Essai sur l’inégalité des races humaines/Livre deuxième/Chapitre IV

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CHAPITRE IV.

Les Assyriens ; les Hébreux ; les Choréens.

Le sentiment unanime de l’antiquité n’a jamais cessé d’attribuer aux peuples de la région mésopotamique cette supériorité marquée sur toutes les autres nations issues de Cham et de Sem, dont j’ai déjà touché quelques mots. Les Phéniciens étaient habiles ; les Carthaginois le furent à leur tour. Les États juifs, arabes, lydiens, phrygiens eurent leur éclat et leur gloire. Rien de mieux : en somme, ces planètes n’étaient que les satellites de la grande contrée où s’élaboraient leurs destinées. L’Assyrie dominait tout, sans conteste.

D’où pouvait provenir une telle supériorité ? La philologie va répondre strictement.

J’ai montré que le système des langues sémitiques était une extension imparfaite de celui des langues noires. C’est là seulement que se trouve l’idéal de ce mode d’idiome. Il est altéré dans l’arabe, plus incomplet encore dans l’hébreu, et je ne me suis pas avancé, dans la progression descendante, au delà de l’araméen, où la décadence des principes constitutifs est plus prononcée encore. On se trouve là comme un homme qui, s’enfonçant dans un passage souterrain, perd la lumière à mesure qu’il avance. En continuant de marcher, on reverra la clarté, mais ce sera par un autre côté de la caverne, et sa lueur sera différente.

L’araméen n’offre encore qu’une désertion négative de l’esprit mélanien. Il ne dévoile pas des formes nettement étrangères à ce système. En regardant un peu plus loin, géographiquement parlant, se présente bientôt l’arménien ancien, et là, sans aucun doute, s’aperçoivent des nouveautés. On met la main sur une originalité qui frappe. On la regarde, on l’étudie : c’est l’élément indo-germanique. Il n’y a pas à en douter. Bien limité encore, faible peut-être, toutefois vivant et imméconnaissable.

Je poursuis ma route. À côté des Arméniens sont les Mèdes. J’écoute leur langue. Je constate encore et des sons et des formes sémitiques. Les uns et les autres sont plus effacés que dans l’arménien, et l’indo-germanique y occupe une plus grande place (1)[1]. Aussitôt que j’entre sur les territoires placés au nord de la Médie, je passe au zend. J’y trouve encore du sémitique, cette fois à l’état tout à fait subordonné. Si, par un pas de côté, je tombais vers le sud, le pehlvi, toujours indo-germanique, me ramènerait cependant vers une plus grande abondance d’éléments empruntés à Sem. Je l’évite, je pousse toujours plus avant dans le nord-est, et les premiers parages hindous m’offrent aussitôt le meilleur type connu des langues de l’espèce blanche, en me présentant le sanscrit (2)[2].

Je tire de ces faits cette conséquence que, plus je descends au midi, plus je trouve d’alliage sémitique, et qu’à proportion où je m’élève vers le nord, je rencontre les éléments blancs dans un meilleur état de pureté et avec une abondance incomparable. Or les États assyriens étaient, de toutes les fondations chamo-sémites les plus reculées dans cette direction. Ils étaient sans cesse atteints par des immigrations, latentes ou déclarées, descendues des montagnes du nord-est. C’est donc là qu’était la cause de leur longue, de leur séculaire prépondérance.

Avec quelle rapidité les invasions se succédaient, on l’a vu. La dynastie sémite-chaldéenne, qui avait mis fin à la domination exclusive des Chamites vers l’an 2000, fut renversée, deux cents ans après environ, par de nouvelles bandes sorties des montagnes.

À celles-ci, l’histoire donne le nom de médiques. On aurait lieu d’être un peu surpris de rencontrer des nations indo-germaniques si avant dans le sud-ouest, à une époque encore bien reculée, si, persistant dans l’ancienne classification, on prétendait tirer une rigoureuse ligne de démarcation entre les peuples blancs, des différentes origines, et séparer nettement les Sémites des nations dont les principales branches ont peuplé l’Inde et plus tard l’Europe. Nous venons de voir que la vérité philologique repousse cette méthode de classifications strictes. Nous sommes complètement en droit d’admettre les Mèdes comme fondateurs d’une très ancienne dynastie assyrienne, et de considérer ces Mèdes, soit, avec Movers, comme des Sémites-Chaldéens (1)[3], soit avec Ewald, comme des peuples arians ou indo-germains, suivant la face sous laquelle il nous plaît le mieux d’envisager la question (2)[4]. Servant de transition aux deux races, ils tiennent de l’une et de l’autre. Ce sont indifféremment, à parler géographie, les derniers des Sémites ou les premiers des Arians, comme on voudra.

