Girault - Manuel de l'étranger à Dijon, 1824 - Essais, première partie

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ESSAIS

HISTORIQUES ET BIOGRAPHIQUES

SUR DIJON.


PREMIÈRE PARTIE.


Soyez le bien arrivé, Monsieur ; comme vous voyez, je viens vous recevoir sur l’extrême frontière du territoire de Dijon ; il me paroît que la route ne vous a point trop fatigué, la matinée est charmante, mettez pied à terre, laissez votre voiture entrer seule en ville, et pendant que votre domestique prendra soin de tout, nous ferons au dehors la promenade que je vous avois annoncée.

Cette montagne, coupée à pic, cette rivière qui serpente dans le bas, les cavités de ces rochers, les usines sur le cours d’eau, rendent le point où nous sommes, véritablement pittoresque ; aussi deux vues en ont-elles été gravées dans le voyage pittoresque de France, tom. 2.e

Ouche.La rivière que vous venez de côtoyer est celle de l’Ouche, qui prend sa source à Lusigny, passe à Beligny-sur-Ouche, coule du nord au sud jusqu’à Sainte-Marie, jadis Coïon, et depuis ce village, prend sa direction de l’ouest à l’est jusqu’à Dijon. Arrivée près de cette ville, l’Ouche dirige son cours du nord-ouest au sud-est, en ligne assez droite jusqu’à la Saône, où elle vient se perdre, non loin de Saint-Jean-de-Laône, après avoir parcouru une étendue d’environ 7 myriamètres[1]. Cette rivière donna son nom à l’un des anciens cantons de la Bourgogne, celui du Loscheret, Pagus oscarensis, situé entre la Saône et la Vouge, dont Laône étoit le chef-lieu, et Maldegaudus, le dernier comte, sur la fin du IX.e siècle.

Mont-Afrique.À droite est le Mont-Afrique, dont le sommet forme un plateau de trois kilomètres, dans lequel se reconnoissent encore les vestiges d’un retranchement de quinze cents pas de longueur, appelé le Camp de César, qui y posta deux légions, tant pour découvrir le pays que pour garder le défilé de Plombières. Les botanistes visitent souvent, pendant l’été, cette montagne sur laquelle on trouve quantité de plantes alpines décrites dans la Flore de Bourgogne, publiée, en 1782, in-8.o 2 vol., par M. Durande père[2], médecin très instruit, et botaniste savant. La carte jointe à cet ouvrage passe pour être le chef-d’œuvre du graveur Monnier[3], dont le burin est très estimé.

Talant.À gauche vous apercevez Talant, ancien château des ducs de Bourgogne, qui subsista jusqu’au XVII.e siècle ; le vicomte de Tavannes qui y commandoit pour le parti de la ligue, osa bien faire tirer le canon de cette citadelle sur le couvent des Chartreux, où Henri IV étoit allé souper quelques jours après la bataille de Fontaine-Française[4], et cette insolence décida du sort de cette place, dont la démolition fut de suite ordonnée et exécutée dans l’année 1607.

Talant étoit la patrie de Claude Mignaut, savant professeur en droit, doyen de cette faculté à l’université de Paris, dans le XVI.e siècle : Papillon rapporte les titres de 18 ouvrages qu’il publia, parmi lesquels on remarque les éditions qu’il a données de Pline, d’Horace et d’Ausone.

Fontaine.Un peu plus loin, et sur une autre élévation, est le village de Fontaine-les-Dijon, patrie de St. Bernard. Sur l’emplacement même du château de Tesselin-le-Roux, père de ce grand homme, (acquis de Joachim de Damas, en 1614), fut fondé un monastère de Feuillans, duquel Louis XIII se déclara le protecteur, et qui subsista jusqu’à la suppression des ordres monastiques.

Vous êtes en face de la principale porte du couvent des Chartreux, gravée dans le voyage pittoresque de France, ainsi qu’une vue de Dijon prise de ce point.

Champmol.Ce monastère fut fondé le 15 avril 1383 dans l’enclos de Champmol, par Philippe-le-Hardi ; les ducs et duchesses de Bourgogne se complurent à enrichir cette maison de tout ce qu’ils avoient de plus précieux, et l’affectèrent à leur sépulture. On voyoit dans leur église les superbes mausolées, en marbres noirs et blancs, de Philippe-le-Hardi, né à Pontoise le 15 janvier 1341, mort à Halle le 27 avril 1404, et de son fils Jean-sans-Peur, né à Dijon en 1371. Ces monumens sortis du ciseau de Claux-Slutter et la Versa, sont remarquables par le beau poli des tables, et par la délicatesse de la galerie dentelée qui servoit de soubassement : entre chacun des piliers de cette galerie étoit une petite statue de chartreux ; chacun de ces moines avoit l’expression de la douleur ; pas un n’avoit la même attitude ; et l’on regardoit comme étonnant que le sculpteur eût su varier jusqu’à 70 fois le même sentiment sous le même froc. Ces tombeaux transportés dans la nouvelle cathédrale avec assez de précaution, et replacés aussi bien que cela pouvoit être, y furent brisés dans les temps de crises révolutionnaires ; il ne nous en reste que la gravure que je vous montrerai dans l’histoire de D. Plancher, et dans le voyage pittoresque de France ; on voit encore quelques statues de chartreux déposées au Muséum.

Philippe-le-Bon, né à Dijon le 30 juin 1396, et qui mourut à Bruges le 4 juillet 1467, avoit laissé en dépôt dans ce couvent, les sommes nécessaires pour faire élever son tombeau à côté de ceux de ses pères, mais son fils le duc Charles exigea impérieusement que le Prieur lui remît cet argent, dont il avoit besoin pour subvenir aux dépenses de ses guerres ; il se borna à faire transporter le corps de son père de Bruges à Dijon, et le fit déposer dans le caveau du duc Jean. Plusieurs duchesses de Bourgogne avoient aussi leur sépulture dans cette église.

François I.er étant à Dijon en juillet 1521, eut la curiosité de visiter les caveaux où étoient déposés les restes de cette célèbre et puissante maison de Bourgogne : en examinant la tête du duc Jean, il parut étonné de la largeur de la plaie que lui avoit faite au crâne la hâche de Tannegui du Châtel ; Sire, lui dit le prieur, c’est par ce trou là que les Anglais sont entrés en France ; mot plein de sens et de vérité, car le meurtre de Jean-sans-Peur, arma le duc Philippe contre le parti d’Orléans, et de là le traité qui fit asseoir momentanément le monarque anglais sur le trône de Clovis et de Charlemagne.

Les Chartreux de Dijon ont eu quelques religieux qui méritent d’être distingués.

Jean Devaux que le roi Charles VI chargea près de la cour de Rome de plusieurs négociations importantes.

Louis Gaudet qu’Henri IV nomma à l’évêché de Mâcon.

Jean Piochon, né à Dijon en 1649, reçu aux Chartreux, ne put supporter long-temps l’austérité de cette vie ; rendu au monde, il s’adonna à la chirurgie, et particulièrement à la cure des hernies et descentes, genre dans lequel il s’acquit une grande réputation ; il fut reçu chirurgien à Saint-Côme, et mourut le 17 juin 1701.

Ce monastère et ses vastes dépendances furent acquis par M. Cretet, qui dans les premières années de la révolution vint y fixer sa résidence.

Élu député du département de la Côte-d’Or à la première législature, M. Cretet fit partie du conseil des Anciens ; nommé conseiller d’état, et l’un des commandans de la légion d’honneur, il devint directeur-général des ponts et chaussées, gouverneur de la banque de France, ministre de l’intérieur, et décéda à Paris le 28 novembre 1809, à son retour de cette maison qu’il avoit voulu visiter pour la dernière fois, et dont il avoit pris son titre de comte de Champmol ; il fut inhumé au panthéon avec les honneurs dus à son rang. Il étoit né au Pont de Beauvoisin, le 10 février 1747.

CimetièreDe la sépulture des princes passons à celle des citoyens, pour n’avoir plus à revenir sur ces lugubres mais salutaires pensées : ce grand enclos que l’on aperçoit à gauche, est le cimetière de Dijon.

