Essai sur l’origine des connaissances humaines/Première Partie/Section 1

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ESSAI
SUR L’ORIGINE
DES
CONNOISSANCES HUMAINES


PREMIERE PARTIE.

Des matériaux de nos connoissances, & particuliérement des opérations de l’ame.

SECTION PREMIERE.


CHAPITRE PREMIER.

Des matériaux de nos connoissances, & de la distinction de l’ame & du corps.

§. 1. Soit que nous nous élevions, pour parler métaphoriquement, jusques dans les cieux ; soit que nous descendions dans les abysmes ; nous ne sortons point de nous-mêmes ; & ce n’est jamais que notre propre pensée que nous appercevons. Quelles que soient nos connoissances ; si nous voulons remonter à leur origine, nous arriverons enfin à une première pensée simple, qui a été l’objet d’une seconde, qui l’a été d’une troisième, & ainsi de suite. C’est cet ordre de pensées qu’il faut développer, si nous voulons connoître les idées que nous avons des choses.

§. 2. Il seroit inutile de demander quelle est la nature de nos pensées. La première réflexion sur soi-même peut convaincre que nous n’avons aucun moyen pour faire cette recherche. Nous sentons notre pensée ; nous la distinguons parfaitement de tout ce qui n’est point elle ; nous distinguons même toutes nos pensées les unes des autres : c’en est assez. En partant de-là, nous partons d’une chose que nous connoissons si clairement, qu’elle ne sçauroit nous engager dans aucune erreur.

§. 3. Considérons un homme au premier moment de son existence : son ame éprouve d’abord différentes sensations ; telles que la lumière, les couleurs, la douleur, le plaisir, le mouvement, le repos : voilà ses premières pensées.

§. 4. Suivons-le dans les momens où il commence à réfléchir sur ce que les sensations occasionnent en lui ; & nous le verrons se former des idées des différentes opérations de son ame, telles qu’appercevoir, imaginer : voilà ses secondes pensées. Ainsi, selon que les objets extérieurs agissent sur nous, nous recevons différentes idées par les sens ; &, selon que nous réfléchissons sur les opérations que les sensations occasionnent dans notre ame, nous acquérons toutes les idées que nous n’aurions pu recevoir des choses extérieures.

§. 5. Les sensations & les opérations de l’ame sont donc les matériaux de toutes nos connoissances : matériaux que la réflexion met en œuvre, en cherchant, par des combinaisons, les rapports qu’ils renferment. Mais tout le succès dépend des circonstances par où l’on passe. Les plus favorables sont celles qui nous offrent en plus grand nombre des objets propres à exercer notre réflexion. Les grandes circonstances, où se trouvent ceux qui sont destinés à gouverner les hommes, sont, par exemple, une occasion de se faire des vues fort étendues : & celles qui se répètent continuellement dans le grand monde donnent cette sorte d’esprit qu’on appelle naturel ; parce que, n’étant pas le fruit de l’étude, on ne sçait pas remarquer les causes qui le produisent. Concluons qu’il n’y a point d’idées qui ne soient acquises : les premières viennent immédiatement des sens ; les autres sont dues à l’expérience, & se multiplient à proportion qu’on est plus capable de réfléchir.

§. 6. Le péché originel a rendu l’ame si dépendante du corps, que bien des philosophes ont confondu ces deux substances. Ils ont cru que la première n’est que ce qu’il y a dans le corps de plus délié, de plus subtil, & de plus capable de mouvement. Mais cette opinion est une suite du peu de soin qu’ils ont eu de raisonner d’après des idées exactes. Je leur demande ce qu’ils entendent par un corps. S’ils veulent répondre d’une manière précise, ils ne diront pas que c’est une substance unique ; mais ils le regarderont comme un assemblage, une collection de substances. Si la pensée appartient au corps ; ce sera donc en tant qu’il est assemblage & collection, ou parce qu’elle est une propriété de chaque substance qui le compose. Or ces mots assemblage & collection ne signifient qu’un rapport externe entre plusieurs choses, une manière d’exister dépendamment les unes des autres. Par cette union, nous les regardons comme formant un seul tout ; quoique, dans la réalité, elles ne soient pas plus une que si elles étoient séparées. Ce ne sont là, par conséquent, que des termes abstraits, qui, au dehors, ne supposent pas une substance unique, mais une multitude de substances. Le corps, en tant qu’assemblage & collection, ne peut donc pas être le sujet de la pensée.