Je ne doute pas que, sous le rapport des qualités qui tiennent à la race, ces Mèdes de première invasion ne fussent supérieurs aux Sémites plus mêlés aux noirs dont ils étaient les parents. J’en veux pour témoignage leur religion, qui était le magisme. Il faut l’induire du nom du second roi de leur dynastie, Zaratuschtra (3)[5]. Non pas que je sois tenté de confondre ce monarque avec le législateur religieux : celui-là vivait à une époque beaucoup plus ancienne ; mais l’apparition du nom de ce prophète, porté par un souverain, est une garantie de l’existence de ses dogmes au milieu de la nation. Les Mèdes n’étaient donc pas dégradés par les monstruosités des cultes chamitiques, et, avec des notions religieuses plus saines, ils gardaient certainement plus de vigueur militaire et plus de facultés gouvernementales.

Il n’était cependant pas possible que leur domination se maintînt indéfiniment. Les raisons qui leur imposaient une prompte décadence sont de différent ordre.

La nation médique n’a jamais été très nombreuse, nous aurons l’occasion de le démontrer plus tard, et si, au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, elle a repris sur les États assyriens une autorité perdue depuis l’an 2234 avant notre ère, c’est qu’alors elle fut puissamment aidée par l’abâtardissement final des races chamo-sémitiques, par l’absence complète de tout concurrent à l’empire et par l’alliance de plusieurs nations arianes, qui, à l’époque de sa première invasion, n’avaient pas encore paru dans les régions du sud-ouest qu’elles occupèrent plus tard, entre autres les tribus persiques.

De sorte que les Mèdes formaient une sorte d’avant-garde de la famille ariane. Ils n’étaient pas nombreux par eux-mêmes, ils n’étaient pas appuyés par les autres peuples, leurs parents ; et non seulement ils ne l’étaient pas, parce que ceux-ci n’étaient pas encore descendus, à leurs côtés, vers les contrées méridionales, mais parce que, dans ces époques reculées et après le départ des Arians Hellènes, dont les migrations jetaient constamment des essaims de Sémites sur le monde assyrien et chananéen, une civilisation imposante exerçait un immense empire sur le gros des peuples arians zoroastriens, dans les régions situées entre la Caspienne et l’Hindoukoh, et, plus particulièrement, dans la Bactriane. Là régnait une populeuse cité, Balk, la mère des villes, pour me servir de l’expression emphatique employée par les traditions iraniennes lorsqu’elles veulent peindre d’un même trait et la puissance et l’incroyable antiquité de l’ancienne métropole du magisme.

Il s’était formé sur ce point un centre de vie qui, concentrant toute l’attention et toute la sympathie des nations zoroastriennes, les détournait d’entrer dans le courant assyrien. Ce qui leur restait d’activité, en dehors de cette sphère, se reportait d’ailleurs tout entier du côté de l’est, vers les régions de l’Inde, vers les pays du Pendjab, où des relations étroites de parenté, des souvenirs importants, d’anciennes habitudes, la similitude de langage, et même des haines religieuses et l’esprit de controverse, qui en est la suite naturelle, reportaient leur pensée.

Les Mèdes, dans leurs entreprises sur l’Asie antérieure, se trouvaient ainsi réduits à la modicité de leurs seules ressources, situation d’autant plus faible que des compétiteurs ambitieux, des bandes de Sémites descendant du nord, se succédaient sans cesse pour ébranler leur domination.

À égalité de nombre, ces Sémites ne les valaient pas. Mais leurs flots épais, se multipliant, les astreignaient à des efforts qui ne pouvaient pas être toujours heureux, et d’autant moins que les mérites allaient, en définitive, s’égalisant, et même quelque chose de plus, à mesure que les années passaient sur les maîtres du trône.

Ceux-ci résidaient dans les villes d’Assyrie, soutenus, sans doute, de loin, par leur nation, cependant séparés d’elle et vivant loin d’elle, perdus dans la foule chamo-sémitique. Leur sang s’altéra, comme s’était altéré celui des Chamites blancs et celui des premiers Chaldéens. Les incursions sémitiques, d’abord rembarrées avec vigueur, ne trouvèrent plus, un jour, la même résistance. Ce jour-là, elles firent brèche et la domination médique fut si bien renversée que l’épée des vainqueurs commanda même au gros du peuple, découragé et accablé par les multitudes qui vinrent fondre sur lui.

