George Sand, dix conférences sur sa vie et son œuvre/Texte entier

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GEORGE SAND



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GEORGE SAND

par Charpentier

(Collection de Mme Lauth-Sand.)


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À Madame L. LANDOUZY



Ce livre est dédié


en hommage de profonde reconnaissance


et de respectueuse affection.




Invité par la Société des Conférences à occuper, cette année, la chaire libre qu’elle a créée, j’ai donné dix conférences sur George Sand.

C’est le texte de ces conférences qu’on trouvera ici.

Ce livre ne prétend donc pas à être une étude sur George Sand : ce n’est qu’une série de chapitres envisageant divers aspects de sa vie et de son œuvre.

Je n’aurai pas perdu ma peine, si la lecture de ces pages inspire à quelqu’un des historiens de notre littérature le désir de consacrer à la grande romancière, à son génie et à son influence, un travail qui nous

manque.

GEORGE SAND


I

AURORE DUPIN
PSYCHOLOGIE D’UNE FILLE DE ROUSSEAU


Je vous dois d’abord quelques mots sur le choix du sujet que je traiterai devant vous : je m’empresse de vous dire que j’en aurais choisi un autre, si j’en avais trouvé un autre qui me parût plus varié, plus riche et plus actuel.

À quoi sert en effet l’histoire littéraire ? Vous la représentez-vous à la manière d’un musée où sont conservées, pour le plaisir des yeux, quelques toiles de maîtres ? Elle est cela, sans doute ; mais elle est autre chose encore. Les beaux livres sont avant tout des œuvres vivantes. Non seulement elles ont vécu, ces œuvres, mais elles continuent de vivre. Elles vivent en nous sous les espèces des idées qui forment notre conscience et des sentiments qui inspirent nos actes. Rien n’est plus important pour une société que de faire l’inventaire des idées et des sentiments qui, à chaque instant de sa durée, composent son atmosphère morale ; pour chaque individu, ce travail est la condition même de sa dignité. Mais ces idées, mais ces sentiments, les aurions-nous si, dans les temps qui nous ont précédés, il ne s’était trouvé pour les recueillir dans l’air, pour les rendre viables et durables, des êtres d’exception, capables de penser plus vigoureusement que nous, de sentir avec plus de profondeur, d’exprimer avec plus de relief, et qui nous les ont légués ? L’histoire littéraire est cela surtout : le perpétuel examen de conscience de l’humanité.

Or, ai-je besoin de redire, ce que tout le monde sait, combien notre époque est complexe, et confuse et troublée ? Dans le dédale où nous nous agitons douloureusement, qui de nous ne regrette les temps de vie simple où l’on allait vers un but, inconnu sans doute et mystérieux, mais par des voies droites et des routes royales ? George Sand a écrit pendant près d’un demi-siècle ; c’est-à-dire que, pendant cinquante fois trois cent soixante-cinq jours, elle n’a pas laissé passer un jour sans couvrir de son écriture abondante plus de feuillets que d’autres en un mois. Ses premiers livres ont fait scandale, ses premières opinions ont déchaîné des tempêtes. Depuis lors, pas une nouveauté vers laquelle elle ne se soit précipitée, pas une chimère qu’elle n’ait accueillie pour nous la renvoyer renforcée et passionnée. Vibrant à tous les souffles, électrisée par tous les orages, elle a regardé vers chaque nuée derrière laquelle il lui semblait voir briller une étoile. On a appelé l’œuvre d’un autre romancier un répertoire de documents humains. Mais son œuvre à elle, quel répertoire d’idées ! Amour, famille, institutions sociales, formes de gouvernement, sur quoi n’a-t-elle pas dit son mot ? Et c’était une femme ! Et son cas dans toute l’histoire des lettres est à peu près unique ! — Voilà précisément ce que je voudrais étudier avec vous : l’importance qu’a eue, dans l’évolution de la pensée moderne, l’apparition de cette femme de génie.

J’aborde mon sujet avec respect et bonne foi. J’étudierai la biographie dans la mesure où elle est indispensable pour la complète intelligence des œuvres. Je dessinerai la silhouette des originaux que je rencontrerai sur mon chemin, sous l’angle et dans le jour où ils se mêlent à la vie de l’écrivain, estimant qu’une galerie où l’on défile devant Sandeau et Sainte-Beuve, Musset, Michel (de Bourges), Liszt, Chopin, Lamennais et Pierre Leroux, Dumas fils et Flaubert, et d’autres et d’autres encore, est une galerie incomparable. Je n’attaquerai pas les personnes, mais je discuterai les idées, et, s’il le faut, je les combattrai — avec allégresse. Au cours du voyage, nous verrons, je l’espère, s’ouvrir devant nous bien des perspectives.

Naturellement je me suis aidé de tous les travaux qui comptent parmi ceux qui ont été consacrés à George Sand : j’en aurai plusieurs à vous signaler. J’indique une fois pour toutes les deux volumes publiés sous le pseudonyme de Wladimir Karénine[1] par une femme appartenant à la haute société russe : c’est, pour toute la période qui précède 1840, l’ouvrage le plus complet. Un savant maître de l’Université, M. Samuel Rocheblave — l’homme qui, aujourd’hui, connaît le mieux la vie et l’œuvre de George Sand — a été pour mon travail le guide le plus dévoué, le conseil le plus judicieux et le plus sur : je tiens à reconnaître la dette que j’ai contractée envers lui. Enfin, des archives particulières se sont ouvertes pour moi, libéralement. Il y aura de l’inédit. C’est la manie du jour. George Sand n’ayant guère publié qu’une centaine de volumes, romans et nouvelles, soit toute une bibliothèque, à laquelle il faut joindre quatre volumes d’autobiographie et six de correspondance imprimée, on nous demande à toute force des « documents nouveaux » sur cet écrivain, pour lequel il paraît qu’on manque de renseignements. Il n’est que de s’incliner et de s’exécuter.

Je voudrais aujourd’hui rechercher avec vous comment les dons naturels, les premières influences et les premières impressions ont, chez l’enfant et la jeune fille que fut Aurore Dupin, prédéterminé la femme et l’écrivain que sera George Sand.


C’est à Paris, au n° 15 de la rue Meslay, en plein quartier du Temple, que naquit, le Ier juillet 1804, Lucile-Amandine-Aurore Dupin, fille légitime de Maurice Dupin et de Sophie-Victoire Delaborde. J’attire tout de suite votre attention sur le phénomène capital qui éclaire le problème de sa destinée : son hérédité, ou plutôt l’opposition radicale, violente, de ses deux hérédités.

Par son père, elle est une aristocrate : elle cousine avec les maisons régnantes.

L’ancêtre, c’est le roi de Pologne, Auguste II, amant de la belle comtesse Aurore de Kœnigsmarck. Le grand-père, c’est Maurice de Saxe, aventurier et condottiere, si l’on veut, mais à qui nous devons cette page éternellement rayonnante de notre histoire : Fontenoy. Nous entrons ici dans un coin du xviiie siècle brillant, galant, frivole, artiste, libertin. Maurice de Saxe raffolait du théâtre : on n’a jamais su s’il l’aimait davantage pour le théâtre lui-même ou pour les femmes de théâtre. Il emmenait en campagne une troupe qui préludait, par une représentation du « théâtre au camp », à l’engagement du lendemain. Dans cette troupe il remarqua une jeune artiste, Mlle de Verrières, dont le père s’appelait M. Rinteau — ce que nous prononçons aujourd’hui : Monsieur Cardinal. De cette remarque naquit une fille, reconnue plus tard sous le nom de Marie-Aurore de Saxe. Ce sera la grand’mère de George Sand. Elle épousa à quinze ans le comte de Horn, un bâtard de Louis XV… C’est extraordinaire ce qu’il y a de bâtards dans cette histoire-là, et invinciblement il vous revient à l’esprit le mot du Monde ou l’on s’ennuie : « Est-ce que tous les enfants ne sont pas naturels ? » … Ce mari, ayant fait l’amitié à sa femme, qui ne fut pas sa femme, de mourir dans le plus bref délai, elle revint vivre chez sa mère, la « dame de l’Opéra ». Et un vieux gentilhomme, Dupin de Francueil, qui avait été l’amant de l’autre demoiselle Verrières, s’étant épris d’elle, elle l’épousa et en eut un fils, Maurice Dupin, qui sera le père de notre romancière. La merveille, dans ce ricochet et dans cette cascade de fantaisies, c’est qu’il ait pu en sortir une honnête femme, la femme infiniment respectable que ne cessa jamais d’être Marie-Aurore.

Mais, par son hérédité maternelle. Aurore Dupin est peuple. Car elle est la fille de Sophie-Victoire Delaborde, modiste, la petite-fille d’un marchand de serins et chardonnerets du quai des Oiseaux, qui avait d’abord tenu un estaminet, et l’arrière-petite-fille de la mère Cloquart.

Cette double hérédité se personnifie dans les deux femmes qui se sont partagé le cœur de George Sand enfant. Il nous faut donc tout de suite faire le portrait de ces deux femmes.

La grand’mère est le type, sinon de la grande dame, du moins de l’élégante, dans la seconde moitié du xviiie siècle. Très instruite, elle s’était affinée à vivre chez les demoiselles Verrières, qui recevaient la meilleure société. Elle était bonne musicienne et chantait à ravir. Quand elle épousa Dupin de Francueil, celui-ci avait le double de son âge, soixante-deux ans. Mais, disait-elle à sa petite-fille, « est-ce qu’on était jamais vieux dans ce temps-là ? C’est la Révolution qui a amené la vieillesse dans le monde. » Dupin était l’homme aimable ; plus jeune, il l’avait été trop ; maintenant il l’était juste assez pour rendre sa femme très heureuse. D’ailleurs prodigue et menant un train de prince, il laissa Marie-Aurore ruinée, et pauvre à soixante-quinze mille livres de rentes. Imbue des idées des philosophes, ennemie de la coterie de la Reine, elle accueillit sans effroi la Révolution, qui ne manqua pas de l’emprisonner. Le 26 novembre 1793, elle fut arrêtée et incarcérée au couvent des Anglaises, rue des Fossés-Saint-Victor, qui avait été converti en maison d’arrêt. Au sortir de la prison, elle s’établit dans ce domaine de Nohant qu’elle avait acheté depuis peu. C’est encadrée de ce décor que sa petite-fille la retrouve dans ses plus lointains souvenirs : grande, svelte, blonde et si calme ! À Nohant, elle n’avait pour compagnie que celle de ses femmes de chambre et de ses livres. À Paris, elle s’entourait de gens de son monde et de son temps, qui avaient les idées et les airs de tête d’autrefois. Elle prolongeait ainsi, dans le siècle nouveau, des nuances d’esprit et des manières d’ancien régime.

