Essai sur les mœurs/Chapitre 8

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CHAPITRE VIII.

De l’Italie et de l’Église avant Charlemagne. Comment le christianisme s’était établi. Examen s’il a souffert autant de persécution qu’on le dit.


Rien n’est plus digne de notre curiosité que la manière dont Dieu voulut que l’Église s’établit, en faisant concourir les causes secondes à ses décrets éternels. Laissons respectueusement ce qui est divin à ceux qui en sont les dépositaires, et attachons-nous uniquement à l’historique. Des disciples de Jean s’établissent d’abord dans l’Arabie voisine de Jérusalem ; mais les disciples de Jésus vont plus loin. Les philosophes platoniciens d’Alexandrie, où il y avait tant de Juifs, se joignent aux premiers chrétiens, qui empruntent des expressions de leur philosophie, comme celle du Logos, sans emprunter toutes leurs idées. Il y avait déjà quelques chrétiens à Rome du temps de Néron : on les confondait avec les Juifs, parce qu’ils étaient leurs compatriotes, parlant la même langue, s’abstenant comme eux des aliments défendus par la loi mosaïque. Plusieurs même étaient circoncis, et observaient le sabbat. Ils étaient encore si obscurs que ni l’historien Josèphe ni Philon n’en parlent dans aucun de leurs écrits. Cependant on voit évidemment que ces demi-juifs demi-chrétiens étaient, dès le commencement, partagés en plusieurs sectes, ébionites, marcionites, carpocratiens, valentiniens, caïnites. Ceux d’Alexandrie étaient fort différents de ceux de Syrie ; les Syriens différaient des Achaïens. Chaque parti avait son évangile, et les véritables Juifs étaient les ennemis irréconciliables de tous ces partis.

Ces Juifs, également rigides et fripons, étaient encore dans Rome au nombre de quatre mille. Il y en avait eu huit mille du temps d’Auguste ; mais Tibère en fit passer la moitié en Sardaigne pour peupler cette île, et pour délivrer Rome d’un trop grand nombre d’usuriers. Loin de les gêner dans leur culte, on les laissait jouir de la tolérance qu’on prodiguait dans Rome à toutes les religions. On leur permettait des synagogues et des juges de leur nation, comme ils en ont aujourd’hui dans Rome chrétienne, où ils sont en plus grand nombre. On les regardait du même œil que nous voyons les Nègres, comme une espèce d’hommes inférieure. Ceux qui dans les colonies juives n’avaient pas assez de talents pour s’appliquer à quelque métier utile, et qui ne pouvaient couper du cuir et faire des sandales, faisaient des fables. Ils savaient les noms des anges, de la seconde femme d’Adam et de son précepteur, et ils vendaient aux dames romaines des philtres pour se faire aimer. Leur haine pour les chrétiens, ou galiléens, ou nazaréens, comme on les nommait alors, tenait de cette rage dont tous les superstitieux sont animés contre tous ceux qui se séparent de leur communion. Ils accusèrent les Juifs chrétiens de l’incendie qui consuma une partie de Rome sous Néron. Il était aussi injuste d’imputer cet accident aux chrétiens qu’à l’empereur : ni lui, ni les chrétiens, ni les Juifs, n’avaient aucun intérêt à brûler Rome ; mais il fallait apaiser le peuple, qui se soulevait contre des étrangers également haïs des Romains et des Juifs. On abandonna quelques infortunés à la vengeance publique. Il semble qu’on n’aurait pas dû compter, parmi les persécutions faites à leur foi, cette violence passagère : elle n’avait rien de commun avec leur religion, qu’on ne connaissait pas, et que les Romains confondaient avec le judaïsme, protégé par les lois autant que méprisé.

S’il est vrai qu’on ait trouvé en Espagne des inscriptions où Néron est remercié « d’avoir aboli dans la province une superstition nouvelle », l’antiquité de ces monuments est plus que suspecte. S’ils sont authentiques, le christianisme n’y est pas désigné ; et si enfin ces monuments outrageants regardent les chrétiens, à qui peut-on les attribuer qu’aux Juifs jaloux établis en Espagne, qui abhorraient le christianisme comme un ennemi né dans leur sein ?