Les États assyriens avaient recommencé à décliner sous les derniers souverains mèdes. Ils reprirent leur éclat, leur omnipotence dans toute l’Asie antérieure, avec le nouvel apport de sang frais et choisi qui vint, sinon relever leurs races nationales, du moins les gouverner sans conteste. C’est, par cette série incessante de régénérations que l’Assyrie se maintenait toujours à la tête des contrées chamo-sémitiques.

La nouvelle invasion donna naissance, pour le pays-roi, à de grandes extensions territoriales (1)[6].

Après avoir asservi le pays des Mèdes, les conquérants sémites firent des invasions au nord et à l’est. Ils ravagèrent une partie de la Bactriane et pénétrèrent jusqu’aux premiers confins de l’Inde. La Phénicie, autrefois conquise, le fut de nouveau, et les idées, les notions, les sciences, les mœurs assyriennes se répandirent plus que jamais, et poussèrent plus avant leurs racines. Les grandes entreprises, les grandes créations se succédèrent rapidement. Tandis que de puissants monarques babyloniens fondaient dans l’est, aux environs de la ville actuelle de Kandahar, cette cité de Kophen, dont les ruines ont été retrouvées par le colonel Rawlinson (2)[7], Mabudj s’élevait sur l’Euphrate, Damas et Gadara plus à l’ouest (3)[8]. Les civilisateurs sémites passaient l’Halys, et organisaient sur la côte de la Troade, dans les pays lydiens, des souverainetés qui, plus tard indépendantes, se firent gloire à jamais de leur avoir dû la naissance (4)[9].

Il est inutile de suivre le mouvement de ces dynasties assyriennes, qui retinrent pendant tant de siècles le gouvernement de l’Asie antérieure dans des mains régénératrices. Tant que les contrées voisines de l’Arménie et adossées au Caucase fournirent des populations plus blanches que celles qui habitaient les plaines méridionales, les forces des États assyriens se renouvelèrent toujours à propos. Une dynastie d’Arabes Ismaélites interrompit seule (de 1520 à 1274 av. J.-C.) le cours de la puissance chaldéenne. Une race dégénérée fut ainsi remplacée par des Sémites du sud, moins corrompus que l’élément chamitique, si prompt à pourrir tous les apports de sang noble dans les pays mésopotamiques. Mais aussitôt que des Chaldéens, plus purs que la famille ismaélite, se montrèrent de nouveau, celle-ci descendit du trône pour le leur céder.

On le voit : dans les sphères élevées du pouvoir, là où s’élaborent les idées civilisatrices, il n’est plus question, il ne doit plus jamais être tenu compte des Chamites noirs. Leurs masses se sont tout à fait humiliées sous les couches successives de Sémites. Elles font nombre dans l’État, et ne jouent plus de personnage actif. Mais un rôle si humble en apparence n’en est pas moins terrible et décisif. C’est le fond stagnant où tous les conquérants viennent, après peu de générations, s’abattre et s’engloutir. D’abord, de ce terrain corrompu sur lequel marchent triomphalement les vainqueurs, la boue ne leur monte que jusqu’à la cheville. Bientôt les pieds s’enfoncent, et l’immersion dépasse la tête. Physiologiquement comme moralement, elle est complète. Au temps d’Agamemnon, ce qui frappa le plus les Grecs dans les Assyriens venus au secours de Priam, ce fut la couleur de Memnon, le fils de l’Aurore. À ces peuples orientaux les rapsodes appliquaient sans hésitation le nom significatif d’Éthiopiens[10].

Après la destruction de Troie, les mêmes motifs commerciaux qui avaient engagé les Assyriens à favoriser l’établissement des villes maritimes dans le pays des Philistins et au nord de l’Asie Mineure[11], les portèrent également à pardonner aux Grecs la destruction d’une ville, leur tributaire, et à protéger l’Ionie. Leur but était de mettre fin au monopole des cités phéniciennes, et en conséquence, les Troyens une fois tombés sans remède, leurs vainqueurs furent admis à les remplacer. Les Grecs asiatiques devinrent ainsi les facteurs préférés du commerce de Ninive et de Babylone. C’est la première preuve que nous ayons encore rencontrée de cette vérité si souvent répétée par l’histoire, que, si l’identité de race crée entre les peuples l’identité de destinée, elle ne détermine nullement l’identité d’intérêts, et par suite l’affection mutuelle.

