Eureka/6

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Eureka (1848)
Traduction par Charles Baudelaire.
M. Lévy frères (p. 62-81).


VI


Je disais tout à l’heure que ce que j’ai nommé la tendance des atomes disséminés à retourner à leur unité originelle devait être pris pour le principe de la loi newtonienne de la gravitation ; et en effet on n’aura pas grande peine à entendre la chose ainsi, si l’on considère la gravitation newtonienne sous un aspect purement général, comme une force qui pousse la matière à chercher la matière ; c’est-à-dire si nous voulons ne pas attacher notre attention au modus operandi connu de la force newtonienne. La coïncidence générale nous satisfait ; mais, en regardant de plus près, nous voyons dans le détail beaucoup de choses qui paraissent non-coïncidentes, et beaucoup d’autres où la coïncidence ne paraît pas du moins suffisamment établie. Un exemple : la gravitation newtonienne, si nous la considérons dans certains modes, ne nous apparaît pas du tout comme une tendance vers l’Unité ; elle nous semble plutôt une tendance de tous les corps dans toutes les directions, phrase qui semble exprimer la tendance à la diffusion. Ici donc il y a non-coïncidence. Un autre exemple : quand nous réfléchissons sur la loi mathématique qui gouverne la tendance newtonienne, nous voyons clairement que nous ne pouvons pas obtenir la coïncidence, — relativement, du moins, au modus operandi, — entre la gravitation, telle que nous la connaissons, et cette tendance, simple et directe en apparence, que j’ai supposée.

En effet, je suis arrivé à un point où il serait bon de renforcer ma position en inversant mon procédé. Jusqu’à présent, nous avons procédé à priori, d’une considération abstraite de la Simplicité, prise comme la qualité qui a dû le plus vraisemblablement caractériser l’action originelle de Dieu. Voyons maintenant si les faits établis de la Gravitation newtonienne peuvent nous fournir, à posteriori, quelques inductions légitimes.

Que déclare la loi newtonienne ? que tous les corps s’attirent l’un l’autre avec des forces proportionnées aux carrés de leurs distances. C’est à dessein que je donne d’abord la version vulgaire de la loi ; et je confesse que dans celle-ci, comme dans la plupart des traductions vulgaires de grandes vérités, je ne trouve pas une qualité très-suggestive. Adoptons donc une phraséologie plus philosophique : — Chaque atome de chaque corps attire chaque autre atome, soit appartenant au même corps, soit appartenant à chaque autre corps, avec une force variant en raison inverse des carrés des distances entre l’atome attirant et l’atome attiré. Ici, pour le coup, un flot de suggestions jaillit aux yeux de l’esprit.

Mais voyons distinctement la chose que Newton a prouvée, — selon la définition grossièrement irrationnelle de la preuve prescrite par les écoles de métaphysique. Il fut obligé de se contenter de montrer que les mouvements d’un Univers imaginaire, composé d’atomes attirants et attirés obéissant à la loi qu’il annonçait, coïncidaient parfaitement avec les mouvements de l’Univers existant réellement, autant du moins qu’il tombe sous notre observation. Telle fut la somme de sa démonstration, selon le jargon conventionnel des philosophies. Les succès qui la confirmèrent ajoutèrent preuve sur preuve, — des preuves telles que les admet toute intelligence saine, — mais la démonstration de la loi elle-même, selon les métaphysiciens, n’avait été confirmée en aucune façon. Cependant la preuve oculaire, physique, de l’attraction, ici même, sur cette Terre, fut enfin trouvée, en parfait accord avec la théorie newtonienne, et à la grande satisfaction de quelques-uns de ces reptiles intellectuels. Cette preuve jaillit, indirectement et incidemment (comme jaillirent presque toutes les vérités importantes), d’une tentative faite pour mesurer la densité moyenne de la Terre. Dans les fameuses expériences que Maskelyne, Cavendish et Bailly firent dans ce but, il fut découvert, vérifié et mathématiquement démontré que l’attraction de la masse d’une montagne était en accord exact avec l’immortelle théorie de l’astronome anglais.