Diviserons-nous la pensée entre toutes les substances dont il est composé ? D’abord, cela ne sera pas possible, quand elle ne sera qu’une perception unique & indivisible : en second lieu, il faudra encore rejetter cette supposition, quand la pensée sera formée d’un certain nombre de perceptions. Qu’A, B, C, trois substances qui entrent dans la composition du corps, se partagent trois perceptions différentes ; je demande où s’en fera la comparaison. Ce ne sera pas dans A ; puisqu’il ne sçauroit comparer une perception qu’il a avec celles qu’il n’a pas. Par la même raison, ce ne sera ni dans B, ni dans C. Il faudra donc admettre un point de réunion ; une substance qui soit, en même temps, un sujet simple & indivisible de ces trois perceptions ; distincte, par conséquent, du corps ; une ame, en un mot.

§. 7. Je ne sçais pas comment Locke[1] a pu avancer qu’il nous sera peut-être éternellement impossible de connoître si Dieu n’a point donné à quelque amas de matière, disposée d’une certaine façon, la puissance de penser. Il ne faut pas s’imaginer que, pour résoudre cette question, il faille connoître l’essence & la nature de la matière. Les raisonnemens qu’on fonde sur cette ignorance sont tout-à-fait frivoles. Il suffit de remarquer que le sujet de la pensée doit être un. Or un amas de matière n’est pas un ; c’est une multitude[2].

§. 8. L’ame étant distincte & différente du corps, celui-ci ne peut être que cause occasionnelle de ce qu’il paroît produire en elle. D’où il faut conclure que nos sens ne sont qu’occasionnellement la source de nos connoissances. Mais ce qui se fait à l’occasion d’une chose peut se faire sans elle ; parce qu’un effet ne dépend de sa cause occasionnelle que dans une certaine hypothèse. L’ame peut donc absolument, sans le secours des sens, acquérir des connoissances. Avant le péché, elle étoit dans un systême tout différent de celui où elle se trouve aujourd’hui. Exempte d’ignorance & de concupiscence, elle commandoit à ses sens, en suspendoit l’action, & la modifioit à son gré. Elle avoit donc des idées antérieures à l’usage des sens. Mais les choses ont bien changé par sa désobéissance. Dieu lui a ôté tout cet empire : elle est devenue aussi dépendante des sens, que s’ils étoient la cause physique de ce qu’ils ne font qu’occasionner ; & il n’y a plus pour elle de connoissances que celles qu’ils lui transmettent. De-là l’ignorance & la concupiscence. C’est cet état de l’ame que je me propose d’étudier ; le seul qui puisse être l’objet de la philosophie, puisque c’est le seul que l’expérience fait connoître. Ainsi, quand je dirai que nous n’avons point d’idées qui ne nous viennent des sens, il faut bien se souvenir que je ne parle que de l’état où nous sommes depuis le péché. Cette proposition, appliquée à l’ame dans l’état d’innocence, ou après sa séparation du corps, seroit tout-à-fait fausse. Je ne traite pas des connoissances de l’ame dans ces deux derniers états ; parce que je ne sçais raisonner que d’après l’expérience. D’ailleurs, s’il nous importe beaucoup, comme on n’en sçauroit douter, de connoître les facultés dont Dieu, malgré le péché de notre premier père, nous a conservé l’usage ; il est inutile de vouloir deviner celles qu’il nous a enlevées, & qu’il ne doit nous rendre qu’après cette vie.

Je me borne donc, encore un coup, à l’état présent. Ainsi il ne s’agit pas de considérer l’ame comme indépendante du corps, puisque sa dépendance n’est que trop bien constatée ; ni comme unie à un corps dans un systême différent de celui où nous sommes. Notre unique objet doit être de consulter l’expérience, & de ne raisonner que d’après des faits que personne ne puisse révoquer en doute.