Nous nous garderons bien de vouloir percer l’obscurité impénétrable qui couvre le berceau de l’Église naissante, et que l’érudition même a quelquefois redoublée.

Mais ce qui est très-certain, c’est qu’il n’y a que l’ignorance, le fanatisme, l’esclavage des écrivains copistes d’un premier imposteur, qui aient pu compter parmi les papes l’apôtre Pierre, Lin, Clet, et d’autres, dans le Ier siècle.

Il n’y eut aucune hiérarchie pendant près de cent ans parmi les chrétiens. Leurs assemblées secrètes se gouvernaient comme celles des primitifs ou quakers d’aujourd’hui. Ils observaient à la lettre le précepte de leur maître : « Les princes des nations dominent, il n’en sera pas ainsi entre vous : quiconque voudra être le premier sera le dernier. » La hiérarchie ne put se former que quand la société devint nombreuse, et ce ne fut que sous Trajan qu’il y eut des surveillants, episcopoi, que nous avons traduit par le mot d’évêque ; des presbyteroi, des pistoi, des énergumènes, des catéchumènes. Il n’est question du terme pape dans aucun des auteurs des premiers siècles. Ce mot grec était inconnu dans le petit nombre des demi-juifs qui prenaient à Rome le nom de chrétiens.

Il est reconnu par tous les savants que Simon Barjone, surnommé Pierre, n’alla jamais à Rome[1]. On rit aujourd’hui de la preuve que des idiots tirèrent d’une épître attribuée à cet apôtre, né en Galilée. Il dit dans cette épître qu’il est à Babylone. Les seuls qui parlent de son prétendu martyre sont des fabulistes décriés, un Hégésippe, un Marcel, un Abdias, copiés depuis par Eusèbe. Ils content que Simon Barjone, et un autre Simon, qu’ils appellent le magicien, disputèrent sous Néron à qui ressusciterait un mort, et à qui s’élèverait le plus haut dans l’air ; que Simon Barjone fit tomber l’autre Simon, favori de Néron, et que cet empereur irrité fit crucifier Barjone, lequel, par humilité, voulut être crucifié la tête en bas. Ces inepties sont aujourd’hui méprisées de tous les chrétiens instruits ; mais depuis Constantin, elles furent autorisées jusqu’à la renaissance des lettres et du bon sens.

Pour prouver que Pierre ne mourut point à Rome, il n’y a qu’à observer que la première basilique bâtie par les chrétiens dans cette capitale est celle de Saint-Jean de Latran : c’est la première église latine ; l’aurait-on dédiée à Jean si Pierre avait été pape ?

La liste frauduleuse des prétendus premiers papes est tirée d’un livre apocryphe, intitulé le Pontifical de Damase, qui dit en parlant de Lin, prétendu successeur de Pierre, que Lin fut pape jusqu’à la treizième année de l’empereur Néron. Or c’est précisément cette année 13 qu’on fait crucifier Pierre : il y aurait donc eu deux papes à la fois.

Enfin ce qui doit trancher toute difficulté aux yeux de tous les chrétiens, c’est que ni dans les Actes des Apôtres, ni dans les Épîtres de Paul, il n’est pas dit un seul mot d’un voyage de Simon Barjone à Rome. Le terme de siège, de pontificat, de papauté, attribué à Pierre, est d’un ridicule sensible. Quel siège qu’une assemblée inconnue de quelques pauvres de la populace juive !

C’est cependant sur cette fable que la puissance papale est fondée, et se soutient encore aujourd’hui après toutes ses pertes. Qu’on juge après cela comment l’opinion gouverne le monde, comment le mensonge subjugue l’ignorance, et combien ce mensonge a été utile pour asservir les peuples, les enchaîner, et les dépouiller.

C’est ainsi qu’autrefois les annalistes barbares de l’Europe comptaient parmi les rois de France un Pharamond, et son père Marcomir, et des rois d’Espagne, de Suède, d’Écosse, depuis le déluge. Il faut avouer que l’histoire, ainsi que la physique, n’a commencé à se débrouiller que sur la fin du xvie siècle. La raison ne fait que de naître.