Mais, en dépit de cette confirmation d’une vérité qui n’en avait aucun besoin, — en dépit de la prétendue corroboration de la théorie par la prétendue preuve oculaire et physique, — en dépit du caractère de cette corroboration, — les idées que les vrais philosophes eux-mêmes ne peuvent s’empêcher d’accepter relativement à la gravitation, et particulièrement les idées acceptées et complaisamment maintenues par les hommes vulgaires, ont été évidemment tirées, pour la plus grande partie, d’une considération du principe, tel qu’ils le trouvent simplement développé sur la planète à laquelle ils sont attachés.

Or, où tend une considération aussi amoindrie ? À quelle espèce d’erreur donne-t-elle naissance ? Sur la Terre nous voyons, nous sentons simplement que la gravitation chasse tous les corps vers le centre de la Terre. Aucun homme, dans le domaine ordinaire de la vie, ne peut voir ni sentir autrement, — ne peut s’empêcher de percevoir que toute chose, partout, a une tendance gravitante, perpétuelle, vers le centre de la Terre, et pas ailleurs ; cependant (sauf une exception qui sera spécifiée postérieurement) il est certain que chaque chose terrestre (pour ne pas parler maintenant de toutes les choses célestes) a une tendance non-seulement vers le centre de la Terre, mais en outre vers toute espèce de direction possible.

Or, quoique les hommes de philosophie ne puissent pas être accusés de se tromper avec le vulgaire dans cette matière, ils se laissent toutefois influencer, à leur insu, par l’idée vulgaire agissant comme sentiment. — Quoique personne n’ait foi dans les fables du Paganisme, — dit Bryant dans sa très-savante Mythologie, — cependant nous nous oublions sans cesse au point d’en tirer des inductions comme de réalités existantes. — Je veux dire que la perception purement sensitive de la gravitation, telle que nous la connaissons sur la Terre, induit l’humanité en fantaisie et la fait croire à une concentralisation, à une sorte de spécialité terrestre ; — qu’elle a toujours incliné vers cette fantaisie les intelligences même les plus puissantes, — les détournant perpétuellement, quoique imperceptiblement, de la caractéristique réelle du principe ; les ayant empêchées jusqu’à l’époque présente de saisir même un aperçu de cette vérité vitale qui se trouve dans une direction diamétralement opposée, — derrière les caractéristiques essentielles du principe, qui sont, non pas la concentralisation ou la spécialité, mais l’universalité et la diffusion. Cette vérité vitale est l’Unité, prise comme source du phénomène.

Permettez-moi de répéter la définition de la gravitation : Chaque atome, dans chaque corps, attire chaque autre atome, appartenant au même corps ou appartenant à tout autre corps, avec une force qui varie en raison inverse des carrés des distances de l’atome attirant et de l’atome attiré.

Que le lecteur s’arrête ici un moment avec moi pour contempler la miraculeuse, ineffable et absolument inimaginable complexité de rapports impliquée dans ce fait, que chaque atome attire chaque autre atome, — impliquée seulement dans ce fait de l’attraction, étant écartée la question de la loi ou du mode suivant lesquels l’attraction se manifeste, — impliquée dans ce fait unique que chaque atome attire plus ou moins chaque autre atome, dans une immensité d’atomes telle, que toutes les étoiles qui entrent dans la constitution de l’Univers peuvent être à peu près comparées pour le nombre aux atomes qui entrent dans la composition d’un boulet de canon.