CHAPITRE II.

Des sensations.

§. 9. C’est une chose bien évidente, que les idées qu’on appelle sensations sont telles que, si nous avions été privés des sens, nous n’aurions jamais pu les acquérir. Aussi aucun philosophe n’a avancé qu’elles fussent innées : c’eut été trop visiblement contredire l’expérience. Mais ils ont prétendu qu’elles ne sont pas des idées ; comme si elles n’étoient pas, par elles-mêmes, autant représentatives qu’aucune autre pensée de l’ame. Ils ont donc regardé les sensations comme quelque chose qui ne vient qu’après les idées, & qui les modifie : erreur qui leur a fait imaginer des systêmes aussi bisarres qu’inintelligibles.

La plus légère attention doit nous faire connoître que, quand nous appercevons de la lumière, des couleurs, de la solidité, ces sensations, & autres semblables, sont plus que suffisantes pour nous donner toutes les idées qu’on a communément des corps. En est-il en effet quelqu’une qui ne soit pas renfermée dans ces premières perceptions ? N’y trouve-t-on pas les idées d’étendue, de figure, de lieu, de mouvement, de repos, & toutes celles qui dépendent de ces dernières ?

Qu’on rejette donc l’hypothèse des idées innées ; & qu’on suppose que Dieu ne nous donne, par exemple, que des perceptions de lumière & de couleur. Ces perceptions ne traceront-elles pas à nos yeux de l’étendue, des lignes & des figures ? Mais, dit-on, on ne peut s’assurer par les sens si ces choses sont telles qu’elles le paroissent : donc les sens n’en donnent point d’idées. Quelle conséquence ! S’en assure-t-on mieux avec des idées innées ? Qu’importe qu’on puisse, par les sens, connoître avec certitude quelle est la figure d’un corps ? La question est de sçavoir si, même quand ils nous trompent, ils ne nous donnent pas l’idée d’une figure. J’en vois une que je juge être un pentagone, quoiqu’elle forme, dans un de ses côtés, un angle imperceptible. C’est une erreur ; mais, enfin, m’en donne-t-elle moins l’idée d’un pentagone ?

§. 10. cependant les cartésiens & les mallebranchistes crient si fort contre les sens, ils répètent si souvent qu’ils ne sont qu’erreurs & illusions, que nous les regardons comme un obstacle à acquérir quelques connoissances ; &, par zèle pour la vérité, nous voudrions, s’il étoit possible, en être dépouillés. Ce n’est pas que les reproches de ces philosophes soient absolument sans fondement. Ils ont relevé à ce sujet plusieurs erreurs, avec tant de sagacité qu’on ne sçauroit désavouer, sans injustice, les obligations que nous leur avons. Mais n’y auroit-il pas un milieu à prendre ? Ne pourroit-on pas trouver dans nos sens une source de vérités, comme une source d’erreurs ; & les distinguer si bien l’une de l’autre, qu’on pût constamment puiser dans la première ? C’est ce qu’il est à propos de rechercher.

§. 11. il est d’abord bien certain que rien n’est plus clair & plus distinct que notre perception, quand nous éprouvons quelques sensations. Quoi de plus clair que les perceptions de son & de couleur ! Quoi de plus distinct ! Nous est-il jamais arrivé de confondre deux de ces choses ? Mais, si nous en voulons rechercher la nature & sçavoir comment elles se produisent en nous, il ne faut pas dire que nos sens nous trompent, ou qu’ils nous donnent des idées obscures & confuses : la moindre réflexion fait voir qu’ils n’en donnent aucune.

Cependant, quelle que soit la nature de ces perceptions, & de quelque manière qu’elles se produisent, si nous y cherchons l’idée de l’étendue, celle d’une ligne, d’un angle, & de quelques figures, il est certain que nous l’y trouverons très-clairement & très-distinctement. Si nous y cherchons encore à quoi nous rapportons cette étendue & ces figures ; nous appercevrons, aussi clairement & aussi distinctement, que ce n’est pas à nous, ou à ce qui est en nous le sujet de la pensée, mais à quelque chose hors de nous.