Tant que les Phéniciens furent seuls à exploiter les régions occidentales du monde, ils vendirent trop cher leurs denrées aux Assyriens, qui n’eurent pas de cesse jusqu’à ce que, leur ayant suscité des concurrents, d’abord dans les Troyens, puis dans les Grecs, ils eussent réussi à obtenir à meilleur compte les produits que réclamait leur consommation (1)[12].

Ainsi, dans toute l’Asie antérieure on vivait sous la direction des Assyriens. Si l’on devait réussir, on réussissait par eux, et tout ce qui essayait de sortir de leur ombre restait faible et languissant. Encore cette indépendance funeste n’était-elle jamais que relative, même chez les tribus nomades du désert. Pas une nation, grande ou petite, qui n’éprouvât l’action des populations et du pouvoir de la Mésopotamie. Cependant, parmi celles qui s’en ressentaient le moins, les fils d’Israël semblent se présenter en première ligne. Ils se disaient jaloux de leur individualité plus que toute autre tribu sémite. Ils désiraient passer pour purs dans leur descendance. Ils affectaient de s’isoler de tout ce qui les entourait. À ce titre seul, ils mériteraient d’occuper dans ces pages une place réservée, si les grandes idées que leur nom réveille ne la leur avaient pas assurée d’avance.

Les fils d’Abraham ont changé plusieurs fois de nom. Ils ont commencé par s’appeler Hébreux. Mais ce titre, qu’ils partageaient avec tant d’autres peuples, était trop vaste, trop général. Ils y substituèrent celui de fils d’Israël. Plus tard, Juda ayant dominé en éclat et en gloire tous les souvenirs de leurs patriarches, ils devinrent les Juifs. Enfin, après la prise de Jérusalem par Titus, ce goût de l’archaïsme, cette passion des origines, triste aveu de l’impuissance présente qui ne manque jamais de saisir les peuples vieillards, sentiment naturel et touchant, leur fit reprendre le nom d’Hébreux.

Cette nation, malgré ce qu’elle a pu prétendre, ne posséda jamais, non plus que les Phéniciens, une civilisation qui lui fût propre. Elle se borna à suivre les exemples venus de la Mésopotamie, en les mélangeant de quelque peu de goût égyptien. Les mœurs des Israélites, dans leur plus beau moment, au temps de David et de Salomon (1)[13], furent tout à fait tyriennes, et partant ninivites. On sait avec quelle peine et même quels succès mélangés, les efforts de leurs prêtres tendirent constamment à les tenir loin des plus horribles abus de l’émanatisme oriental.

Si les fils d’Abraham avaient pu garder, après leur descente des montagnes chaldéennes, la pureté relative de race qu’ils apportaient avec eux, il n’y a pas de doute qu’ils eussent conservé et étendu cette prépondérance qu’avec le père de leurs patriarches, on leur vit exercer sur les populations chananéennes plus civilisées, plus riches, mais moins énergiques, parce qu’elles étaient plus noires. Par malheur, en dépit de prescriptions fondamentales, malgré les défenses successives de la loi, malgré même les exemples terribles de réprobation que rappellent les noms des Ismaélites, des Édomites, descendants illégitimes et rejetés de la souche abrahamide, il s’en fallut de tout que les Hébreux ne s’alliassent que dans leur parenté (2)[14]. Dès leurs premiers temps, la politique les contraignit d’accepter l’alliance de plusieurs nations réprouvées, de résider au milieu d’elles, de mêler leurs tentes et leurs troupeaux aux troupeaux et aux tentes de l’étranger, et les jeunes gens des deux familles se rencontraient aux citernes. Les Kénaens, fraction d’Amalek, et bien d’autres, furent fondus de la sorte dans le peuple des douze tribus (1)[15]. Puis les patriarches avaient été des premiers à violer la loi. Les généalogies mosaïques nous enseignent bien que Sara était la demi-sœur de son mari, et par conséquent d’un sang pur (2)[16]. Mais si Jacob épousa Lia et Rachel, ses cousines, et en eut huit de ses fils, ses quatre autres enfants, qui ne sont pas moins comptés parmi les véritables pères d’Israël, naquirent des deux servantes Bala et Zelpha (3)[17]. L’exemple donné fut suivi par ses rejetons (4)[18].

Dans les époques suivantes, on trouve d’autres alliances ethniques, et, quand on arrive à l’époque monarchique, il est impossible de les énumérer, tant elles sont devenues communes.