À ce type de race et de fine culture s’oppose le type vulgaire, populacier, de la mère d’Aurore : petite, brune, ardente, violente. Elle aussi, la fille de l’oiselier, elle avait été emprisonnée par la Révolution, et dans ce même couvent des Anglaises, et vers le même temps que la petite-fille de Maurice de Saxe : la Terreur s’entendait à réaliser ainsi la fusion des classes. Elle fut vaguement comparse dans un petit théâtre : ce ne fut pour elle qu’une entrée de carrière. Quand Maurice Dupin la rencontra, aux armées, elle était la maîtresse d’un vieux général. Elle avait déjà un enfant, Caroline, de provenance indécise ; Maurice Dupin, de son côté, avait un fils naturel, Hippolyte : on n’avait pas de reproches à se faire. Quand Maurice Dupin épousa Sophie-Victoire, un mois avant la naissance d’Aurore, — il était temps ! — il éprouva d’abord de la résistance de la part de sa mère ; mais celle-ci était indulgente : elle céda. La conduite de Sophie-Victoire fut-elle irréprochable, tant que vécut son mari ? Peut-être. Mais, après la mort de celui-ci, elle retourna à ses habitudes d’inconduite. Elle était tout à fait galante. Elle a d’ailleurs de la religion, et pour rien au monde ne manquerait la messe. Emportée, jalouse, bruyante, à la moindre contrariété son sang ne fait qu’un tour et lui monte à la tête. Alors ce sont des cris, c’est une tempête, c’est un débordement d’outrages. Il n’est pour la faire taire que de crier plus fort. Au surplus, elle n’y met pas de malice et n’en veut pas à ceux qu’elle vient d’injurier. Sentimentale, cela va sans dire, et pourtant passionnée plutôt que tendre, elle oubliait soudain ceux qu’elle avait le mieux aimés : il y avait des trous dans sa mémoire, et dans sa conscience de grandes lacunes. Ignorante, dénuée de lettres et d’usage, comme vous pouvez croire, elle a pour salon le palier de son logement, et pour relations ses voisines. Vous devinez ce qu’elle pense des aristocrates qui fréquentent chez sa belle-mère. Elle est impayable quand elle raille et quand elle parodie celles qu’elle appelle les « vieilles comtesses ». Car elle a de l’esprit naturel, une verve faubourienne, une gaminerie de gavroche, un talent pour les imitations qui est à mourir de rire. Bonne ménagère d’ailleurs, active, industrieuse, habile à tirer parti d’un chiffon, elle s’entend comme pas une à improviser avec rien une robe ou un chapeau qui a du chic. Elle a de la grâce, de la fantaisie au bout des doigts. C’est l’ouvrière parisienne, la fille des rues, l’enfant du peuple, et comme nous dirions : la midinette.

Telles sont les deux femmes qui se sont disputé le cœur d’Aurore Dupin. La destinée, qui les rapprochait, les avait faites pour se haïr. L’enfance de la petite Aurore fut le champ clos de leurs discordes. On peut dire que leur rivalité domine toute la formation sentimentale de l’enfant.

Tant qu’avait vécu Maurice Dupin, Aurore avait habité avec ses parents le petit logement parisien. Maurice Dupin était un brillant officier, brave et jovial. En 1808, Aurore alla le rejoindre à Madrid, où il séjournait en qualité d’aide de camp de Murat. Elle habita le palais du prince de la Paix, l’immense palais que Murat emplissait de la splendeur de ses costumes et de ses hurlements de souffrance. Comme Victor Hugo qui, vers la même époque et dans des conditions analogues, faisait le même voyage, revint-elle rapportant

                 de ses courses lointaines,
  Comme un vague faisceau de lueurs incertaines ?

Il ne le semble pas. Le retour fut pénible ; on arriva harassé, malade : on fut heureux de trouver un asile à Nohant. La vie s’organisait, quand Maurice Dupin mourut brusquement d’un accident de cheval, laissant en présence sa mère et sa femme.

En fait, Aurore sera le plus souvent auprès de sa grand’mère qui s’est chargée de son éducation, et à Nohant plutôt qu’à Paris. Elle va y vivre en compagnie de son demi-frère, Hippolyte Chatiron, partageant avec lui les leçons du pédagogue Deschartres, le même qui avait élevé Maurice Dupin, moitié régisseur, moitié précepteur, autoritaire, rogue, pédant, d’ailleurs tendre et dévoué jusqu’à l’héroïsme, haïssable et touchant, un cœur d’or sous l’enveloppe d’un cuistre. Nohant, c’est le Berry, c’est la campagne, c’est la nature. Et la nature va être pour Aurore Dupin une incomparable éducatrice.

Jusqu’ici on ne relève chez l’enfant qu’un trait de caractère : une tendance prononcée à la rêverie. Elle reste, de longues heures, seule, immobile, le regard perdu. À ceux qui s’inquiètent, en lui voyant l’air si bête, la mère répond : « N’ayez crainte ! Elle rumine toujours quelque chose. » La vie à la campagne — tout en procurant à l’enfant l’exercice et le grand air, qui lui feront une santé magnifique — donnera à sa rêverie une tournure et


MAISON DE NOHANT
MAISON DE NOHANT



une matière nouvelles. Rappelez-vous l’existence que menait, dix ans auparavant, Alphonse de Lamartine, lâché en pleins champs avec les petits paysans de Milly : c’est celle aussi d’Aurore Dupin. Nohant est situé au centre de la Vallée noire : terres brunes et grasses, petits chemins ombragés, pays peu accidenté, mais de grands horizons calmes. Aurore parcourt, en toute saison et à toute heure du jour, les traînes berrichonnes, en compagnie de ses petits camarades, les filles du métayer, Marie qui garde les ouailles et Solange qui fait de la feuille, et Liset, et Plaisir le gardeur de cochons. Elle sait dans quel pré, dans quel pli de terrain elle les trouvera. Elle fait avec eux le ravage dans les foins, sur les arbres, dans les ruisseaux. Elle garde avec eux les troupeaux. L’hiver, tandis que les pastours devisent, rassemblés autour de leur feu, en plein vent, elle écoute leurs histoires merveilleuses. Ils ont « vu », ces enfants crédules, vu de leurs yeux, Georgeon, le diable de la Vallée noire, et les follets et les revenants, et la levrette blanche, et la Grand’bête ! Le soir, elle entend, à la veillée, les récits du chanvreur. Ainsi, la poésie champêtre imprégnait cette âme neuve. Et c’était toute la poésie champêtre : celle qui vient des choses, de la fraîcheur de l’air et du parfum des fleurs, mais celle aussi qui réside dans la simplicité des sentiments et dans cette naïveté émerveillée devant les spectacles de la nature, restés les mêmes et aussi incompréhensibles qu’aux premiers temps du monde.

Cependant l’antagonisme des deux mères se continuait.

Je ne vous en retracerai pas les épisodes ; mais je dois vous en indiquer les conséquences.

La première fut d’aviver l’intelligence de l’enfant par l’effet du dédoublement. Entre ces deux milieux et ces deux états d’esprit si différents, celui de sa grand’mère et celui de sa mère, et obligée de passer sans cesse de l’un à l’autre, elle les comprend et les apprécie en les opposant. Elle est tour à tour en dehors de chacun d’eux : elle peut en apercevoir les travers, les lacunes, les défauts, les mérites aussi et les avantages.

Une seconde conséquence fut d’exalter sa sensibilité. Chaque fois qu’elle quitte sa mère, la séparation est pour elle un déchirement. . Quand elle en est éloignée, elle souffre de la savoir absente et plus encore de la deviner oublieuse. Elle aime cette mère, telle qu’elle est, et de la sentir en butte à l’hostilité et au mépris, ce lui est une souffrance intime, une plaie toujours saignante.

Une autre conséquence enfin, et non la moins importante, fut de déterminer dans un certain sens l’immense pouvoir de sympathie qui était en elle. Vis-à-vis de cette grand’mère, réservée et cérémonieuse, elle n’a longtemps éprouvé que de la crainte. Elle se sent plus près de sa mère, avec qui il n’y avait pas à se gêner. Elle en veut à ceux qui représentent l’autorité, la règle, la tyrannie des usages. Elle considère qu’elles sont, elle et sa mère, des opprimées… Voyez-vous naître, chez la fille de Sophie-Victoire, le goût pour le peuple auquel elle tient par un côté de ses origines, vers lequel elle est ramenée par les humiliations subies ? Voyez-vous poindre, chez cette Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/32 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/33 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/34 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/35 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/36 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/37 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/38 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/39 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/40 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/41 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/42 en campagne contre le préjugé, la tendance à généraliser un cas particulier et à faire de la cause d’une femme celle de toutes les femmes.

Pour conclure, voulez-vous maintenant vous rappeler et réunir en faisceau les traits qui, un à un, se sont découverts à nous dans leur ordre de succession ? Vous verrez alors à quelle lignée intellectuelle et sentimentale se rattache Aurore Dupin. Vous comprendrez les termes dont elle se sert pour nous peindre son « enivrement » à la lecture de Rousseau : « La langue de Jean-Jacques et la forme de sa déduction s’emparèrent de moi comme une musique éclairée d’un grand soleil. Je le comparais à Mozart. Je comprenais tout ». Elle le comprenait, car elle se reconnaissait en lui. En effet, cette prédominance exclusive de la sensibilité et de l’imagination, cette exaltation du sentiment, ce goût pour la vie selon la nature, cette émotion devant les spectacles de la campagne, cette méfiance à l’égard du monde, et ces effusions de sentimentalité religieuse, et cette rêverie solitaire, et cette mélancolie qui va jusqu’au désir de la mort — autant de paroles de l’Évangile selon Rousseau. Toute la psychologie d’Aurore Dupin est là.

Être d’exception, sans doute ; mais l’exception, quand elle est géniale, consiste à réunir en soi et à personnifier avec une intensité particulière les souffles qui, à un certain moment, sont épars dans l’atmosphère. Depuis le grand ébranlement apporté dans le monde moral par la prédication de Rousseau, il y avait des courants encore incertains et tout un flot d’aspirations confuses : c’est cette vague énorme qui entre dans une âme féminine. Inconsciemment Aurore Dupin accueille l’idéal nouveau : c’est cet idéal qui va opérer en elle. Comment se comportera-t-il en présence de la vie, aux prises avec les réalités familiales et sociales ? tel est exactement le sujet de ce cours ; telle est la question que nous aurons à étudier dans les leçons suivantes : c’est celle qui fait l’intérêt, le drame et l’enseignement de la destinée de George Sand.


