la façon de Londres et de Hambourg, étaient en même temps de grands centres industriels comme Liverpool et Birmingham ; devenues les déversoirs des populations de l’Asie antérieure, elles les occupaient toutes et en reportaient le trop-plein sur le vaste cercle de leurs colonies. Elles y envoyaient de la sorte, par des immigrations constantes, des forces fraîches et un surcroît de leur propre vie. N’admirons pas trop cette activité prodigieuse. Tous ces avantages d’une population sans cesse augmentée avaient leurs revers fâcheux : ils commencèrent par altérer la constitution politique de façon à l’améliorer ; ils finirent par déterminer sa ruine totale.

On a vu par quelles transformations ethniques le règne des dieux avait pris fin pour être remplacé par celui des prêtres, qui, à leur tour, avaient cédé le pas à une organisation compliquée et savante, destinée à donner accès dans la sphère du pouvoir aux chefs et aux puissants des villes. À la suite de cette réforme, la distinction des races était tombée dans le néant. Il n’y avait plus eu que celle des familles. Devant la mutabilité perpétuelle et rapide des éléments ethniques, cet état aristocratique, dernier mot, terme extrême du sentiment révolutionnaire chez les premiers arrivants sémites, se trouva un jour ne plus suffire aux exigences des générations qui s’élevaient, et les idées démocratiques commencèrent à poindre.

Elles s’appuyèrent d’abord sur les rois. Ceux-ci prêtèrent volontiers l’oreille à des principes dont la première application devait être d’humilier les patriciats. Elles s’adressèrent ensuite aux troupeaux d’ouvriers employés dans les manufactures, et en firent le nerf de la faction qu’elles réunissaient. Comme agents actifs des intrigues et des conspirations, on recruta largement dans une classe d’hommes particulière, troupe habituée au luxe, touchant, au moins des yeux, aux grandes séductions de la puissance, mais sans droits, sans autre considération que celle de la faveur, méprisée surtout par les nobles, et dès lors les favorisant peu ; j’entends les esclaves royaux, les eunuques des palais, les favoris ou ceux qui tendaient à le devenir. Telle tut la composition du parti qui poussa à la destruction de l’ordre aristocratique.

Les adversaires de ce parti possédaient bien des ressources pour se défendre. Contre les désirs et les velléités des rois, ils avaient l’impuissance légale, la dépendance de ces magistrats sans autorité. Ils s’attachaient à en resserrer les nœuds. Aux masses turbulentes des ouvriers et des matelots, ils présentaient les épées et les dards de cette multitude de troupes mercenaires, surtout cariennes et philistines, qui formaient les garnisons des villes et dont eux seuls exerçaient le commandement. Enfin, aux ruses et aux menées des esclaves royaux, ils opposaient une longue habitude des affaires, une méfiance suffisamment aiguisée de la nature humaine, une sagesse pratique bien supérieure aux roueries de leurs rivaux ; en un mot, contre les intrigues des uns, la force brutale des autres, l’ambition ardente des plus grands, les convoitises grossières des plus petits, ils pouvaient user de cette immense ressource d’être les maîtres, arme qui ne se brise pas aisément dans le poing des forts.

Certes ils auraient gardé leur empire comme le garderait toute aristocratie, à perpétuité, si la victoire n’avait pu résulter que de l’énergie des assaillants ; mais c’était de leur affaiblissement qu’elle devait éclore. La défaite n’était à prévoir que du mélange de leur sang.

La révolution ne triompha que lorsqu’il lui fut né des auxiliaires à l’intérieur des palais dont elle s’évertuait à briser les portes.

Dans des États où le commerce donne la richesse et la richesse l’influence, les mésalliances, pour user d’un terme technique, sont toujours difficiles à éviter. Le matelot d’hier est le riche armateur de demain, et ses filles pénètrent, à la manière de la pluie d’or, dans le sein des plus orgueilleuses familles. Le sang des patriciens de la Phénicie était d’ailleurs si mélangé déjà, qu’on avait certainement peu de soin de le garantir contre de séduisantes modifications. La polygamie, si chère aux peuples noirs ou demi-noirs, rend aussi, sous ce rapport, toutes les précautions inutiles. L’homogénéité avait donc cessé d’exister parmi les races souveraines de la côte de Chanaan, et la démocratie trouva moyen de faire parmi celles-ci des prosélytes. Plus d’un noble commença à goûter des doctrines mortelles à sa caste.

