Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 9

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 34-35).
§ 9. Des shewa colorés ou ḥaṭef.

a Les trois signes ◌ֲ, ◌ֱ, ◌ֳ (§ 6 e) sont appelés ḥaṭef (aram. חָטֵף corripiens, enlevant, abrégeant), ou encore shewa composés. On les appelle ici shewa colorés par opposition au shewa incolore c.-à-d. au shewa simple prononcé. Ce sont des voyelles extrêmement brèves, comme le shewa prononcé ; de sorte qu’on peut les appeler demi-voyelles (par opposition aux voyelles pleines). Les trois shewa colorés se trouvent très souvent sous les gutturales : les règles seront données à propos des gutturales (§ 21 fi).

b Comme le shewa simple prononcé, le shewa coloré peut être mobile ou moyen (cf. § 8 cd) :

Mobile, p. ex. עֲמֹד, שָֽׁחֲטוּ, יִשְׁחֲטוּ, יִשְׁלָֽחֲךָ, מֵֽאֲנוּ (piel).

Moyen, p. ex. יַֽעֲמֹד, שַֽׁחֲטוּ (impér. : « égorgez »), שִׁלַּֽחֲךָ, הִבָּרַֽאֲךָ, בִּֽעֲרוּ (piel), יֶֽחֱזַק, פָּֽעֳלוֹ.

c Sous les non-gutturales on a assez souvent un shewa coloré au lieu du shewa simple. On ne saurait donner à ce sujet des règles précises, d’autant que souvent les manuscrits varient[1].

Sous les non-gutturales, quand on doit avoir une voyelle un peu plus forte que le simple shewa, on ne met jamais ◌ֱ, sans doute senti comme trop faible ; on prend généralement ◌ֲ, à moins qu’il n’y ait une cause spéciale (étymologie ou harmonie) de choisir ◌ֳ. Il suit de là que ce ◌ֲ et ce ◌ֳ ne représentent pas nécessairement une voyelle primitive a ou u ; p. ex. on a סֽוֹבֲבָה de סוֹבֵב, אֶשֳּׁקָה de אֶשַּׁק.

d Principaux cas où l’on a ◌ֲ (ḥaṭef pataḥ) :

  1. 1) Généralement sous une consonne qui est ensuite répétée, p. ex. dans la flexion des verbes ע״ע : סֽוֹבֲבוּ, הַֽלֲלוּ « louez » (pour הַלְּלוּ*, piel). Mais on dit p. ex. יְבָֽרֶכְךָֿ « il te bénira » Gn 27, 10 (shewa moyen § 8 f 8). On a toujours הִנְנִי, הִנְנוּ (shewa moyen § 8 f 9) (en pause הִנֵּ֑נִי, הִנֵּ֑נוּ).
  2. 2) Généralement sous une consonne interne qui a perdu son redoublement, p. ex. וַתְּאַֽלֲצֵ֑הוּ « et elle le pressa » Jug 16, 16 (piel).
  3. 3) Sous כ, ר, dans certaines formes, après une voyelle longue ou moyenne, devant le ton, p. ex. תֹּֽאכֲלֶ֫נָּה Gn 3, 17 ; בָּֽרֲכִי Ps 103, 1.
  4. 4) Sous une sifflante après וּ « et », p. ex. וּֽזֲהַב « et l’or de… » Gn 2, 12 ; וּֽשֲׁקָה־לִּי « et embrasse-moi » Gn 27, 26.

e Principaux cas où l’on a ◌ֳ (ḥaṭef qameṣ) :

  1. 1) Pour raison d’étymologie, p. ex. קָדְקֳדוֹ « le sommet de sa tête » de *qudqud > קָדְקֹד ; קֳדָשִׁים de *qudš > קֹ֫דֶשׁ (auprès de קָֽדָשִׁים qo̦-ḏåšīm § 6 l).
  2. 2) Pour raison d’harmonie : quelquefois devant une gutturale ou une vélaire avec å, p. ex. וְנִקְרֳאָה « et elle sera appelée » Esth 2, 14 ; אֶשֳּׁקָה־נָּא « je voudrais embrasser » 1 R 19, 20. Ce ◌ֳ s’explique probablement par le fait que le ◌ָֽ était prononcé .

  1. Il est remarquable que les usages de l’hébreu sur ce point concordent assez bien avec ceux de l’araméen biblique (cf. Kautzsch, Grammatik des Biblisch-Aramäischen, p. 36). Il est fort possible qu’il y ait eu ici influence de la vocalisation de l’araméen sur celle de l’hébreu.