AURORE DUPIN À DIX-HUIT ANS d’après une aquarelle de Blaize (Collection de M. Rocheblave.)
AURORE DUPIN À DIX-HUIT ANS d’après une aquarelle de Blaize (Collection de M. Rocheblave.)





II

LA BARONNE DUDEVANT


LE MARIAGE ET LA LIBÉRATION
L’ARRIVÉE À PARIS. — JULES SANDEAU


Il nous faut maintenant rechercher quelle expérience la future George Sand va faire du mariage et quel en sera le résultat sur la formation des idées de l’écrivain.

« Tu perds en moi ta meilleure amie » ; ç’avaient été, au lit de mort, les derniers mots de la grand’mère à la petite-fille. La vieille dame disait vrai. Aurore en fit aussitôt la cruelle épreuve. Par une clause de son testament, Mme Dupin de Francueil avait investi de la tutelle un cousin d’Aurore, René de Villeneuve. Mais pensez-vous que Sophie-Victoire va, par cette clause illégale, se laisser frustrer de son droit — et pour un homme qui est du monde des « vieilles comtesses ? » Elle reprend sa fille avec elle, à Paris. Hélas ! Aurore, dont les yeux se sont ouverts et qui s’est affinée au point d’entrer en intime sympathie avec son exquise grand’mère, ne peut plus avoir pour une mère, dont elle s’est sentie abandonnée, sa tendresse passionnée de naguère et ses partis pris d’indulgence quand même. Elle voit cette mère telle qu’elle est, dans sa trivialité de femme du peuple restée galante et qui ne se résigne pas à vieillir. Si encore Sophie-Victoire eût été d’humeur calme ! Mais il lui faut chaque jour changer de logement, changer de gargote, se brouiller avec celui-ci, se raccommoder avec celle-là, arborer une nouvelle forme de chapeau ou une nouvelle couleur de cheveux. C’est une agitée. Avide de faits divers et de romans feuilletons, elle lit Sherlock Holmes. — je veux dire les élucubrations du vicomte d’Arlincourt — avec rage, jusqu’au milieu de la nuit. Elle en rêve et continue pendant le jour de vivre dans une atmosphère de crime. Si elle digère mal, elle se croit Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/49 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/50 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/51 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/52 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/53 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/54 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/55 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/56 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/57 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/58 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/59 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/60 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/61 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/62 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/63 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/64 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/65 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/66 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/67 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/68 ferme. Il s’était mis à boire, de compagnie avec Hippolyte Chatiron ; et il paraît que l’ivresse berrichonne est lourde et sans joie. Il avait pris, hors de chez lui d’abord, puis sous le toit conjugal, des habitudes d’inconduite. Il avait le goût des servantes. Le lendemain de la naissance de sa fille, Solange, Aurore le surprit. Dès lors, ce qui n’avait été jusque-là pour elle qu’un vague désir, devint idée fixe et prit corps de projet. Un incident servit de prétexte ou d’occasion. En rangeant des papiers. Aurore tomba sur le « testament » de son mari : ce testament n’était qu’une diatribe où le défunt en expectative exhalait contre sa femme — l’idiote — tout un arriéré de rancune. Son parti fut arrêté tout de suite et irrévocablement. Elle reprendrait sa liberté, elle irait à Paris, elle y passerait trois mois sur six. Pour élever ses enfants, elle avait fait venir du Midi un jeune précepteur, Boucoiran. Ce précepteur avait lui-même besoin d’être morigéné et la baronne Dudevant ne s’en faisait pas faute[2]. Elle le trouvait paresseux ; elle lui reprochait de manquer de tenue et de se familiariser avec les inférieurs, ce qu’elle n’admettait pas, elle l’amie du peuple et des paysans. Entre la Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/72 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/73 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/74 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/75 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/76 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/77 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/78


JULES SANDEAU
JULES SANDEAU



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Après l’épreuve de la vie conjugale, la baronne Dudevant vient d’en faire une autre : celle de l’amour libre. Et celle-ci n’a pas mieux réussi. Seulement à ces aventures, à ces souffrances, à ces erreurs, à ces déceptions, nous devrons l’écrivain dont il va désormais être temps de nous occuper. George Sand est née à la littérature.





GEORGE SAND par Delacroix (Collection de M. Rocheblave.)
GEORGE SAND par Delacroix (Collection de M. Rocheblave.)




III

UNE FÉMINISTE EN 1832


LES PREMIERS ROMANS ET LA QUESTION DU MARIAGE


Quand la baronne Dudevant débarqua à Paris, en 1831, son parti était pris de gagner sa vie avec sa plume ; car elle n’a jamais compté sérieusement sur les revenus d’un talent qu’elle avait pour peindre des fleurs sur les tabatières et orner d’aquarelles les étuis à cigares. Elle arrivait de sa province pour être écrivain. Comme tout débutant, elle s’essaya d’abord dans le journalisme. Elle écrit, le 4 mars, au fidèle Boucoiran : « En attendant, il faut vivre. Pour cela je fais le dernier des métiers, je fais des articles pour le Figaro. Si vous saviez ce que c’est ! Mais on est payé sept francs la colonne. » Cela valait la peine, évidemment. Le Figaro, un tout petit journal, était dirigé à cette époque par Henri de Latouche, Berrichon, écrivain lui-même, fort médiocre, et poète, si l’on ose s’exprimer ainsi, qui n’avait guère de talent pour son compte personnel, mais qui eut le mérite de comprendre ou de deviner celui de quelques autres. On lui doit la première édition d’André Chénier et il fut le parrain de George Sand : ce sont des titres. Donc il asseyait l’apprentie à l’une des petites tables où se confectionnait le journal. Mais elle n’avait pas la vocation. Vous savez quel est le grand principe en matière d’articles de journaux : les plus courts sont les meilleurs. Aurore était déjà au bout de son papier, qu’elle n’avait pas encore commencé. Le mieux était de ne pas s’obstiner. Elle renonça au dernier des métiers, si lucratif qu’il pût être.

Mais elle ne pouvait ignorer qu’elle eût le don. Elle le tenait de ses ascendants. C’est ici la meilleure part de son atavisme. Si haut qu’on remonte et dans quelque branche que ce soit de son arbre généalogique, on y constate une hérédité artistique. Maurice de Saxe a écrit les Rêveries, qui seraient encore un beau livre pour un militaire, quand même ce militaire n’aurait pas si généreusement battu les Anglais. Mlle Verrières avait été actrice et Dupin de Francueil était dilettante. La grand’mère, Marie-Aurore, très musicienne et qui chantait des airs d’opéra, faisait des extraits des philosophes. Maurice Dupin raffolait de musique et de théâtre. Il n’était pas jusqu’à Sophie-Victoire qui n’eût un sentiment inné, un instinct de la beauté. Non seulement elle pleurait au mélodrame, comme Margot, mais elle remarquait le rose d’un nuage, le mauve d’une fleur ; et, ce qui nous importe davantage, elle les faisait remarquer à la petite Aurore. En sorte qu’elle aussi, cette mère illettrée, est pour quelque chose dans la littérature de sa fille.

Ce n’est pas assez de dire que George Sand était née écrivain : elle était née romancière, et d’une catégorie déterminée de romancières. Elle avait été créée par un décret nominatif de la Providence pour écrire ses romans et non point d’autres. C’est cela qui rend intéressante l’histoire des plus lointaines origines de sa vocation littéraire ; et il est singulièrement curieux de voir s’annoncer chez elle, dès l’enfance, les facultés qui plus tard deviendront l’essence même de son talent. Elle n’avait pas quatre ans ; sa mère, pour la tenir tranquille, avait imaginé de l’emprisonner entre quatre chaises : que faisait la fillette pour égayer sa captivité ? « Je composais à haute voix d’interminables contes que ma mère appelait mes romans… Elle les déclarait souverainement ennuyeux, à cause de leur longueur et du développement que je donnais aux digressions… Il y avait peu de méchants êtres et jamais de grands malheurs. Tout s’arrangeait, sous l’influence d’une pensée riante et optimiste… » Déjà ! Ces romans de la cinquième année annoncent déjà les romans de l’âge mûr, optimistes avec des longueurs et des digressions. On cite un trait analogue de Walter Scott, et c’est donc qu’il y a, chez ceux qui sont nés pour être conteurs, un instinct primordial qui les pousse précisément à inventer de belles histoires, afin que cela les amuse.

Un peu plus tard il se produit chez Aurore un phénomène qui n’est guère moins curieux. Vous vous êtes sans doute demandé parfois comment procèdent les descriptifs, pour tracer ces tableaux dont tous les traits atteignent à un relief si intense et s’imposent à nous aussi impérieusement que ceux de la réalité. George Sand se souvient qu’à Nohant, quand on lui lisait du Berquin, elle écoutait assise devant le feu dont elle était protégée par un vieil écran de taffetas vert. Peu à peu elle perdait le sens des phrases. Des images se dessinaient devant elle et venaient se fixer sur l’écran vert. « C’étaient des bois, des prairies, des rivières, des villes d’une architecture bizarre et gigantesque… Un jour ces apparitions devinrent si complètes que j’en fus comme effrayée et que je demandai à ma mère si elle ne les voyait pas. » Voilà cette hallucination qui fait l’écrivain pittoresque, qui lui met sous les yeux, fût-ce entre quatre murs, un paysage complet, organisé, dont il n’a plus qu’à suivre les lignes, à reproduire les couleurs, en sorte que peignant des paysages imaginaires, il les peint encore d’après nature, d’après ce modèle surgi devant lui comme par enchantement, et où il peut compter les feuilles des arbres et entendre le bruit de l’herbe qui pousse.

Plus tard encore, à ce monde de fictions qu’Aurore ne cessait de porter dans sa tête, voici que se mêlent de vagues conceptions religieuses ou philosophiques. Sa vie poétique se double d’une vie morale. À ce roman, toujours en train et auquel elle ne cessait d’ajouter un chapitre nouveau, comme autant d’anneaux d’une chaîne sans fin, elle donna un héros dont elle savait très bien le nom. Il s’appelait Corambé. Corambé était son idéal dont elle avait fait un dieu. Seulement, tandis qu’on faisait couler le sang sur les autels des dieux barbares, sur l’autel de Corambé elle avait imaginé de rendre la vie et la liberté à tout un peuple de bestioles prisonnières : une hirondelle, un rouge-gorge, un moineau franc. Et c’était déjà cette tendance qu’elle aura plus tard à mêler aux récits romanesques des Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/99 monde intérieur, émané de sa fantaisie, reflet de son imagination, écho de son cœur, et qui est encore elle-même. — Telle est exactement la différence du roman impersonnel qui sera celui de Balzac et du roman personnel qui sera celui de George Sand, la différence de l’art réaliste qui se soumet à l’objet et de l’art idéaliste qui le transforme à son gré.