Les Gaulois n’enterroient point leurs morts, mais les brûloient avec tout ce qu’ils avoient de plus cher, et en conservoient les cendres dans des urnes sépulchrales ; les Romains introduisirent chez ces peuples la religion des tombeaux, alors chaque famille gauloise fut inhumée dans son champ ou sur le bord des chemins, dans des cercueils assez ordinairement formés d’une seule pierre, recouverte d’une dalle bombée, aussi d’un seul morceau. On a déterré plusieurs tombeaux de cette espèce dans les environs de Dijon, et même dans l’intérieur de cette ville ; et ce fut dans un cercueil de ce genre que fut trouvé le corps de St. Benigne, hors des murs de la primitive enceinte, car les lois ecclésiastiques défendoient d’enterrer dans les villes, à plus forte raison dans les églises, et chaque commune avoit alors son cimetière avec une chapelle sépulchrale.

C’étoit sur ces cimetières communs, comme sur un local sanctifié par la cendre des morts, sur une terre pleine d’honorables souvenirs, que les habitans s’assembloient pour traiter des affaires communes, de l’élection de leurs magistrats, etc., etc. Dijon conservoit un monument de cet usage en faisant la réception des maires sous le portail St. Philibert, église élevée sur l’emplacement du premier cimetière de Dijon. Dans les villages les assemblées des habitans se tiennent encore sur les cimetières.

Au IX.e siècle, l’orgueil et la vanité firent abandonner les cimetières communs ; l’on enterra dans les églises, d’abord les évêques et les souverains, puis les prêtres et les seigneurs, puis enfin les simples clercs et les citoyens riches ; chaque paroisse n’étoit pavée que de tombes, et étoit entourée de son cimetière ; un cri général s’éleva sur la fin du dernier siècle, contre l’existence de ces sources d’insalubrité, au milieu des villes populeuses ; le docteur Maret entre autres, publia à ce sujet plusieurs mémoires, et l’autorité ordonna la translation de tous les cimetières hors des villes, et leur réunion en un seul : c’est de cette époque que date le cimetière dont vous voyez la clôture, et qui étoit celui des sept paroisses de Dijon. C’est là le point où viennent se briser tous les projets, toutes les vanités, toutes les passions, toutes les haines ; où l’homme n’est plus distingué de l’homme que par le souvenir des bienfaits et des vertus par lesquels il a marqué la route de son existence.

Arquebuse.Portez vos regards à droite ; ce pavillon qui a son aspect sur la grande route, est celui du jeu de l’Arquebuse.

Avant l’invention de la poudre à canon, les armées n’étoient composées que d’archers et d’arbalêtriers ; les habitans des villes qui étoient tenus de fournir au prince certain nombre d’hommes, suivant les circonstances, s’exerçoient en temps de paix, au maniement des armes, dont ils devoient se servir à la guerre ; les souverains favorisèrent ces exercices, en accordant des privilèges, et les villes, en concédant des exemptions aux plus adroits des tireurs : telle fut l’origine et le but des compagnies de l’arc et de l’arbalète, auxquelles vint s’acoller celle de l’arquebuse, depuis l’usage des armes à feu.

Le jeu de l’Arc avoit son pavillon dans la rue Sainte-Anne ; son établissement remonte à la fin du XIV.e siècle.

La compagnie de l’Arbalète avoit le sien dans la rue Maison-Rouge ; son institution à Dijon date de la même époque.

Le pavillon de l’Arquebuse remonte à 1608 : Henri IV l’honora de sa présence ; on y rendit le grand prix de 1715, qui fut remporté par un chevalier de l’arquebuse de Beaune, dont la compagnie le rendit à son tour en 1778 ; c’est le dernier qui eut lieu dans la province.

Ces compagnies, composées dans chaque ville de citoyens notables, rendirent de très bons services à nos rois, et notamment aux batailles de Bouvines et de Marignan, aux sièges de St.-Quentin, St.-Jean-de-Laône et Besançon[5]

Le local à la suite de ce pavillon, a été disposé en jardin anglais, aux frais et par les soins de M. le comte de Montigny, dernier capitaine de cette compagnie ; c’est aujourd’hui une promenade publique, très agréable, sur-tout au printemps, à l’époque de la floraison.

Le quinconce sur la gauche est la promenade du Roi de Rome élevée sur les débris de tous les bâtimens qui se détruisent ou se réparent à Dijon ; ces décombres apportés en cet endroit de toutes les parties de la ville, ont exhaussé le sol au niveau des routes, et doivent finir par prolonger cette promenade jusqu’à la porte d’Ouche. Sa dénomination éternise le souvenir de l’honneur que reçut la ville de Dijon d’avoir eu son Maire (M. le chevalier Durande) choisi pour présenter au nom des bonnes villes de l’empire, la médaille qu’elles avoient fait frapper à l’occasion de la naissance de cet auguste Prince.

Hôpital.Suivons le chemin couvert, nous arriverons au faubourg d’Ouche, où est l’Hôpital-Général.

L’hôpital de la charité fondé en 1204, par le duc Eudes III, en faveur des pélerins, des pauvres, enfans abandonnés, fut d’abord placé sous la direction des religieux hospitaliers de l’ordre du Saint-Esprit, qui, en 1446, furent mis sous la règle de Saint-Augustin, et dont la maison devint magistrale de l’ordre. Vers 1640, des religieuses du même institut furent appelées au service des malades, mais 44 ans après, elles furent remplacées par des hospitalières établies par Benigne Joly, chanoine de St. Étienne, mort à Dijon en odeur de sainteté ; les chanoines hospitaliers de St. Augustin furent réunis en 1769 à l’ordre de Saint Lazare, sous le commandeur Calmelet, qui avoit composé l’histoire de cette maison.

Les hôpitaux des différentes paroisses, ceux de la Chapelotte, de la Magdeleine, de Saint Benigne, de la Maladrerie, de Saint Fiacre et de Saint Jacques, ayant tous été successivement réunis à celui que vous voyez, il prit alors le nom d’Hôpital-Général.

Il nourrit annuellement plus de mille personnes ; les malades, les vieillards, les orphelins, les insensés y trouvent un asyle secourable ; l’on peut dire que dans tous les temps des personnes pieuses ont rivalisé de libéralités envers cette maison, dont le revenu ne s’élève qu’à 70,000 fr. Ainsi la bienfaisance modeste des habitans de Dijon est peinte et caractérisée par l’inscription qu’on lisoit sur la principale porte de cet hospice :

nullos fundatores ostento,
quia plures, quia humiles.

Canaux.Derrière cet hôpital est le point de communication des mers : ce canal, en activité depuis quelques années, conduit à Saint-Jean de-Laône, regagne celui de jonction du Doubs à la Saône, qui de Dôle vient aboutir à Saint-Symphorien, et ce dernier communique au canal qui doit joindre le Doubs au Rhin, dont les travaux se pressent activement. Descendant la Saône jusqu’à Châlon, on trouve le canal qui réunit la Saône à la Loire, fleuve dont les eaux se versent dans le grand Océan ; enfin, le canal de Dijon doit correspondre à celui de l’Yonne, qui se jette dans la Seine ; de sorte que du point où nous sommes, l’on pourra naviguer jusqu’à la Méditerranée, la mer du Nord, la Manche et l’Océan.

Le 1.er plan du canal de Dijon à la Saône fut dressé le 17 juillet 1603, par les ordres de Sully, d’après les projets présentés à Louis XII en 1501 ; Pierre Jeannin donna la première idée du canal de jonction de la Saône à la Seine, par l’intermédiaire de l’Yonne ; ainsi ces canaux se rattachent au souvenir des deux ministres les plus intègres dont puisse s’honorer le règne d’Henri IV.

Les projets, les plans, l’exécution de ces canaux, sont dus à M. Gauthey[6], ingénieur en chef de la province de Bourgogne. Les 23 et 24 juillet 1784, les premières pierres de ces canaux furent posées solennellement à Châlon et à S.t-Jean-de-Laône, par le prince de Condé ; un obélisque[7] fut élevé près du bassin destiné à réunir les eaux du Rhin et de la Saône, de la Loire et de la Seine ; une médaille fut frappée pour éterniser la mémoire d’une aussi vaste entreprise ; cette médaille du plus grand module, est un chef-d’œuvre de burin ; elle a pour légende, Utriusque maris junctio triplex.

La longueur du canal de jonction de la Saône à la Loire est de 11 myriam., il a coûté 11,120,000 liv, l’eau y fut mise sur la fin de 1791, depuis cette époque il est en pleine navigation.

Le canal de Dijon à la Saône jusqu’à Saint-Jean-de-Laône, a 30 kilom. de longueur, il a coûté plus de 300,000 liv., l’eau y fut mise sur la fin de 1809, depuis, il est en activité.