L’aristocratie, s’apercevant de cette plaie ouverte dans ses flancs, se défendit au moyen de la déportation. Quand les séditions étaient sur le point d’éclater, ou quand une émeute était vaincue, on saisissait les coupables ; le gouvernement les embarquait de force avec des troupes cariennes, chargées de les surveiller, et les envoyait soit en Libye, soit en Espagne, soit au delà des colonnes d’Hercule, dans des lieux si éloignés, qu’on a prétendu retrouver la trace de ces colonisations jusqu’au Sénégal.

Les nobles apostats, mêlés à la tourbe, devaient, dans cet exil éternel, former à leur tour le patriciat des nouvelles colonies, et on n’a pas entendu dire que, malgré leur libéralisme, ils aient jamais désobéi à ce dernier ordre de la mère patrie.

Un jour arriva pourtant où la noblesse dut succomber. On connaît la date de cette défaite définitive ; on sait la forme qu’elle revêtit ; on peut en désigner la cause déterminante. La date, c’est l’an 829 avant J.-C. ; la forme, c’est l’émigration aristocratique qui fonda Carthage (1)[13] ; la cause déterminante est indiquée par l’extrême mélange où en étaient arrivées les populations sous l’action d’un élément nouveau qui, depuis un siècle environ, fomentait d’une manière irrésistible l’anarchie des éléments ethniques.

Les peuples hellènes avaient pris un développement considérable. Ils avaient commencé, de leur côté, à créer des colonies, et ces ramifications de leur puissance, s’étendant sur la côte de l’Asie Mineure, n’avaient pas tardé à envoyer en Chanaan de très nombreuses immigrations (2)[14]. Les nouveaux venus, bien autrement intelligents et alertes que les Sémites, bien autrement vigoureux de corps et d’esprit, apportèrent un précieux concours de forces à l’idée démocratique, et hâtèrent par leur présence la maturité de la révolution. Sidon avait succombé la première sous les efforts démagogiques. La populace victorieuse avait chassé les nobles, qui étaient allés fonder à Aradus une nouvelle cité, où le commerce et la prospérité s’étaient réfugiés, au détriment de l’ancienne ville, demeurée complètement ruinée (3)[15]. Tyr eut bientôt un sort pareil.

Les patriciens, craignant à la fois les séditieux des fabriques, le bas peuple, les esclaves royaux et le roi ; avertis du destin qui les menaçait par l’assassinat du plus grand d’entre eux, le pontife de Melkart, et ne jugeant pas pouvoir maintenir davantage leur autorité, ni sauver leur vie devant une génération issue de mélanges trop multiples, prirent le parti de s’expatrier. La flotte leur appartenait, les navires étaient gardés par leurs troupes. Ils se résignèrent, ils s’éloignèrent avec leurs trésors, et surtout avec leur science gouvernementale et administrative, leur longue et traditionnelle pratique du négoce, et ils s’en allèrent porter leurs destins sur un point de la côte d’Afrique qui fait face à la Sicile.

Ainsi s’accomplit un acte héroïque qu’on n’a guère revu depuis. À deux reprises pourtant, dans les temps modernes, il fut question de le renouveler. Le sénat de Venise, dans la guerre de Chiozza, délibéra s’il ne devait pas s’embarquer pour le Péloponèse avec toute sa nation, et il n’y a pas de trop longues années qu’une éventualité semblable fut prévue et discutée dans le parlement anglais.

Carthage n’eut point d’enfance (1)[16]. Les maîtres qui la gouvernaient étaient sûrs d’avance de leur volonté. Ils avaient pour but précis ce que la Tyr ancienne leur avait appris à estimer et à poursuivre. Ils étaient entourés de populations presque entièrement noires, et partant inférieures aux métis qui venaient trôner au milieu d’elles. Ils n’éprouvèrent aucune peine à se faire obéir. Leur gouvernement, remontant le cours des siècles, reprit, en face des sujets, toute la dureté et l’inflexibilité chamitiques ; et comme la cité de Didon ne reçut jamais, pour toute immigration blanche, que les nobles tyriens ou chananéens, victimes, ainsi que ses fondateurs, des catastrophes démagogiques, elle appesantit son joug tant qu’il lui plut. Jusqu’au moment de sa ruine, elle ne fit pas la moindre concession à ses peuples. Lorsqu’ils osèrent en appeler aux armes, elle sut les châtier sans faiblir jamais. C’est que son autorité était fondée sur une différence ethnique qui n’eut pas le temps de composer et de disparaître.