Jusqu’ici, il ne s’agit encore que de rêves qui n’ont pas été mis sur le papier. Que ce soit Corambé ou les romans entre quatre chaises, tout cela s’est passé dans la tête de l’enfant. Mais Aurore ne tarda pas à écrire. Au couvent, elle avait confectionné deux romans, un roman dévot et un roman pastoral, qu’elle eut le bon esprit de déchirer. Au sortir du couvent, autre roman, écrit pour René de Villeneuve, et qui eut le même sort que ses aînés. En 1827, le Voyage en Auvergne. En 1829, encore un roman, dont George Sand dit dans V Histoire de ma vie : « L’ayant lu, je me convainquis qu’il ne valait rien, mais que j’en pouvais faire de moins mauvais... Je reconnus que j’écrivais vite, facilement, longtemps, sans fatigue, que mes idées engourdies dans mon cerveau s’éveillaient et s’enchaînaient par la déduction, au courant de la plume ; que, dans ma vie de recueillement, j’avais beaucoup observé et assez bien compris les caractères que le hasard avait fait passer devant moi, et que, par conséquent, je connaissais assez la nature humaine pour la dépeindre. » Voilà donc maintenant cette facilité à écrire, cette abondance et cette nonchalance qui seront aussi bien caractéristiques de sa manière.

On le voit, lorsque George Sand va commencer à publier, elle avait déjà beaucoup écrit. Sa formation littéraire était complète. C’est la même constatation à laquelle on est amené chaque fois qu’on étudie les débuts d’un écrivain. Il arrive que le génie se révèle à nous par un jaillissement soudain ; mais depuis longtemps il cheminait sous terre, et ce que nous prenons pour une éclosion spontanée n’est que le dernier effort d’une sève lentement accrue et désormais toute-puissante.


Toutefois George Sand devait encore payer son tribut à l’inévitable période des tâtonnements. Il nous plaît que le premier livre qu’elle ait publié ne soit pas d’elle seule, et que la responsabilité de ce roman exécrable ne retombe pas tout entière sur elle.

Le 9 mars 1831, George Sand écrivait à Boucoiran : « Les monstres sont à la mode. Faisons des monstres ! J’en enfante un fort agréable dans ce moment-ci. » Le monstre, c’est ce roman écrit en collaboration avec Sandeau et paru sous la signature collective de Jules Sand, à la fin de 1831 : Rose et Blanche ou la Comédienne et la Religieuse.

Comme beaucoup d’entre vous ne l’ont probablement pas lu, je vous en indique en quelques mots le sujet. Cela commence par une scène de diligence, à la manière de certains romans de Balzac, mais agrémentée de détails d’une trivialité du plus mauvais aloi. — Deux jeunes filles font route ensemble, l’une, Rose, qui est une petite comédienne, l’autre, sœur Blanche, qui va entrer en religion. Elles se séparent à Tarbes. — L’histoire se déroule dans la région pyrénéenne : Tarbes, Auch, Nérac, les Landes, jusqu’au retour à Paris. — Rose doit, au sortir d’une orgie, être livrée par sa mère à un jeune libertin. Le jeune libertin a honte de lui-même, et, au lieu de mener Rose au diable, il la mène à Dieu, je veux dire qu’il la fait entrer au couvent des Augustines où elle retrouve sœur Blanche. Sœur Blanche n’a pas encore prononcé ses vœux. La preuve en est qu’elle épouse le jeune Horace. Mais quelles noces ! Il faut que vous sachiez que sœur Blanche, avant de s’appeler Blanche, s’appelait Denise. Sous le nom de Denise, elle était la fille d’un marinier bordelais, très belle et idiote. L’idiote a été déshonorée par le jeune libertin que maintenant on lui donne pour mari. Ce sont tous ces souvenirs qui, revenant à l’esprit de Blanche, et lui faisant reprendre conscience de Denise, lui occasionnent une fièvre chaude. On en aurait à moins. — Rose qui, dans l’intervalle, est devenue une grande cantatrice, arrive à temps pour recueillir le dernier soupir de son amie, et rentre au couvent où elle reprend la place laissée vide par sœur Blanche. Tout cela est absurde et souvent bien déplaisant.

Il est aisé de voir quelle part revient à chacun des collaborateurs, et que, du reste, George Sand a fait à peu près tout l’ouvrage. Les paysages, Tarbes, Auch, Nérac, les Landes, autant de souvenirs du fameux voyage aux Pyrénées et du séjour à Guillery chez les Dudevant. Le couvent des Augustines à Paris, avec ses religieuses anglaises et ses pensionnaires appartenant aux plus grandes familles, c’est le couvent où Aurore a passé trois années : nous reconnaissons le cloître, le jardin planté de marronniers, la cellule d’où la vue s’étendait sur la ville et d’où le rêve rejoignait le ciel, ce ciel de Paris vaporeux et riche, comme il est dit dans Rose et Blanche, « le ciel le plus changeant et le plus joli, sinon le plus beau de la terre ». — Mais à ce roman de la vie religieuse est cousu un roman libertin avec orgies, pavillon galant, sofa, historiettes grivoises et saugrenues. C’est la part du collaborateur. Les polissonneries sont de Sandeau. Telle est cette composition hybride. C’était bien le « monstre » annoncé.

Il eut quelque succès. — Celle qui se montra le plus sévère, ce fut la mère de George Sand. Sophie-Victoire avait, en littérature, le goût fort prude… Ah ! celle-là, elle est complète, et chaque fois qu’on la rencontre, c’est une joie… Sa fille dut s’excuser, et précisément en alléguant que l’ouvrage n’était pas d’elle seule : « Il y a beaucoup de farces que je désapprouve : je ne les ai tolérées que pour satisfaire mon éditeur qui voulait quelque chose d’un peu égrillard… Je n’aime pas les polissonneries. »

Elle ajoute : « Pas une seule ne se trouve dans le livre que j’écris maintenant et pour lequel je ne m’adjoindrai de mes collaborateurs que le nom[3]. »

En effet, Jules Sand a vécu. Le livre dont il est ici question sera signé George Sand. C’est Indiana.

La correspondance inédite avec Émile Regnault, à laquelle j’ai déjà fait des emprunts dans ma dernière leçon, contient une lettre des plus intéressantes, relative à la composition d’Indiana. Elle est du 28 février 1832. George Sand insiste d’abord sur la sévérité du sujet et sur sa ressemblance à la vie : « Il est aussi simple, aussi naturel, aussi positif, que vous le désiriez. Il n’est ni romantique, ni mosaïque, ni frénétique ; c’est de la vie ordinaire, c’est de là vraisemblance bourgeoise, mais malheureusement c’est beaucoup plus difficile que la littérature boursouflée… Pas le plus petit mot pour rire, pas une description, pas de poésie pour deux liards, pas de situations imprévues, extraordinaires, transcendantes : ce sont quatre volumes sur quatre caractères. Peut-on faire avec cela seulement, avec des sentiments intimes, des réflexions de tous les jours, de l’amitié, de l’amour, de l’égoïsme, du dévouement, de l’amour-propre, de l’obstination, de la mélancolie, des chagrins, des ingratitudes, des déceptions et des espérances, peut-on bien avec ce gâchis de l’esprit humain faire quatre volumes qui n’ennuient jamais ? J’ai peur d’ennuyer souvent, d’ennuyer comme la vie ennuie. Et pourtant quoi de plus intéressant que l’histoire du cœur quand elle est vraie ? Il s’agit de la faire vraie, voilà le difficile… »

Ces déclarations ne semblent-elles pas un peu surprenantes à qui les lit aujourd’hui ? Et le naturel de 1832 paraît-il encore naturel en 1909 ? Ce n’est pas la question. L’important est de noter que George Sand ne songe plus à fabriquer des monstres. Elle cherche à faire vrai. Elle veut surtout présenter un caractère de femme qui sera le type de la femme moderne.

« Noémi (ce nom laissé à Sandeau qui l’a mis dans Marianna se changera en celui d’Indiana), c’est la femme typique, faible et forte, fatiguée du poids de l’air et capable de porter le ciel ; timide dans le courant de la vie, audacieuse les jours de bataille ; fine, adroite et pénétrante pour saisir les fils déliés de la vie commune, niaise et stupide pour distinguer les vrais intérêts de son bonheur, se moquant du monde entier, se laissant duper par un seul homme, n’ayant pas d’amour-propre pour elle-même, en étant remplie pour l’objet de son choix ; dédaignant les vanités du siècle pour son compte, et se laissant séduire par l’homme qui les réunit toutes. Voilà, je crois, la femme en général : un incroyable mélange de faiblesse et d’énergie, de grandeur et de petitesse, un être toujours composé de deux natures opposées, tantôt sublime, tantôt misérable, habile à tromper, facile à l’être. »

Ce roman, destiné à nous présenter le type de la femme moderne, mériterait déjà d’être qualifié de féministe. Mais il l’est encore à d’autres points de vue. Je voudrais justement, en joignant à Indiana qui paraît en mai 1832, Valentine qui est de 1833 et Jacques de 1834, vous montrer déjà tout armé, dans cette première manière de George Sand, notre féminisme actuel.


Indiana est l’histoire d’une femme mal mariée.

Elle a épousé, à dix-neuf ans, M. Delmare, qui est colonel — on était beaucoup colonel en ce temps-là — et qui est par conséquent bien plus âgé qu’elle. M. Delmare est un honnête homme, au sens pharisien du mot. Entendez par là qu’il n’a ni volé ni tué. D’ailleurs, sans délicatesse et sans agrément, et féru de son autorité, c’est un tyran domestique. Indiana vit très malheureuse entre ce mari exécré et un cousin à elle, le bon Ralph, l’excellent Ralph, deux fois anglais parce qu’il s’appelle Brown et qu’il est flegmatique. C’est pourquoi elle ne saurait être insensible aux séductions du jeune Raymon de Ramières, si élégant, si distingué, un bourreau des cœurs !

Je n’ai pas le temps d’entrer avec vous dans la série des épisodes et j’arrive tout de suite à la crise. M. Delmare est ruiné, ses affaires l’appellent à l’île Bourbon. Il se propose d’y emmener Indiana. Celle-ci se refuse à l’accompagner. Elle sait quelqu’un qui l’empêchera bien de partir : c’est Raymon. Donc elle va le trouver et lui offre ingénument qu’il la prenne, et la garde pour toujours. — Ai-je besoin de vous dire l’accueil que fait Raymon à cette proposition enivrante, et quelle douche reçoit la pauvre Indiana par une froide nuit d’hiver ?