Le royaume de David, s’étendant jusqu’à l’Euphrate, embrassait bien des populations diverses. Il ne pouvait même être question d’y maintenir la pureté ethnique. Le mélange pénétra donc par tous les pores, dans les membres d’Israël. Il est vrai que le principe resta ; que plus tard Zorobabel exerça des sévérités approuvées contre les hommes mariés aux filles des nations. Mais l’intégrité du sang d’Abraham n’en avait pas moins disparu, et les Juifs étaient aussi souillés de l’alliage mélanien que les Chamites et les Sémites au milieu desquels ils vivaient. Ils avaient adopté leur langue (1)[19]. Ils avaient pris leurs coutumes ; leurs annales étaient en partie celles de leurs voisins, Philistins, Édomites, Amalécites, Amorrhéens. Trop souvent, ils porteront l’imitation des mœurs jusqu’à l’apostasie religieuse (2)[20]. Hébreux et gentils étaient taillés, en vérité, sur un seul et même modèle. Enfin, je donne ceci, tout à la fois, comme une preuve et comme une conséquence  : ni au temps de Josué, ni sous David ou Salomon, ni quand les Machabées régnèrent, les Juifs ne parvinrent à exercer sur les peuples de leur entourage, sur tant de petites nations parentes, pourtant si faibles, une supériorité quelque peu durable. Ils furent comme les Ismaélites, comme les Philistins. Ils eurent des jours, rien que quelques jours de puissance, et l’égalité d’ailleurs fut complète avec leurs rivaux.

J’ai déjà expliqué pourquoi les Israélites, les fils d’Ismaël, ceux d’Edom, et d’Amalek, composés des mêmes éléments fondamentaux noirs, chamites et sémites, que les Phéniciens et les Assyriens, sont constamment demeurés au plus bas degré de la civilisation typique de la race, laissant aux peuples de la Mésopotamie le rôle inspirateur et dirigeant. C’est que les éléments d’origine blanche se renouvelaient périodiquement chez ces derniers, et jamais chez eux. Ils ne réussirent donc point à faire des conquêtes stables, et, lorsqu’ils se trouvèrent avoir le loisir et le goût de perfectionner leurs mœurs, ils ne purent que tout emprunter à la culture assyrienne, sans lui rendre jamais rien, la pratiquant un peu, j’imagine, comme les provinciaux font des modes de Paris. Les Tyriens, tout grands marchands qu’ils étaient, n’étaient pas plus inspirés. Ils ne comprenaient que d’une façon incomplète ce que leur enseignait Ninive. Salomon, à son tour, lorsqu’il voulait bâtir son temple, faisant venir de Tyr architectes, sculpteurs et brodeurs, n’obtenait pas le dernier mot des talents de son époque. Il est vraisemblable que, dans les magnificences qui éblouirent si fort Jérusalem, l’œil d’un homme de goût venu de Ninive, n’aurait démêlé qu’une copie faite de seconde main des belles choses qu’il avait contemplées en original dans les grandes métropoles mésopotamiques, où l’Occident, l’Orient, l’Inde et la Chine même, au dire d’Isaïe (1)[21], envoyaient, sans se lasser, tout ce qu’il y avait de plus accompli dans tous les genres.

Rien de plus simple. Les petits peuples dont je parle en ce moment étaient des Sémites trop chamitisés pour jouer un autre rôle que celui de satellites dans un système de culture qui d’ailleurs, étant celui de leur race, leur convenait et n’avait besoin pour leur sembler parfait que de subir des modifications locales. Ce furent précisément ces modifications locales qui, réduisant les splendeurs ninivites au degré voulu par des nations obscures et pauvres, créait l’amoindrissement de la civilisation. Transporté à Babylone, le Phénicien, l’Hébreu, l’Arabe, s’y mettaient aisément de pair avec le reste des populations, sauf peut-être les Sémites du nord les plus récemment arrivés, et devenaient habiles à secouer les liens que leur imposait la médiocrité de leurs milieux nationaux ; mais c’était là de l’imitation, rien de plus. En ces groupes fractionnaires ne résidait pas l’excellence du type (2)[22].

Je ne quitterai pas les Israélites sans avoir touché quelques mots de certaines tribus qui vécurent longtemps parmi eux, dans les districts situés ou nord du Jourdain. Cette population mystérieuse paraît n’avoir été autre que les débris restés purs de quelques-unes des familles mélaniennes, de ces noirs jadis seuls maîtres de l’Asie antérieure avant la venue des Chamites blancs. La description que les livres saints nous font de ces hommes misérables est précise, caractéristique, terrible par l’idée de dégradation profonde qu’elle éveille.