Mais, si nous y voulons chercher l’idée de la grandeur absolue de certains corps, ou même celle de leur grandeur relative & de leur propre figure, nous n’y trouverons que des jugemens fort suspects. Selon qu’un objet sera plus près ou plus loin, les apparences de grandeur & de figure, sous lesquelles il se présentera, seront tout-à-fait différentes.

Il y a donc trois choses à distinguer dans nos sensations. 1 la perception que nous éprouvons. 2 le rapport que nous en faisons à quelque chose hors de nous. 3 le jugement que ce que nous rapportons aux choses leur appartient en effet.

Il n’y a ni erreur, ni obscurité, ni confusion, dans ce qui se passe en nous, non plus que dans le rapport que nous en faisons au dehors. Si nous réfléchissons, par exemple, que nous avons les idées d’une certaine grandeur & d’une certaine figure, & que nous les rapportons à tel corps ; il n’y a rien là qui ne soit vrai, clair & distinct. Voilà où toutes les vérités ont leur source. Si l’erreur survient, ce n’est qu’autant que nous jugeons que telle grandeur & telle figure appartiennent en effet à tel corps. Si, par exemple, je vois de loin un bâtiment quarré, il me paroîtra rond. Y a-t-il donc de l’obscurité & de la confusion dans l’idée de rondeur, ou dans le rapport que j’en fais ? Non : mais je juge ce bâtiment rond ; voilà l’erreur.

Quand je dis donc que toutes nos connoissances viennent des sens, il ne faut pas oublier que ce n’est qu’autant qu’on les tire de ces idées claires & distinctes qu’ils renferment. Pour les jugemens qui les accompagnent, ils ne peuvent nous être utiles qu’après qu’une expérience bien réfléchie en a corrigé les défauts.

§. 12. ce que nous avons dit de l’étendue & des figures s’applique parfaitement bien aux autres idées de sensations, & peut résoudre la question des cartésiens : sçavoir, si les couleurs, les odeurs, &c. Sont dans les objets.

Il n’est pas douteux qu’il ne faille admettre dans les corps des qualités qui occasionnent les impressions qu’ils font sur nos sens. La difficulté qu’on prétend faire est de sçavoir si ces qualités sont semblables à ce que nous éprouvons. Sans doute que ce qui nous embarrasse, c’est qu’appercevant en nous l’idée de l’étendue, & ne voyant aucun inconvénient à supposer dans les corps quelque chose de semblable, on s’imagine qu’il s’y trouve aussi quelque chose qui ressemble aux perceptions de couleurs, d’odeurs, &c. C’est là un jugement précipité, qui n’est fondé que sur cette comparaison, & dont on n’a, en effet, aucune idée.

La notion de l’étendue, dépouillée de toutes ses difficultés & prise par le côté le plus clair, n’est que l’idée de plusieurs êtres qui nous paroissent les uns hors des autres[3]. C’est pourquoi, en supposant au dehors quelque chose de conforme à cette idée, nous nous le représentons toujours d’une manière aussi claire que si nous ne le considérions que dans l’idée même. Il en est tout autrement des couleurs, des odeurs, &c. Tant qu’en réfléchissant sur ces sensations nous les regardons comme à nous, comme nous étant propres, nous en avons des idées fort claires. Mais, si nous voulons, pour ainsi dire, les détacher de notre être & en enrichir les objets, nous faisons une chose dont nous n’avons plus d’idée. Nous ne sommes portés à les leur attribuer, que parce que, d’un côté, nous sommes obligés d’y supposer quelque chose qui les occasionne ; & que, de l’autre, cette cause nous est tout-à-fait cachée.