Elle part pour l’île Bourbon. Quelque temps après, au reçu d’une lettre de Raymon, où elle a cru deviner qu’il était malheureux, elle accourt — et elle est reçue par la jeune femme que vient d’épouser Raymon. C’est un fort beau mariage : Raymon ne pouvait espérer mieux. Et Indiana ? La Seine coule tout auprès : elle s’y jette. Elle peut s’y jeter sans danger : Ralph est là pour la repêcher. Ralph est toujours là pour repêcher sa cousine. C’est son sauveteur attitré. C’est le terre-neuve. À la campagne ou à la ville, sur la terre ferme ou sur le bateau qui emmène Indiana vers l’île Bourbon, vous pouvez être assurés de voir surgir Ralph, toujours flegmatique. Nous avons deviné depuis longtemps que Ralph est amoureux d’Indiana. Son flegme n’est qu’une apparence volontairement trompeuse : c’est l’enveloppe de neige sous laquelle brûle un volcan. Cet extérieur disgracieux et gauche cache une âme exquise. Ralph apporte une bonne nouvelle : M. Delmare est mort. Indiana est libre. Que va-t-elle faire de sa liberté ? Après en avoir délibéré, Ralph et Indiana concluent à se donner la mort ensemble. Il n’est plus que de chercher le genre de suicide. « C’est une affaire de quelque importance, » opine Ralph, sentencieux. Pour sa part, il n’aimerait guère se tuer à Paris : il y a trop de monde, on est gêné, distrait. Mais parlez-lui de l’île Bourbon ! Voilà un endroit agréable pour suicides : un horizon magnifique, un précipice, avec cascade… Cet homme est sinistre avec ses idées riantes… Donc ils repartent pour l’île Bourbon, à l’effet d’y trouver la cascade propice. Aussi bien une traversée est, paraît-il, en pareil cas, la meilleure des préparations. Arrivés là-bas ils mettent à exécution leur projet, et Ralph, au dernier moment, ne refuse pas à sa bien-aimée d’utiles conseils. Qu’elle ne saute pas de ce côté ! C’est mauvais. « Mais en ayant soin de vous jeter dans cette ligne blanche que décrit la chute d’eau, vous arriverez dans le lac avec elle et la cascade elle-même prendra soin de vous y plonger. » Cela donne envie.

Ce suicide fut tenu, à l’époque, pour infiniment poétique ; et nul ne refusa de s’apitoyer sur l’infortune d’Indiana . Il est curieux de relire, à distance et de sang-froid, ces livres qui reflètent si exactement la sensibilité d’un temps, et de constater comme le point de vue a changé, comme les êtres et les choses nous y apparaissent au rebours de ce que l’auteur et les contemporains se sont imaginé.

Car il n’y a vraiment dans tout cela qu’un personnage intéressant : c’est M. Delmare. En tout cas, il est le seul dont Indiana n’ait pas eu à se plaindre. Il l’aime, il n’aime qu’elle, et vous êtes témoins que la réciproque n’est pas vraie. Il est d’une longanimité, d’une patience que peu de maris imiteraient, et il laisse à sa femme une liberté extraordinaire. Tantôt on trouve un jeune homme dans la chambre d’Indiana ; tantôt c’est elle qu’on trouve dans la chambre d’un jeune homme. M. Delmare reçoit amicalement Raymon, et tolère au foyer la présence du sempiternel Ralph. Un mari qui permet à sa femme un ami et un cousin, que peut-on lui demander de plus ? À vrai dire, Indiana prétend que M. Delmare l’a frappée et qu’il lui a, de son talon, meurtri le front. Mais elle exagère. Nous savons très bien comment la scène s’est passée. Nous étions là. C’était au Plessis-Picard ; Indiana-Aurore a reçu de Delmare-Dudevant un soufflet. C’est trop. C’est beaucoup trop. Mais enfin le sang n’a pas coulé. — Que valent les autres ? Raymon est un affreux petit gredin qui a commencé par être l’amant de la femme de chambre d’Indiana, qui continue en courtisant la maîtresse de la pauvre Noun et qui finit par l’abandonner pour se marier richement. Ralph précipite Indiana au fond d’un ravin : qu’est-ce qu’on peut faire de pis à la femme qu’on aime ? — Reste Indiana. De bonne foi George Sand a cru qu’elle la parait de toutes les séductions. Le fait est qu’elle l’a rendue séduisante pour les lecteurs d’alors, puisque de ce modèle procède l’un des types préférés de la littérature pendant vingt ans : celui de la femme incomprise.

La femme incomprise… elle est pâle, elle est frêle, elle est sujette à s’évanouir. À la page 99, j’ai compté le troisième évanouissement d’Indiana : je n’ai pas compté plus loin. Ne croyez pas que ce soit l’effet d’une mauvaise santé ! Mais c’est la mode. Le temps est revenu des vapeurs et des airs penchés. Celles dont les grand’mères marchaient si droit à l’échafaud, celles dont les mères frémissaient si hardiment au bruit du canon de l’Empire, maintenant affaissées, éplorées, ressemblent à de plaintives élégies. Affaire de snobisme ! La femme incomprise se prétend malheureuse en ménage ; mais une autre union ne l’aurait pas mieux satisfaite. Ce qu’Indiana reproche à M. Delmare, ce n’est pas d’être le mari qu’il est, mais c’est d’être le mari. « Elle n’aima pas son mari, par la seule raison peut-être qu’on lui faisait un devoir de l’aimer, et que résister mentalement à toute espèce de contrainte morale était devenu chez elle une seconde nature, un principe de conduite, une loi de conscience. » Son parti était pris d’avance, et il n’y avait rien à faire. Elle affecte d’ailleurs une douceur irritante, une soumission exaspérante. Quand elle prend ses airs supérieurs et résignés, c’est à faire sortir un ange de ses gonds ! Au surplus, de quoi se plaint-elle et pourquoi ne s’accommode-t-elle pas de conditions d’existence dont tant d’autres s’arrangeraient ? Mais allez-vous la comparer aux autres ? Elle s’en distingue au contraire. Elle est éminemment une femme distinguée. Elle demande, sans sourciller : « Savez-vous ce que c’est que d’aimer une femme comme moi ? » Apparemment, dans ses longs silences et ses mélancolies obstinées, elle rêve de cet amour qui peut seul convenir à une femme comme elle. C’est une princesse en exil ; et les temps sont durs pour les princesses : c’est pourquoi celle-ci s’enferme en des tristesses nostalgiques… Voilà ce que les gens s’obstinent à ne pas comprendre. Faute de s’élever à ces sublimités ou de se perdre dans ces brouillards, ils jugent sur les faits. Et venant à rencontrer une jeune femme encline à préférer à un mari grisonnant un beau brun, ils en concluent : « En vérité, est-ce que cela ne s’était pas encore vu ? Fallait-il faire tant d’affaires pour une petite peste qui grille de se mal conduire ?… »

Il serait d’ailleurs bien injuste de méconnaître, et je n’en ai nulle envie, qu’Indiana est un roman des plus remarquables. Voyez plutôt le relief de ces caractères, M. Delmare, Raymon, Ralph, Indiana ! Et demandez aux maris qui ont pris femme dans la lignée de femmes incomprises sortie de la vogue d’Indiana !


Valentine est encore l’histoire d’une femme mal mariée.

Cette fois le principal rôle sera donné, non pas à la femme, mais à l’amant, — et nous y verrons se dessiner, au lieu du type de la femme incomprise, celui de l’amoureux tel que l’a créé le romantisme et qui est l’amoureux frénétique. Louise-Valentine de Raimbault est à la veille d’épouser Norbert-Evariste de Lansac, lorsque cette jeune personne, qui a fort l’habitude de courir les champs et les fêtes de village, s’éprend du neveu de son fermier : Bénédict. Ce Bénédict est un paysan qui a des lettres. J’imagine que sa mentalité doit être à peu près celle d’un instituteur primaire. Valentine n y résiste pas. Car on a soin de nous dire que Bénédict n’est pas un très beau gars. C’est son âme que Valentine aime en lui. Bénédict sait très bien qu’il ne peut épouser Valentine, mais il peut lui faire beaucoup d’ennuis, par lesquels il lui prouvera sa passion. La nuit de ses noces, il est dans la chambre nuptiale, d’où l’auteur a eu soin d’éloigner le mari ; il veille sur le sommeil de celle qu’il aime, et lui laisse une épître où il lui déclare qu’ayant hésité pour savoir s’il tuerait son mari, elle, ou lui-même, ou tous les trois, ou deux au choix, et tour à tour adopté chacune de ces combinaisons, il s’est résolu à ne tuer que lui seul. On le retrouve en effet, la tête fracassée, dans un fossé. Mais ne vous hâtez pas de vous réjouir ! Bénédict a encore beaucoup de mal à faire : il n’est pas mort. Nous le retrouverons plusieurs fois encore, toujours caché derrière les tentures d’où il entend tout ce qu’on dit, voit tout ce qu’on fait, et sort au bon moment, ses pistolets en mains. Le mari, pendant ce temps-là, est au loin. On ne s’occupe pas de lui. C’est un mauvais mari ; c’est un mari : Bénédict n’a rien à craindre de lui… Mais il arrive qu’un paysan, à qui la figure de Bénédict ne revient pas, lui envoie un coup de fourche et met un terme à cette précieuse existence.

Vous vous demandez de quel droit Bénédict est venu troubler la destinée paisible de Valentine. Mais du droit de sa passion ! Il a cinq cents livres de rentes : ce n’est pas avec cela qu’on fait vivre un ménage. Qu’offre-t-il à celle dont il détruit l’intérieur et ruine la situation ? Il s’offre lui-même. N’est-ce pas assez ? Au surplus, raisonne-t-on avec les individus de ce tempérament ? Regardez-le. Voyez sa pâleur maladive et l’éclat inquiétant de ses yeux. Écoutez le son de sa voix et l’exaltation de ses discours. Il passe de la déclamation forcenée à la froide ironie et au sarcasme. L’idée de la mort revient sans cesse dans ses propos. Quand c’est sur lui qu’il tire, il se manque. Mais rappelez-vous ce qu’il a fait l’an dernier lorsqu’il s’appelait Antony. Adèle d’Hervey lui résistait : il l’a assassinée. — C’est un fou dangereux.

La femme incomprise, l’amoureux frénétique, voilà deux personnages nouveaux qui s’emparent du roman. Est-ce qu’on ne pourrait pas les marier ensemble, histoire de s’en débarrasser ?

Notez encore que, dans Valentine, si le roman de passion est à coup sûr contestable, il y a en outre un roman champêtre qui est de premier ordre. Le cadre est délicieux. George Sand a placé la scène dans cette Vallée noire qu’elle connaît si bien, qu’elle a tant aimée ! C’est le premier en date des romans où elle célèbre son pays natal. Promenades à travers les traînes, rêveries nocturnes, noces villageoises, toute cette poésie et tout ce pittoresque de la campagne transforment et embellissent le récit.