Ils n’habitaient plus, au temps de Job, que dans le district montagneux de Séir ou Edom, au sud du Jourdain. Abraham les y avait déjà connus. Ésaü, ce ne fut vraisemblablement pas sa moindre faute, habita parmi eux (1)[23], et, conséquence naturelle dans ces temps-là, il prit, au nombre de ses épouses, une de leurs femmes, Oolibama, fille d’Ana, fille de Sébéon, de sorte que les fils qu’il en eut, Jehus, Jhelon et Coré, se trouvèrent liés très directement par leur mère à la race noire.

Les Septante appellent ces peuplades les Chorréens ; la Vulgate les nomme moins justement Horréens, et il en est fait mention en plusieurs endroits des Écritures (2)[24]. Ils vivaient au milieu des rochers et se blottissaient dans des cavernes. Leur nom même signifie troglodytes (3)[25]. Leurs tribus avaient des communautés indépendantes. Toute l’année, errant au hasard, ils allaient volant ce qu’ils trouvaient, assassinant quand ils pouvaient. Leur taille était très élevée. Misérables à l’excès, les voyageurs les redoutaient pour leur férocité. Mais toute description pâlit en face des versets de Job, où M. d’Ewald (4)[26] reconnaît leur portrait. Voici le passage : « Ils se moquent de moi, ceux-là même dont je n’aurais pas daigné mettre les pères avec les chiens de mon troupeau...

« De disette et de faim, ils se tenaient à l’écart, fuyant dans les lieux arides, ténébreux, désolés et déserts.

« Ils coupaient des herbes sauvages auprès des arbrisseaux et la racine des genévriers pour se chauffer.

« Ils étaient chassés d’entre les autres hommes, et l’on criait après eux comme après un larron.

« Ils habitaient dans les creux des torrents, dans les trous de la terre et des rochers.

« Ils faisaient du bruit entre les arbrisseaux, et ils s’attroupaient entre les chardons.

« Ce sont des hommes de néant et sans nom qui ont été abaissés plus bas que la terre. » (Job, XXX, I, 3-8).

Les noms de ces sauvages sont sémitiques, s’il faut absolument employer l’expression abusive consacrée ; mais, à parler d’une manière plus exacte, les langues noires en réclament la propriété directe. Quant aux êtres qui portaient ces noms, peut-on rien imaginer de plus dégradé ? Ne croit-on pas lire, dans les paroles du saint homme, une description exacte du Boschisman et du Pélagien ? En réalité, la parenté qui unissait l’antique Chorréen à ces nègres abrutis est intime. On reconnaît dans ces trois branches de l’espèce mélanienne, non pas le type même des nègres, mais un degré d’avilissement auquel cette branche de l’humanité peut seule tomber. Je veux bien admettre que l’oppression exercée par les Chamites sur ces misérables êtres, comme celle des Cafres sur les Hottentots et des Malais sur les Pélagiens, puisse être considérée comme la cause immédiate de leur avilissement. Qu’on en soit certain cependant, une telle excuse, trouvée par la philanthropie moderne à l’abrutissement et à ses opprobres, n’eut jamais besoin d’être invoquée pour les populations de notre famille. Certes les victimes n’y manquèrent pas plus que chez les noirs et les jaunes. Les peuples vaincus, les peuples vexés, tyrannisés, ruinés, s’y sont rencontrés et s’y rencontreront en foule. Mais, tant qu’une goutte active du sang des blancs persiste dans une nation, l’abaissement, quelquefois individuel, ne devient jamais général. On citera, oui, l’on citera des multitudes réduites à une condition abjecte, et l’on dira que le malheur seul a pu les y conduire. On verra ces misérables habiter les buissons, dévorer tout crus des lézards et des serpents, vaguer nus sur les grèves, perdre quelquefois la majeure partie des mots nécessaires pour former une langue, et les perdre avec la somme des idées ou des besoins que ces mots représentaient, et le missionnaire ne trouvera d’autre solution à ce triste problème que les cruautés d’un vainqueur despotique et le manque de nourriture. C’est une erreur. Qu’on y regarde mieux. Les peuples ravalés à cet infime niveau seront toujours des nègres et des Finnois, et, sur aucune page de l’histoire, les plus malheureux des blancs ne verront leur souvenir aussi honteusement consacré. Ainsi les annales primitives ne peuvent nous faire découvrir nos ancêtres blancs à l’état sauvage ; au contraire, elles nous les montrent doués de l’aptitude et des éléments civilisateurs, et voici de plus un nouveau principe qui se pose, et dont l’enchaînement des siècles nous apportera en foule d’incessantes démonstrations : jamais ces glorieux ancêtres n’ont pu être amenés par les malheurs les plus accablants à ce point déshonorant d’où ils n’étaient pas venus. C’est là, ce me semble, une grande preuve de leur supériorité absolue sur le reste de l’espèce humaine.