Celui de la Saône au Doubs, du village de Saint-Symphorien à Dôle a 16 kilom. de longueur, les travaux s’en pressent avec beaucoup de célérité ; il est navigable depuis 1802.

Enfin, celui qui depuis Dijon doit rejoindre l’Yonne, aura environ 12 myriam. de longueur ; il est déjà navigable jusqu’au Pont-de-Pany, l’on travaille sans relâche à l’achever.

Larrey.Un peu plus loin que ce canal, vous voyez quelques maisons, restes de l’ancien bourg de Larrey, duquel deux vues existent dans le voyage pittoresque de France. Larrey donné en 586 aux moines de Saint-Benigne par le roi Gontran, devint une célèbre abbaye de filles dès le XI.e siècle, à laquelle succéda dans le XIV.e un monastère d’hommes, qui fut réuni à celui de Saint-Benigne en 1709 ; c’est sur son territoire qu’est situé le climat des Marcs-d’Or, qui donne son nom à ce département.

C’est là où commence cette côte de Dijon à Beaune, à Châlon, qui produit ces fameux vins de Bourgogne, dont la réputation est assez établie pour que je me dispense de vous les vanter ; la prééminence de ces vins donna lieu à Hugues de Salins, médecin de Beaune, mort le 29 septembre 1710, de réfuter une thèse publique soutenue à Rheims, en faveur du vin de Champagne, par un traité ex professo, intitulé : Defensio vini Burgundiani adversùs vinum Campanum. Belnae 1705, in-4.°, dont il y eut trois éditions successives ; c’est à l’aspect oriental de ce coteau que l’on trouve les vignobles de Chenôve, Chambole, Chambertin, le clos de Vougeot, Vosne, la Romanée, St.-Georges, la Tâche, Nuits, Beaune, Pommard, Vollenay, Montrachet, Meursault, etc., etc., mais n’allons pas si loin, et reprenons l’allée du chemin couvert.

Dans la façade de la maison qui fait perspective au pont aux Chèvres, remarquez plusieurs bas-reliefs qui y sont incrustés ; ils méritent de fixer votre attention.

Ce sont d’abord deux groupes de danseuses, qu’on a pris pour des cariatides, parce que pour cacher quelques mutilations à la partie supérieure, le maçon posa sur la tête de ces figures des guirlandes de fleurs ; mais M. Legouz-Gerland a solidement réfuté cette opinion.

Au milieu de ces groupes est un bas-relief, représentant le triumvirat.

Antoine, Octave et Lépide, soutenant le globe terrestre, se partagent l’empire du monde ; à leurs pieds est la terre caractérisée par une femme couchée tenant une corne d’abondance, et qui leur présente une grenade en signe de fidélité.

Ce morceau représente l’entrevue des triumvirs dans l’île de Reno près Bologne, et date de cette époque ; car, observe judicieusement M. Legouz-Gerland, plus tard l’on n’auroit pas osé représenter l’emblême d’un pacte qu’Auguste avoit rompu pour arriver seul à la souveraine puissance ; ce n’eût pas été faire sa cour à l’Empereur, et sa politique ne l’eût pas toléré.

Ces bas reliefs, présume encore le même antiquaire, durent faire partie d’un plus grand monument élevé en l’honneur des triumvirs, d’Antoine sur tout auquel échut en partage le gouvernement des Gaules, et qui est placé au milieu de ses deux collègues ; les danseuses sont l’emblême de la satisfaction des Gaulois de ce que l’accord des triumvirs rendoit le calme à l’empire ; elles sont en harmonie avec l’exergue de la médaille frappée pour le même sujet, et portant pour légende, Salus generis humani.

Dans ce que l’on remarque à la main de chacun des personnages de ce bas-relief, les uns ont cru voir des gobelets, et en effet les gobelets se retrouvent fréquemment sur les monumens découverts en Bourgogne, mais on ne les signale que sur les monumens funéraires, et celui-ci ne sauroit être de ce genre ; d’autres pensent que c’est un rouleau de papier, le volumen, et ce sentiment est beaucoup plus raisonnable, car chacun des contractans a dû avoir un double de l’accord convenu entre eux.

Ce bas-relief est d’un fini précieux, ce qui nous atteste encore qu’il est des beaux temps de la république romaine, qui amenèrent le siècle d’Auguste.

Suivons toujours le chemin couvert le long de ce faubourg, nous trouverons le jardin de l’Île, dans une île formée par deux bras de l’Ouche, où existoit l’un des hôpitaux des ladres ou lépreux. Une belle manufacture de faïence a succédé dans cette île à une de mousseline, façon des Indes, qui méritoit une plus grande réputation. L’on aperçoit le Castel, maison de plaisance d’un goût singulier, dont les jardins embellis par des pièces d’eau, deviennent, pendant l’été, une promenade infiniment agréable.

Parc.Un peu plus loin est le Cours, qui portoit autrefois le nom de La-Reine, dont l’existence date de la fin du XVI.e siècle ; il est formé de trois allées d’arbres de 2 kilomètres de longueur, qui aboutissent à un grand parc, dessiné par le célèbre Lenôtre, et dont les massifs sont remplis de toutes sortes d’arbres et arbustes ; ce parc appartenoit autrefois aux princes de Condé, qui prenoient plaisir à le voir une promenade publique ; depuis la révolution il a été cédé à la ville, afin qu’il conservât cette destination. Ce seroit le soir d’un beau dimanche de l’été qu’il faudroit vous y promener pour le voir brillant, embelli et paré de tout ce que l’élégance des toilettes peut offrir de plus éclatant et de plus recherché ; l’affluence du beau sexe répandu dans les différentes allées, forme dans ce parc un coup-d’œil enchanteur.

Ce fut dans le cours qui le précède, qu’eut lieu, en 1790, la fédération armée des départemens composant l’ancienne province de Bourgogne ; cette réunion de plus de 5000 gardes nationaux fut commandée par le jeune comte de Buffon, qui depuis périt, le 10 juillet 1794, victime du règne de la terreur ; en vain il invoqua sur l’échafaud les mânes de son père ; rien ne put appaiser la fureur des bourreaux aux gages de Robespierre.

Le faubourg à droite et à gauche de cette promenade, est celui de Saint-Pierre ; descendons sa principale rue dite d’Auxonne, parce qu’elle est la route qui conduit à cette ville ; à l’extrémité de cette rue, et sous un quinconce d’arbres élevés, étoit un oratoire précédé d’une croix de mission, qui fit donner à cette rue le nom de Belle-Croix ; tout auprès les Jésuites possédoient une vaste maison, appelée de la Retraite, édifiée par les libéralités d’une dame de Clugny.

Lazaristes.Lors de la suppression des Jésuites, en 1769, ce bâtiment fut concédé aux prêtres de la mission de Saint Lazare, fondés, à Dijon, par Benigne Joly, Claude Fyot, abbé de Saint-Étienne, et Pierre Gaillard, doyen de Langres ; les Lazaristes n’avoient dans ce faubourg qu’une assez mauvaise maison, rue Saint-Lazare, où ils étoient dès 1682 ; ils en obtinrent une beaucoup plus vaste, parfaitement située ; elle est aujourd’hui démolie de fond en comble.

Cette congrégation est une des institutions du vénérable Vincent de Paule, dont toute la vie ne fut qu’un tissu de bonnes œuvres, dont tous les actes furent autant d’établissemens en faveur de l’humanité. Que d’hôpitaux doivent leur existence au zèle de ce Saint Prêtre[8] ! Que d’infortunés dont on adoucit les peines au nom de ce bienfaiteur des hommes ! l’église Saint-Michel possède un bon tableau représentant Vincent de Paule, et la première supérieure des filles de la Charité instruisant et recevant une jeune novice.

Benigne Vachet, Dijonnois, étoit missionnaire de cette maison ; il consacra toute sa vie à des travaux apostoliques dans les pays lointains ; la Chine, Siam, Alger, l’Afrique et l’Asie, furent témoins de son zèle pour la propagation de la foi chrétienne ; il avoit écrit la relation de ses voyages, et mourut à Paris, le 19 janvier 1720, âgé de 78 ans.

Allée de la retraite.L’avenue qui faisoit face à cette retraite, maison des Lazaristes, est appelée l’Allée de la Retraite, soit parce qu’elle est peu fréquentée, soit parce qu’elle aboutissoit à la maison de Retraite des Jésuites ; elle fut plantée en 1754 aux frais de M. le premier président de la Marche.