Eussions-nous simplement découvert que chaque atome tendait vers un point favori, vers quelque atome particulièrement attractif, nous serions encore tombés sur une découverte qui, en elle-même, aurait suffi pour accabler notre esprit ; — mais quelle est cette vérité que nous sommes actuellement appelés à comprendre ? C’est que chaque atome attire chaque autre atome, sympathise avec ses plus délicats mouvements, avec chaque atome et avec tous, toujours, incessamment, suivant une loi déterminée dont la complexité, même considérée seulement en elle-même, dépasse absolument les forces de l’imagination humaine. Si je me propose de mesurer l’influence d’un seul atome sur l’atome son voisin dans un rayon solaire, je ne puis pas accomplir mon dessein sans d’abord compter et peser tous les atomes de l’Univers et définir la position précise de chacun à un moment particulier de la durée. Si je m’avise de déplacer, ne fût-ce que de la trillionième partie d’un pouce, le grain microscopique de poussière posé maintenant sur le bout de mon doigt, quel est le caractère de l’action que j’ai eu la hardiesse de commettre ? J’ai accompli un acte qui ébranle la Lune dans sa marche, qui contraint le Soleil à n’être plus le soleil, et qui altère pour toujours la destinée des innombrables myriades d’étoiles qui roulent et flamboient devant la majesté de leur Créateur.

De telles idées, de telles conceptions, — pensées monstrueuses qui ne sont plus des pensées, rêveries de l’âme plutôt que raisonnements ou même considérations de l’intellect, — de telles idées, je le répète, sont les seules que nous puissions réussir à créer en nous dans tous nos efforts pour saisir le grand principe de l’Attraction.

Mais maintenant, avec de telles idées, avec une telle vision, franchement acceptée, de la merveilleuse complexité de l’Attraction, que toute personne, capable de réfléchir sur de pareilles matières, s’applique à imaginer un principe adaptable aux phénomènes observés, — ou la condition qui leur a donné naissance.

Une si évidente fraternité des atomes n’indique-t-elle pas une extraction commune ? Une sympathie si victorieuse, si indestructible, si absolument indépendante, ne suggère-t-elle pas l’idée d’une source, d’une paternité commune ? Un extrême ne pousse-t-il pas la raison vers l’extrême son contraire ? L’infini dans la division ne se rapporte-t-il pas à l’absolu dans l’individualité ? Le superlatif de la complexité ne fait-il pas deviner la perfection dans la simplicité ? Je veux dire, non pas seulement que les atomes, comme nous les voyons, sont divisés ou qu’ils sont complexes dans leurs rapports, mais surtout qu’ils sont inconcevablement divisés et inexprimablement complexes ; c’est de l’extrême des conditions que je veux parler maintenant, plutôt que des conditions elles-mêmes. En un mot, n’est-ce pas parce que les atomes étaient, à une certaine époque très-ancienne, quelque chose de plus même qu’un assemblage, — n’est-ce pas parce que, originellement, donc normalement, ils étaient Un, que maintenant, en toutes circonstances, sur tous les points, dans toutes les directions, par tous les modes de rapprochement, dans tous les rapports et à travers toutes les conditions, ils s’efforcent de retourner vers cette unité absolue, indépendante et inconditionnelle ?

Ici, quelqu’un demandera peut-être : « Pourquoi, puisque c’est vers l’Unité que ces atomes s’efforcent de retourner, ne jugeons-nous pas et ne définissons-nous pas l’Attraction une simple tendance générale vers un centre ? — Pourquoi, particulièrement, vos atomes, les atomes que vous nous donnez comme ayant été irradiés d’un centre, ne retournent-ils pas tous à la fois, en ligne droite, vers le point central de leur origine ? »

Je réponds qu’ils le font, ainsi que je le montrerai clairement ; mais que la cause qui les y pousse est tout à fait indépendante du centre considéré comme tel. Ils tendent tous en ligne droite vers un centre, à cause de la sphéricité selon laquelle ils ont été lancés dans l’espace. Chaque atome, formant une partie d’un globe généralement uniforme d’atomes, trouve naturellement plus d’atomes dans la direction du centre que dans toute autre direction ; c’est donc dans ce sens qu’il est poussé, mais il n’y est pas poussé parce que le centre est le point de son origine. Il n’est pas de point auquel les atomes se rallient. Il n’est pas de lieu, soit dans le concret, soit dans l’abstrait, auquel je les suppose attachés. Rien de ce qui peut s’appeler localité ne doit être conçu comme étant leur origine. Leur source est dans le principe Unité. C’est là le père qu’ils ont perdu. C’est là ce qu’ils cherchent toujours, immédiatement, dans toutes les directions, partout où ils peuvent le trouver, même partiellement ; apaisant ainsi, dans une certaine mesure, leur indestructible tendance, tout en faisant route vers leur absolue satisfaction finale.