Les Chorréens cessèrent de résister et disparurent. Dépossédés du peu qui leur restait par leurs parents, fils d’Ésaü, enfants d’Oolibama, Édomites[27], ils s’éteignirent devant la civilisation, comme s’éteignent aujourd’hui les aborigènes de l’Amérique septentrionale. Ils ne jouèrent aucun rôle politique. Leurs expéditions ne furent que des brigandages. On sait par l’histoire de Goliath qu’ils n’avaient plus d’autre rôle que de servir les haines de leurs spoliateurs contre les Israélites.

Quant aux Juifs, ils restèrent fidèles à l’influence ninivite tant que les Sémites la dirigèrent. Plus tard, lorsque le sceptre eut passé dans les mains des Arians Zoroastriens, comme les rapports de race n’existaient plus entre les dominateurs de la Mésopotamie et les nations du sud-ouest, il put y avoir obéissance politique : il n’y eut plus communion d’idées. Mais ces considérations seraient ici prématurées. Avant de descendre aux époques où elles doivent trouver leur place, il me reste beaucoup de faits à examiner, parmi lesquels ceux qui ont trait à l’Égypte réclament immédiatement l’attention.



  1. (1) Un érudit d’une réputation aussi grande que méritée, M. de Saulcy, a émis une théorie nouvelle au sujet du médique, dans lequel il découvre des éléments appartenant aux langues turques. En adoptant cette très intéressante hypothèse, il deviendrait indispensable sans doute d’ajouter une partie constitutive de plus au médique. Mais les rapports existant aussi dans le sein de cet idiome, entre l’indo-germanique et le sémitique, et que je signale, n’en seraient pas troublés. (Voir F. de Saulcy, Recherches analytiques sur les inscriptions cunéiformes du système médique, Paris, 1850.)
  2. (2) Klaproth, Asia polyglotta, p, 65 ; voir aussi, au sujet du médique, Rœdiger et Pott, Kurdische Studien, dans la Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, t. III, p. 12-13.
  3. (1) Movers, Das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 420.
  4. (2) Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I, p. 334.
  5. (3) Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 753.
  6. (1) Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 858 et pass. — Movers, Das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 272 et pass.
  7. (2) Movers, Das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 265.
  8. (3) Damas fut possédé, quelque temps après Abraham, par une émigration de Sémites venus d’Arménie. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I, p. 367. Plus tard, une autre invasion de la même provenance renversa la dynastie nationale des Ben-Hadad, et la remplaça par une famille qui porta le titre de Derketade, ibid., p. 274. — Dans les temps grecs et romains, les Damascènes, par une prétention qui se rencontre rarement chez les peuples comme chez les individus, niaient l’extrême antiquité de leur ville, et prétendaient pour elle à l’honneur d’avoir été fondée par Abraham.
  9. (4) Les Sandonides de Lydie se vantaient d’une origine assyrienne. (Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I, p. 329.)
  10. Movers, t. II, 1re partie, p. 277. Les Éthiopiens, Αἰθίωπες (Aithiôpes), des Grecs, sont les enfants de Kouch. Ce sont des Arabes كوش. Ce mot Αἰθίωπες (Aithiôpes) indique la couleur noire des visages, comme celui de Φοίνιϰες (Phoinikes) indique la carnation cuivrée, rougeâtre, des Chananéens.
  11. Movers, t. II, 1re partie, p. 411. Cette alliance naturelle entre les Assyriens et les Grecs, concurrents des Phéniciens, est très bien caractérisée par ce qui se passait à Chypre. Il y eut là, de bonne heure, une double population ; l’une sémitique, l’autre grecque. Les Chypriotes grecs tenaient pour les Assyriens, les Sémites pour Tyr. (Movers, t. II, 1re partie, 387.)
  12. Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 411.
  13. (1) Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I, p. 87.