Ce fut dans des vignes non loin de cette allée et de la route d’Auxonne, au climat des Poussots, que fut découverte, en 1598, l’urne renfermant les cendres de Chyndonax, grand-prêtre des Druides et Vaccies, de laquelle le docteur Guenebaud[9] a donné l’explication, 1621, in-4o. Sur cette urne on lisoit en caractères grecs l’inscription dont la traduction est :

« Dans le bocage de Mithra, ce tombeau couvre les restes du grand pontife Chyndonax ; arrière, impie, les Dieux veillent sur ma cendre. »

Ce monument, après avoir mérité la visite de Henri IV, et celle des Casanbon, des de Thou, des Saumaise, passa du muséum du cardinal de Richelieu, dans la basse-cour d’un curé des environs de Versailles où il servoit d’abreuvoir.

Là étoient aussi le temple de Mithra ou d’Apollon, et cette forêt de chênes antiques, ces eaux noires conservées dans les bois sacrés, pour lesquelles les Druides avoient une si grande vénération, et dont le sombre silencieux inspiroit cette sainte horreur qui devoit pénétrer les peuples avant de s’approcher des sacrifices. Cet emplacement demi circulaire, nommé aujourd’hui les Roches-aux-Fées, devoit être le lieu des assemblées et celui des sacrifices ; ce lac, si long-temps l’objet d’un respect religieux, subsiste encore aujourd’hui, mais il a fallu l’anathématiser pour détourner les nouveaux chrétiens des idées superstitieuses qu’ils continuoient d’attribuer à ses eaux, et le nom de Creux-d’Enfer lui fut donné. Le bâtiment des Argentières, Arjan-Tora, devoit être la résidence des Druides conservateurs et gardiens de ces lieux sacrés. M. Legouz-Gerland nous a conservé, pl. X, le fragment d’une statue d’Apollon-Mithra entourée de bandelettes, laquelle fut découverte sur le sol de Dijon, mais sans nous instruire si ce fut dans les alentours de son temple. Des débris de tombeaux gaulois furent trouvés le 10 mars 1752 dans le voisinage de la Porte-Neuve.

Les Argentières et bâtimens attenans sont depuis long-temps affectés à la raffinerie du salpêtre qui s’y expédie brut des départemens de la Haute-Marne, de la Côte-d’Or, et de Saône et Loire : on y raffine, par an, plus de 50 mille kilogrammes de salpêtre qui est envoyé à Vonges, à 2 myriamètres et demi de Dijon, l’un des moulins à poudre les plus importans de l’Empire.

Jardin
botanique
Presque vis-à-vis est le Jardin botanique, fondé en 1772 par M. Legouz-Gerland. Ce Magistrat acheta le terrain, fit la dépense du pavillon et du mur de clôture dans lequel il fit incruster à perpétuelle mémoire, les fragmens d’antiques dont il a publié la gravure dans son essai sur l’origine de Dijon. Le 20 juin 1773, MM. de Morveau, Maret et Durande firent l’ouverture du premier cours de botanique ; et l’année suivante, l’éloge funéraire du fondateur fut prononcé dans ce même local monument éternel de sa bienfaisance : son buste exécuté par M. Attiret, y fut déposé.

Le 23 juin 1800, les cendres de cet excellent citoyen furent transférées en grande pompe de l’église de la Madelaine où il avoit été inhumé près de ses pères, et déposées au jardin botanique : on lit sur son cénotaphe cette inscription simple ;

HONORE LES CENDRES DU FONDATEUR
DU JARDIN BOTANIQUE.

Cette plantation de jeunes arbres sur la hauteur ombrage la source de Champ-Maillot, dont les eaux alimentoient la fontaine qui exista jusqu’en 1669 sur la place Saint-Michel ; cette source a pris le nom des Suisses qui y campèrent en 1513, lorsqu’ils vinrent assiéger Dijon ; c’est de cette position que leur artillerie tonna sur la ville, et causa de grands dégâts dans les environs de Saint-Michel dont vous voyez les tours : ce fut à cette époque, et par les ordres du gouverneur de la province, que, le 6 septembre 1513, le feu fut mis au faubourg de cette paroisse, alors l’un des plus considérables de la ville, et qui ne fut point rebâti : les abbayes de Norges et de Theuley y avoient leurs hôtels, d’où il fut souvent appelé faubourg de Theuley. Ce fut encore dans le temps de ce siège que fut murée la porte des Chanoines, qui ne fut rouverte qu’en 1741 par rapport aux jardins de Montmusard auxquels elle conduisoit plus directement ; elle prit alors le nom de Porte-Bourbon, mais l’usage lui a conservé le nom de Porte-Neuve qu’elle garde encore aujourd’hui.

Montmusard.Vous voyez la clôture du parc de Montmusard : le premier président de la Marche avoit fait de ce local un lieu de féerie : étangs, fontaines et jets d’eaux, canaux, bassins et réservoirs, bosquets, boulingrins, théâtre de verdure, grottes, kiosques, volières, pavillons décorés avec élégance, colonnades, statues, groupes, obélisques, grilles en fer, rien ne fut épargné pour rendre ces jardins vraiment délicieux ; deux vues en sont gravées dans le voyage pittoresque de France ; ils étoient ouverts au public, et M. de la Marche n’oublia rien de ce qui pouvoit y attirer le concours des citoyens. Après sa mort, ce parc qui comprenoit plus de 100 hectares, qui avoit coûté plus d’un million à embellir, ne fut vendu que 100,000 fr., c’est-à-dire qu’on n’en paya que le sol et les matériaux de la clôture ; il est revenu à son premier état, nunc seges . . . . . . . ., tant il est vrai qu’il n’y a que les établissemens utiles qui soient dans tous les temps respectés.

Nisi utile quod facimus, stulta est gloria.

Le local que nous venons de parcourir en suivant l’allée de la retraite, est à l’orient de Dijon : c’étoit à cet aspect que les anciens bâtissoient leurs temples et offroient leurs sacrifices ; aussi avons-nous remarqué le temple de Mithra, les Roches aux-Fées, les Bocages sacrés, les Eaux redoutables, le Creux-d’Enfer, dont la gravure existe dans le voyage pittoresque de France, le Champ-Maillot, Campus à Mallo, où se rassembloit le peuple dans le Malle ; Montmusard, Mons Musarum, sans doute le lieu des écoles des Druides qui étoient toujours dans la campagne ; Arjan-tora, lieu où se conservoient les trésors et l’argent sacré : cette réunion dans un même quartier, de tant de monumens celtiques, complète la preuve de l’existence d’une ville de quelque importance, entre l’Ouche et Suzon, dans des temps reculés et bien antérieurs à la venue de César dans ces contrées.

Suivant M. Mille, si Dijon eût été bâti par les Gaulois, César, l’itinéraire d’Antonin, la carte de Peutinger en auroient fait mention ; le silence de ces monumens historiques sera toujours une objection impossible à résoudre : mais d’abord ce silence ne seroit qu’une preuve négative, tandis que nous en avons de positives dans les monumens lapidaires qui ont bien autant d’authenticité que les monumens écrits ; d’ailleurs, vous savez que l’itinéraire d’Antonin n’a été rédigé que postérieurement à Constantin, et la carte de Peutinger, sous le règne de Théodose ; or, de ce que ces monumens géographiques ne parlent pas d’une ville, doit-on en conclure que cette ville n’existoit même pas sous le règne de Théodose ? et s’il falloit révoquer en doute l’existence des villes dont César ne parle pas, l’on devroit refuser même à Nismes et à Arles leur antiquité, parce que César n’a pas nommé ces villes : on sent où jetteroient de telles conséquences ; et cette objection prétendue sans réplique est résolue d’un seul mot.

Faubourg Saint-Nicolas.Le faubourg Saint-Nicolas, l’un des plus considérables de cette ville, l’étoit autrefois beaucoup plus encore : on y comptoit onze grandes rues ; il étoit le seul qui eût une paroisse : le 4 septembre 1513 il fut brûlé de peur qu’il ne servît à cacher les Suisses qui assiégeoient Dijon ; son église seule fut épargnée : il fut incendié de nouveau en 1558 pour mettre la ville en sûreté contre les partis espagnols qui avoient pénétré en Bourgogne, et qui désoloient les environs ; cette fois l’église de ce faubourg fut rasée parce qu’elle dominoit la ville, elle ne fut point rebâtie, mais transférée dans l’intérieur des murs.