Et Jacques est l’histoire d’un homme mal marié — ce qui revient, par une réciprocité inévitable, à être l’histoire d’une femme mal mariée.

Jacques épouse, à trente-cinq ans passés, et après une existence orageuse où les années ont compté double, une femme beaucoup plus jeune que lui, Fernande. Après quelques mois d’intimité heureuse, il voit poindre les premiers nuages. Il appelle à lui, pour partager leur vie d’intérieur, une sœur qu’il a, Silvia, et qui est comme lui un être d’exception, orgueilleuse, hautaine, sauvage. Vous pensez si la présence de cette pythonisse va rendre à la vie quotidienne la bonne confiance perdue. Un petit amoureux qui rôde par là, Octave, venu d’abord pour Silvia, ne tarde pas à se sentir beaucoup plus près de Fernande, qui n’est pas une romanesque, une ironique, une sarcastique : il songe qu’on serait très heureux avec cette douce personne. Jacques découvre que Fernande et Octave s’aiment. Que va-t-il faire ? Écarter son rival ? Ou le tuer ? Ou pardonner ? Mais ce sont les voies ordinaires, et Jacques ne peut se résigner à rien qui soit ordinaire. Donc, il s’enquiert auprès de l’amant de sa femme s’il l’aime vraiment, s’il est un amant convaincu, d’un attachement durable et offrant des garanties. Puis, content de cet examen, il laisse Fernande à Octave. Pour lui, il disparaît : il se tue, mais en ayant soin qu’on ne puisse croire à un suicide, afin de ne pas attrister la félicité d’Octave et de Fernande. Il n’a pas pu garder l’amour de sa femme : il ne veut pas être le geôlier de cette femme qui ne l’aime plus. Fernande a droit au bonheur. Ce bonheur qu’il n’a pas su lui donner, il faut qu’un autre le lui assure. C’est le suicide par devoir : il y a des cas où un mari doit savoir se supprimer…

Jacques est un « stoïcien ». George Sand admire fort ces sortes de caractères, dont Ralph était une première esquisse. Jacques nous est présenté comme un être sublime.

Vous dirai-je que je le tiens pour un simple serin, et, comme on dit, je crois, dans les drames de Wagner, pour un « pur niais » ?

Il a tout fait pour gâter son propre ménage. Cette jeune femme était confiante et gaie et naïve. Avec ses croisements de bras sur la poitrine et ses airs absorbés, méditatifs et sombres, il lui a fait peur. Un jour que, chagrine de lui avoir déplu, elle s’était jetée à ses genoux, sanglotant, au lieu de la relever tendrement, il s’est dégagé de ces caresses de femme, en s’écriant d’un ton furieux : « Levez-vous ! Et ne vous mettez jamais ainsi devant moi ! » Et il a installé entre eux « la femme de bronze » ! Et il a invité Octave à vivre avec eux ! Après quoi, quand il a ainsi gâché la tendresse d’une femme qui ne demandait qu’à l’aimer, il s’en va, il lâche la partie ! Allons donc ! c’est trop commode… Vous savez ce mot d’une héroïne de Meilhac à un homme qui jurait de se jeter à l’eau pour elle. « Vous, parbleu, vous seriez bien tranquille ! Vous seriez au fond de l’eau ! Mais, moi… » Jacques est bien tranquille, il est dans son précipice ; Fernande reste dans la vie, où l’on n’est pas tranquille du tout. Ce mari ne s’élève pas à cette conception pourtant toute simple : c’est que, quand on a fait d’une femme sa compagne, on ne l’abandonne pas en route.

Mais plutôt que de s’en prendre à lui, Jacques aime mieux incriminer l’institution du mariage. Car ici la critique de l’institution elle-même est bien nette. Ce qui n’était encore qu’aspiration plus ou moins confuse dans les romans précédents, se précise et se formule en théorie. Jacques est d’avis que le mariage est une institution barbare. « Je n’ai pas changé d’avis, je ne me suis pas réconcilié avec la société, et le mariage est toujours, selon moi, une des plus barbares institutions qu’elle ait ébauchées. Je ne doute pas qu’il ne soit aboli, si l’espèce humaine fait quelque progrès vers la justice et la raison ; un lien plus humain et non moins sacré remplacera celui-là, et saura assurer l’existence des enfants qui naîtront d’un homme et d’une femme, sans enchaîner à jamais la liberté de l’un et de l’autre. Mais les hommes sont trop grossiers, et les femmes trop lâches, pour demander une loi plus noble que la loi de fer qui les régit : à des êtres sans conscience et sans vertu, il faut de lourdes chaînes. »

Si vous voulez savoir par quoi on remplacera le mariage aboli, écoutez le rêve que fait Silvia, et le projet qu’elle expose à son frère. « Nous adopterons, si tu veux, quelque orphelin ; nous nous imaginerons que c’est notre enfant, et nous l’élèverons dans nos principes. Nous en élèverons deux de sexe différent, et nous les marierons un jour ensemble à la face de Dieu, sans autre temple que le désert, sans autre prêtre que l’amour. Nous aurons formé leurs âmes à la vérité et à la justice, et il y aura peut-être alors, grâce à nous, un couple heureux et pur sur la face de la terre. » Donc suppression du mariage, et, dans un avenir plus ou moins éloigné, son remplacement par l’union libre — voilà !

Ce qui est intéressant, c’est de rechercher par quelle série de déductions procède George Sand et de quels principes elle part. Vous verrez que, les principes une fois admis, la conclusion qu’elle en tire est parfaitement logique.

Quelle est l’objection essentielle qu’elle adresse au mariage ? C’est que le mariage enchaîne la liberté de deux êtres. « La société va vous dicter une formule de serment. Vous allez jurer de m’être fidèle et de m’être soumise, c’est-à-dire de n’aimer jamais que moi et de m’obéir en tout. L’un de ces serments est une absurdité, l’autre une bassesse. Vous ne pouvez pas répondre de votre cœur, même quand je serais le plus grand et le plus parfait des hommes. » Vienne en effet l’amour pour un autre homme. On avait considéré jusqu’ici que cet amour était une faiblesse, et qu’il pouvait devenir une faute. Mais quoi ! Ne sait-on pas que la passion est chose fatale et irrésistible ? « Nulle créature humaine ne peut commander à l’amour et nul n’est coupable pour le ressentir et pour le perdre. Ce qui avilit la femme, c’est le mensonge… » Et encore : « Ils ne sont pas coupables, ils s’aiment. Il n’y a pas de crime là où il y a de l’amour sincère. » L’union de l’homme et de la femme, d’après cette théorie, ne repose que sur l’amour ; l’amour disparaissant, l’union ne saurait subsister. Le mariage est d’institution humaine ; mais la passion est d’essence divine. Dans le conflit, c’est le mariage qui a tort.

Le mariage ayant pour but unique l’attrait, celui du sentiment ou celui des sens, pour seul objet l’échange de deux fantaisies, et le serment de fidélité étant une sottise ou une bassesse, imagine-t-on un plus complet renversement du bon sens, une pire méconnaissance de ce qu’il y a de noble et de grand dans cet effort que fait l’homme pour lutter contre toutes les chances de destruction qui l’entourent et pour affirmer en face de tout ce qui change sa volonté de durer ? Vous connaissez la plainte désolée de Diderot : « Le premier serment que se sont fait deux êtres de chair, c’est au pied d’un rocher qui tombait en poussière. Ils ont attesté de leur constance un ciel qui n’est pas un instant le même. Tout changeait en eux et autour d’eux, et ils croyaient leur cœur affranchi de vicissitudes. Ô enfants ! Toujours enfants ! » Non pas enfants, mais hommes bien plutôt ! Ces vicissitudes de nos cœurs, nous les connaissons. Et c’est parce que notre fragilité nous inquiète que nous appelons à notre aide la protection de lois, auxquelles la soumission n’est pas un esclavage, puisque c’est une soumission volontaire. La nature ignore ces lois, car c’est par elles que nous nous distinguons de la nature et que nous nous élevons au-dessus d’elle. Le rocher que nous foulons sous nos pieds tombe en poussière, et le ciel au-dessus de nos têtes n’est pas un instant le même ; mais il y a, au fond de nos cœurs, la loi morale — et elle ne change pas !

Au surplus, pour répondre à ces paradoxes, à qui demanderons-nous des arguments ? À George Sand elle-même, et à elle seule. Quelques années plus tard, en effet, en relations alors avec Lamennais, elle écrivit pour le Monde les fameuses Lettres à Marcie. Elle s’y adresse à une correspondante imaginaire, à une femme qu’elle suppose atteinte de cette inquiétude et de cette impatience qu’elle a elle-même connues. « Vous êtes triste, vous souffrez, l’ennui vous dévore. » Écoutons quelques-uns des conseils qu’elle lui donne. Elle ne croit plus qu’il appartienne à la dignité humaine de conserver la liberté de changer. « Ce que l’homme rêve, ce qui seul le grandit, c’est la permanence dans l’état moral… Tout ce qui tend à fixer les désirs, à raffermir les volontés et les affections humaines, tend à ramener sur la terre le règne de Dieu, qui ne signifie autre chose que l’amour et la pratique de la vérité. » Voici à l’adresse des vaines rêveries : « Aurions-nous le loisir de songer à l’impossible, si nous faisions seulement le nécessaire ? Serions-nous désespérés, si nous rendions l’espérance à ceux qui n’ont pas d’autre ressource ? » Et voici à rencontre des revendications féministes : « Les femmes crient à l’esclavage : qu’elles attendent que l’homme soit libre !… En attendant, faudra-t-il compromettre l’avenir par l’impatience du présent ?… Il est à craindre que les vaines tentatives de ce genre et les prétentions mal fondées ne fassent beaucoup de tort à ce qu’on appelle aujourd’hui la cause des femmes. Les femmes ont des droits, n’en doutons pas, car elles subissent des injustices. Elles doivent prétendre à un meilleur avenir, à une sage indépendance, à une plus grande participation aux lumières, à plus de respect, d’estime et d’intérêt de la part des hommes. Mais cet avenir est entre leurs mains. » C’est la sagesse même. On ne saurait mieux dire — et mieux avertir les femmes que le plus grand danger pour leur cause, ce serait le triomphe de ce qu’on appelle d’un terme ironique : le féminisme.