Ce qui est encore certain, c’est que le génie du sénat ne fut jamais de persécuter personne pour sa croyance ; que jamais aucun empereur ne voulut forcer les Juifs à changer de religion, ni après la révolte sous Vespasien, ni après celle qui éclata sous Adrien. On insulta toujours à leur culte ; on s’en moqua ; on érigea des statues dans leur temple avant sa mine ; mais jamais il ne vint dans l’idée d’aucun César, ni d’aucun proconsul, ni du sénat romain, d’empêcher les Juifs de croire à leur loi. Cette seule raison sert à faire voir quelle liberté eut le christianisme de s’étendre en secret, après s’être formé obscurément dans le sein du judaïsme.

Aucun des Césars n’inquiéta les chrétiens jusqu’à Domitien. Dion Cassius dit qu’il y eut sous cet empereur quelques personnes condamnées comme athées, et comme imitant les mœurs des Juifs. Il paraît que cette vexation, sur laquelle on a d’ailleurs si peu de lumières, ne fut ni longue ni générale. On ne sait précisément ni pourquoi il y eut quelques chrétiens bannis, ni pourquoi ils furent rappelés. Comment croire Tertullien, qui, sur la foi d’Hégésippe, rapporte sérieusement que Domitien interrogea les petits-fils de l’apôtre saint Jude, de la race de David, dont il redoutait les droits au trône de Judée, et que, les voyant pauvres et misérables, il cessa la persécution ? S’il eût été possible qu’un empereur romain craignît des prétendus descendants de David quand Jérusalem était détruite, sa politique n’en eût donc voulu qu’aux Juifs, et non aux chrétiens. Mais comment imaginer que le maître de la terre connue ait eu des inquiétudes sur les droits de deux petits-fils de saint Jude au royaume de la Palestine, et les ait interrogés ? Voilà malheureusement comme l’histoire a été écrite par tant d’hommes plus pieux qu’éclairés[2].

Nerva, Vespasien, Tite, Trajan, Adrien, les Antonins, ne furent point persécuteurs. Trajan, qui avait renouvelé les défenses portées par la loi des Douze Tables contre les associations particulières, écrit à Pline : « Il ne faut faire aucune recherche contre les chrétiens. » Ces mots essentiels, il ne faut faire aucune recherche, prouvent qu’ils purent se cacher, se maintenir avec prudence, quoique souvent l’envie des prêtres et la haine des Juifs les traînât aux tribunaux et aux supplices. Le peuple les haïssait, et surtout le peuple des provinces, toujours plus dur, plus superstitieux et plus intolérant que celui de la capitale : il excitait les magistrats contre eux ; il criait qu’on les exposât aux bêtes dans les cirques. Adrien non-seulement défendit à Fondanus, proconsul de l’Asie Mineure, de les persécuter, mais son ordonnance porte : « Si on calomnie les chrétiens, châtiez sévèrement le calomniateur. »

C’est cette justice d’Adrien qui a fait si faussement imaginer qu’il était chrétien lui-même. Celui qui éleva un temple à Antinoüs en aurait-il voulu élever à Jésus-Christ ?

Marc-Aurèle ordonna qu’on ne poursuivît point les chrétiens pour cause de religion. Caracalla, Héliogabale, Alexandre, Philippe, Gallien, les protégèrent ouvertement. Ils eurent donc tout le temps d’étendre et de fortifier leur Église naissante. Ils tinrent cinq conciles dans le Ier siècle, seize dans le IIe et trente-six dans le IIIe. Les autels étaient magnifiques dès le temps de ce IIIe siècle. L’histoire ecclésiastique en remarque quelques-uns ornés de colonnes d’argent, qui pesaient ensemble 3,000 marcs. Les calices, faits sur le modèle des coupes romaines, et les patènes, étaient d’or pur.