  14. (2) D’ailleurs la famille même du fils de Tharé ne se composait pas que de personnes issue de la même souche. Lorsqu’il forma alliance avec le Seigneur et qu’il eut circoncis tous les mâles de sa maison, ceux-ci devinrent tous hébreux, bien que le texte dise expressément qu’il y avait parmi eux des esclaves achetés à prix d’argent et des étrangers (Gen., XVII, 27) : « Et omnes viri domus illius, tam vernaculi, quam emptitii et alienigenæ, pariter circumcisi sunt. » On doit conclure aussi des paroles expresses du livre saint que la nationalité israélite résultait beaucoup moins de la descendance que du fait de la circoncision. Voici les paroles expresses (Gen., XVII, 11) : « Et circumcidetis carnem præputii vestri ut sit in signum fœderis inter me et vos... » (12) : « Omne masculinum in generationibus vestris ; tam vernaculus quam emptitius circumcidetur... » Et (XXXIV, 15) : « Sed in hoc valebimus fœderari, si volueritis esse similes nostri et circumcidatur in vobis omne masculini sexus. » (13) : « Tunc dabimus mutuo filias vestras ac nostras  : et habitabimus vobiscum, erimusque unus populus. » D’après un tel système, il était impossible que la pureté des races se maintînt, quels que fassent les efforts que l’on pouvait faire d’ailleurs dans ce but.
  15. (1) Gen., XV, 19 ; Sam., 1, 15, 6 ; Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I, p. 298 et passim.
  16. (2)Gen., XX, 12 : « Alias autem et vere soror mea est, filia patris mei ; et non filia matris meæ et duxi eam in uxorem.
  17. (3) Gen., XXIX, 3-13.
  18. (4) Je ne citerai, de tous les passages qui l’établissent, que celui qui a rapport à la descendance de Joseph. C’était le fils favori d’Israël, l’homme pur par excellence ; il avait cependant épousé une Égyptienne. — Gen., XLVI, 20 : « Natique sunt Joseph filii in terra Ægypti, quos genuit ei Aseneth, filia Putiphare sacerdotis Heliopoleos : Manasses et Ephraim. »
  19. (1) Isaïe appelle l’hébreu, langue de Chanaan (XXXIV, 11, 13).
  20. (2) Ewald, t. I, p. 71.
  21. (1) Isaïe, XLIX, 12. Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 857.
  22. (2) Movers, Das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 302.
  23. (1) Gen. XXXVI, 8 : « Habitavitque Esau in monte Seir... »
  24. (2) Tantôt la Vulgate dit Horræi (Gen., XXXVI, 20, 21 et 29), et tantôt Horrhæi (Deutéron., II, 12).
  25. 3) -- (hébreu) trou, caverne.
  26. (4) Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I, p. 273. Les Chorréens avaient occupé, à des époques plus anciennes, les deux rives du Jourdain jusqu’à l’Euphrate vers le nord-est et au sud jusqu’à la met Rouge. Il est d’ailleurs assez fréquemment question de ces peuplades noires dans la Genèse, le Deutéronome et les Paralipomènes, partout, enfin, où paraissent des aborigènes. Elles ne sont pas connues que sous un seul nom. Appelées Chorréens dans la Genèse, le Deutéronome les nomme aussi Emim ---- (hébreu) dont le singulier est --- (hébreu) qui signifie terreur. Les Emim seraient donc les terreurs, les gens dont l’aspect épouvante (Deutér., II, 10 et 11). On trouve encore une tribu particulière, anciennement établie sur le territoire d’Ar, assigné depuis aux Ammonites. Ces derniers les nommaient les Zomzommim ---- (hébreu). Le texte décrit ainsi leur pays et eux-mêmes. (Deutér., II, 20) : « Terra gigantum reputata est et in ipsa olim habitaverunt gigantes, quos Animonitæ vocant Zomzommim, 21. Populus magnus et multus et proceræ longitudinis, sicut Enacim, quos delevit Dominus a facie eorum... » Gesenius rapporte la racine de ce nom de peuple au quadrilatère inusité : (hébreu) (murmuravit, fremuit). Enfin les Chorréens, les Emim, les Zomzommim, ces hommes de terreur et de bruit, sont toujours comparés aux Enacim, les hommes aux longs cous, les géants par excellence. Ces derniers, avant l’arrivée des Israélites, habitaient les environs d’Hébron. En partie exterminés, ce qui en survécut se réfugia dans les villes des Philistins, où on en rencontrait encore à une époque assez basse. Il n’est pas douteux que le célèbre champion qui combattit contre le berger David, Goliath (dont le nom signifie l’exilé, le réfugié), appartenait à cette famille proscrite.
  27. Deutéron., II, 12 « In Seir autem prius habitaverunt Horrhæi quibus expulsis atque deletis, habitaverunt filii Esaü, sicut fecit Israël in terra possessionis suæ, quam dedit illi Dominus. »