Fabre dEnvieu - Noms locaux tudesques/Chapitre 9

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E. Thorin ; Édouard Privat (p. 283-287).

CHAPITRE IX

NOMS QUI MENTIONNENT DES TITRES OU DES DIGNITÉS RELIGIEUSES ET POLITIQUES.


Dignités ecclésiastiques.Bischof, évêque : Bischofsberg, Bichofsgrün, Bichofshaube (Haube, coiffe, bonnet), Bischofsheim, Bischofshofen, Bischofskirchen, Bischofsrode, Bischofstein, Bischofswerder, Bischofswies (Wiese, prairie), Bischofszell (Episcopi cella) ; Bischheim-am-Saum (demeure de l’évêque-sur-la-lisière : Saum, ourlet, rebord ; bordure), qui fut ainsi nommée par Clovis, en l’honneur de saint Remi ; — Bischwiller (Episcopi villa), etc.

Abt, abbé (du lat. abbas, syriaque abba, père) : Abtsdorf, Abtenau, Abtenburg ; — Appenzell (des Abtes Zelle ; parce que l’abbé de Saint-Gall bâtit une église et un petit couvent dans cette localité qui est devenue le chef-lieu d’un canton), — Aetighoffen (écrit jadis Aebtikoffen ; du celt. atta [père], mot qui offre le même sens que Abt.

Pfaff, jad. curé (dans l’Allemagne septentrionale, on rencontre la forme pape) : Pfaffenberg, Pfaffendorf (dix villages de ce nom en Prusse), Pfaffengrün, Pfaffenhausen, -heim, -hofen, -münster, -reut, -rode, -roth, -see, -thal, -wasser (lac), -wasserweiler, -wasserwerth ; — Papenbrook (bas sax. brook = Bruch, marais), Papenburg, -dorf, -hagen, etc. — Pfaffe a aussi le sens de bouvreuil, à cause de sa couleur noire ou parce qu’il paraît attentif et réfléchi.

Le mot Pfarrer (curé ; parochus, jad. peu usité, se trouve dans Pfarrkirchen.

Propst, prévôt : Probsting (ing p. 196).

Mönch, moine, religieux (lat. monachus, primit. solitaire) : le Mönch (sommet de la Finsteraarhorngruppe, dans lequel les bergers des Alpes trouvent une certaine ressemblance avec l’aspect d’un moine), Munich ou München (ville appelée das deutsche Athen, et dont le nom signifie : aux moines)[1] ; — Münch, Münchberg, Müncheberg (lac), Münchehof, Münchenau, Münchenberg, Münchendorf, Münchenhagen, Müncheroda, Münchhausen, Münchhof, Münchholzhausen, Münchingen, Münchroth, Münchsberg, Münchshof, Münchmünster, Münchweiler, etc. ; — Monninghausen ; — Monckholm (Norwège ; Holm, colline ; petite île), etc.

Einsiedler, ermite (de ein = un et de Siedler, celui qui s’établit, qui s’est établi [au milieu] = sedens, insidens ; puis, ce mot a eu le sens de colon) ; Einsiedelei, ermitage : Einsiedlen (en franç. l’Hermitage ou Notre-Dame des Hermites ; en lat. Cœnobium D. Virginis ad Eremitas, Eremus Deiparæ, Monasterium Eremitarum ; en all., das Stift Einsiedlen ou St. Meinrads Cell in dem finstern Wald), abbaye de Bénédictins et un des principaux lieux de pèlerinage de la Suisse : ce n’était qu’une forêt sombre et un désert affreux qui, comme les deux tiers de la Suisse, fut défrichée par les moines ; cette contrée se nomme encore aujourd’hui : Finster Wald (forêt obscure) ; Klein Einsiedlen (ou Eremus minor Deiparæ, pour le distinguer de celui de Sewen nommé Eremus Major), en Alsace, etc.

Nonne, religieuse : Nonnberg (couvent), Nonnenbach, -busch, -wald, -werth, etc.

Dignités politiques.Kaiser, empereur : Kaiserau, -bach, -berg ; Kaisersesch, -heim (et aussi Kaisheim, abrév.), Kaiserslautern (ou simplement Lautern ; — sur la Lauter), Kaiserstuhl ou Kœnigstuhl (siège, trône de l’empereur ou du roi)[2] ; — en Silésie quatre Kaiserswaldhau (Wald, forêt ; Hau, taillis), Kaiserswerth ; — le nom du Kaisereggschloss est formé du bas latin Casaria = Alphütten, huttes de la prairie alpestre.

König, roi : Königheim, -bach, -bruch, -feld, -walde ; — Königsberg (mont du roi), Königshof, Königshoven, Königslutter (an der Lutter), Königstadt, Königswinter (Hibernia regia ou hiver du roi [Winter, hiver], parce que, vu la saison avancée qui ne lui permettait pas de traverser le Rhin, un roi Franc séjourna dans cet endroit pendant l’hiver) ; Königingraetz (ville de la reine ; en tchèque Kralowe Hradetsch) ; Altkönig (? du celt. Altkim = Hochkamm).