Les chrétiens jouirent d’une si grande liberté, malgré les cris et les persécutions de leurs ennemis, qu’ils avaient publiquement, dans plusieurs provinces, des églises élevées sur les débris de quelques temples tombés ou ruinés. Origène et saint Cyprien l’avouent ; et il faut bien que le repos de l’Église ait été long, puisque ces deux grands hommes reprochent déjà à leurs contemporains le luxe, la mollesse, l’avarice, suite de la félicité et de l’abondance. Saint Cyprien se plaint expressément que plusieurs évêques, imitant mal les saints exemples qu’ils avaient sous leurs yeux, « accumulaient de grandes sommes d’argent, s’enrichissaient par l’usure, et ravissaient des terres par la fraude ». Ce sont ses propres paroles : elles sont un témoignage évident du bonheur tranquille dont on jouissait sous les lois romaines. L’abus d’une chose en démontre l’existence.

Si Décius, Maximin, et Dioclétien, persécutèrent les chrétiens, ce fut pour des raisons d’État : Décius, parce qu’ils tenaient le parti de la maison de Philippe, soupçonné, quoique à tort, d’être chrétien lui-même ; Maximin, parce qu’ils soutenaient Gordien. Ils jouirent de la plus grande liberté pendant vingt années sous Dioclétien. Non-seulement ils avaient cette liberté de religion que le gouvernement romain accorda de tout temps à tous les peuples, sans adopter leurs cultes ; mais ils participaient à tous les droits des Romains. Plusieurs chrétiens étaient gouverneurs de provinces. Eusèbe cite deux chrétiens, Dorothée et Gorgonius, officiers du palais, à qui Dioclétien prodiguait sa faveur. Enfin il avait épousé une chrétienne. Tout ce que nos déclamateurs écrivent contre Dioclétien n’est donc qu’une calomnie fondée sur l’ignorance. Loin de les persécuter, il les éleva au point qu’il ne fut plus en son pouvoir de les abattre.

En 303, Maximien Galère, qui les haïssait, engage Dioclétien à faire démolir l’église cathédrale de Nicomédie, élevée vis-à-vis le palais de l’empereur. Un chrétien plus qu’indiscret déchire publiquement l’édit ; on le punit. Le feu consume quelques jours après une partie du palais de Galère ; on en accuse les chrétiens : cependant il n’y eut point de peine de mort décernée contre eux. L’édit portait qu’on brûlât leurs temples et leurs livres, qu’on privât leurs personnes de tous leurs honneurs.

Jamais Dioclétien n’avait voulu jusque-là les contraindre en matière de religion. Il avait, après sa victoire sur les Perses, donné des édits contre les manichéens attachés aux intérêts de la Perse, et secrets ennemis de l’empire romain. La seule raison d’État fut la cause de ces édits. S’ils avaient été dictés par le zèle de la religion, zèle que les conquérants ont si rarement, les chrétiens y auraient été enveloppés. Ils ne le furent pas ; ils eurent par conséquent vingt années entières sous Dioclétien même pour s’affermir, et ne furent maltraités sous lui que pendant deux années ; encore Lactance, Eusèbe, et l’empereur Constantin lui-même, imputent ces violences au seul Galère, et non à Dioclétien. Il n’est pas en effet vraisemblable qu’un homme assez philosophe pour renoncer à l’empire l’ait été assez peu pour être un persécuteur fanatique.

Dioclétien n’était à la vérité qu’un soldat de fortune ; mais c’est cela même qui prouve son extrême mérite. On ne peut juger d’un prince que par ses exploits et par ses lois. Ses actions guerrières furent grandes, et ses lois justes. C’est à lui que nous devons la loi qui annulle les contrats de vente dans lesquels il y a lésion d’outre-moitié. Il dit lui-même que l’humanité dicte cette loi, humanum est.

Il fut le père des pupilles trop négligés ; il voulut que les capitaux de leurs biens portassent intérêt.