Maladrerie.Vous savez, Monsieur, que malgré les sages capitulaires de Charlemagne pour obvier aux progrès de la lèpre, cette affreuse maladie reparut en France dans les XI.e et XII.e siècles. D’après les anciennes ordonnances de nos rois, les lépreux devoient être isolés du reste des citoyens, aussi étoient-ils abandonnés inhumainement[10]. Un décret du Concile de Latran, en 1179, prenant en pitié ces infortunés qui, pour être dangereux à fréquenter, n’en étoient pas moins des chrétiens et des hommes, condamna la dureté de certains ecclésiastiques qui ne permettoient pas aux lépreux, (n’étant pas reçus dans les églises publiques, de crainte de la contagion), d’avoir des chapelles particulières ; et décréta que partout où les lépreux seroient en assez grand nombre, vivans en commun, pour avoir une église, un cimetière, et un prêtre pour les desservir ; l’on ne fit pas difficulté de les leur accorder, les dispensant même de la dîme des fruits de leurs jardins, ou du croît des animaux qu’ils éleveroient.

En conséquence, dans tous les lieux un peu considérables il fut établi des léproseries ; on en comptait jusqu’à deux mille en France au temps de Louis VIII qui, en 1225, légua par son testament cent sous à chacune des léproseries de son royaume ; Dijon en avoit deux, l’une dans le faubourg Saint-Nicolas, l’autre au faubourg d’Ouche, dans l’Île.

Dans chaque ville on donna aux lépreux des réglemens plus ou moins sévères : ceux de Dijon datent de 1480 ; ils portoient : « que les lépreux, en allant quérir les aumônes par la ville, auroient leur cliquette, chemineroient au milieu de la charrière, au-dessous du vent et des gens sains, afin qu’aucun n’en puisse pis valoir ; ils ne devoient laver ni leurs mains, ni leurs pieds, leurs robes, linge ni draps aux puits et fontaines publics et lavoirs communs ; ils ne devoient point converser avec les gens sains, ni uriner sinon arrière iceux ; ils étoient régalés aux frais de la ville, lors des quatre principales fêtes de l’année, d’un quartier de veau, d’un septier de vin, et à Noël d’une fouasse de 60 onces. »

Cette cruelle maladie ayant disparu, la Maladrerie de Dijon fut réunie à l’hôpital général ; il n’en restait plus que l’enclos et une chapelle, au faubourg Saint-Nicolas, qui fut desservie jusqu’à la révolution ; elle est aujourd’hui en ruine et abandonnée. Il en est de même de l’ancienne paroisse de S.t-Martin des champs, dont vous voyez quelques maisons à un kilomètre sur la gauche de la route de Langres.

Capucins.Les Capucins avoient leur couvent sur cette route, à l’une des extrémités du faubourg dont je vous entretiens ; leur couvent fut bâti en 1602 par les libéralités de la maison de Damas, augmenté en 1682 par les dons et aumônes des habitans ; c’est aujourd’hui un hôpital militaire.

Ce fut dans cet hôpital que M. Lecouteulx, Préfet de ce Départ., puisa les germes de la mort. En mars 1812, une épidémie s’étant déclarée parmi les prisonniers de guerre Espagnols renfermés dans cet hospice, un incendie s’étant manifesté dans l’une des salles, M. Lecouteulx vole près de ces malheureux, prodigue lui-même tous les soins dont ces infortunés pouvoient avoir besoin dans la circonstance ; ce jeune Magistrat n’écoutant que son zèle, aidoit lui-même avec son secrétaire intime, à transporter les malades de la salle où le feu s’étoit communiqué, dans une autre qu’il avoit fait préparer ; tous deux furent atteints de la maladie contagieuse dont ces prisonniers étoient infectés ; tous deux en périrent à la fleur de l’âge, universellement regrettés, le 1.er avril 1812. M. Lecouteulx avoit l’ame belle, le cœur sensible ; secourir les malheureux étoit une passion pour lui ; cet acte de philanthropie qui moissonna ses jours, en est une preuve honorable et sans réplique.

La maison des capucins de Dijon a produit quelques religieux distingués :

Le P. Léandre, né à Dijon, composa plusieurs ouvrages qui lui firent un nom parmi les écrivains pieux : Les vérités de l’Évangile. 1661, 1662. in-fol. 2 vol. Commentaire sur les épîtres de Saint Paul. 1663. in-fol. 2 vol. Il se distingua aussi dans l’art de la chaire, et mourut en 1667.

Jacques de Chevanes, né à Autun en 1607, mort à Dijon en 1678, capucin de la province de Lyon, publia cinq volumes in-4.o sur divers sujets pieux ; il réfuta les écrits de l’évêque de Belley contre les moines, et l’apologie de Naudé contre les sorciers. Ses autres ouvrages sont mentionnés dans Papillon et dans le nouveau dictionnaire historique.

Nicolas Pelletret, de Dijon, mort à Lyon en 1694, trois fois nommé définiteur et provincial de son ordre, est auteur de plusieurs sermons et panégyriques imprimés en 1685 et 1691 ; son carême fut traduit en italien et imprimé à Venise en 1730. Son portrait fut gravé par Cars.

Le P. Valadon, né à Auxonne d’un père qui étoit notaire en ladite ville, plus connu sous le nom de P. Zacharie, après avoir fait en 1717 un premier voyage dans l’Asie-Mineure, revint en France et aborda au port de Marseille dans le temps où la peste exerçoit ses ravages en cette ville. Ce missionnaire se dévoua avec un zèle véritablement apostolique et une charité sans bornes à secourir les malheureux atteints de ce cruel fléau, et à leur apporter les consolations de la religion ; deux fois frappé de la contagion, il y résista, son zèle n’en fut point ralenti, et il ne craignit pas de la braver de nouveau pour remplir son ministère envers les infortunés. Ses soins généreux lui méritèrent des éloges publics et la protection du régent ; son nom, demeuré en vénération à Marseille, est inscrit sur le monument élevé par cette ville en l’an XI, à la mémoire de ceux qui pendant cette calamité avoient bien mérité d’elle. Ce religieux fixa ses derniers jours au couvent de Dijon, il y mourut le 27 janvier 1746 dans de grands sentimens de piété.

Je pourrois vous parler de quelques autres capucins, mais je terminerai par le P. Ignace Bougot. Il étoit natif de Dijon, tenoit à honneur d’être appelé le Capucin de Buffon, et en cette qualité avoit le privilège d’accompagner le grand homme jusques sur les fauteuils de l’Académie française. Ce moine adroit avoit su se concilier la confiance de Buffon qui ne craignit pas de l’appeler son ami dans son art. du Serin, et il falloit avoir sa bienveillance si l’on vouloit arriver à celle du Pline français. Le P. Ignace confessoit Buffon, très exact à remplir les devoirs de sa religion, et rendoit quelquefois au Prince des naturalistes de petits soins assez ordinairement du ressort des valets. L’on a voulu en ridiculiser l’aumônier complaisant ; mais Buffon recevoit ses petits services, comme il auroit reçu ceux de son fils, en disant au R. P. je te remercie mon enfant. Ce capucin étoit boiteux et d’une figure ingrate, ce qui faisoit un contraste frappant avec la démarche majestueuse, l’extérieur soigné, et le beau physique du seigneur de Buffon. Il mourut à Buffon dont il avoit été nommé curé sous la révolution.

Porte St.-Nicolas.Nous sommes en face de la porte S.t-Nicolas, qui se trouve gravée dans le voyage pittoresque de France : elle fut bâtie en 1187, reconstruite en 1443, alors elle prit le nom de porte au Comte de Saulx ; la tour ronde dans laquelle elle fut placée, fut démolie en 1811 ; cette porte est appelée aujourd’hui du nom de Jean-Jacques ainsi que l’hôpital, le faubourg, la promenade et la grande rue qui y aboutissent.