§. 13. c’est en vain qu’on auroit recours à des idées ou à des sensations obscures & confuses. Ce langage ne doit point passer parmi des philosophes, qui ne sçauroient mettre trop d’exactitude dans leurs expressions. Si vous trouvez qu’un portrait ressemble obscurément & confusément ; développez cette pensée, & vous verrez qu’il est, par quelques endroits, conforme à l’original, & que, par d’autres, il ne l’est point. Il en est de même de chacune de nos perceptions : ce qu’elles renferment est clair & distinct ; & ce qu’on leur suppose d’obscur & de confus ne leur appartient en aucune manière. On ne peut pas dire d’elles, comme d’un portrait, qu’elles ne ressemblent qu’en partie. Chacune est si simple, que tout ce qui auroit avec elles quelque rapport d’égalité leur seroit égal en tout. C’est pourquoi j’avertis que, dans mon langage, avoir des idées claires & distinctes, ce sera, pour parler plus brièvement, avoir des idées ; & avoir des idées obscures & confuses, ce sera n’en point avoir.

§. 14. ce qui nous fait croire que nos idées sont susceptibles d’obscurité, c’est que nous ne les distinguons pas assez des expressions en usage. Nous disons, par exemple, que la neige est blanche ; & nous faisons mille autres jugemens, sans penser à ôter l’équivoque des mots. Ainsi, parce que nos jugemens sont exprimés d’une manière obscure, nous nous imaginons que cette obscurité retombe sur les jugemens mêmes & sur les idées qui les composent. Une définition corrigeroit tout. La neige est blanche, si l’on entend par blancheur la cause physique de notre perception : elle ne l’est pas, si l’on entend par blancheur quelque chose de semblable à la perception même. Ces jugemens ne sont donc pas obscurs ; mais ils sont vrais ou faux, selon le sens dans lequel on prend les termes.

Un motif nous engage encore à admettre des idées obscures & confuses. C’est la démangeaison que nous avons de sçavoir beaucoup. Il semble que ce soit une ressource pour notre curiosité de connoître, au moins, obscurément & confusément. C’est pourquoi nous avons quelquefois de la peine à nous appercevoir que nous manquons d’idées[4].

D’autres ont prouvé que les couleurs, les odeurs, &c. ne sont pas dans les objets. Mais il m’a toujours paru que leurs raisonnemens ne tendent pas assez à éclairer l’esprit. J’ai pris une route différente ; & j’ai cru qu’en ces matières, comme en bien d’autres, il suffisoit de développer nos idées, pour déterminer à quel sentiment on doit donner la préférence.


  1. L. IV, c. 3.
  2. La propriété de marquer le temps, m’a-t-on objecté, est indivisible. On ne peut pas dire qu’elle se partage entre les roues d’une montre : elle est dans le tout. Pourquoi donc la propriété de penser ne pourroit-elle pas se trouver dans un tout organisé ? Je réponds que la propriété de marquer le temps peut, par sa nature, appartenir à un sujet composé ; parce que, le temps n’étant qu’une succession, tout ce qui est capable de mouvement peut le mesurer. On m’a encore objecté que l’unité convient à un amas de matière ordonné ; quoiqu’on ne puisse pas la lui appliquer, quand la confusion est telle qu’elle empêche de le considérer comme un tout. J’en conviens : mais j’ajoute qu’alors l’unité ne se prend pas dans la rigueur. Elle se prend pour une unité composée d’autres unités ; par conséquent, elle est proprement collection, multitude : or ce n’est pas de cette unité que je prétends parler.
  3. Et unis, disent les léibnitiens. Mais cela est inutile, quand il s’agit de l’étendue abstraite. Nous ne pouvons nous représenter des êtres séparés, qu’autant que nous en supposons d’autres qui les séparent ; & la totalité emporte l’idée d’union.
  4. Locke admet des idées claires & obscures, distinctes & confuses, vraie, & fausses. Mais les explications qu’il en donne font voir que nous ne différons que par la manière de nous expliquer. Celle dont je me sers a l’avantage d’être plus nette & plus simple. Par cette raison, elle doit avoir la préférence ; car ce n’est qu’à force de simplifier le langage, qu’on en pourra prévenir les abus. Tout cet ouvrage en sera la preuve.