L’anarchie tyrienne était devenue complète après le départ des nobles qui, seuls, avaient encore possédé une ombre de l’ancienne valeur de la race, surtout de son homogénéité relative. Quand les rois et le bas peuple se trouvèrent seuls à agir, la diversité des origines se jeta au travers de la place publique pour empêcher toute réorganisation sérieuse. L’esprit chamitique, la multiplicité des branches sémitiques, la nature grecque, tout parla haut, tout parla fort. Il fut impossible de s’entendre, et l’on s’aperçut que, loin de prétendre à retrouver jamais un système de gouvernement logique et fermement dessiné, il faudrait s’estimer très heureux quand on pourrait obtenir une paix temporaire au moyen de compromis passagers. Après la fondation de Carthage, Tyr ne créa pas de colonies nouvelles. Les anciennes, désertant sa cause, se rallièrent, l’une après l’autre, à la cité patricienne, qui devint ainsi leur capitale : rien de plus logique. Elles ne déplacèrent pas leur obéissance : le sol métropolitain fut seul changé. La race dominatrice resta la même, et si bien la même, que désormais ce fut elle qui colonisa. À la fin du VIIIe siècle, elle posséda des établissements en Sardaigne : elle-même n’avait pas encore cent années d’existence. Cinquante ans plus tard, elle s’emparait des Baléares. Dans le VIe siècle, elle faisait réoccuper par des colons libyens toutes les cités autrefois phéniciennes de l’Occident, trop peu peuplées à son gré (1)[17]. Or, dans les nouveaux venus, le sang noir dominait encore plus que sur la côte de Chanaan, d’où étaient venus leurs prédécesseurs : aussi, lorsque, peu de temps avant J.-C., Strabon écrivait que la plus grande partie de l’Espagne était au pouvoir des Phéniciens, que trois cents villes du littoral de la Méditerranée, pour le moins, n’avaient pas d’autres habitants, cela signifiait que ces populations étaient formées d’une base noire assez épaisse sur laquelle étaient venus se superposer, dans une proportion moindre, des éléments tirés des races blanche et jaune ramenées encore par des alluvions carthaginoises vers le naturel mélanien.

Ce fut de son patriciat chamite que la patrie d’Annibal reçut sa grande prépondérance sur tous les peuples plus noirs. Tyr, privée de cette force et livrée à une complète incohérence de race, s’enfonça dans l’anarchie à pas de géant.

Peu de temps après le départ de ses nobles, elle tomba, pour toujours, dans la servitude étrangère, d’abord assyrienne, puis persane, puis macédonienne. Elle ne fut plus à jamais qu’une ville sujette. Pendant le petit nombre d’années qui lui restèrent encore pour exercer son isonomie, soixante-dix-neuf ans seulement après la fondation de Carthage, elle se rendit célèbre par son esprit séditieux, ses révolutions constantes et sanglantes. Les ouvriers de ses fabriques se portèrent, à plusieurs reprises, à des violences inouïes, massacrant les riches, s’emparant de leurs femmes et de leurs filles et s’établissant en maîtres dans les demeures des victimes au milieu de richesses usurpées (1)[18]. Bref, Tyr devint l’horreur de tout le Chanaan, dont elle avait été la gloire, et elle inspira à toutes les contrées environnantes une haine et une indignation si fortes et de si longue haleine que, lorsque Alexandre vint mettre le siège devant ses murailles, toutes les villes du voisinage s’empressèrent de fournir des vaisseaux pour la réduire. Suivant une tradition locale, on applaudit unanimement en Syrie, quand le conquérant condamna les vaincus à être mis en croix. C’était le supplice légal des esclaves révoltés : les Tyriens n’étaient pas autre chose.

Tel fut, en Phénicie, le résultat du mélange immodéré, désordonné des races, mélange trop compliqué pour avoir eu le temps de devenir une fusion, et qui, n’arrivant qu’à juxtaposer les instincts divers, les notions multiples, les antipathies des types différents, favorisait, créait et éternisait des hostilités mortelles.

Je ne puis m’empêcher de traiter ici épisodiquement une question curieuse, un vrai problème historique. C’est l’attitude humble et soumise des colonies phéniciennes vis-à-vis de leurs métropoles : Tyr d’abord, Carthage ensuite. L’obéissance et le respect furent tels que, pendant une longue suite de siècles, on ne cite pas un seul exemple de proclamation d’indépendance dans ces colonies, qui cependant n’avaient pas toujours été formées des meilleurs éléments.