C’est avec autant de sagesse que d’équité qu’en protégeant les mineurs il ne voulut pas que jamais ces mineurs pussent abuser de cette protection, en trompant leurs créanciers ou leurs débiteurs. Il ordonna qu’un mineur qui aurait usé de fraude serait déchu du bénéfice de la loi. Il réprima les délateurs et les usuriers. Tel est l’homme que l’ignorance se représente d’ordinaire comme un ennemi armé sans cesse contre les fidèles, et son règne comme une Saint-Barthélemy continuelle, ou comme la persécution des Albigeois. C’est ce qui est entièrement contraire à la vérité. L’ère des martyrs, qui commence à l’avènement de Dioclétien, n’aurait donc dû être datée que deux ans avant son abdication, puisqu’il ne fit aucun martyr pendant vingt ans.

C’est une fable bien méprisable qu’il ait quitté l’empire de regret de n’avoir pu abolir le christianisme. S’il l’avait tant persécuté, il aurait au contraire continué à régner pour tâcher de le détruire ; et s’il fut forcé d’abdiquer, comme on l’a dit sans preuve, il n’abdiqua donc point par dépit et par regret. Le vain plaisir d’écrire des choses extraordinaires, et de grossir le nombre des martyrs, a fait ajouter des persécutions fausses et incroyables à celles qui n’ont été que trop réelles. On a prétendu que du temps de Dioclétien, en 287, le César Maximilien Hercule envoya au martyre, au milieu des Alpes, une légion entière appelée Thébéenne, composée de six mille six cents hommes, tous chrétiens, qui tous se laissèrent massacrer sans murmurer. Cette histoire si fameuse ne fut écrite que près de deux cents ans après par l’abbé Eucher, qui la rapporte sur des ouï-dire. Mais comment Maximilien Hercule aurait-il, comme on le dit, appelé d’Orient cette légion pour aller apaiser dans les Gaules une sédition réprimée depuis une année entière ! Pourquoi se serait-il défait de six mille six cents bons soldats dont il avait besoin pour aller réprimer cette sédition ? Comment tous étaient-ils chrétiens sans exception ! Pourquoi les égorger en chemin ? Qui les aurait massacrés dans une gorge étroite, entre deux montagnes, près de Saint-Maurice en Valais, où l’on ne peut ranger quatre cents hommes en ordre de bataille, et où une légion résisterait aisément à la plus grande armée ? À quel propos cette boucherie dans un temps où l’on ne persécutait pas, dans l’époque de la plus grande tranquillité de l’Église, tandis que sous les yeux de Dioclétien même, à Nicomédie, vis-à-vis son palais, les chrétiens avaient un temple superbe ? « La profonde paix et la liberté entière dont nous jouissions, dit Eusèbe, nous fit tomber dans le relâchement. » Cette profonde paix, cette entière liberté s’accorde-t-elle avec le massacre de six mille six cents soldats ? Si ce fait incroyable pouvait être vrai[3], Eusèbe l’eût-il passé sous silence ? Tant de vrais martyrs ont scellé l’Évangile de leur sang qu’on ne doit point faire partager leur gloire à ceux qui n’ont pas partagé leurs souffrances.

Il est certain que Dioclétien, les deux dernières années de son empire, et Galère, quelques années encore après, persécutèrent violemment les chrétiens de l’Asie Mineure et des contrées voisines. Mais dans les Espagnes, dans les Gaules, dans l’Angleterre, qui étaient alors le partage de Constance Chlore, loin d’être poursuivis, ils virent leur religion dominante ; et Eusèbe dit que Maxence, élu empereur à Rome en 306, ne persécuta personne.

Ils serviront utilement Constance Chlore, qui les protégea, et dont la concubine Hélène embrassa publiquement le christianisme. Ils firent donc alors un grand parti dans l’État. Leur argent et leurs armes contribuèrent à mettre Constantin sur le trône. C’est ce qui le rendit odieux au sénat, au peuple romain, aux prétoriens, qui tous avaient pris le parti de Maxence, son concurrent à l’empire. Nos historiens appellent Maxence tyran, parce qu’il fut malheureux. Il est pourtant certain qu’il était le véritable empereur, puisque le sénat et le peuple romain l’avaient proclamé.

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  1. Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article Voyage de saint Pierre à Rome.
  2. Voyez le Dictionnaire philosophique, article Dioclétien.
  3. Voyez les Éclaircissements historiques sur cette Histoire générale (dans les Mélanges, année 1763). (Note de Voltaire.)