Sans doute, en donnant à ce quartier le nom de Rousseau de Genève, l’on aura voulu rappeler que les premiers lauriers littéraires qui ceignirent sa tête, lui furent décernés par l’Académie de Dijon. Vous vous ressouvenez que cette Compagnie avoit proposé pour sujet du prix de 1750, cette question : Le rétablissement des sciences et des arts a-t-il contribué à épurer les mœurs ? Rousseau avoit d’abord embrassé l’affirmative ; c’est le pont aux ânes, lui dit Diderot, soutenez la négative, et vous êtes sûr du succès : en effet il l’entreprit, mais il orna son discours de tous les charmes de l’éloquence ; à la magie de l’art oratoire, il associa le feu de son imagination brûlante ; il réunit les grâces du style à la force des raisonnemens, et l’Académie lui décerna le prix à la séance publique du 23 août 1750[11].

Suzon.Le cours d’eau que vous voyez est celui de Suzon qui a sa source près de la montagne de Tasselot, arrose le Val-Courbe et la gorge à laquelle il communique son nom, le Val-de-Suzon : jadis cette petite rivière étoit pérenne et faisoit tourner des moulins près de la tour de Bar et de la place Morimont, on a encore découvert des vestiges du premier en creusant les fondations du nouveau théâtre : aujourd’hui, ce n’est plus qu’un torrent qui perd une partie de ses eaux dans son trajet d’Ahuy à Dijon : plusieurs fois l’on a entrepris de lui rendre un cours perpétuel, mais cette opération n’a jamais été conduite à sa fin ; elle seroit cependant de la plus haute importance pour la salubrité des eaux de la ville, dont les puits en contact immédiat avec ce cours d’eau, sont infectés dès qu’il grossit.

Cours-Fleury.La promenade sur le bastion qui domine cette rivière, fut plantée en 1757 sous la magistrature de J. F. Joly de Fleury, alors intendant de Bourgogne, d’où elle avoit pris le nom de Cours-Fleury : on l’a changé pour lui faire prendre celui de Jean-Jacques, mais l’habitude lui conserve le nom de son fondateur, et pour cette fois la routine est d’accord avec la reconnaissance.

Ce magistrat, d’une famille originaire de la Bourgogne, intendant de cette province depuis 1749 à 1761 qu’il passa au Conseil d’État, puis au contrôle général des finances, très zélé pour tout ce qui pouvoit contribuer au bien, à l’utilité, même à l’agrément de ses compatriotes, a marqué son administration par plusieurs établissemens utiles : Dijon lui en témoigna sa reconnoissance en attachant son nom à cette promenade et à l’une de ses rues ; il mourut le 13 décembre 1802, âgé de 84 ans ; il étoit fils de Guill.-Fr. Joly de Fleury, célèbre procureur général du parlement de Paris, mort en 1756.

Tours.Cette tour sous laquelle passe le cours de Suzon pour entrer dans la ville, est la tour aux ânes ou tour la Tremouille ; plus loin est celle Bouchefol ou du Fourmorot, jadis l’une des portes de la ville, mais qui ayant été murée en 1513, ne fut point rouverte. Dijon avoit dix-huit tours sur ses remparts à l’époque du siège des Suisses : c’étoient celles de Rennes, Saint-Georges, Charlieu, Saint-Philibert, en allant de la porte Guillaume à la porte d’Ouche ; suivoient les tours quarrée, Nanxion, Fondoire, Saint-André, la tour St Pierre, encore existante, et celle de la Bussière : depuis la Porte-neuve, on trouvoit les tours Saint-Antoine et Saint-Michel, rouge, du Quarteau ; et après celle Saint-Nicolas, les tours Bouchefol, la Tremouille et Poinsard bourgeoise, du nom d’un maire de Dijon au XIV.e siècle.

Fortifications.Les Fortifications que vous avez remarquées, datent du XIII.e siècle : les incendies de 1137 et 1227 ayant réduit en cendres une grande partie de la ville et de ses faubourgs, on entoura Dijon d’une nouvelle enceinte beaucoup plus grande que la précédente ; elle ne fut achevée que sous la régence de Jeanne de Boulogne, mère et tutrice du Duc Philippe de Rouvres, qui devint reine de France par son mariage avec le roi Jean. Les ducs de la seconde race royale entretinrent ces fortifications et les augmentèrent de seize tours ; les guerres de François I.er avec l’Espagne, firent ajouter les bastions ou boulevards qui furent élevés de 1515 à 1558, afin de se mettre en état de défense contre les garnisons du comté de Bourgogne qui sans cesse harceloient les frontières ; sous la ligue, on édifia la tour de Guise près la porte d’Ouche ; les troubles de la fronde ayant fait craindre quelque surprise de la part des partisans des princes, on garantit encore cette porte par un nouveau bastion, élevé aux frais du clergé et des Cours souveraines, d’où il est appelé le bastion des privilégiés ; il devoit être le théâtre de la guerre, ce fut le champ du repos, il devint le cimetière de l’hôpital général ; le boulevard qui le domine est le rendez-vous des plaisirs, sous les noms de Vauxhall et de Tivoli.

Château.Le Château dont il existe deux vues gravées dans le voyage pittoresque de France, et dont vous apercevez la porte extérieure et les tours Guillaume, St.-Benigne, Notre-Dame et Saint-Martin, est l’ouvrage de Louis XI qui le fit élever pour se maintenir en possession de la Bourgogne : en 1510, Louis XII, étant à Dijon, donna des ordres pour le parachever ; il l’étoit à peine lorsqu’il fut assiégé en 1513 par les Suisses.

Louis de la Trémouille, prince de Talmond, amiral de Guyenne et de Bretagne, en fut le premier gouverneur ; ce fut lui qui sauva la ville de Dijon, et même la France dont toutes les forces étoient alors employées contre les Anglais.

Voulant mettre à profit les succès qu’ils avoient eus à Novarre, le Pape et l’Empereur engagèrent les Suisses à porter la guerre en Bourgogne ; ils y arrivèrent en 1513 sous la conduite de Jacq. de Watteville, au nombre d’environ 25,000 mille hommes, soutenus par la cavalerie impériale aux ordres du prince de Wurtemberg, et se présentèrent sous les murs de Dijon.

La Tremouille qui n’avoit qu’environ mille lanciers, et à peu près six mille avanturiers dans la place, n’osa commettre une aussi foible garnison contre des forces aussi supérieures, et garda la défensive. L’artillerie des ennemis tonna cinq jours entiers sur la ville ; une brêche étoit ouverte dans la courtine à l’ouest, entre la porte Guillaume et la porte d’Ouche, lorsque la Tremouille parvint à gagner les chefs des Suisses et à conclure avec eux, à prix d’argent, un traité qui sauva Dijon, la Bourgogne et la France, le 13 septembre 1513.

Les ennemis de la Tremouille cherchèrent à jeter sur lui quelque défaveur à raison de ce traité : informé qu’on l’avoit desservi à la Cour, la Tremouille écrivoit au roi le 23 septembre 1513 ; et si vous die, Sire, que je vous ai destrapé d’un aussi gros fait, que jamais gentilhomme vous destrapa, . . . . et si je eusses aultrement fait, n’eussiez à cette heure que Auxonne, et fussent lesdits Souisses plus avant en vostre royaume, que n’est le duché de Bourgogne de long et de large. Acad. inscr. mém. tom. 81 in-12.

Ce fut ce vaillant capitaine, comme l’appelle Paul Jove, qui avoit fait prisonnier Louis XII (alors duc d’Orléans), à la bataille de Saint-Aubin du Cormier ; et comme l’on s’appuyoit de ce fait pour le mettre mal dans l’esprit du nouveau roi, Louis XII fit cette belle réponse : Un roi de France n’est pas fait pour venger les querelles d’un duc d’Orléans. Aussi habile politique que grand négociateur et brave guerrier, la Tremouille n’ayant pu dissuader François I.er de livrer la bataille de Pavie, y combattit en héros, et fut tué aux côtés de son roi : sage la Tremouille, s’écria la duchesse d’Angoulême, en apprenant le triste résultat de cette bataille, que mon fils n’en a-t-il cru à votre expérience ! il seroit libre, et vous seriez vivant.

Ce château soutint encore une espèce de siège sous les troubles de la fronde : Commeau qui y commandoit pour Mazarin, sommé par le comte de Tavannes de rendre la place, pour toute réponse fit faire une décharge sur les envoyés du comte, et peu après livra cette forteresse au duc de Vendôme moyennant dix mille francs.

En 1651, le duc d’Épernon qui avoit échangé avec le prince de Condé[12] le gouvernement de la Guyenne contre celui de Bourgogne, ne pouvant se faire reconnoître en sa qualité, fut obligé de mettre le siège devant le château de Dijon : la Planchette qui y commandoit pour le prince de Condé, fit tirer pendant plusieurs jours le canon des tours sur la ville, y jeta des bombes et des grenades qui causèrent beaucoup de dégâts ; mais une mine que le duc d’Épernon fit jouer sous la tour de Notre-Dame, força les assiégés à capituler le 8 décembre 1651.