On connaît leur mode de fondation. C’étaient d’abord de simples campements temporaires, fortifiés sommairement pour défendre les navires contre les déprédations des indigènes. Lorsque le lieu prenait de l’importance par la nature des échanges, ou que les Chananéens trouvaient plus fructueux d’exploiter eux-mêmes la contrée, le campement devenait bourg ou ville. La politique de la métropole multipliait ces cités, en prenant grand soin de les maintenir dans un état de petitesse qui les empêchât de songer à aller seules. On pensait aussi que les répandre sur une plus grande étendue de pays augmentait le profit des spéculations. Rarement plusieurs émissions d’émigrants furent dirigées vers un même point, et de là vient que Cadix, au temps de sa plus grande splendeur et quand le monde était plein du bruit de son opulence, n’avait pourtant qu’une étendue des plus modestes et une population permanente très restreinte (1)[19].

Toutes ces bourgades étaient strictement isolées les unes des autres. Une complète indépendance réciproque était le droit inné qu’on leur apprenait à maintenir, avec une jalousie fort agréable à l’esprit centralisateur de la capitale. Libres, elles étaient sans force vis-à-vis de leurs gouvernants lointains, et, ne pouvant se passer de protection, elles adhéraient avec ferveur à la puissante patrie d’où leur venait et qui leur conservait l’existence. Une autre raison très forte de ce dévouement, c’est que ces colonies fondées en vue du commerce n’avaient toutes qu’un grand débouché, l’Asie, et on n’arrivait en Asie qu’en passant par le Chanaan. Pour parvenir aux marchés de Babylone et de Ninive, pour pénétrer en Égypte, il fallait l’aveu des cités phéniciennes et les factoreries se trouvaient ainsi contraintes de confondre en une seule et même idée la soumission politique et le désir de vendre. Se brouiller avec la mère patrie, ce n’était autre chose que se fermer les portes du monde, et voir bientôt richesses et profits passer à quelque bourgade rivale plus soumise, et dès lors plus heureuse.

L’histoire de Carthage montre bien toute la puissance de cette nécessité. Malgré les haines qui semblaient devoir creuser un abîme entre la métropole démagogique et sa fière colonie, Carthage ne voulut pas rompre le lien d’une certaine dépendance. Des rapports longs et bienveillants ne cessèrent d’exister que lorsque Tyr ne compta plus comme entrepôt, et ce ne fut qu’après sa ruine et quand les cités grecques se furent substituées à son activité commerciale, que Carthage affecta la suprématie. Elle rallia alors sous son empire les autres fondations, et devint chef déclaré du peuple chananéen, dont elle avait conservé orgueilleusement le nom, jadis si glorieux. C’est ainsi que ses populations s’appelèrent de tout temps Chanani (1)[20], bien que le sol de la Palestine ne leur ait jamais appartenu (2)[21]. Ce que les Carthaginois ménageaient si fort dans les Tyriens, avec lesquels ils n’avaient pu vivre, c’était moins le foyer du culte national que le libre passage des marchandises vers l’Asie. Voici maintenant un second fait qui redouble l’évidence des déductions à tirer du premier.

Quand les rois perses se furent emparés de la Phénicie et de l’Égypte, ils prétendirent considérer Carthage comme conquise ipso facto et légitimement unie au sort de son ancienne capitale. Ils envoyèrent donc des hérauts aux patriciens du lac Tritonide pour leur donner certains ordres et leur faire certaines défenses. Carthage alors était fort puissante ; elle avait peu sujet de craindre les armées du grand roi, d’abord à cause de ses énormes ressources, puis parce qu’elle était bien loin du centre de la monarchie persane. Pourtant elle obéit et s’humilia. C’est qu’il fallait à tout prix conserver la bienveillance d’une dynastie qui pouvait fermer à son gré les ports orientaux de la Méditerranée. Les Carthaginois, politiques positifs, se déterminèrent, en cette occasion, par des motifs analogues à ceux qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, portèrent plusieurs nations européennes, désireuses de conserver leurs relations avec le Japon et la Chine, à subir des humiliations assez dures pour la conscience chrétienne. Devant une telle résignation de la part de Carthage, et lorsqu’on en pèse les causes, on s’explique que les colonies phéniciennes aient toujours montré un esprit bien éloigné de toute velléité de révolte.