Herzog, duc : Herzogenbuchsee, Herzogenburg, Herzogenbusch, Herzogsfreude (Freude, joie, contentement), Herzogswald ; — Herzégovine (duché qui dépendait jadis du royaume de Croatie et qui cessa d’exister politiquement en 1483, par la conquête des Turcs), dont le nom provient du titre héréditaire de duc (Herzog) qui fut donné au prince Stéfan (Etienne) dans la première moitié du xve siècle. De ce nom est provenue la forme demi-slave Hertzegoving, qui signifie simplement le « Duché. »

Fürst, prince : Fürstenau, Fürstenberg, -felde, -hagen, -hausen, -ried, -see, -stein, -walde, -werder, etc.

Graf, comte : Grafenberg, Grafenegg (Ecke, coin), Grafenhof, Grafenort, Grafenstein, Grafenwoerth ; — Grafhorst ; — Gräfenberg, -dorf, -hagen, -hausen, -heim, -rode, -schlag, -stein, -thal, etc. Le mot Graf s’est peut-être transformé quelquefois en Greif (griffon, condor) : Greifenhain, Greifenhagen, etc. Du mot Graf (comte) sont provenues les formes polonaises grabia ou hrabia et la forme tchèque Hrabe, mot que les Allemands ont changé en Rabe (corbeau). Cette transformation a produit, en Bohème et en Moravie, des Rabenstein, des Rabersdorf, etc., noms qui n’avaient, à l’origine, aucun rapport avec les corbeaux.

Vogt, Voigt, avoué d’une église, d’un couvent, prévôt, bailli (du lat. vocatus pour advocatus) : Vogtland, Vogtsburg, Vogtsfreihof, Vogtshagen ; — Voigtsberg, Voigtsburg, Voigtswalde.

Le Palatinat (die Pfalzgrafschaft am Rhein und Main) devait son nom aux Pfalzgrafen ou Comites Palatini que les empereurs francs et allemands avaient établis comme gouverneurs et comme juges dans les châteaux (Pfalzen) dont ils s’étaient emparés.

Mentionnons encore les noms formés de Adel (noblesse : Adelsberg, Adelsdorf, Adelschlag, etc.) et de Herr (seigneur : Herrenberg, -dorf, -graben, -grund, -haus, -hausen, -hof, -hut, -mühle, -stadt, Herrenzimmern (Zimmer, chambre ; jad. bois de construction).

Mann, homme : Mannsdorf, Mannsfeld, Mannheim (Mannenheim ; v. h. all. mano, la lune), Mansberg, Mansee a la forme de deux cornes, Mansfeld, Mannesfeld, Manweiler.

Bube, garçon : Bubenberg, Bubendorf.

Noms qui se rattachent à diverses professions. — Jägerhaus (maison du chasseur), Gärtnerhaus, Schäferwand. Une localité où se trouvait un « écrivain » public : Schreibershau, Schreibershof, Schreibendorf, Schreibersdorf. Mais comme ces noms ne se trouvent pas dans les contrées de l’Allemagne proprement dite, on a pensé qu’ils avaient une origine slave et on les a rapportés à sorab (= Sorabe) qui désigne les Sorbes de la Lusace ;

Schalksburg (Schalk, jad. serviteur, valet, auj. coquin, fripon), Schalkau, Schalkstetten ; — Schmiedheim, etc.


  1. Cette ville doit son origine à une ferme des moines (Mönche) bénédictins de Schäftlarn. Ces religieux y élevèrent des huttes et y établirent un entrepôt du sel amené de Reichenhall et de Salzburg. On appela ce lieu Forum ad Monachos, den Mönchen (Münichen) et ensuite München. La ville a dans ses armes le Münchner Kindel, un Mönchlein (Kind, enfant). On remarque dans cette ville [églises] : Die Frauenkirche (l’église de Notre-Dame), die St. Michaelis-Hofkirche (église [de la cour] de S. Michel), die Theatiner-Hofkirche (des Théatins), l’église paroissiale de St.- Pierre (Pfarrkirche zu St. Peter), die Allerheiligen-Hofkirche (l’église [de la cour] de tous les Saints) ; die Mariahilfkirche, die Basilika d. H. Bonifacius, etc., der Gottesacker, (champ de Dieu ; cimetière) ; — Der alte Hof (l’ancienne cour), die alte Residenz ; das Rathhaus (l’hôtel-de-ville) ; Die Glyptothek, die Pinakothek ; — das Siegesthor, die Ruhmeshalle, etc.
  2. La plus haute montagne de la Bergstrasse ; — petite ville que l’on croit avoir été une forteresse romaine, bâtie pour défendre le passage du Rhin contre les Alamanes. On a supposé que cette localité est le Forum Tiberii des anciennes Notices. Mais il paraît que cette colonie romaine était à Zurzach. On trouve, dans le canton d’Uri, un village nommé Kaiserstuhl.