Ces événemens dont la ville étoit toujours la victime, firent solliciter plusieurs fois par la Mairie, les Élus et le Parlement, la démolition d’une forteresse qui, loin de protéger et garantir la ville, lui fut toujours préjudiciable ; mais jamais on ne put l’obtenir.

Ce château devint dans le dernier siècle une prison d’État : la duchesse du Maine[13], le fameux comte de Mirabeau[14], et la chevalière d’Éon y furent quelque temps renfermés ; c’est aujourd’hui la caserne de la gendarmerie impériale, et de l’état-major de la 21.e légion de cette arme qui s’étend sur les départemens de la Haute-Marne, de la Côte-d’Or, de Saône et Loire et de l’Ain.

Charlotte-Genev.e-Timothée d’Éon de Beaumont, se disoit de Bourgogne ; à ce titre je dois vous en parler avec quelques détails : ce personnage véritablement extraordinaire, du sexe duquel on doute encore, nacquit à Tonnerre sur les confins de l’ancienne Bourgogne le 5 octobre 1728, fut successivement avocat, guerrier, ambassadeur, écrivain, politique et femme. Après avoir fait de très bonnes études à Paris au collège Mazarin, d’Éon fut reçu avocat au parlement de Paris, et déployoit un grand talent pour la discussion et beaucoup de facilité à s’énoncer. Le prince de Conty qui connoissoit d’Éon, voulut utiliser ses moyens, et proposa au roi de l’envoyer en Russie chargé d’y négocier la marche d’une armée en faveur des cabinets de Vienne et de Versailles ; la mission fut remplie à la satisfaction des deux puissances. De retour en France, le négociateur obtint du service militaire, fit la campagne de 1761 en qualité d’aide-de-camp du maréchal de Broglie ; au combat d’Ultrop, à la tête de 80 dragons, le capitaine d’Éon fit mettre bas les armes à un corps de 800 hommes ; blessé à la cuisse dans cette action, la croix de Saint-Louis devint la récompense de sa bravoure. Nommé secrétaire d’ambassade, puis ministre plénipotentiaire à Londres, l’incertitude de son sexe y devint le sujet d’un pari considérable porté au banc du roi ; dans cette conjoncture, la loyauté ne permit plus à l’ambassadeur de dissimuler son sexe ; d’Éon donna sa parole d’honneur qu’elle étoit femme. Dès-lors cessèrent ses fonctions politiques et militaires ; Louis XV lui assigna 12000 liv. de pension, et Louis XVI lui fit ordonner de reprendre les habits de son sexe.

Il y avoit un an qu’elle les portoit, lorsqu’elle écrivit au comte de Maurepas la lettre qu’on lit en tête du 14.e volume des mémoires secrets, par laquelle honteuse et ennuyée de porter la jupe, et lui représentant que le plus sot des rôles à jouer, est celui de pucelle à la Cour, elle demande à reprendre son service militaire en qualité de volontaire sur la flotte de M. d’Orvilliers : elle en fit faire plusieurs copies et les envoya à différentes dames de la Cour, les priant pour l’honneur du sexe, de l’aider de leur protection, dans cette demande. Par ordre du 19 février 1779, ayant été exilée à Tonnerre, elle prétexta une indisposition pour ne pas obtempérer de suite ; de nouveaux ordres l’envoyèrent au château de Dijon où elle resta depuis le 22 mars au 17 avril 1779, portant les habits de femme qui lui seyoient on ne peut pas moins, et ayant conservé tous les goûts, les habitudes et les manières d’un capitaine de dragons.

D’Éon étant passé en Angleterre, mourut à Londres en 1810. Ses écrits politiques ont été publiés en 1779 en 13 vol. in-12, sous le titre de Loisirs du chevalier d’Éon. M. de la Fortelle publia dans la même année sa vie politique, militaire et privée.

Mais achevons notre tournée extérieure.

Portes.Dijon qui dans sa première enceinte n’avoit que quatre portes à l’aspect des quatre points cardinaux, en eut huit sous la seconde : celles aux ânes, du Fourmorot, de Nanxion, furent fermées en 1513 ; il reste celles de l’Ouche, route de Lyon, Saint-Pierre, route de Strasbourg et d’Italie, Neuve route de Gray, Saint-Nicolas, route de Langres et de Lorraine, enfin la porte Guillaume, route de Paris par Auxerre et par Troyes.

Cette dernière étoit dans une ancienne tour ronde qui fut démolie en 1783, et sur son emplacement fut élevée celle actuelle sous la forme d’un arc de triomphe en l’honneur du Prince gouverneur de la Bourgogne, duquel on retraça sur des tables les exploits victorieux[15] ; alors elle prit le nom de porte Condé. Sous la révolution, on remplaça ces tables triomphales et fastueuses par la déclaration des droits de l’homme, et cette porte fut appelée de la liberté ; elle a repris le nom de porte Guillaume qu’elle n’auroit jamais dû perdre, si les sentimens éternels de la reconnoissance n’eussent pas été étouffés par ceux de la flatterie et de l’enthousiasme.

Ce monument, élevé en 1784 sur les plans et sous la direction de M. le comte Maret, alors ingénieur-voyer de la ville de Dijon, aujourd’hui conseiller d’État, est d’architecture dorique ; c’est le seul que le burin n’ait pas tracé, et par cette raison ce sera la seule gravure que je joindrai à ces essais.

Nous voici à l’hôtel où vous avez envoyé votre voiture ; entrons-y pour prendre un peu de repos, vous devez en avoir besoin. Après la course que je vous ai fait faire, nous trouverons beaucoup meilleur le déjeûner que vous avez eu l’attention de faire préparer, il nous donnera de nouvelles forces pour la seconde promenade que j’aurai à vous proposer, et si la tournée que nous venons de faire ne vous a pas déplu, la seconde doit certainement vous intéresser encore davantage.