Il suit de tout ceci que tout principe qui sera suffisant pour expliquer en général la loi, ou modus operandi, de la force attractive, devra aussi expliquer cette loi dans le particulier ; — c’est-à-dire que tout principe qui montrera pourquoi les atomes doivent tendre vers leur centre général d’irradiation, avec des forces variant en proportion inverse des carrés des distances, expliquera d’une manière satisfaisante la tendance, conforme à la même loi, qui pousse l’atome vers l’atome ; — car la tendance vers le centre est simplement la tendance de chacun vers chacun, et non pas une tendance vers un centre considéré comme tel.

On voit en même temps que l’établissement de mes propositions n’implique aucune nécessité de modifier les termes de la définition newtonienne de la Gravitation, laquelle déclare que chaque atome attire chaque autre atome, dans une infinie réciprocité, et ne déclare que cela ; mais (en supposant toutefois que ce que je propose sera finalement admis) il me semble évident que, dans les futures opérations de la Science, on pourrait éviter quelque erreur occasionnelle, si l’on adoptait une phraséologie plus ample, telle que celle-ci : — Chaque atome tend vers chaque autre atome, etc., avec une force, etc. ; le résultat général étant une tendance de tous les atomes, avec une force semblable, vers un centre général.

En reprenant notre route à l’inverse, nous sommes arrivés à un résultat identique ; mais, dans l’un des cas, l’Intuition était le point de départ, dans l’autre, elle était le but. En commençant mon premier voyage, je pouvais dire seulement que je sentais, par une irrésistible intuition, que la Simplicité avait été la caractéristique de l’action originelle de Dieu ; — en finissant mon second voyage, je puis seulement déclarer que je perçois, par une irrésistible intuition, que l’Unité a été la source des phénomènes de la gravitation newtonienne observés jusqu’à présent. Ainsi, selon les écoles, je ne prouve rien. Soit. Je n’ai pas d’autre ambition que de suggérer, — et de convaincre par la suggestion. J’ai l’orgueilleuse conviction qu’il existe des intelligences humaines profondes, douées d’un prudent discernement, qui ne pourront pas s’empêcher d’être largement satisfaites de mes simples suggestions. Pour ces intelligences, — comme pour la mienne, — il n’est pas de démonstration mathématique qui puisse apporter la moindre vraie preuve additionnelle à la grande Vérité que j’ai avancée, à savoir que l’Unité Originelle est la source, le principe des Phénomènes Universels. Pour ma part, je ne suis pas aussi sûr que je parle et que je vois ; — je ne suis pas aussi sûr que mon cœur bat et que mon âme vit ; — que le soleil se lèvera demain matin, probabilité qui gît encore dans le Futur, — je ne prétends pas du tout en être aussi sûr que je le suis de ce Fait irréparablement passé, que Tous les Êtres et Toutes les Pensées des Êtres, avec toute leur ineffable Multiplicité de Rapports, ont jailli à la fois à l’existence de la primordiale et indépendante Unité.

Relativement à la Gravitation newtonienne, le Docteur Nichol, l’éloquent auteur de l’Architecture des Cieux, dit : « En vérité, nous n’avons aucune raison de supposer que cette grande Loi, telle qu’elle nous est aujourd’hui connue, soit la formule suprême ou la plus simple, conséquemment universelle et omnicompréhensive, d’une grande Ordonnance. Le mode suivant lequel son intensité diminue avec l’élément de la distance n’a pas l’aspect d’un principe suprême, lequel principe comporte toujours la simplicité de ces axiomes, évidents par eux-mêmes, qui constituent la base de la Géométrie. »