Du reste, on se tromperait fort si l’on croyait que ces colonies se soient jamais préoccupées de la pensée de civiliser les nations au milieu desquelles elles se fondaient (1)[22]. Animées uniquement d’idées mercantiles, nous savons par Homère quelle aversion elles inspiraient aux populations antiques de l’Hellade. En Espagne et sur les côtes de la Gaule, elles ne donnèrent pas une meilleure opinion d’elles. Là où les Chananéens se trouvaient en face de populations faibles, ils poussaient la compression jusqu’à l’atrocité, et réduisaient à l’état de bêtes de somme les indigènes employés aux travaux des mines. S’ils rencontraient plus de résistance, ils employaient plus d’astuce. Mais le résultat était le même. Partout les populations locales n’étaient pour eux que des instruments dont ils abusaient, ou des adversaires qu’ils exterminaient. L’hostilité fut permanente entre les aborigènes de tous les pays et ces marchands féroces. C’était encore là une raison qui forçait les colonies, toujours isolées, faibles et mal avec leurs voisins, de rester fidèles à la métropole, et ce fut aussi un grand levier dans la main de Rome pour renverser la puissance carthaginoise. La politique de la cité italienne, comparée à celle de sa rivale, parut humaine et conquit par là des sympathies, et finalement la victoire. Je ne veux pas ici adresser aux consuls et aux préteurs un éloge peu mérité. Il y avait grand moyen de se montrer cruel et oppressif en l’étant moins que la race chananéenne. Cette nation de mulâtres, phénicienne ou carthaginoise, n’eut jamais la moindre idée de justice ni le moindre désir d’organiser, je ne dirai pas d’une manière équitable, seulement tolérable, les peuples soumis à son empire. Elle resta fidèle aux principes reçus par les Sémites de la descendance de Nemrod, et puisés par celle-ci dans le sang des noirs.

L’histoire des colonies phéniciennes, si elle fait honneur à l’habileté des organisateurs, doit, en somme, ce qu’elle eut de particulièrement heureux pour les métropoles à des circonstances toutes particulières, et qui n’ont jamais pu se renouveler depuis. Les colonies des Grecs furent moins fidèles ; celles des peuples modernes, également : c’est que les unes et les autres avaient le monde ouvert, et n’étaient pas contraintes de traverser la mère patrie pour parvenir à des marchés où elles pussent débiter leurs productions.

Il ne me reste plus rien à dire sur la branche la plus vivace de la famille chananéenne. Elle fournit, par ses mérites et ses vices, la première certitude que l’histoire présente à l’ethnologie  : l’élément noir y domina. De là, amour effréné des jouissances matérielles, superstitions profondes, dispositions pour les arts, immoralité, férocité.

Le type blanc s’y montra en force moindre. Son caractère mâle tendit à s’effacer devant les éléments féminins qui l’absorbaient. Il apporta, dans ce vaste hymen, l’esprit utilitaire et conquérant, le goût d’une organisation stable et cette tendance naturelle à la régularité politique qui dit son mot et joue son rôle dans l’institution du despotisme légal, rôle contrarié sans doute, cependant efficace, Pour achever le tableau, la surabondance de types inconciliables, issus des proportions diverses entre les mélanges, enfanta le désordre chronique, et amena la paralysie sociale et cet état d’abaissement grégaire où chaque jour a dominé davantage la puissance de l’essence mélanienne. C’est dans cette situation que croupirent désormais les races formées par les alliages chananéens.

Retournons aux autres branches des familles de Cham et de Sem.