Seulement ces rétractations ont toujours peu d’effet. Il est piquant de mettre un auteur en contradiction avec lui-même et de le montrer en train de réfuter ses propres paradoxes. Mais ce sont les paradoxes qui ont porté et dont on se souvient. Ce que j’ai voulu vous montrer, c’est, dans ces premiers romans de George Sand, à peu près tout le programme des féministes d’aujourd’hui. Droit au bonheur, nécessité de réformer le mariage, avènement dans un avenir plus ou moins éloigné de l’union libre — tout y est. Nos féministes d’aujourd’hui, nos romancières françaises, anglaises, norvégiennes, les théoriciennes à la manière d’Ellen Key dans son livre De l’Amour et du mariage, toutes ces rebelles n’ont rien inventé. Elles n’ont fait que reprendre et exposer — à vrai dire avec moins de lyrisme, mais aussi avec plus de cynisme — les théories de la grande féministe de 1832.

George Sand s’est défendue maintes fois d’avoir voulu attaquer les institutions dans ses romans féministes. Elle a eu bien tort, puisque c’est cela qui donne à ces romans leur valeur et leur signification. C’est ce qui les replace à leur date et qui explique l’énorme puissance d’expansion qu’ils ont eue. On était au lendemain de la révolution de Juillet, et il faut sûrement en voir ici le contre-coup. On avait renversé un trône ; on se donnait le passe-temps de piller des églises et de saccager un archevêché : la littérature, elle aussi, s’offrait le divertissement d’une insurrection. Depuis longtemps elle nourrissait un ferment révolutionnaire, celui que le romantisme avait déposé en elle. Le romantisme avait réclamé l’affranchissement de l’individu. Et les romantiques c’était Chateaubriand, c’était Hugo, c’était Dumas. Donc ils réclamaient pour René, pour Hernani, pour Antony, qui sont des hommes. L’exemple était donné : la femme allait en profiter. C’est la femme maintenant qui fait sa Révolution.

Sous toutes ces influences, dans cette atmosphère très spéciale, la mésaventure matrimoniale de la baronne Dudevant acquiert, aux yeux de celle-ci, une importance considérable, s’exalte et se magnifie : elle prend une valeur sociale. Partant de cette mésaventure personnelle, elle est amenée à mettre dans chacune de ses héroïnes un peu d’elle-même : cela explique le ton passionné du récit. Et cette passion ne peut manquer d’être contagieuse pour les lectrices qui, dans la cause de la romancière reconnaissent leur cause, la cause de toutes les femmes.

Telle est en effet la nouveauté dans la façon dont George Sand présente les revendications féministes. Elle ne les a pas inventées, ces revendications : elles étaient déjà dans les livres de Mme de Staël, et je ne l’oublie pas. Mais Delphine, mais Corinne étaient des femmes de génie, et présentées comme telles. Pour être plainte par M""* de Staël, il faut être une femme de génie. Pour être défendue par George Sand, il suffit de ne pas aimer son mari. C’est beaucoup plus répandu.

George Sand a mis le féminisme à la portée de toutes les femmes. Cela même fait le caractère de ces romans, dont l’éloquence est d’ailleurs indiscutable. Ce sont les romans de vulgarisation de la théorie féministe.



IV

LE COUP DE FOLIE ROMANTIQUE


L’AVENTURE DE VENISE


George Sand n'avait pas eu à attendre le succès. Son premier livre l'avait rendue célèbre ; le second la fit riche, ou tout comme : elle nous apprend qu'elle l’a vendu quatre mille francs ! Il lui sembla que c’était tout l’or du monde. Elle n’hésita pas à échanger la mansarde du quai Saint-Michel pour l’appartement plus confortable du quai Malaquais, que lui céda Delatouche.

Il y avait alors à Paris un personnage qui commençait d'exercer sur le monde des auteurs une sorte de royauté tyrannique. François Buloz venait de profiter de l'effervescence intellectuelle de 1831 pour créer la Revue des Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/134 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/135 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/136 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/137 Voilà donc les conditions où se trouve George Sand. Sa position est extérieurement calme, indépendante, avantageuse. Mais sa vie intérieure est de nouveau désolée. Elle se dit profondément découragée. Elle a vécu des siècles ; elle a subi un enfer ; son cœur a vieilli de vingt ans, et rien ne lui sourit plus. D’autre part la vie publique achève de l’attrister. L’horizon s’est assombri. On n’en est plus aux espoirs infinis et à l’enthousiasme de 1831. « La République rêvée en juillet aboutissait aux massacres de Varsovie et à l’holocauste du cloître Saint-Merry. Le choléra venait de décimer le monde. Le saint-simonisme… avortait sans avoir tranché la grande question de l’amour »[4]. C’était la dépression succédant à l’exaltation, phénomène bien connu au lendemain des convulsions politiques et qu’on pourrait appeler la perpétuelle banqueroute des promesses révolutionnaires.

C’est sous ces influences que George Sand


FACSIMILÉ D’UNE LETTRE AUTOGRAPHE DE GEORGE SAND,
FACSIMILÉ D’UNE LETTRE AUTOGRAPHE DE GEORGE SAND,



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Photo Braun et Cie FRÉDÉRIC-FRANÇOIS CHOPIN Tableau de Delaroche (Musée du Louvre.)
Photo Braun et Cie
FRÉDÉRIC-FRANÇOIS CHOPIN
Tableau de Delaroche (Musée du Louvre.)





VI

UN CAS DE MATERNITÉ AMOUREUSE


CHOPIN


Nous avons passé rapidement sur les relations de George Sand avec Liszt et Mme d’Agoult. Un roman de Balzac nous fournit l’occasion d’y revenir en quelques mots.

Balzac avait été mis en rapports avec George Sand par Jules Sandeau. Lors de la rupture avec celui-ci, il avait pris le parti de son ami et nous le voyons, dans les Lettres à l’Étrangère, déverser contre la femme bas bleu, si cruelle en amour, une mauvaise humeur qui ne s’exprime pas toujours dans des termes de la dernière élégance. Peu à peu, et mieux averti de l’aventure, il revint de son premier courroux. Le 2 mars 1838, il fait à Mme Zulma Carraud le récit d’un séjour à Nohant. Il avait trouvé la camarade George Sand dans sa robe de chambre fumant un cigare après le dîner au coin de son feu. « Elle avait de jolies pantoufles jaunes ornées d’effilés, des bas coquets et un pantalon rouge. Voilà pour le moral. Au physique, elle avait doublé son menton comme un chanoine. Elle n’a pas un seul cheveu blanc malgré ses effroyables malheurs ; son teint bistré n’a pas varié ; ses beaux yeux sont tout aussi éclatants ; elle a l’air tout aussi bête quand elle pense… » C’est la George Sand de la trente-cinquième année, celle que nous allons voir engagée dans l’aventure nouvelle que nous avons à conter.

Balzac continue en nous donnant quelques détails sur le genre de vie de la romancière : c’est à peu près le même que le sien, à cette différence près que Balzac se couche à six heures du soir et se lève à minuit, et que George Sand se couche à six heures du matin et se lève à midi. Il ajoute ce trait sur l’état de sa sensibilité : « La voilà dans une Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/223 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/224 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/225 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/226 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/227 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/228 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/229 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/230 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/231 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/232 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/233 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/234 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/235 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/236 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/237 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/238 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/239 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/240 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/241 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/242 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/243 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/244 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/245 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/246 discerner et d’en éliminer les éléments qui en altèrent l’intégrité. Rousseau appelait Mme de Warens : maman. C’est un homme qui a toujours manqué de goût prodigieusement. George Sand a transporté souvent dans ses romans cette conception de l’amour que nous venons de la voir mettre en pratique. Il nous est bien impossible de n’y pas trouver, en dernière analyse, quelque chose de trouble et de confus qui nous choque.

Il reste à chercher quelle a été sur l’œuvre de George Sand l’influence de cette intimité avec quelques-uns des plus grands artistes de son temps : À Liszt et à Chopin il faut ajouter Delacroix, Mme Dorval, Pauline Viardot, Nourrit, Lablache. Elle a connu par eux le milieu artistique. Plusieurs de ses romans seront des romans de la vie des artistes. Les Maîtres Mosaïstes mettaient en scène la rivalité de deux ateliers. La dernière Aldini, est l’histoire d’un beau gondolier devenu ténor et qui, pour ces deux raisons, tourne la tête des patriciennes. La première partie de Consuelo nous transporte dans les écoles de chant et dans les théâtres de Venise au xviiie siècle, et nous présente des types observés sur le vif, et si finement dessinés ! le comte Zustiniani, le dilettante, riche protecteur des arts, le vieux maître Porpora, pour qui son art est une sorte de sacerdoce, la Corilla, la prima donna dépitée de voir se lever une étoile nouvelle, Anzoleto, le ténor jaloux d’être moins applaudi que son amie, et enfin et surtout Consuelo, la bonne, la grande Consuelo, la cantatrice géniale.

Les théâtres de Venise m’ont l’air de ressembler beaucoup à ceux de Paris et autres lieux. Voyez plutôt ce croquis de la vanité du comédien. « Un homme peut-il être jaloux des avantages d’une femme ? Un amant peut-il haïr le succès de son amante ? Tu sauras qu’un homme peut être jaloux des avantages d’une femme, quand cet homme est un artiste vaniteux et qu’un amant peut haïr les succès de son amante, quand le théâtre est le milieu où ils vivent. C’est qu’un comédien n’est pas un homme, Consuelo ; c’est une femme. Il ne vit Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/249 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/250 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/251 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/252 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/253


PIERRE LEROUX
PIERRE LEROUX





VII

LE RÊVE HUMANITAIRE


PIERRE LEROUX. — LES ROMANS SOCIALISTES


Nous avons vu jusqu’ici George Sand mettre dans son œuvré ses souffrances et ses révoltes de femme, ou ses rêves d’artiste. Mais l’écrivain du XIXe siècle ne borne pas ses ambitions à cette tâche modeste. Il appartient à une corporation qui a compté parmi ses membres Voltaire et Rousseau. Les philosoplies du XVIIIe siècle ont déplacé l’objet de la littérature. D’un instrument d’analyse ils ont fait une arme de combat, incomparable pour attaquer les institutions et renverser les gouvernements’. Le fait est que, depuis l’époque de la Restauration, nous ne verrons presque pas un écrivain, du philosophe au vaudevilliste et du professeur au chansonnier, qui ne tienne à remplir sur le chemin de l’humanité sa fonction de flambeau. Les poètes feront des Révolutions, pour donner un démenti à Platon qui les chassait de sa République. Et comme Sophocle, à Athènes, pour avoir fait une bonne tragédie, fut nommé général, les romanciers, les dramaturges, les critiques et les faiseurs de calembours se consacreront à la confection des lois.

George Sand est trop de son temps pour se tenir en dehors d’un tel mouvement. Nous avons maintenant à l’envisager dans son rôle social.

