Fables (Stevens)/46

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Imprimerie de John Lovell (p. 84-85).

XLVI.

LE LOUP ET L’AGNEAU.

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Une fois un jeune agneau
Pauvre orphelin sur la terre,
S’abreuvait dans un ruisseau,
Quand un être sanguinaire
Le loup vint pour y laper.
Il l’aperçoit et s’arrête,
Grondant et branlant la tête ;
L’agneau se met à trembler…
— « Pourquoi, petit misérable,
« Dit le loup à l’agnelet,
« Bois-tu de ce ruisselet ?… »
— « Oh ciel ! si je suis coupable,
« Pardonnez puissant seigneur,
« J’ignorais cette défense
« Et je jure sur l’honneur… »
— « C’est assez. Fais-moi silence !
« Garde pour toi ton serment,
« Mais avoue à l’instant même
« Que tu parlas méchamment
« De moi, le dernier carême ?… »
— « Moi !… seigneur, je n’ai parlé ;
« Comment l’aurai-je pu faire,
« Puisque je n’étais pas né… »
— « Brigand ! veux-tu bien te taire ?…
« C’étaient tes frères alors ?… »

— « Hélas ! ils n’ont rien pu dire
« Mes frères, tous deux sont morts
« Avant l’hiver, mon doux sire !… »
— « Si ce n’est eux, c’est quelqu’un
« De ta race médisante.
« Frère ou cousin, c’est tout un.
« L’insulte est par trop criante :
« Je me venge cette fois. »
Le loup saisit sa victime
Qu’il emporte au fond du bois.

Partout le fort prend la dîme.