Il est absolument vrai que les principes suprêmes, selon le sens usuel des termes, comportent toujours la simplicité des axiomes géométriques (quant aux choses évidentes par elles-mêmes, il n’en existe pas) ; — mais ces principes ne sont pas clairement suprêmes ; en d’autres termes, les choses que nous avons l’habitude de qualifier principes ne sont pas, à proprement parler, des principes, — puisqu’il ne peut exister qu’un principe, qui est la Volition Divine. Nous n’avons donc aucun droit de supposer, d’après ce que nous observons dans les règles qu’il nous plaît follement d’appeler principes, quoi que ce soit qui ressemble aux caractéristiques d’un principe proprement dit. Les principes suprêmes, dont le Docteur Nichol parle comme comportant la simplicité géométrique, peuvent avoir et ont en effet cet aspect géométrique, puisqu’ils sont une partie intégrante d’un vaste système géométrique, c’est-à-dire d’un système de simplicité, dans lequel toutefois le principe vraiment suprême est, comme nous le savons, le maximum du complexe, autrement dit, de l’inintelligible ; — car n’est-ce pas la Capacité Spirituelle de Dieu ?

Cependant j’ai cité la remarque du docteur Nichol, non pas tant pour infirmer sa philosophie que pour attirer l’attention sur ce fait, que, malgré que tous les hommes aient admis un certain principe comme existant au delà de la loi de la Gravitation, aucune tentative n’a été faite pour définir ce qu’est particulièrement ce principe ; — si nous exceptons peut-être quelques visées fantastiques qui le transportent dans le Magnétisme, dans le Mesmérisme, dans le Swedenborgianisme, ou dans le Transcendantalisme, ou dans tout autre délicieux isme de la même espèce, invariablement favorisé par une seule et même espèce de gens. Le grand esprit de Newton, tout en saisissant hardiment la Loi elle-même, a reculé devant le principe de la Loi. Plus active, plus compréhensive au moins, sinon plus patiente et plus profonde, la sagacité de Laplace n’eut pas le courage de s’y attaquer. Mais l’hésitation de la part de ces astronomes n’est pas si difficile à comprendre. Eux aussi, comme d’ailleurs tous les mathématiciens de la première classe, ils étaient purement mathématiciens ; leur intelligence du moins était marquée d’un caractère mathématico-physique vigoureusement prononcé. Tout ce qui n’était pas distinctement situé dans le domaine de la Physique ou des Mathématiques leur apparaissait comme des Non-Entités ou des Ombres. Néanmoins, nous pouvons bien nous étonner que Leibnitz, qui fut une exception remarquable à cette règle générale, et dont le tempérament spirituel était un singulier mélange du mathématique avec le physico-métaphysique, n’ait pas d’abord recherché et défini le point en litige. Newton et Laplace, cherchant un principe, et n’en découvrant aucun physique, devaient humblement et tranquillement s’arrêter à cette conclusion, qu’il n’en existait absolument aucun ; mais il est presque impossible de concevoir que Leibnitz, ayant épuisé dans ses recherches les domaines de la physique, n’ait pas marché droit, plein de hardiesse et de confiance, à travers ce vieux labyrinthe du royaume de la Métaphysique qui lui était si familier. Il est évident qu’il a dû s’aventurer à la recherche du trésor ; — s’il ne l’a pas trouvé, c’est peut-être, après tout, parce que sa merveilleuse conductrice, son Imagination, n’était pas suffisamment adulte ou assez bien éduquée pour le diriger dans la bonne route.

J’observais tout à l’heure qu’il avait été fait de vagues tentatives pour attribuer la Gravitation à de certaines forces très-douteuses, dont le nom affecte la désinence isme. Mais ces tentatives, quoique considérées très-justement comme hardies, n’ont pas visé plus loin qu’à la généralité, à la pure généralité de la Loi newtonienne. Aucun effort d’explication, aucun effort heureux, à ma connaissance, n’a été fait relativement à son modus operandi. C’est donc avec une crainte bien légitime d’être pris pour un fou, dès le début, et avant d’avoir pu porter mes propositions sous l’œil de ceux-là qui seuls sont compétents pour décider sur leur valeur, que je déclare ici que le modus operandi de la Loi de la Gravitation est une chose excessivement simple et parfaitement appréciable, à la condition que nous nous approchions du problème selon une juste gradation et dans la bonne route, — c’est-à-dire si nous le considérons du point de vue convenable.