  1. Vous savez que dans son épître à Maxime, Julien nous rapporte que lorsqu’un Gaulois soupçonnoit d’infidélité son épouse, il la forçoit à précipiter elle-même, dans les eaux du Rhin, les enfans qu’il avoit eus d’elle ; si ces enfans alloient au fond de l’eau, l’épouse étoit réputée coupable d’adultère, et comme telle mise à mort ; si au contraire les enfans pouvoient gagner l’un des bords du fleuve, ils devenoient la preuve de l’innocence de leur mère ; vertu, dit Sainte-Foix, qu’heureusement l’on n’a jamais attribuée à la Seine : c’étoit le contraire pour les eaux de l’Ouche. On nous rapporte qu’en 1640, les habitans de Mâlain, attribuant aux sorciers les intempéries qui détruisirent leurs récoltes, se saisirent de ceux qu’ils présumoient magiciens, leur attachèrent les pouces aux orteils, et les précipitèrent dans l’Ouche, faisant grâce à ceux qui allèrent au fond de l’eau, et réputant convaincus de pacte avec le diable, ceux qui avoient surnagé. Ils firent en conséquence le procès à treize de ces malheureux, trois furent condamnés à être pendus, comme sorciers et magiciens ; mais le parlement les innocenta, et renvoya dans leurs foyers ces victimes d’une superstition ignorante et cruelle.
  2. Jean-François Durande, né à Dijon, le . . . . . . . étoit profondément versé dans toutes les connoissances qui se rattachent au grand art de guérir les hommes : sa Flore de Bourgogne, ses mémoires sur la coraline, les champignons, les abus dans l’ensevelissement des morts, et sur plusieurs autres sujets, insérés dans les Mémoires de l’Académie de Dijon, dont il fut un des membres distingués, établissent la réputation de ce médecin praticien. Il mourut le 23 janvier 1794.
  3. Louis-Gabriel Monnier, né à Besançon le 11 octobre 1733, mort à Dijon le 28 février 1804, manifesta son penchant pour les arts dès l’âge le plus tendre, et se livra sans réserve à son goût pour la gravure. Les cartouches de la carte botanique, de celle de Bourgogne par Pourcher, les planches des antiquités de Dijon, du Salluste de M. Debrosses, les vignettes du 4.e vol. de la grande histoire de Bourgogne, sont autant de monumens que cet artiste a laissés de ses talens et de ses droits à l’estime publique.
  4. Elle fut donnée le 5 Juin 1595 : M. de la Mare assure avoir souvent ouï dire à sa mère qu’Henri IV, en entrant à Dijon, avoit un pourpoint de futaine blanche percé aux deux coudes, et que le matin du jour de cette bataille, elle le vit aux stalles des chanoines de la Sainte-Chapelle, où il étoit venu seul, et qu’il y prioit Dieu avec une ardeur édifiante.
  5. Les arquebusiers d’Auxonne arrivèrent au dernier assaut que Galas donna à la ville de Saint-Jean-de-Laône, et partageant, sur la brèche, en zélés voisins, l’honneur et les dangers des assiégés, contribuèrent à faire lever le siège. Ceux de Dijon accompagnèrent Louis XIV au siège de Besançon, en 1674 ; l’on attribue à Éverard, l’un d’eux, la prise de la citadelle ; Louis-le-Grand, en satisfaction des services des chevaliers de l’Arquebuse de Dijon, fit présent d’une épée à J. Beruchot, leur commandant.
  6. Émilland-Marie Gauthey, né à Châlon-sur-Saône le 3 décembre 1732, d’abord professeur de mathématiques à l’école des ponts et chaussées, fut envoyé en Bourgogne comme sous-ingénieur, en 1758 : le quai de Châlon, le pont de Navilly, l’église de Chagny, le palais des États à Dijon, sont des ouvrages qui attestent les talens de cet ingénieur, qui fut nommé, en 1791, inspecteur général des ponts et chaussées, fonctions qu’il remplit avec zèle et distinction jusqu’à sa mort arrivée le 14 juillet 1807. M. Navier, son neveu, a publié son éloge et ses œuvres en plusieurs volumes in-4.o contenant ses traités sur l’art de construire les ponts, canaux de navigation, écluses, etc. etc.
  7. On lisoit sur l’une des faces cette inscription :
    L’AN DE GRÂCE MDCCLXXXIV,
    XI.e DU RÈGNE DE LOUIS XVI
    LE XXIV JUILLET
    S. A. S. L. J. DE BOURBON PRINCE DE CONDÉ
    A POSÉ AU NOM DU ROI
    À L’ÉCLUSE DE SAINT-JEAN-DE-LAÔNE
    LA PREMIÈRE PIERRE DU CANAL DE BOURGOGNE
    POUR LA COMMUNICATION DES DEUX MERS
    PAR LA SAÔNE ET LA SEINE
    ENTREPRIS PAR LES ÉTATS DE BOURGOGNE
    EN VERTU DES ÉDITS DU ROI
    DES MOIS DE SEPTEMBRE ET DECEMBRE
    MDCCLXXXIII.
  8. Les Filles de la Charité, les établissemens des enfans trouvés, qu’avant lui l’on vendoit 20 s. pièce dans la rue Saint-Landri, et auxquels il procura dans l’une de ses exhortations, 40,000 fr. ; les hôpitaux de Bicêtre et de la Salpêtrière, celui de Marseille pour les forçats, de Sainte-Reine pour les pélerins, du Saint nom de Jésus pour les vieillards, de la Pitié, etc. etc. etc.
  9. Jean Guenebaud né à Dijon, y revint sur la fin de 1596, et y mourut en 1630 ; il étoit médecin du Gouverneur, et avoit, dans sa partie, des connoissances assez étendues.
  10. Le lépreux étranger devoit être conduit hors du territoire et banni ; celui du lieu devoit être conduit aux épreuves aux dépens des paroissiens, et s’il étoit reconnu atteint de la lèpre, on devoit lui fournir chapeau et manteau gris, cliquette et besace, lui bâtir une loge montée sur quatre étais, pour s’y renfermer ; on célébroit ses funérailles quasi mortuus ; après sa mort, il étoit brûlé dans sa loge avec ses meubles et ses habits. Voy. au surplus Éphém. de Grosley, tom. 2, pag. 154.
  11. L’année suivante l’Académie française proposa pour sujet de prix la même question, mais sans laisser la latitude de la négative ; le P. Courtois, jésuite, professeur de rhétorique à Dijon, mérita cette palme littéraire.
  12. Louis II de Bourbon, le Grand Condé, étoit gouverneur de Bourgogne depuis 1646 ; vous me permettrez de vous dire un mot de ce grand capitaine, le rival et l’émule de Turenne, le vainqueur de Rocroi, de Fribourg et de Norlingue, de Senef, de Tolhuis et de Merci, plus grand s’il n’eût jamais tourné ses armes contre sa patrie : aussi disoit-il, Si j’avois à me changer, ce seroit en Turenne. Son génie pour les sciences et les beaux-arts ne le cédoit point à ses talens militaires ; Chantilly devint à la paix, le rendez-vous des Corneille, Racine et Boileau, des Bossuet, Bourdaloue, et autres grands hommes du siècle de Louis XIV, qui rendoient hommage à la grandeur de son génie. Condé étoit très attaché à sa religion, et voulut à sa mort, (1685) en donner une déclaration formelle.
  13. Anne-Louise-Bénéd. de Bourbon, petite-fille du grand Condé, fut mariée le 19 mars 1692, à Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan : c’étoit à ce prince que Louis XIV avoit, par son testament, donné la régence ; malgré cette disposition, le duc d’Orléans mit tout en œuvre pour l’obtenir, tandis que le duc du Maine se croyant assez fort de la volonté du feu Roi, s’occupoit à traduire l’Anti-Lucrèce. La duchesse son épouse lui reprochoit son inaction, dans cette circonstance : Vous apprendrez un beau matin, lui disoit-elle, que vous êtes reçu à l’Académie, et que M. d’Orléans aura la régence ; prédiction qui fut confirmée dans tous ses points. Mais malgré l’indifférence qu’avoit montrée le duc du Maine pour avoir en main l’autorité royale, cela n’empêcha point qu’il ne fût accusé d’avoir trempé dans le plan formé par Ie cardinal Albéroni, pour enlever la régence au Duc d’Orléans, et en conséquence il fut arrêté et conduit en 1718 à la citadelle de Dourlens ; la duchesse son épouse fut amenée au château de Dijon, où elle resta deux années ; ce fut pour elle qu’on fit bâtir le pavillon qui est au fond de la cour. Rendue à la liberté, en 1720, la duchesse du Maine se retira à Sceaux, et dans cette retraite la suivirent les sciences et les arts qu’elle ne cessa d’encourager, de protéger, de cultiver elle-même, jusqu’à sa mort arrivée le 23 janvier 1753. Son portrait est gravé par Crespy et Desrochers.
  14. Le comte de Mirabeau s’étoit évadé du fort de Joux, où il avoit été renfermé, pour suivre à Dijon sa Sophie (née de Ruffey, épouse du marquis de Monnier, premier président de la chambre des comptes de Dôle), qu’on avoit envoyée dans sa famille ; il y fut d’abord arrêté par le grand prévôt, qui cependant lui laissa sa liberté sur parole : mais comme ce n’étoit pas cela que vouloient les familles de Ruffey et de Monnier, des ordres arrivèrent, le 21 mars 1776, pour le faire renfermer au château de Dijon. Mirabeau y fut traité avec beaucoup d’égards par M. et Made. de Changey, desquels il se loue beaucoup, et ce furent ces mêmes égards qui ayant encore déplu aux familles causes de sa détention, firent solliciter et obtenir sa translation à la citadelle de Dourlens. Alors Mirabeau chercha à s’évader du château de Dijon, y réussit à une seconde tentative, et le 15 mai 1776, il partit pour la Suisse où il étoit convenu que sa Sophie iroit le rejoindre. — Je ne vous en dirai pas davantage sur cet homme dont la vie politique et privée est connue de tout le monde.
  15. Natus annos XVIII
    Burgundiam avitâ virtute regere auspicatus est
    anno M.D.CCLIV
    flagrante mox bello, ardua majorum exempla
    æmulatus
    ad castra convolavit
    oppid. Meppen ad deditionem coegit MDCCLXI
    hostem repressit ad Gruningen
    vicit ad Johansberg an. MDCCLXII.
    pace restitutâ
    ad litteras, ad artes animum vertit
    curis obsequiisque
    apud munificentissimos Reges
    Ludovicum XV et Ludovicum XVI
    Provinciam
    omnibus litterarum artium et commerciorum
    adjumentis
    locupletavit et ornavit.