  1. Ewald, G. d. V. Israël, t. I, p. 252.
  2. Même ouvrage, p. 278.
  3. (1) Je ne mentionne pas les ports de Gaza et d’Ascalon, parce qu’ils ne furent fondés qu’après l’émigration de Crète, déterminée par les conquêtes de l’Hellène Minos, 1548 avant J.-C. Du reste, les Assyriens, fidèles à leur système de s’affranchir du monopole phénicien, s’emparèrent très promptement de ces deux cités et leur donnèrent beaucoup de puissance. (Ewald, ouvrage cité, t. I, p. 294 et 367 ; Gesénius, Geschichte der hebraeischen Sprache, p. 14.)
  4. (2) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II-I, p. 298 et 378. La politique assyrienne faisait trembler les États chananéens ; quand il n’y avait pas domination directe, l’influence restait énorme et, se mêlant aux querelles des partis, appuyant le faible pour ruiner le fort, suscitait des querelles incessantes et rendait la paix encore plus redoutable que la guerre. M. Movers décrit très bien le jeu de ces antiques combinaisons, et prouve que le but principal des hommes d’État d’Assyrie touchait aux questions commerciales.
  5. (3) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II-I, p. 259 et 271, et passim.
  6. (1) Le Mahabharata ne connaît pas les noms de Babylone ni de la Chaldée. Cependant il y avait eu, de tout temps, un grand commerce entre les Arians hindous et le monde occidental, par l’intermédiaire des Phéniciens, soit avant, soit après que ceux-ci eurent quitté Tylos et Aradus dans le golfe Persique. (Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 858 et passim.) Je parlerai ailleurs des vases de porcelaine chinoise trouvés dans des tombeaux égyptiens des plus anciennes dynasties.
  7. (1) Les nègres donnent même ce titre aux Mahalaselys, tribu cafre, qui paraît mériter cet honneur par la possession de vêtements d’étoffe et de maisons pourvues d’escaliers. (Prichard, Histoire naturelle de l’homme, t. II, p. 21.)
  8. (1) Les annales chamites paraissent avoir été conservées avec beaucoup de soin par les intéressés. M. d’Ewald considère le XIVe chapitre de la Genèse et d’autres fragments du même livre comme des emprunts faits à ces histoires. (Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I, p. 71.) — À son avis, ces travaux des peuples chananéens auraient, en outre, servi de base à la partie cosmogonique et généalogique de la Genèse, rédigée par un lévite au temps de Salomon. (Ouvr. cité, p. 87 et passim.)
  9. (2) On verra, lorsqu’il s’agira des nations arianes, tous les motifs qui existent d’assimiler les dieux d’Assyrie aux antiques héros blancs. Il ne paraît pas douteux à M. Rawlinson que le dieu-poisson et la déesse Derceto, représentés sur les sculptures de Khorsabad et de Bi-Soutoun, n’aient été les images des patriarches échappés au dernier déluge.
  10. (3) Movers, das Phœnizische Alterth., t. II-I, p. 15. — C’est là ce qui porte M. Movers à combattre le témoignage d’Hérodote, et à soutenir que les Phéniciens n’étaient pas des émigrants de Tylos.
  11. (1) Movers, Das Phœnizische Alterthum, t. II-I.
  12. (1) L’homme venu du pays d’Arpaxad (Gen., X-22). — Tous les peuples sortis de Sem, à la première génération, sont dénommés dans l’ordre de leur position géographique, en commençant par le sud et en finissant par le nord-ouest : Elam, au delà du Tigre, près du golfe Persique ; Assur, l’Assyrie, remontant le Tigre, vers le nord ; Arpaxad, l’Arménie, inclinant à l’ouest ; Lud, la Lydie ; Aram redescend vers le sud avec le cours de l’Euphrate. (Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I.)
  13. (1) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 352 et passim.
  14. (2) Movers, t. II, 1re partie, p. 369.
  15. (3) Movers, loc. cit.
  16. 1) Movers, t. II, 1re partie, p. 367 et passim.
  17. (1) Movers, t. II, 2e partie, p. 629.
  18. (1) Movers, t. II, 1re partie, p. 366.
  19. (1) Strabon, livre III — La ville de cette époque, avec une population que le grand géographe ne pouvait comparer qu’à celle de Rome, n’occupait encore que l’île. Elle avait cependant été agrandie par Balbus.
  20. (1) Les Phéniciens donnaient à leur pays le nom de Chna ou terre de Chanaan par excellence ; mais cette prétention n’était pas reconnue par les autres nations même de la famille, qui n’attribuaient pas d’appellation collective à l’ensemble des États de la côte syrienne (Movers, t. II, 1re partie, p. 65.) — Outre les Phéniciens, la race de Chanaan compte de nombreux rameaux. Voici l’énumération qu’en donne la Genèse, X, 15 : « Chanaan autem genuit Sidonem, primogenitum suum, Hethæum, 16 : et Zebusæum et Amorrhæum, Gergesæum, 17 : Hevæum et Aracæum, Sinæum, 18 : et Aradium, Samaræum et Amathæum... »
  21. (2) Encore au temps de saint Augustin, le bas peuple de la Carthage romaine se donnait le nom de Chanani. (Gesenius, Hebræische Grammatik, p. 16.)
  22. (1) Rien de plus ridicule que le sens philanthropique attribué par quelques modernes au mythe de l’Hercule tyrien. Le héros sémite et ses compagnons se donnaient des torts et ne redressaient pas ceux des autres.