Aussi bien, ne pouvons-nous douter de quel côté l’entraîneront ses sympathies. Elle a été en lutte avec les institutions : elle ne doute pas que les institutions n’eussent tort. Elle constate qu’il y a beaucoup de souffrances de par le monde : puisque la nature humaine est foncièrement bonne, c’est donc que la société est mauvaise. Elle est romancière : elle considère que les solutions les plus satisfaisantes sont celles où il entre le plus d’imagination et de Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/259 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/260 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/261 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/262 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/263 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/264 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/265 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/266 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/267 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/268 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/269 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/270 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/271 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/272 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/273 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/274 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/275 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/276 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/277 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/278 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/279 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/280 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/281 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/282 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/283 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/284 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/285 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/286 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/287 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/288 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/289 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/290 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/291 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/292 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/293



VIII

EN 1848


GEORGE SAND AU GOUVERNEMENT PROVISOIRE
LES ROMANS CHAMPÊTRES


Dans la même année 1846 où paraissait ce Péché de M. Antoine, si ennuyeux ! — un péché n’est pas toujours et forcément amusant — George Sand avait publié la Mare au Diable. On a coutume d’opposer aux romans socialistes les romans champêtres : ceux-ci l’emporteraient sur ceux-là pour cette raison qu’ils procèdent d’une conception d’art désintéressée, et que l’auteur, renonçant à sa manie de prédication, s’est contentée de peindre des gens qu’elle connaissait et des choses qu’elle aimait, sans autre souci que de les bien peindre. Je crois qu’on se trompe. Chez George Sand la manière champêtre ne se distingue pas essentiellement de la manière socialiste. La différence n’est que dans le succès de l’exécution ; mais les idées et les intentions y sont les mêmes. George Sand y continue la même propagande ; elle y prolonge son rêve humanitaire — son rêve de dormeuse éveillée.

La preuve en est dans cet avertissement de « l’auteur au lecteur », par où débute la Mare au Diable, si déconcertant pour qui ne replacerait pas ces pages dans l’atmosphère intellectuelle où elles ont été écrites !

On s’est demandé pourquoi et par quel caprice d’imagination, George Sand, en tête d’un récit de robuste et saine vie aux champs, a évoqué cette vision de la danse macabre d’Holbein : une fin de journée, un attelage maigre, exténué, un vieux paysan, et, dans le sillon, gambadant près de l’attelage, la Mort, seul être allègre et ingambe dans cette scène de « sueur et usaige ». Mais elle l’a elle-même nettement indiqué. Elle voulait opposer au vieil idéal que traduit la danse macabre, l’idéal des temps nouveaux. « Nous n’avons plus Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/297 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/298 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/299 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/300 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/301 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/302 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/303 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/304 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/305 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/306 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/307 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/308 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/309 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/310 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/311 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/312 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/313 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/314 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/315 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/316 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/317 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/318 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/319 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/320 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/321 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/322 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/323 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/324 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/325 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/326 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/327 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/328 l’intelligence nostalgique. Peut-être même cette poésie ne se révèle-t-elle clairement à aucune conscience individuelle, ni à ce laboureur qui trace son sillon dans la paix matinale, ni à ce berger qui passe des semaines seul dans la montagne en face des étoiles ; mais elle réside dans la conscience de la race. Les générations qui se succèdent la portent en elles, et elles ne la laissent pas inexprimée. Car c’est elle qui se traduit dans les usages, dans les croyances, dans les légendes, dans les chansons. Le Champi, quand il revient au pays, retrouve la campagne toute murmurante d’un gazouillis d’oiseaux qu’il reconnaît bien. « Et cela le fait ressouvenir d’une chanson très ancienne que lui disait sa mère Zabelle pour l’endormir, dans le parlage du vieux temps de notre pays. » Cette chanson très ancienne, les romans champêtres de George Sand nous la redisent. Ils viennent du lointain de notre tradition. Ils en sont comme un suprême épanouissement.

C’est cela qui les caractérise et qui leur assigne leur place dans la suite de notre littérature. Ne les comparons ni aux âpres études de Balzac, ni aux fades compositions de l’insipide bucolique, ni même au chef-d’œuvre de Bernardin de Saint-Pierre où il y a trop de cocotiers et où ne s’aperçoit pas assez la figure de notre campagne française. Cette campagne et les humbles qui l’habitent, bien peu ont su la voir, et l’ont assez aimée pour nous en dire le charme intime. C’est le bonhomme La Fontaine dans quelques-unes de ses fables, c’est Perrault dans ses contes. George Sand a sa place dans cette lignée parmi les Homères français.





GEORGE SAND VERS LA FIN DE SA VIE par Nadar (Collection de M. Rocheblave.)
GEORGE SAND VERS LA FIN DE SA VIE
par Nadar
(Collection de M. Rocheblave.)





IX

LA BONNE DAME DE NOHANT


LE THÉÂTRE — ALEXANDRE DUMAS FILS -LA VIE À NOHANT


Les romanciers ont coutume de parler du théâtre avec quelque dédain, comme d’un genre où il y a trop de conventions, où l’on est l’esclave de trop de servitudes quasiment matérielles, où l’on est obligé de tenir trop de compte du goût de la foule, tandis que le livre s’adresse au lettré qui le savoure au coin du feu, à la mondaine qui rêve entre ses feuillets… À peine un de leurs romans a-t-il obtenu un succès un peu plus retentissant que ses aînés, ils s’empressent de le découper en tranches, suivant les conventions de l’endroit, afin qu’il dépasse le petit cercle des lettrés et Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/334 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/335 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/336 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/337 Page:Doumic - George Sand Dix Conferences sur sa vie et son oeuvre 1922.djvu/338 Page:Doumic - 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Quel plus complet éloge en pourrait-on faire ? Et comment ne pas mêler à notre admiration une nuance de gratitude et de tendresse pour celle qui fut la bonne fée du roman contemporain ?


Janvier-mars 1909.




TABLE DES MATIÈRES


 
Pages.
 357



E. GREVIN — imprimerie DE LAGNY
  1. Wladimir Karénine, George Sand. Sa vie et ses œuvres, 2 vol. in-8o (Ollendorff).
  2. On trouvera un exemple de cette humeur sermonneuse dans cette curieuse lettre inédite adressée par George Sand à son voisin et ami Adolphe Duplomb, et que M. Charles Duplomb a bien voulu nous communiquer,

    « Nohant, 23 juillet 1850.

    Vous avez donc bien peur de moi, mon pauvre Hydrogène ? Vous vous attendez à une belle semonce et vous ne comptiez pas sans votre hôte. Mais patience ! Avant de vous laver la tête comme vous le méritez, je veux vous dire que je se vous oublie pas et que j’ai été très fâchée, en revenant de Paris, de trouver mon grand nigaud de fils parti. J’étais habituée à votre face de carême et la vérité est qu’elle me manque beaucoup. Ce n’est pas que vous n’ayez beaucoup de défauts, mais, après tout, vous êtes bon enfant et, avec le temps, vous deviendrez raisonnable. Pensez quelquefois, mon cher Plombeus, que vous avez des amis. Quand ce ne serait que moi, c’est beaucoup, parce que je suis solide au poste de l’amitié, quoique je n’aie pas l’air tendre. Je ne suis pas très polie non plus ; je dis durement la vérité : c’est mon caractère. Mais je tiens bon et l’on peut compter sur moi. Rappelez-vous de ce que je vous dis là (sic), parce que je ne vous le dirai pas souvent. Rappelez-vous aussi que le bonheur dans ce monde consiste dans l’intérêt et dans l’estime qu’on inspire, et je ne le dis pas à tout le monde, c’est impossible, mais da moins à un certain nombre d’amis. On ne peut trouver son bonheur en soi-même entièrement, à moins d’être égoïste, et je ne pense pas assez mal de vous pour vous soupçonner de l’être. L’homme qui n’est aimé de personne, est misérable, celui qui a des amis craint de leur faire de la peine en se conduisant mal. C’est donc pour vous dire, comme dit Polyte, que vous devez travailler à prendre une conduite rangée, si vous voulez me prouver que vous n’êtes point ingrat à l’intérêt que je vous porte. Vous devriez vous défaire de ce mauvais genre de vanterie que vous avez pris avec des écervelés comme vous. Faites ce que votre fortune et votre santé vous permettent, sans compromettre l’honneur ou la réputation d’autrui. Je ne vois pas qu’un garçon soit obligé à la continence comme une religieuse. Mais taisez-vous sur vos bonnes ou mauvaises fortunes. Ces sots discours sont toujours répétés et le hasard les fait arriver aux oreilles des personnes de bon sens qui les blâment.

    Tâchez donc aussi de ne pas faire tant de projets, mais de vous en tenir à l’exécution de quelques-uns. Vous savez que c’est toujours ma querelle avec vous. Je voudrais vous voir plus de constance. Vous dites à Hippolyte que vous avez de la bonne volonté et du courage. Pour le courage physique, celui qui consiste à supporter les maladies et à ne pas craindre la mort, je ne vous refuse pas celui-là, mais du courage pour un travail soutenu, j’en doute bien, ou vous avez sérieusement changé. Tout ce qui est nouveau vous plaît, mais au bout d’un peu de temps vous ne voyez que les inconvénients de votre position. Vous n’en trouverez guère, mon pauvre enfant, qui ne soient semées de contrariétés et d’ennuis. Si vous n’apprenez à les supporter, vous ne serez jamais un homme.

    Ici finit mon sermon. Je pense que vous en avez assez, surtout n"ayant pas l’habitude de lire ma mauvaise écriture. Vous me ferez plaisir de m’écrire, mais ne vous en faites pas une affaire d’Etat, ne vous mettez pas à la torture pour me faire des phrases bien limées. Je n’y tiens pas du tout. On écrit toujours assez bien quand on écrit naturellement et qu’on exprime ce qu’on pense. Les belles pages d’écriture sont bonnes pour les maîtres d’école et je n’en fais pas le moindre cas. Promettez-moi de prendre un peu de raison et dépenser quelquefois à mes sermons. C’est tout ce que je vous demande. Soyez bien siir que si je n’avais pas d’amitié pour vous, je ne prendrais pas la peine de vous en faire. Je craindrais d’ailleurs de vous ennuyer, au lieu que je suis sûre qu’ils ne vous déplairont pas et que vous apprécierez le sentiment qui me les dicte.

    Adieu, mon cher Adolphe, écrivez-moi souvent et continuez à nous tenir au courant de vos affaires. Soignez votre santé et tâchez de continuer à vous bien porter : mais si vous vous sentez malade, revenez au pays. Nous aurons encore du lait et du sirop de gomme pour vous, et vous savez que je ne suis pas une mauvaise garde-malade. Tout le monde se rappelle de vous (sic) avec intérêt. Pour moi, je vous donne ma très sainte bénédiction.

    « Aurore D. »
  3. Correspondance : à sa mère, 22 février 1832.
  4. Histoire de ma vie.